Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le membre visé devait répondre de cinq allégations à la suite d’un incident lors duquel il a saisi des biens après avoir donné une contravention pour possession illégale d’alcool. Il a par la suite fait une inscription trompeuse dans le Système d’incidents et de rapports de police et a écrit un courriel dans lequel il a faussement déclaré que les biens avaient été éliminés sur place. Les mesures disciplinaires imposées dans cette affaire consistent en un avertissement assorti d’une confiscation de solde correspondant de trente-cinq jours de travail.

Contenu de la décision

Protégé A

Numéro de dossier : 2015-33821

Référence : 2016 DARD 3

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

AUDIENCE DISCIPLINAIRE

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT

LA LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Entre :

Commandante de la Division K

Autorité disciplinaire

- et -

Gendarme Charles Clarke, matricule 55134

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Inspecteur James Robert Knopp, comité de déontologie

6 juin 2016

Sergent d’état-major Jonathon Hart, représentant de l’autorité disciplinaire

Me Nicole Jedlinski et le sergent d’état-major Colin Miller, représentants du membre


Table des matières

Résumé  3

Introduction  4

Allégations  4

Décision préliminaire relative aux pièces à conviction  14

Témoignage  16

Argumentations relatives aux allégations  28

Décision concernant les allégations  31

Preuve relative aux mesures disciplinaires  40

Argumentations relatives aux mesures disciplinaires  40

Décision relative aux mesures disciplinaires  50

Facteurs aggravants  57

Facteurs atténuants  57

Mesures disciplinaires imposées  64

 

Résumé

Le membre visé devait répondre de cinq allégations à la suite d’un incident lors duquel il a saisi des biens après avoir donné une contravention pour possession illégale d’alcool. Il a par la suite fait une inscription trompeuse dans le Système d’incidents et de rapports de police et a écrit un courriel dans lequel il a faussement déclaré que les biens avaient été éliminés sur place. Les mesures disciplinaires imposées dans cette affaire consistent en un avertissement assorti d’une confiscation de solde correspondant de trente-cinq jours de travail.

 


Introduction

[1]  Un avis d’audience disciplinaire (l’avis), conforme à la partie IV de la Loi sur la GRC, a été signifié au membre visé le 26 juillet 2015. L’avis, produit le 16 juillet 2015 par la commandante divisionnaire et l’autorité disciplinaire de la Division K, contenait cinq allégations. L’audience disciplinaire a eu lieu à Calgary (Alberta) du 12 au 14 avril 2016 inclusivement et c’est à ce moment que les cinq allégations ont été établies. La décision relative aux mesures disciplinaires a été mise en délibéré, mais un résumé de la décision a été communiqué aux parties le 18 avril 2016. Le présent document constitue la décision complète, mesures disciplinaires comprises.

Allégations

[2]  À la suite d’une enquête déontologique, cinq allégations ont été formulées contre le membre visé. Le 19 octobre 2015, les représentants du membre (les r.m.) ont déposé la réponse (en italique) du membre visé aux allégations. Voici les allégations et la réponse du membre visé à chacun des énoncés détaillés :

Allégation 1

Entre le 17 juillet et le 25 juillet 2014, à Blairmore ou dans ses environs, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de [l’allégation 1]

1. Durant toute la période en cause, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Crowsnest Pass, dans la Division K, en Alberta.

Admis.

2. La nuit du 16 au 17 juillet 2014, vous avez arrêté [M. A] et lui avez remis plusieurs contraventions.

Admis.

3. Vous avez saisi une glacière et son contenu dans le véhicule associé à [M. A]. La glacière contenait de nombreux articles, dont plusieurs bouteilles de bière pleines.

a) [Le membre visé] a pris possession de la glacière et de son contenu, mais il ne l’a pas « saisie », étant donné qu’il n’avait pas l’intention de l’utiliser comme preuve.

b) La glacière contenait de nombreux articles, dont plusieurs bouteilles de bière pleines (aux témoins : de la Corona).

4. Vous avez placé la glacière dans votre autopatrouille et vous êtes retourné au Détachement de Crowsnest Pass de la GRC, puis vous avez rangé la glacière et son contenu dans la salle d’entreposage du détachement.

Admis.

5. Le 23 juillet 2014, vous avez placé la glacière dans la camionnette de [M. B]. Vous avez mentionné que [M. B] pouvait conserver le contenu, mais que la glacière devait être retournée.

Nié.

a) [Le membre visé] n’a pas placé la glacière à l’arrière de la camionnette de [M. B].

b) [Le membre visé] croit que [M. B] est pompier, mais il ne le connaît pas personnellement.

c) [M. C] a placé la glacière à l’arrière d’une camionnette blanche.

d) [Le membre visé] ne savait pas à qui appartenait la camionnette blanche à ce moment.

e) [Le membre visé] n’a pas dit à [M. B] qu’il pouvait conserver le contenu, mais que la glacière devait être retournée. [Le membre visé] a dit à [M. C] que la glacière devait être retournée.

f) Un pompier inconnu a parlé au [membre visé] et lui a demandé si la glacière était pour eux, ce à quoi [le membre visé] a répondu qu’il fallait l’éliminer.

g) Il est possible que le pompier inconnu était [M. B] et, dans l’affirmative, c’est la seule conversation qu’ils ont eue.

6. Le 25 juillet 2014, vous avez apposé une étiquette de pièce à conviction sur la glacière et l’avez remise dans un lieu d’entreposage sécuritaire.

Admis.

7. Vous n’avez pas mis la glacière et son contenu en sûreté dès que possible dans un lieu d’entreposage adéquat et sécuritaire, contrevenant ainsi à l’article 3.1.1.5 du chapitre 22.1., Traitement, du MO.

a) [Le membre visé] admet ne pas avoir pris les mesures décrites dans l’énoncé détaillé; cependant, il n’a pas pris possession de l’alcool pour s’en servir comme pièce à conviction, mais plutôt pour l’éliminer.

b) Il n’a pas éliminé l’alcool sur place, comme la pratique le veut, parce qu’il n’avait pas d’ouvre-bouteille pour décapsuler les bouteilles de bière.

8. Vous n’avez pas inscrit et fait le suivi de la glacière et de son contenu dans le système de gestion des dossiers, contrevenant ainsi à l’article 3.1.1.6 du chapitre 22.1., Traitement, du MO.

a) [Le membre visé] admet ne pas avoir pris les mesures décrites dans l’énoncé détaillé; cependant, il n’a pas pris possession de l’alcool pour s’en servir comme pièce à conviction, mais plutôt pour l’éliminer.

b) Il n’a pas éliminé l’alcool sur place, comme la pratique le veut, parce qu’il n’avait pas d’ouvre-bouteille pour décapsuler les bouteilles de bière.

9. Vous n’avez pas conservé l’alcool saisi pour une période de 30 jours, en contravention de l’article 2.4.1 de la Gaming and Liquor Act qu’on trouve au chapitre 9 de la partie V du Manuel des opérations de la Division K.

a) [Le membre visé] admet ne pas avoir pris les mesures décrites dans l’énoncé détaillé; cependant, il n’a pas pris possession de l’alcool pour s’en servir comme pièce à conviction, mais plutôt pour l’éliminer.

b) Il n’a pas éliminé l’alcool sur place, comme la pratique le veut, parce qu’il n’avait pas d’ouvre-bouteille pour décapsuler les bouteilles de bière.

10. Vous ne vous êtes pas débarrassé de la glacière et de son contenu conformément à l’article 2.5 de la Gaming and Liquor Act qu’on trouve au chapitre 9 de la partie V du Manuel des opérations de la Division K.

a) [Le membre visé] admet ne pas avoir pris les mesures décrites dans l’énoncé détaillé; cependant, il n’a pas pris possession de l’alcool pour s’en servir comme pièce à conviction, mais plutôt pour l’éliminer.

b) Il n’a pas éliminé l’alcool sur place, comme la pratique le veut, parce qu’il n’avait pas d’ouvre-bouteille pour décapsuler les bouteilles de bière.

Allégation 2

Le ou vers le 23 juillet 2014, à Blairmore ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de [l’allégation 2]

1. Durant toute la période en cause, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Crowsnest Pass, dans la Division K, en Alberta.

Admis.

2. La nuit du 16 au 17 juillet 2014, vous avez arrêté [M. A] et saisi une glacière et son contenu dans le véhicule associé à [M. A]. La glacière contenait de nombreux articles, dont plusieurs bouteilles de bière pleines.

a) La nuit du 16 au 17 juillet 2014, [le membre visé] a pris possession de la glacière et de son contenu, mais il ne l’a pas « saisie », étant donné qu’il n’avait pas l’intention de l’utiliser comme preuve.

b) La glacière contenait de nombreux articles, dont plusieurs bouteilles de bière pleines (aux témoins : de la Corona).

3. Le 23 juillet 2014, vous avez rédigé un rapport complémentaire dans le SIRP et dans lequel vous avez écrit que l’alcool saisi à [M. A] avait été éliminé et que la glacière saisie se trouvait toujours dans le garage.

a) Le 23 juillet 2014, [le membre visé] a rédigé un texte complémentaire à son rapport général dans lequel il a écrit que l’alcool avait été éliminé et que la glacière se trouvait toujours dans le garage.

b) [Le membre visé] a rédigé ce texte avant d’exécuter le plan d’action qu’il comptait suivre. Il avait l’intention d’éliminer l’alcool après avoir rédigé ce texte et il allait prendre ces mesures lorsqu’il a remarqué des pompiers qui effectuaient un exercice de formation en face du détachement. Il a décide de leur donner l’alcool au lieu de l’éliminer au détachement.

c) [Le membre visé] avait l’intention de retourner la glacière au garage une fois qu’il se serait débarrassé de l’alcool.

4. Le rapport complémentaire que vous avez consigné dans le SIRP contenait des renseignements trompeurs ou faux.

a) [Le membre visé] n’avait pas l’intention de rédiger un rapport trompeur ou faux, il a rédigé ce rapport avant de prendre les mesures qu’il avait l’intention de prendre.

Allégation 3

Le ou vers le 25 juillet 2014, à Blairmore ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la

Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de [l’allégation 3]

1. Durant toute la période en cause, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Crowsnest Pass, dans la Division K, en Alberta.

Admis.

2. La nuit du 16 au 17 juillet 2014, vous avez arrêté [M. A] et saisi une glacière et son contenu dans le véhicule associé à [M. A]. La glacière contenait de nombreux articles, dont plusieurs bouteilles de bière pleines.

a) La nuit du 16 au 17 juillet 2014, [le membre visé] a pris possession de la glacière et de son contenu, mais il ne l’a pas « saisie », étant donné qu’il n’avait pas l’intention de l’utiliser comme preuve.

b) La glacière contenait de nombreux articles, dont plusieurs bouteilles de bière pleines (aux témoins : de la Corona).

3. Le 25 juillet 2014, vous avez rédigé un courriel et l’avez envoyé à votre superviseur, le caporal Kevin McKenna, dans lequel vous avez affirmé que personne n’avait réclamé l’alcool et que vous l’avez déversé.

Admis.

4. Le courriel que vous avez envoyé au caporal Kevin McKenna contenait des renseignements trompeurs ou faux.

a) [Le membre visé] a écrit ce courriel en se fondant sur l’information que lui avait communiquée [M. C]. [M. C] avait mentionné avoir déversé l’alcool derrière la caserne de pompier et avoir lavé l’endroit à l’aide de tuyaux d’incendie.

b) [Le membre visé] n’avait pas l’intention de tromper quiconque ou de fournir de faux renseignements.

Allégation 4

Entre le 17 et le 25 juillet 2014, à Blairmore ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de [l’allégation 4]

1. Durant toute la période en cause, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Crowsnest Pass, dans la Division K, en Alberta.

Admis.

2. La nuit du 16 au 17 juillet 2014, vous avez arrêté [M. A] et saisi une glacière et son contenu dans le véhicule associé à [M. A]. La glacière contenait de nombreux articles, dont plusieurs bouteilles de bière pleines.

a) La nuit du 16 au 17 juillet 2014, [le membre visé] a pris possession de la glacière et de son contenu, mais il ne l’a pas « saisie », étant donné qu’il n’avait pas l’intention de l’utiliser comme preuve.

b) La glacière contenait de nombreux articles, dont plusieurs bouteilles de bière pleines (aux témoins : de la Corona).

3. Le 23 juillet 2014, vous avez demandé au chef des pompiers de [endroit], [M. C] si les gars voulaient se débarrasser du contenu de la glacière ou quelque chose de semblable.

Nié.

a) [Le membre visé] a dit au chef des pompiers [M. C] qu’il avait quelque chose à lui remettre afin qu’il s’en débarrasse et il lui a remis la glacière.

4. Le 23 juillet 2014, vous avez placé la glacière dans la camionnette de [M. B]. Vous avez mentionné que [M. B] pouvait conserver le contenu, mais que la glacière devait être retournée.

Nié.

a) [Le membre visé] n’a pas placé la glacière à l’arrière de la camionnette de [M. B].

b) [Le membre visé] croit que [M. B] est pompier, mais il ne le connaît pas personnellement.

c) [M. C.] a placé la glacière à l’arrière d’une camionnette blanche.

d) [Le membre visé] ne savait pas à qui appartenait la camionnette blanche à ce moment.

e) [Le membre visé] n’a pas dit à [M. B] qu’il pouvait conserver le contenu, mais que la glacière devait être retournée. [Le membre visé] a dit à [M. C] que la glacière devait être retournée.

f) Un pompier inconnu a parlé au [membre visé] et lui a demandé si la glacière était pour eux, ce à quoi [le membre visé] a répondu qu’il fallait l’éliminer.

g) Il est possible que le pompier inconnu était [M. B] et, dans l’affirmative, c’est la seule conversation qu’ils ont eue.

5. Vous avez illégalement donné des pièces à conviction.

a) [Le membre visé] admet avoir donné à tort des biens.

b) Cependant, il n’a pas pris possession de l’alcool pour s’en servir comme pièce à conviction, mais plutôt pour l’éliminer.

c) Il n’a pas éliminé l’alcool sur place, comme la pratique le veut, parce qu’il n’avait pas d’ouvre-bouteille pour décapsuler les bouteilles de bière.

Allégation 5

Entre le 23 et le 25 juillet 2014, à Blairmore ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de [l’allégation 5]

1. Durant toute la période en cause, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Crowsnest Pass, dans la Division K, en Alberta.

Admis.

2. La nuit du 16 au 17 juillet 2014, vous avez arrêté [M. A] et saisi une glacière et son contenu dans le véhicule associé à [M. A]. La glacière contenait de nombreux articles, dont plusieurs bouteilles de bière pleines.

a) La nuit du 16 au 17 juillet, [le membre visé] a pris possession de la glacière et de son contenu, mais il ne l’a pas « saisie », étant donné qu’il n’avait pas l’intention de l’utiliser comme preuve.

b) La glacière contenait de nombreux articles, dont plusieurs bouteilles de bière pleines (aux témoins : de la Corona).

3. Le 23 juillet 2014, vous avez demandé au chef des pompiers de [endroit], [M. C] si les gars voulaient se débarrasser du contenu de la glacière ou quelque chose de semblable.

Nié.

a) [Le membre visé] a dit à [M. C] qu’il avait quelque chose à lui remettre afin qu’il s’en débarrasse et il lui a remis la glacière.

4. Le 23 juillet 2014, vous avez placé la glacière dans la camionnette de [M. B]. Vous avez mentionné que [M. B] pouvait conserver le contenu, mais que la glacière devait être retournée.

Nié.

a) [Le membre visé] n’a pas placé la glacière à l’arrière de la camionnette de [M. B].

b) [Le membre visé] croit que [M. B] est pompier, mais il ne le connaît pas personnellement.

c) [M. C] a placé la glacière à l’arrière d’une camionnette blanche.

d) [Le membre visé] ne savait pas à qui appartenait la camionnette blanche à ce moment.

e) [Le membre visé] n’a pas dit à [M. B] qu’il pouvait conserver le contenu, mais que la glacière devait être retournée. [Le membre visé] a dit à [M. C] que la glacière devait être retournée.

f) Un pompier inconnu a parlé au [membre visé] et lui a demandé si la glacière était pour eux, ce à quoi [le membre visé] a répondu qu’il fallait l’éliminer.

g) Il est possible que le pompier inconnu était [M. B] et, dans l’affirmative, c’est la seule conversation qu’ils ont eue.

5. Le 25 juillet 2014, vous avez dit à [M. C] de fournir de faux renseignements en ce qui concerne l’élimination de l’alcool contenu dans la glacière qui avait été remise à [M. B].

Nié.

a) [Le membre visé] a parlé avec [M. C] le ou vers le 25 juillet 2014 pour vérifier où se trouvait la glacière et pour l’informer que le caporal McKenna pourrait vouloir lui parler.

b) [Le membre visé] n’a donné aucune directive à [M. C] et il n’a pas suggéré à [M. C] de fournir de faux renseignements quant à l’élimination de l’alcool.

c) Sans qu’on le lui demande, [M. C] a déclaré que si quelqu’un posait des questions, il allait affirmer avoir déversé l’alcool derrière la caserne de pompier et avoir lavé l’endroit à l’aide de tuyaux d’incendie.

d) De plus, [M. C] a dit [au membre visé] qu’il dirait avoir mis les bouteilles au recyclage.

[3]  Le membre visé a fait une déclaration avant l’audience contradictoire et celle-ci est signée et datée du 19 octobre 2015. La déclaration est reproduite ci-dessous :

Déclaration du [membre visé]

[Traduction]

Le 16 juillet 2014, j’étais de service, en uniforme, au Détachement de Crowsnest Pass.

Un appel 911 a été reçu par les télécommunications pour les informer qu’une camionnette s’était retrouvée dans le fossé et que deux hommes marchaient autour de celle-ci.

Je me suis rendu sur les lieux en compagnie de la gendarme Kelly Willett.

Les occupants du véhicule s’étaient enfuis dans les bois lorsque les policiers sont arrivés.

J’ai repéré une bouteille de bière non ouverte dans la cabine et une glacière de bières dans la caisse de la camionnette.

J’ai utilisé des lentilles d’imagerie thermique pour repérer les deux jeunes.

Un des deux hommes a admis avoir conduit la camionnette, qui appartenait à son grand-père.

Aucun des deux jeunes ne semblait avoir consommé de l’alcool.

J’ai appelé les parents du jeune qui a reconnu avoir conduit, tandis que l’autre jeune a été reconduit chez lui par la gendarme Kelly Willett.

Les parents du conducteur se sont rendus sur les lieux.

J’ai posé des questions aux jeunes et aux parents et personne n’a dit être propriétaire de la glacière.

La camionnette a été garée dans une entrée de cour du voisinage en raison de l’absence des documents exigés.

J’ai retiré la glacière de la camionnette avec le consentement des parents puis, avec l’aide de la gendarme Willett l’a placée à l’arrière de mon autopatrouille.

J’aurais déversé la bière sur les lieux, ce que je fais habituellement et ce qui est la pratique normale du détachement, mais comme la bière était de la Corona, j’aurais eu besoin d’un ouvre- bouteille et je n’en avais pas.

J’ai donné plusieurs contraventions provinciales au conducteur de la camionnette et j’ai expliqué à ses parents pourquoi je lui avais donné ces contraventions.

À mon retour au détachement, j’ai placé la glacière dans le garage.

Je n’ai pas vu la bière et la glacière comme des pièces à conviction étant donné qu’elles ne constituaient pas une preuve de l’infraction.

J’ai laissé la glacière dans le garage avant qu’on s’en débarrasse étant donné que j’étais trop occupé ce soir-là pour m’acquitter de cette tâche.

J’ai par la suite pris mon congé hebdomadaire.

Avant de me débarrasser de la glacière, [Mme D] a mentionné que je devrais m’en défaire en raison d’un examen qui s’en venait.

Le 23 juillet 2014, j’avais l’intention de me débarrasser de la bière au détachement et j’ai rédigé un texte complémentaire en décrivant les mesures que je voulais prendre. Je suis ensuite sorti et j’ai remarqué les pompiers qui s’entraînaient de l’autre côté de la rue à la caserne.

J’ai vu [M. C] et je lui ai demandé de venir avec moi au détachement.

J’ai sorti la glacière du garage et j’ai dit à [M. C] que j’aimerais qu’il se débarrasse de quelque chose.

Lorsque j’ai demandé à [M. C] de se débarrasser de la bière, je me doutais que la bière pourrait être consommée, mais je ne lui ai donné aucune directive quant à son élimination.

J’ai emmené la glacière de l’autre côté de la rue jusqu’à la caserne.

Un pompier que je ne connais pas m’a demandé si la glacière était pour eux et je lui ai répondu qu’il fallait s’en débarrasser.

[M. C.] a placé la glacière à l’arrière d’une camionnette blanche.

Je ne savais pas à qui appartenait la camionnette blanche.

C’est la dernière fois que j’ai vu l’alcool.

Un ou deux jours plus tard, la gendarme Willett m’a informé que le caporal Kevin McKenna cherchait la glacière et l’alcool.

Le 25 juillet 2014, j’ai appelé [M. C] pour lui demander où se trouvait la glacière et je lui ai dit que le caporal McKenna pourrait venir le voir pour s’informer de la glacière.

[M. C] m’a dit que si quelqu’un lui posait des questions, il lui dirait qu’il a déversé l’alcool derrière la caserne et qu’il avait utilisé des tuyaux d’incendie pour nettoyer l’endroit.

J’ai dit à [M. C] que je ne savais pas ce qu’il avait fait avec la bière après que je lui ai donnée.

[M. C] m’a aussi mentionné qu’il dirait avoir mis les bouteilles au recyclage.

Je n’ai donné aucune directive à [M. C] et je n’ai pas demandé à [M. C] de mentir pour moi.

[M. C] m’a dit que la glacière était dans la caserne et il m’a donné le code pour entrer dans l’immeuble.

Je me suis rendu à la caserne, j’ai récupéré la glacière vide et je l’ai remise dans le garage.

Le caporal McKenna m’a donné la directive verbale d’étiqueter la glacière et de la placer dans les éléments de preuve.

Je me sens responsable d’avoir mis [M. C] dans l’embarras et je le regrette.

[M. C] et moi étions de bons amis.

J’assume la responsabilité de m’être débarrassé de l’alcool de manière inadéquate.

En ce qui concerne les saisies d’origine inconnue, je me rappelle que lors de la réunion de service qui s’est déroulée le 11 juin 2014, on avait parlé des saisies de drogues.

Je ne me rappelle pas avoir effectué une saisie d’origine inconnue concernant de l’alcool.

Décision préliminaire relative aux pièces à conviction

[4]  Avant l’audience, j’ai exigé des argumentations écrites concernant deux questions :

  1. à savoir si la glacière de bières et la bière étaient des pièces à conviction, comme le décrit l’allégation 4, au sens de la politique de la GRC en vigueur à ce moment;
  2. à savoir si le mot saisi(e), qui est utilisé dans les cinq allégations dans le texte en anglais, sous-entend que les articles en question étaient réellement des pièces à conviction au sens de la politique de la GRC en vigueur à ce moment.

[5]  Le représentant de l’autorité disciplinaire (le « RAD ») cite le chapitre 22.1 du Manuel des opérations qui définit une pièce à conviction comme étant « Tout bien saisi par un membre au cours d’une enquête et susceptible d’avoir une valeur probante. » Le membre visé a donné une contravention au jeune en question parce qu’il était en possession d’alcool, en contravention de la loi provinciale applicable. La glacière et les bouteilles de bière avaient une valeur probante pour étayer l’accusation. En conséquence, elles doivent être considérées comme des pièces à conviction au sens de la politique et de la loi.

[6]  En ce qui concerne le mot saisi(e) (l’auteur a employé seized en anglais), le RAD s’est inspiré de la définition de l’Oxford English Dictionary, dans le contexte suivant : « (Of the police or another authority) take possession of (something) by warrant or legal right […] ». [Traduction] : « (en ce qui concerne un policier ou une autre autorité), prendre possession de (quelque chose) au moyen d’un mandat ou d’un droit légal… ». Il a ajouté qu’on se sert du mot saisir dans le Manuel des opérations pour décrire des pièces à conviction et d’autres articles, comme des biens trouvés. Par conséquent, l’utilisation du verbe saisir ne signifie pas nécessairement que l’article saisi est une pièce à conviction.

[7]  Le RM est d’avis que l’utilisation du mot saisir ne sous-entend pas que les articles en question sont des pièces à conviction. Pour ce qui est de savoir si la bière et la glacière constituaient des pièces à conviction, le RM a fait valoir que les articles, bien qu’ils soient des biens, ne sont pas des pièces à conviction.

[8]  Le RM concède qu’à première vue, on pourrait croire que la bière et la glacière ont été obtenues en lien avec une enquête, mais il est possible de faire une distinction sur le plan de la possession et de la propriété. Aucun des deux jeunes n’était en fait le propriétaire de la glacière ou de la bière contenue dans celle-ci et le membre visé s’est emparé de la glacière et de son contenu en tant que biens trouvés, puisque personne sur les lieux de l’incident n’avait une apparence de droit sur ces articles. La délivrance de la contravention n’a pas permis d’établir la propriété des biens et, par conséquent, malgré le fait que le jeune était en possession de l’alcool, ces biens sont tout de même considérés comme des biens trouvés. Le membre visé a pris possession de la glacière et de la bière en tant que biens trouvés étant donné que les jeunes n’étaient pas en droit de posséder de l’alcool et le fait de leur laisser aurait permis la poursuite de l’infraction.

[9]  D’après les recherches effectuées et les actes de procédure des deux représentants, je reconnais qu’en soi, l’utilisation du mot saisir dans les allégations ne sous-entend pas automatiquement que les articles en question sont des pièces à conviction. Ce verbe est utilisé seulement pour décrire la prise de possession par le membre visé des objets en question.

[10]  Il est plus important de déterminer si la bière et la glacière peuvent être considérées comme étant des pièces à conviction. Je n’accepte pas la distinction faite par le RM; la propriété des articles est sans intérêt et sans conséquence. La délivrance d’une contravention sous le prétexte que le jeune était en possession de la bière et de la glacière est quant à elle déterminante. Si le jeune qui a reçu la contravention devait plaider non coupable, les meilleurs articles à présenter en preuve ne seraient-ils pas la bière et la glacière saisies sur les lieux de l’infraction? Les articles en question ont une valeur probante. Le 27 novembre 2015, j’ai informé les parties de mes constatations, c’est-à-dire que les articles en question étaient bel et bien des pièces à conviction au sens de la politique de la GRC en vigueur à ce moment.

Témoignage

Sergent Kevin Wayne McKenna

[11]  Le premier témoin à comparaître a été le sergent Kevin Wayne McKenna. Il était le superviseur du membre visé pendant toute la période en question. M. McKenna, qui était caporal à l’époque, était le seul sous-officier responsable et par conséquent, il était chef p.i. du Détachement de Crowsnest Pass et sept gendarmes relevaient de lui.

[12]  Le sergent McKenna a témoigné lors d’une réunion du détachement tenue le 11 juin 2014 à laquelle le membre visé était présent. Le procès-verbal de la réunion contient des éléments qui font état des préoccupations courantes du témoin concernant les pièces à conviction et la documentation, en particulier en ce qui concerne une vérification à venir. Voici les éléments en question :

Examen de la gestion en août. Assurez-vous que les tâches qui vous ont été préalablement attribuées sont mises en ordre et que la documentation est en place.

Les saisies d’origine inconnue DOIVENT être consignées en tant que pièces à conviction dans le SIRP. TOUT ce qui est saisi doit être consigné et devenir une pièce à conviction.

Si vous avez une tâche relative à une pièce à conviction qui n’est pas de la drogue ou une arme à feu, effectuez-la. Un rapport DOIT être déposé auprès d’un juge de paix pour tous les articles saisis.

[13]  Le sergent McKenna explique qu’une saisie d’origine inconnue est habituellement une saisie de drogue qui ne donne lieu à aucune poursuite. Elles sont enregistrées et consignées pour des raisons de contrôle et de continuité. Il explique aussi qu’à l’époque, les membres du détachement omettaient fréquemment de remplir le formulaire de rapport à un juge de paix en ce qui concerne les articles qu’ils avaient saisis. Ce formulaire, une fois rempli, est présenté au tribunal et celui-ci peut permettre la destruction de la pièce à conviction, ordonner une retenue de 90 jours, ordonner la remise des articles au propriétaire ou toute autre disposition.

[14]  Le 22 juillet 2014, à l’approche de l’examen de gestion, le sergent McKenna et deux employées du détachement, Mme D et Mme E, nettoyaient le local d’entreposage frigorifique derrière le garage du détachement. Il s’agit d’un lieu d’entreposage du matériel de prévention criminelle, d’objets stationnaires et d’autres articles et il ne sert pas à l’entreposage de pièces à conviction. Ils ont remarqué une glacière bleue et blanche de marque Coleman qui contenait un verre de plastique rouge et de nombreuses bouteilles de bière Corona, peut-être 24. Il n’y avait aucune étiquette ou inscription permettant de désigner la glacière comme étant une pièce à conviction. Ils l’ont laissée à cet endroit et ont poursuivi le nettoyage du lieu d’entreposage.

[15]  Le 25 juillet 2014, le sergent McKenna est retourné dans la chambre froide et il a remarqué que la glacière bleue ne s’y trouvait plus. Il s’est douté qu’il pouvait s’agir d’une pièce à conviction, alors il s’est rendu à la salle des pièces à conviction, mais il ne l’a pas trouvée là non plus. Ce matin- là, il a envoyé un courriel collectif à tous les membres du détachement au sujet de la glacière, leur demandant à qui appartenait cette pièce à conviction, où elle se trouvait à présent et si des accusations avaient été déposées dans cette affaire.

[16]  Le sergent McKenna était à la maison en cette soirée du 25 juillet 2014 lorsqu’il a reçu deux appels téléphoniques sur son cellulaire. Il n’a pas répondu parce qu’il était en train de tondre le gazon, mais il a vu sur l’afficheur que les appels avaient été effectués par le membre visé, qui était de service ce soir-là. Il ne l’a pas rappelé parce que le membre visé avait utilisé son téléphone personnel et non le téléphone du bureau.

[17]  Le sergent McKenna est revenu bureau le dimanche 27 juillet 2014 et il a remarqué que la glacière était de nouveau dans le local d’entreposage frigorifique – cette fois une étiquette de pièce à conviction avait été apposée, mais la glacière était vide. Sur l’étiquette, on pouvait lire le nom et le matricule du membre visé ainsi que le numéro de dossier du système d’incidents et de rapports de police (SIRP) : 2014-863145.

[18]  Il s’est par la suite entretenu avec l’employée du détachement, Mme E, et celle-ci lui a parlé d’une conversation qu’elle avait eue avec le membre visé. Elle a expliqué au sergent McKenna que le membre visé avait lu le courriel collectif au sujet de la glacière, puis qu’il avait effectué un appel. Par la suite, il lui a dit [traduction] « Le service d’incendie a la glacière ».

[19]  Le 28 juillet 2014, un lundi matin, le sergent McKenna est retourné au travail. Il avait reçu deux courriels de la part du membre visé en réponse au courriel qu’il avait rédigé plus tôt. Voici le premier, écrit le vendredi 25 juillet à 18 h 23 :

[Traduction]

Cap. McKenna

C’était ma pièce à conviction.

Elle a été confisquée à des mineurs dans le but d’être détruite. Personne n’a réclamé l’alcool, alors on l’a déversé. J’ai retourné la glacière dans le garage au cas où quelqu’un la chercherait.

Dossier : 2014-863145

Si personne ne réclame la glacière dans les 90 jours, je vais la détruire.

Désolé de la confusion, mais [Mme D] demandait que la glacière soit déplacée (j’imagine que c’est en raison de l’examen qui s’en vient).

[20]  Voici le deuxième courriel, envoyé une heure plus tard, à 19 h 23 :

[Traduction]

J’ai apposé une étiquette sur la glacière et je l’ai replacée dans la chambre froide. Si vous voulez que je la place ailleurs, vous n’avez qu’à me le dire. Et oui j’ai remis une contravention pour possession d’alcool par un mineur.

Merci

[21]  Le 28 juillet 2014 en après-midi, le sergent McKenna a téléphoné au sous-officier conseiller pour le district, le sergent d’état-major Haley, afin de discuter de la façon dont le membre visé s’était occupé de la glacière. Le sergent d’état-major Haley lui a dit d’obtenir des précisions et de déterminer exactement où la glacière était allée.

[22]  La seule conversation que le sergent McKenna a eue avec le membre visé à propos de ces pièces à conviction s’est déroulée au détachement le matin du 29 juillet 2014. Le membre visé s’est arrêté devant la porte du bureau du sergent McKenna pour lui demander s’il avait reçu ses messages du 25 juillet 2014. Le sergent McKenna a déclaré ne pas vouloir discuter de cette affaire avec le membre visé parce que le district était sur le point de lancer une enquête déontologique relativement à cette affaire. La conversation a été brève. Il a demandé au membre visé à qui appartenait la glacière. Il a dit au membre visé que ce n’était pas une façon de traiter les pièces à conviction, étant donné que deux membres doivent superviser la destruction.

[23]  Le 31 juillet 2014, le sergent d’état-major McKenna a parlé au gendarme Willett, qui avait aidé le membre visé le soir où les pièces à conviction ont été saisies. Le gendarme Willett a déclaré au sergent McKenna qu’il avait lu le courriel collectif du 25 juillet 2014 à tous les membres du détachement. Le gendarme Willett a dit au sergent McKenna que le membre visé a pris la glacière sur les lieux et qu’il l’a placée dans son autopatrouille, mais à partir de ce moment, le gendarme Willett ne sait pas où la glacière est allée ni ce qui en est advenu.

[24]  Le 1er août 2014, M. C, le chef du service des incendies, était dans le bureau du détachement pour discuter d’une enquête liée à un incendie. Le sergent McKenna a attendu après la réunion de M. C pour lui parler de la glacière. M. C savait exactement de quoi parlait le sergent McKenna. Il lui a dit que le membre visé avait apporté la bière à la caserne, de l’autre côté de la rue, pour la déverser parce qu’il ne voulait pas que ça sente la bière à son bureau. Le sergent McKenna a voulu en savoir plus à ce sujet, puis M. C a fini par dire [traduction] « Je ne peux pas te mentir ». M. C a dit au sergent McKenna que le membre visé a donné les pièces à conviction en cadeau aux pompiers, le 23 juillet 2014, immédiatement après leur exercice d’incendie hebdomadaire. M. C a mentionné au sergent McKenna que le membre visé lui avait dit [traduction] « Si quelqu’un pose des questions, dis-lui que la bière a été déversée à la caserne ». Le sergent McKenna a demandé à M. C d’écrire une déclaration. M. C a quitté le détachement, il est retourné à la caserne, puis il est revenu deux heures plus tard avec une déclaration dactylographiée.

[25]  Le sergent McKenna a expliqué le processus normal pour traiter l’alcool servant de pièce à conviction. Lorsqu’il en saisit sur la rue, le policier peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour déverser l’alcool devant la personne accusée et placer les contenants vides dans le coffre ou la glacière. Il poursuit en disant que ce processus est ouvert et transparent et que le terme utilisé pour l’élimination de l’alcool dans ces circonstances est « détruit sur place ». Si le policier décide de rapporter les pièces à conviction au bureau, elles doivent être traitées et mises en lieu sûr en tant que pièces à conviction.

[26]  Le sergent McKenna avait précédemment relevé plusieurs problèmes de rendement concernant le membre visé, en particulier des problèmes liés à la rédaction de rapports dans le SIRP en temps opportun.

[27]  Le sergent McKenna a remarqué des lacunes sur le plan du rendement du membre visé dans son évaluation du rendement d’avril 2014 pour la période de 2013-2014 et il a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Commentaires du superviseur

[Le membre visé] doit se concentrer sur l’entrée plus rapide de documents dans le SIRP en prenant le soin d’ajouter plus de détails. [Le membre visé] doit s’efforcer d’accepter les conseils afin de poursuivre son apprentissage.

Groupe des compétences en relations interpersonnelles

[Le membre visé] s’adresse parfois à ses pairs et à ses superviseurs d’une façon brusque et il prend les conseils de façon personnelle au lieu de s’en servir comme outil d’apprentissage.

Habileté à préparer et à présenter des témoignages en cour

[…] il arrive parfois que les trousses ne sont pas prêtes en temps opportun, ce qui a déjà créé des problèmes pour la Couronne. On en a discuté et on a observé des améliorations.

Habileté à mener des enquêtes

Il possède une connaissance élémentaire de la façon de mener des enquêtes et on lui a donné des conseils à l’occasion. Il est très bon dans le rôle de premier répondant et il n’hésite pas à se rendre le premier sur les lieux d’un incident après un appel de service, cependant il omet souvent de faire un suivi et de verser les documents au dossier. [Le membre visé] doit reconnaître l’importance de produire des rapports rapidement et il doit se concentrer sur l’entrée plus rapide de documents dans le SIRP en prenant le soin d’ajouter plus de détails. [Le membre visé] cherche à s’améliorer sur ce point.

Évaluation narrative du rendement

[Le membre visé] doit se concentrer sur l’entrée plus rapide de documents dans le SIRP en prenant le soin d’ajouter plus de détails. Une amélioration est attendue dans ce domaine. [Le membre visé] doit s’efforcer d’accepter les conseils afin de poursuivre son apprentissage.

[28]  L’évaluation du rendement du membre visé par le sergent McKenna pour la période 2014- 2015 contenait des commentaires similaires. À l’examen de mi-année, dans la section « Commentaires du superviseur », le sergent McKenna a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[Le membre visé] doit se concentrer sur l’entrée plus rapide de documents dans le SIRP en prenant le soin d’ajouter plus de détails. [The membre visé] doit s’efforcer d’accepter les conseils dans le cadre du processus d’apprentissage. Il prend souvent les conseils de façon personnelle au lieu de s’en servir comme outil d’apprentissage.

[29]  Le sergent McKenna reconnaît que la communication entre lui et le membre visé n’est pas très bonne. À la page 111 de ses notes manuscrites, le sergent McKenna a écrit ce qui suit [traduction] : « on m’a informé que [le membre visé] estime que je le harcèle ». Le sergent McKenna affirme qu’il ne pensait pas harceler le membre visé. Il estime que le membre visé avait des problèmes de rendement sur lesquels il fallait se pencher. Chaque fois que le sergent McKenna donnait des conseils au membre visé ou le supervisait, ce dernier refusait son aide et des disputes avaient souvent lieu. Il semble que le membre visé défiait l’autorité du sergent McKenna. Cette situation a créé beaucoup de friction entre les deux.

M. C

[30]  Dès le début de son témoignage, M. C a décrit le membre visé comme étant un de ses meilleurs amis à l’époque. Ils se côtoyaient fréquemment, tant au travail que pendant leurs congés, et ils faisaient des sorties familiales ensemble. Leur amitié a fait en sorte que son témoignage s’est avéré très difficile pour lui.

[31]  Le 23 juillet 2014, un mercredi soir, les membres du service d’incendie de Crowsnest Pass effectuaient leur entraînement hebdomadaire. Ce soir-là, ils jouaient au hockey en salle en portant un appareil respiratoire autonome. M. C a vu le membre visé à la porte de la caserne de pompiers, vêtu de son uniforme, et M. C est allé le voir. Le membre visé lui a dit [traduction] «hé, viens ici, j’ai un cadeau pour vous autres », et M. C l’a suivi de l’autre côté de la rue, vers une chambre froide située à côté du garage.

[32]  Il y avait une glacière sur le plancher de la chambre froide et le membre visé a dit à M. C de l’ouvrir, mais M. C ne voulait pas, sachant que les deux avaient tendance à se jouer des tours. Il pensait qu’il devait y avoir un rongeur mort ou quelque chose d’autre à l’intérieur. Le membre visé a ouvert la glacière et il y avait des bouteilles de bière à l’intérieur, un verre de plastique rouge vide ainsi que d’autres articles. Il a dit [traduction] « As-tu des gars qui pourraient nous débarrasser de ça? » M. C a répondu [traduction] : « Je suis certain que les gars pourraient vous en débarrasser ». Le membre visé a commencé à lui raconter comment il avait confisqué la bière à des mineurs avant d’ajouter que les jeunes s’étaient sauvés dans le bois lorsqu’ils l’ont vu arriver. M. C a demandé au membre visé si c’était « correct », ce à quoi il a répondu qu’ils devaient la déverser de toute façon. Il a cependant ajouté que la glacière devait être retournée, afin qu’il puisse la remettre dans la salle d’éléments de preuve.

[33]  M. C a dit au membre visé qu’il ne voulait pas la bière dans la caserne parce qu’il avait été obligé de bannir l’alcool de la caserne en raison d’incidents malheureux qui s’étaient produits par le passé. La camionnette d’un des capitaines du service d’incendie, M. B, était garée tout près. M. C a expliqué la raison pour laquelle le membre visé avait apporté la glacière, puis il a ouvert le panneau de rabattement et le membre visé a glissé la glacière sur la caisse de la camionnette.

[34]  M. C insiste pour dire que c’est le membre visé, et non lui, qui a transporté la glacière et qui l’a placée à l’arrière de la camionnette de M. B.

[35]  Peu de temps après, il y a eu un orage qui a entraîné une panne d’électricité et plusieurs coups de foudre ont eu lieu sur la montagne de ski, obligeant les pompiers à se rendre sur les lieux. M. C affirme que M. B est parti à la maison avec la glacière de bières et qu’il l’a probablement rapportée à la caserne le lendemain, puisqu’elle était devant la caserne lorsque M. C a demandé à quelqu’un de vérifier quelques jours plus tard.

[36]  M. C déclare qu’il n’a pas repensé à cette affaire avant le vendredi soir, le 25 juillet 2014, lorsqu’il était au zoo de Calgary avec sa famille et que son téléphone a sonné. Il a manqué l’appel, mais il vu sur son afficheur que le membre visé avait appelé. M. C l’a rappelé à 18 h 06. Le membre visé a demandé si la glacière était à la caserne de pompiers, parce que le caporal du détachement la cherchait. Le membre visé a dit [traduction] « Si quelqu’un pose des questions, tu n’as qu’à dire que nous avons déversé la bière à la caserne ». M. C lui a demandé [traduction] « Ouin, et à propos des bouteilles vides, qu’est-ce que je devrais dire? ». M. C a posé cette question parce qu’il savait que les bouteilles de bière avaient toutes été apportées à la résidence du capitaine des pompiers. Le membre visé a répondu « Tu n’as qu’à dire que nous les avons jetées dans la benne à ordures ». M. C avoue s’être demandé ce qui se passait et qu’il se sentait mal à l’aise face à cette situation. Il a par la suite appelé à la caserne de pompiers pour confirmer l’endroit où se trouvait la glacière, puis il a donné le code à quatre chiffres au membre visé pour qu’il puisse la récupérer.

[37]  M. C maintient que c’est le membre visé qui a suggéré, lors de cette conversation téléphonique, que si quelqu’un posait des questions, M. C devait dire que la bière avait été déversée à la caserne de pompiers. Il mentionne de nouveau que ce n’est pas lui a fait cette suggestion, mais bien le membre visé.

[38]  Le 1er août 2014, M. C se trouvait au détachement pour discuter d’une enquête liée à un incendie et il a rencontré le sergent McKenna, qui lui a posé des questions à propos de la glacière et de la bière et pour savoir où elles se trouvaient. M. C affirme qu’il a essayé d’inventer une histoire pour protéger son ami. Comme il n’avait pas parlé au membre visé depuis l’appel reçu au zoo de Calgary, il n’avait aucun plan. Il a simplement dit au sergent McKenna que le membre visé et lui avaient déversé la bière à la caserne, dans l’égout. Le sergent McKenna lui a demandé ce qu’ils avaient fait des bouteilles, et il a répondu qu’il les avait jetées dans la benne à ordures. Le sergent McKenna a répondu qu’il ne les avait pas vues à cet endroit.

[39]  À ce moment de la conversation, M. C savait que le sergent McKenna ne croyait pas son histoire à la façon dont il le regardait. M.C lui a donc répondu [traduction] « Je ne peux pas te mentir », et il lui a dit la vérité à propos de la bière et de la glacière.

[40]  Le témoin a par la suite déclaré que le sergent McKenna lui a dit qu’il avait bien fait de lui dire la vérité, parce qu’il aurait pu lui passer les menottes et l’accuser d’entrave à la justice. Le témoin n’a pas vu ces paroles comme une menace, mais plutôt comme une indication de la gravité de la situation.

[41]  Le sergent McKenna a dit à M. C de ne pas communiquer avec le membre visé parce qu’il ne savait pas ce qui adviendrait de l’enquête. M. C a trouvé la situation très difficile parce le membre visé était son meilleur ami.

[42]  À la demande du sergent McKenna, M. C est retourné à la caserne de pompiers et il a écrit une lettre de deux pages qu’il a remise au sergent McKenna deux heures plus tard.

[43]  À la suite de cet incident, il n’y a pas eu de frictions ou d’animosité entre le service d’incendie et le détachement local.

Le membre visé

[44]  Le membre visé compte neuf années de service à la GRC – il a commencé aux services généraux à Drayton Valley, puis il est passé aux services généraux à Crowsnest Pass.

[45]  Dans la nuit du 16 au 17 juillet, le membre visé a répondu à un appel 911 concernant deux jeunes qui essayaient de pousser une camionnette hors d’un fossé. Lorsqu’il est arrivé sur les lieux, les jeunes étaient partis. Le membre visé a vu une bouteille de Corona à l’intérieur de la camionnette et une glacière bleue dans la caisse de la camionnette. Il a demandé au gendarme Willett d’aller chercher les lentilles d’imagerie thermique, avec lesquelles il a pu repérer les jeunes dans le secteur boisé qui se trouvait à proximité. Le membre visé s’est occupé du conducteur, un jeune homme nommé M. A et il a appelé ses parents afin qu’ils se rendent sur les lieux. Le gendarme Willett a reconduit le passager chez lui. Il a remis plusieurs contraventions provinciales à M. A, notamment une contravention pour une infraction à l’article 87(1) de la Gaming and Liquor Act (loi de l’Alberta).

[46]  Le membre visé a questionné M. A et ses parents à propos de la bière et de la glacière et personne ne savait qui en était le propriétaire. En temps normal, il aurait vidé le contenu des bouteilles au bord du chemin, mais il faut un ouvre-bouteille pour décapsuler ce type de bière et il n’en avait pas. Il a donc ramené la bière et la glacière au détachement afin de s’en débarrasser.

[47]  Le membre visé a déclaré que la pratique normale des membres du détachement dans une situation similaire consiste à déverser la bière au bord du chemin, sur les lieux de l’incident. À l’occasion, la bière est rapportée au détachement et elle est déversée à cet endroit.

[48]  Lorsque le membre visé est revenu au détachement, il a placé la glacière dans un local d’entreposage à côté du garage. Il n’a pas traité les articles comme des pièces à conviction parce qu’ils ne devaient pas être utilisés à des fins de preuve. À 3 h 30 cette nuit-là (le membre visé terminait son quart de travail à 4 h), le membre visé a écrit les événements de la soirée dans un rapport SIRP. En ce qui concerne la bière et la glacière, le membre visé a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Lorsque je lui ai demandé pourquoi ils s’étaient enfuis dans le bois, [M. A] a déclaré qu’il avait vu le véhicule de police approcher et qu’il avait peur d’être intercepté parce qu’il possédait seulement un permis de conduire par étapes et qu’il n’avait pas la permission d’utiliser la camionnette de son grand- père. L’alcool qui se trouvait à l’arrière de la camionnette aurait été dérobé dans l’atelier du grand- père. L’alcool a été placé dans le garage Est et il peut être retourné au grand-père s’il en fait la demande. Dans la glacière.

[49]  Le membre visé ne s’est pas occupé de la glacière de bières cette soirée-là, puis il est parti en congé pendant quelques jours après son quart de travail. Lorsqu’il est revenu au travail, Mme D, une des commis du détachement, lui a demandé de sortir la glacière du garage parce l’examen de la gestion approchait.

[50]  Le mercredi 23 juillet 2014, peu de temps après avoir commencé son quart de soirée, le membre visé avait l’intention de déverser la bière à l’extérieur du détachement. Avant de le faire, il a ajouté ce qui suit à son rapport SIRP :

[Traduction]

[M. A] a dit que l’alcool ne lui appartenait pas. L’alcool a été éliminé et la glacière se trouve toujours dans le garage.

[51]  Le membre visé s’est par la suite dirigé vers un endroit pour déverser la bière et, chemin faisant, il a vu M. C et il a traversé la rue pour aller lui parler. Les pompiers étaient en train de faire leur entraînement hebdomadaire. Le membre visé a dit à M. C. [traduction] « Viens ici. J’ai quelque chose à te montrer. », et il l’a emmené dans la chambre froide. Il lui a montré la glacière et la bière, puis il lui a dit [traduction] « Je dois me débarrasser de ça. Peux-tu t’en débarrasser pour moi? » Il lui a dit que la glacière et la bière se trouvaient dans une camionnette et que personne ne les avait réclamées.

[52]  Le membre visé explique pourquoi il voulait donner la bière à M. C. C’était un geste de bonne foi visant à resserrer les liens entre les deux organisations. Il s’attendait à ce que la bière soit consommée.

[53]  La glacière avait des roues et le membre visé l’a tirée de l’autre côté de la rue. M. C l’a prise et l’a placée à l’arrière d’une camionnette blanche, parce qu’il ne voulait pas l’emmener dans la caserne de pompiers. Il y a déjà eu des incidents liés à l’alcool à la caserne et l’alcool y a été banni. À ce moment, il y a eu un éclair suivi d’une panne d’électricité.

[54]  Le membre visé n’a pas modifié son rapport SIRP. Il affirme qu’il était occupé par d’autres tâches.

[55]  Le membre visé travaillait de 18 h à 4 h le vendredi 25 juillet 2014. À son arrivée au bureau, le gendarme Willett l’a informé que le sergent McKenna « cherchait la guerre » et qu’il avait envoyé un courriel à tous les membres du détachement concernant la glacière. Après avoir lu le courriel, il a tenté de communiquer avec le sergent McKenna sur son téléphone cellulaire, deux fois, pour discuter du dossier. Le sergent McKenna n’a pas répondu aux appels.

[56]  Après avoir remis la glacière à M. C, la seule conversation que le membre visé a eue avec ce dernier s’est déroulée au téléphone. Le membre visé a appelé M. C et il lui a demandé où était la glacière. Il lui a dit que le sergent McKenna allait venir le rencontrer pour lui demander comment l’alcool avait été éliminé. M. C a dit au membre visé que la glacière était dans la caserne et il lui a donné le code de sécurité à quatre chiffres. M. C a dit au membre visé que si quelqu’un posait des questions, il dirait que l’alcool a été déversé dans l’égout et qu’on avait utilisé un tuyau d’incendie pour nettoyer les lieux. Le membre visé s’est rendu de l’autre côté de la rue et il a récupéré la glacière.

[57]  Le membre visé insiste pour dire qu’il n’a jamais demandé à M. C de mentir et qu’il ne lui a jamais dit quoi dire. M. C a, de son propre chef, dit qu’il avait déversé la bière derrière la caserne de pompiers. Une des commis du détachement, Mme E, a demandé au membre visé à qui il parlait et le membre visé a répondu le service d’incendie. Elle lui a demandé où se trouvait la glacière et le membre visé lui a répondu [traduction] « C’est le service d’incendie qui l’a ».

[58]  Après cet appel, le membre visé s’est rendu de l’autre côté de la rue, il a récupéré la glacière et l’a rapportée au détachement. Il a rempli une étiquette qu’il a apposée sur l’article. Il ne savait pas s’il devait la mettre dans la catégorie des objets perdus ou non. Il a envoyé un courriel au sergent McKenna le 25 juillet 2014 pour lui demander comment il voulait traiter la glacière.

[59]  Le membre visé confirme que relation tumultueuse entre lui et le sergent McKenna est tumultueuse. La communication était difficile entre eux. Le membre visé dit qu’il s’agit d’une relation hostile.

[60]  Le 29 juillet 2014, le membre visé est allé voir le sergent McKenna pour lui faire part de ses préoccupations. Ils ont parlé de la façon dont l’alcool aurait dû être éliminé et le sergent McKenna a mentionné qu’il y aurait dû y avoir deux membres pour l’éliminer.

[61]  Lorsqu’on l’a questionné afin de déterminer si c’était à lui de se débarrasser de la bière, le membre visé a répondu :

[Traduction]

C’était mon dossier – j’en avais possession et j’en étais responsable. Donner la bière fut mon erreur et une mauvaise décision de ma part. Je ne crois pas avoir volé la bière. On devait s’en débarrasser et, au lieu de la déverser, je l’ai emmenée ailleurs. C’était un geste qui visait seulement à favoriser l’esprit de corps.

Argumentations relatives aux allégations

Représentant de l’autorité disciplinaire (RAD)

[62]  Le RAD commence sa présentation en invoquant le principe bien connu, et énoncé pour la première fois par le Comité externe d’examen (le CEE) de la GRC, selon lequel ce ne sont pas tous les éléments de chacun des énoncés détaillés qui doivent être prouvés pour qu’une allégation d’inconduite tienne.

[63]  Le RAD résume par la suite les constatations de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Wood c. Schaeffer, 2013 CSC 71. Entre autres, la décision rendue dans cette affaire appuie le principe selon lequel les policiers ont le devoir de consigner avec précision les mesures prises dans le cadre de leur travail.

[64]  Plusieurs décisions disciplinaires de la GRC établissent une différence entre les simples problèmes de rendement et les affaires disciplinaires. Dans les dossiers concernant la négligence des fonctions présentés en application de l’ancienne Loi sur la GRC, ce qui aurait pu être défini comme un problème de rendement peut être considéré comme une affaire disciplinaire s’il est possible de prouver que le membre avait l’intention de négliger des fonctions qu’il devait exécuter. L’arrêt de la Cour supérieure de l’Ontario, R. c. Hansen, 2016 ONSC 548, avait pour but de déterminer si l’accusé avait l’intention d’induire la cour en erreur. Dans son analyse, au paragraphe 35, la cour a conclu ce qui suit [traduction] : « L’intention de tromper peut être inférée de la preuve qui établit qu’une personne a fourni des preuves qu’elle savait fausses, à défaut d’autre preuve de ses intentions ».

[65]  Pour inférer l’intention, on peut donc examiner les gestes posés par l’intéressé. Cette analyse est effectuée en tenant compte d’une norme objective énoncée dans l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, 2007 CSC 41. Comme le prévoient les paragraphes 68 à 73, la norme est celle du « policier raisonnable placé dans la même situation ».

[66]  Ce qu’a fait le membre visé lorsqu’il a rédigé un rapport SIRP et un courriel et qu’il a enjoint à M. C de fournir des renseignements trompeurs, de façon collective et individuelle, trahissent une intention délibérée de tromper. Les allégations 2, 3 et 5 doivent être établies sur ce fondement. Les éléments de preuve fournis par M. C doivent avoir préséance sur ceux fournis par le membre visé, dont la version des événements manque de vraisemblance. M. C n’avait aucune raison de mentir pour le compte du membre visé. La seule raison pour laquelle M. C a d’abord dit au sergent McKenna qu’il avait simplement déversé la bière, c’est parce que le membre visé le lui avait demandé.

[67]  En ce qui a trait aux allégations 1 et 4, concernant le traitement des pièces à conviction de preuve par le membre visé, la décision anticipée du 27 novembre 2015 règle la question. D’après le RAD, ces deux allégations doivent être établies à partir de la décision anticipée seulement.

Représentant du membre

[68]  Le RM fait valoir qu’aucune des allégations ne devrait être établie.

[69]  En ce qui concerne les allégations 1 et 4, le seul usage incorrect de la pièce à conviction ne peut pas, en soi, équivaloir à une conduite déshonorante. Dans la décision 1 D.A. (4e) 382, rendue en 2008, un membre avait accepté de garder trois pistolets antiques sous bonne garde pour les membres d’une famille dont la mère était décédée en attendant le règlement de la succession et l’enregistrement approprié des armes. Le membre a conservé les armes à son bureau jusqu’au déménagement des bureaux puis, à ce moment, il a apporté les armes à sa résidence. Les armes ont été volées lors d’une entrée par effraction dans la maison du membre, mais elles ont par la suite été saisies par le service de police municipal qui enquêtait sur l’entrée par effraction. Le membre n’a jamais eu l’intention de retirer un gain personnel en conservant les armes; sa bonne foi et son intention honorable n’ont jamais été remises en question. Une personne raisonnable, au courant de l’ensemble des circonstances et de l’information disponibles, ne serait pas offensée ou scandalisée par la conduite du membre et elle ne trouverait pas son comportement scandaleux. Cette même analyse, présentée par le RM, doit être appliquée aux gestes posés par le membre visé. L’usage incorrect des articles par le membre visé, conformément aux allégations 1 et 4, s’apparente davantage à un problème de rendement qu’à une affaire disciplinaire.

[70]  En ce qui a trait à l’allégation 2, les intentions du membre visé étaient clairement énoncées; il avait véritablement l’intention de déverser la bière à l’extérieur du détachement. Il était sur le point de le faire lorsqu’il a remarqué les pompiers qui effectuaient leur entraînement hebdomadaire. Il a alors pris la décision spontanée de donner la bière au lieu de simplement la déverser à l’extérieur du détachement. Un coup de foudre s’est produit immédiatement après, entraînant une panne d’électricité. Il n’aurait pas pu modifier son entrée dans le SIRP à ce moment puis, lorsque l’électricité est revenue, il avait entamé d’autres tâches et il n’a tout simplement pas fait la modification.

[71]  L’allégation 3 concerne le courriel écrit après une conversation téléphonique avec M. C., qui a dit ce qui suit au membre visé [traduction] : « Si quelqu’un pose des questions, je vais simplement lui dire que j’ai déversé la bière à la caserne ». Le membre visé n’avait aucune raison de croire que M.C. agirait autrement et son courriel le démontre. À sa défense, le membre visé a tenté d’avoir une discussion avec le sergent McKenna à propos de la bière. Il a appelé le sergent McKenna deux fois à sa résidence, mais celui-ci n’a pas répondu. Il s’est rendu au bureau du sergent McKenna dès son retour au travail, mais à ce moment, le sergent McKenna était allé rencontrer le sous-officier conseiller pour le district et ce dernier lui avait donné l’instruction de ne pas discuter de cette affaire avec le membre visé. Il est évident que le membre visé avait besoin de conseils et de directives, mais il n’en recevrait pas de la part du sergent McKenna en raison de leur conflit de longue date. Le membre visé n’avait pas l’intention de tromper qui que ce soit. Il a été franc lorsqu’il a mentionné au commis du détachement que [traduction] : « C’est le service d’incendie qui l’a ».

[72]  L’allégation 5 concerne la crédibilité de M. C. Le témoignage du membre visé a été clair et il faut le croire. Il n’a pas demandé à M. C de mentir; c’est M. C qui a pensé lui-même à dire cela, sans qu’on lui demande.

Décision concernant les allégations

[73]  Le RAD et le RM sont d’accord avec moi quant à la différence, ou l’absence de différence, entre les mots déshonorant et scandaleux pour qualifier le comportement du membre visé. Énoncés de manière succincte, les critères applicables en vertu de l’ancienne loi à une conclusion d’une conduite scandaleuse continuent de s’appliquer avec la même force à la nouvelle version de la Loi sur la GRC.

[74]  Ces critères, énoncés par le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC, ont été étudiés et approuvés par des tribunaux d’instance supérieure et j’estime qu’ils constituent toujours un cadre utile. Le premier aspect des critères consiste à confirmer l’identité du membre visé. L’identité du membre visé n’a jamais été remise en question en l’espèce.

[75]  Le deuxième aspect vise à déterminer si les faits allégués ont réellement eu lieu. La norme de preuve applicable aux poursuites administratives était au coeur de l’affaire F.H. c. McDougall, [2008] 3 R.C.S. 41, 2008 C.S.C. 53 (« McDougall »). La preuve doit toujours être claire et convaincante et solide pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités.

[76]  Le troisième aspect comporte l’analyse des faits qui se sont produits afin de déterminer s’ils jettent le discrédit sur la GRC. Le critère applicable à cette analyse a été énoncé par le CEE comme étant le fait qu’une personne raisonnable, ou « monsieur-madame-tout-le-monde » selon l’expression utilisée par Lord Bowen, ayant connaissance de tous les faits en cause ainsi que de des réalités du travail policier en général et celles du travail à la GRC en particulier, serait d’avis que la conduite en question est un geste scandaleux qui jette le discrédit sur la Gendarmerie.

[77]  La définition du terme « scandaleuse » que donne Lord Devlin dans l’affaire Hughes v. Architects Registration Council of the United Kingdom, [1957] 2 All E.R. à la page 442, est révélatrice. Le terme scandaleux n’est d’aucune façon un terme artificiel; il faut lui donner son sens populaire et naturel. La personne raisonnable doit estimer que les gestes posés sont de nature à porter atteinte au membre visé en sa qualité de policier.

Allégations 1 et 4

[78]  Dans ma décision du 27 novembre 2015, j’ai conclu qu’étant donné que le membre visé a délivré la contravention A21842096 le 17 juillet 2014 à M. A pour avoir contrevenu à l’article 87(1) de la Gaming and Liquor Act – loi de l’Alberta (pour possession d’alcool par un mineur) et qu’étant donné qu’il a pris possession de façon légitime de la bière et de la glacière, il a effectué une saisie. J’ai statué que les articles saisis étaient des pièces à conviction parce qu’ils avaient une valeur probante à l’appui de l’accusation. En tant que pièces à conviction, elles devaient par conséquent être traitées en conformité avec la loi, la politique et les lignes directrices applicables.

[79]  Un pouvoir spécial conféré par la loi est accordé aux policiers, leur permettant de saisir des biens dans le cadre d’une enquête, lorsque les circonstances le permettent. Les policiers doivent rendre des comptes au public qu’ils servent. Pour conserver la confiance du public, les biens saisis doivent être manipulés correctement, de manière transparente et ordonnée. Pour s’assurer que ce soit le cas, une politique particulière a été créée et on s’attend à ce que les membres la connaissent et la respectent.

[80]  Je vais expliquer la question du déversement en bordure de route lorsque je ferai l’évaluation des mesures disciplinaires. Je ne crois pas que le fait de décapsuler des bouteilles et de les vider en bordure de route soit conforme avec l’esprit de la politique de la Division K qui, à mon avis, permet l’exercice du pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne seulement le contenant lié à l’accusation. Si l’accusation s’avère être une possession illégale d’un contenant ouvert d’alcool, cette politique permet raisonnablement d’en vider le contenu en bordure de route. Rien dans la politique ni dans la Gaming and Liquor Act n’autorise expressément l’ouverture de contenants scellés et le déversement de leur contenu.

[81]  Le problème évident lié à cette pratique, et c’est ce que le sergent McKenna a clairement fait valoir, est que l’accusation devra être abandonnée si la personne accusée plaide non coupable et que la police n’a aucun élément de preuve à présenter. Il s’agit évidemment d’une erreur judiciaire, mais qui ne revêt pas une grande importance en ce qui concerne les allégations 1 et 4. Le sergent McKenna a ainsi abordé la question centrale : une fois que vous avez choisi de ne pas exercer votre pouvoir discrétionnaire et que vous avez décidé de saisir l’alcool et de l’emmener au détachement, vous devez le traiter comme n’importe quelle autre pièce à conviction et l’éliminer en coformité avec une politique qui se veut stricte. En l’espèce, le membre visé a déposé une accusation et il a correctement procédé à la saisie de la Corona et de la glacière qui la contenait, puis il a rapporté les articles au détachement. À partir de ce moment, ses gestes doivent être régis par le droit et la politique et le recours au pouvoir discrétionnaire doit être une obligation.

[82]  Par conséquent, je conclus que les intentions du membre visé, en ce qui a trait à l’élimination ultérieure de la bière, n’a que très peu d’incidence pour déterminer si les allégations 1 et 4 sont établies.

[83]  Après voir montré la glacière et son contenu à M. C, le membre visé a emporté ces articles à la caserne de pompiers. On a consacré beaucoup de temps et d’efforts lors des interrogatoires et des contre-interrogatoires afin de déterminer qui exactement avait placé la glacière de bières dans la camionnette blanche. Au paragraphe 5, on précise que c’est le membre visé qui l’aurait fait. À mon avis, cela ne fait aucune différence. Le RAD a, avec raison, mis en évidence la recommandation du CEE, qui constitue un principe généralement accepté dans les procédures disciplinaires de la GRC, selon laquelle ce ne sont pas tous les aspects de chacun des éléments de l’énoncé détaillé qui doivent être prouvés afin de conclure à une inconduite.

[84]  Dans la deuxième partie du paragraphe 5, à l’allégation 1, on allègue que le membre visé a informé le pompier qu’il [traduction] : « pouvait conserver le contenu, mais que la glacière devait être retournée ». La déclaration du témoin confirme qu’il s’agit de la vérité. Le membre visé doit avoir affirmé dès le départ qu’il voulait ravoir la glacière, parce qu’au moment où M. C a téléphoné pour savoir où elle était, elle avait été retournée à la caserne de pompiers.

[85]  Ce n’est pas comme si le membre visé ne savait pas ce qui devait être fait. Il a appliqué les procédures appropriées dans les rapports SIRP en faisant mention d’une période d’attente avant la destruction et en apposant une étiquette de pièce à conviction.

[86]  Le membre visé reconnaît avoir pris une décision volontaire et délibérée de donner la bière aux pompiers dans un geste de bonne foi et afin de favoriser l’esprit de corps. Il ne pensait pas que la bière serait déversée, il croyait qu’elle serait consommée et il l’a affirmé dans son témoignage. Il a également reconnu que ce n’est pas la bonne façon de traiter une pièce à conviction. Par conséquent, les énoncés détaillés 7, 8, 9 et 10 de l’allégation 1, qui concernent un écart délibéré à la politique liée aux pièces à conviction, sont établis avec une preuve claire, convaincante et forte, comme l’est l’allégation 4.

[87]  Au départ, j’avais des inquiétudes à propos de la duplicité et de l’application possible du principe posé dans l’arrêt Kienapple et interdisant les déclarations de culpabilité multiples pour le même incident. Cet argument n’a pas été débattu ni même mentionné dans les actes de procédures, mais je pense qu’on doit tout de même s’y attarder. Pour la forme, la question serait la suivante : le fait de donner une pièce à conviction (conformément à l’allégation 4) peut-il être autre chose qu’un écart à la politique (conformément à l’allégation 1)?

[88]  Après une analyse plus poussée, l’allégation 1 concerne précisément un écart à la politique de la GRC et l’allégation 4 porte sur l’élimination d’une pièce à conviction en l’absence d’une autorisation imposée par le tribunal. Les preuves apportées par les témoins, les argumentations des représentants et la connaissance d’office suffisent à brosser un tableau très clair de ce qui doit être fait une fois que les articles ont été saisis. Un formulaire de rapport à un juge de paix doit être créé afin de décrire les articles et les circonstances entourant leur saisie. Le formulaire est ensuite transmis à un juge de paix qui, sur demande, peut ordonner la destruction ou l’élimination des articles. Je ne crois pas que l’absence de ce niveau de détail dans l’énoncé détaillé ait porté un coup fatal à l’allégation 4.

Allégation 2

[89]  Le principal chef d’accusation lié à cette allégation est énoncé aux paragraphes 3 et 4 de l’énoncé détaillé. Le rapport général du membre visé, rédigé le 23 juillet 2014, avant les mesures qu’il avait l’intention de prendre, était trompeur et contenait de faux renseignements. L’alcool saisi à M. A n’a pas été éliminé et la glacière ne se trouvait plus dans le garage. La glacière de bières avait été placée à l’arrière de la camionnette d’un pompier afin que celui-ci et ses collègues puissent boire la bière. Le membre visé a eu maintes occasions de changer ou de modifier son entrée dans le SIRP, notamment lorsque l’orage était terminé et que l’électricité est revenue. Il ne l’a pas fait.

[90]  La Gendarmerie est en droit de s’attendre à ce que ses membres rédigent des rapports exacts et véridiques. Si la GRC ne pouvait pas compter sur des renseignements exacts, elle ne pourrait pas régir son fonctionnement correctement. Le rapport délibérément trompeur du membre visé jette le discrédit sur la Gendarmerie et, en conséquence, l’allégation 2 est établie dans sa totalité.

Allégation 3

[91]  Il en va de même pour l’allégation 3. Lorsque le membre visé a écrit, dans sa réponse à la demande du chef de détachement concernant la glacière et son contenu : [traduction] « Personne n’a réclamé l’alcool, alors on l’a déversé », cela était complètement faux. De son propre aveu, et dans un geste de bonne foi, le membre visé a donné la bière et la glacière au service des incendies et il s’attendait à ce que la bière soit consommée, pas déversée.

[92]  Je conclus que le membre visé avait l’intention de tromper le sergent McKenna. Je lui ai demandé quelle aurait pu être la réaction du sergent McKenna s’il lui avait dit honnêtement qu’il avait donné la bière aux pompiers. Il a répondu que la réaction du sergent McKenna aurait été très négative, voire [traduction] « nucléaire ». Je conclus par conséquent que le membre visé était tout à fait motivé à ne pas dire la vérité, tant dans son courriel que dans son rapport SIRP. Par conséquent, l’allégation 3 est établie dans sa totalité.

Allégation 5

[93]  La fiabilité et la crédibilité des témoins sont au coeur de cette allégation. Selon mon expérience, les affaires suivantes fournissent un cadre utile pour l’analyse de la fiabilité des témoins :

Wallace v. Davis [1926] 31 O.W.N. 202, (« Wallace »), à la page 203 [Traduction] :

[…] la crédibilité d’un témoin, au sens propre, ne dépend pas uniquement de l’honnêteté de ses déclarations. Elle dépend également de l’occasion qu’il a eue de faire une observation exacte, de son aptitude à observer avec exactitude, de la fermeté de sa mémoire pour ce qui est de conserver en mémoire les faits observés, de son aptitude à résister à l’influence, souvent inconsciente, de l’intérêt à modifier son souvenir, de son aptitude à reproduire à la barre des témoins les faits observés, de sa capacité à exprimer clairement ce qu’il a à l’esprit [...] tous ces éléments doivent être examinés pour déterminer l’effet à donner au témoignage du témoin.

Voici ce qu’écrit le juge Archambault à la p. 210 de la décision MacDermid v. Rice (1939) R. de Jur. 208 (« MacDermid ») [Traduction] :

[…] lorsque la preuve relative à un fait important s’avère contradictoire [...], la cour doit prendre en compte les motifs des témoins, leur relation ou leur amitié avec les parties, leur attitude et leur comportement à la barre des témoins, la façon dont ils livrent leur témoignage et la probabilité des faits relatés sous la foi du serment, et ensuite en venir à une conclusion quant à la version qu’il convient de tenir pour véridique […].

Faryna v. Chorney [1952] 2 D.L.R. 354 (« Faryna »), à la page 357 [Traduction] :

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. En bref, le vrai critère de la vérité de l’histoire d’un témoin dans une affaire du genre doit être sa concordance avec la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et informée reconnaîtrait facilement comme raisonnable à cet endroit et dans ces conditions.

[94]  La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt McDougall, a examiné la question de la crédibilité et de la fiabilité des témoins qui est pertinente pour l’affaire en cause. Au paragraphe 86 :

86. […] Au civil, lorsque les témoignages sont contradictoires, le juge est appelé à se prononcer sur la véracité du fait allégué selon la prépondérance des probabilités. S’il tient compte de tous les éléments de preuve, sa conclusion que le témoignage d’une partie est crédible peut fort bien être décisive, ce témoignage étant incompatible avec celui de l’autre partie. Aussi, croire une partie suppose explicitement ou non que l’on ne croit pas l’autre sur le point important en litige. C’est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, le demandeur formule des allégations que le défendeur nie en bloc.

[95]  En ce qui concerne les faits mentionnés dans l’allégation 5, M. C et le membre visé prennent des directions opposées. M. C a évidemment menti au sergent McKenna lors de leur rencontre initiale dans le bureau du détachement. La question est de savoir si cette histoire est l’idée de M. C ou du membre visé? Les deux se renvoient la balle. Dans l’arrêt McDougall, la Cour suprême du Canada a reconnu les difficultés liées à l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins dans de telles circonstances. Au paragraphe 100 :

100. La partie qui n’a pas gain de cause peut juger insuffisants les motifs du juge du procès, surtout s’il ne l’a pas crue. Il faut reconnaître qu’il peut être très difficile au juge appelé à tirer des conclusions sur la crédibilité des témoins de préciser le raisonnement qui est à l’origine de sa décision (voir l’arrêt Gagnon). Ses motifs ne sont pas insuffisants pour autant. Dans l’arrêt R. c. R.E.M., [2008] 3 R.C.S. 3, 2008 CSC 51, rendu concurremment avec la présente décision, la juge en chef McLachlin explique que les conclusions relatives à la crédibilité peuvent faire intervenir des éléments difficiles à exprimer :

Bien qu’il soit utile que le juge tente d’exposer clairement les motifs qui l’ont amené à croire un témoin plutôt qu’un autre, en général ou sur un point en particulier, il demeure que cet exercice n’est pas nécessairement purement intellectuel et peut impliquer des facteurs difficiles à énoncer. De plus, pour expliquer en détail pourquoi un témoignage a été écarté, il se peut que le juge doive tenir des propos peu flatteurs sur le témoin. Or, le juge voudra peut-être épargner à l’accusé, qui a témoigné pour nier le crime, la honte de subir des commentaires négatifs sur son comportement, en plus de celle de voir son témoignage écarté et d’être déclaré coupable. Bref, l’appréciation de la crédibilité est un exercice difficile et délicat qui ne se prête pas toujours à une énonciation complète et précise. [par. 49].

De même, on ne jugera pas des motifs insuffisants simplement parce qu’on peut dire, avec le recul, qu’ils ne sont pas aussi clairs et exhaustifs qu’ils auraient pu l’être.

[96]  Je conclus que M. C est un témoin tout à fait crédible. Il n’a pas hésité en livrant sa version des événements. Lors d’un contre-interrogatoire mené par le RM de façon très efficace et rigoureuse, M.C a répondu qu’une suggestion formulée par le RM pouvait « peut-être » être vraie. Selon cette suggestion, c’est M. C et non le membre visé qui aurait eu l’idée de raconter que la bière avait été déversée à la caserne de pompiers. Pour être équitable envers M. C, à ce moment précis de son contre-interrogatoire, je ne suis pas convaincu qu’il savait exactement à quelle suggestion le RM faisait référence lorsque M. C a répondu qu’elle pouvait peut-être être vraie. Je ne crois pas que ce moment de faiblesse possible à la barre des témoins peut avoir nui à sa crédibilité de façon irréparable.

[97]  M. C a livré un témoignage dans des circonstances très difficiles. Il a témoigné sous serment contre un homme qu’il a déjà considéré comme étant son meilleur ami. Ils se rencontraient autant au travail que pendant leurs congés et les membres de leur famille se voyaient socialement. Malgré son amitié avec le membre visé, son serment l’obligeait à dire la vérité.

[98]  Peu importe que le membre visé lui ait demandé de mentir ou que M. C ait lui-même décidé de mentir, il a effectivement menti au sergent McKenna lorsque ce dernier lui a demandé ce qu’ils avaient réellement fait de la bière. Très rapidement, cependant, M. C a compris que le sergent McKenna, par sa gestuelle, ne croyait pas son histoire. À partir de ce moment, M. C a dit la vérité.

[99]  Je conclus que son témoignage ne concorde pas avec « la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et informée reconnaîtrait facilement comme raisonnable à cet endroit et dans ces conditions », tel que mentionné dans l’arrêt Faryna, et je ne crois pas que M. C aurait continué à donner des explications farfelues. Il a dit la vérité à partir de ce moment. Il n’avait aucune raison de mentir après avoir décidé rapidement d’être franc avec le sergent McKenna.

[100]  M. C a déclaré que lorsque le membre visé l’a appelé, il était au zoo de Calgary avec sa famille. Le membre visé l’a appelé pour l’avertir que le chef de détachement posait des questions autour de lui à propos de la bière. Je conclus que M. C a dit la vérité lorsqu’il a mentionné que le membre visé lui a dit : si le chef de détachement te pose des questions, [traduction] « Dis-lui simplement que tu as déversé la bière » ou quelque chose du genre. Lorsque M. C a rétorqué [traduction] : « Qu’est-ce que je devrais dire à propos des bouteilles vides? », le membre visé a répondu [traduction] « Tu n’as qu’à dire que tu les as jetées dans la benne à ordures ».

[101]  La version de M. C semble véridique. Le membre visé lui a initialement téléphoné parce qu’il s’inquiétait du fait que le sergent McKenna cherchait à savoir ce qui s’était vraiment passé avec la bière. M. C n’était pas inquiet. Il a dit qu’il avait d’abord demandé [traduction] : « Est-ce que c’est correct d’accepter ça? » et lorsque le membre visé a répondu que c’était acceptable, il lui a fait confiance et ne s’est jamais posé d’autres questions à ce sujet.

[102]  Il est plus logique de penser que le membre visé a suggéré l’histoire à raconter au sergent McKenna, et non le contraire. Voilà pourquoi je conclus que l’allégation est établie dans sa totalité.

[103]  En résumé, je conclus qu’une personne raisonnable connaissant toutes les circonstances de l’affaire ainsi que les réalités du travail policier en général et du travail à la GRC en particulier, serait d’avis que le comportement suivant est déshonorant et qu’il ternit la réputation de la Gendarmerie :

  • un écart conscient et délibéré à la politique sur la manipulation des pièces à conviction, conformément à l’allégation 1;
  • une tentative de tromperie délibérée dans le rapport SIRP, conformément à l’allégation 2;
  • une tentative de tromperie délibérée dans le courriel, conformément à l’allégation 3;
  • avoir illégalement donné des pièces à conviction, conformément à l’allégation 4;
  • avoir donné à M. C la directive de fournir de faux renseignements concernant l’élimination de la bière, conformément à l’allégation 5.

[104]  La personne raisonnable trouverait que tous ces gestes sont suffisamment liés aux fonctions du membre pour qu’il soit dans l’intérêt de la Gendarmerie d’imposer des mesures disciplinaires.

Preuve relative aux mesures disciplinaires

[105]  Le RAD n’a présenté aucune preuve ni aucun antécédent disciplinaire. Le membre visé a témoigné pour sa propre défense en ce qui concerne l’imposition de mesures disciplinaires moins sévères que le congédiement. Il a décrit ses neuf ans de carrière à la Gendarmerie, qui a commencé à Drayton Valley (Alberta), où il est arrivé avec des compétences spécialisées comme entraîneur de football, de rugby et de crosse. Comme l’école secondaire locale n’avait pas de programme de rugby, il en a mis un en place et aujourd’hui le programme porte son nom. Pendant ses six années comme entraîneur, l’école, qui n’avait jamais eu d’équipe auparavant, s’est qualifiée trois fois pour le tournoi provincial.

[106]  Le membre visé s’est excusé de ses actes, affirmant n’avoir jamais eu l’intention de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Son geste, bien que peu judicieux selon ses dires, avait pour but de consolider les relations de travail entre le service d’incendie de Crowsnest Pass et le détachement local. Il a été franc en révélant ces allégations à ses collègues et aux membres de la communauté et il s’est dit convaincu de toujours compter sur leur appui.

Argumentations relatives aux mesures disciplinaires

Représentant de l’autorité disciplinaire

[107]  La mesure disciplinaire demandée par l’autorité disciplinaire, qui devrait être imposée pour l’ensemble des cinq infractions, est le congédiement de la Gendarmerie. Cette mesure a été proposée dès le début en vertu des mécanismes législatifs à l’origine des poursuites intentées.

[108]  Une fois que la tentative délibérée de tromper est établie, le congédiement est justifié. Lorsque les valeurs fondamentales d’honnêteté et d’intégrité sont compromises, la moralité du membre est mise en cause.

[109]  Lorsqu’une personne en situation d’autorité, comme un policier chargé de la manipulation adéquate de pièces à conviction, falsifie ces pièces à conviction sans permission, ces gestes sont considérés comme un abus de confiance. Plusieurs affaires criminelles mettant en cause un abus de confiance ont été présentées par le RAD :

  • R. v. Cook, 2010 ONSC 5016. L’accusé, un policier en service actif, a volé sur les lieux d’un crime 15 paquets de ce qu’il croyait être de la cocaïne et il les a cachés dans son garage.
  • R. v. Hunt, (1978) B.C.J. No. 92, BCCA (CA 780862). L’accusé, un caporal au sein de la GRC, comptait 16 années de service. Il a été reconnu coupable en cour provinciale d’un vol de 11 000 $ en argent. Il avait saisi cet argent dans l’exercice de ses fonctions à titre d’enquêteur au sein d’une escouade antidrogue.
  • R. v. LeBlanc, (2003), N.B.J. No. 398, 2003 NBCA 75. Un policier a plaidé coupable à une accusation d’abus de confiance. Il est intervenu lors d’un incendie en cours dans une résidence. À cet endroit, il a fouillé dans les affaires de la propriétaire, notamment dans un journal personnel. De plus, il a volé des biens personnels, dont 83 $ que la propriétaire, une mère célibataire à faible revenu, avait épargnés en vue d’acheter des cadeaux de Noël pour ses deux enfants.
  • R. v. Read, 2016 BCCA 111 (« Read »). L’accusé était employé comme conservateur de pièces à conviction et il a volé près d’un kilogramme de cocaïne dans un boîtier rangé dans un casier sécuritaire utilisé pour entreposer la drogue. La cocaïne portait une mention indiquant qu’elle devait être détruite. Au départ, l’accusé a nié être responsable de l’infraction. Après avoir été informé qu’il avait échoué le test polygraphique, l’accusé a admis le vol et il a déclaré avoir emmené la cocaïne chez lui et l’avoir vidé dans l’évier. Il a nié être un vendeur ou un consommateur de drogue.
  • R. v. Smith, (2015), 2015 BCSC 1267. L’accusé, un conservateur de pièces à conviction de la GRC, a volé 116 012 $ de 99 dossiers de police pour financer un problème de jeu chronique.
  • R. v. Tiller, 2016, BCSC 187. L’accusé, un conservateur de pièces à conviction de la GRC, a volé 2 800 $ parce qu’il avait de graves problèmes financiers. En raison des fonds manquants, plusieurs accusations criminelles ont dû être suspendues.
  • R. v. Whitney, 2015 BCPC 27. L’accusé, un membre d’une section antidrogue de la GRC, était soupçonné d’avoir détourné de la cocaïne. On l’a piégé dans une opération d’infiltration. Au cours de cette opération, il a volé 650 $ en billets de 50 $ canadiens marqués.

[110]  Dans chacune de ces affaires, des accusations criminelles d’abus de confiance ont été portées contre des employés de la GRC chargés de garder des pièces à conviction. Bien qu’aucune accusation criminelle n’ait été envisagée en l’espèce, le principe demeure le même et le thème sous- jacent, à savoir qu’un abus de confiance est plus grave lorsqu’il est commis par un policier, est énoncé au paragraphe 46 de l’affaire Read :

[Traduction]

Le juge a accepté la position défendue par l’appelant à savoir que l’abus de confiance inhérent à la perpétration de l’infraction n’était pas aussi grave que si l’infraction avait été commise par un policier.

[111]  Le RAD a invoqué les décisions de comités d’arbitrage suivantes qui appuient le congédiement dans des situations où l’honnêteté ou l’intégrité sont compromises :

  • (2014), 14 D.A. (4e) 389

Le membre en cause a utilisé de façon abusive une carte de voyage American Express et il a aussi fraudé la GRC de 256 $ en utilisant une carte de crédit TD secrète à des fins personnelles. Le membre a reçu l’ordre de démissionner. Le RAD a cité la dernière phrase du paragraphe 17 de cette décision, dans laquelle le comité a déclaré [traduction] : « En ce qui concerne l’éventail des peines pertinentes, je crois que le congédiement convient en l’absence de facteurs atténuants importants ».

  • (2014), 15 D.A. (4e) 331

Quatre allégations de conduite scandaleuse et deux allégations de déclaration fausse, trompeuse, ou inexacte ont été considérées comme établies au terme d’une audience contestée. Elles comportaient toutes un élément de tromperie de la part du membre, qui a prétendu avoir travaillé à certaines périodes alors que ce n’était pas le cas. Le comité a accepté une proposition conjointe de peine et il a imposé une confiscation de la solde.

  • (2013), 13 D.A. (4e) 267

Le membre a admis une allégation de conduite scandaleuse pour avoir fraudé la GRC de 30 $ en utilisant la carte de crédit ARI du gouvernement émise pour un véhicule de police particulier afin de mettre du carburant dans un véhicule qu’il avait emprunté à un ami à des fins personnelles. Les parties ont soumis une proposition conjointe de peine consistant en un avertissement assorti de la confiscation de la solde du membre pour une période de dix jours. Le comité a rejeté la proposition conjointe et a plutôt ordonné au membre de démissionner.

  • (2013), 13 D.A. (4e) 468

Le membre visé a reconnu la véracité des allégations selon lesquelles il aurait négligé une enquête sur un incident de conduite avec facultés affaiblies et il aurait préparé un rapport sur l’incident tout en sachant qu’il contenait des informations inexactes. Le comité a imposé une peine globale consistant en une confiscation de la solde pour une période de dix jours à la suite d’une proposition conjointe de peine.

  • (2013), 14 D.A. (4e) 269

Le membre a admis avoir temporairement détourné 2 000 $ de fonds destinés à un projet pour son usage personnel, puis il a contrefait la signature de sa conjointe sur une demande de prêt, à l’insu et sans le consentement de celle-ci. En acceptant la proposition conjointe, le comité a imposé une peine consistant en un avertissement doublé d’une confiscation de solde pour dix jours de travail.

  • Décision 2016 DARD 2 du comité de déontologie de la GRC

Le membre souhaitait restituer ses droits de conducteur à un particulier dont l’échantillon d’haleine avait successivement révélé une alcoolémie de 90 mg/100 ml et de 100 mg/100 ml. Le membre craignait que le conducteur perde son emploi si un chef d’accusation était retenu contre lui. Il a donc forgé de toutes pièces un échange de courriels entre lui et le procureur de la Couronne local dans lequel ce dernier recommande de ne pas déposer d’accusation. Il a aussi, de vive voix et sur support informatique, produit des rapports reprenant pour l’essentiel le contenu du faux courriel. Celui-ci devait servir à convaincre le superviseur concerné de clore le dossier. Le courriel, cependant, a été envoyé par mégarde au procureur de la Couronne. Le membre a plaidé coupable à une accusation criminelle d’avoir commis un faux et il a fait l’objet d’une absolution sous conditions. Le comité de déontologie a conclu que le membre n’avait nullement agi par intérêt personnel et son congédiement est apparu comme une peine disproportionnée. Pour les quatre infractions, le comité a imposé une confiscation de la solde pour un total de 60 jours de travail.

[112]  De plus, l’affaire Kube v. Edmonton (Police Service) de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, 2014 ABQB 126 a été présentée. L’affaire s’est rendue devant la Cour d’appel de l’Alberta et elle est répertoriée 2013 ABCA 438. Cette affaire portait sur la suspension et le congédiement qui s’ensuivit d’un gendarme du Service de police d’Edmonton à la suite d’une reconnaissance de culpabilité par un tribunal pénal pour entrave à la justice. Le gendarme en question avait présenté un certificat d’assurance annulé à un autre policier, lui disant que le véhicule en question était assuré alors que ce n’était pas le cas. Le tribunal disciplinaire compétent a jugé qu’en raison de sa conduite, le policier ne pouvait pas conserver son emploi et il a ordonné son congédiement.

[113]  De nombreuses affaires de la GRC, pour ne pas dire toutes, traitent de l’incidence de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. McNeil, 2009 CSC 3 (« McNeil »). Cette affaire impose l’obligation de divulguer toute information pertinente liée aux antécédents disciplinaires des témoins policiers. Le RAD a affirmé que les questions d’honnêteté et d’intégrité sont toujours pertinentes et elles doivent toujours être divulguées en premier lieu.

Représentant du membre

[114]  Le RM commence son allocution en invoquant la jurisprudence présentée par le RAD à l’appui du congédiement. Les affaires pénales mentionnées concernaient des pièces à conviction comme de la cocaïne, qui est une substance illégale. Ces affaires criminelles étaient toutes liées à un accusé qui avait détourné des pièces à conviction à des fins personnelles. Ces derniers faits distinguent les affaires mentionnées de la présente affaire.

[115]  En ce qui concerne la récente décision 2016 DARD 2 du comité de déontologie de la GRC, le membre s’est présenté devant le comité de déontologie après avoir été reconnu coupable au criminel d’avoir commis un faux, ce qui constitue une infraction criminelle grave. Cette affaire est différente des circonstances actuelles pour cette seule raison, mais il importe de noter que malgré cette condamnation criminelle, le membre dans cette affaire n’a pas été congédié, principalement parce que cet acte illégal n’a pas été commis pour obtenir un profit personnel. Dans cette affaire, le comité de déontologie a déclaré ce qui suit au paragraphe 110 [traduction] : « Cela étant dit, dans les cas où un manque d’intégrité ou un acte malhonnête a été imputé au mis en cause, ce dernier n’a été congédié, de manière générale, que lorsqu’il avait ainsi obtenu ou cherché à obtenir un profit personnel et qu’aucun facteur atténuant important n’avait été retenu ».

[116]  Le RM a consulté le Guide des mesures disciplinaires pour déterminer un cadre de référence convenable en vue d’imposer des mesures disciplinaires appropriées. Le fait de ne pas suivre la politique concernant les pièces à conviction n’est pas précisément mentionné. Le manque de diligence est abordé à la page 23 du Guide des mesures disciplinaires. Un cas mineur de cette ampleur est passible de mesures correctives consistant en une confiscation de la solde pour une période de deux à huit jours. Ces mesures semblent s’appliquer à l’allégation 1, qui constitue une omission de se conformer à la politique. Il semble que c’était là une pratique courante au Détachement de Crowsnest Pass. Le chef de détachement a remarqué que ses membres omettaient de remplir le formulaire de rapport à un juge de paix et il prenait des mesures pour corriger la situation.

[117]  Les allégations 2 et 3 sont liées à des renseignements faux ou trompeurs. Le Guide des mesures disciplinaires ne contient pas de directives précises à cet effet. On peut invoquer l’article 8.1 du code de déontologie, qui concerne les faux rapports de police et dont le sujet est abordé à la page 66 du Guide des mesures disciplinaires. La production d’un faux rapport de police peut, en présence de circonstances atténuantes, être sanctionnée par une confiscation de solde allant de 11 à 29 jours de travail. Le RM avance que la mesure disciplinaire appropriée pour l’allégation 2 devrait être de 20 jours, étant donné que les gestes posés par le membre visé n’ont pas compromis l’enquête et qu’ils n’ont pas enfreint les droits d’un tiers. La relation entre le détachement local et le service d’incendie n’a pas été compromise d’une quelconque manière. Par conséquent, pour des raisons similaires, en ce qui concerne l’allégation 3, la mesure disciplinaire appropriée devrait être de 15 jours.

[118]  L’allégation 4, soit le fait de donner des pièces à conviction en cadeau, est semblable à l’allégation 1 en ce sens que le Guide des mesures disciplinaires ne renvoie pas précisément à ce type d’inconduite. L’article 4.4 du code de déontologie concerne la manipulation d’argent, de biens et de documents. L’article 4.2 porte sur la négligence ou l’insouciance téméraire relativement aux fonctions. Étant donné qu’aucune enquête n’a été mise en péril, l’imposition de mesures disciplinaires équivalant à environ 10 jours de confiscation de la solde semble appropriée.

[119]  L’allégation 5 peut être comparée au fait de mentir à un superviseur, et comme il a été établi que le membre visé a donné à M. C la directive de mentir à son superviseur, les mesures disciplinaires décrites à la page 64 du Guide des mesures disciplinaires semblent les plus appropriées. L’éventail normal de peines se situe entre 15 et 21 jours et, dans les cas les plus graves, l’éventail de peines va de 21 jours au congédiement. Lorsqu’un membre fait preuve d’un manque flagrant de jugement, ou lorsque son comportement constitue un incident isolé dans une carrière très satisfaisante, l’éventail normal proposé se situe entre 15 et 20 jours de confiscation de la solde.

[120]  Le RM a invoqué plusieurs décisions de comités d’arbitrage de la GRC, notamment les suivantes :

  • (2007), 1 D.A. (4e) 246

Le membre a reconnu les faits reprochés dans plusieurs allégations. On avait dit au membre qu’il devait obtenir une permission pour prendre un véhicule du détachement afin de se rendre à des funérailles régimentaires, mais il en a pris un sans permission. Pendant qu’il était en sa possession, le véhicule a été impliqué dans une collision et il a subi des dommages évalués à 3 600 $. Lorsqu’il a rapporté le véhicule au garage de poste, il a mentionné au commis à la gestion du parc automobile qu’il avait déclaré les dommages, mais il ne l’avait pas fait. Le comité lui a imposé un avertissement assorti d’une confiscation de solde pour cinq jours de travail. Dans un deuxième incident, non lié au premier, le membre a pris un véhicule du détachement, encore une fois sans autorisation, pour assister à un tournoi de baseball. Alors qu’il était en route, le membre a reçu un appel de son superviseur qui voulait savoir où il se trouvait. Le membre a menti en lui disant qu’il se dirigeait vers Winnipeg pour se préparer en vue d’une descente prévue du groupe tactique d’intervention. Le comité lui a imposé un avertissement assorti d’une confiscation de solde pour quatre jours de travail. Dans une troisième allégation (liée à la deuxième allégation), alors qu’il était présent au tournoi de baseball en question, le membre, pendant une autre conversation avec son superviseur, a de nouveau menti à celui-ci en lui disant qu’il était toujours retenu à Winnipeg afin de préparer la descente du groupe tactique d’intervention. Pour cette allégation, il a reçu un avertissement et sa solde a été confisquée pour cinq jours de travail. Toutes les peines découlent d’une proposition conjointe qui a été acceptée par le comité.

  • (2008), 3 D.A. (4e) 257

La membre, une caporale travaillant la Section de l’identité judiciaire, s’est rendue sur les lieux d’un double homicide. Sur place, elle a saisi l’arme présumée du crime, puis elle a écrit dans son cahier de notes qu’il n’y avait pas de cartouche à l’intérieur. Par la suite, on a découvert que l’arme contenait en fait deux cartouches non éclatées. La membre a admis avoir réécrit ses notes de façon à ce qu’on y lise qu’il y avait des cartouches réelles à l’intérieur de l’arme. Lorsqu’on l’a questionné à propos des deux carnets de notes, la membre a déclaré que son premier carnet de notes avait été contaminé par du sang sur les lieux du crime et c’est pourquoi elle avait réécrit ses notes dans un nouveau carnet. La membre a envoyé son premier carnet de notes afin qu’il puisse être conservé comme pièce à conviction et c’est à ce moment qu’on a appris qu’elle avait mis de la peinture rouge sur son carnet de notes dans le but de simuler du sang. Le comité a sérieusement envisagé de la congédier, mais il a choisi de s’appuyer sur la suggestion commune des parties en imposant comme peine un avertissement, faisant remarquer qu’elle avait volontairement accepté d’être rétrogradée et d’être mutée, perdant ainsi son poste à la Section de l’identité judiciaire.

  • (2011), 7 D.A. (4e) 202

La membre a admis avoir formulé de fausses déclarations aux enquêteurs internes lorsqu’elle a nié s’être rendue à la résidence d’un présumé suspect et sujet d’intérêt pour le Service de police d’Ottawa. En réalité, elle s’est rendue à la résidence et elle a discuté avec la conjointe du sujet d’intérêt. En tout, elle a fait deux fausses déclarations distinctes au Service de police d’Ottawa et deux fausses déclarations distinctes aux enquêteurs internes de la GRC. Le comité d’arbitrage, accueillant la proposition conjointe de peine, a imposé un avertissement doublé d’une confiscation de solde pour cinq jours.

  • (2012), 11 D.A. (4e) 419

Le membre a reconnu les faits reprochés dans trois allégations, dont deux concernaient la création de faux rapports SIRP dans deux dossiers distincts. Des mesures disciplinaires simples, qui avaient été prises à l’endroit du membre avant l’affaire qui nous occupe, ont été acceptées en tant que facteur aggravant. Une peine globale a été imposée à la suite de l’acceptation d’une proposition de peine conjointe et le membre a reçu un avertissement et la confiscation de la solde pour dix jours de travail.

  • (2010), 5 D.A. (4e) 264

La membre a admis une allégation d’avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses à l’ICBC, une agence d’assurance provinciale. Elle a affirmé dans sa déclaration écrite aux enquêteurs de l’ICBC qu’une voiture avait embouti l’arrière de son véhicule, cependant les images captées par les caméras du stationnement montrent clairement que c’est le contraire qui s’est produit : c’est son véhicule qui a reculé dans la voiture qui se trouvait derrière. Elle a été reconnue coupable en cour provinciale d’avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses en vertu de la loi provinciale applicable. Acceptant la proposition conjointe des parties, le comité d’arbitrage a imposé une peine consistant en un avertissement assorti d’une confiscation de la solde pour dix jours de travail.

  • (2012), 13 D.A. (4e) 246

La membre a admis deux allégations d’avoir fait des déclarations trompeuses au membre qui menait l’enquête déontologique dont elle faisait l’objet. Elle a également falsifié des notes dans son carnet. Les parties ne s’entendaient pas sur la peine à infliger : le ROC réclamait huit jours, tandis que la membre visée en proposait cinq. Le comité a imposé comme peine un avertissement assorti d’une confiscation de solde pour six jours de travail.

  • (2009), 5 D.A. (4e) 69

Le membre, qui était chargé de traiter des pièces à conviction saisies d’un suspect dans une affaire de pornographie juvénile, a regardé des images de pornographie juvénile sur un ordinateur portatif saisi. Acceptant la proposition conjointe de peine, le comité d’arbitrage a imposé au membre un avertissement assorti d’une confiscation de solde correspondant à huit jours de travail.

  • (2008), 1 D.A. (4e) 382

Le membre était conservateur de pièces à conviction et il a admis avoir communiqué de faux renseignements à un autre membre lorsqu’il a dit qu’un fusil avait été détruit alors qu’il était à sa résidence. Il a fait une entrée dans le SIRP et il a écrit que l’arme avait été détruite alors que ce n’était pas vrai. Le comité d’arbitrage, accueillant la proposition conjointe de peine, a imposé un avertissement doublé d’une confiscation de solde pour cinq jours.

[121]  Le RM a affirmé que la motivation du membre pendant la durée de l’incident n’était pas d’obtenir un profit personnel, mais de consolider les liens avec le service d’incendie.

[122]  Le RM a conclu sa présentation en attirant l’attention sur les facteurs atténuants. Les évaluations du rendement du membre visé étaient positives et il a mis l’accent sur son engagement communautaire et sur les nombreuses contributions qu’il a apportées au fil des ans. Le RM a fait mention des nombreuses lettres de soutien rédigées par des membres de la communauté et par ses collègues. Non seulement les relations avec le service d’incendie ne se sont pas détériorées, mais le membre visé est toujours tenu en haute estime malgré cet incident.

[123]  Le RM a suggéré que la peine appropriée, compte tenu de tous les facteurs en cause, devrait être un avertissement assorti de la confiscation de la solde pour une durée de 45 à 60 jours.

[124]  Un certificat d’appréciation a également été déposé en preuve. Lors de son témoignage, le membre visé a déclaré avoir reçu ce certificat après les événements liés à un appel qu’il avait reçu concernant un vol à main armée et une prise d’otage. Une poursuite s’ensuivit et le véhicule suspect était tombé dans un fossé et avait pris feu. Le conducteur s’était sauvé dans le boisé situé à proximité. Le membre visé et son partenaire ont procédé à l’arrestation du passager, mais à ce moment le véhicule était envahi par les flammes. Il y avait une personne inconsciente sur la banquette arrière. Le membre visé et son partenaire sont retournés au véhicule en flammes, ils ont sorti la personne du véhicule, puis ils l’ont conduite à un endroit sécuritaire. Le membre visé a ensuite poursuivi le conducteur dans le boisé avant de procéder à son arrestation.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[125]  Les contraventions au code de déontologie ayant été établies, je suis obligé par la loi d’imposer des mesures disciplinaires appropriées. L’article 24(2) des Consignes du commissaire (déontologie) m’oblige à imposer des mesures qui « sont adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie ». Selon l’al. 36.2e) de la version modifiée de la Loi sur la GRC, il faut « prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[126]  Le membre visé a fait cadeau de la bière qu’il avait saisie; cette bière devait être déversée dans le tuyau de vidange du détachement. Il l’a donné au service d’incendie local dans un geste de bonne foi. Il savait qu’il n’avait pas le droit d’agir ainsi et c’est pourquoi il n’a pas consigné les mesures prises avec exactitude. C’est aussi la raison pour laquelle il a dit à M. C [traduction] : « Si quelqu’un te pose des questions, dis simplement que tu as déversé la bière ». Mon travail consiste à déterminer si ces comportements trahissent un défaut de caractère incorrigible et un degré de turpitude morale si extrême que la seule option consciencieuse soit de mettre fin à son emploi après neuf années de service satisfaisant.

[127]  Bien que ces poursuites découlent des récentes modifications apportées à la Loi sur la GRC, le critère lié à l’imposition de mesures disciplinaires appropriées demeure inchangé par rapport au critère qui s’applique aux peines appropriées. Il faut d’abord tenir compte de l’éventail des peines, puis des facteurs aggravants et atténuants. L’éventail des peines applicables à une inconduite soulevant des questions d’honnêteté et d’intégrité comprend certainement le congédiement. Je ne crois toutefois pas que le congédiement doit être envisagé dans chaque cas.

[128]  Je suis particulièrement en désaccord avec l’approche utilisée par le président de l’affaire citée sous la référence (2013), 14 D.A. (4e) 269, qui fait l’affirmation suivante au paragraphe 17 [traduction] : « En ce qui concerne l’éventail des peines pertinentes, je crois que le congédiement convient en l’absence de facteurs atténuants importants dans une affaire d’inconduite mettant en cause l’honnêteté ». Les questions d’honnêteté et d’intégrité ne sont jamais blanches ou noires et il est beaucoup trop simpliste de les caractériser ainsi. En examinant les questions d’honnêteté et d’intégrité, il importe d’examiner la motivation de la personne à poser ces gestes et d’évaluer le degré de turpitude morale inhérent à l’activité.

[129]  Je privilégie l’approche utilisée par le comité de déontologie aux paragraphes 108 à 110 de la décision 2016 DARD 2 du comité de déontologie de la GRC, sous l’en-tête « Jurisprudence en matière disciplinaire » :

[130]  Il ressort de mon examen des décisions citées par les deux parties que l’éventail des peines imposées par les comités d’arbitrage de la GRC dans les affaires impliquant des actes malhonnêtes s’étend de l’avertissement doublé d’une importante confiscation de solde à l’ordre de démissionner.

[131]  Il importe toutefois de souligner que dans toutes les affaires citées, le ou les actes malhonnêtes visaient ou procuraient au membre quelque forme de gain ou d’avantage, qu’il s’agît, pour ce dernier, d’obtenir un avantage ou un gain pécuniaire personnel, de dissimuler ses insuffisances professionnelles, de contrecarrer une enquête dont il faisait l’objet ou de falsifier des documents en vue de faire progresser une enquête. Ainsi constate-t-on que des actes malhonnêtes profitant à leur auteur se trouvent à la source d’affaires d’inconduite dans lesquelles :

la GRC s’est fait escroquer de l’essence;

des fonds opérationnels ont été détournés à des fins personnelles et ont servi à cautionner une demande de prêt falsifiée;

des ordonnances falsifiées ont été produites en vue de l’obtention de stéroïdes anabolisants;

de nombreuses déclarations fausses et trompeuses ont été faites à répétition à des enquêteurs et à des superviseurs avant d’être reconnues comme telles à l’issue d’une audience contradictoire;

un jour d’emprisonnement a été imposé au membre qui avait tenté de frauder un régime provincial d’assurance automobile;

un verdict de culpabilité a été rendu contre un membre ayant fait une fausse déclaration à un régime provincial d’assurance automobile;

un rapport de continuation, différent du rapport initial ayant servi à l’obtention d’un mandat de perquisition, a été créé deux ans après les faits pour réfuter des allégations selon lesquelles des mandats avaient été obtenus sur la foi d’assertions inexactes;

des notes sur les lieux d’un homicide ont été dissimulées et de fausses notes ont été communiquées;

de nombreuses fausses déclarations ont été faites à répétition dans le but de dissimuler la négligence dont le membre avait délibérément fait preuve dans le cadre d’une enquête;

le membre, après avoir été vu se masturber dans un véhicule de surveillance, a tenté d’influer sur le traitement de la plainte par un autre corps de police, a fait des déclarations fausses et trompeuses et a demandé que soient effectuées des vérifications illégitimes dans des banques de données.

[132]  Cela étant dit, dans les cas où un manque d’intégrité ou un acte malhonnête a été imputé au mis en cause, ce dernier n’a été congédié, de manière générale, que lorsqu’il avait ainsi obtenu ou cherché à obtenir un profit personnel et qu’aucun facteur atténuant important n’avait été retenu.

[133]  Après avoir analysé les affaires présentées par les deux parties, je suis d’accord avec les observations formulées par le comité de déontologie au paragraphe 110 de la décision susmentionnée. Les congédiements surviennent habituellement lorsqu’un individu a obtenu ou cherché à obtenir un profit personnel et qu’aucun facteur atténuant important n’avait été retenu. Premièrement, je conclus que le membre visé n’a pas obtenu ou cherché à obtenir un profit personnel en posant de tels gestes, et ce, à une étape ou l’autre des événements ayant donné lieu à la poursuite. Deuxièmement, d’importants facteurs atténuants doivent être pris en considération et je vais m’y attarder plus loin.

[134]  Cette affaire, répertoriée 2016 DARD 2, est comparable à la présente affaire. Voici le résumé de l’affaire en question :

Le membre visé faisait face à quatre allégations formulées à la suite de sa tentative de restituer ses droits de conducteur à un particulier dont l’échantillon d’haleine avait successivement révélé une alcoolémie de 90 mg/100 ml et de 100 mg/100 ml. Le membre visé craignait que le conducteur perde son emploi si un chef d’accusation était retenu contre lui. En effet, une accusation aurait entraîné la suspension prolongée du permis de conduire de l’intéressé, dont le travail exigeait l’utilisation d’un véhicule.

Le membre visé a forgé de toutes pièces un échange de courriels entre lui et le procureur de la Couronne local dans lequel ce dernier recommande de ne pas déposer d’accusation. Il a aussi, de vive voix et sur support informatique, produit des rapports reprenant pour l’essentiel le contenu du faux courriel. Celui-ci devait servir à convaincre le superviseur concerné de clore le dossier. Le courriel, cependant, a été envoyé par mégarde au procureur de la Couronne, à la suite de quoi le membre a été accusé d’avoir commis un faux. Ce dernier, après avoir plaidé coupable, a bénéficié d’une absolution conditionnelle.

Lors de la conférence préparatoire, la requête visant à réunir les deux allégations de conduite déshonorante aux deux allégations de rapport inexact a été rejetée. Le membre visé ayant avoué avoir commis les actes qui lui étaient reprochés, les quatre allégations ont été jugées établies. Le membre visé n’ayant nullement agi par intérêt personnel, son congédiement est apparu comme une peine disproportionnée. Sa malhonnêteté a nui à l’application de la loi et mis en péril la relation entre la GRC et la Couronne, ce qui justifie l’imposition d’une confiscation de solde considérable. Au total, le membre visé s’est vu imposer une confiscation de solde pour soixante jours de travail, a été déclaré inadmissible à quelconque promotion pour une période de deux ans, a reçu l’ordre de suivre un traitement psychologique adéquat et contraint à être muté ou réaffecté, selon ce que l’autorité disciplinaire juge le plus indiqué.

[135]  Dans cette affaire comme dans celle qui est présentement à l’étude, le membre n’était pas motivé par un intérêt personnel. En réalité, dans les deux cas, les démarches prises semblent être motivées par une forme d’altruisme, mais malheureusement elles ont été exécutées de manière inacceptable. Dans l’ensemble, je conclus que l’inconduite du membre est moins grave que celle expliquée dans l’affaire susmentionnée : le membre visé n’a pas fait face à des accusations criminelles, les gestes qu’il a posés n’ont pas compromis de nombreuses enquêtes criminelles et il n’a pas mis en péril la relation de la GRC avec un important partenaire policier. Tous les témoins en cause dans la présente affaire ont affirmé que les relations entre le détachement local et le service d’incendie n’ont pas souffert de la situation.

[136]  En appliquant le principe de la parité des peines, je garde à l’esprit le critère visant à déterminer la parité, ainsi que le Comité externe d’examen de la GRC l’a exposé dans la recommandation répertoriée 2700 99 001, (D 067) :

Pour l’arbitre, il s’agira de déterminer si, dans le cadre d’une affaire donnée, la peine « s’écarte des mesures disciplinaires normalement imposées », pour reprendre la formule que l’on trouve dans l’affaire MacMillan Bloedel Ltd. (Powell River Division) et section locale 76 du C.E.P. (Lentz) (1997), 65 L.A.C. (4e) 240, page 249.

[137]  En conséquence, selon le principe de la parité des peines, le congédiement constituerait une mesure disciplinaire trop dure dans la présente affaire, le membre n’ayant nullement agi par intérêt personnel.

[138]  Notre système de mesures disciplinaires en est un qui se veut positif et progressif. La raison d’être de ce système est expliquée dans le traité de droit intitulé Canadian Labour Arbitration 4e édition, de Brown and Beatty, au paragr. 7:4422, sous l’en-tête « Rehabilitative potential » :

[Traduction]

La théorie de la discipline progressive, qui découle du devoir d’avertir l’employé de la gravité que l’employeur attache à ses agissements au travail, n’est qu’une manifestation du fait que les arbitres ont reconnu récemment que la réhabilitation de l’employé devait sous-tendre les mesures disciplinaires en milieu de travail. Disons, pour exprimer les choses très simplement, qu’en imposant des mesures disciplinaires de plus en plus sévères pour une inconduite persistante, on veut inciter l’employé à s’amender. Un tel système met l’accent sur l’équité et l’efficacité des mesures disciplinaires en veillant à ce que les employés ne soient pas punis plus sévèrement que nécessaire et qu’ils ne soient pas surpris.

[139]  Le membre visé n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires. Il n’est pas nécessaire de discuter du manque d’efficacité associé à l’imposition de mesures disciplinaires plus sévères. C’est la première fois qu’il contrevenait au code de déontologie.

[140]  Malgré tout, le membre visé pourrait quand même être congédié si on détermine que son comportement répréhensible pourrait porter préjudice à la viabilité du lien d’emploi, conformément à la décision Ennis v. Canadian Imperial Bank of Commerce, 1986 CanLII 1208 [traduction] :

La gravité du mauvais comportement justifiant un congédiement est une norme qui varie selon la nature des activités exercées par l’employeur et le poste de responsabilité et de confiance occupé par l’employé. Il faut démontrer l’inconduite ou l’incompétence réelle. La conduite de l’employé et le trait de caractère qu’elle révèle doivent être de nature à miner ou à éroder considérablement la confiance que l’employeur est en droit de placer en ce dernier eu égard au contexte de leur relation particulière. Il faut que l’employé, par son comportement, montre son refus de respecter le contrat de travail ou l’un de ses éléments essentiels.

[141]  Il faut seulement envisager le congédiement dans des situations très graves. La Cour d’appel de l’Ontario a examiné les circonstances qui justifient le congédiement d’un employé dans l’affaire Trumbley and Fleming, 1986 CanLII 146 (ON CA) [traduction] :

Une instance disciplinaire de la police constitue un processus interne purement administratif. Sa conséquence possible la plus grave la rend semblable à une instance disciplinaire dans le contexte des rapports employeur-employé ordinaires, même si la procédure qui la régit est nettement plus formelle. L’objet premier du congédiement d’un employé n’est pas de punir celui-ci, au sens habituel du mot (pour le dissuader ou le corriger ou, peut-être, pour lui infliger une forme moderne de châtiment), mais plutôt de soulager l’employeur du fardeau que représente l’employé qui a démontré ne pas être à la hauteur de sa tâche.

[142]  Le Comité externe d’examen de la GRC, dans sa recommandation répertoriée 2800-04-002, (D 099), a fait la remarque suivante [traduction] :

La cessation du lien d’emploi est considérée comme un dernier recours dans le contexte de la discipline positive. Il ne peut être ordonné que lorsque la réhabilitation est très improbable ou lorsque l’employeur court un trop grand risque en gardant l’employé.

[143]  Je conclus que les gestes posés par le membre visé, qui a donné la bière en cadeau et qui a manqué de franchise à ce propos, constitue une grave erreur de jugement plutôt qu’un comportement type d’un défaut de caractère incorrigible. Je ne vois aucun autre signe, et ce, à n’importe quel moment de sa carrière, d’une tendance à adopter un comportement malhonnête ou trompeur. Voilà pourquoi je n’ai aucune raison de penser qu’il agira à nouveau de la même façon. L’organisation n’en est pas à prendre des mesures de dernier recours pour s’assurer de la réhabilitation du membre visé. Le risque d’un comportement récurrent est minime. Sa réhabilitation, compte tenu de tous les facteurs que je décrirai en détail, est tellement probable qu’elle est pratiquement assurée.

Facteurs aggravants

[144]  Je n’en vois que deux. Les allégations 2, 3 et 5 décrivent chacune trois cas différents, qui se sont produits pendant une brève période, d’une tentative de tromperie délibérée. On ne peut pas dire qu’il s’agit d’une infraction unique.

[145]  Le deuxième facteur aggravant concerne les obligations de divulgation continues suggérées par l’arrêt McNeil. Les questions d’honnêteté et d’intégrité sont toujours pertinentes, par conséquent, les antécédents disciplinaires du membre visé feront toujours l’objet de discussions et d’une divulgation chaque fois qu’il prendra part à une enquête criminelle. Il reste à déterminer si la capacité de la Gendarmerie de l’affecter à des fonctions est compromise compte tenu des répercussions de l’arrêt McNeil.

Facteurs atténuants

La nature de la pièce à conviction

[146]  De nombreux facteurs atténuants sont en cause, mais l’un des plus des plus inquiétants, et par conséquent l’un des plus importants, est la nature de la pièce à conviction. J’ai pris soin de préciser, dans les motifs justifiant l’établissement de l’allégation, que même si je ne partage pas l’interprétation de la politique de la Division K, cette divergence d’opinions n’influencera pas ma décision concernant les allégations. Par contre, cette politique est très pertinente lorsque vient le temps d’imposer des mesures disciplinaires. Pour que tout soit bien clair, la politique en question contient des directives liées au traitement des infractions à la Gaming and Liquor Act de l’Alberta.

[147]  Dans le Manuel des opérations de la Division K, V.9 (Gaming and Liquor Act), au chapitre 3.2 [traduction] :

2.3 Pièces à conviction

2.3.1 Membre

2.3.1.1 Lorsqu’une accusation est déposée relativement à la possession, au transport ou à la consommation d’alcool, au lieu de saisir l’alcool le membre peut prendre l’une des mesures suivantes :

2.3.1.1.1 Vider seulement le contenu des bouteilles liées à l’accusation et permettre au contrevenant d’assister à l’élimination dudit contenu.

2.3.1.1.2 Donner une description complète du contenant et de son contenu dans la partie réservée aux notes de l’agent sur la contravention.

2.3.1.1.3 Remettre les contenus vides au contrevenant.

[C’est moi qui souligne]

[148]  Tous les témoins à l’audience ont affirmé que le déversement de l’alcool saisi en bordure de route constitue une pratique normalisée au détachement. Le gendarme Kelly Willett a également évoqué cette pratique dans sa déclaration. Les membres ne se contentent pas de déverser l’alcool qui se trouve dans les contenants ouverts associés à l’accusation, selon mon interprétation du passage souligné dans la politique susmentionnée, ils déversent aussi les contenants non décapsulés. De plus, ils ne les vident pas toujours en bordure de la route, sur les lieux de l’infraction présumée. Il arrive parfois qu’ils les rapportent au détachement pour les éliminer.

[149]  À la ligne 560, page 21, de la déclaration du gendarme Kelly Willett, l’enquêteur interne lui demande [traduction] : « […] habituellement, comment manipulons-nous l’alcool saisi comme pièce à conviction selon votre expérience? » Le gendarme Willett a répondu [traduction] : « Les fois que je l’ai fait, j’ai déversé l’alcool ou j’ai demandé à la personne de déverser l’alcool sur place. Sinon je les déverse dans l’évier une fois rendu au détachement ». Plus loin, à la ligne 587, page 22, la discussion sur le déversement continue comme suit :

[Traduction]

Q : (question posée par l’enquêteur interne) « ... quelle est la procédure à suivre pour déverser l’alcool après la saisie?

R : (réponse du gendarme Willett): Je l’aurais déversé dans l’égout ici.

Q : OK, vous seul ou en compagnie de quelqu’un d’autre?

R : J’aurais demandé à quelqu’un d’être présent avec moi. »

[150]  Le membre visé a confirmé cette pratique dans son témoignage et il ne l’a pas contestée. Le matin du 29 juillet 2014, le sergent McKenna a dit ce qui suit au membre visé, qui se trouvait dans l’embrasure de la porte de son bureau [traduction] : « ce n’est pas comme ça comme traite les pièces à conviction » et « il doit y avoir deux membres lorsqu’on déverse la bière ». Ces commentaires révèlent que cette attitude est inacceptable de même que la pratique courante qui consiste à déverser la bière avant la première comparution en cour de l’accusé, avant la condamnation et certainement avant l’expiration de la période d’appel.

[151]  L’élimination de l’alcool saisi, en vertu des dispositions de la Gaming and Liquor Act, est censée être étroitement contrôlée. Conformément à l’article 110, [traduction] : « Lorsqu’une condamnation en vertu de la loi devient finale, tout l’alcool et tous les contenants liés à la perpétration de l’infraction qui ont été saisis sont, dans le cadre de la peine découlant de la condamnation, confisqués par la Couronne » et, conformément à l’article 114(1) [traduction] : « L’alcool qui est confisqué par la Couronne en vertu de cette loi doit être éliminé ou détruit conformément aux directives du ministre de la Justice et du Solliciteur général ». Nulle part ne fait- on mention d’une élimination immédiate en bordure de route ou du transport de l’alcool saisi jusqu’au détachement en vue d’une élimination immédiate, mais il s’agit de pratiques courantes au Détachement de Crowsnest Pass.

[152]  Le problème associé à cette pratique est évident. J’ai posé une question au sergent McKenna, le chef de détachement, à propos de ce qui se passerait si la personne à qui on a saisi l’alcool en vertu de la Gaming and Liquor Act plaidait « non coupable » à l’accusation. Le sergent McKenna a déclaré que l’accusation serait simplement abandonnée. Je crois que cette approche risque de jeter le discrédit sur l’administration de la justice et d’accorder un statut de deuxième niveau à l’alcool saisi comme pièce à conviction. Les pièces à conviction d’une autre nature, en particulier les pièces à conviction mentionnées dans les affaires présentées à l’appui d’un congédiement, comme la cocaïne, les armes à feu ou l’argent saisi, n’auraient jamais été traitées de manière aussi cavalière.

[153]  Je ne dis pas que le fait de déverser l’alcool saisi en bordure de route ou de retour au détachement équivaut à le donner en cadeau. Je souhaite simplement mettre en lumière une pratique divergente en ce qui concerne le traitement de l’alcool saisi comme pièce à conviction par rapport au traitement des autres types de pièces à conviction. Par souci d’équité, il est nécessaire de tenir compte de cette pratique différente au moment d’imposer des mesures disciplinaires pour avoir mal utilisé des pièces à conviction. L’usage incorrect d’alcool saisi comme pièce à conviction est tout de même inapproprié, mais il ne doit pas être traité avec la même sévérité que l’usage incorrect d’autres pièces à conviction. L’alcool saisi comme pièce à conviction ne semble pas être aussi important pour l’administration de la justice que d’autres pièces à conviction étant donné que les accusations liées à l’alcool sont simplement abandonnées en cas d’un plaidoyer de non-culpabilité.

La relation acrimonieuse entre le membre visé et le sergent McKenna

[154]  Les notes du sergent McKenna contiennent le passage suivant [traduction] : « J’ai parlé avec [le membre visé] de l’impression qu’il a depuis longtemps et du fait que je le harcèle ». Lors de son témoignage, le sergent McKenna a déclaré qu’il entretenait depuis longtemps une relation acrimonieuse avec le membre visé.

[155]  Au cours d’une réunion du détachement qui s’est déroulée environ un mois avant les incidents décrits dans l’avis d’audience disciplinaire, le sergent McKenna a relevé une grave lacune liée à la manipulation des pièces à conviction. Lorsqu’on lui a parlé du procès-verbal de la réunion du détachement tenue le 11 juin 2014, et dans lequel on peut lire ce qui suit [traduction] : « Si vous avez une tâche à exécuter relativement à une pièce à conviction qui n’est pas de la drogue ou une arme à feu, vous devez vous en occuper. Vous DEVEZ présenter un rapport à un juge de paix chaque fois que vous saisissez un article ». Le sergent McKenna a déclaré que les membres du détachement omettaient fréquemment de remplir le formulaire de rapport à un juge de paix. En remplissant ce formulaire, le membre s’assure de recevoir l’autorisation d’un tribunal pour éliminer des pièces à conviction. Le membre visé n’était évidemment pas le seul à ce détachement dont les pratiques liées à la manipulation des pièces à conviction laissait à désirer, mais il a été pointé du doigt probablement en raison de cette relation acrimonieuse.

[156]  Le comportement à la barre des témoins ne suffit pas à déterminer la crédibilité d’une personne, mais on peut certainement s’y fier pour remarquer d’autres traits de caractère. L’antipathie qu’éprouve le sergent McKenna à l’égard du membre visé était manifeste, et je ne suis pas surpris qu’il ait immédiatement porté la situation impliquant la glacière de bières à l’attention du sous- officier conseiller pour le district au lieu de s’en occuper lui-même au détachement.

[157]  Le vendredi 25 juillet 2014, en soirée, le membre visé a téléphoné deux fois au sergent McKenna, mais celui-ci n’a pas répondu parce qu’il a vu que les appels avaient été effectués à partir du téléphone personnel du membre visé. Le sergent McKenna savait que le membre visé était de service lorsqu’il a fait les appels. Si leur relation n’avait pas été aussi acrimonieuse, une discussion aurait eu lieu dès le début et la situation ne se serait pas détériorée au point où l’emploi du membre visé serait menacé.

Capacité de réhabilitation

[158]  Nonobstant son antipathie manifeste à l’égard du membre visé, le sergent McKenna a néanmoins reconnu ses nombreuses qualités lors de récentes évaluations du rendement. Dans son évaluation de l’exercice 2013-2014, on a souligné la volonté du membre visé à suivre des formations, son engagement en matière de formation et d’apprentissage continus ainsi que ses interventions rapides sur demande. En fait, chaque catégorie liée au rendement contenait des commentaires positifs. Le manque de bon sens et de jugement du membre visé ne l’emportent pas sur ses nombreuses années de service satisfaisant. Le congédiement est réservé aux membres qui ne sont plus réhabilitables. Ces événements font maintenant partie du passé; j’ai tout lieu de croire que le membre visé est disposé à continuer d’offrir un service solide et fiable.

Participation continue à des activités communautaires

[159]  Le membre visé, qui est père de quatre enfants, s’occupe du transport de ses enfants afin qu’ils participent à différentes activités communautaires. En accordant ce qui lui reste de temps libre à améliorer la qualité de vie des autres, il s’attire des éloges. Il est depuis longtemps un des principaux entraîneurs de sports comme le rugby, le football et la crosse. À Drayton Valley, il est à l’origine de la création et de la progression d’un programme de rugby dans une école secondaire. Son influence sur ce programme couronné de succès a été tellement grande que malgré sa mutation il y a plusieurs années, l’école associe toujours ce programme au nom du membre.

[160]  Il importe de tenir compte de ce niveau de dévouement à l’égard des communautés au moment de déterminer si le membre visé demeure apte à occuper un emploi à la Gendarmerie. Ce sont des qualités que nous recherchons chez les membres, surtout chez les gendarmes chevronnés, qui servent de modèles aux membres subalternes. Le membre visé est toujours prêt à consacrer du temps à la communauté dans les domaines où il sait qu’il peut être utile. Si la nature de son inconduite choquait la conscience de la communauté, il serait impossible de retenir ses services. Dans le cas présent, tout porte à croire que son inconduite sera acceptée.

[161]  Je comprends les explications du RAD qui dit que jusqu’à maintenant, la communauté a seulement entendu la version du membre visé. Je dois déterminer si la diffusion de ma décision aura une incidence sur la situation actuelle, et je conclus que non. Les parents de Crowsnest Pass dont les enfants sont actuellement entraînés par le membre visé ne seraient pas consternés d’apprendre les quelques détails qu’ils ne connaissent pas à propos de son inconduite. Ils seraient toutefois troublés d’apprendre que son congédiement le forcerait à quitter la région et à trouver un autre emploi dans une autre communauté.

[162]  À cet égard, un des principaux acteurs communautaires qu’il convient de mentionner est le service d’incendie de Crowsnest Pass. Les témoignages non contredits entendus lors de l’audience disciplinaire n’ont eu aucune incidence sur les relations de travail saines entre le service d’incendie et le détachement local. Ce facteur joue en faveur du membre visé. Les affaires qui entraînent un congédiement sont souvent liées à un préjudice important causé à une relation de confiance avec un important partenaire policier. Les circonstances actuelles démontrent au contraire que les membres du service d’incendie local appuient fortement le membre visé, comme l’a déclaré leur ancien chef, M. C., lors de son témoignage.

[163]  Pour poursuivre sur un sujet étroitement lié, en tenant compte de l’émotion avec laquelle M. C. et le membre visé ont parlé de l’étendue et de la profondeur de leur ancienne amitié, j’estime qu’aucune mesure disciplinaire ne pourrait être plus douloureuse pour le membre visé que la perte de cette amitié.

Lettres de référence

[164]  Dans les nombreuses lettres de référence déposées en preuve, on décrit le membre visé comme étant une personne dotée de compassion et de sollicitude. Une lettre en particulier est digne de mention en raison de sa sincérité et de son côté personnel. Voici la note manuscrite :

[Traduction]

En tant qu’ami [du membre visé], je peux dire que c’est un honneur pour moi de connaître cette personne. On peut toujours compter sur lui dans n’importe quelle situation. Il est toujours là. En janvier, mon fils s’est blessé dans un grave accident de ski et il a été hospitalisé pendant près de trois semaines. [Le membre visé] et sa femme, même s’ils étaient très occupés, ont pris le temps d’aider ma famille pendant cette période stressante. Grâce à la manière dont il s’est comporté, je n’ai jamais vu la situation comme un fardeau et je savais que je pourrais compter sur lui et sa femme à toute heure du jour ou de la nuit pendant que mon fils récupérait. Je suis très reconnaissant de connaître une telle personne. Son honnêteté et ses compétences en relations interpersonnelles sont ce qui fait de lui une personne aussi spéciale. C’est la meilleure personne que je connaisse.

Actes de bravoure

[165]  Le 26 juin 2010, le membre visé, a fait preuve d’altruisme, de force, de courage et de bravoure au travail et son commandant l’a officiellement reconnu. Il a également accepté de relever d’autres membres pendant la situation d’urgence due à l’inondation survenue à High River, en Alberta, et il a participé à deux missions à cet endroit. Le sergent McKenna a fait remarquer qu’il est le seul membre du Détachement de Crowsnest Pass à avoir pris part à une intervention d’aide aux victimes d’inondations.

[166]  Afin de décider s’il faut retenir ses services comme membre de la Gendarmerie, je dois prédire, en tenant compte de tout ce que j’ai eu l’occasion de voir et d’entendre à propos de son caractère, de l’aspect de dissuasion d’un avertissement accompagné de la confiscation de la solde pour 35 jours de travail, des inconvénients et de l’humiliation associés aux divulgations en vertu de l’arrêt McNeil ainsi que de la perte de son amitié avec M. C, si le membre visé se livrera de nouveau à des pratiques trompeuses. À mon avis, le risque que cela se reproduise est pour ainsi dire inexistant.

[167]  Selon moi, s’il devait un jour être appelé à sacrifier sa propre sécurité pour assurer celle des autres, au travail ou ailleurs, je prédis qu’il se porterait immédiatement à leur secours, contrairement à d’autres qui seraient tentés de se sauver.

Mesures disciplinaires imposées

[168]  En faisant la somme des mesures disciplinaires imposées, le membre visé reçoit comme peine un avertissement et une confiscation de sa solde pour 35 jours de travail, ce qui représente une importante pénalité financière qui s’approche du point de référence de 45 jours décrit dans le Guide des mesures disciplinaires comme étant la peine la plus sévère mis à part le congédiement. L’effet cumulatif de ces cinq mesures disciplinaires a un aspect dissuasif tant précis que général qui correspond à la gravité de son inconduite. Pour chacune des infractions, j’estime que la mesure imposée est compatible avec l’éventail de peines décrit dans les décisions citées. Je crois également que toutes les mesures imposées sont conformes à l’esprit du Guide des mesures disciplinaires et qu’elles se situent dans l’éventail des mesures disciplinaires envisagées dans celui-ci.

  • Relativement à l’allégation 1, qui porte sur la manipulation des pièces à conviction d’une manière qui va à l’encontre de la politique de la GRC, j’impose comme mesure disciplinaire un avertissement et la confiscation de la solde pour une période de trois jours de travail.
  • Relativement à l’allégation 2, qui porte sur une entrée fausse ou trompeuse dans le SIRP, j’impose comme mesure disciplinaire un avertissement et la confiscation de la solde pour une période de huit jours de travail.
  • Relativement à l’allégation 3, qui porte sur un courriel contenant de l’information fausse ou trompeuse, j’impose comme mesure disciplinaire un avertissement et la confiscation de la solde pour une période de huit jours de travail.
  • Relativement à l’allégation 4, qui porte sur le fait de donner des pièces à conviction, j’impose comme mesure disciplinaire un avertissement et la confiscation de la solde pour une période de trois jours de travail.
  • Relativement à l’allégation 5, qui porte sur la formulation de directives visant à fournir une fausse information, j’impose comme mesure disciplinaire un avertissement et la confiscation de la solde pour une période de 13 jours de travail.

[169]  J’ai tenu compte des observations du membre visé ainsi que des preuves présentées à l’audience et contenues dans les documents déposés. Le membre visé et sa famille semblent jouir d’une bonne réputation au sein de la communauté, leurs enfants sont heureux à l’école qu’ils fréquentent et je n’ai aucune raison de croire que son retour au travail à Crowsnest Pass aurait des conséquences négatives. Son principal détracteur, le sergent McKenna, a été muté dans un autre détachement. En conséquence, je n’ordonne pas sa mutation.

 

 

Le 6 juin 2016

Inspecteur James Robert Knopp

Comité de déontologie

 

Date

 

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