Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le membre visé a signalé à l’Insurance Corporation of British Columbia (ICBC) que sa camionnette avait été vandalisée et cambriolée, alors que les dommages pour lesquels il demandait à être indemnisé étaient attribuables en partie à un accident de la route impliquant uniquement son véhicule. En affirmant que les dommages avaient été causés lors d’un seul incident plutôt que lors de deux incidents distincts, il a évité de payer une deuxième franchise. Le membre visé a reconnu les faits qui lui étaient reprochés dans deux allégations, dont la première concernait une déclaration fausse, inexacte ou trompeuse faite à une membre de la GRC, et la deuxième, un faux signalement fait à l’ICBC, y compris une fausse déclaration faite sous serment ou sur la foi d’une affirmation solennelle devant notaire.
À la suite d’une audience contradictoire d’une journée sur les mesures disciplinaires, le membre visé a été sommé de démissionner dans les quatorze jours, faute de quoi il serait renvoyé.

Un avis d’audience disciplinaire (l’« avis ») a été signifié au membre visé le 6 novembre 2015, conformément à la partie IV de la Loi sur la GRC. Cet avis, produit le 28 octobre 2015 par l’autorité disciplinaire, soit le commandant intérimaire de la Division K, faisait état de deux allégations. Des argumentations écrites concernant ces allégations ont été présentées le lundi 13 juin 2016. La décision rendue par la suite concluait que les deux allégations étaient établies. Une audience contradictoire sur l’imposition de mesures disciplinaires a été tenue à Vancouver, en Colombie- Britannique, les 20 et 21 septembre 2016. Ce qui suit constitue la version écrite de cette décision.

Contenu de la décision

Protégé A

2017 RCAD 3

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

AUDIENCE DISCIPLINAIRE DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT

LA LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Entre :

le commandant de la Division E

(Autorité disciplinaire)

- et -

le gendarme Fareez Vellani, matricule 54533

(Membre visé)

Décision du comité de déontologie

Inspecteur James Robert Knopp, comité de déontologie

29 mars 2018

Sergente Julie Beaulieu et membre civil Denys Morel, représentants de l’autorité disciplinaire de la Division E

Sergent d’état-major Colin Miller, représentant du membre visé


Résumé

Le membre visé a signalé à l’Insurance Corporation of British Columbia (ICBC) que sa camionnette avait été vandalisée et cambriolée, alors que les dommages pour lesquels il demandait à être indemnisé étaient attribuables en partie à un accident de la route impliquant uniquement son véhicule. En affirmant que les dommages avaient été causés lors d’un seul incident plutôt que lors de deux incidents distincts, il a évité de payer une deuxième franchise. Le membre visé a reconnu les faits qui lui étaient reprochés dans deux allégations, dont la première concernait une déclaration fausse, inexacte ou trompeuse faite à une membre de la GRC, et la deuxième, un faux signalement fait à l’ICBC, y compris une fausse déclaration faite sous serment ou sur la foi d’une affirmation solennelle devant notaire.

À la suite d’une audience contradictoire d’une journée sur les mesures disciplinaires, le membre visé a été sommé de démissionner dans les quatorze jours, faute de quoi il serait renvoyé.

Résumé

Un avis d’audience disciplinaire (l’« avis ») a été signifié au membre visé le 6 novembre 2015, conformément à la partie IV de la Loi sur la GRC. Cet avis, produit le 28 octobre 2015 par l’autorité disciplinaire, soit le commandant intérimaire de la Division K, faisait état de deux allégations. Des argumentations écrites concernant ces allégations ont été présentées le lundi 13 juin 2016. La décision rendue par la suite concluait que les deux allégations étaient établies. Une audience contradictoire sur l’imposition de mesures disciplinaires a été tenue à Vancouver, en Colombie- Britannique, les 20 et 21 septembre 2016. Ce qui suit constitue la version écrite de cette décision.


Introduction

[1]  À la suite d’une enquête pour manquement au code de déontologie, deux allégations ont été formulées contre le membre visé [Traduction] :

Allégation 1

Le 13 février 2015 ou vers cette date, à Maple Ridge ou dans ses environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [le membre visé] a fait preuve d’une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation 2

Entre le 13 février et le 20 mars 2015 inclusivement, à Maple Ridge ou dans ses environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [le membre visé] a fait preuve d’une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

[2]  Le 13 juin 2016, le membre visé a signé un exposé conjoint des faits (ECF), reconnaissant ainsi officiellement le bien-fondé des allégations énoncées ci-dessus. L’ECF prévoyait explicitement la substitution du texte suivant à l’énoncé détaillé de chacune des allégations susmentionnées [Traduction] :

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

1. [Le membre visé] reconnaît le bien-fondé des allégations 1 et 2 de l’avis d’audience disciplinaire daté du 28 octobre 2015. Les parties conviennent que les paragraphes 1 à 17 et le paragraphe 23 ci-dessous remplacent l’énoncé détaillé de l’allégation 1 formulée dans l’avis d’audience disciplinaire, et que les paragraphes 1 à 12 et les paragraphes 18 à 23 ci-dessous remplacent l’énoncé détaillé de l’allégation 2 formulée dans le même avis.

2. À l’époque des faits, [le membre visé] était un membre de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») affecté à la Division E.

3. À l’époque des faits, [le membre visé] était le propriétaire immatriculé d’un véhicule Ford Fl50 2014 (le « véhicule »), numéro de série 1FTFWIET8EKF65934, portant la plaque d’immatriculation de la Colombie-Britannique HX2606.

4. À l’époque des faits, le numéro de cellulaire du [membre visé] était le [numéro de cellulaire du membre visé], relevant de Rogers Communication.

5. À l’époque des faits, le véhicule du [membre visé] était assuré en vertu de la police d’assurance HX2606-0 de l’Insurance Corporation of British Columbia (« ICBC »), qui prévoyait une franchise de 500 $ en cas de collision et une franchise globale de 300 $.

6. À l’époque des faits, [le membre visé] avait aussi une assurance de la société Optiom Inc. grâce à laquelle il pouvait se faire rembourser toute franchise exigée aux termes de sa police d’assurance principale, jusqu’à concurrence de 300 $.

7. Le 12 février 2015, [le membre visé] a garé son véhicule à l’extérieur de la résidence d’un ami pour la nuit.

8. Le 13 février 2015, vers 9 h, alors qu’il quittait la résidence de son ami, [le membre visé] a remarqué que la fenêtre avant du côté passager de son véhicule avait été fracassée. Ses lunettes fumées, son ouvre-porte de garage, son iPod et ses clés de maison n’étaient plus dans le véhicule.

9. À 9 h 25 le 13 février 2015, alors qu’il se dirigeait vers sa résidence, [le membre visé] a composé le numéro de la GRC pour les incidents non urgents (centre E-Comm) afin de signaler le vol et les dommages dont son véhicule avait été l’objet durant la nuit. La transcription du signalement fait par [le membre visé] au centre E-Comm est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce A). Les lignes 51 à 58 de cette transcription montrent que les seuls dommages signalés par [le membre visé] à ce moment-là concernaient la vitre fracassée du côté passager.

10. Pendant qu’il conduisait et qu’il faisait son signalement au centre E-Comm, [le membre visé] a eu une collision impliquant uniquement son véhicule, ce qui a endommagé le pare-brise, le capot et le pare-chocs avant de son véhicule. Est joint au présent exposé conjoint des faits l’enregistrement audio de la conversation téléphonique du [membre visé] avec le centre E- Comm de la GRC (pièce B), qui a capté le bruit de la collision à 3 minutes 7 secondes. Est également joint au présent exposé conjoint des faits le rapport de [M. B. F.], expert engagé par l’ICBC (pièce C), selon lequel le cellulaire du [membre visé] ([numéro du cellulaire du membre visé]) était en mouvement pendant sa conversation avec le centre E-Comm.

11. À 9 h 57 le 13 février 2015, [le membre visé] a téléphoné à l’ICBC et fait une demande d’indemnisation pour vol et vandalisme (dossier AE65234.6 de l’ICBC). [Le membre visé] a dit à la téléphoniste de l’ICBC, [Mme L. D.], que son véhicule avait été vandalisé la veille et que la vitre du côté passager, le pare-brise et le capot avaient été endommagés. Une copie de la demande d’indemnisation que [le membre visé] a présentée à l’ICBC est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce D). À la page 2 de cette demande figure la liste des dommages signalés par [le membre visé] ce matin-là.

12. [Le membre visé] a plus tard laissé son véhicule chez Westcoast Collision pour faire réparer les dommages. Il a discuté sur place avec [M. P. M.], propriétaire de l’atelier de réparation, à qui il a dit que tous les dommages étaient attribuables à des actes de vandalisme. Est jointe au présent exposé conjoint des faits une copie de l’estimation faite par Westcoast Collision (pièce E), dans laquelle [M. P. M.] a noté que les dommages étaient incompatibles avec le type d’incident signalé. Au cours d’une discussion subséquente avec le gend. Vellani, [M. P. M.] a informé ce dernier que l’ICBC avait demandé que les réparations soient mises en suspens puisqu’elle croyait que les dommages pouvaient résulter de deux incidents distincts.

13. Vers 12 h le 13 février 2015, [le membre visé] a parlé à la gend. Hawkins, la membre de la GRC qui menait l’enquête sur le vol (dossier 2015-3497 du système PRIME). Au cours de la conversation, [le membre visé] a dit que la fenêtre avant du côté passager, le capot et le pare- brise avaient été endommagés durant la nuit. Il a aussi mentionné des dommages causés à la carrosserie du côté conducteur et fourni la liste des articles volés. [Le membre visé] a négligé de préciser à la gend. Hawkins que la moitié des dommages signalés n’avaient rien à voir avec l’enquête sur le vol et qu’ils étaient en fait attribuables à la collision survenue par la suite. Est jointe au présent exposé conjoint des faits une copie du sommaire du dossier PRIME 2015- 3497 du Détachement de Ridge Meadows (pièce F), où sont notés les renseignements que [le membre visé] a fournis à la gend. Hawkins pendant son enquête sur le vol.

14. [Le membre visé] a signalé les dommages causés lors du vol et les dommages découlant de la collision subséquente à la gend. Hawkins sans faire la distinction entre les deux, sachant que la collision n’avait aucune pertinence pour son enquête et que cela l’amènerait sur une fausse piste.

15. Le 14 février 2015, la gend. Hawkins a envoyé un courriel au [membre visé] pour lui demander des photos des dommages causés au véhicule. [Le membre visé] s’est rendu à l’atelier de réparation et a pris les photos lui-même.

16. Le 17 février 2015, [le membre visé] a envoyé un courriel à la gend. Hawkins dans lequel il disait [Traduction] : « J’ai obtenu les photos que vous avez demandées. Toujours aucune nouvelle quant au coût estimé des réparations; je devrais en savoir davantage d’ici quelques jours. » Les onze photos envoyées par [le membre visé] montrent les dommages causés lors du cambriolage et aussi ceux qui découlaient de la collision subséquente. Cinq des onze photos envoyées montrent uniquement les dommages causés au véhicule lors de cette collision. [Le membre visé] a envoyé ces cinq photos à la gend. Hawkins sachant qu’elles étaient sans pertinence pour son enquête et que cela l’amènerait sur une fausse piste. Les photos que [le membre visé] a envoyées à la gend. Hawkins sont jointes au présent exposé conjoint des faits (pièce G).

17. [Le membre visé] a signalé les dommages découlant de la collision à la gend. Hawkins pour appuyer sa demande d’indemnisation.

18. Le 24 février 2015, [le membre visé] a fait une déclaration verbale à l’expert en sinistres de l’ICBC, [M. D. C.], à l’appui de sa demande d’indemnisation. Dans sa déclaration, [le membre visé] a affirmé que les dommages causés au pare-brise, à la fenêtre du côté passager et au capot de son véhicule étaient attribuables à un acte de vol et de vandalisme. Une copie de la déclaration volontaire signée que [le membre visé] a fournie à l’expert en sinistres de l’ICBC, [M. D. C.], est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce H).

19. Le 25 février 2015, [le membre visé] a rempli un formulaire de preuve de perte dans lequel il déclarait solennellement, devant la notaire C. C., que les dommages de 4 000 $ signalés à l’ICBC le 13 février 2015 étaient attribuables à un acte de méfait/vandalisme/vol. Une copie du formulaire de preuve de perte signé par [le membre visé] est joint au présent exposé conjoint des faits (pièce I).

20. Le 20 mars 2015, [le membre visé] a fait une déclaration après mise en garde à l’enquêteur de l’ICBC, [M. B. K.], à l’appui de sa demande d’indemnisation. Au cours de sa déclaration, [le membre visé] a encore une fois affirmé que les dommages au pare-brise, au pare-chocs et au capot de son véhicule avaient été causés par un acte de vandalisme ou de vol et non par une collision. Est jointe au présent exposé conjoint des faits une transcription de la déclaration du [membre visé], dans laquelle il répond clairement par la négative aux lignes 159 à 166, lorsque l’enquêteur [M. B. K.] soulève la possibilité qu’une partie des dommages ait pu découler d’une collision et non d’un vol.

21. [Le membre visé] savait que les dommages au capot et au pare-brise n’étaient pas attribuables à un acte de vol ou de vandalisme, mais à une collision, et il a sciemment fourni des renseignements inexacts à l’ICBC. [Le membre visé] savait qu’il aurait dû présenter une demande d’indemnisation distincte à l’ICBC pour les dommages causés par la collision, ce qui aurait nécessité le paiement d’une deuxième franchise, mais il a négligé de le faire.

22. Le 29 avril 2016, [le membre visé] a plaidé coupable à une accusation de présentation de renseignements faux ou trompeurs en contravention de l’alinéa 42.1(2)(a) de l’Insurance (Vehicle) Act de la Colombie-Britannique. Sont joints au présent exposé conjoint des faits une copie de l’attestation de déclaration de culpabilité du [membre visé] (pièce K) et l’enregistrement audio de sa comparution en cour (pièce L).

23. [Le membre visé] reconnaît avoir eu une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC.

[3]  J’ai demandé aux représentants des parties de présenter leurs argumentations écrites à l’égard des allégations. Le représentant du membre (RM) a choisi de n’en présenter aucune, affirmant que l’ECF se passait de commentaires. Le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) m’a présenté la sienne le 15 juin 2016. [Comme deux RAD de sexe différent ont travaillé à ce dossier et que le rôle exact que chacun a joué dans la conduite de la procédure est impossible à déterminer, c’est le masculin singulier qui, par commodité, sera ici employé – NdT.]

Argumentation du RAD à l’égard des allégations

[4]  En ce qui concerne l’allégation 1, le RAD soutient que le membre visé a agi délibérément. Il savait que les renseignements qu’il avait fournis à la gend. Hawkins seraient probablement transmis à l’ICBC. Ses actions ne représentent pas une erreur de jugement isolée, mais trahissent son intention malhonnête de corroborer une demande d’indemnisation frauduleuse et constituent pour cette raison un manquement grave au code de déontologie.

[5]  Pour ce qui est de l’allégation 2, le RAD avance que la communication intentionnelle et répétée de renseignements inexacts au personnel de l’ICBC à plusieurs reprises sur une longue période de temps nuit à la crédibilité du membre visé et à la relation de confiance entre la GRC et l’ICBC. Le 13 février 2015, le membre visé a sciemment donné de faux renseignements à une téléphoniste de l’ICBC. Le 24 février suivant, il a fait la même chose avec un expert en sinistres. Le lendemain, il a délibérément tenu des propos trompeurs lors d’une déclaration solennelle faite devant notaire au sujet de la nature des dommages causés à son véhicule. Cette déclaration solennelle a la même force et le même effet que si elle avait été faite sous serment. Le 20 mars 2015, le membre visé a intentionnellement fait une fausse déclaration à un enquêteur de l’ICBC.

[6]  Le RAD cite deux décisions disciplinaires de la GRC à l’appui de sa position. Dans la première, soit l’affaire répertoriée 5 DA (4e) 264, le comité a jugé scandaleux qu’un policier ait fait des déclarations fausses et trompeuses à l’ICBC dans le but de toucher des prestations d’assurance auxquelles il n’avait pas droit. Dans la deuxième, soit l’affaire répertoriée 5 DA (4e) 1, le comité a conclu qu’il était scandaleux pour un policier de mentir à un agent d’un autre corps policier dans le cadre d’une enquête le concernant.

Décision sur les deux allégations

[7]  Je n’ai pas demandé aux parties de présenter des argumentations sur la distinction à faire entre une conduite « déshonorante » et une conduite « scandaleuse ». En somme, les critères qui s’appliquaient en vertu de l’ancienne Loi sur la GRC à une conclusion de conduite scandaleuse continuent de s’appliquer avec la même force sous le régime de la nouvelle version de cette loi.

[8]  Ces critères, énoncés par le Comité externe d’examen (le « CEE ») de la GRC, ont été étudiés et approuvés par des tribunaux d’instance supérieure et j’estime qu’ils constituent toujours un cadre utile. Le premier de ces critères consiste à confirmer l’identité du membre visé, qui ne fait aucun doute en l’espèce. En effet, le rapport d’enquête et les autres documents au dossier, ainsi que les aveux faits par le membre visé dans l’ECF, ne laissent aucun doute sur ce point.

[9]  Le deuxième critère consiste à déterminer si les faits allégués ont réellement eu lieu. La norme de preuve applicable aux instances administratives est l’une des questions centrales abordées dans l’arrêt F. H. c. McDougall [2008] 3 RCS 41, 2008 CSC 53 (ci-après « McDougall »), où la Cour a statué que la faute doit être établie selon la prépondérance des probabilités au moyen d’une preuve claire, convaincante et solide. Il est clair, d’après les aveux du membre visé et l’ensemble de l’information contenue dans le rapport d’enquête et dans les autres documents au dossier, que les faits allégués ont bel et bien eu lieu.

[10]  Le troisième critère consiste à analyser les faits afin de déterminer s’ils jettent le discrédit sur la GRC. Le CEE a précisé dans son explication de cette analyse qu’il s’agit de juger si une personne raisonnable, ou [Traduction] « monsieur-madame-tout-le-monde » selon l’expression utilisée par Lord Denning, ayant connaissance de tous les faits en cause ainsi que des réalités du travail policier en général et à la GRC en particulier, verrait la conduite en question comme un geste scandaleux qui jette le discrédit sur la Gendarmerie.

[11]  La définition du terme « scandaleux » que donne Lord Devlin dans l’affaire Hughes v. Architects Registration Council of the United Kingdom, 1957, 2 All E.R. 436, est utile. Le terme scandaleux n’est d’aucune façon un terme artificiel; il faut lui donner son sens populaire et naturel. La personne raisonnable doit estimer que les gestes posés sont de nature à déshonorer le membre visé en sa qualité de policier.

Décision sur l’allégation 1

[12]  La bonne gouvernance de la Gendarmerie suppose que chaque membre doit pouvoir se fier à la véracité de l’information fournie par un autre membre. La gend. Hawkins a tenu pour acquis que le membre visé lui avait fourni des renseignements exacts les 13 et 17 février 2015. L’ECF montre clairement que le membre visé a intentionnellement caché à la gend. Hawkins la véritable origine de certains des dommages causés à sa camionnette. Il savait qu’une bonne partie de ces dommages découlaient de la collision qu’il avait eue et non d’un acte de vandalisme, de cambriolage ou de vol, mais il a négligé de révéler tous ces faits à la gend. Hawkins.

[13]  Le RAD a avancé que le membre visé avait cherché à tromper la gend. Hawkins afin de corroborer sa demande d’indemnisation frauduleuse, et je suis d’accord. J’ajouterais cependant qu’il cherchait aussi à éviter la responsabilité de sa collision. Il était de toute évidence agité lorsqu’il a téléphoné au centre d’appels du Détachement de Maple Ridge de la GRC le matin du 13 février 2015. C’était normal, puisqu’il venait de découvrir que sa camionnette neuve avait été cambriolée et que plusieurs objets de valeur en avaient été volés, dont ses clés de maison et son ouvre-porte de garage. Il se rendait chez lui pour s’assurer que les voleurs n’avaient pas obtenu son adresse au moyen des documents qui se trouvaient dans le véhicule et cambriolé sa résidence aussi. Il ressentait alors une grande anxiété, ce qui est tout à fait compréhensible. Parler au téléphone en conduisant est dangereux en soi, à plus forte raison lorsqu’on est agité. Le membre visé est extrêmement chanceux d’avoir heurté un panneau de signalisation ou un autre objet du genre, et non un piéton, un cycliste ou un autre automobiliste.

[14]  Plusieurs provinces ont des lois interdisant diverses formes de distraction au volant, mais ce genre d’infraction peut aussi entraîner une accusation de négligence criminelle, selon les conséquences qui en découlent. En omettant de révéler les circonstances dans lesquelles s’était produite la collision, le membre visé a délibérément cherché à éviter la responsabilité de ses actes. Il n’a pas signalé la collision; or, personne ne sait mieux qu’un membre régulier affecté aux services de police contractuels combien il est important de signaler les accidents de la route.

[15]  Une question reste sans réponse : quel genre d’objet a-t-il heurté? D’après les dommages causés au véhicule, c’était probablement un panneau de signalisation de quelque sorte. Si cette hypothèse est exacte, s’agissait-il d’un panneau important, qui avertissait les automobilistes d’une intersection, d’un passage à niveau, d’un passage où les piétons ont priorité ou d’un chantier de construction? L’absence de ce panneau aurait pu entraîner des conséquences mortelles. Je ne me perdrai pas en conjectures, puisque les faits au dossier ne permettent pas d’approfondir la discussion; je mentionne simplement ces éventuelles conséquences pour souligner que si le fait d’avoir induit la gend. Hawkins en erreur constitue un manquement grave au code de déontologie, les éléments d’information que le membre visé lui a cachés sont tout aussi importants. Le membre visé pouvait obtenir un avantage personnel en trompant la gend. Hawkins, à savoir qu’il n’aurait à payer qu’une franchise au lieu de deux et qu’il éviterait la responsabilité de la collision causée par sa distraction au volant.

[16]  Je conclus qu’une personne raisonnable connaissant les circonstances de l’affaire ainsi que les réalités du travail policier en général et à la GRC en particulier serait d’avis que le membre visé s’est conduit de façon déshonorante lorsqu’il a délibérément induit la gend. Hawkins en erreur quant aux circonstances dans lesquelles était survenue une bonne partie des dommages causés à son véhicule. Son comportement jette le discrédit sur la Gendarmerie.

[17]  Le comportement en question s’est produit alors que le membre visé était en congé, mais le lien avec son emploi est évident, puisqu’il a intentionnellement trompé une autre membre de la GRC. L’allégation 1 est donc établie dans sa totalité.

Décision sur l’allégation 2

[18]  Le membre visé a entrepris de tromper intentionnellement, sur une longue période, divers employés de l’ICBC, depuis la téléphoniste qui a reçu son appel jusqu’à l’expert en sinistres et à l’enquêteur qui se sont penchés sur le dossier. Il a également menti dans la déclaration solennelle qu’il a faite devant notaire au sujet de cette même demande d’indemnisation. Le RAD a fait une analyse détaillée des différentes étapes auxquelles le membre visé a fait des affirmations trompeuses à l’appui de sa demande d’indemnisation frauduleuse, et il n’est pas nécessaire de la répéter ici.

[19]  L’analyse des motivations du membre visé qui est présentée plus haut s’applique tout autant à la deuxième allégation. Il a agi dans son propre intérêt, afin d’éviter la franchise exigible pour une deuxième demande d’indemnisation et aussi la responsabilité de la collision qu’il avait eue.

[20]  Le nombre de fois où il a répété son comportement malhonnête accentue la gravité de son inconduite. Le fait qu’il ait menti dans une affirmation solennelle devant notaire est tout aussi grave. Pris dans leur ensemble, et compte tenu du fait que le membre visé a agi par intérêt personnel, les actes reprochés dans cette allégation constituent un manquement très grave au code de déontologie.

[21]  Je conclus qu’une personne raisonnable connaissant les circonstances de l’affaire ainsi que les réalités du travail policier en général et à la GRC en particulier serait d’avis que le membre visé s’est conduit de façon déshonorante lorsqu’il a entrepris, à plusieurs occasions, d’obtenir un avantage personnel en trompant délibérément des employés de l’ICBC et une notaire quant aux circonstances dans lesquelles était survenue une bonne partie des dommages causés à sa camionnette. Son comportement jette le discrédit sur la Gendarmerie. L’allégation 2 est donc aussi établie dans sa totalité.

Audience relative aux mesures disciplinaires

[22]  L’audience contradictoire relative aux mesures disciplinaires a eu lieu à Vancouver (Colombie-Britannique) le mardi 20 septembre 2016. L’autorité disciplinaire demandait que le membre visé se voie ordonner de démissionner. Le membre visé estimait qu’il s’agirait là d’une peine disproportionnée par rapport à la gravité de son inconduite et demandait plutôt une confiscation de la solde.

Témoin citée par le RAD relativement aux mesures disciplinaires – Inspectrice Julie Moss

[23]  L’insp. Moss est l’officière administrative du commandant de la Division E (Colombie- Britannique). Dans son poste actuel et au cours de ses affectations antérieures, cette témoin a acquis une expérience considérable des relations avec le bureau du procureur général de la Colombie- Britannique, qui mène les poursuites relatives aux accusations criminelles.

[24]  En Colombie-Britannique, ce ne sont pas les policiers qui font une dénonciation sous serment pour déposer des accusations criminelles contre l’accusé. Ce pouvoir revient plutôt au ministère public, qui ne fait une telle dénonciation qu’après avoir examiné et évalué à fond le dossier d’enquête et tous les documents pertinents. Le seuil qui s’applique au dépôt d’accusations criminelles est celui de la « forte probabilité d’obtenir une condamnation ».

[25]  L’un des facteurs à prendre en considération est le devoir du ministère public de révéler les antécédents disciplinaires pertinents de tout policier qui a participé à une enquête et qui peut être appelé à témoigner lors du procès y faisant suite, devoir qui découle de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. McNeil, [2009] 1 RCS 66, 2009 CSC 3 (ci-après « McNeil »).

[26]  Dans l’affaire McNeil, le Service de police de Barrie, en Ontario, avait accusé M. McNeil de diverses infractions liées aux drogues, notamment de possession de marihuana et de cocaïne en vue d’en faire le trafic. Après sa condamnation, M. McNeil a appris que l’un des policiers qui avaient témoigné contre lui avait lui-même été accusé d’infractions liées aux drogues qui avaient amené le service de police à déclencher des procédures disciplinaires internes. M. McNeil a alors déposé une requête demandant la communication de tous les documents portant sur ces procédures disciplinaires, affirmant que ces documents constituaient des preuves nouvelles qui devaient être examinées lors de l’appel visant sa condamnation. Le Service de police de Barrie et le ministère public tant fédéral que provincial ont refusé de produire les documents en question.

[27]  L’affaire s’est rendue jusqu’à la Cour suprême du Canada, qui a confirmé le devoir du ministère public de divulguer toute l’information pertinente afin que l’accusé puisse présenter une défense pleine et entière. La Cour a statué que même si les rôles du ministère public et de la police sont distincts, la police est tenue de participer au processus de divulgation, puisque c’est elle qui communique la preuve au ministère public en premier lieu. Les renseignements que la police doit communiquer au ministère public à titre de « partie principale » comprennent les documents relatifs à une conclusion d’inconduite grave de la part de policiers ayant participé à l’enquête visant un accusé, lorsque cette inconduite risque vraisemblablement d’influer sur la preuve à charge.

[28]  Les renseignements sur les antécédents disciplinaires des policiers visés sont ensuite communiqués à l’accusé, qui peut s’en servir lors du contre-interrogatoire des témoins policiers concernés. Selon l’insp. Moss, le ministère public de la Colombie-Britannique insiste de plus en plus pour recevoir les dossiers d’antécédents disciplinaires des policiers aussi rapidement que possible afin de pouvoir déterminer si la comparution d’un témoin policier ayant des antécédents disciplinaires peut influer sur la « forte probabilité d’obtenir une condamnation ».

[29]  La témoin a parlé de situations dont elle avait connaissance, où le procureur avait retiré des accusations ou refusé d’en déposer lorsqu’il avait pris connaissance des antécédents disciplinaires d’un témoin policier.

[30]  La GRC en Colombie-Britannique est donc de plus en plus réticente à affecter un membre ayant des antécédents disciplinaires à des fonctions qui risquent de le mettre dans une situation où l’obligation de divulgation reconnue dans l’arrêt McNeil entrerait en jeu, particulièrement si ces antécédents disciplinaires concernent des questions d’honnêteté et d’intégrité. En fait, selon les dires de la témoin, de nombreux chefs de service et officiers hiérarchiques dans cette province refusent d’accepter au sein de leur effectif un membre qui a de tels antécédents à cause des problèmes d’affectation qui en découlent.

[31]  L’insp. Moss a reconnu que certaines affaires disciplinaires concernant des questions d’honnêteté et d’intégrité sont plus graves que d’autres, et a donné deux exemples, chacun correspondant à un bout de l’échelle : le cas d’un membre qui prend un congé de maladie pour aller skier serait considéré comme mineur, et celui d’un membre qui se parjure au cours d’un procès pour meurtre serait jugé très grave. En règle générale cependant, toutes les questions d’honnêteté et d’intégrité causent des problèmes à la GRC sur le plan de l’affectation des ressources humaines, selon l’insp. Moss.

[32]  Si elle se fiait à sa propre expérience, cette témoin jugerait l’affectation du membre visé problématique, en raison de la nature des affirmations trompeuses qu’il a faites, du nombre de fois où il les a faites et des personnes auxquelles il les a faites. Il a eu de nombreuses occasions de corriger ou de modifier ses fausses déclarations, mais il ne l’a pas fait. Selon l’insp. Moss, cela minerait au final sa crédibilité à la barre des témoins.

Témoignage du membre visé relativement aux mesures disciplinaires

[33]  Le membre visé est devenu membre régulier de la GRC il y a neuf ans, avant quoi il a été membre auxiliaire pendant deux ans. Il est actif au sein de la communauté, particulièrement dans le domaine du scoutisme, et fait souvent du bénévolat pour son église ainsi que dans le cadre du Programme des auxiliaires de la GRC. Il participe aussi aux activités de l’École de la GRC pour les jeunes à Coquitlam, qui offre aux enfants de huit à douze ans un camp d’une semaine comportant des activités de conditionnement physique et des exercices, ainsi que des exposés présentés par des sections spécialisées telles que le Groupe des services cynophiles, le Groupe tactique d’intervention et les Services de la circulation.

[34]  Le membre visé a affirmé avoir été l’objet de beaucoup de discrimination raciale au début de sa carrière. Le premier sergent d’état-major dont il a relevé harcelait les membres d’origine indo- orientale et essayait de les faire muter ou de les faire retirer de son équipe par d’autres moyens. Ce sergent d’état-major lui adressait souvent des injures à caractère racial, lui disant qu’il [Traduction] « était dans le mauvais métier et devrait plutôt être chauffeur de taxi ou concierge ». Il a fini par être suspendu en attendant que soit menée l’enquête déontologique sur les allégations formulées à son endroit et a pris sa retraite avant que le processus disciplinaire soit déclenché.

[35]  À l’époque des faits, le membre visé a vécu une épreuve dans sa vie privée lorsque sa conjointe, qu’il encadrait dans ses efforts pour devenir policière, a mis fin à leur relation. Cette rupture a causé au membre visé une série de problèmes de nature très personnelle qui n’ont pas à être décrits ici puisqu’ils sont consignés au dossier. Le membre visé a consulté un spécialiste pour apprendre à composer avec la dépression et l’anxiété.

[36]  À l’automne 2014, les choses se sont améliorées lorsqu’il a rencontré sa conjointe actuelle, avec laquelle il a entrepris une relation à long terme qui se poursuit toujours. Ils ont aujourd’hui une fille âgée de six mois.

[37]  Le membre visé a relaté les événements qui avaient mené aux deux contraventions au code de déontologie. Le matin du 13 février 2015, après avoir passé la nuit à l’appartement d’un ami, il a découvert que sa camionnette avait été cambriolée. La fenêtre du côté passager avait été fracassée et des objets étaient éparpillés dans l’habitacle. Il a remarqué que plusieurs objets avaient été volés, dont son ouvre-porte de garage, et a craint que les voleurs aient pu trouver son adresse dans les documents qui se trouvaient dans le coffre à gants et dévaliser sa résidence en s’y introduisant par le garage.

[38]  Il a témoigné que, en état de panique, il avait immédiatement pris la route pour se rendre chez lui afin de voir si sa résidence avait été cambriolée. Il a insisté sur le fait qu’il avait utilisé la technologie mains libres Bluetooth afin de parler au répartiteur de la GRC en conduisant. Au cours de la conversation, des éclats de vitre se sont détachés du cadre de la fenêtre du côté passager et sont tombés à l’intérieur de l’habitacle, provoquant chez lui un sursaut sous l’effet duquel il a franchi le terre-plein et frappé un panneau de signalisation de plein fouet. Il a tout de suite immobilisé son véhicule. Après avoir terminé sa conversation téléphonique, il a quitté son véhicule et a redressé le panneau qu’il avait renversé. Le panneau s’était simplement détaché de sa fixation, alors il a pu le remettre en place avant de reprendre sa route.

[39]  Le membre visé a témoigné que, quand il avait plus tard donné sa version des faits aux différents enquêteurs, il avait impulsivement affirmé que la totalité des dommages découlait de l’incident de vol et de vandalisme. Il a dit qu’il s’était senti piégé et que, ne sachant pas comment corriger son erreur, il s’en était tenu à ce qu’il avait dit initialement.

[40]  Il a fait valoir que, depuis cet incident, il a accepté la responsabilité de tous ses actes. Il a payé sans tarder les pénalités qui lui ont été imposées au terme des procédures engagées contre lui et a payé les réparations faites à son véhicule bien avant que l’ICBC rende une décision à l’égard de sa demande d’indemnisation. Il savait qu’il mettait sa carrière en jeu en plaidant coupable à l’infraction à la Vehicles Act, mais il était conscient que, moralement, il devait le faire. Il s’est aussi excusé auprès de ses amis de les avoir mêlés à cette histoire.

[41]  Lors du contre-interrogatoire, le membre visé a reconnu qu’il avait eu de nombreuses occasions de rectifier le tir au lieu de réitérer la fausse version des faits qu’il avait donnée initialement. Il savait que le signalement qu’il avait fait à la gend. Hawkins ferait partie du rapport de l’ICBC, et plusieurs jours après ce signalement, il a envoyé à la gend. Hawkins des photos des dommages causés à sa camionnette. Il a photographié tous les dommages, autant ceux qui avaient été causés lors du vol que ceux qui avaient été causés par la collision subséquente avec le panneau de signalisation, et les a faussement décrits comme le résultat d’un seul incident, soit un acte de vol et de vandalisme. Au cours des jours et des semaines qui ont suivi, il a eu de nombreuses occasions, lors de ses diverses conversations avec le personnel de l’ICBC et, en particulier, avec la notaire devant laquelle il a fait sa déclaration solennelle, de dire la vérité sur l’origine dommages, mais il ne l’a pas fait.

Argumentation du RAD à l’égard des mesures disciplinaires

[42]  Le RAD a soutenu que l’éventail des sanctions applicables aux cas d’inconduite mettant en cause l’honnêteté et l’intégrité d’un policier comprend le renvoi.

[43]  Le premier facteur aggravant tient au fait que le membre visé a perdu la confiance du commandant divisionnaire. Aux termes de la nouvelle Loi sur la GRC, le congédiement est la seule mesure disciplinaire que le commandant divisionnaire ne peut pas imposer en sa qualité d’autorité disciplinaire. Le fait qu’il ait demandé la constitution d’un comité de déontologie montre qu’il n’a plus confiance en le membre visé.

[44]  Le deuxième facteur aggravant tient à la nature planifiée et intentionnelle de l’inconduite du membre visé. Ce n’est pas quelque chose qu’il a fait de façon spontanée et impulsive. Une bonne vingtaine de minutes se sont écoulées entre le moment où le membre visé a heurté le panneau de signalisation et celui où il a téléphoné à l’ICBC. Il a eu le temps de réfléchir aux conséquences du signalement de la deuxième cause des dommages, c’est-à-dire la collision qu’il avait lui-même eue, et pour éviter de payer deux franchises et de voir augmenter ses primes d’assurance, il a choisi de dire que les dommages découlaient tous d’un même incident.

[45]  Plus tard la même journée, après avoir trouvé un atelier où faire réparer son véhicule, le membre visé a de nouveau menti sur la façon dont les dommages étaient survenus. Deux heures plus tard, lors de sa conversation avec la gend. Hawkins, il a menti encore une fois, sachant que le signalement qu’il lui avait fait serait transmis à l’ICBC. Ce n’était pas une décision impulsive, mais un plan frauduleux de plus grande envergure.

[46]  Le troisième facteur aggravant tient à la période de temps sur laquelle la fraude s’est échelonnée. Le membre visé a menti à six personnes différentes en sept occasions différentes, sur une période d’un mois et demi, afin de corroborer sa demande d’indemnisation frauduleuse.

[47]  L’intérêt personnel qui a motivé l’inconduite du membre visé constitue un autre facteur aggravant. Il a fait une demande d’indemnisation frauduleuse pour éviter une deuxième franchise et peut-être la responsabilité de sa collision.

[48]  L’incidence de l’obligation de divulgation découlant de l’arrêt McNeil fait aussi partie des facteurs aggravants que le RAD souhaitait voir prendre en considération. Dans l’affaire disciplinaire de la GRC répertoriée 13 DA (4e) 246, le président du comité a noté ce qui suit au paragraphe 24 :

[...] Depuis cet arrêt, tout comité d’arbitrage appelé à infliger des mesures disciplinaires doit tenir compte des possibles répercussions négatives de celles-ci non seulement sur la carrière du membre intéressé, mais aussi sur la Gendarmerie elle-même. Compte tenu de l’obligation qu’a la GRC de communiquer, dans la mesure où elle est pertinente, l’information relative aux mesures disciplinaires prises contre ses membres, il peut devenir difficile pour elle de dépêcher devant les tribunaux ceux de ses membres qui, comme la mise en cause, ont bafoué ses valeurs fondamentales que sont l’honnêteté, l’intégrité, le professionnalisme et la responsabilisation. Sanctionner les atteintes à ces valeurs doit avoir un puissant effet dissuasif à l’égard de tous.

[49]  La difficulté qu’éprouve la Gendarmerie à trouver des affectations qui conviennent aux membres tenus de divulguer des inconduites graves ayant mis en cause leur intégrité est reconnue au paragraphe 52 de l’affaire répertoriée 11 DA (4e) 389 :

Nous sommes d’avis que cette inconduite limite absolument la capacité de la Gendarmerie à confier des tâches au membre concerné. En toute bonne conscience, nous ne pouvons pas, dans ces circonstances, garder un membre à l’emploi de la Gendarmerie sachant à quel point il sera difficile pour elle de lui trouver, jusqu’à la fin de sa carrière, les postes qui lui conviendront afin de réduire ce risque.

[50]  Cette opinion a également été exprimée au paragraphe 67 de la décision répertoriée 13 DA (4e) 267.

[51]  Figure aussi parmi les facteurs aggravants le fait que d’autres organismes, à savoir l’ICBC et le ministère public provincial, soient mêlés au dossier. Des facteurs de cette nature ont été retenus dans l’affaire (onglet 4, documents déposés par le RAD, cap. Fréchette, décision non répertoriée).

[52]  Finalement, le membre visé a menti lors d’une déclaration solennelle faite devant une fonctionnaire judiciaire, à savoir une notaire, le 24 février 2015. Cette déclaration n’avait de toute évidence rien d’impulsif, puisque le membre visé a dû réfléchir au contenu de sa déclaration avant de la signer. En tant que policier, il connaissait l’importance d’une telle déclaration.

[53]  Indication révélatrice du sérieux qu’accorde la Gendarmerie à cette forme d’inconduite, le Guide des mesures disciplinaires prévoit uniquement le congédiement pour l’infraction qui consiste à « présenter sciemment et sous serment un témoignage faux ou trompeur, ou attester sous serment de la véracité d’un affidavit ou de tout autre document juridique en sachant qu’il contient de l’information fausse ou trompeuse », peu importe que le cas soit mineur, ordinaire ou grave.

[54]  Le RAD a également souligné que le comportement du membre visé allait à l’encontre de l’article 37 de la Loi sur la GRC, selon lequel il incombe à tout membre « de maintenir l’intégrité du droit et de son application ainsi que de l’administration de la justice ». Son comportement est aussi contraire aux valeurs fondamentales de la Gendarmerie.

[55]  À la page 31 de l’affaire disciplinaire répertoriée 27 DA (3e) 228, le comité de déontologie a noté qu’il est possible « que la dissuasion puisse annuler l’effet de la réhabilitation lorsque l’incident est si grave qu’il résilie le contrat d’emploi. Dans l’affaire 28 D.A. (2e) 213, le CEE a déclaré que :

[…] le sens moral et le potentiel de réhabilitation sont des éléments normalement déterminants quant à la peine. Les principes de discipline progressiste et positive pour un acte isolé d’inconduite exigent normalement une peine moindre que la cessation de l’emploi lorsque le sens moral et le potentiel de réhabilitation du membre sont établis. Toutefois, ce n’est pas parce que l’appelant compte ces deux qualités qu’il faut absolument lui infliger une peine moindre que le congédiement; ces facteurs doivent plutôt être évalués en fonction de la gravité de l’inconduite. Il peut y avoir des situations où ces qualités, bien que pertinentes, ne suffisent pas à compenser pour le droit de l’employeur de mettre fin à l’emploi [...] L’abus de confiance résultant de l’inconduite va au coeur même de la relation employeur-employé, ainsi que des attentes du public face aux agents de police qui doivent s’occuper des citoyens vulnérables. »

[sic]

[56]  À la page 32 de cette même affaire disciplinaire, le comité a ajouté ceci :

Même si le membre a montré au Comité d’arbitrage qu’il a des remords, qu’il est bien réhabilité et qu’il estime pouvoir être un membre productif de la Gendarmerie, ses actes ont profondément miné son intégrité et donc sa carrière à la GRC.

[57]  Dans l’affaire répertoriée 25 DA (3e) 276, le membre visé a eu plus d’une occasion de reconnaître son mensonge, mais il ne l’a pas fait. Là aussi, il a perdu la confiance du commandant divisionnaire et s’est vu congédier.

[58]  Dans l’affaire répertoriée 29 DA (3e) 20, le membre a commis un vol à un moment où il éprouvait un stress considérable dans sa vie privée, mais le comité n’a pas jugé que le stress était un facteur important. À la page 25, le président a affirmé que « c’est l’aptitude à résister aux difficultés de la vie qui constitue l’essence de ce qu’on appelle un bon tempérament ».

[59]  Finalement, dans deux affaires tranchées sous le régime de la nouvelle Loi sur la GRC, le facteur déterminant était l’obtention d’un gain personnel quelconque. Il est dit au paragraphe 133 de l’affaire répertoriée 2016 RCAD 3 que : « Les congédiements surviennent habituellement lorsqu’un individu a obtenu ou cherché à obtenir un profit personnel et qu’aucun facteur atténuant important n’avait été retenu. »

[60]  En prévision des argumentations que présenterait le RM, le RAD a mentionné la lettre fournie par la psychologue traitante du membre visé. Pour que l’état d’esprit de la personne au moment de son inconduite soit réellement un facteur atténuant, il doit présenter un lien de cause à effet avec l’inconduite. Le RAD a soutenu qu’il n’existe en l’espèce aucun lien de ce genre.

[61]  Le RAD a aussi mentionné les remarques faites par le juge qui avait prononcé la peine lors du procès du membre visé en cour provinciale. Au moment où il a fait ces remarques, le juge n’avait pas accès à l’ECF présenté dans le cadre de l’actuelle procédure disciplinaire. Le RAD a respectueusement exprimé son désaccord avec les observations suivantes du juge [Traduction] : « Vous n’avez pas continué à répéter le mensonge, vous n’avez pas obtenu d’indemnisation, vous n’avez pas tenté d’étirer les choses et d’utiliser votre influence en tant que policier pour le faire […] » et « […] je crois qu’il s’agit d’un acte très isolé ».

[62]  Le RAD a fait valoir qu’il convenait d’ordonner au membre visé de démissionner, compte tenu de l’ensemble des circonstances.

Argumentation du RM à l’égard des mesures disciplinaires

[63]  Le RM a remis en question le bien-fondé de considérer la perte de confiance du commandant divisionnaire comme un facteur aggravant. À son avis, il faut plutôt y voir l’absence de facteur atténuant, puisque le soutien du commandant divisionnaire ou de l’officier hiérarchique constitue un facteur atténuant selon le Guide des mesures disciplinaires.

[64]  Le RM a aussi abordé la question de l’intérêt personnel qui aurait motivé la malhonnêteté du membre visé. Comme il est indiqué au paragraphe 6 de l’ECF, le membre visé avait une autre police d’assurance qui prévoyait le remboursement de toute franchise exigée relativement à sa police principale, jusqu’à concurrence de trois cents dollars. Pour un des incidents à l’origine des dommages causés à son véhicule, la franchise se serait élevée à cinq cents dollars, mais grâce à la police secondaire, il aurait seulement eu à débourser deux cents dollars de sa poche.

[65]  Le RM a soutenu que les facteurs liés à l’arrêt McNeil n’étaient pas particulièrement convaincants, puisque l’insp. Moss n’avait pu mentionner qu’une seule situation où un procureur avait exprimé de l’inquiétude à ce sujet. De plus, elle n’avait connaissance d’aucune situation où un policier avait été considéré comme un témoin peu crédible dans le cadre d’une poursuite criminelle en raison d’antécédents disciplinaires divulgués par suite de l’arrêt McNeil. Le juge de la Cour provinciale qui a prononcé la condamnation à l’endroit du membre visé semble certainement avoir compris que ce genre d’antécédent pouvait s’avérer problématique, mais il n’a rien dit dans sa décision pour indiquer que le membre visé serait désormais à ses yeux un témoin peu crédible. Il aurait pu le faire, mais il ne l’a pas fait.

[66]  Le RM a fait valoir que l’ICBC n’avait subi aucune conséquence financière à cause des actions du membre visé, puisque ce dernier avait restitué intégralement les coûts de l’enquête.

[67]  Le RM a distingué les faits de l’espèce de ceux de l’affaire répertoriée 25 DA (3e) 276, où le membre visé avait demandé à son frère de dire que la marihuana trouvée dans le portefeuille du membre lui appartenait alors qu’elle appartenait en fait au membre. Celui-ci a été condamné au criminel. Il avait des antécédents disciplinaires, contrairement au membre visé dans la présente affaire, et pourtant le comité a accepté la proposition conjointe de peine et lui a imposé une confiscation de la solde.

[68]  Le RM s’est reporté au Guide des mesures disciplinaires pour avoir une idée de la nature et de la sévérité des mesures disciplinaires qui seraient proportionnelles à l’inconduite du membre visé. Il estimait que la contravention décrite dans l’allégation 1, soit le fait d’avoir induit en erreur la gend. Hawkins, s’apparentait à celle qui consiste à mentir à un superviseur, pour laquelle on impose normalement la confiscation de quinze à vingt jours de solde.

[69]  D’après les affaires disciplinaires antérieures de la GRC, une confiscation de la solde semble être la peine indiquée pour ce genre d’inconduite. L’affaire répertoriée 7 DA (4e) 202, où la membre avait menti à des enquêteurs internes à quatre reprises quant à sa présence à l’intérieur de la résidence d’une personne d’intérêt, s’est soldée par l’imposition d’un avertissement doublé de la confiscation de cinq jours de solde. Comme le cas présent, il s’agissait d’une affaire postérieure à l’arrêt McNeil qui concernait un manquement aux valeurs fondamentales de l’honnêteté et de l’intégrité.

[70]  Le même constat se dégage de l’affaire répertoriée 13 DA (4e) 246, qui portait sur deux allégations selon lesquelles la membre visée avait fait des déclarations fausses, trompeuses ou inexactes à un membre qui participait à l’enquête déontologique à son sujet. À la suite d’une audience contradictoire portant sur la peine, le comité a imposé à la membre une peine globale consistant en un avertissement doublé d’une confiscation de la solde pour six jours de travail. Là encore, l’affaire était postérieure à l’arrêt McNeil. Le comité a fait les observations suivantes au paragraphe 24 :

Les décisions rendues en matière de discipline en milieu policier témoignent de plus en plus de l’importance attachée à l’arrêt McNeil, lequel est aussi invoqué pour distinguer des affaires d’inconduite apparemment semblables. Depuis cet arrêt, tout comité d’arbitrage appelé à infliger des mesures disciplinaires doit tenir compte des possibles répercussions négatives de celles-ci non seulement sur la carrière du membre intéressé, mais aussi sur la Gendarmerie elle- même. Compte tenu de l’obligation qu’a la GRC de communiquer, dans la mesure où elle est pertinente, l’information relative aux mesures disciplinaires prises contre ses membres, il peut devenir difficile pour elle de dépêcher devant les tribunaux ceux de ses membres qui, comme la mise en cause, ont bafoué ses valeurs fondamentales que sont l’honnêteté, l’intégrité, le professionnalisme et la responsabilisation. Sanctionner les atteintes à ces valeurs doit avoir un puissant effet dissuasif à l’égard de tous.

[71]  Malgré le ton sévère de ces observations, le comité chargé de cette affaire a imposé comme peine un avertissement avec confiscation de six jours de solde.

[72]  Dans l’affaire répertoriée 14 DA (4e) 269, le membre a admis avoir temporairement détourné 2 000 $ de fonds destinés à un projet pour son usage personnel, puis avoir contrefait la signature de sa conjointe sur une demande de prêt, à l’insu de celle-ci. Il s’est vu imposer un avertissement doublé de la confiscation de dix jours de solde. Comme dans le cas présent, le membre n’avait pas commis ces actes de façon spontanée. Une valeur atténuante a toutefois été reconnue au fait qu’il en ait accepté la responsabilité et qu’il ait exprimé des remords. Il donnait un bon rendement et avait pris des mesures pour se réhabiliter. Il éprouvait aussi un stress financier extrême au moment des faits.

[73]  L’affaire répertoriée 5 DA (4e) 264 présente des similarités frappantes avec les circonstances de l’espèce en ce sens qu’elle concerne une situation de fraude à l’assurance. Dans cette affaire, le comité a accepté la proposition conjointe de peine et imposé un avertissement doublé de la confiscation de dix jours de sole. On pourrait soutenir que ce cas-là était plus grave que la présente affaire, car la membre visée a contesté les faits et a subi un procès au criminel qui s’est soldé par une déclaration de culpabilité. Ce n’est qu’après sa condamnation qu’elle a accepté la responsabilité de ses actes.

[74]  Dans l’affaire répertoriée 3 DA (4e) 257, une membre de l’Identité judiciaire qui avait saisi une arme sur un lieu de crime avait noté dans son carnet que celle-ci ne contenait pas de munitions, mais le conservateur des pièces à conviction y avait découvert deux cartouches non éclatées. La membre a falsifié son carnet de notes afin qu’il fasse mention d’une cartouche non éclatée. Elle a par la suite déclaré aux enquêteurs que son premier carnet de notes avait été contaminé par du sang sur les lieux du crime, mais elle l’avait en fait taché de peinture rouge pour simuler la présence de sang. La membre a volontairement conclu avec son commandant divisionnaire une entente selon laquelle elle a renoncé à son poste de caporale, acceptant comme peine une rétrogradation, une mutation et un avertissement. Malgré la gravité des allégations, le comité a fait remarquer que les mesures disciplinaires n’ont pas pour but premier de punir le membre contrevenant, mais de lui donner la chance de se réhabiliter et de lui infliger, à lui comme à tout autre membre susceptible du même genre d’inconduite, une leçon qui le dissuadera d’agir de même à l’avenir.

[75]  L’affaire répertoriée 4 DA (4e) 322 concerne un membre qui a été surpris en train de se masturber pendant qu’il faisait de la surveillance dans un véhicule de police banalisé. Il s’est informé auprès du service de police compétent pour déterminer si son numéro d’immatriculation faisait l’objet de vérifications et a fait des déclarations trompeuses sur la nature de sa demande pour cacher la situation. Des preuves psychologiques ont été présentées, et le membre s’est vu imposer un avertissement assorti de la confiscation de dix jours de solde et d’une recommandation de consultations professionnelles continues.

[76]  Dans l’affaire répertoriée 7 DA (4e) 101, qui a fait l’objet d’un appel interjeté auprès du commissaire et d’un procès devant la Cour fédérale, la proposition conjointe de peine a été acceptée, et le membre s’est vu imposer un avertissement doublé de la confiscation de dix jours de solde. Le psychologue qui a témoigné dans cette affaire avait conclu que le comportement du membre ne lui ressemblait pas et qu’il avait très peu de chances de récidiver puisqu’il avait été traité avec succès.

[77]  Dans l’affaire répertoriée 15 DA (3e) 147, un sergent d’état-major a donné de faux renseignements à un autre membre dans le but d’obtenir un mandat. Il a demandé à l’auteur de l’affidavit de dire qu’il (le sergent d’état-major) avait vu la personne d’intérêt à l’intérieur de la résidence en question, ce qui n’était pas le cas. Quand les enquêteurs l’ont questionné à ce sujet, il leur a initialement fait une fausse déclaration. Le comité lui a imposé un avertissement avec confiscation de dix jours de solde.

[78]  Le RM a aussi mentionné la décision récente à l’égard de l’affaire 2016 RCAD 2, qui portait sur quatre allégations de comportement malhonnête visant à restituer ses privilèges de conducteur à une personne accusée de conduite avec facultés affaiblies. Le membre a fait l’objet d’accusations criminelles, et comme dans le cas présent, il a plaidé coupable et a reconnu le bien-fondé des allégations d’inconduite formulées contre lui. Le comité lui a imposé une confiscation de la solde pour soixante jours de travail, ce qui équivalait à reconnaître qu’il pouvait encore exister pour lui des possibilités d’emploi au sein de la Gendarmerie.

[79]  Une autre décision récente, l’affaire répertoriée 2016 RCAD 3, concerne un membre qui a lui aussi menti à des superviseurs et qui s’est vu confisquer trente-cinq jours de solde en guise de peine.

[80]  Le RM a fait valoir la présence d’importants facteurs atténuants dans le cas à l’étude.

[81]  Premièrement, le membre visé a accepté la responsabilité de ses actes en reconnaissant le fondement des allégations et en participant à la rédaction de l’ECF afin d’accélérer le processus disciplinaire. Il a présenté ses excuses et a exprimé des remords. Il n’a aucun antécédent disciplinaire et a de bons états de service. De nombreux documents attestent qu’il a donné un bon rendement de 2008 à 2014.

[82]  En particulier, son évaluation du rendement pour la période allant du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 contient la remarque suivante [Traduction] : « [Le membre visé] est un atout pour l’équipe de veille en raison de ses connaissances en matière de sécurité routière, qu’il est toujours prêt à partager avec ses collègues. »

[83]  Des observations similaires ont été notées sous la rubrique Groupe du service axé sur la clientèle [Traduction] :

Le caporal Singh de l’équipe de veille A a récemment souligné les efforts du [membre visé] dans un dossier particulier. L’enquête portait sur une personne atteinte de démence qui avait disparu d’un foyer pour personnes âgées à Coquitlam. [Le membre visé] a trouvé la personne, et le caporal Singh a noté dans une fiche 1004 qu’il avait utilisé des techniques de communication efficaces en parlant à la personne avec gentillesse, sollicitude et empathie, ce qui avait permis à la police de la reconduire au foyer. La famille de la personne était très impressionnée de la manière dont le [membre visé] avait réussi à régler la situation.

[84]  Les deux premières phrases du paragraphe suivant de l’évaluation disent ceci [Traduction] : « [Le membre visé] collabore très bien avec ses collègues de l’équipe de veille D. Il est toujours prêt à aider d’autres membres à mener leurs enquêtes et termine rapidement les tâches que lui attribue l’enquêteur principal. »

[85]  Le passage suivant est un extrait de l’examen de mi-année de l’évaluation du rendement de l’année précédente, visant la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 [Traduction] :

[Le membre visé] fait aussi énormément de bénévolat dans la communauté. Il a soutenu l’École de la GRC pour les jeunes en aidant à planifier le camp d’une semaine et en prenant des photos pendant son déroulement. […] Son groupe de la prévention du crime a aussi souligné sa participation au Programme d’observateur du travail policier. Son travail à cet égard a d’ailleurs été documenté dans une fiche de rendement.

[86]  Dans cette même évaluation, sous la rubrique Groupe du service axé sur la clientèle – Satisfaction des besoins des clients, on peut lire ce qui suit [Traduction] :

Au cours de la dernière année, [le membre visé] a fait une sortie avec deux bénévoles du programme de surveillance de la vitesse de la région Tri-Cities. Ces bénévoles ont été épatés par [le membre visé] et ont pris le temps de parler de lui au Groupe de la prévention du crime et des services aux victimes. Ils ont tous deux mentionné que [le membre visé] faisait preuve de beaucoup de professionnalisme, d’honnêteté et d’intégrité dans sa façon de composer avec les incidents et d’interagir avec le public.

[87]  Dans l’évaluation du rendement visant la période du 1er avril 2011 au 30 septembre 2011, la deuxième phrase sous la rubrique « Groupe de l’engagement en matière d’apprentissage » se lit comme suit [Traduction] : « [Le membre visé] est devenu notre personne-ressource en ce qui concerne les systèmes vidéo numériques de bord, la documentation photographique des accidents de la route et les contrôles de véhicules commerciaux. Il a toujours le temps de donner un coup de main et de partager son expertise avec son équipe et avec les autres membres en général. »

[88]  Sur la dernière page de la section 3 de cette même évaluation du rendement, on peut lire ce qui suit [Traduction] : « [Le membre visé] continue à contribuer aux réussites de ce groupe et travaille bien en équipe. » Le deuxième paragraphe enchaîne avec ceci [Traduction] : « [Le membre visé] continue à exercer activement diverses fonctions bénévoles en tant qu’instructeur des cours [donnés aux gendarmes auxiliaires], il s’est porté volontaire pour prendre des photographies lors du camp de l’École de la GRC pour les jeunes, qui initie les élèves du secondaire au travail policier, et il prêtera de nouveau son assistance à ce programme cette année. » Le paragraphe d’après ajoute que [Traduction] : « [Le membre visé] continue à s’efforcer d’élargir son expérience et de donner un rendement solide. Je sais par expérience personnelle, pour l’avoir côtoyé ces quatre dernières années, qu’il ne vient pas travailler avec l’intention de faire le minimum. » L’évaluation se termine ainsi [Traduction] : « Je sais que je peux compter sur [le membre visé] pour se lancer au pied levé dans une enquête majeure sur une collision sans protester. »

[89]  Le RM a attiré l’attention sur les efforts qu’avait faits le membre visé pour surmonter sa dépression et son anxiété. Il a participé à des consultations, pris des médicaments et suivi des cours, notamment « Living Life to the Full », dont l’attestation a été versée à son dossier.

[90]  Les lettres présentées en son nom confirment l’assertion voulant que l’inconduite du membre visé soit un incident isolé qui ne lui ressemble pas. Il est vrai que les actes qui lui sont reprochés ont eu lieu sur une période de cinq semaines, mais il a témoigné au sujet des nombreux facteurs de stress qui étaient présents dans sa vie à l’époque. Bien qu’elle n’ait pas été présentée à titre d’opinion d’expert, la lettre de la psychologue Nemetz dit ceci [Traduction] : « Je ne peux pas affirmer d’un point de vue clinique que son état psychologique a causé son manque de jugement, mais je suis à l’aise de dire que sa dépression et son anxiété peuvent certainement avoir nui à son jugement et réduit de façon marquée sa résilience devant une situation de stress. »

[91]  Le membre visé n’a jamais baissé les bras, et il espère réintégrer son poste et rester un membre productif de la Gendarmerie.

Réfutation du RAD

[92]  Le RAD a déconseillé d’accorder trop d’importance aux affaires disciplinaires antérieures où la peine imposée découle d’une proposition conjointe. Le comité saisi de l’affaire 13 DA (4e) 286 a souligné, au paragraphe 21, que [Traduction] « la valeur jurisprudentielle des sanctions imposées dans les décisions où a été soumise une proposition conjointe de peine s’avère faible en raison de la grande retenue dont les arbitres doivent faire preuve à l’égard de telles propositions ». [Cette affaire semble être mal citée dans la version anglaise originale de la décision. La citation exacte est 13 DA (4e) 246. ‒ NdT] Les décisions citées par le RM se caractérisent par la soumission d’une proposition conjointe de peine. Même l’affaire ayant donné lieu à une audience contradictoire sur la peine n’était pas un cas de congédiement : l’officier compétent demandait la confiscation de huit jours de solde, et le membre estimait que la confiscation d’un jour de solde suffirait.

[93]  Le RAD a aussi souligné que dans chacune des décisions répertoriées 2016 CARD 2 et 2016 CARD 3, l’inconduite n’était pas motivée par la perspective d’obtenir un avantage personnel, ce qui a été un facteur déterminant dans la décision de garder le membre visé au sein de l’effectif.

Décision sur les mesures disciplinaires

[94]  Les contraventions au code de déontologie ayant été établies, la loi m’oblige à imposer des mesures disciplinaires appropriées. Le paragraphe 24(2) des Consignes du commissaire (déontologie) exige l’imposition de mesures qui « sont adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie ». Selon l’alinéa 36.2e) de la version modifiée de la Loi sur la GRC, il faut « prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[95]  Bien que la présente instance fasse suite aux récentes modifications apportées à la Loi sur la GRC, le critère établi pour l’imposition de mesures disciplinaires appropriées demeure inchangé. Il faut d’abord examiner l’éventail des peines possibles, puis les facteurs aggravants et les facteurs atténuants. Les argumentations des représentants et les décisions antérieures présentées aux fins d’analyse indiquent certainement que le congédiement fait partie des peines applicables à une inconduite soulevant des questions d’honnêteté et d’intégrité. Je ne crois toutefois pas que le congédiement doit être envisagé en premier lieu dans chaque cas de ce genre.

[96]  Je suis particulièrement en désaccord avec les propos tenus au paragraphe 17 de la décision répertoriée 14 DA (4e) 269, qui remonte à 2014 et où l’auteur a écrit ceci au sujet des cas où l’honnêteté et l’intégrité d’un membre sont remises en cause : « En ce qui concerne l’éventail des peines pertinentes, je crois que le congédiement convient en l’absence de facteurs atténuants importants. » Les questions d’honnêteté et d’intégrité ne sont jamais tranchées au point d’éliminer toute possibilité de zone grise, et il est beaucoup trop simpliste de les dépeindre ainsi. Lorsqu’on se penche sur des gestes qui soulèvent des questions d’honnêteté et d’intégrité, il importe d’examiner la motivation qui les sous-tend et d’évaluer le degré de turpitude morale qui les caractérise.

[97]  Je préfère l’analyse effectuée par le comité de déontologie sous la rubrique « Jurisprudence en matière disciplinaire », aux paragraphes 108 à 110 de la très récente décision répertoriée 2016 RCAD 2, qui porte sur une affaire datant de 2015 :

[108] Il ressort de mon examen des décisions citées par les deux parties que l’éventail des peines imposées par les comités d’arbitrage de la GRC dans les affaires impliquant des actes malhonnêtes s’étend de l’avertissement doublé d’une importante confiscation de solde à l’ordre de démissionner.

[109] Il importe toutefois de souligner que dans toutes les affaires citées, le ou les actes malhonnêtes visaient ou procuraient au membre quelque forme de gain ou d’avantage, qu’il s’agît, pour ce dernier, d’obtenir un avantage ou un gain pécuniaire personnel, de dissimuler ses insuffisances professionnelles, de contrecarrer une enquête dont il faisait l’objet ou de falsifier des documents en vue de faire progresser une enquête. Ainsi constate-t-on que des actes malhonnêtes profitant à leur auteur se trouvent à la source d’affaires d’inconduite dans lesquelles :

la GRC s’est fait escroquer de l’essence;

des fonds opérationnels ont été détournés à des fins personnelles et ont servi à cautionner une demande de prêt falsifiée;

des ordonnances falsifiées ont été produites en vue de l’obtention de stéroïdes anabolisants;

de nombreuses déclarations fausses et trompeuses ont été faites à répétition à des enquêteurs et à des superviseurs avant d’être reconnues comme telles à l’issue d’une audience contradictoire;

un jour d’emprisonnement a été imposé au membre qui avait tenté de frauder un régime provincial d’assurance automobile;

un verdict de culpabilité a été rendu contre un membre ayant fait une fausse déclaration à un régime provincial d’assurance automobile;

un rapport de continuation, différent du rapport initial ayant servi à l’obtention d’un mandat de perquisition, a été créé deux ans après les faits pour réfuter des allégations selon lesquelles des mandats avaient été obtenus sur la foi d’assertions inexactes;

des notes sur les lieux d’un homicide ont été dissimulées et de fausses notes ont été communiquées;

de nombreuses fausses déclarations ont été faites à répétition dans le but de dissimuler la négligence dont le membre avait délibérément fait preuve dans le cadre d’une enquête;

le membre, après avoir été vu se masturber dans un véhicule de surveillance, a tenté d’influer sur le traitement de la plainte par un autre corps de police, a fait des déclarations fausses et trompeuses et a demandé que soient effectuées des vérifications illégitimes dans des banques de données.

[110] Cela étant dit, dans les cas où un manque d’intégrité ou un acte malhonnête a été imputé au mis en cause, ce dernier n’a été congédié, de manière générale, que lorsqu’il avait ainsi obtenu ou cherché à obtenir un profit personnel et qu’aucun facteur atténuant important n’avait été retenu.

[98]  Après avoir analysé les affaires présentées par les deux parties, je souscris aux observations formulées par le comité de déontologie au paragraphe 110 de la décision susmentionnée. Les congédiements surviennent habituellement lorsqu’un individu a obtenu ou cherché à obtenir un profit personnel et qu’aucun facteur atténuant important n’est retenu. Dans le cas à l’étude, j’estime que le membre visé a agi par intérêt personnel lorsqu’il a faussement affirmé que les dommages causés à son véhicule découlaient en totalité d’un acte de vol, de méfait ou de vandalisme. Il a voulu éviter de payer une deuxième franchise et d’assumer la responsabilité de sa collision avec le panneau de signalisation. Les fausses déclarations qu’il a répétées à plusieurs reprises à des personnes différentes ne constituaient pas des actes impulsifs, mais s’inscrivaient dans une intention frauduleuse maintenue sur une longue période.

[99]  Le Guide des mesures disciplinaires aide les personnes qui connaissent mal le processus disciplinaire à déterminer quelles mesures peuvent s’appliquer dans une situation donnée, mais comme son nom le dit, il demeure un guide et ne doit pas être considéré comme une grille des sanctions. C’est un document de référence, auquel il faut ajouter toutes les circonstances de l’incident ainsi que les facteurs aggravants et les facteurs atténuants.

[100]  Il y a toutefois une forme d’inconduite sur laquelle le Guide est très clair. Pour l’inconduite qui consiste à « présenter sciemment et sous serment un témoignage faux ou trompeur, ou attester sous serment de la véracité d’un affidavit ou de tout autre document juridique en sachant qu’il contient de l’information fausse ou trompeuse », le Guide propose le congédiement du membre visé, même en présence de circonstances atténuantes. C’est exactement ce que le membre visé a fait devant notaire le 25 février 2015.

[101]  Je n’estime pas être lié par les décisions des comités antérieurs, mais lorsque ces décisions portent sur des affaires de nature similaire, elles peuvent aider à déterminer l’éventail de peines applicables. Le principe de la parité des peines s’inscrit dans une volonté d’équité et vise à faire en sorte que les écarts de conduite semblables soient traités de manière semblable, ce qui favorise la continuité, la stabilité et la prévisibilité des décisions disciplinaires.

[102]  Compte tenu de ce qui précède, j’ai examiné attentivement les affaires citées en référence. Pour les inconduites soulevant des questions d’honnêteté et d’intégrité, l’éventail de peines applicables est assez limité, allant de l’avertissement assorti d’une confiscation de la solde dans le haut de l’échelle (sous l’ancien régime) ou d’une confiscation de la solde encore plus lourde (en vertu de la nouvelle Loi) jusqu’au congédiement, selon les circonstances.

[103]  Il faut garder à l’esprit qu’en suivant les dispositions de la nouvelle Loi, il nous arrivera encore, de temps à autre, de nous reporter à des affaires tranchées sous le régime de l’ancienne Loi. Évidemment, l’éventail de peines plus large que prévoit la nouvelle Loi signifie que nous ne pouvons pas suivre au pied de la lettre les décisions rendues sous l’ancien régime, mais celles-ci restent utiles puisqu’on y mentionne les principes fondamentaux qui s’appliquent dans les cas où le congédiement fait partie des peines envisagées.

[104]  Dans la présente affaire, le membre visé demande une lourde pénalité financière, tandis que l’autorité disciplinaire souhaite qu’il se voie ordonner de démissionner de la Gendarmerie.

[105]  Il y a deux contraventions au code de déontologie à considérer, et je trouve pertinent, dans les circonstances, d’imposer des mesures disciplinaires globales à leur égard. Les circonstances entourant chacune sont identiques : l’allégation 1 concerne un manque d’honnêteté envers une collègue de la GRC, et l’allégation 2, un manque d’honnêteté envers des employés de l’ICBC et une notaire.

[106]  Un grand nombre des décisions citées en référence se caractérisent par l’acceptation d’une proposition conjointe de peine. Le dépôt d’une proposition conjointe de peine place le comité d’arbitrage dans une position particulière : celui-ci n’est pas lié par une telle proposition, mais il doit faire preuve de la plus grande réserve à son égard et ne s’en écarter que dans des cas extrêmes. Ce genre de proposition est souvent, quoique pas toujours, le fruit de longues négociations et d’importants compromis tenant compte de facteurs tangibles et intangibles connus seulement des parties et non du décideur. Comme l’a souligné la Cour d’appel de la Saskatchewan dans la décision Rault v. The Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII), si les parties ne sont pas en droit de s’attendre à ce que l’on respecte l’objet de leur accord, elles ont peu de motifs de vouloir négocier un règlement, de sorte que l’existence même du processus de négociation se trouve remis en question et l’administration de la justice risque d’être déconsidérée.

[107]  Je conclus pour ces raisons que le poids qui peut être accordé aux décisions où il y a eu acceptation d’une proposition conjointe de peine est relativement faible. Toutes les décisions citées en référence par le RM à l’appui de l’imposition de mesures disciplinaires moins sévères que le congédiement tombent dans cette catégorie, sauf une seule.

[108]  La prochaine étape consiste à examiner les facteurs aggravants et les facteurs atténuants qui entrent en jeu. Le RM a fait valoir de nombreux facteurs atténuants. J’en retiens certains et j’en rejette d’autres. Premièrement, je ne peux reconnaître aucune valeur atténuante au dossier de rendement du membre visé. Suivant un principe généralement admis en matière de peines sanctionnant un écart de conduite en contexte professionnel, le fait qu’un membre donne systématiquement un rendement supérieur à la moyenne peut jouer en sa faveur. La Gendarmerie est toutefois en droit d’attendre de ses membres qu’ils aient au moins un rendement moyen, et c’est ce que le membre visé semble lui avoir offert au fil des ans. Comme on peut le lire dans sa dernière évaluation du rendement [Traduction] :

L’éthique professionnelle [du membre visé] a fait l’objet d’une discussion et a été documentée sur une fiche de rendement [formulaire 1004]. On a observé que [le membre visé] répondait moins activement aux demandes d’intervention que les autres membres dans sa zone. De plus, ses enquêtes n’étaient pas documentées dans la mesure que l’on attendrait d’un membre ayant autant d’ancienneté. [Le membre visé] a beaucoup amélioré son éthique professionnelle au sein de l’équipe de veille et répond maintenant aux demandes d’intervention dans une proportion comparable à celle que l’on voit chez les autres membres qu’il côtoie au quotidien. [Le membre visé] communique activement par radio et fait profiter les membres subalternes de son leadership et de ses conseils lors de toutes les demandes d’intervention pour les aider dans leurs enquêtes.

[109]  Cet extrait est tiré de l’évaluation visant la période du 21 avril 2014 au 31 mars 2015. La phrase suivante vient de son évaluation de 2011 [Traduction] : « [Le membre visé] continue de donner un rendement satisfaisant. » J’en déduis que le membre visé donnait un rendement quelque peu inférieur à ses capacités et qu’il a atteint un niveau de rendement moyen après que la question a été abordée avec lui. Il serait injuste envers tous les employés qui donnent un rendement supérieur à la moyenne année après année d’accepter un rendement moyen à titre de facteur atténuant.

[110]  Ce qui importe peut-être plus encore, c’est que je ne peux pas considérer comme un facteur atténuant notable l’état psychologique du membre visé à l’époque des contraventions. Dans sa lettre du 15 juillet 2016, la psychologue Georgia Nemetz a dit [Traduction] :

Bien que je ne l’aie pas vu au cours des mois qui ont précédé l’incident ayant mené à sa suspension, je sais que sa dépression et les facteurs de stress liés à son travail s’aggravaient et qu’il a mentionné la réapparition de ses symptômes. Je ne peux pas affirmer d’un point de vue clinique que son état psychologique a causé son manque de jugement, mais je suis à l’aise de dire que sa dépression et son anxiété peuvent certainement avoir nui à son jugement et réduit de façon marquée sa résilience devant une situation de stress. »

[111]  Ce qui manque, c’est le lien de cause à effet avec l’inconduite. La psychologue Nemetz ne peut pas établir ce lien, et elle le dit clairement.

[112]  Je conviens bien sûr avec elle que la dépression et l’anxiété peuvent nuire au jugement et à la capacité de gérer le stress, mais il y a une très bonne raison qui explique pourquoi Mme Nemetz n’a pas vu le membre visé dans les mois qui ont précédé son inconduite : de son propre aveu, il se portait relativement bien sur le plan psychologique. Les choses allaient mieux au travail, et il avait commencé à fréquenter la femme qui allait devenir sa conjointe et la mère de sa fille, aujourd’hui âgée de six mois. Je ne vois pas quels facteurs de stress pouvaient peser sur le membre visé à l’époque de son inconduite au point d’y avoir contribué.

[113]  Je retiens cependant à titre de facteur atténuant les quelques occasions où le membre visé a donné un brillant rendement au travail. Des certificats qui remontent à 2009 et à 2011 attestent son engagement et sa diligence en matière de répression de la conduite avec facultés affaiblies et de sécurité routière, et il a fait du bénévolat auprès de l’École de la GRC pour les jeunes et de la Fondation Tim Horton pour les enfants.

[114]  Ses évaluations du rendement regorgent d’exemples d’activités pratiquées en dehors des heures de travail, et plusieurs fiches de rendement (formulaires 1004) font état de sa créativité et de sa compassion, en particulier celle de décembre 2014, rédigée à peine quelques mois avant les événements qui lui sont reprochés. Il s’agit de la fiche de rendement mentionnée par le RM, où il est question de la compassion dont le membre visé a fait preuve dans son interaction avec la personne atteinte de démence qui avait disparu du foyer d’accueil.

[115]  De nombreux pairs et collègues ont aussi écrit des lettres de soutien qui le dépeignent comme un ardent défenseur des causes qui lui tiennent à coeur. Cette qualité constitue un facteur atténuant.

[116]  Je retiens par ailleurs comme facteur atténuant les aveux que le membre visé a faits dans l’ECF, qui ont éliminé la nécessité de tenir une longue audience. J’accepte aussi les excuses inconditionnelles et manifestement très sincères qu’il a présentées aux personnes concernées et aux membres de la Gendarmerie en général.

[117]  Le RAD a soulevé comme facteur aggravant le fait que le membre visé a perdu la confiance du commandant divisionnaire. Je crois qu’il est temps d’abandonner une fois pour toutes ce concept dépassé. Premièrement, la décision de renvoyer un employé ne peut pas se fonder sur l’évaluation subjective d’une seule personne quant au mérite de cet employé. Il faut une analyse juridique objective. Deuxièmement, aux termes de la Loi actuelle, le concept de la perte de confiance est une tautologie : les seuls cas qui relèvent de la compétence d’un comité de déontologie sont ceux où le commandant divisionnaire, c’est-à-dire l’autorité disciplinaire, a perdu sa confiance en le membre visé et demande son congédiement. Il s’agit moins d’un facteur aggravant que d’une condition préalable à la présentation de l’affaire au comité de déontologie.

[118]  Cela dit, il y a plusieurs lourds facteurs aggravants à prendre en considération. Premièrement, l’inconduite ne peut pas être considérée comme une erreur de jugement isolée, parce qu’elle englobe deux contraventions similaires touchant trois institutions, soit la GRC dans allégation 1, et l’ICBC et la charge de notaire dans l’allégation 2. Il s’agit de comportements très destructeurs qui se sont échelonnés sur cinq semaines.

[119]  Le deuxième facteur aggravant tient au contexte entourant les mensonges et les fausses déclarations. C’est une chose d’avoir négligé de mentionner des détails importants lors de discussions avec l’enquêtrice de la GRC (allégation 1) ou d’avoir menti intentionnellement aux enquêteurs de l’ICBC sur l’origine des dommages (allégation 2), mais le fait d’avoir donné de faux renseignements dans une déclaration solennelle équivaut à mon avis à une fausse déclaration sous serment et touche ainsi à l’essence même de la position de confiance qu’occupent les policiers dans l’administration de la justice.

[120]  Il faut pouvoir se fier au caractère sacré d’un serment ou d’une affirmation solennelle, sans quoi il y a érosion de la confiance du public, qui est absolument essentielle au travail policier. La loi confère aux policiers des pouvoirs spéciaux d’arrestation, de détention, de fouille ou de perquisition, de saisie et, dans certains cas, de recours à la force. Le serment est l’un des éléments qui font contrepoids à ces pouvoirs. Quand un policier s’engage par serment ou par affirmation solennelle à dire la vérité dans le contexte de l’administration de la justice, qu’il soit de service ou en congé, les intervenants de l’appareil de justice doivent pouvoir se fier à la véracité des propos qui suivront.

[121]  Le troisième facteur aggravant est la condamnation criminelle dont a fait l’objet le membre visé. Avec la plus grande déférence à l’endroit du juge de la Cour provinciale qui a prononcé cette condamnation, je dois dire que je ne suis pas d’accord avec lui quand il décrit le comportement reproché au membre visé comme un [Traduction] « acte très isolé ». Si l’ECF lui avait été fourni, son opinion aurait peut-être été différente. Quoi qu’il en soit, le fait que le membre ait fait l’objet d’une condamnation au criminel est une indication de la gravité de l’inconduite en cause.

[122]  Quatrièmement, la réputation de la GRC est entachée aux yeux d’un important partenaire du milieu de l’application de la loi, soit le service des enquêtes de l’ICBC, et aux yeux des intervenants qui participent à l’administration de la justice.

[123]  Le cinquième facteur aggravant concerne les considérations liées à l’arrêt McNeil. En clair, l’obligation de divulguer à l’avance les antécédents disciplinaires pertinents crée un fardeau qui n’existerait pas en l’absence de tels antécédents. Ce fardeau constitue, par définition, un facteur aggravant.

[124]  Le fardeau est porté non seulement par le membre touché, mais aussi par la Gendarmerie et le ministère public. L’importance à accorder à ce facteur aggravant reste cependant plus ou moins indéterminée, puisque les principes établis dans l’arrêt McNeil ne sont pas appliqués uniformément. Certaines provinces semblent avoir une moins grande aversion pour le risque que la Colombie- Britannique et être davantage prêtes à gérer les conséquences négatives pouvant découler de la comparution d’un témoin policier qui doit répondre de ses antécédents disciplinaires. Il n’en demeure pas moins que l’obligation de divulgation ne s’applique pas en l’absence d’antécédents disciplinaires et que les problèmes d’affectation découlant de l’existence de tels antécédents occasionnent un fardeau administratif à la Gendarmerie. Les considérations liées à l’arrêt McNeil doivent donc être traitées comme un facteur aggravant.

[125]  Le facteur aggravant le plus important tient à l’avantage personnel que le membre visé cherchait à obtenir en négligeant de révéler la véritable origine de tous les dommages causés à son véhicule. Malgré l’existence de la police d’assurance secondaire, qui aurait réduit le montant de la franchise exigible, le membre visé a tenté d’éviter de payer la deuxième franchise et d’être tenu responsable de sa collision avec le panneau de signalisation, qui a causé des dommages considérables à sa camionnette. Je suis d’avis que les facteurs atténuants en présence ne pèsent pas suffisamment lourd dans la balance pour l’emporter sur ce facteur aggravant très important.

[126]  Un principe bien établi veut que le congédiement soit envisagé seulement dans les cas les plus extrêmes et que l’imposition de mesures disciplinaires s’inscrive avant tout dans une optique de réhabilitation. Comme l’a expliqué la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Trumbley v Fleming, (1986) 29 Dominion Law Reports 557 [Traduction] :

[U]ne instance disciplinaire de la police constitue un processus interne purement administratif. Sa conséquence possible la plus grave la rend semblable à une instance disciplinaire dans le contexte des rapports employeur-employé ordinaires, même si la procédure qui la régit est nettement plus formelle. L’objet premier du congédiement d’un employé n’est pas de punir celui-ci, au sens habituel du mot (pour le dissuader ou le corriger ou, peut-être, pour lui infliger une forme moderne de châtiment), mais plutôt de soulager l’employeur du fardeau que représente l’employé qui a démontré ne pas être à la hauteur de sa tâche.

[127]  La décision rendue dans l’affaire Ennis v. The Canadian Imperial Bank of Commerce (1986) BCJ 1742 pousse l’explication plus loin [Traduction] :

Il faut démontrer l’inconduite ou l’incompétence réelle. La conduite de l’employé et le trait de caractère qu’elle révèle doivent être de nature à miner ou à éroder considérablement la confiance que l’employeur est en droit de placer en ce dernier eu égard au contexte de leur relation particulière. Il faut que l’employé, par son comportement, montre son refus de respecter le contrat de travail ou l’un de ses éléments essentiels.

[128]  Je suis d’avis que le membre visé a manqué aux conditions de son contrat de travail, qui sont clairement énoncées. L’alinéa 37(b) de la Loi sur la GRC est ainsi libellé : « Il incombe à chaque membre […] de maintenir l’intégrité du droit et de son application ainsi que de l’administration de la justice […] ». L’alinéa 37(h) se lit comme suit : « Il incombe à chaque membre […] de maintenir l’honneur de la Gendarmerie, ses principes et ses objets. » Les valeurs fondamentales de la Gendarmerie comprennent l’honnêteté, l’intégrité, le professionnalisme, la responsabilité et le respect.

[129]  Le fait que le membre visé ait cherché à obtenir un avantage personnel en usant intentionnellement de tromperie à l’endroit d’une gendarme de la GRC, selon l’allégation 1, de même qu’à l’endroit d’employés de l’ICBC et, ce qui est encore plus grave, d’une notaire, selon l’allégation 2, indique chez lui l’existence d’un défaut de caractère fondamental qui le rend inapte à rester en poste au sein de notre organisation.

[130]  J’ordonne par la présente au membre visé de démissionner de la Gendarmerie dans un délai de quatorze jours, à défaut de quoi il sera congédié.

 

 

29 mars 2018

Inspecteur James Robert Knopp

Comité de déontologie

 

Date

 

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