Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le membre visé, après avoir consulté des fichiers électroniques de la GRC, a obtenu, pour des raisons non professionnelles, le numéro de téléphone cellulaire d’une jeune fille de dix-sept ans qui avait déposé une plainte d’agression sexuelle. Il a ensuite engagé des échanges par messages textes avec elle, dans lesquels il lui a demandé qu’elle lui envoie des photos d’elle, lui a envoyé deux photos d’un homme (l’une où il portait des sous-vêtements moulants et l’autre où il se trouvait sous des couvertures sous lesquelles on devinait une érection) et deux autres photos où il apparaît torse nu, lui a fait des remarques sur son physique et a soulevé la possibilité d’aller prendre un café avec elle. Les échanges ont cessé lorsque les messages textes de la plaignante indiquaient qu’elle avait des idées suicidaires et que le membre visé a demandé à la police d’intervenir auprès d’elle.
Le membre visé a remis une contravention pour excès de vitesse à une automobiliste, qui a demandé à son partenaire et à lui s’ils aimeraient aller prendre un café avec elle. Plus tard, après avoir accédé à des renseignements non liés au contrôle routier dans les fichiers électroniques de la GRC, le membre visé a appelé à la résidence de la femme, s’est identifié comme étant un policier et a obtenu son numéro de téléphone de cellulaire auprès de son employée. Il a ensuite envoyé un message texte à la femme dans lequel il lui a demandé si elle voulait aller prendre un café avec lui. Lorsque la femme lui a répondu par la négative, il lui a exprimé son intérêt pour des séances d’acuponcture données par son mari, comme il avait été mentionné pendant le contrôle routier.
Deux allégations de conduite déshonorante (relativement aux échanges déplacés) et deux allégations d’utilisation abusive de biens de la Gendarmerie (relativement à la consultation de fichiers électroniques pour des raisons non professionnelles) ont été établies.
On a ordonné au membre visé de démissionner dans un délai de 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié. Plusieurs importants facteurs aggravants ont été présentés, y compris l’abus de confiance et l’exploitation d’une cliente. Des témoignages d’experts sur l’existence et les effets d’un trouble dépressif persistant étaient contradictoires. Une psychothérapie de longue durée était toujours requise pour traiter les troubles mentaux du membre visé, lesquels ont pu l’amener à se conduire de manière inappropriée lorsqu’il était aux prises avec des facteurs de stress. Puisque le membre visé ne poursuivait pas sa thérapie, aucun expert ne recommandait qu’il reprenne immédiatement des fonctions opérationnelles. En l’espèce, aucune autre mesure disciplinaire ne pouvait être prise pour préserver la confiance du public à l’égard de la GRC.

Contenu de la décision

Protégé A

2017 DARD 7

Restriction à la publication : Sur ordre du comité de déontologie, l’identité d’une jeune personne et toute information qui pourrait vraisemblablement mener à l’identification de cette jeune personne ne peuvent être publiées ou diffusées de quelque façon que ce soit.

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AUDIENCE DISCIPLINAIRE DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

le commandant de la Division E

(autorité disciplinaire)

et

le gendarme Brian Eden, matricule 56773

(membre visé)

Décision du comité de déontologie

John A. McKinlay

Le 8 novembre 2017

M. Denys Morel et caporale Chantal Le Dû, représentants de l’autorité disciplinaire

M. Steven Rogers, représentant du membre


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE  3

INTRODUCTION  6

ALLÉGATIONS  8

RÉSUMÉ DES FAITS  10

REQUÊTE PRÉLIMINAIRE  15

Ordonnance de non-publication  15

CONCLUSIONS À L’ÉGARD DES ALLÉGATIONS  15

Allégation 1  15

Allégation 3  18

Allégation 4  18

Allégation 2  21

Résumé des allégations établies  22

MESURES DISCIPLINAIRES  22

Preuve documentaire  22

Témoignage du membre visé  24

Témoignage du Dr H, l’expert du RM  24

Témoignage du Dr S, l’expert du RAD  25

Décisions  27

Facteurs atténuants  29

Facteurs aggravants  30

Analyse  32

CONCLUSION  37

 

 

SOMMAIRE

Nota : Le présent sommaire ne fait pas partie de la décision.

Le membre visé, après avoir consulté des fichiers électroniques de la GRC, a obtenu, pour des raisons non professionnelles, le numéro de téléphone cellulaire d’une jeune fille de dix-sept ans qui avait déposé une plainte d’agression sexuelle. Il a ensuite engagé des échanges par messages textes avec elle, dans lesquels il lui a demandé qu’elle lui envoie des photos d’elle, lui a envoyé deux photos d’un homme (l’une où il portait des sous-vêtements moulants et l’autre où il se trouvait sous des couvertures sous lesquelles on devinait une érection) et deux autres photos où il apparaît torse nu, lui a fait des remarques sur son physique et a soulevé la possibilité d’aller prendre un café avec elle. Les échanges ont cessé lorsque les messages textes de la plaignante indiquaient qu’elle avait des idées suicidaires et que le membre visé a demandé à la police d’intervenir auprès d’elle.

Le membre visé a remis une contravention pour excès de vitesse à une automobiliste, qui a demandé à son partenaire et à lui s’ils aimeraient aller prendre un café avec elle. Plus tard, après avoir accédé à des renseignements non liés au contrôle routier dans les fichiers électroniques de la GRC, le membre visé a appelé à la résidence de la femme, s’est identifié comme étant un policier et a obtenu son numéro de téléphone de cellulaire auprès de son employée. Il a ensuite envoyé un message texte à la femme dans lequel il lui a demandé si elle voulait aller prendre un café avec lui. Lorsque la femme lui a répondu par la négative, il lui a exprimé son intérêt pour des séances d’acuponcture données par son mari, comme il avait été mentionné pendant le contrôle routier.

Deux allégations de conduite déshonorante (relativement aux échanges déplacés) et deux allégations d’utilisation abusive de biens de la Gendarmerie (relativement à la consultation de fichiers électroniques pour des raisons non professionnelles) ont été établies.

On a ordonné au membre visé de démissionner dans un délai de 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié. Plusieurs importants facteurs aggravants ont été présentés, y compris l’abus de confiance et l’exploitation d’une cliente. Des témoignages d’experts sur l’existence et les effets d’un trouble dépressif persistant étaient contradictoires. Une psychothérapie de longue durée était toujours requise pour traiter les troubles mentaux du membre visé, lesquels ont pu l’amener à se conduire de manière inappropriée lorsqu’il était aux prises avec des facteurs de stress. Puisque le membre visé ne poursuivait pas sa thérapie, aucun expert ne recommandait qu’il reprenne immédiatement des fonctions opérationnelles. En l’espèce, aucune autre mesure disciplinaire ne pouvait être prise pour préserver la confiance du public à l’égard de la GRC.


MOTIFS

INTRODUCTION

[1]  Le 4 février 2016, le soussigné a été désigné comité de déontologie dans cette affaire impliquant le gendarme (gend.) Brian Eden, matricule 56773 (le membre visé).

[2]  Il importe de noter que le membre visé s’est vu signifier l’avis d’audience disciplinaire, signé par l’autorité disciplinaire le 28 juillet 2016, ainsi que les documents relatifs à l’enquête le 9 août 2016 seulement.

[3]  Le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) a produit sa liste de témoins conformément à l’article 18 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 (les « CC (déontologie) ») le 18 septembre 2016.

[4]  Après réception d’une prorogation du délai applicable à la présentation du dossier, les réponses du membre visé ont été soumises en vertu du paragraphe 15 (3) et de l’article 18 des CC (déontologie) le 19 octobre 2016. Le membre visé a nié chacune des allégations.

[5]  Les parties ont pris part à une conférence préparatoire à l’audience, le 16 novembre 2016, où les dates de l’audience disciplinaire, prévue à Richmond, en Colombie- Britannique, ont été fixées aux 24, 25 et 26 janvier 2017.

[6]  Le 19 décembre 2016, j’ai rejeté la requête du membre visé visant à obtenir un sursis d’instance pour abus de procédure découlant d’un délai déraisonnable (assortie de motifs écrits corrigés le 3 janvier 2017).

[7]  Le 23 décembre 2016, le premier représentant du membre visé a signalé qu’il ne représenterait plus celui-ci. Le représentant actuel du membre, un avocat-conseil privé, a confirmé que ses services avaient été retenus et a demandé l’ajournement de l’audience. Lors d’une conférence préparatoire tenue le 16 janvier 2017, l’ajournement de l’audience au 28 mars 2017 a été accordé.

[8]  Une autre conférence préparatoire a eu lieu le 24 février, et le 28 février 2017, le représentant du membre (RM) a déposé une réponse révisée en vertu du paragraphe 15 (3) des CC (déontologie). Le membre visé a continué de nier les allégations 1 et 4, mais a reconnu les faits reprochés dans les allégations 2 et 3.

[9]  Lors d’une conférence préparatoire à l’audience tenue le 8 mars 2017 le RM a déclaré qu’il attendait le rapport d’un expert. Le 22 mars 2017, le RM a déposé le rapport et le curriculum vitæ d’un psychologue qui, à titre d’expert, s’est prononcé en faveur du membre visé à l’audience sur les mesures disciplinaires. J’ai accepté le rapport, même s’il n’a pas été déposé conformément à l’exigence de présenter les rapports d’expert au moins 30 jours au préalable étant donné qu’un report a été offert au RAD pour lui permettre de songer à la réponse qu’il allait formuler. Le RAD a demandé de disposer de temps pour réfléchir à sa position. Par conséquent, l’audience a été renvoyée au 24 mai 2017, avec l’autorisation du RM.

[10]  Les 24 mars et 6 avril 2017, des conférences préparatoires à l’audience ont eu lieu, au cours desquelles le RAD a fait le point sur le travail réalisé en vue d’obtenir des directives relativement au contre-interrogatoire du psychologue retenu par le RM et à la présentation possible d’un rapport d’expertise contraire. Le 6 avril 2017, la date de l’audience a été fixée au 11 septembre 2017, du fait que le RAD prévoyait recevoir le rapport de l’expert au plus tard à la fin du mois de juillet 2017 et que l’avocat-conseil n’était pas disponible avant cette date.

[11]  Le 5 juillet 2017, les parties se sont entendues pour présenter des observations écrites avant l’audience afin de faciliter la prise de décisions sur l’établissement des allégations pendant la partie de l’audience portant sur les allégations. Le RM a alors demandé que le membre visé ait l’autorisation de témoigner avant que des décisions relatives aux allégations soient prises. Cependant, le 6 septembre 2017, au moment où les parties ont déposé un résumé conjoint des faits, le RM a signalé qu’il n’était pas nécessaire que le membre visé témoigne avant la partie de l’audience portant sur les allégations.

[12]  Le 3 août 2017, en l’absence du RAD, le bureau du RAD a déposé le rapport contenant les opinions contraires d’un psychologue.

[13]  Les observations du RAD sur les allégations ont été présentées le 1er septembre 2017, la réponse du RM, le 1er septembre 2017 et la brève réponse du RAD, le 6 septembre 2017.

ALLÉGATIONS

[14]  Le premier matin de l’audience, le 11 septembre 2017, les allégations suivantes ont été formulées à l’endroit du membre visé (pièce CAR-1) [Traduction] :

Allégation 1

Le 8 janvier 2015 et le 11 février 2015 ou entre ces deux dates, à Richmond, dans la province de la Colombie-Britannique, ou à proximité, [le membre visé] a utilisé des biens et du matériel fournis par l’État à des fins non autorisées, contrevenant ainsi à l’article 4.6 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division E, dans la province de la Colombie- Britannique.

2. Le 8 janvier 2015, vous étiez de service et vous deviez travailler de [6 h] à [18 h].

3. Le 8 janvier 2015, on vous avait confié la tâche de communiquer avec le frère de Mme [A] et de prendre rendez-vous avec lui pour obtenir sa déposition en tant que témoin dans le cadre d’une enquête sur une agression sexuelle, relativement au dossier 2015-[XXX]. Il s’agissait de la seule tâche liée à l’enquête qui vous avait été attribuée dans ce dossier.

4. Le 8 janvier 2015, pendant votre quart de travail, vous avez consulté le rapport général d’incident du dossier 2015-[XXX] à trois occasions, ce qui vous a permis de recueillir des renseignements personnels sur Mme [A].

5. Le 8 janvier 2015, vers 16 h 34, tandis que vous étiez de service au Détachement de Richmond, vous vous êtes entretenu avec Mme [A], la victime dans le dossier 2015- [XXX]. La conversation a porté sur l’enquête sur la plainte qu’elle avait déposée et le compte rendu a été versé au dossier.

6. Peu après votre conversation avec Mme [A], vous avez utilisé votre téléphone cellulaire personnel pour lui envoyer un message texte, en vous servant de son numéro de cellulaire personnel, dans lequel vous lui avez conseillé d’être prudente.

7. Les 11 et 24 janvier 2015, vous avez accédé aux systèmes de données de la GRC et effectué des recherches sur le dossier 2015-[XXX] dans les rapports d’incident généraux. Ces recherches n’ont pas été effectuées pour les besoins de votre travail ni pour aucune raison légitime dans le cadre de vos fonctions. Vous avez donc utilisé des systèmes de données de la GRC à des fins personnelles non autorisées.

Allégation 2

Le 1er février 2015 et le 11 février 2015, ou entre ces deux dates, à Richmond, dans la province de la Colombie-Britannique, ou à proximité, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division E, dans la province de la Colombie- Britannique.

2. Le ou vers le 1er février 2015, vous êtes entré en contact avec Mme [A], la présumée victime d’une agression sexuelle dans le dossier 2015-[XXX], afin d’entretenir une relation personnelle avec elle. Les contacts ont été faits par messagerie texte.

3. Vous avez échangé environ 279 messages textes et photographies avec Mme [A], dont des photographies et des messages déplacés à connotation sexuelle.

4. Alors que vous occupiez un poste de confiance et étiez en situation d’autorité, vous avez tenté d’entretenir une relation personnelle avec Mme [A] même si vous saviez qu’elle avait 17 ans et qu’elle était la présumée victime dans une affaire d’agression sexuelle.

Allégation 3

Le ou vers le 3 février 2015, à Richmond, dans la province de la Colombie- Britannique, ou à proximité, [le membre visé] a utilisé des biens et du matériel fournis par l’État à des fins non autorisées, contrevenant ainsi à l’article 4.6 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division E, dans la province de la Colombie- Britannique.

2. Tandis que vous étiez de service, vous avez remis à Mme [B] une contravention pour une infraction au code de la route.

3. Vous avez accédé aux systèmes de données de la GRC et effectué des recherches dans les rapports d’incident généraux liés aux dossiers 2012-

[XXXX] et 2009-[XXXXX]. Ces recherches n’ont pas été effectuées pour les besoins de votre travail ni pour aucune raison légitime dans le cadre de vos fonctions. Vous avez donc utilisé des systèmes de données de la GRC à des fins personnelles non autorisées.

Allégation 4

Le ou vers le 3 février 2015, à Richmond, dans la province de la Colombie- Britannique, ou à proximité, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division E, dans la province de la Colombie- Britannique.

2. Le 3 février 2015, alors que vous n’étiez pas de service, vous avez appelé à la résidence de Mme [B]. Vous vous êtes identifié en tant que policier à la personne qui a répondu au téléphone et avez obtenu le numéro de téléphone cellulaire personnel de Mme [B].

3. Vers 13 h 31, vous avez envoyé un message texte personnel à Mme [B]. Vous vous êtes identifié comme étant le gendarme Eden et lui avez demandé si elle voulait prendre le thé avec vous.

4. Vous avez abusé de votre poste de confiance et de votre situation d’autorité pour obtenir le numéro de cellulaire personnel de Mme [B] et communiquer avec elle pour des raisons personnelles.

[Les mots entre crochets remplacent ceux présents dans l’original.]

[15]  La présentation d’un résumé des faits (pièce CAR-2), daté du 6 septembre 2017, a permis d’accélérer l’examen de la preuve par le comité de déontologie et, plus particulièrement, d’éviter d’avoir à recourir au témoignage de Mme [B] et du gend. M.T., le membre présent au moment des échanges en bordure de route entre le membre visé et Mme [B]. Dans ce document, le membre visé a admis les allégations 1, 2 et 3, mais a continué de nier l’allégation 4.

RÉSUMÉ DES FAITS

[16]  Voici les extraits pertinents tirés du résumé des faits [Traduction] :

ALLÉGATION 1

[...] [Le membre visé] reconnaît les faits reprochés dans l’allégation.

ALLÉGATION 2

[...][Le membre visé] reconnaît les faits reprochés dans l’allégation.

1. À l’époque des faits, le gendarme Brian Eden (ci-après « le membre ») était affecté au Détachement de Richmond, dans la Division E.

2. Le 3 janvier 2015 :

a) Le membre était de service et devait travailler de [6 h] à [18 h].

b) Le membre s’est vu confier la tâche de communiquer avec [le frère de Mme A] pour prendre rendez-vous avec lui afin d’enregistrer sa déclaration sur bande sonore ou vidéo relativement au dossier 2015-[XXX]. L’enquêteur principal chargé du dossier 2015-[XXX], une enquête sur une agression sexuelle, était le gendarme [K.L.]. [Nom du frère] était le frère de la victime dans cette affaire, Mme [A].

c) Entre 6 h 29 et 6 h 37, le membre a consulté le rapport d’incident général et toutes les pages du dossier 2015-[XXX]. Le membre a ainsi eu accès à des renseignements personnels sur Mme [A], y compris de l’information détaillée relative à l’enquête sur l’agression sexuelle dont elle avait présumément été victime, sa date de naissance et son numéro de téléphone cellulaire.

d) Entre 13 h 57 et 14 h 07, le membre a consulté le dossier 2015-[XXX].

e) Vers 16 h 34, la victime, Mme [A], a téléphoné au Détachement de Richmond, et son appel a été transféré au membre. Mme [A] lui a fourni de l’information sur les hommes impliqués dans l’affaire. Le membre a versé l’information au dossier et y a écrit que Mme [A] semblait bouleversée et qu’il lui avait offert des services d’aide aux victimes.

f) Entre 16 h 42 et 16 h 56, le membre a consulté le dossier 2015-[XXX] et peu de temps après, il a envoyé un message texte à Mme [A] dans lequel il lui conseillait d’être prudente.

g) Mme [A] n’a jamais donné son numéro de téléphone cellulaire au membre.

3. Le membre ne s’est pas vu confier d’autre tâche relativement au dossier 2015-[XXX].

4. Les 18 et 24 janvier 2015, le membre a consulté le dossier 2015-[XXX] et a effectué des recherches dans le rapport d’incident général. Il a donc eu accès à des renseignements personnels sur Mme [A].

5. Le membre savait que Mme [A] avait 17 ans.

6. Le 1er février 2015, le membre a utilisé son propre téléphone cellulaire [au numéro 604-XXX-XXXX] pour entrer en contact avec Mme [A] et lui envoyer une série de photographies et de messages textes déplacés. L’annexe A jointe au présent résumé des faits contient un résumé des messages textes échangés entre [le membre visé] et Mme [A] et comprennent les messages suivants [Traduction] :

« Travailles-tu demain? »

« J’espère que tu vas bien... Nous devrions aller

prendre un café ensemble » « Tu travailles toujours

chez Sears? »

« Désolé de te déranger... Garde le

sourire... Envoie-moi une photo. »

« J’adore la photo avec le sourire en

passant... hmm »

« Envoie une photo mignonne mdr. »

« Super, amuse-toi... J’aimerais voir

une photo de toi aussi. » « J’aime ton

regard. »

Le membre a envoyé une photo générique d’un homme à partir de la

taille, portant un caleçon boxeur, et l’a accompagnée du message

« Chut. »

« Tu aimes faire de la natation ou aller au gym? »

« Génial... Je suis amateur de pantalons de

yoga... petit message mdr. » « ou de ce qu’il y

a en-dessous... toutes les formes. »

« Ok, bonne nuit... qu’est-ce qu’on porte la nuit? Un pyjama. »

7. Le 2 février 2015, Mme [A] a communiqué avec son frère, [nom du frère], pour lui demander des conseils et lui a écrit notamment ce qui suit [Traduction] : « Un des policiers qui enquêtent dans mon dossier me drague par texto et me demande de lui envoyer des photos de moi. Il m’a envoyé une photo de lui torse nu. Qu’est-ce que je devrais faire? » Dans les messages textes qu’elle a échangés avec son frère, Mme [A] a écrit [Traduction] : « C’est très bizarre, il me dit qu’on devrait aller prendre un café. J’ai pensé que c’était pour parler de l’affaire, mais après, il m’a demandé une photo de moi. Je lui en ai envoyé une de moi en train de sourire. Après, il m’écrit : " J’aime ton regard " et il m’envoie une photo de lui torse nu. Comme j’ai dit, c’est très bizarre. »

8. Également le 2 février 2015, le membre a échangé une série de messages textes avec Mme [A], ce qui confirme le fait qu’il souhaitait la voir pour des raisons personnelles. À la question suivante que lui a posée Mme [A] [Traduction] : « Hum... Gendarme Eden, où voulez-vous qu’on se rencontre? », le membre a répondu : « Hmmm... J’aimerais te rencontrer, mais pas concernant le travail mdr. ». Puis, il a ajouté : « C’est sûrement pas le bon moment pour toi », « J’imagine que t’as pas besoin de faire des rencontres », « Ok, lâche pas... peut-être qu’on pourrait aller prendre un café dans deux ou trois jours... Je t’embêterai pas », « Merci pour la photo... tu es une belle femme », « Sauf si tu me déconcentres mdr ».

9. Entre le 1er et le 11 février 2015, le membre a échangé environ 279 [nombre qui était au départ de 219, mais qui a été corrigé par les représentants] messages textes et photographies avec Mme [A], y compris des messages textes à connotation sexuelle, une photo de lui ainsi qu’une photo générique d’un homme étendu dans un lit sous des couvertures sous lesquelles on devinait une érection, par exemple [Traduction] :

- Le 9 février 2015, lorsque Mme [A] lui a dit qu’elle se rendait au centre-ville, le membre lui a écrit : « Pas de boisson mdr », « Amuse-toi ». Puis Mme [A] lui a répondu qu’il était trop tard, ce à quoi le membre a répondu : « Petite coquine... envoie-moi une belle photo d’abord », « Ne le dis à personne, mais tu as de belles lèvres et un beau nez mdr », « Ok, salut... la prochaine fois, apporte ton maillot... ou fais semblant et prend une photo mdr ».

- Le 11 février 2015, le membre a écrit à Mme [A] : « C’est quoi tes origines ethniques? » « T’as de belles lèvres et de beaux yeux en passant ».

ALLÉGATION 3

[...] [Le membre visé] reconnaît les faits reprochés dans l’allégation.

ALLÉGATION 4

[...] [Le membre visé] nie que par sa conduite, il a contrevenu à l’art. 7.1 du code de déontologie.

10. Le 3 février 2015, le membre était de service et devait travailler de [16 h] à [3 h]. Vers 0 h 53, pendant qu’il effectuait une patrouille avec le gendarme [M.T.], le membre a arrêté une automobiliste, Mme [B], pour excès de vitesse et lui a remis une contravention.

11. Pendant le contrôle routier, qui a duré 27 minutes environ, Mme [B] a contesté le bien-fondé de la contravention et à un moment donné, elle a demandé au membre s’il voulait allez prendre un café, ce qu’il a refusé. Le membre a demandé à Mme [B] ce que son mari faisait dans la vie, et elle lui a répondu qu’il était acupuncteur. Le membre lui a alors dit qu’il avait des maux de dos.

12. Mme [B] n’a pas donné son numéro de cellulaire au membre ni au gendarme [M.T.].

13. Vers 1 h 59, le membre a fermé la session du terminal numérique mobile de son véhicule, et vers 2 h 03, il a fait une recherche dans le rapport d’incident général du système de gestion des dossiers (SGD) pour trouver les dossiers 2012-[XXXX] et 2009-[XXXXX] en lien avec Mme [B].

14. Le membre a eu accès à des renseignements personnels sur Mme [B], notamment les suivants :

- la personne faisant l’objet de la plainte;

- les numéros de téléphone liés à Mme [B];

- les renseignements personnels liés au mari de Mme [B], dont les coordonnées liées à son emploi d’acupuncteur.

15. Le 3 février 2015, tandis qu’il n’était pas de service, peu après 12 h 30, le membre a appelé à la résidence de Mme [B]. Son employée, Mme [C], a répondu au téléphone. Le membre s’est identifié comme étant un policier de la GRC et a dit qu’il souhaitait parler à Mme [B]. Mme [C] lui a donné le numéro de cellulaire de Mme [B].

16. Vers 13 h 31, Mme [B] a reçu le message texte suivant de la part du membre [Traduction] : « Bonjour [prénom de Mme [B]] ... c’est le gendarme Eden ... je voulais communiquer avec vous. »

17. Vers 14 h 37 et peu de temps après, Mme [B] et le membre ont échangé les messages textes suivants [Traduction] :

Qui êtes-vous? (Mme [B])

La contravention d’hier soir? (Le membre)

Pourquoi vous m’écrivez? (Mme [B])

Vous aimeriez aller prendre un thé? (Le membre)

Hé, comment avez-vous eu mon numéro? (Mme [B])

J’ai téléphoné chez vous pour vous parler... Votre mère m’a donné votre numéro? Désolé de vous déranger, j’aimerais seulement vous revoir, désolé... Je me suis souvenu de l’acupuncture et que vous vouliez aller prendre un café. (Le membre)

Désolée, je ne pense pas qu’il serait approprié d’aller prendre un café avec vous, mais merci d’avoir demandé. (Mme [B])

REQUÊTE PRÉLIMINAIRE

Ordonnance de non-publication

[17]  Avec l’autorisation du RM, la requête du RAD visant la non-publication de l’identité de Mme [A] a été accueillie. Par conséquent, le comité de déontologie ordonne que l’identité de Mme [A] et toute information découlant du présent processus disciplinaire qui permettrait d’identifier Mme [A] fassent l’objet d’une ordonnance de non-publication et ne soient pas publiées, distribuées ou diffusées.

CONCLUSIONS À L’ÉGARD DES ALLÉGATIONS

[18]  Dans la partie portant sur les allégations, j’ai pour tâche, pour chaque allégation, d’évaluer la preuve selon la prépondérance des probabilités afin de déterminer si l’énoncé détaillé est établi. Après avoir déterminé que l’énoncé est établi selon les faits présentés, je dois déterminer si les actes ou les omissions établis dans les énoncés détaillés, compte tenu de toutes les circonstances présentées en l’espèce, constituent une contravention au code de déontologie. Les énoncés détaillés peuvent ne pas tous être prouvés, et certains peuvent servir à des fins narratives ou contextuelles.

Allégation 1

[19]  En ce qui concerne l’allégation 1, les énoncés détaillés 1 et 2 sont établis sans problème. En fait, l’identification du membre visé ne pose problème dans aucune des allégations. Relativement à l’allégation 1, je suis d’avis que l’énoncé détaillé 3 est établi en raison des précisions contenues dans les résumés des parties aux paragraphes 2 (b) et 3.

[20]  En ce qui concerne l’énoncé détaillé 4 de l’allégation 1, je suis d’avis qu’il est établi que le membre visé a consulté le dossier d’enquête électronique de la GRC à trois occasions. Les heures exactes auxquelles le membre a consulté le dossier sont précisées aux paragraphes 2 (c), (d) et (e) du résumé des faits.

[21]  De plus, il est établi qu’en consultant le dossier électronique à ces occasions, le membre visé a eu accès à des renseignements personnels liés à Mme [A], y compris les détails de l’enquête sur l’agression sexuelle dont elle était la victime présumée ou la plaignante, sa date de naissance et son numéro de téléphone cellulaire personnel. Ces constatations sont le reflet des faits énoncés dans le résumé des faits, au paragraphe 2 (c).

[22]  Pour ce qui est de l’énoncé détaillé 5 de l’allégation 1, il ne fait aucun doute que le membre visé a reçu un appel de Mme [A] le 8 janvier 2015, vers 16 h 34. À mon avis, la façon dont cet appel a été traité et dont le membre visé a pris des notes sur l’appel dans le dossier électronique n’était pas une contravention à l’article 4.6 du code de déontologie de la GRC. Les détails de l’appel et la façon dont il a été consigné par écrit dans le dossier figurent au paragraphe 2 (e) du résumé des faits des parties.

[23]  L’énoncé détaillé 6 de l’allégation 1 porte sur le message texte que le membre visé a envoyé sur le téléphone cellulaire de Mme [A]. Pour ce faire, il a utilisé son propre téléphone cellulaire. Pour envoyer le message texte, le membre visé devait connaître le numéro de cellulaire de Mme [A]. La teneur du message (le conseil d’être prudente) n’était pas offensante ni déplacée, même si, à mon avis, le message n’était pas suffisamment officiel parce que le membre visé ne s’était pas identifié de façon formelle. Il ne fait aucun doute non plus que le membre visé a envoyé le message texte en question, mais rien n’indique dans le dossier d’enquête qu’il en est l’auteur.

[24]  Comme il est énoncé au paragraphe 2 (b) du résumé des faits, je suis d’avis que le membre visé a obtenu le numéro de téléphone cellulaire de Mme [A], ce qui lui a permis de lui envoyer des messages textes, après avoir consulté le dossier électronique sur l’enquête la concernant. Mme [A] ne lui a pas donné son numéro de téléphone cellulaire pendant leur conversation téléphonique qui a eu lieu après 16 h 30 le 8 janvier 2015.

[25]  Les observations du RM se lisent comme suit [Traduction] :

[Le membre visé] admet avoir contrevenu à l’article 4.6 du code de déontologie lorsqu’il s’est servi des numéros de téléphone cellulaire de Mme [B] et de Mme [A] à des fins non autorisées.

[26]  Je suis d’avis que le message texte que le membre visé a envoyé à Mme [A] le 8 janvier 2015, après leur conversation téléphonique, pour lui conseiller d’être prudente est le résultat de son utilisation du numéro de cellulaire de Mme [A], un numéro qu’il n’avait pas l’autorisation d’obtenir à partir du dossier électronique ni d’utiliser pour communiquer avec Mme [A].

[27]  Cela dit, à mon sens, l’allégation 1 témoigne surtout d’une contravention à l’article 4.6 du code de déontologie en raison des actes décrits dans l’énoncé détaillé 7, à savoir le fait que le membre visé a consulté les fichiers électroniques les 18 et 24 janvier 2015. Le membre visé a fait valoir que la consultation du dossier faisait partie de mesures de suivi habituelles ou relevait de la curiosité professionnelle; c’est pourquoi cet accès était autorisé. Il s’agit là des principales justifications du membre pour avoir consulté le dossier à ces deux occasions.

[28]  J’estime que le membre visé s’était vu confier une seule tâche dans le dossier, comme il est énoncé de façon précise aux paragraphes 2 (b) et 3 du résumé des faits des parties. Le membre visé a eu un entretien téléphonique avec Mme [A] le 8 janvier 2015, lequel a été traité de façon appropriée, puis il lui a envoyé un message texte plus tard la même journée, ce qui constitue, à mon sens, un geste curieux.

[29]  Même si Mme [A] était bouleversée durant l’appel qui a précédé le premier message texte envoyé par le membre visé, je dois déterminer si le fait que celui-ci a admis avoir consulté le dossier électronique les 18 et 24 janvier 2015 constitue une utilisation non autorisée du système électronique de gestion des dossiers de la GRC.

[30]  La conclusion que j’en tire est que ces deux occasions où le membre visé a utilisé le système constituent une contravention de l’article 4.6 du code de déontologie de la GRC puisque le membre ne s’était pas vu confier d’autres tâches dans le cadre de l’enquête sur l’agression sexuelle concernant Mme [A].

[31]  Sur la base du message texte envoyé au numéro de téléphone cellulaire personnel de Mme [A], lequel a été obtenu lorsque le membre visé a consulté la première fois le dossier électronique sans en avoir eu l’autorisation préalable, et des deux autres occasions d’accès non autorisés les 18 et 24 janvier 2015, je conclus que l’allégation 1 est établie.

Allégation 3

[32]  En ce qui concerne l’allégation 3, il est clair que le membre visé a contrevenu à l’article 4.6 du code de déontologie lorsqu’il a obtenu un numéro de téléphone dans un rapport d’incident général non lié concernant Mme [B], l’automobiliste à qui il avait remis une contravention pour une infraction au code de la route et qu’il a utilisé ce numéro pour téléphoner à la résidence de Mme [B]. C’est l’employée de Mme [B] qui a répondu à l’appel, et elle a donné au membre visé le numéro de téléphone cellulaire de Mme [B]. Je conclus que le membre visé a contrevenu à l’article 4.6 du code de déontologie étant donné que les recherches décrites dans l’énoncé détaillé 3 n’ont clairement pas été effectuées pour des raisons autorisées liées au travail.

[33]  La contravention à l’article 4.6 du code de déontologie relativement à cette allégation ne découle pas simplement de l’obtention d’un numéro de téléphone en vue de tenter de revoir Mme [B]. Elle tient plutôt au fait que le membre visé a consulté le dossier électronique sans en avoir eu l’autorisation.

Allégation 4

[34]  En ce qui concerne l’allégation 4, l’obtention par le membre visé d’un numéro de téléphone en vue de téléphoner à la résidence de Mme [B] figure dans mes constatations relativement à l’allégation 3. L’utilisation inappropriée de ce numéro pour téléphoner à la résidence de Mme [B] est à l’origine de l’inconduite décrite à l’allégation 4.

[35]  J’ai étudié soigneusement les observations du RM selon lesquelles la conduite du membre visé, même si elle ne respectait pas son devoir de maintenir une distance avec les membres du public dans l’exercice de ses fonctions de policier et qu’elle ait été inappropriée et témoignait d’un manque de jugement, n’était pas grave au point où la GRC serait discréditée aux yeux du public. Au moment de déterminer si l’allégation 4 est établie, je m’appuie sur l’interprétation de l’expression « conduite déshonorante » offerte par le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC (CEE C-2015-001, C-008, le 22 février 2016, paragraphes 92 et 93) :

[92] Aux termes de l’art. 7 du code de déontologie, les « membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie ». Cet article diffère, dans son libellé, de la disposition qu’il remplace, à savoir le paragr. 39 (1) du Règlement de la GRC, qui interdisait aux membres d’agir ou de se comporter d’une façon scandaleuse ou désordonnée susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Le [Comité externe d’examen (CEE)] et le commissaire ont établi que le critère dont le paragraphe 39 (1) commande l’application consiste à se demander si une personne raisonnable ayant connaissance de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et celles du travail de la GRC en particulier, serait d’avis que la conduite reprochée était a) scandaleuse et b) suffisamment liée à la situation professionnelle du membre pour justifier l’imposition de mesures disciplinaires contre lui (CEE 2900- 08-006 [D-123], par. 125; CEE 2400-09-002 [D-121], commissaire, paragr. 100).

[93] Dans l’art. 7 du code de déontologie, le fait de jeter le discrédit sur la Gendarmerie n’a plus pour condition l’adoption d’une conduite scandaleuse ou désordonnée. Toutefois, dans la version annotée 2014 du code de déontologie de la GRC, l’analyse de la conduite déshonorante visée à l’art. 7 reprend en bonne partie le critère établi sous le régime de l’ancien code; il y est dit en effet que le « comportement déshonorant est évalué à l’aide d’un test qui tient compte de la perception du comportement qu’aurait une personne raisonnable dans la société informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier » (p. 23). Les termes employés dans la version annotée 2014 du code concordent avec ceux dans lesquels d’autres services de police formulent le critère à appliquer pour déterminer qu’une inconduite est susceptible ou non de jeter le discrédit sur l’organisation. Comme le fait remarquer P. Ceyssens dans son ouvrage Legal Aspects of Policing, tome 2 (Toronto, Earlscourt, 2002, p. 6-17 et 6-18), lorsque le libellé de la disposition législative ou réglementaire qui régit la conduite déshonorante renvoie à un comportement qui pourrait jeter ou est susceptible de jeter le discrédit sur le service de police, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un tel discrédit a effectivement été porté. La gravité de l’inconduite se mesure à la gravité de l’atteinte à la réputation et à l’image du service qu’entraînerait la mise au grand jour de la conduite reprochée. Pour effectuer une telle évaluation, il est nécessaire d’apprécier la conduite en fonction des attentes raisonnables de la population.

Je conclus qu’une personne raisonnable au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et du travail de la GRC en particulier, serait d’avis qu’il s’agit là d’une conduite inappropriée qui jette le discrédit sur la GRC.

[36]  Selon les faits reprochés à l’allégation 4, le membre s’est identifié en tant que policier au moment de s’adresser à l’employée de Mme [B] afin d’obtenir le numéro de cellulaire de celle-ci, ce qui est considéré comme un comportement inacceptable, qui, en soi, constitue une conduite déshonorante.

[37]  Le fait de répondre à l’offre de Mme [B] d’aller prendre un café, ou un « thé » comme il est mentionné à quelques reprises dans le rapport, ne justifiait pas la décision du membre visé de communiquer avec elle en se servant d’un numéro obtenu sans autorisation et de manière indue. L’invitation à aller prendre un café ou un thé à l’intention du membre visé a été lancée par Mme [B] lorsqu’elle se trouvait dans son véhicule et qu’elle était sur le point de recevoir une contravention pour excès de vitesse, et elle avait peut-être pour but d’éviter de recevoir la contravention ou de bénéficier d’un traitement de faveur de la part du membre visé et du gend. M.T.

[38]  La contravention venait tout juste d’être remise à Mme [B], et celle-ci avait toujours la possibilité de contester la contravention par tous les moyens appropriés dont elle disposait. Lorsqu’il a tenté de voir Mme [B] dans un contexte social, le membre visé a mis en péril sa crédibilité en tant qu’enquêteur dans cette affaire d’infraction au code de la route.

[39]  Même s’il ne s’agit pas des faits de l’espèce, un membre qui cherche à avoir des contacts sociaux avec une automobiliste peu de temps après lui avoir remis une contravention pourrait mettre en péril la confiance du public à l’égard du service policier, puisqu’on pourrait croire que le membre a utilisé la contravention comme stratagème afin d’obtenir les coordonnées de l’automobiliste. Les actes du membre visé sont clairement considérés comme une pratique répréhensible pour laquelle la Gendarmerie doit, à mon avis, manifester un intérêt sincère pour l’imposition de mesures disciplinaires.

Allégation 2

[40]  En ce qui concerne l’énoncé détaillé 2 de l’allégation 2, je suis satisfait et, selon la norme de preuve de la prépondérance des probabilités, je conclus que l’allégation selon laquelle le membre visé est entré en contact avec Mme [A] sachant qu’elle avait 17 ans est établie.

[41]  D’après les messages textes envoyés par le membre visé, plus particulièrement les demandes ou les suggestions de rencontre entre lui et Mme [A], ainsi que selon les photographies jointes à ceux-ci qui avaient clairement une connotation sexuelle, je conclus que le membre visé a cherché à entretenir une relation personnelle avec Mme [A]. Les échanges n’avaient aucun lien avec le travail du membre.

[42]  Le contenu des messages textes est repris de façon exacte étant donné qu’ils ont été copiés à partir du téléphone cellulaire personnel de Mme [A], de même que les heures auxquelles ils ont été envoyés.

[43]  Je conclus que le membre visé a contrevenu à l’article 7.1 du code de déontologie du fait qu’il a cherché à entretenir une relation personnelle avec Mme [A]. Il a commis les actes décrits dans l’énoncé détaillé 3 alors qu’il connaissait la situation de Mme [A] de par ses fonctions de policier. À l’époque des faits, Mme [A] avait 17 ans et était la victime présumée dans une enquête sur une agression sexuelle. Je suis d’avis que l’inconduite établie, soit le fait que le membre visé a pris part de façon répétée aux échanges de messages textes repris en l’espèce, jette clairement le discrédit sur la Gendarmerie et qu’une personne raisonnable ayant connaissance des faits allégués et de la conduite attendue de la part des membres de la GRC serait d’avis que l’inconduite du membre visé jette le discrédit sur la Gendarmerie.

[44]  La conclusion de conduite déshonorante comporte deux volets. Le premier correspond aux actes commis par le membre visé pendant l’échange de messages textes avec Mme [A] et le deuxième, au fait que le membre était au courant de la situation de Mme [A] et qu’il était une figure d’autorité pour elle lorsqu’il a commis les actes.

Résumé des allégations établies

[45]  Pour résumer, en ce qui concerne les allégations 1 et 3, qui font état de contraventions à l’article 4.6 du code de déontologie, je conclus que les contraventions alléguées sont établies. Pour ce qui est des allégations 2 et 4, qui font état de contraventions à l’article 7.1 du code de déontologie, je conclus que les contraventions alléguées sont établies.

MESURES DISCIPLINAIRES

Preuve documentaire

[46]  Avec l’approbation du RAD, le RM a présenté au comité de déontologie de la documentation sur la blessure à l’épaule du membre visé (pièce MR-1) ainsi qu’un document préparé par le membre visé, qui contient des commentaires positifs de supérieurs et de l’information témoignant de sa personnalité (pièce MR-2).

[47]  Le membre visé semble avoir subi une blessure à l’épaule dans un accident de la route, alors qu’il n’était pas de service, le 6 novembre 2012. Le 2 mai 2014, le membre visé s’est vu prescrire par un médecin de la massothérapie pour le cou et le dos. Le 23 juillet 2014, il a été jugé médicalement inapte à passer le Test d’aptitudes physiques essentielles (TAPE) que tous les membres de première ligne (opérationnels) doivent réussir. Le 6 janvier 2015, un médecin a déterminé que le membre visé était médicalement inapte à effectuer l’épreuve de poussée du TAPE, ce qui va dans le sens de la restriction à des fonctions administratives dont il faisait l’objet. Le 8 septembre 2015, le membre visé a subi une chirurgie arthroscopique des tendons de la coiffe du rotateur.

[48]  Je dois faire observer que les personnes ayant fait les commentaires et fourni l’information figurant dans la pièce MR-2 n’étaient pas au courant de l’écart de conduite en l’espèce. Même s’ils contiennent des exemples précis de bon rendement au travail ou de gestes de gentillesse de la part du membre visé, les documents n’ont eu qu’un poids limité et n’ont pas permis d’établir que le membre visé était un employé exceptionnel. Ils ont toutefois permis d’établir qu’il a fait l’objet d’une reconnaissance publique pour son application des lois concernant la conduite avec les facultés affaiblies pendant la période s’étendant de 2010 à 2014 et qu’il a pris part à diverses activités bénévoles alors qu’il n’était pas de service, y compris des activités louables auprès des jeunes.

[49]  À titre de référence, le RM a également déposé une série de documents figurant au dossier (pièce MR-3). Le dépôt de cet ensemble de documents pertinents s’est avéré utile et a certainement permis d’accélérer le processus d’audience. Sous l’Onglet 1, l’activité concernant le téléphone cellulaire personnel du membre visé est présentée sur un document papier obtenu de l’entreprise de télécommunications Telus. Selon l’information figurant à la page 7 de 80, le premier message texte du membre visé à Mme [A] a été envoyé le 8 janvier 2015. Ce message est suivi par une réponse de Mme [A], envoyée également par messagerie texte, puis par un autre message texte du membre visé. Le contenu exact des deux messages textes du membre visé et de la réponse de Mme [A] n’est pas connu. D’après la déclaration faite par Mme [A] le 21 février 2015 et le résumé des faits dont ont convenu les parties, j’estime que c’est à ce moment que le membre visé a conseillé à Mme [A] d’être prudente. Les parties n’ont pas fait référence aux documents papier fournis par Telus dans leurs argumentations écrites pour l’établissement des allégations. Je reconnais que la décision que j’ai rendue de vive voix relativement aux allégations reflétait le fait qu’aucune réponse n’avait été reçue après le premier message texte envoyé par le membre visé le 8 janvier 2015, ce qui ne tient pas compte des inscriptions répertoriées par Telus.

[50]  Le RAD a déposé une série de rapports et d’évaluations de la GRC qui font état du rendement du membre visé lorsqu’il était en formation à titre de cadet à la Division Dépôt (il a été promu gendarme le 24 novembre 2008) ainsi qu’en sa qualité d’enquêteur aux services généraux lorsqu’il était affecté au Détachement de Hope (2009-2010, 2010-2011, 2011-2012) et au Détachement de Richmond (2013-2014). Les supérieurs intermédiaires du membre visé ont formulé des commentaires succincts sur son rendement, résumés ci- dessous, lesquels confirment les commentaires positifs de ses supérieurs immédiats au sujet de son rendement dans l’exercice de ses fonctions et de ses activités bénévoles [Traduction] :

  • Bons progrès qui pourraient l’amener à devenir un excellent enquêteur, démontre une volonté de faire du bénévolat à l’appui d’activités communautaires, a fait un excellent travail lorsqu’il a entretenu bénévolement le parc automobile. (2009-2010)
  • Travaillant, démontre des progrès satisfaisants, les autres membres se tournent vers lui pour obtenir des conseils. (2010-2011)
  • Il continue de perfectionner ses aptitudes professionnelles, se montre déterminé à mener des enquêtes sur des cas de conduite avec les facultés affaiblies et est devenu une personne-ressource dans ce domaine. (2011- 2012)
  • « [Le membre visé] est un membre solide de la Veille A sur qui on peut toujours compter pour faire du bon travail [...]. » (2013-2014)

Témoignage du membre visé

[51]  Même si ce document avait déjà été versé au dossier, le RAD, à titre de référence, a déposé un document exhaustif comprenant les messages textes échangés en février 2015 entre le membre visé et Mme [A], y compris toutes les images en couleurs jointes aux messages (pièce CAR-3). Cette pièce a été présentée au membre visé au moment de son contre-interrogatoire.

Témoignage du Dr H, l’expert du RM

[52]  Avant la tenue de l’audience, le comité de déontologie a déterminé que le rapport du Dr H (non daté, soumis le 22 mars 2017) serait considéré comme son témoignage d’expert direct et serait soumis au contre-interrogatoire du RAD. Les parties étaient d’accord avec le comité de déontologie, qui a qualifié le Dr H d’expert en psychologie, y compris dans le domaine de l’évaluation, du diagnostic, du traitement et du pronostic. Le Dr H a reçu le rapport de l’expert du RAD avant son témoignage. Par souci de commodité, le rapport et le curriculum vitæ du Dr H ont été combinés (pièce MR-4).

Témoignage du Dr S, l’expert du RAD

[53]  Avant la tenue de l’audience, le comité de déontologie a déterminé que le rapport du Dr S, daté du 30 juillet 2017, serait considéré comme son témoignage d’expert direct et serait soumis au contre-interrogatoire du RM. Les parties étaient d’accord avec le comité de déontologie, qui a qualifié le Dr S d’expert en psychologie, y compris dans le domaine de l’évaluation, du diagnostic, du traitement et du pronostic, et en psychologie judiciaire.

[54]  Le RM était d’avis que le Dr S pouvait prendre connaissance du témoignage du Dr H avant de livrer son témoignage. Par souci de commodité, le rapport et le curriculum vitæ du Dr S ont été combinés (pièce CAR-4).

[55]  Dans ses argumentations, le RM souligne à juste titre que, bien qu’un expert puisse se forger une opinion d’après l’information fournie sous toutes ses formes, lorsqu’un élément d’information sur lequel on se fie est contredit par de l’information mentionnée par la partie adverse ou lorsqu’un élément d’information qui porte à controverse est reçu d’une source d’information parallèle qui n’est pas produite pour un contre-interrogatoire mené par la partie adverse, la crédibilité de toute opinion fondée sur une source d’information qui a été contredite ou n’a pas été éprouvée hors cour peut être minée. L’exactitude ou la fiabilité, et dans certains cas, l’admissibilité de l’élément d’information contesté n’est pas établie simplement parce que celui-ci est reçu par l’expert afin qu’il puisse se forger une opinion.

[56]  Compte tenu de ce qui précède, lorsque je me suis penché sur les opinions formulées par le Dr S, j’ai supprimé ses mentions de l’information reçue de la part de la conjointe actuelle (Mme A.G.) du membre visé et, de manière légèrement moins rigoureuse, l’information qu’il a reçue du Dr A [sic], le psychologue qui a vu le membre visé sept fois entre novembre 2010 et mars 2011 et à deux occasions à l’été 2012 (pièce CAR-4, pages 22 à 26).

[57]  Ayant considéré comme inadmissible l’information controversée provenant d’une source parallèle non éprouvée, je suis néanmoins d’avis que les opinions du Dr S sont pertinentes et suffisamment étayées par d’autre information, surtout par de l’information obtenue du membre visé et figurant dans la documentation exhaustive que le RAD a fournie au Dr S à des fins d’examen.

[58]  Par conséquent, j’estime les opinions du Dr S convaincantes en raison des facteurs importants suivants :

  • la mesure dans laquelle le membre visé était atteint d’un trouble psychologique en janvier et en février 2015 (pièce CAR-4, rapport, pages 33 à 37)
  • la probabilité que ce trouble puisse avoir causé ou joué un rôle dans les écarts de conduite du membre visé (pièce CAR-4, pages 37 et 38)

[59]  En ce qui concerne l’opinion du Dr S selon laquelle le membre visé ne souffrait pas d’un trouble dépressif persistant au moment de l’inconduite, cette opinion reposait sur l’examen approfondi d’un certain nombre d’éléments factuels qui montrent que le membre visé peut avoir eu, à l’occasion, des épisodes où il était d’humeur dépressive après l’échec de son mariage et l’enquête pour violence conjugale dont il a été l’objet, mais ces épisodes étaient transitoires.

[60]  Je constate dans le rapport du Dr H que peu d’éléments factuels ou cliniques appuient son opinion selon laquelle le membre visé a commencé à souffrir d’un trouble dépressif en 2010 pour lequel il ne recevait pas les bons soins au moment de son inconduite en 2015. Je suis d’avis que l’opinion mieux étayée du Dr S voulant que le membre visé ne souffrait pas de dépression légère au moment des écarts de conduite à l’endroit de Mme [A] et de Mme [B] est plus convaincante que celle de son confrère, le Dr H, qui conclut que le membre visé souffrait de dépression légère depuis au moins mars 2015 et « probablement depuis beaucoup plus longtemps ».

[61]  Je trouve particulièrement convaincante l’observation selon laquelle le ton particulièrement optimiste et enjoué qui se dégage des messages textes envoyés par le membre visé à Mme [A] ne concordait pas avec une humeur dépressive. De plus, dans certains de ses messages, le membre visé mentionne la possibilité d’aller nager et d’aller au gym, ce qui laisse voir qu’il a suffisamment d’énergie, de motivation et d’intérêts.

[62]  Lorsque le membre visé s’est soumis à des tests psychologiques pour le Dr H en mars 2015, sa suspension et la poursuite pénale dont il allait peut-être faire l’objet constituaient des motifs amplement suffisants pour lui causer une dépression modérée.

[63]  Même si l’on tient pour avéré que le membre visé souffrait d’un trouble dépressif persistant pendant la période où il a eu ses écarts de conduite, le Dr S donne de nombreuses raisons qui expliquent qu’il existe peu de motifs de croire que ses symptômes [Traduction] « étaient si graves qu’ils ont amené [le membre visé] à se comporter de manière déplacée ou ont joué un rôle dans l’inconduite ». J’accepte cette opinion plutôt que celle que le Dr H fait valoir dans sa brève analyse (pièce MR-4, page 32 « Impressions », page 33, paragraphe 1 « Conclusions »).

Décisions

[64]  Le RAD a cité un certain nombre de décisions à l’appui de sa position selon laquelle le congédiement était la mesure disciplinaire appropriée en l’espèce :

  • L’officier compétent de la DG et le gend. [WM] (2005), 27 D.A. (3e) 3
  • Gordon c. Canada (Solliciteur général), 2003 CF 1250
  • Ennis v. Canadian Imperial Bank of Commerce, [1986] BCJ No 1742 (SC)
  • Le commandant de la Division E et le gend. [FV], 2017 DARD 3

[65]  Le RM a cité un certain nombre de décisions, qui se rattachent à différents arguments faisant partie de ses argumentations par écrit ou de vive voix, que le comité de déontologie a examinées au moment de ses argumentations orales. Par souci de commodité, j’ai regroupé les décisions sous plusieurs catégories générales :

Rôle approprié des témoignages d’experts

  • Brough v. Richmond, 2003 BCSC 512
  • M.B. v. British Columbia, [2000] BCJ No. 638 (SC)
  • R. v J.-L.I., [2000] 2 SCR 600
  • Sengbusch v. Priest, 1987 CanLII 2796 (BC SC)
  • William et al. v. BC et al., 2005 BCSC 131 (CanLII)

Facteurs atténuants et aggravants influant sur le jugement

  • Ceyssens, Legal Aspects of Policing, 2012, pages 5-197
  • Lee v. Canada (RCMP), [2000] FCJ No. 887 (FCTD)
  • Pizarro v. Canada (Attorney General), [2010] FCJ No 23 (FCC)

Décisions de non-congédiement concernant des pratiques sexuelles répréhensibles

  • College of Physicians and Surgeons of Ontario v. Lambert (1992), 11 OR (3d) 545 (Div. Ct.)
  • Re Dicken, 2016 CarswellAlta 2851 (Tribunal)
  • Ontario College of Teachers v. Burdett, 2011 ONOCT 8 (Discipline Cmtee)
  • Re Ontario (Ministry of Children and Youth Services) and OPSEU, 2015 CarswellOnt 14159

Preuve sur laquelle l’opinion des experts peut reposer

  • R. c. Abbey, [1982] RCS 24
  • R. v. Collins, 2001 CanLII 24124 (Ont. C.A.)
  • R. v. Truscott (2006), 81 OR (3d) 689 (C.A.)

Inconduite non réprimendable et diminution de la capacité à prendre des décisions

  • Vancouver Police Board v Teamsters, Local 31, 2002 CarswellBC 3519

[66]  Au moment de déterminer les mesures disciplinaires à imposer à l’égard des contraventions du membre visé, je m’appuie sur l’article 24 des Consignes du commissaire (déontologie), libellé ainsi :

(1) Afin de déterminer les mesures disciplinaires appropriées à imposer, le comité de déontologie peut examiner tout élément soumis par les parties et entend leurs observations verbales et témoins, y compris ceux figurant à la liste visée au paragraphe 18(1).

(2) Le comité impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au code de déontologie.

[67]  De plus, conformément à l’article 11.15 du chap. XII.1. – Déontologie – du Manuel d’administration, l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit être prise en considération lors du choix des mesures disciplinaires à imposer au membre visé. Pour les besoins de la présente décision, je remplacerai le mot « circonstance » par « facteur ».

Facteurs atténuants

[68]  Les arguments du RM avaient trait aux mesures disciplinaires appropriées à imposer et à la nature et aux circonstances des contraventions établies en l’espèce. Il a fait valoir que les éléments suivants constituent des facteurs atténuants :

  • la situation personnelle du membre visé et son handicap au moment de l’inconduite, qui ont influé sur le manque de jugement moral du membre;
  • la probabilité que le membre visé se réhabilite et le faible risque de récidive s’il s’engage à suivre le traitement psychologique qui lui a été recommandé;
  • la courte période sur laquelle s’est échelonnée l’inconduite;
  • les bons états de service du membre visé et le dévouement dont il fait preuve à l’égard de son travail;
  • le fait que le membre visé a reconnu la gravité de l’inconduite et qu’il a exprimé la volonté de se réhabiliter;
  • le retard considérable de traitement des allégations par l’autorité disciplinaire et la période de deux ans et demi au cours de laquelle le membre visé n’a pas exercé ses fonctions.

Facteurs aggravants

[69]  Dans ses arguments présentés de vive voix, le RAD a formulé des commentaires sur la nature et les circonstances des contraventions établies en l’espèce. Il a présenté les arguments ci-dessous concernant les facteurs aggravants et l’absence de certains facteurs atténuants :

  • La conduite déshonorante s’apparente à un abus de confiance puisque le membre visé s’est servi de renseignements qu’il a obtenus en raison de son poste de policier pour tenter d’entretenir deux relations inappropriées.
  • L’inconduite n’était pas spontanée et n’était pas le résultat d’un manque de jugement momentané. Elle concernait deux personnes différentes, et le membre visé a eu plusieurs occasions de mettre fin à son comportement.
  • En ce qui concerne Mme [A], le membre visé a admis qu’à un moment donné, il s’est rendu compte que ses échanges avec elle étaient déplacés, mais il a néanmoins continué de lui envoyer des messages textes.
  • Même si cela ne concerne pas le même type d’inconduite, le membre visé a fait l’objet de mesures disciplinaires simples en 2011 (pour avoir eu recours à une force excessive à l’endroit de sa conjointe de l’époque pendant une querelle de ménage). Il a donc eu des écarts de conduite à deux occasions distinctes au cours de ses sept années de service.
  • Le membre visé a envoyé des messages textes très déplacés et à connotation sexuelle, dont des images de nature sexuelle, sachant que la destinataire non seulement n’avait que 17 ans, mais était également la plaignante dans une affaire d’agression sexuelle faisant l’objet d’une enquête (récente et en cours).
  • Les échanges par messagerie texte ont cessé seulement lorsque Mme [A] a informé le membre visé qu’elle avait des idées suicidaires et que celui-ci n’a essentiellement pas eu d’autre choix que de demander l’intervention de policiers à l’endroit où elle se trouvait et de se nommer par le fait même.
  • Les actes reprochés ont eu lieu après que la conjointe actuelle du membre visé a perdu son emploi de membre civile à la GRC après avoir fait une utilisation abusive d’un système de communication interne de la GRC pour échanger des messages avec le membre visé.
  • Dans son témoignage, le membre visé n’a pas reconnu les graves répercussions qu’aurait pu avoir sa mauvaise conduite sur Mme [A], a minimisé la nature de ses actes en laissant croire qu’il avait envoyé certains des premiers messages textes par sollicitude envers Mme [A] et a nié qu’il cherchait à nouer une relation personnelle avec elle malgré les conclusions que l’on peut raisonnablement tirer du contenu des messages textes.
  • L’absence de soutien des pairs du membre visé, y compris ses supérieurs, relativement aux mesures disciplinaires à imposer à son endroit.
  • Bien que le membre visé ait avoué ses écarts de conduite, il n’a pas coopéré d’emblée avec les enquêteurs et n’a pas assumé immédiatement sa responsabilité.
  • Si les aveux du membre visé ont pu accélérer le processus d’audience, la preuve de son inconduite était très claire dès le départ, et les témoignages de Mme [A] et de Mme [B] n’auraient pas été nécessaires vu les éléments de preuve figurant dans le rapport d’enquête remis au comité de déontologie.
  • Le membre visé a omis de prendre des mesures immédiates afin d’obtenir des soins pour les troubles de santé mentale dont il souffrait au moment de l’inconduite, ce qui dénote un manque de volonté de suivre un traitement et une méconnaissance de la gravité de son inconduite.
  • Pendant ses consultations avec le Dr H, [le membre visé] ne lui a jamais confié le contenu détaillé des messages textes échangés avec Mme [A], ce qui a empêché le Dr H de lui prodiguer les soins appropriés.
  • Le membre visé a dit au Dr H qu’il s’attendait à être innocenté relativement aux allégations en l’espèce, ce qui vient amoindrir le fait qu’il a récemment assumé une certaine part de responsabilité pour ses actes.
  • Le membre visé n’a pas encore démontré qu’il a fait des progrès depuis le début du traitement et doit encore faire l’objet d’un programme de soins approfondis afin de réduire le plus possible les risques de récidive.
  • Le programme de soins proposé occasionne un fardeau administratif à la GRC étant donné que le membre visé ne montre aucun progrès depuis le début de son traitement.

Analyse

[70]  Après avoir évalué la preuve admissible, il a été déterminé que les éléments suivants ne sont pas contestés pour la période de l’inconduite établie du membre visé, qui s’étend du 8 janvier 2015 au 11 février 2015 : il n’habitait pas dans la même résidence que sa conjointe actuelle; il avait des difficultés financières en raison de paiements occasionnés par sa rupture; il éprouvait un inconfort physique et de la frustration en raison d’une blessure à l’épaule qui n’était pas guérie et qui l’a obligé à devoir se limiter à des tâches administratives. Je ne suis pas d’avis que ces facteurs ont occasionné au membre visé un stress important au point de lui causer une incapacité intellectuelle, notamment un manque de jugement moral, puisqu’il a continué d’exercer ses fonctions de manière satisfaisante malgré tout.

[71]  J’ai soigneusement examiné le témoignage du Dr H selon lequel le fait d’être un bourreau de travail peut cacher une dépression sous-jacente, mais aucune observation indépendante ne laisse croire que cela pourrait être le cas du membre visé. Au contraire, celui-ci a dit au Dr H qu’il était très efficace au travail, qu’il faisait l’objet de bonnes évaluations du rendement et qu’il faisait beaucoup d’heures supplémentaires.

[72]  Je me range plutôt à l’avis du Dr S selon lequel le compte rendu fait par le membre visé au Dr H concorde avec la capacité que le membre visé avait à réfléchir de manière critique, à prendre des décisions éclairées et à faire preuve de jugement pendant la période visée par l’inconduite.

[73]  Malgré tout le respect que je lui dois, je ne suis pas prêt à accepter le point de vue du Dr H selon lequel le trouble dépressif persistant, combiné aux facteurs de stress susmentionnés éprouvés par le membre visé, contribue à expliquer la décision du membre visé de chercher à échanger avec Mme [A] au moyen de messages textes à connotation sexuelle, une décision qui va fondamentalement à l’encontre des fonctions qu’il savait manifestement qu’il devait exercer auprès d’une victime présumée d’agression sexuelle de 17 ans. Même si les premiers messages qu’il avait envoyés avaient été grandement influencés par un état mental dépressif et des facteurs de stress personnel, ou s’ils avaient été (comme il le prétend) motivés simplement par le souci du bien-être de la jeune femme, le membre visé a avoué dans son témoignage que, pendant la période où les échanges par messagerie texte ont eu lieu, il savait que ses actes étaient déplacés et qu’ils devaient cesser. Malgré tout, le membre visé a par la suite transmis à la plaignante une image générique grossière sur laquelle on pouvait voir une érection cachée sous une couverture, puis plus tard, il a exprimé à Mme [A], d’une façon qui est, selon moi, très manipulatrice, son désir de recevoir une photo d’elle en maillot de bain. Dans son témoignage, il a affirmé qu’il était « plutôt excité » pendant les échanges de messages textes avec Mme [A].

[74]  J’étais prêt à accepter et à prendre en considération le rapport du Dr H, malgré le fait qu’il avait auparavant été le thérapeute du membre visé, puis qu’il avait joué le rôle d’évaluateur. J’accepte sans réserve qu’en sa qualité d’évaluateur, le Dr H a tenté de manière consciencieuse d’éviter de faire preuve de partialité au moment de se forger une opinion. Je dois néanmoins être vigilant au moment d’examiner ses conclusions au sujet de l’état mental du membre visé pendant la période visée par l’inconduite, soit du 8 janvier au 11 février 2015 (formulées en mars 2017 seulement), en raison de la relation patient-thérapeute établie en mars 2015 entre le Dr H et le membre visé.

[75]  Je considère également comme important le fait que, bien que le stress découlant de la suspension avec solde du membre visé et de son arrestation semble l’avoir amené à demander des soins psychochlogiques auprès du Dr H en mars 2015, le membre visé semble n’avoir jamais soulevé la question de sa santé mentale précaire pendant la période visée par l’inconduite au cours de sa thérapie avec le Dr H.

[76]  L’analyse effectuée par le Dr S ne repose pas entièrement sur les renseignements recueillis auprès de sources latérales ou sur l’information qui a été contredite par le membre visé dans son témoignage. Je reconnais que l’inconduite du membre visé a probablement été influencée par des traits de personnalité qu’il avait depuis longtemps, y compris son besoin d’être admiré. Mon opinion est soutenue par le fait que l’analyse du Dr S comprend une évaluation de l’inconduite du membre visé à l’endroit de Mme [B]. Cet écart de conduite distinct n’a pas été activement pris en considération ou résumé par le Dr H. Je suis d’avis que ce qui a d’abord motivé le membre visé à communiquer avec Mme [B] n’était pas sa douleur à l’épaule et le fait que le mari de Mme [B] pratiquait l’acupuncture. Comme il se trouvait à Richmond, en Colombie-Britannique, il est clair que le membre visé aurait pu trouver un acupuncteur convenant à ses besoins en faisant une recherche sur Internet ou dans les pages jaunes. Si son véritable motif pour communiquer avec Mme [B] était son besoin de recourir aux services d’un acupuncteur, c’est ce besoin que le membre visé aurait mentionné en premier lieu dans ses messages textes, et non une fois seulement que Mme [B] lui a demandé comment il avait obtenu son numéro de téléphone cellulaire.

[77]  De plus, j’accepte l’élément de preuve du Dr S selon lequel l’incidence de certains traits de personnalité présents depuis longtemps peuvent être difficilement modifiés au moyen de la psychothérapie. Comme le Dr S, je suis réticent à faire du trouble dépressif persistant le diagnostic le plus plausible. Je suis également sceptique à l’égard du fait que le programme de psychothérapie intensive d’un an proposé permettra de réduire efficacement le risque de récidive pour atteindre un niveau acceptable presque nul, étant donné que le programme de psychothérapie proposé peut ne pas corriger un facteur probable de l’inconduite, soit les traits de personnalité du membre visé.

[78]  En outre, je n’accepte pas pleinement les explications anodines données par le Dr H au sujet de la participation du membre visé aux séances de thérapie. La décision du membre visé d’arrêter de prendre part à des séances de thérapie régulières et continues avec le Dr H et sa volonté de le revoir seulement pour les besoins du rapport du Dr H en l’espèce ne concordent pas avec le comportement d’une personne sincèrement résolue à corriger un comportement manifestement problématique.

[79]  Je n’accepte pas non plus que l’existence de circonstances personnelles et d’un handicap (trouble dépressif persistant) au moment de l’inconduite du membre visé a pu avoir une grande influence sur son manque de jugement moral. Ainsi, je n’accorde pas beaucoup de poids à ce facteur atténuant.

[80]  Je reconnais que l’inconduite a eu lieu pendant une période relativement courte; cela dit, l’inconduite découle de l’obtention, à des fins non autorisées, de renseignements au sujet de deux personnes n’ayant aucun lien entre elles, à des occasions distinctes, où le membre a clairement eu la possibilité de réévaluer son comportement afin d’éviter d’autres écarts de conduite.

[81]  Je retiens comme facteur atténuant ce que le RM décrit comme les bons états de service du membre visé et le dévouement dont il fait preuve à l’égard de son travail; cela dit, ces circonstances sont quelque peu amoindries par le fait que le membre visé s’est vu imposer des mesures disciplinaires simples en juin 2011 au terme d’une affaire qui a été généreusement traitée comme un épisode de recours excessif à la force pendant une querelle de ménage.

[82]  Dans une certaine mesure, je retiens comme facteur atténuant les aveux du membre visé, qui témoignent du fait qu’il assume la responsabilité de ses actes. Cependant, lors de son témoignage, je n’ai pas vu le membre visé reconnaître pleinement et sans réserve la gravité de son inconduite. Il convient de souligner que le membre visé a mis du temps ne serait-ce qu’à mentionner Mme [A] dans son témoignage. Le manque de discernement et de profonds regrets du membre visé que le Dr S avait constaté était évident pendant le témoignage du membre.

[83]  La volonté qu’a exprimée le membre visé de se réhabiliter doit être considérée comme un facteur atténuant, mais j’hésite à retenir ce facteur du fait que le membre a abandonné un programme de soins psychologiques.

[84]  Ma décision de rejeter la demande de sursis du membre visé en raison d’un délai déraisonnable parle d’elle-même si l’on se fie aux mois dont le membre visé a bénéficié entre ma nomination au comité de déontologie et le moment où il a reçu l’avis d’audience disciplinaire et les documents d’enquête. Le membre visé était suspendu avec solde pendant toute cette période. Comme il est mentionné plus haut, le premier représentant du membre visé était d’accord pour que la première audience ait lieu le 24 janvier 2017. L’ajournement de l’audience jusqu’au 11 septembre 2017 avait surtout pour but d’accorder au RAD le temps nécessaire pour réagir au rapport du Dr H, lequel avait été déposé le 22 mars 2017 seulement. Bien que les dossiers disciplinaires doivent être réglés dans les délais les plus brefs possible, les principes d’équité procédurale doivent être respectés, ce qui suppose parfois d’accepter un rapport d’expert déposé en retard par un avocat/conseiller juridique dont les services ont été retenus depuis peu et les ajournements appropriés visant à permettre à l’autre partie de réagir au rapport.

[85]  Dans le cas du membre visé, la durée du processus disciplinaire ne peut constituer un facteur atténuant, dans la mesure où le RM propose qu’une autre année de psychothérapie soit offerte au membre visé et que d’autres rapports soient soumis au comité de déontologie à la suite de quoi seulement une décision sur les mesures disciplinaires pourra être prise.

[86]  Je trouve qu’il existe un certain nombre de facteurs aggravants dans le cas qui nous occupe :

  • Le fait que le membre visé a communiqué avec deux citoyennes distinctes en se servant de renseignements qu’il n’était pas autorisé à obtenir
  • Le fait que le membre visé était au courant de la situation personnelle et de la vulnérabilité de Mme [A] au moment de l’inconduite
  • Le fait que le membre visé était au courant que Mme [A] était mineure, celle-ci s’étant sentie immédiatement troublée par les messages de drague de la part d’un homme de 40 ans
  • Le fait que le membre visé savait que Mme [A] était la plaignante dans une affaire d’agression sexuelle et qu’il était par conséquent au courant de la nature extrêmement inappropriée des messages textes renfermant des images et une connotation à caractère sexuel
  • Le fait que le membre était en situation d’autorité lorsqu’il a décidé d’engager la communication non seulement avec Mme [A], mais aussi avec Mme [B]
  • Le fait que le membre visé a demandé de façon répétée à Mme [A] de lui envoyer des photos d’elle, par exemple des images où elle porte des pantalons de yoga ou un maillot de bain
  • Les éléments d’abus de confiance présents, compte tenu du fait que le membre visé a profité de son poste de policier pour obtenir le numéro de téléphone cellulaire de Mme [B] et qu’il s’est servi de renseignements recueillis dans le cadre d’enquêtes légitimes pour continuer de se comporter de manière déshonorante avec Mme [A] et Mme [B]
  • Les mesures disciplinaires simples qui ont été imposées au membre visé en 2011, bien qu’elles aient été liées à un type d’inconduite différent qui concernait son ex-femme
  • Même si aucune mesure disciplinaire n’a été imposée au membre visé à cet égard et que l’affaire a eu une portée aggravante limitée, le fait que la partenaire actuelle du membre visé a perdu son emploi à la GRC assez récemment en raison de son utilisation abusive d’un système de messagerie interne

CONCLUSION

[87]  Conformément au paragraphe 25 (2) des Consignes du commissaire (déontologie), la décision qui suit prend effet au moment où copie de la décision est signifiée au membre visé.

[88]  J’ai pris en considération l’éventail des mesures disciplinaires qui s’appliquent à une contravention à l’article 4.6 du code de déontologie dans la mesure où le membre visé a sciemment violé la vie privée d’une citoyenne en consultant sans autorisation préalable des renseignements personnels la concernant qui figurait dans une base de données de la GRC. Relativement à cette infraction distincte, je suis d’avis que les facteurs atténuants et aggravants ont une grande incidence sur l’éventail des mesures disciplinaires susceptibles d’être imposées; par conséquent, les mesures vont d’un avertissement officiel assorti d’une confiscation modeste à un avertissement officiel doublé d’une confiscation importante de la solde.

[89]  Une conduite déshonorante qui contrevient à l’article 7.1 du code de déontologie, c’est-à- dire l’envoi de messages textes personnels déplacés par un enquêteur à une automobiliste ayant commis une infraction au code de la route donnerait généralement lieu à l’imposition de mesures disciplinaires moins graves que le congédiement, tandis que des échanges extrêmement déplacés avec une plaignante dans une affaire visée par une enquête exigeraient, sous réserve de facteurs aggravants et atténuants, la prise de mesures qui vont d’une importante confiscation de la solde assortie d’autres mesures qui tiennent compte de l’importance de préserver la confiance du public et d’autres intérêts importants, jusqu’au congédiement.

[90]  Le RM a proposé que la question du maintien en poste du membre visé soit soumise à une décision ultérieure du présent comité de déontologie et qu’une ordonnance soit immédiatement émise afin que le membre visé suive une psychothérapie d’un an comprenant des séances fréquentes et des soins précis proposés par le Dr H et examinés en contre-interrogatoire par le Dr S. À la fin de l’année du programme de traitement, d’autres rapports d’expert seraient soumis au comité de déontologie et porteraient notamment sur l’efficacité des soins. C’est à ce moment que je rendrais une décision finale relativement à la mesure disciplinaire ou aux mesures disciplinaires à imposer. Je renonce à privilégier cette option étant donné qu’elle ne permet pas le règlement accéléré de l’affaire, lequel constitue l’une des principales obligations et priorités du régime disciplinaire. Le membre visé avait la liberté d’obtenir les soins appropriés à partir du moment où son inconduite a eu lieu (en janvier et en février 2015), puis de soumettre au comité de déontologie des éléments prouvant sa réhabilitation. L’idée que le membre visé continue de toucher son salaire au cours de la prochaine année (pendant qu’il est suspendu ou restreint à l’exercice de fonctions administratives sous surveillance étroite) n’est pas raisonnable.

[91]  Le RM a présenté d’autres décisions disciplinaires concernant d’autres professions réglementées, où, selon lui, l’inconduite est nettement plus grave que l’inconduite du membre visé qui a été établie, mais qui n’a pourtant pas donné lieu au congédiement de la personne en cause. J’ai étudié soigneusement ces affaires, mais je suis d’avis que le congédiement peut être une mesure disciplinaire proportionnelle même si la personne en cause dans l’affaire n’est pas le pire type d’employé ou un employé ayant commis la pire des inconduites.

[92]  Les pouvoirs dont jouit un policier sont considérables, et la population a raison de s’attendre à ce que les membres de la GRC respectent les normes d’éthique et professionnelles les plus rigoureuses, ce qui comprend nécessairement le principe fondamental selon lequel les membres doivent agir seulement de manière à protéger la santé et la sécurité des jeunes canadiens et ne doivent en aucun cas exploiter de jeunes personnes vulnérables de façon délibérée et répétée. Le maintien en poste du membre visé compromettrait clairement la confiance du public à l’égard de la Gendarmerie.

[93]  Après m’être penché sur la nature et les circonstances des quatre contraventions, de même que sur les facteurs aggravants et atténuants en l’espèce, je conclus que les mesures disciplinaires proportionnelles suivantes seront imposées au membre visé pour l’ensemble des contraventions, relativement aux allégations 1, 2, 3 et 4 : conformément à l’alinéa 45 (4) b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10, j’ordonne au membre visé de démissionner de la Gendarmerie et si ce dernier ne s’exécute pas dans un délai de 14 jours, j’impose le congédiement comme mesure disciplinaire à l’endroit du membre visé.

[94]  Les parties peuvent interjeter appel de cette décision devant le commissaire, conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10.

 

 

Le 8 novembre 2017

John A. McKinlay

Comité de déontologie

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.