Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le membre visé devait répondre de trois allégations de conduite déshonorante et d’une allégation de comportement discourtois et harcelant. Il s’est présenté en compagnie de sa conjointe à une fête de Noël que des collègues à elle avaient organisée. Le membre visé s’est fortement enivré. Il a passé le bras autour du cou de la gendarme A et, sans son consentement et par-dessus son vêtement, a brièvement joué avec son mamelon. Sur le coup, l’incident a fait rire. Plus tard, le membre visé a enlacé la gendarme A par derrière et fait glisser ses mains, toujours par-dessus ses vêtements, de son ventre à son pubis. La gendarme B l’a vu faire et a dit au membre visé de s’éloigner. La gendarme A n’avait pas consenti à cet attouchement, en a été surprise, mais n’en a pas gardé le souvenir parce qu’elle-même avait bu beaucoup d’alcool. Plus tard, le membre visé a touché les pommettes d’une autre invitée, la gendarme C, avec son consentement. Il a ensuite fait des gestes avec les doigts d’une main, gestes que la gendarme C n’a pas compris. Quand elle lui a demandé ce que ces gestes signifiaient, le membre visé a expliqué en termes crus qu’il voulait insérer ses doigts dans son vagin. Plus tard, le membre visé a passé le bras autour du cou de la gendarme C, qui était ivre et n’a pas consenti, et a effleuré son mamelon des doigts environ trois fois, par-dessus ses vêtements. La gendarme B l’a vu faire et l’a poussé. Une accusation criminelle d’agression sexuelle a été déposée contre le membre visé pour ses attouchements sur la gendarme C, qui a finalement été réglée au programme des mesures de rechange.
Le membre visé a admis les quatre allégations qui ont été jugées établies. Le membre visé a reçu un diagnostic de trouble d’anxiété sociale de longue date qui a contribué à sa consommation abusive d’alcool. S’il n’avait pas tant bu, le membre visé ne se serait pas comporté de la sorte. Le membre visé ne boit dorénavant plus d’alcool, il assiste aux rencontres des Alcooliques anonymes et suit une psychothérapie pour l’anxiété sociale, un trouble de l’adaptation et un stress post-traumatique lié à son travail. Il existe suffisamment de facteurs atténuants pour rendre la cessation d’emploi disproportionnée. Des membres féminines de la GRC ont confirmé que le membre visé est habituellement discret et respectueux et que son inconduite était complètement étrangère à sa nature. Une récidive a été jugée très improbable. Les peines infligées dans des affaires antérieures ne reflètent pas les normes actuelles applicables à l’inconduite sexuelle : le membre visé a mérité un avertissement et la confiscation de sa solde pour des périodes de 10, 10, 5 et 20 jours, ainsi qu’un ordre de mutation ou de réaffectation, et de participation au traitement recommandé par le médecin-chef.

Contenu de la décision

Protégé A

2017 DARD 8

Restriction à la publication : Par ordre du comité de déontologie, l’identité de deux personnes et tout renseignement qui pourrait raisonnablement permettre de les identifier ne doivent pas être publiés ni diffusés de quelque façon que ce soit.

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE D’UNE AUDIENCE DISCIPLINAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

la commandante de la Division E

(l’autorité disciplinaire)

et

le gendarme Benjamin Caram, matricule 51805

(le membre visé)

Décision du comité de déontologie (« CORRECTED »)

John A. McKinlay

Le 10 novembre 2017

Sergente d’état-major Caroline Drolet et M. Denys Morel, représentants de l’autorité disciplinaire

Mme Hélène Desgranges, représentante du membre


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE  4

INTRODUCTION  6

REQUÊTES PRÉLIMINAIRES  6

Requête en suspension  6

Correction d’une faute au paragraphe 2 de l’énoncé détaillé de l’allégation 4  9

Ordonnance visant la publication, la diffusion, la mise sous scellés et le huis clos  10

Ordonnance d’interdiction de publication et de diffusion visant deux personnes  10

Ajournement en attente de l’issue du procès criminel  11

Ordonnance de communication pour un « rapport de décision »  11

Documents à rayer ou à exclure du dossier  14

Requête en récusation  15

Documents non caviardés à rayer ou à exclure du dossier  20

ALLÉGATIONS  20

CONCLUSIONS DE FAIT  24

Allégation 1  26

Allégation 2  26

Allégation 3  27

Allégation 4  28

Conclusions relatives aux allégations  28

MESURES DISCIPLINAIRES  31

Requête du RAD en admission d’office  31

Preuve produite par le RAD  32

Preuve produite par la RM  32

Témoignage du membre visé  33

Éléments à considérer lors du choix de mesures disciplinaires  37

Facteurs aggravants  38

Facteurs atténuants  39

Observations du RAD  44

Observations de la RM  47

Analyse  49

CONCLUSION  52

 

 

SOMMAIRE

Le membre visé devait répondre de trois allégations de conduite déshonorante et d’une allégation de comportement discourtois et harcelant. Il s’est présenté en compagnie de sa conjointe à une fête de Noël que des collègues à elle avaient organisée. Le membre visé s’est fortement enivré. Il a passé le bras autour du cou de la gendarme A et, sans son consentement et par-dessus son vêtement, a brièvement joué avec son mamelon. Sur le coup, l’incident a fait rire. Plus tard, le membre visé a enlacé la gendarme A par derrière et fait glisser ses mains, toujours par-dessus ses vêtements, de son ventre à son pubis. La gendarme B l’a vu faire et a dit au membre visé de s’éloigner. La gendarme A n’avait pas consenti à cet attouchement, en a été surprise, mais n’en a pas gardé le souvenir parce qu’elle-même avait bu beaucoup d’alcool. Plus tard, le membre visé a touché les pommettes d’une autre invitée, la gendarme C, avec son consentement. Il a ensuite fait des gestes avec les doigts d’une main, gestes que la gendarme C n’a pas compris. Quand elle lui a demandé ce que ces gestes signifiaient, le membre visé a expliqué en termes crus qu’il voulait insérer ses doigts dans son vagin. Plus tard, le membre visé a passé le bras autour du cou de la gendarme C, qui était ivre et n’a pas consenti, et a effleuré son mamelon des doigts environ trois fois, par-dessus ses vêtements. La gendarme B l’a vu faire et l’a poussé. Une accusation criminelle d’agression sexuelle a été déposée contre le membre visé pour ses attouchements sur la gendarme C, qui a finalement été réglée au programme des mesures de rechange.

Le membre visé a admis les quatre allégations qui ont été jugées établies. Le membre visé a reçu un diagnostic de trouble d’anxiété sociale de longue date qui a contribué à sa consommation abusive d’alcool. S’il n’avait pas tant bu, le membre visé ne se serait pas comporté de la sorte. Le membre visé ne boit dorénavant plus d’alcool, il assiste aux rencontres des Alcooliques anonymes et suit une psychothérapie pour l’anxiété sociale, un trouble de l’adaptation et un stress post-traumatique lié à son travail. Il existe suffisamment de facteurs atténuants pour rendre la cessation d’emploi disproportionnée. Des membres féminines de la GRC ont confirmé que le membre visé est habituellement discret et respectueux et que son inconduite était complètement étrangère à sa nature. Une récidive a été jugée très improbable. Les peines infligées dans des affaires antérieures ne reflètent pas les normes actuelles applicables à l’inconduite sexuelle : le membre visé a mérité un avertissement et la confiscation de sa solde pour des périodes de 10, 10, 5 et 20 jours, ainsi qu’un ordre de mutation ou de réaffectation, et de participation au traitement recommandé par le médecin-chef.


MOTIFS DE LA DÉCISION (« CORRECTED »)

INTRODUCTION

[1]  L’autorité disciplinaire a signé l’Avis d’audience disciplinaire le 30 septembre 2016. Le 11 août 2016, j’ai été désigné à titre de comité de déontologie dans cette affaire. L’avis d’audience disciplinaire et le dossier d’enquête connexe ont été signifiés au membre visé le 17 octobre 2016.

[2]  La représentante du membre (RM) a obtenu une première prorogation pour produire la réplique du membre visé, conformément aux Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC (déontologie)]. La date de production était le 15 décembre 2016.

REQUÊTES PRÉLIMINAIRES

Requête en suspension

[3]  La RM a déposé le 15 décembre 2016 une requête pour que soit ordonnée la suspension de la production de la réplique du membre visé conforme au paragraphe 15(3) et à l’article 18 des CC (déontologie), ainsi que de la fixation de la date de l’audience, jusqu’à ce que la poursuite criminelle du membre visé soit réglée. Il a d’abord été anticipé que la requête en suspension serait rendue nulle par le renvoi rapide de l’affaire criminelle au programme des mesures de rechange; la prorogation pour la production a donc été accordée afin d’éviter le gaspillage de ressources, surtout humaines. Pourtant, l’affaire criminelle a été ajournée et reportée à maintes reprises (jamais à la demande du membre visé), ce qui m’a amené à exiger de la RM qu’elle me transmette ses arguments écrits pour la requête en suspension pour le 16 mars 2017. Le 19 mars 2017, j’ai rejeté la requête en suspension pour les motifs reproduits ci-dessous.

[4]  Les principaux arguments invoqués dans la requête en suspension du membre visé ont été ainsi résumés et désignés par une lettre pour y faciliter le renvoi [TRADUCTION] :

[A] Le demandeur ne devrait pas être tenu de respecter les obligations inscrites aux articles 15 et 18 des CC (déontologie) et de comparaître devant le comité de déontologie avant le procès au criminel, afin de ne pas compromettre sa capacité de se défendre en cour criminelle.

[B] Forcer le membre visé à s’acquitter des obligations inscrites aux articles 15 et 18 des CC (déontologie) contreviendrait à ses droits garantis par les articles 7, 11c) et 13 de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (R-U), constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, (la Charte).

[C] Il existe l’immunité d’usage connexe pour éviter qu’une procédure administrative contamine une procédure criminelle, mais cette protection ne suffit pas pour éviter que des déclarations, des aveux ou des documents présentés par le demandeur ne révèlent la stratégie de la défense et ne nuisent à sa défense au procès criminel.

[D] Étant donné la nature des obligations imposées dans les CC (déontologie), le demandeur est tenu de produire des déclarations et des documents qui feront partie du dossier présenté à la commission d’enquête (paragraphes 24.1(3) et 45(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 [la Loi sur la GRC]), ce qui l’oblige ni plus ni moins à témoigner.

[E] Tout aspect du processus nécessaire au comité de déontologie qui se tiendrait avant la procédure criminelle mettrait en péril la procédure criminelle en lien avec les protections garanties par la Charte.

[F] Tout aspect du processus nécessaire au comité de déontologie qui se tiendrait avant la procédure criminelle mettrait en péril le droit du membre à une défense pleine et entière dans les procédures criminelle et disciplinaire et le priverait de son droit à un procès ou à une audience équitable.

[G] Étant donné le temps mis à la disposition de l’autorité disciplinaire avant que soit signifié l’avis d’audience disciplinaire, l’autorité disciplinaire ne peut pas faire valoir qu’un préjudice ou une urgence de passer devant le comité doit avoir préséance sur la protection des droits du demandeur.

[5]  La requête en suspens a été rejetée pour les motifs suivants [TRADUCTION] :

Eu égard aux allégations 1 et 2 de l’avis d’audience disciplinaire, ni l’une ni l’autre n’est liée à l’accusation criminelle qui met en cause la gendarme (gend.) C. Cela étant, et compte tenu du raisonnement qui sera exposé ici, je ne suis pas prêt à suspendre plus longtemps la production de la réplique du membre visé prévue au paragraphe 15(3) des CC (déontologie) pour les allégations 1 et 2.

Eu égard à l’allégation 3, l’inconduite alléguée concerne les gestes et les propos du membre visé à l’égard de la gend. C, mais ils ne constituent pas le fondement de l’accusation criminelle dont doit répondre le membre visé. Par conséquent, pour cette raison et compte tenu du raisonnement qui sera exposé ici, je ne suis pas prêt à suspendre plus longtemps la production de la réplique du membre visé prévue au paragraphe 15(3) des CC (déontologie) pour l’allégation 3.

En ce qui concerne les allégations 1, 2 et 3, je ne suis pas convaincu que le fait qu’elles aient toutes pris leur source à une fête qui se déroulait en-dehors des heures de service et dans la même fenêtre de temps que l’allégation 4 justifie qu’elles soient traitées de la même façon que l’allégation 4 pour ce qui est de la nécessité d’une ordonnance de suspension.

Eu égard à l’allégation 4, les faits allégués et les faits avérés dans l’énoncé détaillé étayent une contravention à l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC et étayent aussi l’accusation criminelle qui met en cause la gend. C.

J’ai examiné attentivement les arguments et les jugements invoqués dans la requête initiale du membre visé. L’application de ces affaires, pour m’obliger à prononcer une ordonnance de suspension jusqu’à la conclusion du procès devant les instances criminelles, est extrêmement limitée. Pour rendre ma décision, donc, je ne retiens aucune des propositions du représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) présentées en réplique. Le paragraphe 15 de la réplique finale de la RM ne constitue pas une réfutation en bonne et due forme.

Il incombe au juge de première instance de tenir le procès criminel du membre visé de manière à en préserver l’équité en common law et les droits garantis par les articles 7, 11c) et 13 de la Charte. Quant à un quelconque avantage stratégique qui pourrait être perdu par la production des répliques du membre visé conformément à l’article 15 des CC (déontologie), il ne s’agit pas d’un enjeu impérieux étant donné l’obligation imposée au comité de déontologie d’agir promptement, sans compromettre l’équité procédurale.

Par conséquent, j’estime que les arguments présentés aux paragraphes A, B, C et F (dans la mesure où ils concernent l’affaire criminelle) doivent être adressés au juge de première instance qui préside le procès criminel du membre visé. Le processus disciplinaire pour lequel j’ai été désigné à titre de comité de déontologie n’engage pas les droits garantis par l’article 7 de la Charte, ni n’est un processus par lequel le membre visé doit se présenter devant un comité inculpé d’une infraction qui engage l’alinéa 11c) de la Charte. Le membre visé est libre, dans son procès criminel, d’invoquer la protection de l’article 13 de la Charte, mais cela ne signifie pas que le comité de déontologie ne doit pas traiter rapidement le règlement des allégations faites dans l’avis, ce qui requiert l’étude de la réplique du membre visé prévue aux articles 15 et 18 des CC (déontologie).

L’argument présenté au paragraphe C, selon lequel la production des répliques conformes aux articles 15 et 18, si elles ne sont pas protégées par immunité contre l’usage connexe, pourrait révéler la stratégie de défense du membre visé à son procès criminel et son efficacité, tient de la spéculation et il revient au juge de première instance de le considérer.

Il y a une certaine confusion dans l’argument présenté au paragraphe D. Si le membre visé prétend que – même en l’absence d’un procès criminel à venir – il ne devrait pas être obligé de fournir une réplique en vertu des articles 15 et 18 en invoquant le droit garanti par l’alinéa 11c) de la Charte, son argument ne tient pas, parce qu’il n’est pas inculpé d’une infraction que doit juger le comité de déontologie, comme l’énonce clairement l’alinéa 11c) de la Charte. Si le membre visé prétend que ses répliques conformes aux articles 15 et 18 des CC (déontologie) constituent un témoignage par contrainte, alors cet argument doit être soulevé relativement à l’affaire criminelle. À savoir si ces soi-disant répliques obligées à un comité de déontologie compromettent le droit garanti par l’article 7 de la Charte, c’est encore une question à soulever dans l’affaire criminelle, puisque le membre visé prétend que cela pourrait nuire à sa capacité de monter sa défense dans l’affaire criminelle.

Pour ce qui est du paragraphe E, je m’attendrais à ce que l’autorité disciplinaire consente à la suspension si le RAD estimait que l’affaire criminelle serait mise en péril par la tenue du processus disciplinaire jusqu’à la décision avant la conclusion du procès criminel.

En ce qui concerne le paragraphe F, je ne considère pas que l’existence d’une accusation criminelle et que la tenue d’un procès, qui attend le membre visé, le privent de l’équité procédurale dans le processus disciplinaire en cours, par la simple application des dispositions des articles 15 et 18 des CC (déontologie).

Quant au paragraphe G, je ne considère pas nécessaire de cerner un intérêt urgent ou un préjudice dans le dossier de l’autorité disciplinaire pour faire avancer rapidement le règlement de cette affaire.

[6]  Les répliques du membre visé conformes au paragraphe 15(3) et à l’article 18 des CC (déontologie) ont été produites le 21 mars 2017. Les parties ont convenu de fixer l’audience dans la semaine du 15 mai 2017.

Correction d’une faute au paragraphe 2 de l’énoncé détaillé de l’allégation 4

[7]  En conférence préparatoire le 27 avril 2017, le RAD a trouvé une erreur au paragraphe 2 de l’énoncé détaillé de l’allégation 4, qui mentionnait le Détachement de « Coquitlam » alors que les allégations 1, 2 et 3 mentionnaient toutes, comme il se doit, le Détachement de « Nanaïmo ». Le RAD a demandé s’il fallait déposer une requête officielle pour faire modifier l’énoncé. Malgré la nature administrative de l’erreur, la RM a indiqué qu’elle demanderait ses instructions à son client. Le comité de déontologie a déterminé que cette correction ne nécessitait pas une requête officielle et que la correction ne causait pas de préjudice au membre visé. Le paragraphe 2 de l’énoncé détaillé de l’allégation 4 a été modifié pour mentionner le Détachement de « Nanaïmo ».

Ordonnance visant la publication, la diffusion, la mise sous scellés et le huis clos

[8]  Bien que la requête en suspension de la RM ait été rejetée, le comité de déontologie a accepté, le 24 mars 2017, de rendre une ordonnance temporaire de mise sous scellés du dossier pour ce processus disciplinaire, d’imposer une interdiction de publication et de diffusion concernant le processus et de tenir l’audience à huis clos. Ces conditions ont été adoptées avec l’assentiment du RAD. Ces restrictions sont demeurées en vigueur jusqu’à l’issue de l’affaire criminelle, qui a été révélée le 8 juillet 2017, lorsqu’a été confirmée l’acceptation par le ministère public de renvoyer l’affaire criminelle du membre visé à un programme de mesures de rechange. Par conséquent, toutes les restrictions que comportait l’ordonnance temporaire ont été levées le premier matin de l’audience, le 17 juillet 2017.

Ordonnance d’interdiction de publication et de diffusion visant deux personnes

[9]  Malgré la levée de l’ordonnance temporaire, une ordonnance distincte demeure en vigueur pour protéger l’identité de la gend. A et de la gend. C. Une interdiction de publication permanente a été imposée dans l’affaire criminelle du membre quant à l’identité de la gend. C et, avec le consentement du membre visé, le comité de déontologie a pris de semblables interdictions de publication et de diffusion pour protéger l’identité non seulement de la gend. C, mais aussi de la gend. A.

[10]  La RM a formulé plusieurs autres requêtes préliminaires, qui ont toutes été rejetées.

Ajournement en attente de l’issue du procès criminel

[11]  Une requête a été déposée le 11 mai 2017 pour l’ajournement de la date d’audience initiale, le 15 mai 2017, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue au ministère public relativement au renvoi officiel au programme de mesures de rechange. La RM faisait valoir que le membre visé subirait un préjudice dans sa capacité à se défendre de mesures disciplinaires si l’issue de l’affaire criminelle n’était toujours pas connue au moment de tenir l’audience relativement aux mesures disciplinaires. La requête a été rejetée. C’est plutôt un congé de deuil pour le RAD qui, le 11 mai 2017, a causé l’ajournement de l’audience au 17 juillet 2017.

Ordonnance de communication pour un « rapport de décision »

[12]  La RM a déposé le 11 mai 2017 une requête pour forcer la communication d’un « rapport de décision » découlant d’une rencontre disciplinaire qui existerait, selon la RM, pour un autre membre de la GRC qui aurait reçu des mesures disciplinaires qui ne comportaient pas son renvoi. J’ai rendu publics mes motifs pour le rejet de cette requête le 19 mai 2017 [TRADUCTION] :

  1. Même pour une requête liée à une procédure accélérée préalable à une audience, un représentant ne peut pas affirmer des faits matériels, puis refuser d’en indiquer la source. La partie qui demande au comité de déontologie d’ordonner la communication d’un document porte le fardeau de la preuve.
  2. Sans information de la part de la RM pour éclairer l’origine factuelle de ses affirmations, je ne suis pas prêt à les admettre comme exactes, et je ne suis pas prêt non plus à conclure qu’il existe un « rapport de décision » quelconque qui renfermerait l’information alléguée.
  3. La RM a soigneusement détaillé ses efforts aussi persistants que vains, pour le moment, afin d’obtenir le prétendu « rapport de décision » en invoquant la Loi sur l’accès à l’information, et on peut raisonnablement conclure que les faits que mentionne la RM ne sont contenus dans aucune réponse officielle aux demandes de son client conformément à la Loi sur l’accès à l’information. D’autre part, j’accepte ce qu’a indiqué la RM – qu’elle n’a pas vu ni n’a en sa possession une copie du document qu’elle cherche.
  4. Si l’on présume que les faits que présente la RM sont exacts (et je ne le fais pas, comme je l’ai expliqué ci-dessus), il est raisonnable de conclure que la RM compte sur des renseignements personnels créés après la rencontre disciplinaire privée d’un autre membre de la GRC.
  5. Si l’on présume que les faits que présente la RM sont exacts (et je ne le fais pas, comme je l’ai expliqué ci-dessus), notre comité de déontologie serait mal venu d’ordonner la communication d’un document quand l’explication raisonnable veut que la RM essaie d’en justifier la communication à partir de renseignements personnels concernant un autre membre qui n’auraient pas dû être révélés à la RM ni n’auraient dû être mis à sa disposition.
  6. Lorsqu’une partie vient solliciter l’aide discrétionnaire d’un tribunal, elle doit jouer cartes sur table. Certes, le secret professionnel peut servir en protection, mais pas en agression, et on peut considérer qu’il a été renoncé au secret légitime lorsque des faits matériels sont mis de l’avant par l’avocat du client.
  7. Si le comité de déontologie ordonnait la communication d’un prétendu « rapport de décision » à la RM, sous forme dépersonnalisée, la RM (et probablement le membre visé) prendrait néanmoins connaissance de renseignements privés sur la rencontre disciplinaire d’un autre membre particulier dont la RM a confirmé connaître le nom. Peu importe que la RM ait une habilitation de sécurité Très secret, cela ne lui donne pas de droit d’accès aux renseignements personnels d’un autre membre. On aurait beau tenir des séances à huis clos et adopter des interdictions de publication, ces mesures ne protégeraient pas cet autre membre contre la communication interdite de renseignements personnels qui le concernent. J’estime que l’intérêt du membre visé n’est pas suffisant pour justifier cette potentielle atteinte à la vie privée.
  8. Le prétendu « rapport de décision » que la RM cherche ne constitue ni une preuve disculpatoire ni des renseignements nécessaires au membre visé pour répliquer aux allégations pour lesquelles il a déjà fait des aveux.
  9. Le prétendu « rapport de décision » que la RM cherche est présenté comme une décision qui, selon les arguments de la RM, doit lui être communiqué pour qu’elle puisse l’inclure dans ses arguments sur la parité des peines, sur l’éventail des mesures disciplinaires qui conviennent. Je comprends que la RM demande le document en cause non pas à titre de preuve, mais à titre de jurisprudence.
  10. Puisque la demande de la RM s’appuie sur une affirmation de faits sans preuve qui la soutienne, et puisque la demande soulève des préoccupations quant à la propriété légale de cette preuve, je ne suis pas prêt à conclure qu’un prétendu « rapport de décision » reposerait sur des circonstances semblables à celles qui s’appliquent au membre visé.
  11. Quoi qu’il en soit, bien que la parité des peines puisse être soulevée dans les argumentations au sujet de la peine qui convient (c.-à-d. peine, mesures disciplinaires) pour un membre de la GRC, même les anciennes décisions des comités d’arbitrage de la GRC ne lient pas le comité de déontologie. Bien que le principe de la parité des peines soit pertinent, ce principe ne doit pas être appliqué de manière à porter atteinte au pouvoir discrétionnaire conféré au comité de déontologie pour déterminer les mesures disciplinaires qui conviennent. [Voir Elhatton c. Canada (P.G.), 2014 CF 67, au paragraphe 70.] L’argument de la RM selon lequel elle cherche une décision judiciaire dont le pouvoir de lier les instances est important n’est pas fondé en droit.
  12. « … les conclusions de conduite scandaleuse et celles ayant trait aux sanctions à imposer sont principalement de nature factuelle et discrétionnaire. » [Gill c. Canada (P.G.), 2007 CAF 305, au paragraphe 14.]
  13. Par ailleurs, il y a une différence fondamentale entre un rapport de décision rendue par une autorité disciplinaire au terme d’une rencontre disciplinaire, et la décision finale publiée par un comité de déontologie. Je ne suis pas convaincu qu’il suffit d’affirmer qu’un document est pertinent aux fins de la parité des peines pour justifier l’ordonnance de communication demandée ici, même si j’acceptais (ce que je ne fais pas) que l’autorité disciplinaire en cause dans l’affaire du membre visé est celle qui aurait aussi rédigé le prétendu « rapport de décision » demandé.
  14. Si un autre membre reçoit de son superviseur une fiche de rendement (formulaire 1004) négative plutôt que des mesures disciplinaires, la pertinence éventuelle du formulaire 1004 (aussi protégé par la Loi sur la protection des renseignements personnels) n’en justifierait pas une ordonnance de communication, pour qu’il soit soumis à titre de précédent sur lequel fonder les argumentations sur les mesures disciplinaires. L’argument qui sous-tend la demande de la RM, soit que toutes les décisions d’emploi qui pourraient être pertinentes (même celles qui n’ont pas le caractère officiel de l’arbitrage et celles qui ne reposent sur aucun pouvoir prévu par la loi de rendre décision et de lui conférer un caractère exécutoire) doivent faire l’objet d’une ordonnance de communication, pour que le comité de déontologie puisse en déterminer le poids, n’est pas raisonnable.
  15. Que le nombre de décisions de comités de déontologie rendues publiques sous le nouveau régime de déontologie soit faible ne justifie pas une ordonnance de communication d’une prétendue décision rendue lors d’une rencontre qui est privée et non publique.
  16. La RM est libre de citer les décisions écrites des anciens comités d’arbitrage de la GRC, qui sont accessibles au public et qui remontent aux années 80, au soutien de ses arguments sur la parité des peines, et donc la nécessité d’obtenir le type de document demandé n’est pas établie.

Documents à rayer ou à exclure du dossier

[13]  La RM a déposé une requête le 19 mai 2017 pour faire exclure du dossier 13 documents produits par le RAD, que le RAD avait l’intention d’invoquer pendant la phase de l’audience relative aux allégations, avec l’intention qu’il en soit tenu compte par admission d’office des réalités du travail policier à la GRC. La requête pour faire exclure ces documents d’emblée a été rejetée. Par souci d’efficacité et de rapidité, le comité de déontologie a indiqué que les arguments du RAD traitant des réalités de la GRC n’étaient pas pertinents pour la phase sur les allégations et que le comité de déontologie ne se fonderait ni sur ces arguments particuliers, ni sur les 13 documents pour décider si les quatre allégations étaient établies. Le comité de déontologie n’était pas prêt à exclure complètement les 13 documents du dossier, puisqu’ils pourraient donner lieu à des arguments au cours de la phase sur les mesures disciplinaires, où les deux parties pourraient faire des argumentations et invoquer l’admission d’office.

Requête en récusation

[14]  La RM a déposé plus tard le 19 mai 2017 une requête pour obtenir ma récusation. Elle fondait sa requête sur ma connaissance de certains renseignements qui n’avaient pas été caviardés dans des documents versés au dossier le 23 décembre 2016. Ma décision de rejeter la requête en récusation, rendue le 15 juin 2017, ne lie aucun autre comité de déontologie. Quoi qu’il en soit, mes commentaires sur le rôle et les pouvoirs d’un comité de déontologie pourraient s’avérer utiles dans des dossiers disciplinaires futurs [TRADUCTION] :

RÉCUSATION

[…]

5. Les documents non caviardés dont j’ai décidé de ne pas tenir compte dans mon examen du dossier ont été transmis à notre comité de déontologie, avec copie à la RM, le 23 décembre 2016.

[…]

8. […] Il s’est écoulé pas mal de temps entre la production par le RAD de ces documents non caviardés et le dépôt de la requête pour ma récusation. Comme il est dit dans la décision rendue à la majorité dans l’affaire R. c. Curragh Inc., [1997] 1 RCS 537, au paragraphe 11, pour maintenir l’intégrité de l’autorité des tribunaux (ce qui comprend aussi l’autorité du comité de déontologie), les allégations de partialité doivent, en règle générale, « être présentées dès qu’il est raisonnablement possible de le faire ».

9. Il me semble que cette règle générale de demander la récusation aussitôt « qu’il est raisonnablement possible de le faire » n’a pas été respectée par la RM en l’occurrence. Par conséquent, pour le seul motif du délai déraisonnable, il m’est loisible de rejeter la requête en récusation.

10. Cependant, je vois d’autres motifs indépendants, importants et pertinents qui m’obligent à rejeter la requête et qui méritent d’être clairement formulés et expliqués. Cette requête en récusation révèle une incompréhension fondamentale des raisons légitimes pour demander une récusation et du rôle du comité de déontologie qui est dûment autorisé à recevoir le rapport d’enquête et obligé en vertu des CC (déontologie) de tirer des conclusions sur ce qu’il considère être les renseignements pertinents.

11. La RM invoque la décision rendue par le commissaire dans l’affaire [gend. G] et l’officier compétent de la Division E, (2013) 13 DA (4e) 366, aux paragraphes 59-60, dont voici la teneur :

[59] L’intimé fait valoir que le comité a statué adéquatement sur la question. S’appuyant sur le jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Wewaykum Indian Band c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259 (ci-après « Wewaykum »), l’intimé soutient qu’aucun élément de preuve ne montre qu’une personne raisonnable et sensée serait d’avis que la conduite du comité répond aux critères associés à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité.

[60] Outre Wewaykum, il y a un autre arrêt important de la Cour suprême du Canada qui traite de la crainte raisonnable de partialité, à savoir Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 S.C.R. 369 (ci-après « Committee for Justice and Liberty »). Dans cette affaire, la Cour établit les critères qui, depuis, ont toujours été utilisés pour déterminer s’il existait une crainte raisonnable de partialité (bien que ces critères aient été énoncés aux par. 394 et 395 de la décision par le juge de Grandpré, dissident dans cette affaire, la majorité les a adoptés) :

… la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le président de l’Office national de l’énergie], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

12. Lors de la première audience qui impliquait la gend. G, le comité d’arbitrage devait trancher des allégations d’inconduite formulées à l’encontre de la gend. G et d’un autre membre, le s.é-m. P, notamment des allégations selon lesquelles les deux membres auraient eu des rapports sexuels pendant qu’ils étaient de service.

13. À un certain point dans la procédure, le comité d’arbitrage a admis un exposé conjoint des faits produit par le s.é.-m. P selon lequel les rapports sexuels étaient consentis, et néanmoins déplacés. Le comité d’arbitrage s’est ensuite servi de cet exposé conjoint des faits et a imposé à ce membre pour son inconduite avouée une peine qui ne comprenait pas son renvoi.

14. Le même comité d’arbitrage s’est ensuite appliqué à juger les allégations formulées à l’encontre de la gend. G, allégations dont la membre s’est défendue en invoquant un abus de pouvoir du s.é.-m. P, un sous-officier d’un grade supérieur au sien, et elle a affirmé qu’il y avait eu des rapports non consensuels.

15. Le commissaire a déterminé qu’il existait une crainte raisonnable de partialité, indiquant aux paragraphes 68-70 :

[68] J’estime que le comité était fortement prédisposé à trancher l’affaire de l’appelante d’une certaine façon plutôt que d’une autre – c’est- à-dire en jugeant que sa liaison avec le s.é. m. P était consensuelle –, car telle était la conclusion qu’il avait formulée dans l’autre procédure. Comme l’indique l’appelante, [Traduction] « une personne raisonnable estimerait qu’il serait intellectuellement difficile, sinon impossible à quelconque comité d’arbitrage de faire totalement abstraction d’une preuve irrécusable présentée deux jours avant que celui-ci ne se penche sur les observations finales de l’appelante (appel, par. 93).

[69] J’estime qu’une personne ayant connaissance de toutes les circonstances pertinentes de l’affaire et ayant la capacité d’instruire celle- ci avec objectivité aurait des motifs raisonnables de craindre que le comité fût partial à l’égard de la question du « consentement » dans la cause de l’appelante. Je crois en outre qu’une telle personne serait d’avis que le comité, puisqu’il avait déjà, dans l’autre instance, conclu au caractère consensuel de la relation entre les intéressés, a négligé de prendre en considération la preuve et les arguments que l’appelante a présentés pour sa défense.

[70] J’estime qu’une personne raisonnable et suffisamment informée appréhenderait à juste titre que la faculté du comité à juger équitablement et impartialement, notamment en ce qui a trait à la crédibilité de l’appelante, fût compromise par l’admission d’une certaine preuve dans la cause du s.é. m. P. Je ne crois pas que le comité, lorsque les parties ont présenté leur argumentation relative à l’allégation dans l’affaire concernant l’appelante, était libre d’embrasser différents points de vue (p. ex. en donnant crédit à la défense de l’appelante) avec un esprit ouvert.

16. Il y a des différences fondamentales entre la situation vécue par le comité d’arbitrage dans l’affaire de la gend. G et celle du membre visé. Le membre visé a admis par écrit les quatre contraventions alléguées incluses dans l’avis avant même que j’aie rendu une décision à savoir si elles étaient établies. Je n’ai encore tiré aucune conclusion selon lesquelles les allégations sont établies qui repose de quelque façon que ce soit sur les documents non caviardés contestés dans les requêtes qui me sont présentées, ni qui consacre que ces documents sont établis. Je demeure capable de trancher les allégations de manière juste et impartiale et je demeure libre de ne pas tenir compte des documents non caviardés.

17. Je demeure capable d’exclure les documents non caviardés que je dois examiner, au même titre que n’importe quel juge ou arbitre peut le faire quand il doit décider de l’admissibilité ou de l’exclusion d’éléments de preuve contestés.

18. Ni l’une ni l’autre des parties n’ont fourni de fondement juridique à cet effet, mais il est très clair en droit qu’un décideur (qu’il soit arbitre ou juge) peut examiner une preuve contestée, à la rigueur préjudiciable, pour ensuite trancher officiellement s’il peut ou non l’admettre ou la considérer sans que cet examen le disqualifie pour présider l’affaire contestée.

19. Les décisions judiciaires qui appuient ce principe sont nombreuses. Pour sa brièveté, j’adopte le raisonnement présenté dans le jugement R v Noah, 2010 NUCJ 22, aux paragraphes 19-21, où il est dit que lorsqu’il doit tenir un voir-dire, le juge entendra habituellement des preuves qui pourraient nuire à la défense. Une preuve de faits semblables ou une preuve de propension peut peindre un portrait dommageable de l’accusé. La preuve d’un aveu peut sembler accablante. Quoi qu’il en soit, on s’attend toujours à ce que le juge examine objectivement et sans parti pris la preuve présentée en voir-dire, qu’il rende une décision éclairée qui pourrait bien comporter des éléments de crédibilité si l’accusé a témoigné, puis qu’il tranche la question ultime de la culpabilité ou de l’innocence. Cela tient même dans les circonstances où le juge n’a pas cru le témoignage donné par l’accusé dans un voir-dire. Cela tient même dans les circonstances où le juge d’un voir-dire a été exposé à une preuve très dévastatrice pour le défendeur. La fonction de contrôleur est fondamentale au rôle du juge dans le processus d’arbitrage.

20. Le jugement dans l’affaire Noah, au paragraphe 22, porte encore qu’un juge est censé compartimenter la preuve entendue dans l’exercice de ses fonctions au procès. Un membre du public éclairé s’attend à ce que le juge ait la formation juridique, l’expérience et la discipline intellectuelle nécessaire pour ce faire. Il doit préserver son objectivité et son impartialité quelle que soit la preuve entendue et les décisions prises plus tôt pendant les procédures. C’est l’essence-même du rôle du juge.

[…]

22. Pour que je puisse siéger à ce titre, le code de déontologie des membres de comité de déontologie de la GRC m’oblige à prêter le serment professionnel par lequel « je jure ou affirme solennellement que j'exercerai avec fidélité, impartialité, honnêteté et de mon mieux toutes les fonctions et tous les pouvoirs du membre d'une commission nommé en vertu de la partie IV de la Loi sur la GRC » conformément à ce code de déontologie. En appliquant le critère de la « personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique », il est raisonnable de prendre en considération les termes de ce serment professionnel et les attributs de la personne nommée au comité de déontologie dans l’affaire du membre visé.

23. La capacité de trier l’information s’acquiert très tôt dans la pratique du droit, comme il est expliqué dans la décision In Re Nieman and the Queen (1981), 65 CCC (2d) 18 (Cour suprême du Yukon), au paragraphe 9 [TRADUCTION] :

[9] Tôt dans la pratique du droit, le juriste apprend à départager l’information. Il est tenu de ne rien révéler des affaires de son client sans son autorisation préalable. Au fil des ans, il devient dépositaire d’une foule de secrets qu’il ne révèle jamais à qui que ce soit qui ne doit pas les connaître. Cela devient une seconde nature pour le juriste de catégoriser les connaissances en renseignements à exploiter et renseignements à ne pas exploiter. Quand il est en cour, il lui est facile de faire la part entre ce qu’il a pu entendre en-dehors du procès, ce qu’il a entendu pendant le procès mais qu’il considère non admissible et ce qui constitue la preuve pendant le procès.

24. Pour les besoins de la requête en récusation, il n’y a pas de réelle différence entre la capacité reconnue au juge de vider son esprit de la preuve inadmissible et préjudiciable et ma capacité de le faire à titre de comité de déontologie. Je m’en remets aux motifs donnés dans la décision 9801 v. Registrar, Real Estate and Business Brokers Act 2002, 2016 CanLii 102504 (Tribunal d’appel en matière de permis de l’Ontario), aux pages 5 et 6 [TRADUCTION] :

L’avocat du registrateur fait valoir qu’en contexte criminel, les juges sont souvent obligés de décider de l’admissibilité de documents, et bien qu’ils en aient pris connaissance, les juges ont l’habitude de ne pas tenir compte de la preuve inadmissible au moment de rendre une décision. Les juges sont régulièrement appelés à vider leur esprit de la preuve qu’ils ont entendue mais qui, en droit, n’est pas admissible au procès qu’ils président. Il est fondamental à leur rôle de décider de l’affaire à partir de la seule preuve admissible au dossier.

L’avocat des appelants a tenté de mettre en lumière une différence entre un tribunal et une cour relativement à la capacité d’écarter la preuve inadmissible après l’avoir vue ou entendue. Rien ne soutient cette distinction, ni en droit, ni en pratique. Au même titre que les juges, les arbitres dans les tribunaux sont souvent exposés à des documents ou des témoignages dont ils ont pris connaissance, puis qu’ils ont jugés inadmissibles ou non pertinents. Par exemple, bien qu’un tribunal puisse accepter un témoignage de ouï-dire, il peut arriver que le tribunal juge un certain témoignage de ouï-dire trop distant ou trop préjudiciable pour l’accepter, ou il peut l’accepter mais lui accorder peu de poids. Cela ne donne pas lieu à une crainte raisonnable de partialité qui justifierait que l’arbitre se récuse.

25. J’estime qu’une crainte de partialité de ma part n’est pas raisonnable et qu’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet, conclurait qu’il n’existe pas de crainte raisonnable de partialité du simple fait que j’ai été exposé à des documents non caviardés. Une personne bien informée qui étudierait cette requête en récusation en profondeur, de manière réaliste et pratique, ne conclurait pas qu’il existe une crainte de partialité. Une personne bien informée ne croirait pas qu’il est probable plus qu’improbable que, consciemment ou non, je ne trancherais pas l’affaire du membre visé en toute équité.

26. Je le répète : la requête en récusation reflète une incompréhension fondamentale du droit et des circonstances relatives aux documents non caviardés. Il ne saurait émerger une crainte raisonnable de partialité du simple fait que des renseignements ou des preuves qui pourraient être inadmissibles ou préjudiciables ont été produits devant moi, qui suis le comité de déontologie. Il n’y a pas de crainte raisonnable de partialité qui m’empêche d’examiner l’objection de la RM quant au caractère opportun de ces renseignements, ni qui m’empêche de les examiner pour déterminer s’ils doivent être soustraits à l’examen à la phase de l’audience du membre visé consacrée aux allégations.

Documents non caviardés à rayer ou à exclure du dossier

[15]  Le comité de déontologie a aussi rejeté le 15 juin 2017 une demande distincte de la RM de faire exclure complètement du dossier les renseignements non caviardés contestés. Le comité de déontologie a jugé qu’il n’était pas nécessaire ni opportun d’examiner ces renseignements à l’étape de l’audience consacrée aux allégations et qu’il n’en serait pas tenu compte dans la prise de décision du comité de déontologie à savoir si les allégations sont établies.

ALLÉGATIONS

[16]  Le matin du 12 juillet 2017, le membre visé devait répondre de quatre allégations [TRADUCTION] :

Allégation 1

Entre le 28 novembre 2015 et le 29 novembre 2015 inclusivement, à Nanaïmo ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé des faits

1. Pendant toute la période en cause, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et affecté au Détachement de Nanaïmo, en Colombie-Britannique, dans la Division E.

2. Entre le 28 novembre 2015 et le 29 novembre 2015, alors que vous n’étiez pas de service, vous vous êtes présenté à une fête de Noël organisée par les membres de la veille D du Détachement de Nanaïmo de la GRC, à une résidence privée.

3. À un moment donné pendant la soirée, vous êtes descendu et avez pris place à côté de la gendarme [A] qui regardait des invités jouer au billard. Vous avez passé le bras autour de son cou et avez mis la main par-dessus ses vêtements sur son sein gauche.

4. Vous avez touché son sein gauche et joué avec son mamelon pendant environ cinq secondes.

5. À ce moment-là, la gendarme [A] était ivre, elle n’avait pas consenti à ce que vous la touchiez et n’aurait pas pu le faire.

6. Vos gestes constituaient un attouchement sexuel non désiré et ils ont été posés ouvertement, à proximité d’autres invités.

Allégation 2

Entre le 28 novembre 2015 et le 29 novembre 2015 inclusivement, à Nanaïmo ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé des faits

1. Pendant toute la période en cause, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et affecté au Détachement de Nanaïmo, en Colombie-Britannique, dans la Division E.

2. Entre le 28 novembre 2015 et le 29 novembre 2015, alors que vous n’étiez pas de service, vous vous êtes présenté à une fête de Noël organisée par les membres de la veille D du Détachement de Nanaïmo de la GRC, à une résidence privée.

3. À un moment donné pendant la soirée, vous vous êtes approché par derrière de la gendarme [A] qui était debout sur le balcon, vous avez passé vos bras autour de sa taille et avez lentement fait glissé vos deux mains par-dessus ses vêtements, de manière sensuelle, jusqu’à son pubis.

4. À ce moment-là, la gendarme [A] était ivre, elle n’avait pas consenti à ce que vous la touchiez et n’aurait pas pu le faire.

5. La gendarme [A] a été surprise de sentir vos mains sur son pubis.

6. La gendarme [B] est intervenue et vous a sommé de laisser la gendarme [A] tranquille et de rentrer à l’intérieur.

7. Vos gestes constituaient un attouchement sexuel non désiré.

Allégation 3

Entre le 28 novembre 2015 et le 29 novembre 2015 inclusivement, à Nanaïmo ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [le membre visé] a tenu des propos offensants et s’est livré à du harcèlement, contrevenant ainsi à l’art. 2.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé des faits

1. Pendant toute la période en cause, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et affecté au Détachement de Nanaïmo, en Colombie-Britannique, dans la Division E.

2. Entre le 28 novembre 2015 et le 29 novembre 2015, alors que vous n’étiez pas de service, vous vous êtes présenté à une fête de Noël organisée par les membres de la veille D du Détachement de Nanaïmo de la GRC, à une résidence privée.

3. Vous vous êtes approché de la gendarme [C] en-bas, près du bar, et avez approché vos mains dans son visage, la complimentant sur ses pommettes. Vous lui avez demandé si vous pouviez toucher son visage et elle vous a laissé faire parce qu’elle n’y voyait rien de mal.

4. Vous avez ensuite retiré les mains de son visage, avez fait un geste avec les mains en tenant vos doigts serrés les uns contre les autres et lui avez dit que vous vouliez la « fister » et que vous vouliez les lui « rentrer au fond du vagin juste là » ou des propos à cet effet.

5. La gendarme [C] a dit « non » et s’est immédiatement éloignée de vous.

6. Vos gestes et propos offensants ont choqué la gendarme [C].

Allégation 4

Entre le 28 novembre 2015 et le 29 novembre 2015 inclusivement, à Nanaïmo ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé des faits

1. Pendant toute la période en cause, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et affecté au Détachement de Nanaïmo, en Colombie-Britannique, dans la Division E.

2. Entre le 28 novembre 2015 et le 29 novembre 2015, alors que vous n’étiez pas de service, vous vous êtes présenté à une fête de Noël organisée par les membres de la veille D du Détachement de Nanaïmo de la GRC, à une résidence privée.

3. À un moment donné pendant la soirée, vous avez suivi la gendarme [C] en- bas et avez passé le bras autour d’elle.

4. Vous avez laissé tomber votre main du côté gauche de son corps, par-dessus ses vêtements, et avez frotté son sein gauche de la main dans un mouvement de haut en bas, environ trois fois.

5. Vos gestes ont choqué la gendarme [C] et elle vous a demandé de partir, mais vous êtes resté et avez continué de toucher les cheveux de la gendarme [C].

6. La gendarme [B] est intervenue, vous a dit de partir et vous a poussé pour vous éloigner de la gendarme [C].

7. Vos gestes constituaient un attouchement sexuel non désiré.

[17]  Pour la phase relative aux allégations, le dossier comprenait les documents d’enquête qui accompagnaient l’avis d’audience disciplinaire (reçus du greffier le 26 octobre 2016), la liste des témoins potentiels du RAD conformément à l’article 18 des CC (déontologie) (produite le 27 octobre 2016), les documents produits par le RAD le 23 décembre 2016 (visés par la décision rendue le 15 juin 2017), le 9 janvier 2017, le 7 février 2017 (à l’origine via le lecteur N à accès limité et aussi par courriel) et le 16 février 2017 ainsi que les répliques et les documents produits par le membre visé, notamment ceux produits conformément au paragraphe 15(3) et à l’article 18 des CC (déontologie).

[18]  Les parties se sont employées à préparer un résumé des faits, pour lequel très peu de faits restaient contestés à l’ouverture de l’audience le 12 juillet 2017. Les parties ont accepté que je rende mes décisions quant à l’établissement des quatre allégations à partir du dossier constitué pour cette phase de l’audience et de leurs observations écrites, y compris la version la plus récente du résumé des faits. Tous convenaient que le résumé qui avait l’adhésion des parties ne limitait pas les conclusions que le comité de déontologie pouvait tirer de son examen du dossier.

[19]  Le 12 juillet 2017, j’ai rendu une décision orale sur les quatre allégations, qui comportait certaines conclusions contextuelles tirées de la preuve. À ce moment-là, j’ai indiqué que ma décision orale pourrait être étayée et que je me réservais le droit de clarifier et d’expliquer mes conclusions de manière plus détaillée dans ma décision finale rendue par écrit.

CONCLUSIONS DE FAIT

[20]  À l’époque en cause, le membre visé était affecté à la Division E, à la veille C du Détachement de Nanaïmo, en Colombie-Britannique. Son horaire de travail consistait en deux quarts de 12 heures de jour, suivis de deux quarts de 11 heures de nuit. Le membre a fait des quarts de jour les 24 et 25 novembre 2015, puis des quarts de nuit les 26 et 27 novembre 2015. Il est rentré à la maison le 28 novembre 2015 entre 6 h 30 et 7 h, une fois son quart fini à 6 h.

[21]  Il a dormi environ de 7 h à 10 h le matin du 28. Il a pris un dîner normal, mais a très peu mangé en après-midi, étant donné que l’invitation à la soirée était pour un repas-partage et qu’il s’attendait à ce qu’il y ait beaucoup à manger. Il n’a plus fait de sieste de la journée. Sa conjointe, la gend. S.C., lui avait dit d’avance qu’ils iraient à une fête de Noël de sa veille (la veille D), organisée à la résidence privée d’un membre le soir du 28 novembre 2015.

[22]  Le 28 novembre 2015, alors qu’ils n’étaient pas de service, le membre et sa conjointe se sont présentés à la fête de Noël organisée pour les membres de la veille D du Détachement de Nanaïmo, dans une résidence privée.

[23]  Le membre visé n’a pas bu d’alcool avant de partir à la fête. Il a apporté quatre bières. Le membre visé et sa conjointe vivent près de la résidence où la fête se tenait et ils ont quitté la maison vers 19 h. Le membre visé connaissait quelques membres, mais c’était le party de Noël de travail de sa conjointe.

[24]  En arrivant à la fête, le membre visé a bu une de ses quatre bières. Pendant la fête, il se souvient avoir bu de l’alcool qu’il n’avait pas apporté de chez lui, notamment deux Jell-O et deux shooters. Le membre visé se souvient qu’un membre l’a invité à goûter un shooter qu’il avait préparé, et le membre visé se souvient l’avoir bu. C’est à partir de là que la mémoire commence à lui faire défaut, au sujet de ce qui s’est passé ensuite. Le membre visé se souvient de bribes de conversation et de visages. Il se souvient avoir pris le second shooter (un souvenir vague et fugitif), puis il ne se rappelle plus de rien. Il est probable qu’il a bu encore des bières et des shooters, mais il n’en garde aucun souvenir.

[25]  Le lendemain matin, le membre visé s’est réveillé chez lui dans une chambre d’amis. Il était tout habillé et avait ses chaussures aux pieds. Il avait la gueule de bois, se sentait malade et a pris la journée du 29 novembre pour se reposer à la maison. Sa conjointe et lui avaient laissé leur véhicule à la résidence où la fête avait eu lieu et sont allés le chercher plus tard.

[26]  Le membre visé s’est fortement enivré à la fête et dit ne se souvenir d’aucune des inconduites formulées dans les allégations 1, 2, 3 et 4. Toutefois, le membre visé admet les quatre allégations et le gros de l’énoncé détaillé de l’avis d’audience disciplinaire daté du 30 septembre 2016, sauf pour les exceptions formulées dans sa réplique conforme au paragraphe 15(3) des CC (déontologie) et dans son argumentation.

[27]  Au moment des événements, la gend. A et la gend. C étaient des membres de la veille D et étaient à la fête avec leurs conjoints. Le membre visé avait déjà travaillé avec la gend. A au Détachement de Comox Valley où ils étaient tous deux affectés, dans la Division E. Le membre visé et sa conjointe, la gend. S.C., étaient amis avec la gend. A et son conjoint de l’époque, le caporal C.L., depuis plus de 10 ans.

[28]  La gend. A n’avait pas l’intention de s’enivrer le soir de la fête. Elle pense que les shooters qu’elle y a bus et qui n’avaient pas été préparés par elle sont la cause de son ébriété. Elle pense qu’il devait y avoir beaucoup d’alcool dans les shooters et que l’ébriété est apparue rapidement; elle était bien, puis une minute après, elle était ivre.

[29]  Selon le souvenir de la gend. B, la gend. A a bu deux consommations, quelques bières, alors que le membre visé était ivre et sentait l’alcool plus que n’importe qui d’autre. Un autre convive, J.G., a dit que le membre visé était très ivre.

[30]  Le membre visé connaissait peu la gend. C. Il n’avait jamais été associé à elle au travail ni autrement avant la fête. La gend. C a remarqué que le membre visé était passablement ivre et qu’il avait de toute évidence beaucoup bu. Elle se souvient qu’il a quitté à un moment donné et qu’ils ont entendu un bris de verre dans l’escalier. Quelqu’un a regardé et a dit que le membre visé avait échappé son verre en descendant l’escalier.

Allégation 1

[31]  La gend. A se souvient que le membre visé semblait très ivre à la fête. À un moment donné pendant la soirée, le membre visé est descendu et a pris place à côté de la gend. A, qui regardait des invités jouer au billard. Selon la gend. B, la gend. A et le membre visé parlaient de sexe, à la blague. Puis, le membre visé a mis son bras autour du cou de la gend. A, elle a ri, il a mis sa main par-dessus ses vêtements sur son sein gauche et a joué avec son mamelon pendant environ cinq secondes. La gend. A portait un veston par-dessus un tee-shirt; la main du membre visé est restée par-dessus le tee-shirt. La gend. A se souvient en avoir ri avec le membre visé, avoir fait des blagues, puis elle dit qu’elle n’en a pas fait de cas du reste de la soirée. Selon la gend. A, si cela l’avait incommodée, elle lui aurait dit d’arrêter ou l’aurait repoussé. Je suis convaincu qu’à ce moment-là, la gend. A était ivre, qu’elle n’avait pas donné son consentement et que, compte tenu de son degré d’ébriété, elle n’avait pas la capacité de consentir à ce que le membre visé touche son sein comme il l’a fait.

[32]  Le membre visé a arrêté de toucher la gend. A sans que cela lui ait été demandé.

[33]  La gend. B a vu ce qu’a fait le membre visé.

[34]  Les gestes du membre visé constituaient un attouchement sexuel non désiré et ils ont été posés ouvertement, à proximité d’autres invités.

Allégation 2

[35]  Plus tard en soirée, le membre visé s’est approché de la gend. A, qui était debout sur le balcon (de la maison où se tenait la fête) et penchée par-dessus de la garde. De derrière, le membre visé a enroulé ses bras autour de la taille de la gend. A dans un geste qui a d’abord passé pour un câlin. La gend. A riait. Ayant ses mains à la taille de la gend. A, le membre visé a commencé à les laisser glisser par-dessus ses vêtements, de manière sensuelle, jusqu’à son pubis. La gend. A a été surprise lorsque les mains du membre visé se sont posées sur son pubis. On l’a entendu dire « Qu’est-ce que tu fouts? » ou quelque chose du genre lorsque les mains du membre visé se sont posées sur son pubis. Là, le membre visé a arrêté ce qu’il faisait. Les mains du membre visé sont restées sur les vêtements de la gend. A tout le temps. La preuve ne permet pas de conclure qu’il a jamais placé ses mains d’une manière qui envahissait davantage les parties intimes de la gend. A. Au moment où cela s’est passé, la gend. A était ivre, n’avait pas donné son consentement et, compte tenu de son degré d’ébriété, elle n’avait pas la capacité de consentir à ce que le membre visé la touche comme il l’a fait.

[36]  La gend. B a été témoin de l’incident et est intervenue pour intimer au membre visé l’ordre de laisser la gend. A tranquille et de rentrer dans la maison, de quitter le balcon.

[37]  Les gestes du membre visé constituaient un attouchement sexuel non désiré.

[38]  Lorsqu’elle a été interrogée par l’enquêteur chargé de l’enquête relative au code de déontologie le 1er décembre 2015, la gend. A se rappelait qu’on lui ait dit que le membre visé avait mis ses mains entre ses jambes et qu’il lui avait saisi les fesses pendant qu’elle était sur le patio. Elle ne s’en rappelait pas, ni ne se rappelait qu’il lui ait saisi quoi que ce soit autour du pubis. Puis dans sa lettre du 5 décembre 2016, la gend. A indique se rappeler que le membre visé est sorti sur le balcon, qu’il a mis ses bras autour d’elle, puis que la gend. B lui a dit de la laisser tranquille parce qu’elle ne se sentait pas bien. Lorsque la gend. B a dit à la gend. A ce qui s’était passé sur le patio, elle n’était pas choquée, elle ne sentait pas qu’elle avait été victime d’une agression, mais elle considérait que c’était un comportement déplacé.

Allégation 3

[39]  Plus tard ce soir-là, le membre visé s’est approché de la gend. C en-bas, près du bar, et il a approché ses mains de son visage, la complimentant sur ses pommettes. Le membre visé a membre visé avec la gend. C constituait une conduite déshonorante.

[40]  Le membre visé a ensuite retiré ses mains du visage de la gend. C et a fait un geste avec ses mains, tenant tous ses doigts collés ensemble, elle a ri et lui a demandé en gros ce que ça signifiait, copiant le geste qu’il avait fait. Le membre visé lui a alors dit qu’il voulait la « fister », les lui « rentrer au fond du vagin juste là » ou des propos à cet effet. La gend. C a dit « non » et s’est éloignée immédiatement du membre visé. Je ne suis pas convaincu que le membre visé est resté et a continué à toucher les cheveux de la gend. C, comme il est dit au point 5 de l’énoncé détaillé, puisqu’il aurait été plus probable de voir le membre visé toucher les cheveux de la gend. C plus tôt, lors de l’interaction concernant les pommettes, avant que le membre visé fasse son geste et tienne ses propos déplacés.

[41]  Les gestes et propos offensants du membre visé ont choqué la gendarme [C].

Allégation 4

[42]  Peu de temps après, le membre visé a suivi la gend. C, qui était en bas, et a placé son bras autour d’elle. Le membre visé a placé sa main du côté gauche du corps de la gend. C, par-dessus sa robe de coton, et a frotté sa main de haut en bas sur son sein gauche très vite, environ trois fois. Les gestes du membre visé ont choqué la gend. C. La gend. C se souvient qu’il lui a frotté le sein, qu’il ne l’a pas saisi comme tel.

[43]  La gend. B a vu faire le membre visé et est intervenue, elle a dit au membre visé de remonter et l’a poussé loin de la gend. C. La gend. C n’a plus eu de contacts avec le membre visé. La gend. C est restée en bas, le membre visé est remonté et a quitté la fête un peu plus tard.

Conclusions relatives aux allégations

[44]  Étant donné les conclusions de fait que j’ai tirées, je suis convaincu que l’énoncé détaillé des faits est suffisamment prouvé selon la prépondérance des probabilités pour considérer établie chacune des allégations. Pour les allégations 1, 2 et 4, je me fie à l’interprétation donnée de l’article 7.1 du code de déontologie par le Comité externe d’examen de la GRC (CEE) dans la recommandation qu’il a faite dans le dossier C-2015-001 (C-008), le 22 février 2016, aux paragraphes 93-93 [TRADUCTION] :

[92] Aux termes de l’art. 7 du code de déontologie, les « membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie ». Cet article diffère, dans son libellé, de la disposition qu’il remplace, à savoir le par. 39(1) du Règlement de la GRC, qui interdisait aux membres d’agir ou de se comporter d’une façon scandaleuse ou désordonnée susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Le CEE et le commissaire ont établi que le critère dont le par. 39(1) commande l’application consiste à se demander si une personne raisonnable ayant connaissance de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et celles du travail à la GRC en particulier, serait d’avis que la conduite reprochée était a) scandaleuse et b) suffisamment liée à la situation professionnelle du membre pour justifier l’imposition de mesures disciplinaires contre lui. (CEE 2900-08-006 (D-123), paragr. 125; CEE 2400-09-002 (D121), commissaire, paragr. 100).

[93] Dans l’art. 7 du code de déontologie, le fait de jeter le discrédit sur la Gendarmerie n’a plus pour condition l’adoption d’une conduite scandaleuse ou désordonnée. Toutefois, dans la version annotée 2014 du code de déontologie de la GRC, l’analyse de la conduite déshonorante visée à l’art. 7 reprend en bonne partie le critère établi sous le régime de l’ancien code; il y est dit en effet que le « comportement déshonorant est évalué à l’aide d’un test qui tient compte de la perception du comportement qu’aurait une personne raisonnable dans la société informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier ». Les termes employés dans la version annotée 2014 du code concordent avec ceux dans lesquels d’autres services de police formulent le critère à appliquer pour déterminer qu’une inconduite est susceptible ou non de jeter le discrédit sur l’organisation. Comme le fait remarquer P. Ceyssens dans son ouvrage Legal Aspects of Policing, tome 2 (Toronto : Earlscourt, 2002, pp. 6-17, 6-18), lorsque le libellé de la disposition législative ou réglementaire qui régit la conduite déshonorante renvoie à un comportement qui pourrait jeter ou est susceptible de jeter le discrédit sur le service de police, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un tel discrédit a effectivement été porté. La gravité de l’inconduite se mesure à la gravité de l’atteinte à la réputation et à l’image du service qu’entraînerait la mise au grand jour de la conduite reprochée. Pour effectuer une telle évaluation, il est nécessaire d’apprécier la conduite en fonction des attentes raisonnables de la population.

J’estime que la conduite décrite dans les énoncés détaillés qui ont été établis, si elle était examinée par une personne raisonnable informée de toutes les circonstances, des réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier, jette le discrédit sur la GRC. Je conclus que les allégations 1, 2 et 4, qui font état de contraventions à l’article 7.1 du code de déontologie, sont établies.

[45]  Pour ce qui est de l’allégation 3, je suis convaincu que l’énoncé détaillé est suffisamment prouvé selon la prépondérance des probabilités pour trouver établie une contravention à l’article 2.1 du code de déontologie qui dit ceci : « La conduite des membres envers toute personne est empreinte de respect et de courtoisie; ils ne font pas preuve de discrimination ou de harcèlement. »

[46]  Je conclus que le membre visé a fait les gestes et tenu les propos offensants décrits dans l’énoncé détaillé de l’allégation 3 et que la gend. C en a été choquée. Je considère que le membre visé a clairement manqué de respect et de courtoisie à l’égard de la gend. C. Toutefois, sur le plan du droit, je ne peux pas conclure que le comportement nettement offensant du membre visé constituait du harcèlement ou de la discrimination. Je reconnais pleinement qu’une conduite déplacée n’a pas à être tenue en milieu de travail ou durant les heures de travail, ou dans un événement commandité ou organisé par l’employeur pour constituer du harcèlement. Mais en l’occurrence, plusieurs facteurs, pris ensemble, m’amènent à conclure au comportement nettement discourtois et irrespectueux, mais pas au harcèlement. Les voici :

  • la nature non officielle de la rencontre sociale, son cadre dans une résidence privée, en- dehors des heures de travail;
  • le fait que le membre visé s’est présenté à la fête à titre de conjoint d’une membre de la veille D;
  • l’absence de lien professionnel entre le membre visé et la gend. C, hormis qu’ils sont tous deux à l’emploi de la GRC;
  • l’unique interaction irrespectueuse et discourtoise (et non, à ce moment, un comportement discourtois à répétition);
  • le degré auquel l’interaction a dérangé la gend. C sur le coup.

[47]  Pour ces raisons, je conclus que le membre visé a contrevenu à l’article 2.1 du code de déontologie et que l’allégation 3 est établie.

MESURES DISCIPLINAIRES

[48]  Le paragraphe 24(1) des CC (déontologie) porte que :

Afin de déterminer les mesures disciplinaires appropriées à imposer, le comité de déontologie peut examiner tout élément soumis par les parties et entend leurs observations verbales et témoins, y compris ceux figurant à la liste visée au paragraphe 18(1).

[49]  Aucun témoin n’a été appelé à la phase de l’audience relative aux allégations, comme il est prévu au paragraphe 18(1) des CC (déontologie). Le membre visé a témoigné à la phase relative aux mesures disciplinaires. Le Dr O a subi par téléconférence le contre-interrogatoire du RAD sur les opinions d’expert produites en preuve par écrit par la RM.

Requête du RAD en admission d’office

[50]  Le 11 mai 2017, la requête du RAD au comité de déontologie d’admettre d’office les « réalités du travail policier à la GRC » sur la foi de 13 documents qu’il a produits a été jugée inappropriée pour la phase de l’audience consacrée aux allégations. Les parties ont été invitées à présenter à la phase relative aux mesures disciplinaires leurs argumentations au sujet des documents et de l’application du principe d’admission d’office. Le RAD a ensuite produit des argumentations écrites et trois autres documents le 10 juillet 2017, constituant la pièce CAR-1. Dès le début de la phase relative aux mesures disciplinaires, le RAD a renouvelé sa requête en admission d’office. L’un des documents, un communiqué de presse de la GRC traitant de l’accusation criminelle portée contre le membre visé, était tout à fait pertinent, pour déterminer la proportionnalité des mesures disciplinaires. Le RAD a fait valoir que, sur la foi des 16 documents, le comité de déontologie devrait accepter comme établis les problèmes que connaît la GRC en matière d’inconduite et de harcèlement sexuel sans qu’il soit nécessaire d’en faire la preuve. La RM s’est objectée à la requête, mais ses arguments ont été interrompus par le comité de déontologie.

[51]  Le comité de déontologie a rejeté la requête, concluant que l’obligation de maintenir la confiance du public constituait un facteur implicite de la gestion de l’inconduite, comme il est dit dans l’objet de la Partie IV de la Loi sur la GRC, à l’article 36.2. Le RAD était libre de présenter les documents produits au membre visé en contre-interrogatoire pendant son témoignage à la phase relative aux mesures disciplinaires. L’institution comprend bien que la Gendarmerie a essuyé la critique à certains égards, qui ont été mentionnés dans le Guide des mesures disciplinaires de la GRC au moment de l’entrée en vigueur du nouveau régime de déontologie, le 28 novembre 2014.

Preuve produite par le RAD

[52]  Le RAD a retenu la première déclaration de la victime rédigée par la gend. C, le 1er juin 2016, déjà produite. Le RAD a ensuite produit une seconde déclaration, datée du 10 mai 2017, pièce qui a été notée CAR-2.

[53]  Bien que la pièce n’ait été transmise à la RM qu’au matin du 12 juillet 2017 et que la RM s’y soit objectée, le comité de déontologie a accepté un extrait du manuel des politiques des procureurs qui présente les critères applicables au programme des mesures de rechange en Colombie-Britannique. Le RAD les a tirés du Web et l’a noté pièce CAR-3.

Preuve produite par la RM

[54]  Pour la phase relative aux mesures disciplinaires, nous avons examiné des rapports datés du 10 janvier 2017 et du 11 avril 2017 rédigés par le psychologue traitant du membre visé, Dr W (pièces MR-7 et MR-9).

[55]  Nous avons aussi examiné le rapport du 9 février 2017 et le courriel du 2 mai 2017 d’un psychiatre indépendant dont les services ont été retenus pour les fins de notre processus disciplinaire, Dr O (pièces CAR-4 ou MR-8, et MR-10).

[56]  Le comité de déontologie a accepté ces opinions d’experts à titre de témoignages par les Drs W et O à la défense du membre visé. Le RAD n’a pas demandé à contre-interroger le Dr W. Avec l’accord des parties, le Dr O a été contre-interrogé par téléphone au cours de la phase relative aux mesures disciplinaires. Le comité de déontologie a reconnu au Dr W la qualité d’expert en psychologie, en matière d’évaluation, de diagnostic, de traitement et de pronostic, et au Dr O la qualité d’expert en psychiatrie, en matière d’évaluation, de diagnostic, de traitement et de pronostic, et les parties ont acquiescé à cette reconnaissance.

[57]  D’autre part, la RM a déposé un diagramme créé par le membre visé pendant son interrogatoire au sujet d’un accident traumatisant (pièce MR-1), ses lettres d’excuses à la gend. A et à la gend. C (pièces MR-2 et MR-3, cette dernière n’ayant pas encore été livrée), une lettre qui confirme le bénévolat du membre visé au foyer communautaire de Nanaïmo (pièce MR-4), des évaluations du rendement et des documents relatifs à la carrière du membre visé (pièce MR-5), des fiches de rendement, une lettre et un certificat (pièce MR-6).

[58]  Afin de confirmer officiellement l’acceptation par le ministère public du renvoi de l’affaire criminelle du membre visé au programme des mesures de rechange, la RM a déposé le courriel de confirmation reçu du ministère public par l’avocat de la défense au procès criminel du membre visé, daté du 7 juillet 2017 (pièce MR-12). Le comité de déontologie ne considère pas que ce courriel est protégé par une forme quelconque de secret professionnel et il estime nécessaire d’en tenir compte par souci d’équité d’audience. La RM a aussi déposé l’affidavit de l’avocat de la défense au procès criminel, qui établit que le membre visé était prêt à assumer sa responsabilité sous le régime du programme des mesures de rechange peu après avoir été mis en accusation, et que les ajournements et l’attente de la décision du ministère public de renvoyer l’affaire aux mesures de rechange ne pouvaient pas être imputés au membre visé (pièce MR-13).

Témoignage du membre visé

[59]  Comme je l’ai exprimé dans ma décision orale abrégée, je conclus que le témoignage du membre visé, étudié longuement, tant en interrogatoire qu’en contre-interrogatoire, est extraordinaire. Le membre visé a fait preuve d’une franchise désarmante. Il a montré une courtoisie naturelle non seulement dans son comportement pendant qu’il témoignait, mais aussi dans son choix de mots réfléchi qui n’avait rien d’auto-gratifiant. Je considère que le témoignage du membre visé est parmi les plus impressionnants qu’il m’ait été donné d’entendre dans les 15 années de ma carrière à la GRC consacrées aux affaires disciplinaires. Le membre visé n’a pas nuancé la vérité. Il n’a pas cherché à déformer le moindre élément pour servir sa cause. Il a fait des aveux qui étaient sincères et louables. Son témoignage n’a fait qu’accroître sa crédibilité de membre dévoué; il traduisait visiblement la bonne réputation exprimée dans les lettres de référence des membres de la GRC qui l’ont soutenu.

[60]  La RM a amené le membre visé à faire un compte rendu détaillé de certains aspects de sa vie avant l’inconduite commise à la fête du 28 novembre 2015, abordant notamment :

  • sa famille et son éducation;
  • l’intimidation subie pendant son enfance;
  • sa faible estime de soi et son choix d’activités sportives solitaires;
  • l’obtention d’un diplôme avec honneur pour un programme de deux ans en administration du droit et de la sécurité, qui lui a permis de décrocher un emploi temporaire dans le domaine de la sécurité dans le secteur privé;
  • l’obtention d’un baccalauréat de quatre ans en psychologie, puis un emploi dans le secteur privé en prévention de perte, puis un bref emploi comme spécialiste en réhabilitation auprès de clients ayant subi des blessures cérébrales;
  • l’obtention du diplôme de l’École de la GRC à la Division Dépôt, le 25 janvier 2005;
  • son mariage le 9 septembre 2006 avec sa conjointe qui était de la même troupe que lui;
  • la naissance de ses filles qui ont aujourd’hui sept et cinq ans, l’aînée ayant connu des problèmes de sommeil et ayant développé des problèmes d’anxiété;
  • le manque de sommeil et la fatigue;
  • la culpabilité d’avoir peut-être transmis à sa fille ses problèmes d’anxiété;
  • le sentiment de ne jamais se sentir à l’aise et bien dans sa peau, voir la moindre rencontre sociale comme un cauchemar pour laquelle il doit répéter les conversions qu’il pourrait y avoir;
  • l’épuisement ressenti après tout événement social;
  • l’alcoolisme de son père et de son grand-père paternel;
  • le cancer ovarien de sa mère traité à compter de 2006 jusqu’à son décès en 2012;
  • le sentiment d’être détaché de ses expériences de vie personnelles.

[61]  À sa première affectation, le membre visé a été envoyé à Alexis Creek, en Colombie- Britannique, à plus de 700 km au nord de Vancouver. Il s’agissait d’une affectation d’une durée limitée qu’il a tenue jusqu’à la fin de 2006; cette affectation comportait aussi le travail policier dans quatre territoires des Premières Nations. Très tôt en carrière, le membre visé a été exposé à deux incidents de surdoses mortelles d’alcool et il a souvent eu à travailler dans un climat communautaire qui lui semblait hostile à la police. Je retiens que le membre visé a été personnellement exposé à une victime d’une agression à la hache qu’il lui a fallu transporter dans le véhicule de police, sa jambe ayant été presqu’entièrement sectionnée. Il a aussi été partie à un accident de la route traumatisant en juin 2006, où des nombreuses victimes ont subi des blessures marquantes et criaient à l’aide; il est resté sur place pendant 10 heures pour assurer la sécurité des lieux. Je comprends que les appels suivants concernant des accidents de la route ont éveillé des souvenirs pénibles pour le membre visé, qui revoyait les blessés et entendaient leurs cris. J’admets que le membre visé ait appris à se détacher de ses émotions pour pouvoir composer avec les facteurs de traumatisme et de stress vécus dans son travail.

[62]  À la fin de 2006, le membre visé a été muté à Comox Valley, sur l’île de Vancouver. Il a dû maîtriser les membres hystériques d’une famille après la découverte du suicide par pendaison d’un jeune de 17 ans. Il a lutté physiquement avec une personne droguée qui voulait mettre la main sur un couteau à utiliser sur elle ou sur le membre visé. Il a été exposé à la scène horrible d’une personne qui s’était suicidée d’une balle dans le crâne. Il a dû intervenir sur les lieux d’un suicide par ouverture des veines du poignet, avec tout le sang et les odeurs de putréfaction que cela comportait. Il se souvient l’avoir échappé belle quand il s’est battu pour enlever un fusil de chasse chargé à une personne qu’on pensait suicidaire. Il se rappelle avoir évité le pire devant une personne suicidaire intoxiquée qui balançait un billot en implorant « Tuez-moi, tuez-moi ».

[63]  Le membre visé a ensuite été muté au Détachement de Nanaïmo. C’est à cet endroit que le membre visé a participé le 3 novembre 2015 à une lutte violente avec un individu qui s’était tranché les veines. Les gestes du membre visé ont entraîné la fracture du bras de l’individu au même emplacement qu’une ancienne fracture guérie. En raison de cette blessure, une enquête a été menée par l’Independent Investigation Office for British Columbia qui lui a fait éprouver un grand stress. Étant donné l’enquête, le membre visé a hésité à utiliser le degré de force nécessaire pour procéder à deux autres arrestations en novembre 2015. Le membre visé a admis avoir délibérément évité les appels concernant des suicides et des accidents de la route mortels à Nanaïmo, quand il savait que d’autres membres y répondaient.

[64]  J’accepte le témoignage du membre visé au sujet de son état d’esprit quand il est arrivé à la fête le 28 novembre 2015. Il a senti une grande anxiété, s’est mis à transpirer et à sentir son coeur s’emballer. Il a voulu quitter sur-le-champ. Puisque les invités à la fête étaient d’autres membres, il se sentait observé et jugé par eux, ce qui l’a rendu nerveux. Il dit qu’il a senti une anxiété accrue, ce qui n’est pas confortable. Pour composer avec ces sentiments, il a décidé de prendre une bière ou deux, pensant que ça aiderait peut-être à dissiper ces étranges sentiments d’anxiété.

[65]  La fête a continué jusqu’aux premières heures du 29 novembre 2015, qui était un jour de congé à la fois pour le membre visé et pour sa conjointe. Le 30 novembre 2015, le surintendant M.F. a communiqué avec le membre visé et s’est présenté chez lui pour l’aviser qu’il y avait eu des plaintes formulées à son encontre en raison de son comportement à la fête. Il a été décidé de muter immédiatement le membre visé au Détachement X. Au retour de vacances en famille préapprouvées du 2 au 15 décembre 2015, le membre visé a commencé à travailler au Détachement X à compter du 17 décembre 2015. On lui a alors signifié des avis de mutation temporaire et d’enquête pour contravention au code de déontologie. La gend. C vivait à X et s’est plainte après avoir vu le membre visé sortir d’un café un matin. L’administration avait tout simplement négligé de tenir compte du lieu de résidence de la gend. C, et le membre visé a donc été temporairement muté au Détachement d’Oceanside, à compter du 23 février 2016. Le membre visé a continué de remplir des fonctions opérationnelles aux Services généraux en uniforme au Détachement d’Oceanside jusqu’à sa suspension avec solde, le 26 mai 2016, date du dépôt d’une accusation criminelle pour agression sexuelle sur la personne de la gend. C.

[66]  En vacances en Ontario, le membre visé a utilisé le service d’aiguillage 1-800 de la Gendarmerie et avec sa conjointe, il a rencontré un thérapeute, J.C., le 16 janvier 2016, à Nanaïmo, pour parler de stress et de tout ce qui se passait. Il l’a rencontré de nouveau le 24 février 2016, et il a trouvé utile de pouvoir parler avec quelqu’un d’autre que sa conjointe. Je comprends qu’on a cherché à obtenir du thérapeute des documents cliniques à propos de ces deux rencontres, mais qu’étant donné la nature du système d’aiguillage et de counselling, aucun document n’a été produit. Cette situation n’a jamais été mentionnée par la RM lors d’une conférence préparatoire; il n’y a donc pas eu d’ordonnance de communication de la part du comité de déontologie à cet égard.

Éléments à considérer lors du choix de mesures disciplinaires

[67]  On trouve au paragraphe 24(2) des CC (déontologie) : « Le comité impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au code de déontologie. » L’article 11.15 du chapitre XII.1 du Manuel d’administration de la GRC stipule ceci :

L’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit être prise en considération lors du choix des mesures disciplinaires à imposer au membre visé relativement à la contravention au code de déontologie. Voir l’ann. XII- 1-20.

L’annexe présente une liste assez complète des facteurs et circonstances qui pourraient être aggravants ou atténuants.

Facteurs aggravants

[68]  Le RAD a soumis plusieurs facteurs aggravants à l’examen du comité de déontologie; ceux qui suivent ont été retenus :

  • La nature grave des allégations, à savoir des attouchements sexuels non désirés et, dans le cas de la gend. C, même si cela a été très bref, le membre visé a avoué avoir touché le mamelon de la gend. C par-dessus ses vêtements sans son consentement. Bien que le ministère public appuie le renvoi de l’affaire à un programme de mesures de rechange, l’inconduite décrite à l’allégation 4 est assez grave pour avoir mérité à l’origine une accusation criminelle. De plus, le geste vulgaire que le membre visé a fait suivre de propos encore plus vulgaires et dérangeants à l’endroit de la gend. C ont tous les deux atteint la gend. C dans son intégrité physique.
  • À l’égard de la gend. C, le membre visé a posé les gestes décrits dans l’allégation 4 même après que la gend. C se fût objectée plus tôt à son geste et à ses propos qui constituent l’allégation 3 par un « non » et par la fin immédiate de ses échanges avec lui. J’accepte que dans ce sens particulier, il y avait donc un élément d’insistance.
  • Bien qu’il ne s’agisse pas de harcèlement en milieu de travail comme tel, il reste que les gestes et les propos du membre visé décrits dans l’allégation 3 et l’inconduite décrite dans l’allégation 4 visaient une collègue de travail, même si le membre visé et la gend. C n’ont jamais travaillé ensemble, ni interagi autrement en milieu de travail.
  • La gend. C a subi des séquelles personnelles et professionnelles de l’inconduite du membre visé, qui ont pu exacerbé des difficultés qu’elle éprouvait déjà. Soulignons que, nonobstant la teneur des deux déclarations de victime reçues de la gend. C, elle indiquait, le 11 janvier 2016, se satisfaire de procédures strictement internes. Précisons aussi qu’une bonne partie du second document produit par la gend. C (daté du 10 mai 2017, pièce CAR-2) ne traite pas des effets de l’inconduite du membre visé, mais d’autres situations administratives fâcheuses qu’elle avait subies ou qu’elle continuait de subir.
  • Le membre visé était un membre chevronné qui a eu un comportement déshonorant dans un contexte strictement social, en-dehors des heures de travail, quoiqu’en présence d’autres membres. Je ne considère pas qu’il s’agisse d’un abus de confiance.
  • Il n’y a pas eu une unique inconduite isolée, mais quatre incidents.
  • En ce qui a trait surtout à l’allégation 2, l’objet de l’attouchement non sollicité du membre visé était quelque peu vulnérable, puisque la gend. A se sentait mal lorsque les mains du membre visé se sont posées sur son ventre et ont glissé jusqu’à son pubis. Je ne considère pas que le membre visé ait ciblé ni la gend. A ni la gend. C parce que leur consommation d’alcool les avait rendues vulnérables, mais leur degré d’ébriété aurait pu vicier leur consentement, si un consentement avait été exprimé.
  • Si le RAD admet que les contraventions établies à l’encontre du membre visé ne nuisent pas à sa capacité de témoigner en qualité d’enquêteur (ce qui pourrait être un enjeu étant donné la décision McNeil), son dossier disciplinaire pourrait imposer un fardeau administratif insoutenable à la Gendarmerie. Je n’adhère pas à la notion que les contraventions établies empêcheront le membre visé de s’acquitter de toutes les formes d’enquête que peut avoir à mener un enquêteur aux Services généraux.
  • La Gendarmerie a subi le contrecoup de la couverture médiatique après la publication d’un communiqué de presse faisant état de la suspension du membre visé et de l’enquête en cours.

Facteurs atténuants

[69]  Le RAD a reconnu comme facteur atténuant l’acceptation de sa responsabilité par le membre visé, qui aurait pu être absolue s’il avait fourni aux enquêteurs une déclaration immédiate, et si la RM n’avait pas contesté des aspects particuliers des énoncés détaillés dans ses argumentations écrites, etc. Je souligne que le souvenir limité que le membre visé garde de ses gestes et propos déshonorants à la fête, et je le crois sincère à cet égard, aurait enlevé de la valeur à toute déclaration qu’il aurait faite aux enquêteurs.

[70]  La RM a soumis plusieurs facteurs atténuants à l’examen du comité de déontologie; ceux qui suivent ont été retenus.

[71]  La responsabilité pleinement assumée par le membre visé qui a reconnu que ses gestes étaient déplacés :

  • son admission de toutes les allégations dans sa réplique initiale conforme aux CC (déontologie);
  • son appui à l’interdiction de publication visant à protéger l’identité non seulement de la gend. C mais aussi de la gend. A;
  • le rappel constant par son avocat de la défense que le membre visé était prêt à assumer sa responsabilité en participant au programme des mesures de rechange relativement à l’accusation criminelle déposée le 26 mai 2016 à l’égard de la gend. C;
  • ses aveux dans le processus disciplinaire et l’acceptation d’un arbitrage fondé uniquement sur le dossier de preuve, afin d’éviter le gaspillage de ressources et les témoignages potentiels.

[72]  Les regrets et les excuses sincères du membre visé :

  • les excuses personnelles faites pendant son témoignage;

  • les excuses faites à la gend. A par l’entremise de sa conjointe au lendemain de la fête, alors qu’il lui restait à comprendre que son comportement n’était pas que l’affaire de quelqu’un qui ne sait pas boire;

  • la lettre d’excuses qu’il a adressée à la gend. A en janvier 2016;

  • la lettre d’excuses qu’il a rédigée à l’intention de la gend. C, bien que la lettre ne lui ait jamais été présentée, pour des raisons légitimes soulevées dans des discussions avec des officiers le 23 février 2016, et compte tenu de la délivrance d’une interdiction de communiquer le 26 mai 2016;

  • son ouverture à participer au volet de réconciliation entre la victime et le délinquant prévu au programme des mesures de rechange;

  • la honte et les remords profonds que montre le membre visé, que confirme la lettre rédigée par sa conjointe et présentée par la RM ainsi que les observations cliniques des témoins experts.

[73]  Les antécédents médicaux du membre visé :

  • son trouble d’anxiété sociale qu’il traîne depuis l’enfance sans qu’il ait jamais été traité;

  • l’alcoolisme que le membre visé soupçonne d’exister chez son père et chez son grand- père paternel;

  • au moment de la fête, il aurait, selon les dires de l’expert psychiatrique indépendant, Dr O, dans son courriel et reconfirmé en contre-interrogatoire, souffert de troubles mentaux reconnus – anxiété sociale, trouble de l’adaptation et ébriété extrême – et de symptômes associés au stress post-traumatique dû à l’exposition à des événements stressants dans son travail;

  • il aurait pu ne pas boire d’alcool à la fête, mais il a commencé à boire pour surmonter son anxiété sociale, et il a perdu le contrôle et s’est saoulé;

  • sans avoir eu de diagnostic d’alcoolisme, le membre visé est néanmoins abstinent depuis janvier 2017, et depuis février 2017, il assiste régulièrement aux réunions des Alcooliques anonymes;

  • selon le psychologue traitant du membre visé, Dr W, la consommation d’alcool du membre visé à la fête a servi à atténuer ses symptômes de stress post-traumatique – c’est ce qu’a diagnostiqué et traité le Dr W plutôt qu’un trouble de l’adaptation;

  • le régime fédéral d’indemnisation des invalidités administré par Anciens Combattants Canada a reconnu que le membre visé souffre de stress post-traumatique.

[74]  L’ouverture du membre visé à suivre un traitement en santé mentale :

  • sa démarche en décembre 2015 pour trouver un thérapeute par l’entremise du programme d’aiguillage de la GRC et sa participation régulière et volontaire à une psychothérapie auprès du Dr W depuis juin 2016 (et depuis la retraite du Dr W, à une thérapie cognitivo-comportementale auprès de son successeur désigné); par ailleurs, de sa propre initiative, il assiste aux rencontres des Alcooliques anonymes depuis février 2017. Le membre visé avoue avoir bu à l’excès en moyenne une fois ou deux par année depuis son entrée au service de la GRC, notamment lors d’une récente visite de son frère avec lequel il est sorti et a bu au point de ne garder aucun souvenir de la soirée. Avant le 28 novembre 2015, il n’y avait eu aucun épisode où le membre visé avait bu au point de se comporter d’une manière qui puisse constituer une inconduite. Ni l’une ni l’autre des parties ne l’a soulevé pendant la phase de l’audience relative aux mesures disciplinaires, mais je ne considère pas que l’information présentée dans la déclaration non caviardée de la gend. B concernant des textos qu’elle avait reçus de la gend. A établit une semblable inconduite sexuelle antérieure par le membre visé quand il est ivre. Je conclus que, quand il consommait de l’alcool, le membre visé devenait plus extraverti et plus dégourdi. Après tout, la gend. B a entendu le membre visé et la gend. A parler de sexe avant qu’il ne touche le sein de la gend. A. Mais la preuve ne permet pas d’établir que le membre visé aurait dû savoir qu’une consommation abusive d’alcool l’amènerait à un tel degré de désinhibition qu’il se livrerait à des attouchements sexuels non désirés ou qu’il aurait des gestes ou des propos franchement discourtois. Il n’avait pas d’antécédents d’inconduite sous l’effet de l’alcool. J’accepte qu’il a fallu au membre visé environ six mois après la fête pour commencer à consulter le Dr W afin de suivre une thérapie; mais de son témoignage, il ressort clairement que le membre visé n’a pris conscience de l’étendue de son inconduite qu’à la réception du dossier d’enquête. Ses premières démarches pour obtenir de l’aide et la description qu’il donnait de son comportement trahissaient nécessairement une connaissance insuffisante des événements. Le 28 novembre 2015, il savait que la fois où il s’était soulé avec son frère, il ne se rappelait pas de tout ce qu’il avait fait la veille. Le soir où il avait bu avec son frère, il avait tiré au poignet avec plusieurs adversaires, avec succès, mais pas avec l’adversaire dont le membre visé se rappelait le lendemain. Le fait de n’avoir gardé aucun souvenir de la soirée ne laissait pas entendre au membre visé que sa consommation excessive d’alcool pouvait l’amener à mal se conduire, juste à ne pas en garder de souvenirs.

[75]  L’évaluation clinique du membre visé par le Dr O indique un risque extrêmement faible et très improbable de récidive, et l’absence d’un trouble de personnalité ou d’une dysfonction sous- jacents. L’évaluation du Dr W indique qu’il présente un risque extrêmement faible, voire inexistant, de jamais reboire à l’excès ou de se comporter de manière semblable.

[76]  Bien que l’inconduite établie ait comporté quatre incidents distincts, tous se sont produits à une même occasion sociale alors que le membre visé était extrêmement ivre.

[77]  Le membre visé a reçu en soutien des lettres rédigées par d’autres membres, notamment des supérieurs immédiats, des sous-officiers supérieurs qui le connaissent bien, des collègues féminines avec lesquelles le membre visé a travaillé, et même la gend. A, qui s’est sentie obligée, à titre de membre, de confirmer les gestes du membre visé, mais qui n’a jamais formulé d’allégations internes ou criminelles contre lui, tant elle était convaincue que son état d’ébriété en était le facteur absolument fondamental.

[78]  Pour l’allégation 1, la gend. A n’a pas trouvé l’inconduite grave sur le coup; en fait, elle en a ri immédiatement avec le membre visé.

[79]  Le dossier du membre visé montre son rendement exemplaire dans ses fonctions de policier et sa réputation de leader tranquille, ce que confirment ses évaluations du rendement, les lettres d’appui pertinentes et les fiches de rendement (formulaire 1004). De plus, il a reçu une distinction d’un ministre provincial de la Justice pour le sauvetage courageux d’un plaisancier qui se noyait.

[80]  Tous ces éléments montrent à quel point le comportement du membre visé dans ces allégations sont complètement contre sa nature.

[81]  Le membre visé a continué de se consacrer à l’exécution de ses fonctions et de faire un travail exemplaire, malgré sa situation de membre sous enquête, après sa mutation administrative à une veille différente dans un détachement différent.

Observations du RAD

[82]  Le RAD a invoqué les affaires suivantes au soutien d’une ordonnance pour mettre un terme à l’emploi du membre visé :

  • Janzen c. Platy Enterprises Ltd, [1989] 1 RCS 1252

  • Officier compétent de la Division F et gend. [GBC] (1997), 28 DA (2e) 213 (CEE)

  • Rendell v. Canada (Attorney General), 2001 CFPI 710 (CanLII)

  • Cadbury Adams Canada Inc. v. United Food and Commercial Workers Canada Local 175 (arbitre Kennedy,16 juillet 2007)

  • BC (Public Service Agency) v BCGSE, 2008 BCCA 357

  • R. c. McNeil, [2009] 1 RCS 66

  • Pizarro c. Canada (Procureur général), 2010 CF 20 (CanLII)

  • Officier compétent de la Division K et gend. [MAJ] (2010), 6 DA (4e) 173 (comité d’arbitrage)

  • Cambridge Memorial Hospital v Ontario Nurses’ Association, 2017 CanLII 2305 (ON LA) (arbitre Randall, 19 janvier 2017)

  • Commandant de la Division E et gend. [F.V.], 2017 DARD 3 (comité de déontologie)

  • Stewart c. Elk Valley Coal Corp., [2017] 1 RCS 591, 2017 CSC 30 (CanLII)

[83]  Certaines des affaires présentées par le RAD ne sont pas utiles au premier plan pour déterminer la proportionnalité des mesures disciplinaires, traitant plutôt de questions soulevées par l’analyse de la discrimination en matière de droits de la personne (Janzen), ou de la rétention d’un employé aux prises avec une dépendance à l’alcool qui vole (Stewart). Le harcèlement sexuel en milieu de travail peut constituer de la discrimination fondée sur le sexe interdit par la Charte et la cessation d’emploi est envisageable, non pas pour la dépendance de l’employé, mais pour le non-respect des politiques. Dans une autre affaire, un arbitre a statué que les vols en milieu de travail d’une employée n’étaient pas compulsifs et qu’elle n’avait pas assumé l’entièreté de son inconduite, et donc que sa dépendance dont elle n’avait jamais parlé ne pouvait pas être retenue comme facteur atténuant (Cambridge Memorial Hospital). Le RAD a fait valoir que, puisque le membre visé avait eu la capacité initiale de limiter sa consommation d’alcool à la fête, il ne pouvait pas demander qu’on considère son « incapacité » comme un facteur atténuant. Le RAD a fait valoir que quels qu’aient été les problèmes de santé du membre visé au début de la fête, il avait l’obligation de les faire traiter, et que la Gendarmerie offrait des moyens pour obtenir des traitements.

[84]  Le RAD prétend que le membre visé n’a pas réussi à établir que « n’eut été » son état psychologique à la fête, il n’aurait pas commis d’inconduite (Pizarro, gend. [F.V.]); par conséquent, un important facteur atténuant lui fait défaut. De plus, le RAD a fait valoir qu’il faudrait tenir compte d’une affaire dans laquelle l’arbitre avait rejeté la réintégration, parce qu’il n’était pas convaincu que le plaignant volait à répétition par compulsion et que la cause clinique du vol était un épisode d’anxiété et un trouble de dépression majeur (Cadbury Adams). Le RAD avance que notre comité de déontologie devrait en arriver à la même décision que celle rendue dans l’affaire du gend. [F.V.], dans laquelle il a été décidé que l’état psychologique du membre, à deux occasions distinctes, n’était pas en cause dans le manque de jugement qui l’a amené à faire une fausse déclaration à un autre membre et à produire un faux rapport sous serment.

[85]  Le RAD fait valoir qu’en dépit de l’existence de plusieurs facteurs atténuants, un comité d’arbitrage de la GRC avait imposé la cessation de l’emploi dans un cas extrême, malgré un rendement fort soutenu, l’appui de collègues et l’auto-dénonciation de l’inconduite par le membre. Cependant, il faut souligner que dans cette affaire, il y avait eu clairement abus de confiance : inconduite sexuelle pendant les heures de travail avec une personne aux capacités affaiblies dans un secteur isolé, utilisation d’un véhicule de police, menace à la personne aux capacités affaiblies si elle dénonçait l’inconduite et utilisation d’une fausse identité (gend. [GBC]). D’autre part, il ne semble pas y avoir dans l’affaire du gend. [GBC] un trouble psychologique reconnu, mais seulement accumulation de stress.

[86]  Essentiellement, le RAD fait valoir que le principe de la parité des peines ne doit être appliqué qu’en fonction de la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Rendell, qui confirme que, bien que pertinente, la parité ne doit pas être appliquée de manière à porter atteinte au pouvoir discrétionnaire. Le RAD fait valoir que bon nombre des dossiers soumis par la RM ne traitent pas adéquatement de la victime de l’inconduite, renvoyaient à des propositions conjointes autres que le renvoi qui méritaient la déférence et donc leur acceptation par le comité d’arbitrage, et qu’ils ne reflétaient pas une dissuasion suffisante à l’égard du harcèlement en milieu de travail. Pour sa part, le RAD s’est fondé sur l’affaire Rendell pour proposer que, puisque l’inconduite du membre visé était de nature sexuelle, ce type d’inconduite appelait l’envoi d’un message particulièrement dissuasif, et donc qu’il y avait lieu d’ordonner au membre visé de démissionner.

[87]  Le RAD renvoie au Guide des mesures disciplinaires de la GRC (novembre 2014), précisant que le Guide donne un éventail de 2 à 10 jours de confiscation de la solde pour un comportement discourtois contraire à l’article 2.1 du code de déontologie, et qu’étant donné la nature sexuelle et le degré de violence du geste et des propos du membre visé, son inconduite justifiait une mesure disciplinaire allant de 20 jours de confiscation jusqu’au renvoi.

[88]  Pour ce qui est des contraventions à l’article 7.1 du code de déontologie, le RAD s’en remet au Guide, où il est dit que dans le cas d’une inconduite qui comporte une agression sexuelle, le renvoi est de mise. Afin de maintenir la confiance du public et de renforcer les normes élevées de la Gendarmerie, aucune mesure inférieure au renvoi ne serait justifiée.

Observations de la RM

[89]  La RM a présenté les affaires suivantes au soutien de son argumentation, mettant en lumière plusieurs mesures disciplinaires autres que le renvoi, comprenant la confiscation de la solde, pour régler des contraventions à titre individuel ou collectif :

  • Officier compétent de la Division K et gend. [JAH] (1998), 3 DA (3e) 60 (comité d’arbitrage)

  • Officier compétent de la Division K et gend. [RHC] (2000), 7 DA (3e) 63 (comité d’arbitrage)

  • Officier compétent de la Division E et gend. [JLJDF] (1999), 6 DA (3e) 90 (comité d’arbitrage); (2001), 10 DA (3e) 1 (CEE); (2001), 10 DA (3e) 159 (comm.)

  • Officier compétent de la Division E et serg. [RFB] (1999), 6 DA (3e) 90 (comité d’arbitrage); (2000), 12 DA (3e) 43 (CEE); (2001), ERAS-01-4638 (comm.)

  • Officier compétent de la Division F et gend. [TJG] (2003), 18 DA (3e) 64 (comité d’arbitrage)

  • Officier compétent de la Division J et insp. [AH] (2006), 29 DA (3e) 165 (comité d’arbitrage)

  • Officier compétent de la Division C et gend. [MNPG] (2007), 1 DA (4e) 30 (comité d’arbitrage)

  • Officier compétent de la Division O et gend [JM] (2011), 6 DA (4e) 340 (comité d’arbitrage)

  • Officier compétent de la Division F et gend. [JTM] (2012), 11 DA (4e) 427 (comité d’arbitrage)

  • Officier compétent de la Division C et gend. [TL] (2014), 14 DA (4e) 520 (comité d’arbitrage)

  • Officier compétent de la Division E et gend. [RT] (2015), 15 DA (4e) 289 (comité d’arbitrage)

  • Officier compétent de la Division K et gend. [GG] (2016), 16 DA (4e) 178 (comité d’arbitrage)

  • Officier compétent de la Division O et serg. [MG] (2016), 16 DA (4e) 487 (comité d’arbitrage)

[90]  En se fondant principalement sur les pouvoirs des RM, la RM a proposé la confiscation de la solde pour les périodes suivantes à titre de mesures disciplinaires à imposer :

Allégation 1 : 10 jours

Allégation 2 : 4 à 7 jours

Allégation 3 : 1 à 3 jours

Allégation 4 : 10 jours

[91]  En réponse aux questions du comité de déontologie, la RM a confirmé que le membre visé serait ouvert à une mutation et que l’ordre de poursuivre une thérapie auprès d’un professionnel de la santé ou de suivre un programme de réadaptation serait raisonnable.

[92]  La RM s’est objectée à l’utilisation du Guide de mesures disciplinaires de la GRC (novembre 2014) par le RAD, faisant valoir ces arguments : il n’a pas été déposé en preuve; ses auteurs sont inconnus; rien n’indique si des modifications ont pu y être apportées depuis son entrée en vigueur; il s’agit d’un guide qui ne lie pas le comité de déontologie. D’ailleurs, le Guide laisse entendre que pour certains types d’inconduite, le renvoi est automatique, or ce principe est contraire à la jurisprudence à la GRC.

[93]  Citant le commentaire inclus dans la décision gend. [F.V.], la RM fait valoir que bien qu’un comité de déontologie ne soit pas lié par les décisions d’autres comités, les décisions antérieures aident à déterminer l’éventail des peines applicables. Le principe de la parité sert à atteindre l’équité en faisant en sorte que des formes semblables d’inconduite soient traitées de la même manière. Aussi la RM fait valoir qu’une affaire qui sous l’ancien régime aurait mérité une peine autre qu’un renvoi ne devient pas un cas de renvoi simplement parce qu’il existe des pénalités financières plus lourdes sous le nouveau régime. Pour conclure son argumentaire sur la parité des peines, la RM précise avoir présenté des décisions rendues par des comités d’arbitrage en vertu de l’ancien régime après l’entrée en vigueur du nouveau régime, le 28 novembre 2014.

Analyse

[94]  L’éventail des peines pour des affaires mettant en cause des attouchements sexuels déplacés en-dehors des heures de travail, selon les décisions rendues par d’anciens comités d’arbitrage de la GRC (limités de par la loi à la confiscation de la solde pour une période de 10 jours), vont de périodes de confiscation moyennes à longues. L’éventail des peines pour des propos déplacés et vulgaires en-dehors des heures de travail vont de périodes de confiscation courtes à moyennes (le Guide sur les mesures disciplinaires de la GRC (novembre 2014) donne des exemples de situations qui justifient des mesures graves sans aller jusqu’à la cessation d’emploi).

[95]  Il ressort de la jurisprudence de la GRC présentée par les parties que le genre d’inconduite sexuelle établie à l’encontre du membre visé en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie a souvent amené les comités d’arbitrage de la GRC à imposer des peines qui n’allaient pas jusqu’à l’ordre de démissionner ou au renvoi, mais que l’éventail des peines a pu inclure la cessation d’emploi lorsque, par exemple, il existait une dimension de violence, une condamnation criminelle ou des antécédents disciplinaires. Le Guide des mesures disciplinaires prévoit un éventail qui inclut la cessation d’emploi.

[96]  Comme je l’ai dit quand j’ai rejeté la requête de la RM pour une ordonnance de communication relativement à un « rapport de décision », dans l’affaire Gill c. Canada (A.G.), 2007 CAF 305, au paragraphe 14, la Cour d’appel fédérale a confirmé que « les conclusions de conduite scandaleuse et celles ayant trait aux sanctions à imposer sont principalement de nature factuelle et discrétionnaire. » Par conséquent, pour déterminer les mesures disciplinaires qui conviennent, j’ai nécessairement dû évaluer le dossier, établir les facteurs aggravants et les facteurs atténuants, examiné la jurisprudence disciplinaire émanant de décisions de comités d’arbitrage de la GRC et d’autres affaires, consulter les commentaires pertinents dans le Guide des mesures disciplinaires, et tenir compte de la nature et des circonstances des contraventions, y compris les aspects pertinents de l’état psychologique du membre visé.

[97]  L’un des arguments fondamentaux du RAD est que le membre visé n’avait ni compulsion, ni dépendance physique qui l’a amené à boire de l’alcool et qu’il n’y a pas eu démonstration de cause à effet entre son trouble d’anxiété sociale et sa consommation excessive d’alcool, ni entre son trouble et l’inconduite commise alors qu’il était très ivre. Je ne crois pas comme lui que nous sommes ici en présence d’un membre qui cherche à éviter de subir de graves conséquences professionnelles en invoquant au mieux la négligence et l’imprudence pour expliquer son inconduite.

[98]  Le témoignage du membre visé et le témoignage d’expert des Drs W et O établissent selon la prépondérance des probabilités que le trouble d’anxiété sociale non traité du membre visé (combiné soit à un stress post-traumatique, soit aux effets permanents d’un trouble de l’adaptation) a contribué directement et considérablement à sa consommation abusive d’alcool à la fête. Ayant examiné les observations faites sur le degré d’ébriété du membre visé dans le dossier d’enquête, je conclus qu’il existait un degré extrême d’ébriété. Il devait exister un tel degré extrême d’ébriété pour qu’un homme habituellement sensé et courtois non seulement échappe sa bière dans l’escalier pour se rendre au sous-sol, mais qu’il ne se sente pas l’obligation de ramasser son dégât.

[99]  Je conclus aussi que, bien que la Gendarmerie ait un intérêt légitime à imposer au membre visé des mesures disciplinaires pour sa conduite éminemment inappropriée, le degré extrême d’ébriété du membre visé l’a amené à un tel niveau de désinhibition qu’il en est venu à poser ces gestes grossiers, offensants et agressants. Ces gestes d’inconduite étaient tout à fait contraire à sa bonne réputation au travail et à la ville. Les lettres de référence produites par la RM, notamment par plusieurs membres féminines de la GRC parmi lesquelles la gend. A, a clairement brossé le caractère hors nature de l’inconduite du membre visé. J’estime que les membres qui ont fortement soutenu la rétention du membre visé et qui ont exprimé n’avoir aucune réserve à retravailler avec lui l’ont fait en sachant l’inconduite qui lui était reprochée. De sorte que ce soutien de la part de membres qui eux-mêmes comptent sur le fort soutien du public envers la Gendarmerie, ne peut que constituer un facteur atténuant non négligeable.

[100]  Les deux experts appelés à se prononcer par la RM ne s’entendent pas sur un diagnostic soit de stress post-traumatique, soit de trouble de l’adaptation chez le membre au moment de son inconduite. Ayant entendu le témoignage du membre visé, dans lequel il a parlé du stress qu’il avait vécu en raison de l’enquête sur l’utilisation d’une force excessive plus tôt en novembre 2015 qui a finalement été trouvée non fondée, j’estime que la consommation excessive d’alcool par le membre visé ne reposait pas que sur son trouble d’anxiété sociale, mais aussi sur le degré de stress qu’il ressentait, notamment en lien avec des images récurrentes de lieux de crime. Je crois que ce niveau de stress, qu’il ait ou non été le symptôme d’un trouble qui pourrait entraîner un diagnostic de stress post-traumatique ou de trouble de l’adaptation, a aussi joué pour beaucoup dans la consommation abusive d’alcool par le membre visé. Bien que le membre visé, à un certain point, ait encore eu la capacité d’arrêter de boire de l’alcool, j’estime que sa descente jusqu’à l’ébriété extrême avait clairement un lien avec son état psychologique à l’époque.

[101]  Je ne suis pas persuadé que, pour que son état psychologique au début de la fête constitue un facteur atténuant légitime, il aurait fallu que le membre visé ait déjà cherché à obtenir un traitement psychologique. Je ne crois pas non plus qu’il lui soit interdit d’invoquer ce facteur atténuant parce qu’il a avoué quelques épisodes antérieurs de beuverie et des trous de mémoire très rares après avoir bu à l’excès. Ces expériences antérieures, en fait, ne laissaient pas entrevoir que le membre visé agirait de manière inappropriée une fois ivre. On ne saurait non plus le priver de ce facteur atténuant en retenant contre lui son expérience de travail auprès de clients ivres, ses études universitaires en psychologie et sa formation d’utilisateur de Datamaster pour mener des enquêtes sur la conduite avec les capacités affaiblies.

CONCLUSION

[102]  Je comprends que, ce soir-là, la personne qui a commis ces gestes d’inconduite grave n’était pas la personne qu’est habituellement le membre visé. Cependant, à moins de n’avoir aucune conscience de leurs gestes, les membres doivent en assumer la responsabilité. Et bien que j’aie relevé plusieurs facteurs atténuants et leur aie accordé beaucoup de poids, je dois réaffirmer au membre visé à quel point son comportement a été inacceptable ce soir-là.

[103]  Le régime de gestion déontologique de la GRC, qui régit notre comité de déontologie, offre un éventail plus large de mesures disciplinaires que n’en offrait l’ancien régime disciplinaire. Il est entendu que pour protéger l’intérêt public, pour maintenir la confiance du public en la GRC, et pour promouvoir des normes de comportement élevées, que les membres soient ou non de service, des pénalités financières plus lourdes peuvent être imposées pour des contraventions graves.

[104]  La GRC est une institution policière qui ne peut pas se permettre de ne pas traiter ce genre d’inconduite avec vigilance et sensibilité. Les supérieurs du membre visé ont réagi aux premières informations concernant le comportement du membre à la fête dans le respect du protocole d’enquête qui s’imposait, et surtout avec une démarche gestionnelle qui soutenait entièrement la transparence et la responsabilisation.

[105]  En l’occurrence, sans nier la gravité de l’inconduite, je ne crois pas que d’imposer au membre visé une mesure disciplinaire qui lui ferait perdre son emploi serait proportionné. Toutefois, je ne veux laisser l’impression ni au membre visé, ni aux membres de la Gendarmerie en général que ce type de comportement échappera régulièrement aux mesures disciplinaires les plus lourdes à notre disposition. Ce sera le cas notamment si, pour quelque raison que ce soit, ce type d’inconduite se répétait. Si des membres ont parfois eu droit à une deuxième et même à une troisième chance en la matière, il en ira dorénavant tout autrement dans la GRC de 2017.

[106]  Étant donné ce qui précède, j’impose ici au membre visé les mesures disciplinaires que voici :

  • Pour l’ensemble des contraventions constituant l’inconduite, j’impose un avertissement officiel que constitue la présente décision écrite;

  • Pour l’ensemble de l’inconduite, j’impose une ordonnance de mutation ou de réaffectation, à la discrétion de l’autorité disciplinaire;

  • Pour l’ensemble de l’inconduite, j’ordonne au membre visé de suivre le traitement choisi par le médecin-chef de la Division E; entretemps, j’ordonne au membre visé de poursuivre la psychothérapie qu’il peut obtenir du successeur clinique du Dr W, qui a pris sa retraite;

  • Relativement à l’allégation 1, j’impose la confiscation de la solde pour une période de 10 jours (80 heures);

  • Relativement à l’allégation 2, j’impose la confiscation de la solde pour une période de 10 jours (80 heures);

  • Relativement à l’allégation 3, j’impose la confiscation de la solde pour une période de 5 jours (40 heures);

  • Relativement à l’allégation 4, j’impose la confiscation de la solde pour une période de 20 jours (160 heures).

[107]  J’ai songé ordonner au membre visé de suivre la formation de la GRC sur le harcèlement, mais étant donné la durée de sa suspension avec solde, la formation de rappel en la matière devrait faire partie de la formation qu’il recevra avant d’être déployé même à des fonctions administratives. De plus, le membre visé comprenait bien, avant son inconduite du 28 novembre 2015, et comprend encore aujourd’hui, le caractère inacceptable de son comportement et il n’a pas besoin d’une formation en ligne ou autre à des fins éducatives pour éviter une récidive.

[108]  J’ai aussi songé à imposer une interdiction temporaire de promotion, mais puisque j’ai ordonné une mutation, il y a peu de chance que le membre visé puisse être promu dans les trois prochaines années, compte tenu en particulier de l’interruption de service qu’il a connue dans ses fonctions opérationnelles en raison de sa suspension.

[109]  Enfin, j’ai songé ordonner au membre visé de présenter, dans le respect de la loi, la lettre d’excuses qu’il a rédigée pour la gend. C, mais puisque le membre visé et la gend. C sont prêts à participer aux divers volets du programme des mesures de rechange, je m’attends à ce que le membre visé y présente des excuses complètes, comme il l’évoquait dans son témoignage devant notre comité de déontologie.

[110]  Pour en venir à décider d’imposer ces mesures disciplinaires, j’ai examiné certains éléments que j’avais déjà mentionnés dans la décision que j’ai rendue dans l’affaire du Commandant de la Division J et gend. [JC], (2016) DARD 2 (qui a ensuite été examinée par le Comité externe d’examen de la GRC, CEE C-2016-005, C-017). Sous l’ancien régime disciplinaire, où toutes les allégations étaient jugées par un comité d’arbitrage de la GRC, la confiscation possible pour un même avis d’audience disciplinaire était plafonnée à 10 jours, même si de multiples allégations étaient établies. Il n’existe plus un tel plafond aux confiscations qui peuvent être imposées relativement à un avis d’audience disciplinaire confié à l’examen d’un comité de déontologie.

[111]  Par conséquent, comme je l’ai indiqué ci-dessus, j’ai imposé au membre visé la confiscation de sa solde pour 45 jours, ou 360 heures, de travail. Par rapport aux peines qui ont été imposées par des comités d’arbitrage dans les dossiers présentés, cela représente une substantielle augmentation de la perte de salaire. Toutefois, il est clair que le nouveau régime de déontologie accorde aux comités de déontologie la latitude et le pouvoir d’imposer des conséquences financières beaucoup plus lourdes pour une inconduite, afin d’imposer des mesures proportionnelles qui ne vont pas jusqu’à l’ordre de démissionner ou au renvoi. Les pouvoirs accrus sont reflétés dans les propositions de confiscation de la solde exposées dans le Guide des mesures disciplinaires.

[112]  Comme je l’ai expliqué plus haut, j’estime que la cessation d’emploi du membre visé ne constituerait pas une mesure proportionnelle à la nature et aux circonstances des contraventions. J’ai soigneusement tenu compte de la suggestion faite à la p. 7 du Guide, à savoir que si la confiscation de la solde pour une période de 45 jours n’est pas suffisante, alors le renvoi n’est pas trop sévère. En l’occurrence, la cessation d’emploi serait trop sévère, mais puisqu’il faut assurer une forte dissuasion générale et maintenir la confiance du public en la Gendarmerie, il n’est pas déraisonnable que la perte financière du membre visé atteigne 45 jours.

[113]  L'une et l'autre parties peuvent interjeter appel de la présente décision auprès du Commissaire, comme il est prévu dans la Loi sur la GRC.

Précision concernant uniquement la version anglaise de la décision écrite : Le 9 novembre 2017, une décision écrite a été publiée pour cette affaire, qui comportait des fautes et des omissions. La version publiée le 9 novembre 2017 est annulée et remplacée par la présente décision écrite datée du 10 novembre 2017 et marquée « (CORRECTED) ».

 

 

Le 10 novembre 2017

John A. McKinlay

Comité de déontologie

 

 

 

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