Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le résumé qui suit ne fait pas partie de la décision.

Au départ, le membre visé était l’objet de sept allégations, toutes liées à la gendarme A. Il a d’abord reconnu plusieurs faits, mais a nié globalement que ses actes constituaient une inconduite. Il a reconnu les faits qui lui étaient reprochés dans deux allégations. Le comité de déontologie a déterminé qu’il était nécessaire de contre-interroger la gendarme A au sujet de plusieurs faits contestés. Mais le médecin-chef s’est rangé à l’avis du professionnel de la santé qui traite la gendarme A, selon lequel cette dernière ne pourrait pas témoigner le jour prévu de l’audience ni aucun autre jour par la suite puisque cette incapacité à témoigner était permanente. Invoquant des obligations éthiques, le représentant de l’autorité disciplinaire a retiré cinq allégations relativement auxquelles la gendarme A devait clairement être contre-interrogée pour assurer l’équité de l’audience. Par la suite, les parties ont négocié et une autre allégation a été retirée dans le cadre d’une proposition de résolution conjointe. Le membre visé a reconnu les faits reprochés dans une seule contravention à l’article 9.1 du code de déontologie. Le comité de déontologie a accueilli une proposition conjointe de peine et imposé au membre visé un avertissement doublé d’une confiscation de solde correspondant à deux jours de travail.

Contenu de la décision

Protégé A

2017 DARD 9

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AUDIENCE DISCIPLINAIRE DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

le commandant de la Division E

(l’autorité disciplinaire)

et

le gendarme Stephen O’Brien

matricule 58109

(le membre visé)

Décision du comité de déontologie

John A. McKinlay

27 novembre 2017

Sergent d’état-major Jonathan Hart, représentant de

l’autorité disciplinaire

Mme Hélène Desgranges, représentante du membre visé



RÉSUMÉ

Le résumé qui suit ne fait pas partie de la décision.

Au départ, le membre visé était l’objet de sept allégations, toutes liées à la gendarme A. Il a d’abord reconnu plusieurs faits, mais a nié globalement que ses actes constituaient une inconduite. Il a reconnu les faits qui lui étaient reprochés dans deux allégations. Le comité de déontologie a déterminé qu’il était nécessaire de contre-interroger la gendarme A au sujet de plusieurs faits contestés. Mais le médecin-chef s’est rangé à l’avis du professionnel de la santé qui traite la gendarme A, selon lequel cette dernière ne pourrait pas témoigner le jour prévu de l’audience ni aucun autre jour par la suite puisque cette incapacité à témoigner était permanente. Invoquant des obligations éthiques, le représentant de l’autorité disciplinaire a retiré cinq allégations relativement auxquelles la gendarme A devait clairement être contre-interrogée pour assurer l’équité de l’audience. Par la suite, les parties ont négocié et une autre allégation a été retirée dans le cadre d’une proposition de résolution conjointe. Le membre visé a reconnu les faits reprochés dans une seule contravention à l’article 9.1 du code de déontologie. Le comité de déontologie a accueilli une proposition conjointe de peine et imposé au membre visé un avertissement doublé d’une confiscation de solde correspondant à deux jours de travail.


 

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

[1]  Le 30 juin 2016, l’officier désigné a nommé le comité de déontologie dans la présente affaire. L’avis d’audience disciplinaire et le dossier d’enquête connexe ont été signifiés au membre visé le 2 septembre 2016.

[2]  Le 20 septembre 2016, la représentante du membre (RM) a annoncé que ses services avaient été retenus. Le 28 septembre 2016, invoquant qu’elle avait reçu des documents complémentaires totalisant 264 pages, la RM a demandé une prorogation afin de produire les réponses du membre visé, conformément aux articles 15 et 18 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 (les « CC (déontologie) »). La date limite pour la présentation des réponses du membre a été reportée au 2 novembre 2016.

[3]  Le 29 septembre 2016, la RM et le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) ont demandé conjointement à ce que la première série de documents d’enquête qui avait été déposée devant le comité de déontologie soit mise de côté et remplacée par une deuxième série de documents. En date du 14 octobre 2016, le RAD avait déposé un nouveau dossier d’enquête, qui contenait une version appropriée des 264 pages de documents complémentaires. Le 28 octobre 2016, la RM s’est vu accorder une autre prorogation, celle-là jusqu’au 16 décembre 2016, pour la production des réponses du membre visé, conformément aux CC (déontologie). La RM a produit une réponse conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie) ainsi que divers documents, photographies et vidéos tard dans la soirée du 16 décembre 2016.

[4]  Une conférence préparatoire à l’audience a eu lieu le 19 janvier 2017 et la date de l’audience a été fixée à la semaine du 26 juin 2017. Le premier RAD a dû prendre un congé de maladie, et son successeur s’est manifesté le 14 mars 2017. D’autres documents devaient être envoyés à la RM et déposés devant le comité de déontologie. Le RAD a demandé l’intervention du comité de déontologie relativement à des demandes de documents en suspens qui avaient été formulées par la RM. La RM a reçu la directive de dresser la liste de tous les autres documents qu’elle attendait encore, au plus tard le 13 avril 2017, ainsi que la consigne suivante :

[…] Je demande à la RM de fournir une liste de toutes ses demandes de divulgation ainsi que tout argument justifiant ces demandes. Je ne demande pas les courriels échangés entre les parties au sujet de la divulgation, mais une liste concise des documents dont la RM demande la divulgation et les arguments justifiant ces demandes. [TRADUCTION]

De plus, les représentants ont reçu la directive de mener des discussions de bonne foi au sujet de l’énoncé détaillé de chaque allégation et de cerner les questions factuelles et juridiques qui opposent les parties. Dans le cadre de ces discussions, les parties devaient désigner les témoins qui devraient témoigner et définir la nature ou la portée des témoignages proposés. Les représentants n’ont jamais donné suite à cette directive étant donné que le RAD a demandé au comité de déontologie de désigner d’abord les éléments de preuve qui ne seraient pas contestés. La RM s’est opposée à cette demande, invoquant la nécessité de régler la question de ses demandes de documents en suspens.

[5]  Après avoir obtenu une prorogation jusqu’au 19 avril 2017, la RM a produit une demande de 34 pages sur la production de documents et d’information par le comité de déontologie, accompagnée de 22 pièces jointes comprenant des échanges de courriels, principalement entre le RAD et elle.

[6]  Lors d’une conférence préparatoire à l’audience tenue le 25 avril 2016, le comité de déontologie a pris des décisions et donné des instructions au sujet de la demande de la RM concernant la production d’information et de documents complémentaires. Le procès-verbal de cette conférence préparatoire a été publié le 1er mai 2017, et on peut y lire que la grande majorité des demandes de la RM ont été rejetées. Dans le cas d’une demande en particulier, aucune décision n’a été prise dans l’attente d’une autre réponse écrite que la RM pourrait présenter en vertu du paragraphe 15(3) des CC (déontologie). La date limite pour la présentation de cette réponse a été fixée par le comité de déontologie au 26 mai 2017.

[7]  Cette façon de faire visait à permettre au membre visé de faire référence aux nouveaux documents au dossier, y compris les documents déposés en lien avec sa première réponse produite conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), lesquels appuyaient son déni des allégations et des énoncés détaillés, et de cerner les points litigieux qui, selon lui, nécessitaient le témoignage de certains témoins, y compris lui-même. Compte tenu du manque d’argumentations détaillées dans la première réponse produite conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), le comité de déontologie a indiqué qu’il pouvait rejeter les demandes de base du membre visé pour que soient approuvés certains témoins, et qu’il devait donc spéculer sur ce que certains documents présentés avec la réponse devaient prouver ou réfuter.

[8]  Lors de la conférence préparatoire à l’audience du 25 avril 2016, j’ai aussi ordonné au RAD d’obtenir certains documents, pour le cas où ils devraient être produits au moment où je prendrais la décision laissée en suspens après le 26 mai 2017. En date du 17 mai 2017, le RAD avait reçu quelque 1 000 pages supplémentaires provenant d’un enquêteur interne, dont une partie aurait pu se rapporter à un point toujours en litige, et il les a soumises à la RM pour qu’elle en tienne compte dans toute autre réponse à produire, conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), en respectant l’échéance fixée au 26 mai 2017. Le RAD ne considérait pas ces documents comme étant pertinents et n’avait pas l’intention de s’en servir. Par conséquent, ils n’ont pas été soumis au comité de déontologie.

[9]  Le 25 mai 2017, la RM a présenté des rapports d’expertise contenant des opinions à prendre en considération à la partie de l’audience portant sur les mesures disciplinaires, après que le comité de déontologie eut rejeté son opposition à la production de ces rapports. Le comité de déontologie a rappelé que selon le paragraphe 19(1) des CC (déontologie), tout rapport d’expertise doit être remis au comité de déontologie et signifié à l’autre partie au moins 30 jours avant le début de l’audience disciplinaire et non simplement avant la partie de l’audience portant sur les mesures disciplinaires.

[10]  La RM a demandé une prolongation, jusqu’au 2 juin 2017, du délai pour produire une autre réponse conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), requête qui lui a été refusée. Une prolongation n’a été accordée que pour donner suite à la réception des 1 000 pages de documents nouveaux.

[11]  Le 26 mai 2017, la RM a produit une réponse modifiée conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), réponse qui comprenait 13 annexes supplémentaires dans lesquelles le membre visé finissait par reconnaître plusieurs faits, faisait des aveux qualifiés à l’égard de certains éléments de l’allégation 3, reconnaissait les faits reprochés dans l’allégation 7, mais niait autrement que ses actes constituaient une inconduite. Des problèmes de crédibilité se sont révélés, et le comité de déontologie a estimé que le contre-interrogatoire de la gend. A, en lien avec plusieurs faits contestés, était nécessaire. Le 31 mai 2017, la RM a annoncé qu’elle devait prendre un congé de maladie jusqu’au 12 juin 2017; par conséquent, une prorogation jusqu’au 12 juin 2017 a été accordée en lien avec toute réponse faisant référence aux 1 000 pages de documents nouveaux. Une autre soumission, à laquelle la jurisprudence pertinente était jointe, a été produite ce jour-là.

[12]  Le 13 juin 2017, le RAD a demandé la tenue immédiate d’une conférence préparatoire à l’audience. Le 14 juin 2017, le RAD a déclaré qu’il avait d’importants problèmes de gestion des témoins et qu’il serait sans l’ombre d’un doute incapable de citer des témoins en lien avec plusieurs allégations. Le 15 juin 2017 a eu lieu une conférence préparatoire à l’audience lors de laquelle le RAD a réitéré par courriel sa demande visant le retrait de certaines allégations en expliquant le fondement de sa demande.

[13]  Lorsqu’il a donné suite à un message spontané d’un professionnel de la santé qui traitait la gend. A, le RAD venait d’apprendre que la gend. A serait, de façon permanente, incapable d’assister à toute audience disciplinaire de la GRC à compter de la semaine du 26 juin 2017. Le RAD en a informé son client et a demandé que le médecin-chef évalue ce diagnostic.

Le RAD a ensuite appris que le médecin-chef se rangeait à l’avis du professionnel de la santé traitant la gend. A. L’autorité disciplinaire et son représentant ont tous deux entrevu que toute audience dans le cadre de laquelle la gend. A ne pourrait pas prendre part à un contre- interrogatoire nécessaire serait contraire à l’éthique et injuste. Par conséquent, le RAD a demandé le retrait de cinq allégations. À ce moment, le RAD a déclaré que les deux autres allégations pourraient être présentées de façon autonome.

[14]  Après d’autres communications entre les parties suivant la conférence préparatoire à l’audience le 15 juin 2017, le RAD a déclaré qu’il demandait le retrait d’une autre allégation. Les parties présenteraient une proposition conjointe de mesures disciplinaires appropriées en lien avec la seule allégation restante.

[15]  Par courriel, plus tard le 15 juin 2017, j’ai accepté le retrait de toutes les allégations à l’exception de l’allégation 7, tel qu’il avait été proposé par le RAD, pour les motifs suivants [TRADUCTION] :

ACCEPTATION DU PRONOSTIC QUANT À LA CAPACITÉ DE TÉMOIGNER

Une opinion médicale a été soumise au nom de la gend. [A]. Selon cette opinion, la gend. [A] serait dans l’incapacité, de façon permanente, d’assister à toute audience disciplinaire de la GRC à compter de la semaine du 26 juin 2017. Je me range à cet avis médical étant donné qu’il a été dûment étudié par un membre approprié du personnel médical de la GRC (en l’occurrence, le médecin-chef de la Division E), qui a déterminé qu’il était valide.

RENONCIATION À UN CONTRE-INTERROGATOIRE NÉCESSAIRE

En conséquence, j’accepte que la RM ne contre-interrogera pas la gend. [A] en l’espèce. Après avoir étudié l’affaire qui nous occupe, plus particulièrement les réponses les plus récentes soumises par le membre visé, j’estime que ce contre-interrogatoire (qui pourrait comprendre une confrontation en lien avec des déclarations incompatibles ainsi que des documents, des photos et des enregistrements audio contradictoires) est nécessaire pour donner suite aux aspects contestés des allégations 1, 2, 4, 5 et 6 et pour assurer au [membre visé] l’équité d’audience en ce qui a trait à d’importants éléments liés à chacune de ces allégations. Aucun autre témoin ne peut remplir cette fonction.

ACCEPTATION DE LA DEMANDE DU RAD VISANT LE RETRAIT DES ALLÉGATIONS 1, 2, 4, 5 ET 6

Par conséquent, en me fondant sur les observations du RAD […], j’accède à la demande de l’autorité disciplinaire de retirer les allégations 1, 2, 4, 5 et 6. Ces allégations ne sont donc plus matière à arbitrage et sont ainsi réputées avoir été traitées.

ACCEPTATION DE LA DEMANDE DU RAD VISANT LE RETRAIT DE L’ALLÉGATION 3

Ma nomination en tant que comité d’arbitrage chargé de trancher les allégations concernant [le membre visé] ne fait pas obstacle au fait que l’autorité disciplinaire a le pouvoir discrétionnaire de retirer des allégations contenues dans l’avis d’audience disciplinaire. De plus, il est généralement admis que le principe de retenue s’applique à l’égard de toute entente de règlement conclue par les parties, à moins que la peine proposée dépasse les normes raisonnables ou encore qu’elle ne tienne pas suffisamment compte des intérêts du public. J’accepte donc la demande de l’autorité disciplinaire visant le retrait de l’allégation 3. L’allégation 3 n’est donc plus matière à arbitrage et est ainsi réputée avoir été traitée.

ALLÉGATION RESTANTE (ALLÉGATION 7)

L’allégation 3 est retirée étant entendu que les parties présenteront une proposition conjointe concernant l’allégation 7 et suggéreront des mesures disciplinaires appropriées.

[16]  Une autre conférence préparatoire à l’audience devait avoir lieu le 22 juin 2017, avant l’audience disciplinaire qui devait être tenue par vidéoconférence le 27 juin 2017, la RM et le RAD se trouvant à Ottawa, le membre visé, dans la Division E et le comité de déontologie, dans la Division H.

ALLÉGATION

[17]  Lors de l’audience tenue par vidéoconférence le 27 juin 2017, le membre a reconnu les faits reprochés dans l’allégation suivante (pièce CAR-1) :

Allégation 7

Le ou vers le 9 mai 2014, à Coquitlam, dans la province de la Colombie- Britannique, ou dans les environs, [le membre visé] a accédé à des renseignements qui ne concernaient pas l’exercice de ses fonctions et n’a pas respecté tous les serments auxquels il était assujetti en tant que membre, contrevenant ainsi à l’article 9.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Coquitlam, dans la Division E (Colombie-Britannique).

2. Le 9 mai 2014, vous avez recherché le nom de la [gend. A.] dans le système PRIME.

3. Vous n’aviez aucune raison opérationnelle légitime de faire cette recherche.

[18]  Les parties ont soumis un résumé des faits (pièce CAR-2) qui disait ce qui suit :

l. À l’époque des faits, [le membre visé] (le membre) était un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Coquitlam, dans la Division E (Colombie-Britannique).

2. En mai 2014, le membre et la gendarme [A] se fréquentaient. La gend. [A] était séparée de son mari, le serg. [B].

3. Selon la version des faits du membre, la gend. [A] lui a dit qu’elle était préoccupée par le fait que le fichier dans le système PRIME la concernant ainsi que son mari le serg. [B] puisse être consulté par d’autres membres.

4. Le 9 mai 2014, le membre a cherché le nom de la gend. [A] (DDN 19XX-XX-XX) dans le système PRIME à 10 h 19.

5. Lorsqu’il consulte le système PRIME, l’utilisateur peut utiliser les fonctions « requête » (query) ou « parcourir » (browse). Le 9 mai 2014, le membre a utilisé la fonction « parcourir ».

6. Le membre a ainsi pu voir la liste des fichiers dans lesquels le nom de la gend. [A] figurait, que ce soit en tant que plaignante, témoin, victime, ou autre. Telle a été la portée de la recherche effectuée par le membre.

7. Le membre n’avait aucune raison opérationnelle légitime de faire cette recherche (en utilisant la fonction « parcourir »).

[19]  Afin de montrer le caractère limité de l’information que le membre visé a pu voir à la suite de sa recherche non autorisée à l’aide de la fonction « parcourir » au sujet de la gend. A, la RM a présenté un document faisant état des résultats d’une recherche au sujet d’une « fausse personne » effectuée par un administrateur de système de la GRC qui connaissait bien le système PRIME, ce à quoi elle a ajouté une saisie d’écran et le paragraphe ci-dessous à l’intention du comité de déontologie (pièce M-1) :

8. À des fins de comparaison, une saisie d’écran des résultats d’une recherche effectuée à l’aide des fonctions « parcourir » et « requête » dans le Système de gestion des dossiers (à partir d’un ordinateur de bureau) , y compris un fichier privé sur John TESTRECORD, est produite en preuve. La troisième boîte contient un exemple des résultats d’une recherche à l’aide de la fonction « parcourir ». Lorsqu’un fichier est privé, la mention « Private Information » apparaît et le fichier ne peut pas être consulté. [TRADUCTION]

[20]  Pour accélérer l’audience, la RM a également soumis deux témoignages anticipés pour le membre visé, l’une concernant l’allégation, l’autre, les mesures disciplinaires, en remplacement du témoignage du membre visé.

[21]  Le témoignage anticipé du membre visé concernant l’allégation (pièce M-2) se lisait comme suit [TRADUCTION] :

1. Le 9 mai 2014, le membre voulait savoir si le fichier concernant la gend. [A] et son mari […] dans le système PRIME était privé. Il n’a pas lu le contenu des dossiers et la mention « Private Information » apparaît lorsqu’un fichier est privé.

2. Avant d’avoir cherché (à l’aide de la fonction « parcourir ») le nom de [la gend. A] le 9 mai 2014, il savait déjà que [le serg. B] avait été l’objet d’une enquête interne et d’une enquête judiciaire à la suite de la plainte déposée par [la gend. A] puisque cette dernière le lui avait dit. De plus, le 26 septembre 2013, le membre avait fait une déposition au [sergent d’état- major C] des Enquêtes criminelles – Services de police de base de la Division E dans le cadre de l’enquête interne sur le [serg. B].

3. Le 9 mai 2014, lorsqu’il a cherché (à l’aide de la fonction « parcourir ») le nom de [la gend. A], il avait l’intention d’effectuer la recherche, mais n’avait aucune intention malicieuse et n’avait rien à y gagner personnellement.

[22]  Le RAD ne s’est pas opposé à ce que le comité de déontologie accepte ces témoignages anticipés en remplacement du témoignage du membre visé dans le but d’accélérer le déroulement de l’audience. Il a toutefois indiqué que, bien qu’il ne s’oppose pas à la manière dont le témoignage du membre visé était présenté au comité de déontologie, il ne considérait pas que son contenu était vrai et a laissé au comité de déontologie le soin d’évaluer ledit contenu et d’y accorder l’importance voulue.

Conclusion à l’égard de l’allégation

[23]  L’allégation 7 porte sur une infraction à l’article 9.1 du code de déontologie, qui est ainsi libellé : « Les membres accèdent aux renseignements qu’ils obtiennent à ce titre, les utilisent et les communiquent uniquement aux fins de l’exercice de leurs fonctions et respectent tous les serments auxquels ils sont assujettis en tant que membres. »

[24]  Une fois examinée l’information concernant l’allégation 7 figurant au dossier, je dois déterminer si la contravention est établie selon la prépondérance des probabilités. Après avoir étudié le dossier, y compris le résumé des faits des parties et l’aveu du membre visé quant à l’allégation de contravention à l’article 9.1 du code de déontologie, je conclus que le membre visé a effectué une recherche dans le système PRIME au sujet de la gend. A le 9 mai 2014. De plus, je conclus qu’au moment de cette recherche, le membre a cherché à obtenir de l’information qui sortait du cadre de ses fonctions puisqu’il n’avait aucune raison opérationnelle légitime de faire cette recherche. Par conséquent, je conclus que le membre visé a contrevenu à l’article 9.1 du code de déontologie et que la contravention faisant l’objet de l’allégation 7 est établie. Je reconnais qu’en faisant la recherche non autorisée, le membre voulait déterminer si le fichier en question était privé et confirmer que son contenu n’était accessible qu’aux employés ayant besoin de savoir, et non à tous les membres qui ont accès au système PRIME.

MESURE DISCIPLINAIRE

[25]  Il est indiqué aux pages 35 à 38 du Guide des mesures disciplinaires de la GRC (novembre 2014) que lorsqu’un membre consulte un système électronique de gestion des dossiers de la GRC à des fins non autorisées (ce qui englobe nécessairement les consultations en dehors du cadre des fonctions du membre), les mesures disciplinaires qui s’imposent vont d’une réprimande, dans le cas d’un incident isolé, jusqu’à une confiscation de la solde pour une période de 20 jours, qui s’applique dans les cas où le membre en tire un gain personnel, affiche un comportement de harcèlement ou compromet une enquête. Le congédiement peut être envisagé si les recherches sont faites avec une intention malveillante ou à des fins illégales. Les trois décisions d’arbitrage soumises par la RM indiquent que des avertissements officiels et des confiscations de solde se situant au bas de l’ancienne échelle des dix jours de confiscation ont été acceptés. Ces affaires ne comportaient que très peu de facteurs aggravants, voire aucun.

[26]  Les parties ont proposé conjointement qu’en raison de la contravention visée par l’allégation 7, le membre visé se voie imposer la confiscation de deux jours de solde (16 heures). Cette proposition conjointe comportait implicitement un avertissement de la part du comité de déontologie.

[27]  Par ailleurs, il était succinctement énoncé ce qui suit dans la section du témoignage anticipé du membre visé (pièce M-6) concernant les mesures disciplinaires :

  1. [Le membre visé] est membre de la Gendarmerie royale du Canada depuis le 11 août 2009. Il est affecté au service de lutte contre la drogue et le crime organisé de la GRC à Coquitlam depuis environ quatre ans.
  2. Il assume l’entière responsabilité de ses actes, regrette d’avoir fait cette recherche, éprouve des remords sincères et s’excuse auprès de la Gendarmerie royale du Canada.
  3. Il a un bon rendement.

[28]  À l’appui de la proposition conjointe de peine soumise par les parties, la RM a invoqué les pages 7 et 18 du Guide abrégé des mesures disciplinaires de la GRC ainsi que trois décisions d’arbitrage de la GRC :

  • Officier compétent de la Division C et gend. [C] (2000), 7 D.A. (3e) 144;
  • Officier compétent de la Division C et gend. [S] (2003), 19 D.A. (3e) 86;
  • Officier compétent de la Division E et m.c. [R] (2004), 23 D.A. (3e) 98.

[29]  La RM a aussi invoqué trois affaires concernant la grande importance qui doit être accordée aux propositions conjointes de mesures disciplinaires :

  • Rault v Law Society (Saskatchewan), 2009 SKCA 81;
  • R. v Anthony-Cook, 2016 CSC 43;
  • Officier compétent de la Division E et gend. [B] (2017), 17 D.A. (4e) 88 (Dc.)

[30]  Bien qu’il n’ait pas été disponible au moment de l’audience du membre visé par vidéoconférence et qu’il n’ait été émis que le 26 octobre 2017, j’adopte le critère de l’intérêt public que présentent les propositions conjointes de mesures disciplinaires tel qu’il est exposé dans l’affaire Commandant de la Division F et serg. [W], 2017 DARD 6, aux paragraphes 30 à 32, où il est invoqué l’affaire R. v Anthony-Cook, au paragraphe 34. Les propositions conjointes ne doivent pas déconsidérer l’administration de la justice ou être par ailleurs contraires à l’intérêt public. Pour être rejetée, une proposition conjointe doit être :

[…] [à] ce point dissociée des circonstances de [la contravention et du membre visé] que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que [le processus des audiences disciplinaires de la GRC] avait cessé de bien fonctionner.

[31]  Le RAD n’a soulevé aucun facteur aggravant puisqu’il considérait que la proposition conjointe des parties était raisonnable dans les circonstances et digne d’être acceptée, compte tenu du principe de retenue décrit dans la décision dans l’affaire R. v Anthony-Cook.

[32]  À l’appui de la proposition conjointe de peine, la RM a fait valoir que plusieurs facteurs atténuants devraient être acceptés par le comité de déontologie. Étant donné que ces argumentations appuyaient une proposition conjointe de peine, je ne les examinerai pas en détail. J’accepte les facteurs atténuants suivants : le fait que le membre visé ait accepté la responsabilité de ses actes et ait reconnu les faits qui lui étaient reprochés dans l’allégation ainsi que les économies que cela a permis de réaliser en vue du règlement de l’affaire; le fait que le membre visé ait déterminé le degré d’accessibilité du fichier concernant la gend. A parce que cette dernière était inquiète à ce sujet; le fait que la recherche effectuée par le membre visé dans le système PRIME n’ait mené à aucune donnée d’enquête et que le membre visé était déjà au courant que des enquêtes concernaient le mari de la gend. A; le caractère isolé des faits reprochés compte tenu du retrait de toutes les autres allégations; l’importante confiance dont le membre visé continue de jouir (y compris le soutien exprimé par un sous-officier et deux collègues dans les pièces M-3, M-4 et M-5); et finalement, un facteur atténuant auquel on a accordé une importance limitée, soit le fait que le membre visé soit compétent et offre un bon rendement.

[33]  Bien qu’ils aient été soumis en tant que facteurs atténuants, je souligne l’absence de certains facteurs aggravants : le membre visé n’a pas tenté de dissimuler son identité lorsqu’il a voulu déterminer l’accessibilité du dossier en question dans le système PRIME; l’information obtenue dans le cadre de sa recherche n’a pas été divulguée à un tiers et n’a pas servi à lui procurer un gain personnel; et l’écart de conduite n’a compromis aucune enquête.

CONCLUSION

[34]  M’appuyant sur la nature de l’écart de conduite du membre visé et des circonstances l’entourant, y compris les facteurs aggravants et atténuants, et estimant que la proposition conjointe des parties ne déconsidère pas l’administration de la justice ou n’est par ailleurs pas contraire à l’intérêt public, j’impose au membre visé les mesures disciplinaires suivantes : un avertissement (qui prend la forme de la présente décision écrite finale) et une confiscation de solde pour une période de deux jours (16 heures), conformément au paragraphe 5(g) des CC (déontologie).

[35]  Après avoir passé en revue l’ensemble de l’affaire, j’estime qu’il convient de faire certaines remarques directement au membre visé. Je souhaite insister sur le fait que, même si la confiscation de solde qui vous a été imposée est relativement faible, si vous deviez commettre un nouvel écart de conduite impliquant l’utilisation non autorisée d’une base de données ou d’un système de la GRC et une atteinte au respect de la vie privée, vous pourriez très bien vous voir imposer une peine beaucoup plus lourde. De plus, si quelqu’un devait affirmer que vous avez interagi de façon non appropriée avec la gend. A, tout écart de conduite établi de cette nature pourrait avoir de graves conséquences sur votre emploi à la GRC.

[36]  Bien que votre état de santé n’ait été mentionné par aucune des parties en lien avec la proposition conjointe de peine, je tiens à vous féliciter pour les efforts que vous avez déployés pour reprendre un style de vie sain, ce qui peut favoriser votre rendement professionnel, mais aussi apporter des avantages dans votre vie personnelle.

 

 

27 novembre 2017

John A. McKinlay

Comité de déontologie

 

 

 

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