Déontologie

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Résumé :

Le membre visé a nié sept allégations d’inconduite portant sur des réclamations de frais de repas faites par lui-même et des policiers sous sa supervision. Le Comité de déontologie a conclu que toutes les allégations sont établies et a imposé comme mesures disciplinaires un avertissement et une rétrogradation pour une période indéterminée au grade de gendarme.

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AUDIENCE DISCIPLINAIRE

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

Commandant de la Division C

Autorité disciplinaire

et

Caporal René Gervais, matricule 43620

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Surintendant Bernard Tremblay

Le 28 février 2018

Sergente d’état-major Caroline Drolet et Maître France Saint-Denis, pour l’autorité disciplinaire

Sergente d’état-major Brigitte Gauvin, pour le membre visé


 

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ 3

MOTIFS DE LA DÉCISION  4

INTRODUCTION  4

ALLÉGATIONS  4

ANALYSE  12

DÉCISION RELATIVE AUX ALLÉGATIONS  18

Allégation 1 – Réclamation inexacte de frais de repas par le membre visé  18

Allégation 2 – Directives non légitimes à son équipe  18

Allégation 3 – Recommandation du paiement des réclamations de son équipe  19

Allégation 4 – Directive à la gendarme C. L. de modifier sa réclamation  19

Allégation 5 – Fausse déclaration au sergent P. Q. à propos de sa propre réclamation  19

Allégation 6 – Fausse déclaration au sergent P. Q. à propos des réclamations de son équipe 20

Allégation 7 – Fausse déclaration au caporal P. P. à propos de ce que le membre visé a dit à la gendarme C. L.  20

MESURES DISCIPLINAIRES  21

CONCLUSION  25

 

RÉSUMÉ

Le membre visé a nié sept allégations d’inconduite portant sur des réclamations de frais de repas faites par lui-même et des policiers sous sa supervision. Le Comité de déontologie a conclu que toutes les allégations sont établies et a imposé comme mesures disciplinaires un avertissement et une rétrogradation pour une période indéterminée au grade de gendarme.


 

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

[1]  L’audience disciplinaire a été tenue en mai et en août 2017, à Montréal (Québec). J’ai conclu que les sept allégations de contravention au Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (Code de déontologie) étaient établies et j’ai imposé des mesures disciplinaires. Ces motifs reprennent, de façon plus détaillée, la décision rendue de vive voix à l’audience.

ALLÉGATIONS

[2]  L’avis d’audience disciplinaire du 21 novembre 2016 contient les sept allégations suivantes, toutes niées par le membre visé.

Allégation 1

Entre le 14 décembre 2015 et le 20 janvier 2016 inclusivement, à ou près de la ville de Dorval dans la province de Québec, le [membre visé] n’a pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités et de l’exercice de ses fonctions et du déroulement d’enquête en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie.

Précisions de la contravention:

1. Durant cette période, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division  « C », Section des Enquêtes Fédérales Aéroportuaires (SEFA) dans la province de Québec.

2. Votre lieu de travail assigné était au bureau de la SEFA situé au [adresse], dans la province de Québec.

3. Le 14 décembre 2015, vous étiez responsable et membre de l’équipe de surveillance dans un dossier confidentiel de trafic de drogue dont la résidence du sujet de surveillance est localisée à l’intérieur de 16 kilomètres de la SEFA.

4. Le 14 décembre 2015, durant la surveillance vous avez acheté vos repas du dîner et du souper dans des restaurants qui se situent sur la [adresse], dans la province de Québec. Ces restaurants se trouvent à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de votre lieu de travail assigné.

5. Le 14 décembre 2015, vous avez consommé ces repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de votre lieu de travail assigné.

6. Vous n’avez jamais fait la lecture Manuel de la gestion des finances de la GRC, Chap.9.8 - Directives sur les voyages (Directive sur les voyages).

7. Entre le 15 décembre 2015 et le 23 décembre 2015, vous avez reçu des directives verbales à deux reprises de votre superviseur, Caporal [P. P.], sur la façon de faire les réclamations de repas lors d’une surveillance suivant la Directive sur les voyages à l’effet que si vous vous trouviez à l’intérieur de la zone de 16 kilomètres, un reçu était nécessaire.

8. Entre le 14 décembre 2015 et le 6 janvier 2016, vous avez soumis une demande de réclamation pour ces repas au taux maximal prévu par la Directive sur les voyages pour des repas pris hors de la zone d’affectation de 16 kilomètres du lieu de travail.

9. Entre le 14 décembre 2015 et le 6 janvier 2016, pour supporter votre réclamation pour ces repas du 14 décembre 2015, vous avez indiqué sur le portail TEAM : « Dîner pris sur la filature (ext 16km) » et « Souper pris sur la route (ext 16km) ».

10. Vos notes du 20 janvier 2016 font mention que lors de la surveillance, l’équipe a fait des recherches afin de localiser le sujet à l’extérieur de la zone de 16 kilomètres et que vous auriez pris le repas du souper à ce moment-là.

11. Vous avez sciemment fourni des renseignements faux dans une demande de réclamation de repas en vue de faire un gain financier non mérité.

Allégation 2

Entre le 14 décembre 2015 et le 21 décembre 2015 inclusivement, à ou près de la ville de Dorval dans la province de Québec, le [membre visé] a donné des directives non légitimes en contravention au paragraphe 3.3 du Code de déontologie.

Précisions de la contravention:

1. Durant cette période, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division « C », Section des Enquêtes Fédérales Aéroportuaires (SEFA) dans la province de Québec.

2. Votre lieu de travail assigné était au bureau de la SEFA situé au [adresse], dans la province de Québec.

3. Le 14 décembre 2015, vous étiez responsable et membre de l’équipe de surveillance dans un dossier confidentiel de trafic de drogue dont la résidence du sujet de surveillance est localisée à l’intérieur de 16 kilomètres de la SEFA.

4. Vous étiez le superviseur des gendarmes [C. L.], [K. M.] et [F. M.], aussi membres de l’équipe de surveillance.

5. Vous saviez que le 14 décembre 2015, durant la surveillance les membres de l’équipe de surveillance ont acheté leurs repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de leur lieu de travail assigné.

6. Vous saviez que le 14 décembre 2015, durant la surveillance les membres de l’équipe de surveillance ont consommé ces repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de leur lieu de travail assigné.

7. Vous n’avez jamais fait la lecture Manuel de la gestion des finances de la GRC, Chap.9.8 - Directives sur les voyages (Directive sur les voyages).

8. Le ou vers le 15 décembre 2015, vous avez mentionné à tous les membres de l’équipe de surveillance du 14 décembre 2015 dont vous étiez responsable soit les gendarmes [C. L.], [F. M.], [K. M.], [J.-P. C.], [J. L.], [J. P.] et [É. P.] que leurs réclamations des repas pour la surveillance du 14 décembre 2015 devaient être toutes pareilles et faites au taux maximal prévu par la Directive sur les voyages pour des repas pris hors de la zone d’affectation de 16 kilomètres de leur lieu de travail assigné.

9. Dans les jours suivant le 14 décembre 2015, vous avez mentionné au gendarme [F. M.] de réclamer au taux maximal puisqu’il était sorti du 16 kilomètres et qu’il est plus simple de réclamer le montant maximal lors de surveillance.

10. Le 21 décembre 2015, vous avez mentionné au gendarme [J.-P. C.] qui vous questionnait sur la façon de faire sa réclamation des repas pour la surveillance du 14 décembre 2015 : « oui, [P. P.] nous a dit de faire ça .... [P. P.] nous back ». Vous étiez catégorique sur le fait que les réclamations devaient être faites au montant maximal.

11. Vos directives étaient contraires à la Directive sur les voyages et ne respectaient pas les valeurs d’honnêteté et d’intégrité de la Gendarmerie.

Allégation 3

Le ou vers le 6 et le 12 janvier 2016 inclusivement, à ou près de la ville de Dorval dans la province de Québec, le [membre visé] n’a pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, des agissements des membres sous sa supervision en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie.

Précisions de la contravention:

1. Durant cette période, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division « C », Section des Enquêtes Fédérales Aéroportuaires (SEFA) dans la province de Québec.

2. Votre lieu de travail assigné ainsi que celui des membres de l’équipe de surveillance était au bureau de la SEFA situé au [adresse], dans la province de Québec.

3. Le 14 décembre 2015, vous étiez responsable et membre de l’équipe de surveillance dans un dossier confidentiel de trafic de drogue dont la résidence du sujet de surveillance est localisée à l’intérieur de 16 kilomètres de la SEFA.

4. Vous étiez le superviseur des gendarmes [C. L.], [K. M.] et [F. M.], aussi membres de l’équipe de surveillance.

5. Vous saviez que le 14 décembre 2015, durant la surveillance les membres de l’équipe de surveillance ont acheté leurs repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de leur lieu de travail assigné.

6. Vous saviez que le 14 décembre 2015, durant la surveillance les membres de l’équipe de surveillance ont consommé ces repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de leur lieu de travail assigné.

7. Vous n’avez jamais fait la lecture Manuel de la gestion des finances de la GRC, Chap.9.8 - Directives sur les voyages (Directive sur les voyages).

8. Entre le 15 décembre 2015 et le 23 décembre 2015, vous avez reçu des directives verbales à deux reprises de votre superviseur, Caporal [P. P.], sur la façon de faire les réclamations des repas lors d’une surveillance suivant la Directive sur les voyages à l’effet que si vous vous trouviez à l’intérieur de la zone de 16 kilomètres, un reçu était nécessaire.

9. Vous avez recommandé pour paiement des demandes de réclamation pour des repas du dîner et du souper soumises sur le portail TEAM par le gendarmes [C. L.] et [F. M.] au taux maximal prévu pour des repas pris hors de la zone d’affectation 16 kilomètres de leur lieu de travail assigné.

10. Vous avez recommandé pour paiement des réclamations contenant de faux renseignements, qui ont induit en erreur sergent [P. Q.] et ne reflétaient pas de manière exacte et détaillée les agissements de ces membres sous votre supervision pour la surveillance du 14 décembre 2015.

Allégation 4

Entre le 14 décembre 2015 et le 6 janvier 2016 inclusivement, à ou près de la ville de Dorval dans la province de Québec, le [membre visé] a donné des directives non légitimes en contravention au paragraphe 3.3 du Code de déontologie.

Précisions de la contravention:

1. Durant cette période, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division « C », Section des Enquêtes Fédérales Aéroportuaires (SEFA) dans la province de Québec.

2. Votre lieu de travail assigné ainsi que celui de la gendarme [C. L.], membre de l’équipe de surveillance était au bureau de la SEFA situé au [adresse], dans la province de Québec.

3. Le 14 décembre 2015, vous étiez responsable et membre de l’équipe de surveillance dans un dossier confidentiel de trafic de drogue dont la résidence du sujet de surveillance est localisée à l’intérieur de 16 kilomètres de la SEFA.

4. Vous étiez le superviseur du gendarme [C. L.], aussi membre de l’équipe de surveillance.

5. Vous saviez que le 14 décembre 2015, durant la surveillance [C. L.] a acheté ses repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de son lieu de travail assigné.

6. Vous saviez que le 14 décembre 2015, durant la surveillance [C. L.] a consommé ses repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de son lieu de travail assigné.

7. Vous n’avez jamais fait la lecture Manuel de la gestion des finances de la GRC, Chap.9.8 - Directives sur les voyages (Directive sur les voyages).

8. Entre le 15 décembre 2015 et le 23 décembre 2015, vous avez reçu des directives verbales à deux reprises de votre superviseur, Caporal [P. P.], sur la façon de faire les réclamations des repas lors d’une surveillance suivant la Directive sur les voyages à l’effet que si vous vous trouviez à l’intérieur de la zone de 16 kilomètres, un reçu était nécessaire.

9. Vous avez demandé à la gendarme [C. L.] de changer sa réclamation des repas pour la surveillance du 14 décembre 2015 qu’elle avait soumise avec reçus pour des repas du dîner et du souper pris à l’intérieur de la zone d’affectation de 16 kilomètres de son lieu de travail assigné, et à présenter plutôt une demande de réclamation au taux maximal prévu par la Directive sur les voyages pour des repas pris hors de la zone de 16 kilomètres de son lieu de travail.

10. Votre directive était contraire à la Directive sur les voyages et ne respectait pas les valeurs d’honnêteté et d’intégrité de la Gendarmerie.

Allégation 5

Le ou vers le 6 janvier 2016 inclusivement, à ou près de la ville de Dorval dans la province de Québec, le [membre visé] n’a pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités et de l’exercice de ses fonctions et du déroulement d’enquête en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie.

Précisions de la contravention:

1. Durant cette période, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division « C », Section des Enquêtes Fédérales Aéroportuaires (SEFA) dans la province de Québec.

2. Votre lieu de travail assigné était au bureau de la SEFA situé au [adresse], dans la province de Québec.

3. Le 14 décembre 2015, vous étiez responsable et membre de l’équipe de surveillance dans un dossier confidentiel de trafic de drogue dont la résidence du sujet de surveillance est localisée à l’intérieur de 16 kilomètres de la SEFA.

4. Le 14 décembre 2015, durant la surveillance vous avez acheté vos repas du dîner et du souper dans des restaurants qui se situent sur la [adresse], dans la province de Québec. Ces restaurants se trouvent à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de votre lieu de travail assigné.

5. Le 14 décembre 2015, vous avez consommé ces repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de votre lieu de travail assigné.

6. Vous n’avez jamais fait la lecture Manuel de la gestion des finances de la GRC, Chap.9.8 - Directives sur les voyages (Directive sur les voyages).

7. Entre le 15 décembre 2015 et le 23 décembre 2015, vous avez reçu des directives verbales à deux reprises de votre superviseur, Caporal [P. P.], sur la façon de faire les réclamations de repas lors d’une surveillance suivant la Directive sur les voyages à l’effet que si vous vous trouviez à l’intérieur de la zone de 16 kilomètres, un reçu était nécessaire.

8. Entre le 14 décembre 2015 et le 6 janvier 2016, vous avez soumis une demande de réclamation pour ces repas au taux maximal prévu par la Directive sur les voyages pour des repas pris hors de la zone d’affectation de 16 kilomètres du lieu de travail.

9. Vous avez induit sergent [P. Q.] en erreur en lui disant, pour justifier votre demande de réclamation des repas pour la surveillance du 14 décembre 2015 au taux maximal prévu par la Directive sur les voyages pour des repas pris hors de la zone de 16 kilomètres de votre lieu de travail, que vous aviez tenté de retrouver le sujet de la filature hors de cette zone, alors que vous étiez revenu à l’intérieur de cette zone lorsque vous avez acheté et consommé vos repas.

Allégation 6

Le ou vers le 20 janvier 2016, à ou près de la ville de Dorval dans la province de Québec, le [membre visé] n’a pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités et de l’exercice de ses fonctions et du déroulement d’enquête en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie.

Précisions de la contravention:

1. Durant cette période, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division « C », Section des Enquêtes Fédérales Aéroportuaires (SEFA) dans la province de Québec.

2. Votre lieu de travail assigné ainsi que celui des membres de l’équipe de surveillance était au bureau de la SEFA situé au [adresse], dans la province de Québec.

3. Le 14 décembre 2015, vous étiez responsable et membre de l’équipe de surveillance dans un dossier confidentiel de trafic de drogue dont la résidence du sujet de surveillance est localisée à l’intérieur de 16 kilomètres de la SEFA.

4. Vous étiez le superviseur des gendarmes [C. L.], [K. M.] et [F. M.], aussi membre de l’équipe de surveillance.

5. Vous saviez que le 14 décembre 2015, durant la surveillance les membres de l’équipe de surveillance ont acheté leurs repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de leur lieu de travail assigné.

6. Vous saviez que le 14 décembre 2015, durant la surveillance les membres de l’équipe de surveillance ont consommé ces repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de leur lieu de travail assigné.

7. Vous n’avez jamais fait la lecture Manuel de la gestion des finances de la GRC, Chap.9.8 - Directives sur les voyages (Directive sur les voyages).

8. Le ou vers le 15 décembre 2015, vous avez mentionné à tous les membres de l’équipe de surveillance du 14 décembre 2015 dont vous étiez responsable soit les gendarmes [C. L.], [F. M.], [K. M.], [J.-P. C.], [J. L.], [J. P.] et [É. P.] que leurs réclamations des repas pour la surveillance du 14 décembre 2015 devaient être toutes pareilles et faites au taux maximal prévu par la Directive sur les voyages pour des repas pris hors de la zone d’affectation de 16 kilomètres de leur lieu de travail assigné.

9. Dans les jours suivant le 14 décembre 2015, vous avez mentionné au gendarme [F. M.] de réclamer au taux maximal puisqu’il était sorti du 16 kilomètres et qu’il est plus simple de réclamer le montant maximal lors de surveillance.

10. Le 21 décembre 2015, vous avez mentionné au gendarme [J.-P. C.] qui vous questionnait sur la façon de faire sa réclamation des repas pour la surveillance du 14 décembre 2015 : « oui, [P. P.] nous a dit de faire ça .... [P. P.] nous back ». Vous étiez catégorique sur le fait que les réclamations devaient être faites au montant maximal.

11. Le ou vers le 20 janvier 2016, vous avez mentionné au sergent [P. Q.] que vous n’aviez rien à voir avec les demandes de réclamation soumises par des membres sous votre supervision au taux maximal prévu par la Directive sur les Voyages pour des repas pris hors de la zone de 16 kilomètres de leur lieu de travail assigné, alors que ces membres ne se trouvaient pas hors de cette zone lorsqu’ils ont acheté et consommé ces repas.

Allégation 7

Le ou vers le 20 janvier 2016 inclusivement, à ou près de la ville de Dorval dans la province de Québec, le [membre visé] n’a pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités et de l’exercice de ses fonctions et du déroulement d’enquête en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie.

Précisions de la contravention:

1. Durant cette période, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division « C », Section des Enquêtes Fédérales Aéroportuaires (SEFA) dans la province de Québec.

2. Votre lieu de travail assigné ainsi que celui de la gendarme [C. L.], membre de l’équipe de surveillance était au bureau de la SEFA situé au [adresse], dans la province de Québec.

3. Le 14 décembre 2015, vous étiez responsable et membre de l’équipe de surveillance dans un dossier confidentiel de trafic de drogue dont la résidence du sujet de surveillance est localisée à l’intérieur de 16 kilomètres de la SEFA.

4. Vous étiez le superviseur du gendarme [C. L.], aussi membre de l’équipe de surveillance.

5. Vous saviez que le 14 décembre 2015, durant la surveillance [C. L.] a acheté ses repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de son lieu de travail assigné.

6. Vous saviez que le 14 décembre 2015, durant la surveillance [C. L.] a consommé ses repas du dîner et du souper à l’intérieur de la zone d’affectation qui s’étend sur 16 kilomètres de son lieu de travail assigné.

7. Vous n’avez jamais fait la lecture Manuel de la gestion des finances de la GRC, Chap.9.8 - Directives sur les voyages (Directive sur les voyages).

8. Au début janvier 2016, vous avez affirmé au gendarme [C. L.] que le caporal [P. P.] aurait autorisé la façon de procéder pour les réclamations de repas au taux maximal pour la surveillance du 14 décembre 2015.

9. Le ou vers le 20 janvier 2016, vous avez mentionné au caporal [P. P.] que vous n’aviez jamais dit au gendarme [C. L.] que le caporal [P. P.] avait autorisé les réclamations au taux maximum pour des repas pris durant une filature, sans égard au fait que ces repas aient été pris à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone de 16 kilomètres du lieu de travail.

[Cité textuellement]

[3]  Comme prévu dans la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10 [Loi sur la GRC] et les Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, tout le matériel pertinent à cette affaire, incluant la réponse du membre visé, m’a été transmis avant le début de l’audience. De plus, dix membres de la GRC, incluant le membre visé, ont témoigné à l’audience.

ANALYSE

[4]  Le Manuel de la gestion des finances de la GRC, Chapitre 9.8 « Directive sur les voyages » (la Directive sur les voyages), prévoit que lorsqu’un membre voyage dans sa zone d’affectation, c’est-à-dire à l’intérieur de 16 kilomètres (km) de son lieu de travail, ses frais de repas, appuyés de reçus, peuvent être remboursés. Il y est aussi prévu qu’un membre qui voyage hors de sa zone d’affectation, donc à plus de 16 km, a droit au remboursement de ses frais de repas selon un taux fixe, sans avoir à présenter de reçus.

[5]  À titre d’exemple, si un membre qui se trouve à l’intérieur de la zone de 16 km prend un repas du souper qui lui coûte 9,00 $, il devra présenter un reçu afin réclamer un remboursement de 9,00 $. Par contre, si ce membre se trouve à l’extérieur de la zone de 16 km lorsqu’il prend son souper à 9,00 $, il pourra réclamer un remboursement au taux fixe de 47,35 $.

[6]  En décembre 2015 et janvier 2016, le membre visé était affecté à la SEFA de la Division C. Il était responsable et membre d’une équipe de surveillance dans une enquête où le sujet de la surveillance demeurait à moins de 16 km du lieu de travail de l’équipe.

[7]  À cette époque, le membre visé n’avait jamais lu la Directive sur les voyages, mais il avait plusieurs années d’expérience au niveau de la filature. Selon la pratique à laquelle il avait été habitué, les frais de repas étaient réclamés et payés au taux maximal sans reçus, même lorsque les membres ne sortaient que brièvement de la zone d’affectation et revenaient ensuite acheter et consommer leur repas à l’intérieur de la zone.

[8]  Le 14 décembre 2015, alors qu’il faisait de la surveillance avec son équipe, le membre visé est demeuré à l’intérieur du rayon de 16 km jusqu’au dîner, qu’il a pris à l’intérieur de cette zone. En fin d’après-midi, il s’est rendu brièvement à l’extérieur du périmètre de 16 km alors qu’il tentait de retrouver la personne visée par la filature. Il est ensuite retourné à l’intérieur du 16 km, où il a acheté et consommé son souper.

[9]  Le membre visé savait que les membres de l’équipe de surveillance avaient acheté et consommé leurs repas du dîner et du souper à l’intérieur du périmètre de 16 km.

[10]  Le lendemain, lors d’une réunion d’équipe à propos de la surveillance du 14 décembre, des membres de l’équipe se demandaient s’ils devaient réclamer leurs frais de repas selon le coût réel ou selon le taux fixe. Le membre visé leur a dit qu’ils devaient tous faire les mêmes réclamations de repas, car, selon son expérience, il est souvent difficile lors d’une filature de déterminer qui est dans le 16 km et qui ne l’est pas, ce qui rend le tout difficile à gérer. Il a dit que les membres de l’équipe doivent réclamer les repas à plus de 16 km, au plein tarif, dès qu’ils sortent du stationnement de l’aéroport.

[11]  Le membre visé a présumé que tous les membres de l’équipe de filature du 14 décembre étaient sortis du 16 km; ainsi, il leur a dit que leurs réclamations devaient se faire au taux maximal.

[12]  Voyant que certains membres doutaient de son interprétation de la Directive sur les voyages, le membre visé a demandé au caporal P. P., le sous-officier responsable par intérim de la SEFA, de lui expliquer de façon générale la règle des 16 km pour la surveillance. Le membre visé insistait sur le fait qu’un membre pouvait réclamer ses frais de repas au taux maximal dès qu’il fait de la surveillance, peu importe qu’il soit sorti ou non du périmètre de 16 km. Le caporal P. P. lui a répondu que la réclamation d’un repas à l’intérieur du 16 km doit être appuyée d’un reçu, alors que la réclamation d’un repas à l’extérieur du 16 km se fait sans reçus. Le membre visé a dit que c’est difficile à gérer de cette façon et que ce n’était pas ainsi dans une enquête précédente.

[13]  Le caporal P. P. est allé en discuter avec le sergent P. Q., qui était le responsable de l’enquête précédente. Il est ensuite revenu dire au membre visé que, selon le sergent P. Q., les repas pris à l’intérieur du 16 km lors de surveillance n’avaient pas été remboursés au taux maximal dans l’enquête précédente.

[14]  Après cette conversation, le membre visé a dit à son équipe que toutes leurs réclamations devaient être semblables et faites au taux maximal.

[15]  La gendarme C. L. avait préparé une réclamation pour le coût réel de ses repas et y avait joint les reçus. Le membre visé lui a dit d’enlever les reçus et de refaire sa réclamation au taux maximal, car il fallait que les réclamations de l’équipe soient uniformes. Il lui a dit qu’il avait parlé au caporal P. P. et que celui-ci était d’accord. La gendarme C. L. était réticente, mais elle a préparé une nouvelle réclamation au taux maximal, sans reçus.

[16]  Le gendarme É. P. a entendu le membre visé dire aux gendarmes C. L. et F. M. qu’il avait parlé avec le caporal P. P. et que si un membre n’est pas physiquement à l’aéroport, il peut réclamer le plein tarif, sans reçus. Alors que le membre visé quittait le bureau, le gendarme É. P. lui a demandé de confirmer ce qu’il venait de dire. Le membre visé lui a répété la même chose. Le gendarme É. P. ne comprenait pas pourquoi le caporal P. P. aurait dit au membre visé d’agir à l’encontre des politiques. Le gendarme É. P., malgré la consigne du membre visé, a réclamé le remboursement du coût réel de ses repas du 14 décembre, car il savait qu’il n’était pas sorti du périmètre de 16 km.

[17]  Le gendarme J.-P. C. a pris son souper du 14 décembre à l’intérieur du périmètre de 16 km et il a gardé son reçu. Selon sa compréhension de la Directive sur les voyages, il devait réclamer le coût réel de son repas. Le 21 décembre 2015, le gendarme J.-P. C. était mal à l’aise, car il ne voulait pas aller à l’encontre de la consigne du membre visé. Il est allé lui en parler. Le membre visé lui a dit de demander un remboursement au taux maximal, car les réclamations de l’équipe devaient être uniformes. Le gendarme J.-P. C. lui a demandé s’il était certain qu’il devait réclamer au taux maximal et le membre visé lui a répondu que oui, que c’était réglé, car il en avait parlé avec le caporal P. P. et que celui-ci les appuyait. Le gendarme J.-P. C. a suivi la consigne et il a réclamé le taux maximal.

[18]  Le 29 décembre 2015, le membre visé a fait sa propre demande de remboursement de ses frais de repas du dîner et du souper du 14 décembre. Il a réclamé le taux maximal sans reçus en indiquant que ces repas avaient été pris sur la route, lors de la filature à l’extérieur du périmètre de 16 km. Selon le membre visé, sa réclamation du dîner au taux fixe n’était qu’une erreur de « copier- coller ». Ceci n’est pas crédible, car il avait insisté auprès du caporal P. P. que les repas devaient toujours être remboursés au taux maximal lors de la surveillance et il a aussi dit aux gendarmes J.-P. C., C. L. et É. P. que les repas sont remboursés au taux maximal dès qu’un membre quitte l’aéroport.

[19]  Lorsque le membre visé, en tant que superviseur, a reçu les réclamations des membres au taux maximal, il a recommandé qu’elles soient payées. Le système électronique a ensuite fait parvenir ces réclamations au sergent P. Q., qui avait l’autorité requise pour approuver ou refuser les remboursements.

[20]  Le 4 janvier 2016, alors qu’il révisait les réclamations de frais de repas pour la surveillance du 14 décembre, le sergent P. Q. a remarqué une divergence importante à propos des réclamations de deux membres qui étaient dans la même voiture : l’un réclamait le coût réel avec reçus dans les 16 km, alors que l’autre réclamait le taux maximal sans reçus à plus de 16 km.

[21]  Le 6 janvier 2016, le sergent P. Q. a demandé des explications au membre visé, qui lui a dit que l’équipe avait perdu de vue le sujet de la surveillance vers 17 h 20 et qu’ils avaient ensuite tenté de le retrouver à l’extérieur du périmètre de 16 km. Ceci est corroboré par le gendarme K. M., qui croit être sorti du 16 km en cherchant le sujet. Le sergent P. Q., qui doutait de la véracité de l’explication du membre visé, a approuvé la réclamation, mais il a continué son enquête.

[22]  Le 19 janvier 2016, lors d’une réunion, le sergent P. Q. a dit aux membres de l’équipe de surveillance qu’il avait des doutes quant aux demandes de remboursement des repas du 14 décembre. Il leur a rappelé qu’ils doivent fournir un reçu pour les repas pris dans les 16 km et qu’ils doivent respecter les règles.

[23]  Le 20 janvier 2016, la gendarme C. L. a rencontré le caporal P. P.. Elle l’a informé que le membre visé avait dit que toutes les réclamations de repas pour la surveillance du 14 décembre devaient être pareilles et faites au taux maximal et que, selon le membre visé, le caporal P. P. approuvait cette façon de faire.

[24]  Le caporal P. P. a ensuite rencontré le membre visé et lui a demandé des explications. Lors de cette discussion, le membre visé a dit qu’il n’avait jamais dit une telle chose à la gendarme C. L. Il a ajouté qu’il se souvenait de sa discussion de décembre avec le caporal P. P. et qu’il se souvenait que les réclamations pour les repas pris dans les 16 km doivent être appuyées d’un reçu, alors que les reçus ne sont pas requis pour les repas pris hors du 16 km.

[25]  Plus tard le 20 janvier 2016, le membre visé et le sergent P. Q. ont discuté des réclamations de repas faites par l’équipe. Le membre visé a dit qu’il n’avait rien à voir avec le fait que certains membres avaient modifié leurs réclamations de frais de repas. Il a dit connaître la politique par coeur, que dans le 16 km il faut un reçu et qu’à l’extérieur du 16 km ça ne prend pas de reçu, et il est sorti en coup de vent.

[26]  La crédibilité du membre visé est faible. Il affirme qu’il ne serait jamais allé à l’encontre des directives du caporal P. P. et il nie avoir dit aux membres sous sa supervision que les réclamations de repas lors de surveillance doivent être faites au taux maximal dès que les membres quittent l’aéroport. Il dit que les informations inexactes de sa réclamation de repas et sa recommandation des repas de dîner au taux maximal étaient des erreurs de bonne foi.

[27]  S’il est vrai qu’il croyait bien appliquer ce que le caporal P. P. lui avait dit, il aurait admis avoir dit à la gendarme C. L. de changer sa réclamation et il aurait expliqué au caporal P. P. pourquoi il lui a demandé de le faire. C’est en toute connaissance de cause qu’il a fait la fausse réclamation et qu’il a recommandé les réclamations inexactes des membres sous sa supervision. Je ne crois pas son explication selon laquelle c’était une simple erreur. Il avait insisté auprès du caporal P. P., le 15 décembre, sur le fait que les réclamations devraient toutes être au taux fixe. Lorsque le caporal P. P. lui a dit que les réclamations devaient être conformes aux politiques, le membre visé a dit au caporal P. P. qu’il comprenait, mais il a quand même fait à sa tête. Ensuite, lorsqu’il s’est fait découvrir, il a menti pour éviter des représailles. Aux enquêteurs et à l’audience, il a dit ne plus se souvenir avoir dit qu’il n’avait rien à voir avec le fait que des membres avaient modifié leurs demandes de remboursement pour les faire au taux fixe.

[28]  Considérant le témoignage des autres membres, dont les gendarmes C. L., J.-P. C. et É P., ainsi que du caporal P. P. et du sergent P. Q., j’accorde peu de valeur à la preuve offerte par le membre visé.

DÉCISION RELATIVE AUX ALLÉGATIONS

[29]  Compte tenu des aveux du membre visé et des faits que j’ai retenus, l’identité du membre et les actes constitutifs de l’inconduite alléguée ont été établis selon la prépondérance des probabilités pour les sept allégations.

Allégation 1 – Réclamation inexacte de frais de repas par le membre visé

[30]  L’autorité disciplinaire a prouvé les précisions de l’Allégation 1, sauf la 11e selon laquelle il recherchait un gain financier non mérité.

[31]  Conformément à ce qui est allégué, la preuve a démontré que le membre visé a contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie. Il savait qu’il devait réclamer le remboursement de ses frais réels, car le caporal P. P. lui avait dit que l’ancienne façon de faire n’était pas permise. Malgré cela, le membre visé a faussement indiqué dans sa réclamation qu’il avait pris ses repas à l’extérieur de la zone de 16 km et il a réclamé le taux fixe.

[32]  L’Allégation 1 est établie.

Allégation 2 – Directives non légitimes à son équipe

[33]  L’autorité disciplinaire a prouvé les précisions de l’Allégation 2.

[34]  Conformément à ce qui est allégué, la preuve a démontré que le membre visé a contrevenu à l’article 3.3 du Code de déontologie. Il savait que les membres devaient réclamer le remboursement de leurs frais réels pour les repas pris dans la zone de 16 km, car le caporal P. P. lui avait dit que l’ancienne façon de faire n’était pas permise. Malgré cela, le membre visé a dit aux membres de son équipe qu’ils devaient tous faire leurs réclamations au taux fixe sans reçus.

[35]  L’Allégation 2 est établie.

Allégation 3 – Recommandation du paiement des réclamations de son équipe

[36]  L’autorité disciplinaire a prouvé les précisions de l’Allégation 3.

[37]  Conformément à ce qui est allégué, la preuve a démontré que le membre visé a contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie. Il savait que les membres devaient réclamer le remboursement de leurs frais réels pour les repas pris dans la zone de 16 km. Malgré cela, le membre visé a recommandé que les réclamations faites au taux fixe soient approuvées par son supérieur. Ce dernier a été induit en erreur par le membre visé.

[38]  L’Allégation 3 est établie.

Allégation 4 – Directive à la gendarme C. L. de modifier sa réclamation

[39]  L’autorité disciplinaire a prouvé les précisions de l’Allégation 4.

[40]  Conformément à ce qui est allégué, la preuve a démontré que le membre visé a contrevenu à l’article 3.3 du Code de déontologie. Il savait que les membres devaient réclamer le remboursement de leurs frais réels pour les repas pris dans la zone de 16 km. Lorsqu’il a vu que la gendarme C. L. avait réclamé ses repas au taux réel avec reçus à l’appui, il lui a dit de retirer les reçus et de refaire sa réclamation au taux fixe.

[41]  L’Allégation 4 est établie.

Allégation 5 – Fausse déclaration au sergent P. Q. à propos de sa propre réclamation

[42]  L’autorité disciplinaire a prouvé les précisions de l’Allégation 5.

[43]  Conformément à ce qui est allégué, la preuve a démontré que le membre visé a contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie. Il savait qu’il devait réclamer le remboursement de ses frais réels pour les repas pris dans la zone de 16 km. Malgré cela, il a réclamé le taux maximal sans reçus en indiquant que son dîner et son souper avaient été pris sur la route, lors de la filature à l’extérieur du 16 km. Lorsque le sergent P. Q. lui a parlé de cette réclamation, le membre visé lui a dit qu’il réclamait le taux fixe, car il était en dehors du 16 km.

[44]  Le membre visé a dit plus tard que sa réclamation du dîner était simplement une erreur de « copier-coller », mais considérant qu’il a dit au gendarme É. P. qu’il faut réclamer le maximum dès qu’il quitte l’aéroport, cette explication n’est pas crédible.

[45]  L’Allégation 5 est établie.

Allégation 6 – Fausse déclaration au sergent P. Q. à propos des réclamations de son équipe

[46]  L’autorité disciplinaire a prouvé les précisions de l’Allégation 6.

[47]  Conformément à ce qui est allégué, la preuve a démontré que le membre visé a contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie. Il a dit aux membres de son équipe de réclamer le remboursement de leurs frais au taux fixe, peu importe la règle du 16 km. Lorsque le sergent P. Q. lui a parlé de ces réclamations, le membre visé a dit qu’il n’avait rien à voir avec le fait que certains membres de l’équipe, qui n’avaient pas quitté les 16 km, avaient quand même réclamé le remboursement de leurs repas au taux fixe. Pour les raisons que j’ai données précédemment, je ne crois pas l’explication du membre visé.

[48]  L’Allégation 6 est établie.

Allégation 7 – Fausse déclaration au caporal P. P. à propos de ce que le membre visé a dit à la gendarme C. L.

[49]  L’autorité disciplinaire a prouvé les précisions de l’Allégation 7.

[50]  Conformément à ce qui est allégué, la preuve a démontré que le membre visé a contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie. Il savait que les membres devaient réclamer le remboursement de leurs frais réels pour les repas pris dans la zone de 16 km, car le caporal P. P. lui avait dit que l’ancienne façon de faire n’était pas permise. Malgré cela, il a dit à la gendarme C. L. que le caporal P. P. avait autorisé les réclamations au taux fixe, même pour les repas pris à l’intérieur du 16 km. Lorsque le caporal P. P. a confronté le membre visé, celui-ci a nié avoir dit cela à la gendarme C. L. Encore une fois, je ne crois pas l’explication du membre visé.

[51]  L’Allégation 7 est établie.

[52]  Comme la conduite du membre visé était étroitement liée à ses devoirs et fonctions en tant que membre de la GRC, l’imposition de mesures disciplinaires est justifiée.

MESURES DISCIPLINAIRES

[53]  L’autorité disciplinaire a demandé que le membre visé soit congédié ou qu’il lui soit ordonné de quitter la GRC dans les 14 jours. De son côté, le membre visé a demandé un avertissement et une pénalité financière de 25 jours de salaire.

[54]  La représentante du membre a présenté des lettres d’appui, des lettres d’un psychologue et des évaluations de rendement du membre visé.

[55]  Il est question ici de l’honnêteté et de l’intégrité d’un policier. Compte tenu des circonstances, de la jurisprudence et des nombreuses décisions disciplinaires de la GRC citées par les parties, ainsi que du Guide des mesures disciplinaires, les mesures disciplinaires appropriées peuvent aller jusqu’au congédiement.

[56]  Certains facteurs aggravants appuient l’imposition de mesures disciplinaires sévères :

  • Les actions malhonnêtes du membre visé étaient délibérées. N’étant pas d’accord avec les directives qu’il venait de recevoir du caporal P. P., il a décidé de les ignorer et de faire à sa guise.
  • Le membre visé est un superviseur qui détient le grade de caporal. Il était responsable de l’équipe de filature.
  • Le membre visé a menti aux membres de l’équipe de filature. L’intégrité de certains d’entre eux a ensuite été remise en question parce qu’ils ont suivi ses directives.
  • Le membre visé a un antécédent disciplinaire récent. À son affectation précédente, il a eu un comportement harcelant envers un gendarme et il a critiqué ouvertement ses collègues et supérieurs. Comme mesure disciplinaire, il s’est fait conseiller de suivre une formation spéciale et on a recommandé qu’il soit muté à un autre poste. La décision de lui imposer ces mesures lui a été signifiée seulement neuf mois avant les incidents dont il est présentement question.
  • En raison de l’arrêt R. c McNeil, [2009] 1 RCS 66, 2009 CSC 3 (CanLII) de la Cour suprême du Canada, le comportement malhonnête du membre visé pourra dorénavant être divulgué s’il est impliqué dans une enquête, ce qui limite grandement les postes auxquels la Division C voudra le muter dans le futur.

[57]  Il y a aussi quelques facteurs atténuants :

  • Il s’agit d’un seul incident du genre en plus de 23 ans de service (en 2015) avec la GRC.
  • Les évaluations de rendement du membre visé sont très positives. En 2015-2016, le caporal P. P. l’a décrit comme étant un membre intègre à qui l’on peut faire confiance. En 2014-2015, le sergent P. Q. l’a décrit comme un membre qui a une attitude positive, sur lequel on peut compter, qui a l’estime de ses collègues et qui est un atout pour la SEFA. Pour la période de 2005-2008, on dit que sa persévérance et son intégrité font de lui un modèle pour la GRC.
  • Plusieurs lettres de recommandation écrites par des superviseurs et collègues du membre visé le décrivent aussi de façon très positive.
  • Le premier rapport de son psychologue, sans date, indique qu’il éprouvait un niveau élevé de stress et qu’il paraissait être en grande souffrance psychologique en raison d’allégations de harcèlement portées contre lui en 2013. Le deuxième rapport, du 18 décembre 2016, mentionne qu’il faisait également face à des mesures disciplinaires et que le stress de sa situation professionnelle continuait à menacer sa santé mentale. Ces rapports ont une valeur limitée, car il n’y a pas de diagnostic ni de lien établi entre le stress qu’il vivait et les incidents déontologiques. De plus, le curriculum vitae du psychologue n’a pas été présenté.
  • Le membre visé s’est adressé au Comité de déontologie. Il a reconnu son inconduite et s’est excusé d’avoir jeté le discrédit sur la GRC. Il a dit être fier d’être membre de la Gendarmerie et avoir hâte de retourner au travail. Il s’est dit encore passionné et dévoué et il a demandé que le Comité de déontologie lui donne la chance de terminer sa carrière avec honneur et dignité.
  • Il y a aussi la façon de faire les réclamations de frais de repas dans le passé, dont je vais parler plus tard.

[58]  Conformément à l’alinéa 36.2(e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions et, s’il y a lieu, elles doivent être éducatives et correctives plutôt que punitives.

[59]  Les membres de la GRC doivent pouvoir se fier à leurs supérieurs et les supérieurs doivent pouvoir se fier à la parole des membres à leur charge. Le membre visé a failli à ces deux niveaux. Premièrement, envers les membres de son équipe de surveillance lorsqu’il leur a dit que son supérieur les autorisait à réclamer des frais de repas auxquels ils n’avaient pas droit. Deuxièmement, envers ses supérieurs lorsqu’il a fait sa propre réclamation inexacte de frais de repas, lorsqu’il a recommandé que les réclamations inexactes des autres membres soient approuvées et lorsqu’il leur a menti en leur disant qu’il n’avait pas dit à des membres de modifier leurs réclamations de frais de repas pour réclamer un montant plus élevé.

[60]  Je note la pratique antérieure décrite par le gendarme K. M. et les sergents d’état-major R. G. et C. K. Au cours d’enquêtes précédentes, puisque les policiers faisant de la filature se retrouvaient régulièrement à l’extérieur du 16 km, leurs gestionnaires avaient décidé que les réclamations seraient toujours autorisées au taux fixe. Par contre, le membre visé a été informé que cette pratique n’était pas permise à son nouveau poste. Malgré cela, il a choisi d’ignorer la directive de ses supérieurs. De plus, il leur a menti lorsqu’ils l’ont questionné à propos des réclamations de frais de repas des membres de son équipe.

[61]  Le membre visé a manqué d’honnêteté et d’intégrité. La représentante du membre a référé à de nombreuses décisions disciplinaires de la GRC où, malgré un tel manque, les membres ont pu garder leur emploi. Comme l’a affirmé le Comité externe d’examen de la GRC dans l’affaire Cormier (CEE, C-2016-005, paragraphe 157), le congédiement est justifié lorsque l’inconduite d’un policier démontre qu’il ne pourra être réhabilité et qu’il n’est plus apte à remplir ses fonctions.

[62]  En l’espèce, les évaluations de rendement du membre visé et les lettres de recommandation sont des facteurs importants. De plus, malgré l’avantage monétaire évident, je ne suis pas convaincu que c’est cet aspect qui l’a motivé à dire à ses membres qu’ils devaient tous faire leurs réclamations de la même façon, au taux maximal. Il a agi ainsi, car les réclamations sont plus faciles à gérer lorsqu’il n’a pas à soumettre de reçus pour ses propres réclamations, ni à vérifier les reçus des autres avant de recommander que leurs réclamations soient approuvées. Il n’y a aucune preuve qu’il aurait dit à quiconque qu’ils devaient tous réclamer la même chose dans le but de réclamer des montants plus élevés. Il ne s’agit pas d’un cas de collusion pour s’enrichir injustement. Je note également que son inconduite porte sur des affaires administratives et internes à la GRC.

[63]  Les nombreuses années de bon service du membre visé au sein de la GRC et le contexte particulier de la façon dont les réclamations de frais de repas étaient faites dans le passé font pencher la balance en sa faveur et lui permettent d’éviter un ordre de démissionner.

[64]  Par contre, son inconduite demeure sérieuse. Sa gestion cavalière des fonds publics et le manque de responsabilisation dont il a fait preuve en niant avoir dit à certains membres de son équipe de modifier leurs réclamations affectent grandement sa capacité d’agir comme superviseur. La rétrogradation, qui fait partie de l’éventail des mesures disciplinaires possibles, est une mesure sévère qui reflète la gravité de l’inconduite tout en permettant au membre visé de poursuivre sa carrière à la GRC. Elle aura un effet dissuasif sur le membre visé et sur tout autre membre qui pourrait être tenté d’agir de façon semblable.

CONCLUSION

[65]  Ayant pris en considération la nature de l’inconduite, les facteurs atténuants et aggravants, la jurisprudence et le Guide des mesures disciplinaires, j’ai imposé au membre visé, pour les sept allégations, les mesures disciplinaires globales suivantes :

  • un avertissement;
  • une rétrogradation immédiate et indéterminée au grade de gendarme.

[66]  Les parties peuvent faire appel de cette décision devant le commissaire en déposant un mémoire d’appel dans les 14 jours suivant la signification de la décision au membre visé (article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289).

 

 

Le 28 février 2018

Bernard Tremblay, surintendant

Le Comité de déontologie

 

Date

 

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