Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le membre visé a nié une allégation de conduite déshonorante pour avoir fait un commentaire à connotation sexuelle et posé des gestes inappropriés envers une membre de la Gendarmerie royale du Canada. Il a aussi nié une allégation pour manque de respect et de courtoisie en se livrant à un comportement discriminatoire et harcelant en milieu de travail. Le Comité de déontologie a conclu que les deux allégations n’étaient pas établies selon la prépondérance des probabilités et, par conséquent, aucune mesure disciplinaire n’a été imposée.

Contenu de la décision

Protégé A

2018 DARD 9

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AUDIENCE DISCIPLINAIRE

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

Commandant de la Division nationale

Autorité disciplinaire

et

Gendarme Steve Morrison, matricule 59150

Membre visé

Décision du Comité de déontologie (corrigée)

Madame Josée Thibault, presidente

Inspecteur James Knopp, membre du comité

Inspecteur Al Ramey, membre du comité

Le 31 mai 2018

Sergent d’état-major Jonathan Hart et Maître Spiro Hadjis, pour l’autorité disciplinaire

Maître Sabine Georges, pour le membre visé


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION  4

ALLÉGATIONS  4

ANALYSE  7

Crédibilité  8

DÉCISION RELATIVE AUX ALLÉGATIONS  9

Allégation 1 – Commentaire à connotation sexuelle et gestes inappropriés  9

Allégation 2 – Comportement discriminatoire ou harcelant  13

CONCLUSION  15

 

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION

Le membre visé a nié une allégation de conduite déshonorante pour avoir fait un commentaire à connotation sexuelle et posé des gestes inappropriés envers une membre de la Gendarmerie royale du Canada. Il a aussi nié une allégation pour manque de respect et de courtoisie en se livrant à un comportement discriminatoire et harcelant en milieu de travail. Le Comité de déontologie a conclu que les deux allégations n’étaient pas établies selon la prépondérance des probabilités et, par conséquent, aucune mesure disciplinaire n’a été imposée.


MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

[1]  L’audience disciplinaire a été tenue en mars 2018, à Ottawa (Ontario). Le Comité a conclu que les deux allégations de contravention au Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (Code de déontologie) ne sont pas établies. Ces motifs reprennent, de façon plus détaillée, la décision rendue de vive voix à l’audience.

ALLÉGATIONS

[2]  L’avis d’audience disciplinaire du 21 juin 2017 contient les deux allégations suivantes, toutes niées par le membre visé.

Allégation 1

Les ou entre les 6 août 2016 et 7 août 2016, à Ottawa, dans la province de l’Ontario, ou dans les environs, le [membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncés détaillés de l’allégation :

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada affecté au Service de protection parlementaire (« SPP »), à la Division nationale.

2. Vous étiez de service et deviez effectuer le quart de nuit du samedi à 19 h au dimanche à 6 h avec la gend. [X], qui était aussi affectée au SPP. La gend. [X] et vous étiez affectés ensemble dans un véhicule de police banalisé.

3. À un certain moment pendant le quart de travail, la gend. [X] a posé sa main sur l’ordinateur portable du véhicule, à la suite de quoi vous avez posé votre main sur la sienne. Vous avez sciemment laissé votre main sur celle de la gend. [X] suffisamment longtemps pour qu’elle soit mal à l’aise.

4. Après un entraînement, la gend. [X] et vous étiez à nouveau seuls dans le véhicule de police et la gend. [X] étant assise sur le siège du passager. Vous avez fait un commentaire à connotation sexuelle lorsque vous avez dit à la gend. [X] que vous croyiez que vous arriveriez à glisser votre main sous son gilet pare-balles. Vous avez ensuite tenté de glisser votre main sous le gilet pare- balles et la blouse de l’uniforme de la gend. [X] dans le but de la toucher physiquement. La gend. [X] vous a demandé verbalement d’arrêter votre geste non désiré, mais vous avez persisté et continué à pousser votre main vers sa poitrine. La gend. [X] a été forcée de repousser physiquement votre main tout en vous répétant d’arrêter.

5. Plus tard, la gend. [X] et vous avez changé de place (du siège du conducteur à celui du passager, et vice versa). Vous avez tenté de tirer la main de la gend. [X] vers vos parties génitales, entre vos jambes. Vous avez continué de tirer la main de la gend. [X] vers votre entrejambe même après qu’elle eut activement résisté. Il est admis que la gend. [X] a pu vous toucher entre les jambes alors que vous tiriez sur sa main. Par conséquent, vous avez tenté encore une fois de toucher l’entrejambe de la gend. [X], mais en avez été empêché par la gend. [X], qui vous a dit d’arrêter. Il est admis que vous n’avez fait aucune autre tentative d’attouchement après ce dernier incident.

Allégation 2

Les ou entre les 6 août 2016 et 7 août 2016, à Ottawa, dans la province de l’Ontario, ou dans les environs, le [membre visé] a manqué à son devoir de traiter les autres avec respect et courtoisie et il s’est livré à un comportement discriminatoire ou harcelant, en contravention de l’article 2.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncés détaillés de l’allégation :

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada affecté au Service de protection parlementaire (« SPP »), à la Division nationale.

2. Vous étiez de service et deviez effectuer le quart de nuit du samedi à 19 h au dimanche à 6 h avec la gend. [X], qui était aussi affectée au SPP. La gend. [X] et vous étiez affectés ensemble dans un véhicule de police banalisé.

3. Vous avez fait à l’intention de la gend. [X] plusieurs blagues et commentaires à connotation sexuelle qui n’étaient ni désirés, ni appropriés. Vous avez blâmé la gend. [X] pour les contacts sexuels non désirés qui avaient eu lieu précédemment dans le véhicule de police et avez refusé de vous excuser pour vos gestes déplacés. Vous vous êtes rendu au domicile personnel de la gend. [X] sans sa permission et l’avez avisée par message texte que vous étiez à l’extérieur de sa résidence.

4. Vous avez envoyé à la gend. [X] plusieurs messages textes inappropriés et non professionnels, y compris les suivants :

a) Vous avez prétendu que [X] et vous formeriez un couple si vous n’aviez pas de petite amie;

b) À 3 h 4 le dimanche, vous avez envoyé à [X] un message texte qui disait : « Ohhh bebe jaimerais sa te prendre dans tous les sens » ce à quoi [X] a répondu : « Moron »;

c) À 6 h 31 le dimanche, vous avez envoyé à [X] un message texte qui disait : « Jten avant de chez vs r ou? »;

d) Par message texte, [X] vous a confronté au sujet de ce qui s’était passé et vous a informé que vous l’aviez mise mal à l’aise;

e) À 16 h 58 le dimanche, vous avez envoyé à [X] un message texte qui disait : « Hahaha c toi qui a commencer (3 sourires), mais jte promet jarrete! », suivi, à 17 h 7, de « Toi c pire tu ma toucher, attacher, masser lol »;

f) À 17 h 14 le dimanche, vous avez envoyé à [X] un message texte qui disait : « Pardon?? Tu veux que je mexcuse??? Ben jpense vrm quon va avoir des problemes pour vrai »;

g) À 17 h 15 le dimanche, vous avez envoyé à [X] un message texte qui disait : « Caliss toi aussi ta été innaproprier la me masser pis membrasser le bras me prendre la main fack svp arrete tout de suite cette convo je mexcuserai pas et jte promet que pu jamais ma te toucher… »;

h) À 17 h 19 le dimanche, vous avez envoyé à [X] un message texte qui disait : « Touche moi plus! Sa va des deux cotes et merci a toi »;

i) À 17 h 31 le dimanche, vous avez envoyé à [X] un message texte qui disait : « Jtrouve sa dommage que tu prennes sa comme sa…. Jcommencais vrm a aimer notre relation apres ce qui c passer avant.. Anyway! ».

5. Vous avez manqué à votre devoir de traiter la gend. [X] avec le respect et la courtoisie qu’elle mérite et avez sciemment, à son endroit, posé des gestes et adopté un comportement qui constituent du harcèlement sexuel.

[Cité textuellement]

[3]  En vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10 [Loi sur la GRC] et les Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, tout le matériel pertinent à cette affaire, incluant la réponse du membre visé, a été transmis au Comité avant le début de l’audience. Les responsables de l’autorité disciplinaire avaient un témoin, tandis que la représentante du membre visé a fait témoigner trois membres de la GRC, incluant le membre visé.

ANALYSE

[4]  La preuve au dossier démontre que le membre visé et la gendarme X étaient, en août 2016, des membres de la GRC affectés au Service de protection parlementaire (SPP) de la Division nationale. Ils travaillaient ensemble dans le véhicule de police banalisé numéro 279 et effectuaient le quart de nuit, qui commençait à 19 h, le samedi 6 août 2016, et qui se terminait à 6 h, le dimanche 7 août 2016. Ni le membre visé ni la gendarme X n’exerçait d’influence ou de pouvoir sur l’avancement, l’évaluation du rendement, et l’attribution des tâches de l’autre membre.

[5]  Les deux membres ont fait connaissance en décembre 2015, lors de l’arrivée de la gendarme X au SPP. Cette dernière a témoigné qu’elle considérait le membre visé comme un collègue de travail avec qui elle entretenait une relation purement professionnelle. Pour sa part, le membre visé pensait qu’elle était une amie avec qui il pouvait plaisanter et dire des commentaires à connotation sexuelle sans l’offusquer.

[6]  La preuve présentée dans le dossier d’enquête et lors des témoignages à l’audience a démontré que la gendarme X et le membre visé n’ont jamais eu de relation amoureuse. Ils se voyaient à l’occasion lors d’activités sociales organisées à l’extérieur du bureau avec d’autres collègues de travail. Ces activités incluaient par exemple la crémaillère tenue chez la gendarme X en février ou mars 2016, la fête de la gendarme dans un bar de la ville en mars 2016, ainsi qu’un barbecue organisé par une collègue le 5 août 2016, la veille des événements en question.

[7]  Les deux parties avaient l’habitude de travailler ensemble et, durant les quarts de travail de 12 heures, ils plaisantaient et s’entraînaient au gymnase. De plus, ils discutaient librement de tout et de rien, incluant certains sujets de leur vie privée comme la relation amoureuse du membre visé. Lors des discussions de groupe avec des collègues au travail, les deux membres faisaient parfois des commentaires à connotation sexuelle qui ne semblaient offusquer personne.

[8]  Lors de son témoignage à l’audience, la gendarme X a admis que les deux parties étaient à l'aise de se toucher physiquement, de façon amicale, lorsqu’elle explique par exemple dans son témoignage: « J’ai pris à un moment donné son épaule amicalement, pas en dessous du linge ». Ainsi, en vertu de toute la preuve présentée à l’audience, le Comité a conclu que les parties avaient plus qu’une relation professionnelle comme l’a indiqué l’autorité disciplinaire. En fait, ils entretenaient plutôt une relation amicale dans laquelle un certain niveau de familiarité s’était installé, ce qui leur permettait d’échanger mutuellement des plaisanteries et de se toucher amicalement lors des entraînements au gymnase par exemple.

[9]  À l’exception du membre visé et de la gendarme X, aucun témoin n’était présent lors des événements durant le quart de travail du 6 et 7 août 2016. Le Comité a noté qu’il y avait des divergences importantes dans la version des faits des deux parties. En fait, il fut difficile pour le Comité de reconstituer clairement, à partir du dossier d’enquête et des témoignages à l’audience, la séquence logique des événements qui se sont déroulés avant, pendant et après le quart de travail.

Crédibilité

[10]  Puisque la crédibilité des témoins était au coeur de l’audience, le Comité a appliqué les principes qui se dégagent de trois arrêts de jurisprudence utilisés régulièrement pour l’aider à déterminer s’il y a eu contravention du Code de déontologie. Bien que les décisions soient datées, elles continuent d’être citées par les tribunaux.

[11]  Dans Wallace v Davis, (1926) 31 OWN 202, la Cour indique à la page 203 :

[TRADUCTION]

[...] la crédibilité d’un témoin au sens propre ne dépend pas seulement de son honnêteté dans l’expression de son opinion. Elle dépend aussi de l’occasion qu’a eue le témoin d’observer la situation avec exactitude, de sa capacité d’observer avec précision, la fermeté de sa mémoire à conserver les faits observés, sa capacité à résister aux influences, souvent inconscientes, des intérêts à modifier son souvenir, sa capacité à reproduire dans la barre des témoins les faits observés, sa capacité d’exprimer clairement ses idées […] tous ces éléments doivent être pris en considération lors de la détermination de l’effet à donner à la preuve d’un témoin.

[12]  Dans MacDermid v Rice, (1939) R de Jur 208, le juge Archambault précise à la page 210 :

[TRADUCTION]

[...] lorsque la preuve d’un fait important est contradictoire […] la Cour doit peser les motifs des témoins, leurs relations ou leurs amitiés avec les parties, leurs attitudes et leurs comportements dans la barre des témoins, la façon dont ils ont témoigné, la probabilité des faits assermentés, et en arriver à une conclusion concernant la version à prendre comme étant la vraie.

[13]  Enfin, dans Faryna v Chorny, [1952] 2 DLR 354, la Cour d’appel de la Colombie- Britannique statue à la page 357 :

[TRADUCTION]

[...] La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. Disons, pour résumer, que le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances.

DÉCISION RELATIVE AUX ALLÉGATIONS

Allégation 1 – Commentaire à connotation sexuelle et gestes inappropriés

[14]  En vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie, la conduite déshonorante est évaluée à l’aide d’un test qui tient compte de la perception qu’une personne raisonnable dans la société et informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités du métier de policier en général et de celles de la GRC en particulier, aurait du comportement en question.

[15]  Plus précisément, le test a appliqué en vertu de cet article est similaire à celui élaboré par le Comité externe d’examen de la Gendarmerie royale du Canada dans la recommandation (1991), 4 A.D. (2d) 103, en ce qui a trait à la conduite scandaleuse selon le paragraphe 39(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361, en vigueur avant la réforme législative de novembre 2014.

[16]  Pour qu’une contravention à l’article 7.1 soit établie selon la prépondérance des probabilités, l’autorité disciplinaire doit d’abord prouver les actes constituant le comportement allégué, ainsi que l’identité du membre qui aurait commis ces actes. Ensuite, le Comité doit conclure si le comportement du membre est susceptible de discréditer la GRC et s’il est suffisamment lié aux devoirs et fonctions du membre pour donner à la GRC un intérêt légitime à discipliner le membre.

[17]  Compte tenu des aveux du membre visé et des faits retenus, le Comité a conclu que l’identité du membre était établie. Pour ce qui est de prouver les actes constituant l’inconduite alléguée, le Comité a évalué soigneusement tous les éléments de preuve recueillis incluant tous les témoignages à l’audience ainsi que les déclarations écrites. Enfin, le Comité a conclu que le membre visé ne s’était pas comporté de manière à jeter le discrédit sur la GRC et par conséquent, l’allégation 1 n’était pas établie selon la prépondérance des probabilités.

[18]  Plus précisément, le témoignage de la gendarme X a soulevé des doutes importants quant à l’intention du membre visé lorsqu’il a mis, pendant quelques secondes, sa main sur celle de la gendarme qui était posée sur l’ordinateur portable, situé entre les deux sièges avant du véhicule 279. D’ailleurs, lors de son témoignage à l’audience la gendarme X ne savait plus si le véhicule 279 était muni d’un ordinateur, ce qui contredisait sa déclaration faite à l’enquêteur le 25 août 2016, soit une vingtaine de jours après l’incident en question. Aussi, elle ne pouvait confirmer à quel moment du quart de travail l’incident avait eu lieu. En fait, elle ne se souvenait plus si les deux parties étaient dans le véhicule 279 ou dans un autre véhicule utilisé pour se rendre sur la Colline parlementaire au début du quart de travail. Enfin, elle a affirmé avoir enlevé sa main en pensant tout simplement que le geste était bizarre ou que c’était une autre farce du membre visé.

[19]  Pour sa part, le membre visé a expliqué que durant le quart de travail il a voulu reposer sa main droite sur l’accotement, qui était l’ordinateur portable. Il a donc posé sa main sans savoir que celle de la gendarme X s’y retrouvait déjà. Le membre visé à donc accidentellement touché la main de sa collègue pour quelques secondes.

[20]  Compte tenu des explications offertes par les deux parties et de l’incertitude de la gendarme X, le Comité a conclu que même si le geste du membre visé était déplacé dans le contexte des lieux de travail de la GRC, son explication était plausible et ne constituait pas, dans les circonstances décrites, un comportement inapproprié qui jette le discrédit sur la Gendarmerie.

[21]  Cette allégation porte également sur un commentaire à connotation sexuelle faite par le membre visé et de trois gestes inappropriés qu’il aurait posés envers la gendarme X lors du quart de travail. Premièrement, il aurait tenté de glisser sa main sous le gilet pare-balles et la blouse à manches courtes de l’uniforme de la gendarme dans le but de la toucher physiquement en direction de sa poitrine. Deuxièmement, il aurait tenté de tirer la main de la gendarme entre ses jambes en direction de ses parties génitales. Troisièmement, il aurait tenté de toucher l’entrejambe de la gendarme X. En l’absence de témoins, le Comité a dû prendre en considération la crédibilité des témoins afin de déterminer si les gestes reprochés avaient été commis.

[22]  Dans l’arrêt F.H. c McDougall, 2008 CSC 53 [McDougall], la Cour suprême du Canada a eu l’occasion d’examiner les questions de crédibilité et de fiabilité des témoins qui étaient très pertinentes à la présente procédure. Au paragraphe 100, la Cour énonce ce qui suit :

[...] La partie qui n’a pas gain de cause peut juger insuffisants les motifs du juge du procès, surtout s’il ne l’a pas crue. Il faut reconnaître qu’il peut être très difficile au juge appelé à tirer des conclusions sur la crédibilité des témoins de préciser le raisonnement qui est à l’origine de sa décision. [...]

L’appréciation de la crédibilité est un exercice difficile et délicat qui ne se prête pas toujours à une énonciation complète et précise.

[23]  Lors de son témoignage à l’enquêteur et à l’audience, le Comité a remarqué que la gendarme X était sincère, mais qu’elle donnait souvent des explications vagues et qu’elle était prudente et évasive avec ses propos. Lors de sa décision orale, le Comité a indiqué que la gendarme ne semblait pas avoir de notes personnelles des incidents, ce qui aurait pu l’aider à se remémorer avec plus d’exactitude les faits observés. Par exemple, elle avait oublié si les deux parties s’étaient entraînées ensemble au gymnase lors de la pause santé, si elle avait massé le bras du membre visé dans le véhicule pour soulager la douleur qu’il éprouvait après leur session d’entraînement, de même que les discussions qu’elle avait eu avec le membre après les incidents et à la fin du quart de travail.

[24]  Le Comité a reconnu que ce fut difficile pour la gendarme X de dénoncer son collègue et de témoigner à l’audience parce qu’elle aurait préféré régler la situation dans un processus de résolution informel. Cependant, le Comité a conclu qu’aucun élément de preuve n’a démontré que les allégations déposées contre le membre visé étaient vexatoires ou faites de mauvaise foi.

[25]  Certaines parties du témoignage de la gendarme X étaient en contradiction avec le témoignage donné par deux autres membres de la Gendarmerie. Même si ces derniers étaient des amis du membre visé, ils connaissaient aussi très bien la gendarme X. Ils ont corroboré avec crédibilité que les deux parties entretenaient des liens d’amitié, qu’ils parlaient ouvertement de sexualité et qu’ils se sentaient bien aises de faire des commentaires à connotation sexuelle devant leurs collègues de travail.

[26]  La gendarme X a également affirmé à l’audience que l’enquêteur « mettait des fois des mots dans ma bouche au courant de l’entrevue… … I wanted to be an open book, tell the truth, but may be [sic] sometimes it was a little too much speculation ». Par exemple, l’enquêteur aurait suggéré l’utilisation des mots « parties génitales » lorsqu’elle dit « was he … reaching for your … genital area ». En fait, selon le témoignage de la gendarme X à l’audience, le membre visé aurait tenté de toucher l’intérieur de ses jambes et non ses parties génitales. Enfin, la gendarme a aussi témoigné que le membre visé l’avait touché en glissant sa main à l’intérieur de sa blouse à manches courtes seulement jusqu’à la hauteur de l’épaule et non pas sous son gilet pare-balles en direction de sa poitrine comme indiqué dans l’avis d’audience disciplinaire. À la suite de ces affirmations, le Comité a douté de l’exactitude du rapport d’enquête.

[27]  Pour ce qui est du témoignage du membre visé, celui-ci était plus précis que celle de la gendarme X. D’ailleurs, les faits décrits par le membre suivaient une séquence logique, ils étaient bien expliqués et contenaient beaucoup de détails explicites sur les incidents+ qui avaient eu lieu avant, pendant et après le quart de travail. Par exemple, le membre visé décrivait avec précision le déroulement de la soirée, l’emplacement du véhicule et la session d’entraînement au gymnase. Le membre visé pouvait également donner des détails sur les interactions qu’il avait eues avec la gendarme X lors des sorties sociales de groupe hors des heures de travail, ce qui a permis au Comité de mieux comprendre la relation qui existait entre les deux parties.

[28]  La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt McDougall, a énoncé que « la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. » Même si le Comité n’a pas accepté d’emblée toutes les explications données par le membre visé pour justifier ses gestes, ainsi que ses propos dans les messages textes échangés avec la gendarme X, son témoignage était cohérent et précis; il corroborait des éléments importants de la preuve présentée. Ainsi, le Comité a accordé plus de crédibilité au témoignage du membre visé qu’à celui de la gendarme X.

Allégation 2 – Comportement discriminatoire ou harcelant

[29]  L’article 4 de la politique de la GRC située dans le Manuel d’administration, au chapitre XII.8 « Enquête et règlement des plaintes de harcèlement » (en vigueur le 28 novembre 2014) précise que « le harcèlement sexuel représente une forme particulière[ment] grave de harcèlement qui ne sera pas toléré dans les lieux de travail de la GRC ». De plus, l’article 2.8.5 de la politique définit le harcèlement sexuel comme suit :

[…] tout comportement, commentaire, geste ou contact à caractère sexuel susceptible d’offenser ou d’humilier un employé ou pouvant, pour des motifs raisonnables, être perçu par cet employé comme une condition de nature sexuelle nécessaire pour obtenir un emploi ou une promotion, ou pour suivre un programme de formation.

[30]  Cette allégation indique que le membre visé a fait plusieurs blagues et commentaires à connotation sexuelle, qu’il a blâmé la gendarme X pour les contacts sexuels non désirés et qu’il a refusé de s’excuser pour ses gestes déplacés. Après le quart de travail, il s’est rendu au domicile de la gendarme X sans sa permission. De plus, il a envoyé à la gendarme X plusieurs messages textes inappropriés et non professionnels. Enfin, il aurait manqué de respect et de courtoisie envers la gendarme X en posant sciemment des gestes et en adoptant un comportement qui constitue du harcèlement sexuel. En raison de la preuve présentée dans cette affaire, le Comité a conclu que cette allégation n’est pas établie selon la prépondérance des probabilités.

[31]  Pour ce qui est des commentaires à connotation sexuelle, le Comité a conclu, comme indiqué dans l’allégation 1, que les deux parties entretenaient, lors des incidents allégués, une relation amicale empreinte de familiarité dans laquelle ils se disaient des plaisanteries et se touchaient parfois amicalement lors des entraînements au gymnase dans le but de s’encourager. De plus, ils disaient mutuellement devant leurs collègues de travail des commentaires à connotation sexuelle sans être offusqués. Ainsi, dans les circonstances entourant cette affaire, le Comité a conclu que le membre visé ne s’est pas livré à un comportement discriminatoire ou harcelant envers la gendarme X.

[32]  Dans sa décision orale rendue à l’audience, le Comité a également souligné qu’il trouvait déplorable d’apprendre que des membres de la GRC, travaillant sur la Colline parlementaire à l’époque, se permettaient de faire régulièrement des commentaires à connotation sexuelle inappropriés, et ce, sans égard au sens aigu de professionnalisme auquel ils sont tenus conformément au Code de déontologie de la GRC.

[33]  En l’absence de preuve suffisante au dossier, le Comité a conclu que le membre visé ne s’est pas rendu au domicile de la gendarme X après le quart de travail, comme allégué dans l’avis d’audience disciplinaire.

[34]  En ce qui concerne le fait que le membre visé aurait dit lors d’un entraînement au gymnase qu’il formerait un couple avec la gendarme X s’il n’avait pas de conjointe, le Comité a conclu que l’énoncé était compatible avec le genre de relation amicale qu’entretenait les parties à l’époque ainsi que des plaisanteries qu’ils se disaient. Pour ce qui est du message : « Ohhh bebe jaimerais sa te prendre dans tous les sens », le Comité a conclu qu’il était probable, comme expliqué par le membre visé, que le message était destiné à sa conjointe et non à la gendarme X qui était assise avec lui dans le véhicule au moment de l’envoi. En réponse au message, la gendarme X avait répondu « Moron ». À l’audience, cette dernière a dit ne plus se souvenir si elle était assise dans le véhicule lorsqu’elle a reçu le message ou même si les deux parties en avaient discuté.

[35]  Pour ce qui est des autres messages textes inclus dans l’allégation, le Comité a conclu qu’ils n’ont pas été envoyés par le membre visé dans le but d’offenser ou d’humilier la gendarme X. En fait, comme indiqué dans la décision orale rendue à l’audience, les parties avaient mutuellement choisi cette méthode de communication pour tenter de régler leur différend sur les incidents du quart de travail qui avaient eu lieu quelques heures plus tôt. À la suite des explications fournies par le membre visé, la gendarme X a retravaillé avec lui le prochain quart de travail de douze heures qui commençait à 19h, le dimanche 7 août 2016, soit quelques heures après les incidents en question. En raison du contexte particulier de cette affaire, le Comité a conclu que les messages textes envoyés par le membre visé n’étaient pas discriminatoires et harcelants.

CONCLUSION

[36]  Le Comité de déontologie a conclu que les deux allégations déposées contre le membre visé n’étaient pas établies selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, aucune mesure disciplinaire n’a été imposée.

[37]  Les parties peuvent faire appel de cette décision devant la commissaire en déposant un mémoire d’appel dans les 14 jours suivant la signification de la décision au membre visé (article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289).

 

 

Le 31mai 2018

Madame Josée Thibault, présidente

Le Comité de déontologie

 

Date

J’ai lu les motifs et la décision de Madame Josée Thibault et je leur souscris.

______________________________________

Inspecteur James Knopp, membre du comité

Signé à Ottawa, en Ontario

Le 31 mai 2018.

J’ai lu les motifs et la décision de Madame Josée Thibault et je leur souscris.

______________________________________

Inspecteur Al Ramey, membre du comité

Signé à Nanaimo, en Colombie-Britannique

Le 31 mai 2018.

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