Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le membre visé a admis avoir une conduite déshonorante en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada. Le Comité de déontologie a conclu que les allégations 4 et 5, qui sont reliées à des incidents de violence familiale de la part du membre visé contre sa conjointe, sont établies selon la prépondérance des probabilités. De plus, le Comité a accepté la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires soumise par les parties et a imposé comme mesure globale pour les deux allégations une réduction de la banque de congés annuels du membre visé de 15 jours (125 heures).

Contenu de la décision

Protégé A

2018 DARD 18

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AUDIENCE DISCIPLINAIRE

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

Commandant de la Division D

Autorité disciplinaire

et

Gendarme Fahd El Aste, numéro de matricule 58572

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Josée Thibault

Le 19 décembre 2018

Maître Denys Morel, pour l’autorité disciplinaire

Maître Sabine Georges, pour le membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION  3

INTRODUCTION  4

DÉCISION SUR LA REQUÊTE CONJOINTE  5

ALLÉGATIONS  5

DÉCISION RELATIVE AUX ALLÉGATIONS  8

Principe de la conduite déshonorante – article 7.1 du Code de déontologie  8

DÉCISION RELATIVE AUX MESURES DISCIPLINAIRES  9

Analyse des mesures disciplinaires  9

Gamme des mesures disciplinaires  10

Facteurs aggravants  10

Facteurs atténuants  11

Imposition des mesures disciplinaires  12

Autorités à l’appui des mesures disciplinaires demandées  12

Commentaires additionnels soumis par les parties  13

CONCLUSION  14

 

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION

Le membre visé a admis avoir une conduite déshonorante en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada. Le Comité de déontologie a conclu que les allégations 4 et 5, qui sont reliées à des incidents de violence familiale de la part du membre visé contre sa conjointe, sont établies selon la prépondérance des probabilités. De plus, le Comité a accepté la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires soumise par les parties et a imposé comme mesure globale pour les deux allégations une réduction de la banque de congés annuels du membre visé de 15 jours (125 heures).


INTRODUCTION

[1]  L’Avis d’audience disciplinaire a été signé par le commandant de la Division D le 21 juillet 2017 et a été signifié au membre visé le 16 août 2017. L’Avis contient cinq allégations reliées à des incidents de violence familiale de la part du membre visé contre sa conjointe, ce qui contrevient à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

[2]  Le 12 septembre 2018, les parties ont soumis au Comité de déontologie une requête conjointe demandant ce qui suit :

  1. de modifier les énoncés détaillés contenus dans les allégations 4 et 5 de l’Avis du 21 juillet 2017 avec ceux inclus dans le Sommaire des faits du 12 septembre 2018; et
  2. d’accepter les renseignements contenus dans le Sommaire de faits pour établir les allégations 4 et 5 selon la prépondérance des probabilités.

[3]  Puisque le membre a admis les allégations 4 et 5, l’autorité disciplinaire a demandé au Comité d’accueillir sa demande de retirer les allégations 1, 2 et 3 de l’Avis.

[4]  En raison de la requête, j’ai annulé l’audience disciplinaire prévue pour la semaine du 17 septembre 2018.

[5]  Le 21 septembre 2018, j’ai envoyé aux parties ma réponse dans laquelle j’ai accueilli la requête conjointe et j’ai conclu que les allégations 4 et 5 étaient établies selon la prépondérance des probabilités.

[6]  Le 2 novembre 2018, les parties ont envoyé au Comité une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires.

[7]  La présente décision contient ma réponse envoyée aux parties le 21 septembre 2018 de même que mes conclusions sur les mesures disciplinaires du membre à la suite de la proposition conjointe des parties.

DÉCISION SUR LA REQUÊTE CONJOINTE

[8]  Dans leur requête, les parties ont soumis deux décisions de comité de déontologie dans lesquelles le retrait d’allégations et l’acceptation d’un sommaire des faits ont été acceptés :

  1. Commandant de la Division « X » et le gendarme « Y », 2018 DARD 3
  2. Commanding Officer, National Division and Constable Wyant, 2016 RCAD 4 (disponible en anglais seulement)

[9]  J’ai analysé le contenu du Sommaire des faits, les renseignements inclus dans le rapport d’enquête lié aux deux allégations, ainsi que les documents soumis par l’autorité disciplinaire à la suite de la conférence préparatoire à l’audience tenue le 11 mai 2018. J’accueille la proposition de modifier les énoncés détaillés contenus dans les allégations 4 et 5 de l’Avis du 21 juillet 2017 avec ceux du Sommaire des faits.

[10]  Nonobstant ma nomination à titre de comité de déontologie pour statuer sur les allégations contre le membre visé, le pouvoir discrétionnaire demeure avec l’autorité disciplinaire de retirer les allégations contenues dans l’Avis (Commanding Officer, “E” Division, and Constable O’Brien, 2017 RCAD 9). Par conséquent, j’accueille la demande de l’autorité disciplinaire de retirer les allégations 1, 2 et 3 de l’Avis du 21 juillet 2017. Bref, je ne rendrai pas de décision sur ces allégations.

ALLÉGATIONS

[11]  Le membre visé admet les allégations suivantes :

Allégation 4

Entre le 12 avril 2015 et le 17 avril 2015 inclusivement, à [nom caviardé] ou dans les environs, dans la province du Manitoba, le [membre visé] s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie Royale du Canada.

Allégation 5

Le ou vers le 22 décembre 2015, à [nom caviardé] ou dans les environs, dans la province du Manitoba, le [membre visé] s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

[Cité textuellement]

[12]  Les parties ont présenté un Sommaire des faits, daté du 12 septembre 2018, qui remplace les énoncés détaillés de l’Avis du 21 juillet 2017. Le Sommaire se lit en partie comme suit :

[…]

3. À l’époque des faits le [membre visé] était un membre de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) affecté à la Division D, dans la province du Manitoba.

4. À l’époque des faits, le [membre visé] vivait avec son épouse [Madame Z], et leurs quatre enfants dans la communauté de [nom caviardé], dans la province du Manitoba.

Allégation 4

5. En avril 2015, la mère du [membre visé] était en visite et habitait dans la résidence familiale pour un séjour prolongé prenant fin le 17 avril 2015.

6. Dimanche le 12 avril 2015, le [membre visé] et sa mère se sont disputés avec [Madame Z].

7. Pendant la dispute, le [membre visé] s’est fâché contre [Madame Z] et a jeté son sac à main hors de la résidence. Ensuite, il a empoigné [Madame Z] et l’a poussé à l’extérieur de la résidence. Malgré les efforts de [Madame Z] de s’accrocher au cadre de porte de la résidence, le [membre visé] l’a éjecté de force de la résidence et a verrouillé la porte.

8. [Madame Z] a ensuite frappé à la porte et demandé que le [membre visé] lui permettre d’entrer dans la résidence, mais il a refusé et lui a dit de partir.

9. [Madame Z] a ensuite contacté la police pour pouvoir récupérer ses choses et être en mesure de rester chez des amies.

10. Le lendemain, le [membre visé] a laissé [Madame Z] revenir dans la résidence à condition qu’elle ne se retrouve pas dans la même pièce que sa mère pour le reste de son séjour et ainsi éviter une autre dispute.

11. Durant les trois jours suivants [Madame Z] s’est senti obligé de rester dans sa chambre et de ne pas sortir en raison de la conduite du [membre visé]. Quand elle voulait accéder à la cuisine, le [membre visé] lui disait de retourner à sa chambre en l’insultant. Elle se sentait confinée à sa chambre et sa salle de bain. [Madame Z] devait demander au [membre visé] ainsi qu’aux enfants de lui apporter de la nourriture dans sa chambre.

12. Le [membre visé] reconnaît que ses actions, tel que décrit dans les précisions mentionnées ci-dessus, jettent le discrédit sur la GRC contrairement à l’article 7.1 du Code de Conduite de la GRC.

Allégations 5

13. Le ou vers le 22 décembre 2015, le [membre visé] et [Madame Z] se sont disputés alors que les enfants étaient présents.

14. Pendant la dispute, le [membre visé] s’est fâché et s’est avancé vers [Madame Z] avec sa main levée de façon menaçante.

15. [Madame Z] a interprété ce geste comme étant menaçant et a cru que le [membre visé] allait la frapper.

16. Le [membre visé] a interrompu son geste lorsque [Madame Z] a exprimé qu’elle appellerait la police s’il la touchait. Le [membre visé] s’est désisté et n’a pas frappé [Madame Z].

17. Suite à cet incident, [Madame Z] a craint pour sa sécurité et a quitté la résidence.

18. Le [membre visé] reconnaît que ses actions, tel que décrit dans les précisions mentionnées ci-dessus, jettent le discrédit sur la GRC contrairement à l’article 7.1 du Code de Conduite de la GRC.

[Cité textuellement]

[13]  Le Sommaire des faits contient également des faits additionnels concernant les allégations 4 et 5 :

19. Le 19 avril 2017, le [membre visé] a contacté un engagement en vertu de l’article 810 du Code Criminel devant la Cour provinciale du Manitoba en lien avec les faits mentionnés ci-dessus.

20. Dans ledit engagement, le [membre visé] reconnaît que [Madame Z] craint pour sa sécurité. Il s’engage également de ne pas troubler l’ordre public, d’avoir une bonne conduite pendant une durée d’un an et de respecter d’autres conditions.

21. Par conséquent, la couronne a suspendu quatre accusations de voie de faits à l’encontre de l’article 266 du Code Criminel et une accusation de voie de faits causant des lésions corporelles à l’encontre de l’article 267(b) de Code Criminel.

22. Le 22 décembre 2015, le [membre visé] et [Madame Z] se sont séparés et ils se sont officiellement divorcés le 27 février 2018.

23. Depuis les faits, le [membre visé] et [Madame Z] ont tous les deux refait leurs vies et n’ont pas eu d’altercations.

24. Le [membre visé] a respecté les termes de son engagement et celui-ci a pris fin le 19 avril 2018 (ci-joint).

25. Le 27 juin 2017, le [membre visé] a complété avec succès un cours de gestion de la colère avec l’institution [nom caviardé].

[Cité textuellement]

DÉCISION RELATIVE AUX ALLÉGATIONS

Principe de la conduite déshonorante – article 7.1 du Code de déontologie

[14]  Pour déterminer si les allégations sont établies selon la prépondérance des probabilités en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie, j’ai appliqué un critère similaire à celui élaboré par le Comité externe d’examen de la GRC dans la recommandation (1991), 4 A.D. (2d) 103, en ce qui a trait à la conduite scandaleuse selon le paragraphe 39(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361, en vigueur avant la réforme législative du 28 novembre 2014.

[15]  Les trois éléments du critère sont les suivants :

  1. L’autorité disciplinaire doit prouver les actes constituant le comportement allégué ainsi que l’identité du membre ayant commis ces actes.
  2. Le Comité doit conclure que le comportement du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC.
  3. Le Comité doit déterminer si le comportement est suffisamment lié aux devoirs et fonctions du membre pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[16]  Compte tenu des aveux du membre visé ainsi que du Sommaire des faits présenté conjointement par les parties, je conclus que l’identité du membre et les actes constitutifs des inconduites alléguées pour les deux allégations ont été établis par l’autorité disciplinaire selon la prépondérance des probabilités.

[17]  Pour ce qui est de l’allégation 4, l’autorité disciplinaire a établi qu’à la suite d’une dispute familiale entre la mère du membre visé et Madame Z, le membre a empoigné madame Z et l’a poussée à l’extérieur de la résidence et a verrouillé la porte. Madame Z a demandé l’aide de la police pour récupérer ses effets personnels et elle est allée rester chez des amies. À son retour à la maison, Madame Z ne pouvait pas être dans la même pièce que sa belle-mère. Pendant trois jours, Madame Z s’est sentie obligée de rester dans sa chambre parce que le membre visé lui disait de retourner à sa chambre en l’insultant lorsqu’elle voulait aller dans la cuisine. Ainsi, Madame Z se sentait confinée à sa chambre et sa salle de bain. Celle-ci devait demander au membre visé ainsi qu’aux enfants de lui apporter de la nourriture dans sa chambre.

[18]  Pour l’allégation 5, l’autorité disciplinaire a également établi que lors d’une dispute en présence des enfants, le membre visé s’est fâché et s’est avancé vers Madame Z avec sa main levée de façon menaçante. Il s’est désisté lorsque Madame Z a exprimé qu’elle appellerait la police s’il la touchait. À la suite de cet incident, Madame Z a craint pour sa sécurité et a quitté la résidence.

[19]  Les incidents des allégations 4 et 5 ont fait l’objet de procédures pénales et se sont réglés par un engagement en vertu de l’article 810 du Code criminel, LRC (1985), c C-46 [Code criminel], devant la Cour provinciale du Manitoba. L’engagement a pris fin le 19 avril 2018.

[20]  Les membres de la GRC jouent un rôle important dans la prévention de la violence familiale en faisant respecter la loi. D’ailleurs, on leur demande quotidiennement d’intervenir dans des situations de violence familiale. Le comportement du membre visé à l’égard de sa conjointe était entièrement inacceptable et le public en serait déçu, lui qui s’attend à ce qu’un membre de la GRC agisse de façon exemplaire et qu’il respecte les valeurs fondamentales de la GRC comme l'honnêteté, l'intégrité, le professionnalisme, la compassion, la responsabilisation et le respect.

[21]  Par conséquent, je conclus qu’une personne raisonnable dans la société informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et de la GRC en particulier, serait d’avis que le comportement déshonorant du membre dans les deux allégations jette le discrédit sur la GRC. Enfin, son comportement est lié à ses devoirs et ses fonctions en tant que membre de la GRC et des mesures disciplinaires s’imposent.

[22]  Les allégations 4 et 5 sont établies selon la prépondérance des probabilités.

DÉCISION RELATIVE AUX MESURES DISCIPLINAIRES

Analyse des mesures disciplinaires

[23]  Le Comité externe d’examen de la GRC a établi que l’analyse des mesures disciplinaires par le Comité doit se faire en trois étapes :

  1. établir la gamme des mesures disciplinaires appropriée;
  2. tenir compte des facteurs aggravants et des facteurs atténuants afin d’évaluer la gravité de l’inconduite; et
  3. imposer une mesure disciplinaire juste et équitable qui reflète la gravité de l’inconduite en question tout en tenant compte des principes de parité de la sanction et de dissuasion.

Gamme des mesures disciplinaires

[24]  La gamme de mesures disciplinaires appropriée pour l’inconduite du membre visé, qui est en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie, s’étend jusqu’au congédiement. Les parties affirment que, conformément au Guide des mesures disciplinaires (2014), les mesures disciplinaires recommandées sont de 3 à 10 jours de confiscation de la solde pour les cas qui mettent en cause l’emploi de force relativement mineure.

[25]  Par conséquent, les parties indiquent qu’une sanction globale pour les deux allégations qui inclurait une réduction de la banque de congés annuels du membre visé de 15 jours (soit 125 heures) est une sanction appropriée dans les circonstances.

Facteurs aggravants

[26]  Je retiens les facteurs aggravants suivants soumis par les parties :

  1. La nécessité du membre d’avoir recours à l’intervention des membres de la GRC pour régler la dispute familiale du 12 avril 2015.
  2. Le membre est responsable de deux incidents qui ont fait l’objet de procédures pénales et qui se sont réglés par un engagement en vertu de l’article 810 du Code criminel devant la Cour provinciale du Manitoba.
  3. Le membre a trois antécédents disciplinaires pour des incidents liés à un manque d’assiduité au travail, qui ont eu lieu le 13 novembre 2015, le 30 juin 2016, et entre le 6 avril 2018 et le 27 juillet 2018. Les trois derniers incidents se sont produits alors que le membre devait respecter ses obligations sous le Code de déontologie, comme indiqué dans l’ordonnance de suspension émise dans ce dossier le 11 janvier 2016.
  4. Le membre a déjà été discipliné à quatre reprises et il a seulement neuf années de services à la GRC, ce qui est relativement court.

Facteurs atténuants

[27]  Je retiens les facteurs atténuants suivants :

  1. Le membre visé accepte sa responsabilité et admet les allégations 4 et 5. Celui-ci reconnaît que sa conduite était inappropriée.
  2. Le membre visé détient un bon dossier de travail. Je note que son superviseur est d’avis qu’il a les qualités requises pour devenir un membre productif de son détachement, qu’il est dédié à son travail et fait des efforts pour exceller dans ce qu’il entreprend.
  3. Le membre visé a collaboré avec les services d’enquêtes internes et criminelles en fournissant deux déclarations, soit les 8 et 21 janvier 2016.
  4. Dans la proposition conjointe soumise par les parties, le membre visé démontre une volonté de régler le présent dossier tout en évitant le témoignage de témoins vulnérables.
  5. Le membre visé a respecté toutes les conditions qui lui ont été imposées dans l’engagement qu’il a contracté en vertu de l’article 810 du Code criminel devant la Cour provinciale du Manitoba à la suite des incidents décrits dans les allégations 4 et 5 de l’Avis. L’engagement a pris fin le 19 avril 2018.
  6. Le membre visé a complété le 27 juin 2017 une formation de gestion de la colère.
  7. Il y a une probabilité de récidive minimale des inconduites admises par le membre parce qu’il ne cohabite plus avec Madame Z depuis le 22 décembre 2015. Depuis les incidents, le membre visé et Madame Z ont refait leurs vies et n’ont pas eu d’altercations.
  8. Le membre visé a l’appui du commandant pour une réintégration au travail et les démarches pour sa réintégration ont déjà été mises en oeuvre.

Imposition des mesures disciplinaires

[28]  La troisième et dernière étape est de déterminer la peine appropriée dans le cas en espèce.

[29]  Conformément à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions et, s’il y a lieu, elles doivent être éducatives et correctives plutôt que punitives.

Autorités à l’appui des mesures disciplinaires demandées

[30]  Pour appuyer la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires demandées, les parties s’appuient sur quatre décisions de comités de déontologie de la GRC :

  1. Constable A. Wyant, 2016 RCAD 4 (disponible en anglais seulement)
  2. Constable Kirychuk, (2013) 13 A.D. (4th) 605 (disponible en anglais seulement)
  3. Caporale Henry, (2011) 6 D.A. (4e) 41
  4. Gendarme Jolson, (2009) 4 D.A. (4e) 241

[31]  Comme indiqué par les parties, à l’exception de la décision dans l’affaire Wyant (2016 RCAD 4), les autres décisions soumises au Comité ont été décidées sous l’ancien processus disciplinaire. Depuis l’entrée en vigueur en 2014 du nouveau processus de déontologie de la GRC, la gamme des mesures disciplinaires a augmenté de façon importante. D’ailleurs, dans l’ancien système, la sanction maximale pour une confiscation de la solde était limitée à 10 jours. Malgré l’importance de ces décisions, le Comité a tout de même la discrétion d’imposer une confiscation de la solde plus élevée pour des situations comportant des faits semblables.

[32]  Cette discrétion est toutefois limitée lorsqu’une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires est soumise au Comité par les parties comme en l’espèce. En règle générale, même si les cours ou les tribunaux administratifs ne sont pas tout à fait d’accord avec la proposition conjointe, ils ne l’écartent pas à moins de démontrer qu’elle soit contraire à l’intérêt public.

[33]  Le critère de l’intérêt public a un seuil très élevé. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c Anthony-Cook, 2016 CSC 43, indique au paragraphe 34 qu’une proposition conjointe ne doit pas être rejetée trop facilement parce que :

[…] le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner.

[34]  Le critère de l’intérêt public a également été adopté dans le contexte de la discipline professionnelle dans l’arrêt Rault v Law Society (Saskatchewan), 2009 SKCA 81 [Rault], y compris dans la décision récente du commissaire de la GRC, Constable Coleman and Appropriate Officer, “F” Division, (2018) 18 A.D. (4th) 270 (disponible en anglais seulement). Selon Rault, une proposition conjointe doit être sérieusement considérée par le Comité à moins d’être inapte, déraisonnable, ou contraire à l’intérêt public.

Commentaires additionnels soumis par les parties

[35]  Dans la proposition conjointe, les parties ont ajouté des commentaires additionnels pour appuyer leur proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Les parties indiquent premièrement que la nature des actes du membre visé comportait des aspects aggravants. Par exemple, Madame Z s’est sentie confinée à sa chambre et sa salle de bain; elle devait demander aux enfants et au membre de lui apporter de la nourriture pendant quatre jours (du 13 au 17 avril 2015); et les actes de violence familiale se sont déroulés en présence des enfants.

[36]  Comme je l’ai indiqué précédemment, un tel comportement de la part du membre visé était entièrement inacceptable. Selon le Code de déontologie, le membre doit en tout temps songer à l’incidence de ses actes et de son comportement afin de préserver sa crédibilité et la confiance du public. Ces deux éléments sont nécessaires pour exécuter efficacement les fonctions relatives au maintien de l’ordre qui lui sont conférées.

[37]  Deuxièmement, les parties ont expliqué que la mesure globale proposée, soit une réduction de la banque de congés annuels du membre visé de 15 jours (125 heures) prenait en considération le fardeau financier du membre qui inclut, entre autres, une obligation de payer une pension alimentaire pour ses quatre enfants.

[38]  Enfin, l’autorité disciplinaire a ajouté le commentaire suivant que j’appuie fortement :

Sous réserve de la décision du Comité sur la proposition conjointe dans cette affaire, l’Autorité disciplinaire, le Commandant de la Division “D”, s’attend à ce que le membre visé démontre une conduite exemplaire dans le futur. Cette proposition conjointe représente une occasion pour le membre visé de continuer sa carrière tout en respectant les valeurs de la GRC et les standards de conduites imposés par le Code de déontologie. Toutes contraventions futures, s’il y a lieu, seront traitées de façon sérieuse par les superviseurs et autorités disciplinaires du membre visé et pourraient entraîner son congédiement. [Cité textuellement]

CONCLUSION

[39]  Après avoir examiné la preuve au dossier, la nature de l’inconduite du membre, les facteurs aggravants et atténuants, les décisions soumises par les parties ainsi que les commentaires additionnels, je ne peux conclure que la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires soumise par les parties est contraire à l’intérêt public.

[40]  Par conséquent, j’accepte la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. J’impose comme mesure globale pour les deux allégations une réduction de la banque de congés annuels du membre visé de 15 jours (soit 125 heures).

[41]  Les parties peuvent faire appel de cette décision devant la commissaire en déposant une déclaration d’appel dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision écrite au membre visé (article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289).

 

 

Le 19 décembre 2018

Josée Thibault

Arbitre en matière de déontologie

 

Date

 

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