Déontologie

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Protégé A

Dossier 2016-33572 (C-017)

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AFFAIRE INTÉRESSANT

un appel en matière de déontologie interjeté au titre du paragraphe 45.11(1) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10

ENTRE :

Commandant de la Division J

Autorité disciplinaire

(appelant)

et

Gendarme Jonathan Cormier

Matricule 55497

(intimé)

 

 DÉCISION CONCERNANT L’APPEL EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE

ARBITRE : Steven Dunn

DATE : Le 20 novembre 2017


Table des matières

INTRODUCTION  5

CONTEXTE  5

PROCÉDURE DISCIPLINAIRE  7

Enquête relative au code de déontologie  7

Avis d’audience disciplinaire  7

L’instance devant le comité  10

a) Requête préliminaire visant à regrouper les allégations  10

b) Décision relative aux allégations  10

c) Argumentation de la RAD concernant les mesures disciplinaires  11

d) Argumentation de la RM concernant les mesures disciplinaires  14

e) Réplique de la RAD concernant les mesures disciplinaires  18

f) Demande du comité en vue d’obtenir des observations supplémentaires  19

g) Décision relative aux mesures disciplinaires  21

APPEL  26

COMITÉ EXTERNE D’EXAMEN  29

1. Le comité a commis une erreur en minimisant les conséquences de l’arrêt McNeil en tant que facteur aggravant  29

2. Le comité a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble des comportements criminels de l’intimé en tant que facteur aggravant  30

3. Le comité a commis une erreur en minimisant l’incidence des actes de l’intimé sur l’administration de la justice et sur le partenariat de la Gendarmerie avec la Couronne, en tant que facteur aggravant 31

4. Le comité a commis une erreur dans son appréciation du gain personnel et de la motivation de l’intimé et en estimant que l’absence d’avantage personnel constituait un facteur atténuant  31

5. Le comité a commis une erreur en estimant que les facteurs de stress importants avec lesquels était aux prises l’intimé constituaient un facteur atténuant  32

6. Le comité a commis une erreur dans l’appréciation de la preuve  32

7. Le comité a commis une erreur en concluant que inconduite de l’intimé ne justifiait pas la résiliation de son contrat de travail  33

8. Le comité a commis une erreur en s’écartant pour l’essentiel des mesures recommandées dans le Guide des mesures disciplinaires  33

9. Le comité a commis une erreur dans l’évaluation des répercussions de l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants  34

10. Le comité a contrevenu aux principes d’équité procédurale par le défaut de citer des témoins essentiels et de leur demander de donner un témoignage de vive voix  34

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES  35

Norme de contrôle applicable  35

Admissibilité de nouveaux éléments de preuve  36

ANALYSE  38

1. Le comité a commis une erreur en minimisant les conséquences de l’arrêt McNeil en tant que facteur aggravant  38

2. Le comité a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble des comportements criminels de l’intimé en tant que facteur aggravant  41

3. Le comité a commis une erreur en minimisant l’incidence des actes de l’intimé sur l’administration de la justice et sur le partenariat de la Gendarmerie avec la Couronne, en tant que facteur aggravant 43

4. Le comité a commis une erreur dans son appréciation du gain personnel et de la motivation de l’intimé et en estimant que l’absence d’avantage personnel constituait un facteur atténuant  44

5. Le comité a commis une erreur en estimant que les facteurs de stress importants avec lesquels était aux prises l’intimé constituaient un facteur atténuant  45

6. Le comité a commis une erreur dans l’appréciation de la preuve  46

7. Le comité a commis une erreur en concluant que inconduite de l’intimé ne justifiait pas la résiliation de son contrat de travail  47

8. Le comité a commis une erreur en s’écartant pour l’essentiel des mesures recommandées dans le Guide des mesures disciplinaires  48

9. Le comité a commis une erreur dans l’évaluation des répercussions de l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants  51

10. Le comité a contrevenu aux principes d’équité procédurale par le défaut de citer des témoins essentiels et de leur demander de donner un témoignage de vive voix  51

La nature du rôle des comités de déontologie  54

DÉCISION  58

 

INTRODUCTION

[1]  Le commandant de la Division J, autorité disciplinaire (l’appelant), interjette appel au titre du paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10, dans sa version modifiée [Loi sur la GRC], à l’encontre des mesures disciplinaires imposées par un comité de déontologie de la GRC (le comité), après avoir établi le bien-fondé de quatre allégations de conduite déshonorante et de déclarations inexactes, en contravention des articles 7.1 et 8.1 du code de déontologie de la GRC (annexe du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281), portées contre le gendarme (gend.) Jonathan Cormier, numéro de matricule 55497 (l’intimé).

[2]  Le comité a rendu sa décision de vive voix le 16 novembre 2015. La décision écrite a été délivrée ultérieurement et signifiée à l’appelant le 28 janvier 2016.

[3]  Conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la GRC, le dossier a été renvoyé devant le Comité externe d’examen de la GRC (CEE). Dans un rapport en date du 28 juin 2017, renfermant des conclusions et des recommandations (dossier du CEE no C-2016-005 (C-017)) (rapport), la présidente du CEE, Mme Elizabeth Walker, a recommandé au commissaire de rejeter l’appel et de confirmer la décision du comité, suivant l’alinéa 45.16(3)a) de la Loi sur la GRC.

[4]  Le commissaire est habilité, en vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi sur la GRC, à déléguer son pouvoir de trancher de manière définitive et exécutoire les appels en matière de déontologie. J’ai reçu cette délégation de pouvoirs.

[5]  Pour rendre la présente décision, j’ai examiné la documentation présentée au comité (documents), ainsi que le dossier d’appel (appel). À l’instar du CEE, les pages 1 à 606 des documents seront désignés par « vol. 1 », et les pages 607 à 1212 par « vol. 2 ».

[6]  Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté.

CONTEXTE

[7]  Le CEE énonce de manière exacte les faits entourant la présente affaire :

[TRADUCTION]

[5] Le 25 janvier 2015, l’intimé a arrêté un individu (M. B) pour conduite avec les facultés affaiblies (documents, vol. 2, p. 1153, 1167). M. B a fourni des échantillons d’haleine dont le taux d’alcoolémie était de 100 mg/100 ml et de 90 mg/100 ml. L’intimé n’a pas consigné immédiatement les renseignements au dossier dans le Système d’incidents et de rapports de police (SIRP). Le 26 février 2015, à la suite d’une demande de renseignements formulée par son superviseur, l’intimé a rédigé un faux échange de courriels entre lui et un procureur (EL) local de la Couronne dans lequel ce dernier déclarait qu’aucune accusation ne serait portée contre l’individu (documents, vol. 2, p. 1108). L’intimé a rédigé des rapports électroniques reproduisant cet échange et a rapporté l’essentiel du courriel à son superviseur (documents, vol. 2, p. 1098). Il a versé une copie de l’échange de courriels au dossier et dans le SIRP.

[6] L’intimé ne connaissait pas M. B, mais considérait que celui-ci perdrait son emploi s’il était accusé, car l’accusation entraînerait la suspension de son permis de conduire pour une longue période. L’intimé a rédigé le faux courriel afin que son superviseur classe le dossier et que la Direction des véhicules à moteur rende le permis de conduire de M. B (documents, vol. 2, p. 1101-1102).

[7] L’intimé a transmis le courriel par mégarde à EL (documents, vol. 2, p. 1153, 1101-1102). Puisqu’il n’avait aucun souvenir de cette affaire précise, EL a examiné ses dossiers et sa correspondance par courriel, et a constaté qu’il n’en avait pas discuté avec l’intimé. EL a porté la question à l’attention de son superviseur, le directeur régional des Services des poursuites pénales, qui a déposé une plainte à la Gendarmerie (documents, vol. 2, p. 1099-1100).

[8] L’intimé a été accusé au criminel de fabrication et d’usage d’un document contrefait (documents, vol. 2, p. 1144-1149). Il a plaidé coupable à l’accusation de fabrication d’un faux document et s’est vu imposer une absolution sous conditions et une période de probation de quatre mois de probation, et a reçu l’ordre de faire un don de charité de 1 000 $ (ce qu’il a fait) et de continuer à suivre des séances de counseling (documents, vol. 1, p. 9; documents, vol. 2, p. 855).

PROCÉDURE DISCIPLINAIRE

Enquête relative au code de déontologie

[8]  Le 20 mars 2015, le surintendant (surint.) PB, l’officier responsable du détachement auquel était affecté l’intimé, a lancé une enquête sur le faux échange de courriels entre l’intimé et le procureur de la Couronne, visant à établir si l’intimé avait contrevenu au code de déontologie.

[9]  Le 26 mars 2015, le Groupe des normes professionnelles a finalisé le rapport d’enquête (documents, vol. 2, p. 1097-1212), qui donnait un aperçu des rencontres avec le gend. PR, le superviseur intérimaire de l’intimé au moment des événements, et avec EL, le procureur de la Couronne. Étant donné que l’intimé n’a pas fourni de déclaration dans le cadre de l’enquête relative au code de déontologie, le rapport d’enquête donnait également un aperçu de la déclaration de l’intimé, obtenue le 20 mars 2015 par le sergent d’état-major SP, l’enquêteur responsable de l’enquête criminelle.

Avis d’audience disciplinaire

[10]  Le 8 septembre 2015, l’intimé s’est vu signifier un avis d’audience disciplinaire (avis), signé par l’appelant le 2 septembre 2015, dans lequel étaient énoncées les quatre allégations suivantes formulées contre lui et fondées sur les articles 7.1 et 8.1 du code de déontologie :

[TRADUCTION]

Allégation 1

Le 26 février 2015, ou vers cette date, à ou près de [XX], [l’intimé], n’a pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions et du déroulement d’une enquête, contrevenant ainsi à l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation :

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division J, dans la province du Nouveau-Brunswick.

2. Le 26 février 2015, ou vers cette date, alors que vous étiez dans l’exercice de vos fonctions, vous avez dit au gendarme [PR], votre superviseur intérimaire, que le procureur de la Couronne ne porterait pas des accusations criminelles dans le dossier du SIRP [X] et que celui-ci vous avait envoyé un courriel à cet égard.

3. La déclaration faite au gendarme [PR] contenait des renseignements faux et trompeurs.

Allégation 2

Le 26 février 2015, ou vers cette date, à ou près de [XX], [l’intimé], a adopté une conduite déshonorante se comportant de manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation :

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division J, dans la province du Nouveau-Brunswick.

2. Le 26 février 2015, ou vers cette date, alors que vous étiez dans l’exercice de vos fonctions, vous avez supprimé le contenu d’un courriel que le procureur de la Couronne [EL] vous avait envoyé sur une question non liée à l’affaire en l’espèce, le remplaçant par de faux renseignements concernant le dossier du SIRP [X]. Le courriel que vous avez fabriqué semblait provenir de [EL].

3. Le 26 février 2015, vous avez envoyé le courriel contrefait au procureur de la Couronne [EL] au moyen du système Groupwise de la GRC.

Allégation 3

Entre le 26 février 2015 et le 24 mars 2015, à ou près de [XX], [l’intimé], a adopté une conduite déshonorante se comportant de manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation :

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division J, dans la province du Nouveau-Brunswick.

2. Le 26 février 2015, ou vers cette date, alors que vous étiez dans l’exercice de vos fonctions, vous avez supprimé le contenu d’un courriel que le procureur de la Couronne [EL] vous avait envoyé sur une question non liée à l’affaire en l’espèce, le remplaçant par de faux renseignements concernant le dossier du SIRP [X]. Le courriel que vous avez fabriqué semblait provenir de [EL].

3. Entre le 26 février et le 27 février 2015, vous avez transmis le courriel contrefait au gendarme [PR], votre superviseur intérimaire, qui vous a demandé de le verser au dossier.

4. Entre le 26 février et le 24 mars 2015, vous avez versé le courriel contrefait au dossier de la GRC [X].

5. Le 26 février 2015, ou vers cette date, vous avez envoyé par télécopieur une lettre à la Direction des véhicules à moteur du Nouveau-Brunswick au sujet du dossier [X], portant la mention « Aucune accusation ne sera portée. »

6. Le 27 février 2015, le gendarme [PR], superviseur intérimaire, a fermé le dossier [X].

7. Vous n’avez pas préservé l’intégrité de la loi, de l’application de la loi et de l’administration de la justice.

Allégation 4

Le 26 février 2015, ou vers cette date, à ou près de [XX], [l’intimé], n’a pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions et du déroulement d’une enquête, contrevenant ainsi à l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation :

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division J, dans la province du Nouveau-Brunswick.

2. Vous avez préparé un résumé pour le dossier du SIRP [X] dans lequel vous avez indiqué : « Le membre a communiqué avec la Couronnne. Aucune accusation ne sera portée. [M. B] en a été informé. »

3. Vous avez rédigé un rapport général pour le dossier du SIRP [X] dans lequel vous avez indiqué en date du 19 février 2015: « Le membre a envoyé un courriel à la Couronne au sujet de l’extrapolation. La Couronne a demandé de l’information sur l’incident de conduite automobile. Le membre ne disposait d’aucune preuve relative à la conduite automobile et a indiqué la présence au moment de l’arrestation des signes associés aux facultés affaiblies. » De plus, vous avez indiqué en date du 26 février 2015 : « Le membre a reçu le courriel de [EL] confirmant qu’aucune accusation ne serait portée, vu que la GRC a pour politique de pas porter des accusations pour un taux d’alcoolémie de 100 mg/100 ml et vu l’absence de preuve quant à la conduite automobile. »

4. L’information que vous avez saisie dans le SIRP comprenait des renseignements faux et trompeurs.

L’instance devant le comité

a) Requête préliminaire visant à regrouper les allégations

[11]  Le 30 octobre 2015, le comité a tenu une conférence préparatoire avec les parties. Pendant la conférence, la représentante du membre (RM) a présenté une requête visant le regroupement des allégations 1 et 4, et des allégations 2 et 3. Dans ses observations datées du 4 novembre 2015 (documents, vol. 2, p. 728-737), la RM faisait valoir qu’en raison du caractère identique des allégations 1 et 4, il convenait de regrouper celles-ci en une seule allégation. La RM affirmait en outre que les allégations 2 et 3 étaient essentiellement identiques, exception faite des dates concernées. La représentante de l’autorité disciplinaire (RAD) a présenté ses observations le 6 novembre 2015 (documents, vol. 2, p. 719-721), faisant valoir que les allégations 1 et 4 devaient demeurer distinctes, compte tenu de leurs éléments particuliers. La RAD ne s’est pas prononcée sur le regroupement des allégations 2 et 3.

[12]  Le 16 novembre 2015, à l’audience concernant les allégations, le comité a rejeté la requête présentée par la RM en se fondant sur l’absence de redondance et sur le caractère distinctif des actes décrits dans chaque allégation (documents, vol. 2, p. 931-937; décision écrite du comité : documents, vol. 1, p. 13-14).

b) Décision relative aux allégations

[13]  Après avoir tranché la requête préliminaire, le comité a rendu une décision de vive voix sur les allégations (documents, vol. 2, p. 938-964; décision écrite du comité : documents, vol. 1, p. 14-19). Le comité a tout d’abord énoncé le critère de la personne raisonnable, appliqué à la suite d’une conclusion de contravention au code de déontologie, pour affirmer qu’il s’est fondé, pour rendre sa décision, sur les documents du dossier, ainsi que sur les observations écrites des parties, notamment les aveux de l’intimé concernant les allégations. La RAD a fourni aux fins d’examen la liste des témoins à comparaître à l’audience, mais aucun témoin n’a été cité.

[14]  Le comité a déterminé, selon la prépondérance des probabilités, que les quatre allégations étaient fondées. Suivant le critère de la personne raisonnable, le comité a conclu, à l’égard des allégations 2 et 3, que la transmission par l’intimé du courriel contrefait au procureur de la Couronne, quoique involontaire, était néanmoins susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, allant ainsi à l’encontre de l’article 7.1 du code de déontologie. En ce qui concerne les allégations 1 et 4, le comité a conclu que l’intimé avait délibérément fait des déclarations inexactes, ce qui contrevient à l’article 8.1 du code de déontologie.

[15]  Le 17 novembre 2015, le comité a tenu une deuxième conférence préparatoire avec les parties, pendant laquelle il a été convenu que la RAD communiquerait à la RM des documents se rapportant à l’étape des mesures disciplinaires, et que ces documents feront l’objet d’une discussion avant leur présentation devant le comité (documents, vol. 1, p. 586-588). Il a aussi été établi que ni l’une ni l’autre partie n’appellerait de témoins aux fins d’un contre-interrogatoire et qu’il n’était pas d’ailleurs nécessaire de le faire.

c) Argumentation de la RAD concernant les mesures disciplinaires

[16]  Dans ses observations écrites, la RAD a affirmé que les circonstances propres à la présente affaire justifiaient le congédiement (documents, vol. 1, p. 305-309). La RAD a invoqué des affaires disciplinaires récentes de la GRC et fait valoir que, dans les cas d’inconduite mettant en cause un manquement à l’honneur ou à l’intégrité, ainsi que l’absence de facteurs atténuants importants, la peine indiquée était le congédiement. La RAD a affirmé que, dans le cas de l’intimé, les facteurs atténuants n’étaient pas suffisamment importants pour l’imposition d’une peine autre que le congédiement et a présenté les facteurs aggravants suivants :

[TRADUCTION]

  1. L’inconduite était assez grave pour justifier la résiliation du contrat de travail conclu entre l’intimé et la Gendarmerie.

  2. L’inconduite était volontaire. L’intimé a fait une fausse déclaration à son superviseur, à rédigé un faux courriel qu’il a enregistré par la suite dans les dossiers de police et a donné de fausses indications à un autre organisme gouvernemental. Il s’agissait d’actes graves, posés volontairement et délibérément, et qui ne reposaient pas sur une simple erreur de jugement.

  3. L’inconduite de l’intimé était préméditée et délibérée.

  4. Par suite des actes graves d’inconduite de l’intimé ainsi que des conséquences de l’arrêt de la Cour suprême du Canada (CSC) R c McNeil, 2009 CSC 3 (McNeil), l’intimé se retrouve dans l’incapacité d’exercer des fonctions à titre d’agent de police.

  5. En raison de l’inconduite de l’intimé, son superviseur a procédé à la fermeture d’un dossier opérationnel sans avoir effectué un examen adéquat.

  6. Les actes posés par l’intimé ont porté grandement atteinte à l’intégrité de la loi, de l’application de la loi et de l’administration de la justice, notamment en minant la confiance du bureau du procureur de la Couronne.

  7. La crédibilité de l’intimé a été irrémédiablement compromise.

  8. L’inconduite a été assimilée par les tribunaux à une infraction criminelle.

  9. L’inconduite a porté grandement atteinte à la réputation de la GRC.

  10. L’intimé n’est pas digne de confiance. Sans égard aux options dont M. B pouvait disposer, l’intimé a choisi d’enfreindre la loi et de manquer à ses obligations en tant qu’agent de police.

[17]  Enfin, la RAD a fait valoir que la conduite répréhensible de l’intimé est allée manifestement à l’encontre des valeurs fondamentales de la GRC et que sa crédibilité a été irrémédiablement compromise, rendant ainsi impossible l’exécution des principales tâches d’un agent de police (documents, vol. 1, p. 309).

[18]  La RAD a déposé les documents suivants (documents, vol. 1, p. 281-576) :

  1. Rapport d’incident concernant la décharge accidentelle par l’intimé de son fusil, le 10 août 2014 (documents, vol. 1, p. 282-286).

  2. Directives administratives concernant un conflit survenu au domicile de la gardienne d’enfants de l’intimé à la suite duquel celui-ci avait causé des dommages mineurs à un mur (documents, vol. 1, p. 287-288).

  3. Déclaration (documents, vol. 1, p 292) par laquelle le directeur régional des Services des poursuites pénales confirmait que la décision de ne pas convoquer l’intimé comme témoin en raison de sa malhonnêteté, a mené à la fermeture de plus de 20 dossiers où celui-ci figurait comme témoin. Le directeur régional précisait que l’incident n’avait pas eu de répercussions sur les relations que son bureau entretenait avec les membres de la GRC ou avec l’organisation en général et qu’il appréciait la façon dont la haute gestion de la GRC avait réglé l’affaire.

  4. Déclaration (documents, vol. 1, p. 296-302) dans laquelle EL indiquait être principalement préoccupé par le fait qu’une personne arrêtée à la suite d’un incident de conduite avec facultés affaiblies avait été en mesure de récupérer son permis de conduire et qu’on s’était ainsi servi de son nom à son insu. EL a ajouté qu’il a dû abandonner son rôle de procureur principal dans un dossier distinct où l’intimé figurait comme témoin-clé, et que les accusations n’avaient pas été poursuivies en raison des questions de crédibilité. EL a précisé qu’on a demandé aux procureurs à Moncton de réévaluer les dossiers comportant la participation de l’intimé et que bon nombre de ces dossiers ont par la suite été retirés.

  5. Jurisprudence que la RAD comptait invoquer à l’audience (documents, vol. 1, p. 313-576).

[19]  Le 19 novembre 2015, à l’audience sur les mesures disciplinaires, la RAD a rappelé les facteurs aggravants énoncés dans ses observations écrites et formulé des commentaires sur les autres facteurs aggravants qui ressortent des déclarations provenant du bureau du procureur de la Couronne (documents, vol. 2, p. 977-987). La RAD fait valoir, tout comme EL dans sa déclaration, que l’inconduite de l’intimé a imposé au bureau de la Couronne un lourd fardeau administratif, menant à la réévaluation et au retrait d’au moins 20 poursuites criminelles. La RAD a également affirmé que l’appréciation que le directeur régional exprimait au sujet de la façon dont la haute direction de la GRC avait réglé l’affaire montrait l’appui accordé à la décision de congédier l’intimé.

[20]  En ce qui concerne le facteur aggravant susmentionné concernant l’incapacité de l’intimé d’exercer des fonctions à titre d’agent de police du fait de son inconduite, la RAD a ajouté que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation en faveur de l’intimé pour le préjudice causé à son intégrité imposerait aussi un lourd fardeau administratif à la Gendarmerie et serait contraire à l’intérêt public.

[21]  La RAD a par la suite avisé le comité qu’elle ne comptait pas contre-interroger les auteurs des documents présentés par l’intimé, mais qu’elle se réservait le droit de répondre aux observations verbales de la RM.

d) Argumentation de la RM concernant les mesures disciplinaires

[22]  En prévision de l’audience sur les mesures disciplinaires, la RM a déposé plusieurs documents, dont les suivants :

  1. La déclaration écrite de l’intimé, en date du 12 novembre 2015 (documents, vol. 1, p. 195-199), dans laquelle celui-ci donnait des renseignements sur sa vie familiale et sur son cheminement professionnel ayant mené à l’emploi au sein de la GRC. L’intimé présentait une série d’événements majeurs auxquels il avait participé, notamment la fusillade du 4 juin 2014, contre des membres de la GRC à Moncton, qui, selon lui, l’avait [TRADUCTION] « profondément affecté » et incité à obtenir du soutien psychologique. L’intimé abordait également le contexte entourant les allégations et expliquait que ses actes étaient motivés par les conséquences dévastatrices d’une déclaration de culpabilité pour conduite avec les facultés affaiblies constatées relativement à une personne qu’il avait arrêtée au début de sa carrière comme agent de police. Pour conclure, l’intimé reconnaissait avoir commis une erreur de jugement, en assumait la responsabilité et regrettait profondément ses actes.

  2. Rapport prédécisionnel fourni à la Cour provinciale (documents, vol. 1, p. 223-228) faisant état de renseignements généraux concernant la situation sociale de l’intimé.

  3. Lettres provenant de la psychologue qui suivait l’intimé (documents, vol. 1, p. 230-233) en date du 15 octobre et du 10 novembre 2015. Dans sa lettre du 15 octobre 2015, la psychologue faisait le point sur les séances de thérapie menées avec l’intimé à la suite de sa participation aux événements entourant la fusillade de 2014 à Moncton, et décrivait les symptômes observés chez l’intimé ainsi que les sentiments éprouvés par celui-ci à la suite des événements entourant les allégations. La lettre du 10 novembre 2015 servait à énoncer l’avis de la psychologue, selon lequel la conduite de l’intimé visée par les allégations constituait un incident isolé et qu’il était très peu probable que cela se reproduise. La psychologue ajoutait que l’intimé subissait un stress considérable avant l’incident, ce qui aurait contribué à son mauvais jugement le jour des événements en question.

  4. Fiches et évaluations de rendement positives de l’intimé (documents, vol. 1, p. 235-250).

  5. Six lettres de recommandation signées par des collègues en faveur de l’intimé (documents, vol. 1, p. 252-260).

  6. Trois lettres d’excuses adressées par l’intimé à EL, le procureur local de la Couronne, et au gend. PR (documents, vol. 1, p. 262-264).

  7. Deux documents provenant des médias d’information et portant sur la peine infligée à l’intimé (documents, vol. 1, p. 266-267).

  8. Un courriel provenant du gend. PR, le superviseur de l’intimé, dans lequel celui-ci affirmait n’avoir aucune hésitation à collaborer de nouveau avec l’intimé, compte tenu de la confiance qu’il lui accordait (documents, vol. 1, p. 275).

  9. Liste de la jurisprudence (documents, vol. 1, p. 587-580).

  10. Deux documents provenant des médias d’information portant sur la peine en matière criminelle infligée à un membre pour usage d’un document contrefait (documents, vol. 1, p. 581-583).

[23]  À l’audience sur les mesures disciplinaires, la RM a énuméré devant le comité les mesures disciplinaires graves énoncées au paragraphe 5(1) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [les CC (déontologie)], et affirmé que, en dépit du nouveau Guide des mesures disciplinaires, le comité devrait tenir compte des précédents en la matière lorsqu’il s’agissait de déterminer pour la première fois les mesures disciplinaires à imposer sous le nouveau régime.

[24]  La RM a ensuite énoncé les peines qu’elle estimait indiquées au regard de chaque allégation portée contre l’intimé. La RM a affirmé, relativement à l’allégation 2 (la transmission du courriel au procureur de la Couronne), que l’inconduite en cause était, pour l’essentiel, semblable à la mauvaise utilisation de l’équipement de la Gendarmerie et méritait une réprimande. Pour ce qui est de l’allégation 3 (la contrefaçon du courriel et son versement dans le dossier), la mesure disciplinaire indiquée consistait en la confiscation de 30 jours de solde, l’inadmissibilité à une promotion pour une période de un à deux ans et une éventuelle mutation. Selon la RM, les actes de l’intimé suscitant l’allégation 1 (déclaration trompeuse faite à son superviseur) méritaient une mesure disciplinaire d’une portée propre aux cas mineurs et aux cas ordinaires et qui correspondait à une confiscation de 15 à 20 jours de solde. Enfin, au sujet de l’allégation 4 (l’entrée dans le SIRP contenant des renseignements faux et trompeurs), la RM a fait valoir que le Guide des mesures disciplinaires prévoyait un éventail de mesures applicables dans les cas mineurs qui correspondaient à une confiscation de 3 à 10 jours de solde, ainsi qu’un éventail propre aux cas ordinaires qui correspondait à une confiscation de 15 à 20 jours de solde. La RM a en outre fait observer que, selon le Guide des mesures disciplinaires, parmi les cas mineurs qui justifiaient une mesure disciplinaire s’inscrivaient les gestes inhabituels, les incidents isolés et le comportement malhonnête, qui étaient tous applicables en l’espèce.

[25]  La RM a procédé à l’analyse des affaires relevant de la GRC et portant sur des allégations graves de fraude ou de comportement semblable, qui n’ont pas mené au congédiement de la Gendarmerie (documents, vol. 2, p. 1000-1016). La RM a souligné les facteurs atténuants dans chaque affaire et établi une parallèle avec l’inconduite de l’intimé pour faire valoir que le congédiement n’était pas justifié en l’espèce. Selon la RM, l’intimé a fait preuve de franchise et son inconduite constituait un incident isolé, n’étant pas motivée par un gain personnel.

[26]  La RM a abordé certains des facteurs aggravants invoqués par la RAD (documents, vol. 2, p. 1018-1032). La RM a affirmé que, bien que volontaires, les actes de l’intimé n’étaient pas planifiés ni délibérés; celui-ci a rencontré une occasion de dissimuler le dossier et l’a donc saisie. Au sujet des conséquences de l’arrêt McNeil, la RM a dit que l’intimé avait été informé de l’existence, au sein de la Gendarmerie, de postes visés par l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, de sorte que les préoccupations à cet égard n’étaient pas insurmontables. En outre, la RM a estimé qu’il fallait accorder peu de poids au facteur aggravant invoqué par la RAD quant à la clôture par le superviseur de l’intimé d’un dossier opérationnel sans examen adéquat, car l’intimé avait toute latitude pour fermer lui-même le dossier sans autorisation de la Couronne. La RM a en outre invoqué la déclaration du directeur régional portant que les actes posés par l’intimé n’avaient pas eu de répercussions sur les relations que son bureau entretenait avec les membres de la GRC ou avec la Gendarmerie en général (documents, vol. 1, p. 292), et fait valoir que, contrairement à ce que soutenait la RAD, les actes de l’intimé n’avaient pas porté atteinte aux relations de la Gendarmerie avec le bureau de la Couronne. Dans le même ordre d’idées, la RM a contesté l’interprétation que la RAD donnait à la déclaration du directeur régional comme indiquant l’appui accordé à la décision de la direction de demander le congédiement de l’intimé, compte tenu de l’absence d’indication précise à cet égard dans la lettre en question. La RM a contesté l’affirmation de la RAD voulant que la crédibilité de l’intimé soit irrémédiablement compromise,eu égard aux lettres d’appui provenant du superviseur et des collègues de l’intimé. En ce qui concerne le facteur aggravant portant sur le manque de fiabilité de l’intimé, la RM a souligné, dans la même veine que sa psychologue, que celui-ci subissait un stress considérable et que l’inconduite ne constituait qu’un incident isolé.

[27]  Selon la RM, il convenait de prendre en considération les facteurs atténuants importants liés aux actes de l’intimé (documents, vol. 2, p. 1030-1032, 1041-1046). Ce dernier avait exprimé des remords concernant son inconduite, était en voie de réadaptation à la suite des séances de counseling avec sa psychologue, qui estimait que la probabilité qu’un tel comportement se reproduise à l’avenir était très faible, et avait conservé une excellente réputation.

[28]  À la suite de la présentation par la RM de ses arguments concernant les mesures disciplinaires, l’intimé s’est vu accorder la possibilité de s’adresser au comité (documents, vol. 2, p. 1059-1061). Il a ainsi présenté des excuses pour ses actes et déclaré qu’il éprouvait des remords et de l’embarras. L’intimé a également exprimé sa fierté de faire partie de la GRC.

e) Réplique de la RAD concernant les mesures disciplinaires

[29]  Dans sa réplique, la RAD a invoqué plusieurs arguments pour réfuter les observations de la RM sur les mesures disciplinaires (documents, vol. 2, p. 1062-1087). Selon la RAD, rien dans la preuve n’indiquait que l’intimé s’était vu offrir des postes visés par l’obligation de prendre des mesures disciplinaires ou qu’il existait de tels postes vacants qui répondaient à ses besoins. En réponse à l’affirmation de la RM sur l’absence de preuve selon laquelle l’inconduite de l’intimé a porté atteinte à la réputation de la Gendarmerie, la RAD a fait valoir que toute inconduite a un effet préjudiciable sur la Gendarmerie. La RAD a également souligné que l’inconduite en cause a mené à des poursuites pénales et a été médiatisée.

[30]  La RAD a affirmé qu’il convenait d’accorder peu de poids aux lettres provenant de la psychologue de l’intimé (documents, vol. 2, p. 1067-1071). Selon la RAD, la conclusion de la psychologue portant sur la faible probabilité que les actes d’inconduite se reproduisent était non fondée. De plus, la psychologue faisait état du stress subi par l’intimé, mais n’avait pas réussi à établir une corrélation évidente avec l’inconduite. La RAD a indiqué en outre que la psychologue de l’intimé n’avait pas présenté de plan de réadaptation.

[31]  La RAD a ensuite contesté le facteur atténuant invoqué par la RM au sujet du rendement et de la réputation de l’intimé. La RAD a affirmé qu’en dépit des quatre lettres d’appui, la réputation de l’intimé était manifestement compromise au sein de l’organisation, ainsi qu’auprès du commandant et du bureau de la Couronne. En ce qui concerne le rendement, la RAD a rappelé au comité que l’intimé avait fait l’objet de directives administratives à la suite de l’incident survenu à la résidence de sa gardienne d’enfants, qui allait à l’encontre des valeurs de respect et de professionnalisme. Au sujet de l’inconduite faisant l’objet des allégations, la RAD a affirmé que l’intimé a eu amplement l’occasion d’admettre ses actes et qu’il n’est allé de l’avant que lorsqu’on a découvert son inconduite.

[32]  La RAD a conclu en soulignant l’impact irrémédiable sur la Gendarmerie de l’inconduite de l’intimé, ainsi que sur sa capacité de travailler et sur son contrat de travail. Selon la RAD, contrairement à bon nombre d’affaires citées par la RM, en l’espèce, l’inconduite de l’intimé a eu un impact opérationnel considérable en raison du lien direct avec le bureau de la Couronne.

f) Demande du comité en vue d’obtenir des observations supplémentaires

[33]  Le 1er décembre 2015, le comité a avisé les parties de l’existence d’une décision pertinente rendue par un comité d’arbitrage de la GRC et qu’elles n’avaient pas invoquée. Le comité a offert aux parties la possibilité de déposer des observations supplémentaires (documents, vol. 1, p. 172). Il s’agissait de l’affaire Officier compétent, Division « E » et gendarme Orr (2013), 12 DA (4e) 472 [Orr] (documents, vol. 1, p. 173-182), où le comité d’arbitrage avait établi le bien-fondé de trois allégations de conduite scandaleuse portées contre le membre visé pour avoir fourni de faux renseignements dans les documents présentés au bureau provincial des véhicules automobiles. Pour faire preuve de clémence à l’endroit des trois conducteurs soupçonnés de conduite avec facultés affaiblies, le membre concerné a faussement consigné que ces derniers avaient refusé de souffler un échantillon d’haleine dans l’appareil de détection, alors qu’en fait l’éthylométrie avait été effectuée et livré le résultat « FAIL » (échec). Un important facteur atténuant a pesé dans la balance : le fait que le membre a lui-même informé la Gendarmerie de deux des trois incidents qui lui étaient reprochés. La peine imposée correspondait à la recommandation conjointe des parties, à savoir un avertissement doublé d’une confiscation de solde pour dix jours de travail.

[34]  Dans ses observations présentées le 7 décembre 2015 (documents, vol. 1, p. 147), la RAD a avancé que la situation dans l’affaire Orr était différente de celle en l’espèce, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, dans Orr, l’inconduite du membre visé avait porté dans une moindre mesure atteinte à l’administration de la justice vu que, contrairement aux actes posés par l’intimé, celui-ci n’avait pas fabriqué un document afin de le présenter comme provenant d’un procureur de la Couronne. Ensuite, la RAD a fait valoir que le gend. Orr n’avait pas fait l’objet d’une poursuite pénale. Enfin, dans Orr, la recommandation conjointe sur la peine témoignait du soutien accordé par le commandant du membre visé. La RAD a indiqué à cet égard que la peine de congédiement correspondait habituellement à l’issue dans les cas mettant en cause un manquement à l’honneur ou à l’intégrité, comportement qui ne faisait d’ailleurs pas l’objet d’une recommandation conjointe en l’espèce.

[35]  Dans ses observations en date du 9 décembre 2015 (documents, vol. 1, p. 143-144), la RM a affirmé que, malgré l’existence des facteurs permettant d’établir une distinction entre l’espèce et l’affaire Orr, il convenait que le comité prenne en considération plusieurs similitudes pertinentes, notamment le fait que le gend. Orr avait fourni de faux renseignements dans des documents pour faire preuve de clémence à l’endroit de conducteurs soupçonnés de conduite avec facultés affaiblies. Selon la RM, s’agissant des facteurs atténuants et aggravants, les deux affaires étaient de nature similaire, alors que les principes appliqués dans Orr étaient pertinents en l’espèce. La RM a fait observer que le gend. Orr faisait l’objet d’allégations liées à trois incidents distincts, alors que dans le cas de l’intimé il s’agissait de quatre allégations portant sur un seul incident. Dans les deux cas, il n’était pas question de gain personnel; le gend. Orr avait fait l’objet d’un seul antécédent de mesures disciplinaires simples, alors que l’intimé n’avait aucun antécédent de cette nature; les deux membres étaient des employés exceptionnels et bénéficiaient de nombreuses lettres d’appui; les deux membres ont présenté des excuses sincères et assumé la responsabilité de leurs actes. Pour conclure, la RM a fait valoir qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte de l’absence de soutien implicite de la direction en tant que facteur aggravant qui justifiait d’emblée le congédiement du membre, mais plutôt en tant que facteur atténuant qui était absent en l’espèce.

g) Décision relative aux mesures disciplinaires

[36]  Dans une décision écrite rendue le 29 janvier 2016 (documents, vol. 1, p. 5-33), le comité a examiné les antécédents personnels de l’intimé, l’expérience professionnelle antérieure à l’entrée au service de la GRC, ainsi que les évaluations de rendement pour son emploi au sein de la Gendarmerie. Le comité a constaté, à partir des évaluations de rendement, que les superviseurs et les supérieurs de l’intimé donnaient toujours une rétroaction très favorable, et que, même parmi ses collègues, l’intimé occupait une position de premier plan. Le comité s’est également penché sur les évaluations psychologiques de l’intimé, à la suite des événements tragiques qui se sont déroulés à Moncton en 2014, et sur les deux lettres provenant de la psychologue de l’intimé, que le comité avait reconnue comme experte en la matière, tel qu’il a été confirmé lors de la conférence préparatoire du 17 novembre 2015 (documents, vol. 1, p. 586-588). Le comité a examiné en outre la jurisprudence en matière de discipline présentée par les deux parties et fait observer que, pour les affaires portant sur la malhonnêteté, l’éventail des peines infligées allait d’un avertissement doublé d’une confiscation de solde pour une période importante jusqu’à l’ordre de démission. Toutefois, le comité a souligné que, dans toutes les affaires invoquées, l’acte de malhonnêteté visé était motivé par un quelconque gain personnel ou avantage, et qu’en règle générale, le congédiement n’était imposé que dans de telles circonstances.

[37]  Le comité a conclu, compte tenu de la déclaration de l’intimé enregistrée sur bande vidéo, que la rédaction du faux échange de courriels n’avait pas été préméditée. Le comité a également conclu que, bien que la contrefaçon du courriel soit assimilable à un comportement criminel, aucun des actes faisant l’objet des allégations n’était motivé par un gain personnel, et que l’intimé n’avait pas cherché à compromettre l’intégrité d’une enquête ou d’une poursuite. Les actes de l’intimé étaient motivés par la volonté d’éviter que M. B perde son emploi.

[38]  Après examen des facteurs aggravants et atténuants présents en l’espèce, le comité a retenu les facteurs aggravants suivants (documents, vol. 1, p. 27-28) :

  1. L’inconduite n’était pas planifiée, mais comportait néanmoins une série d’actes délibérés qui reposaient sur une erreur grave de jugement.
  2. Bien que non motivée par un gain personnel, l’inconduite de l’intimé faisait preuve de manque d’honnêteté et d’intégrité. En ce qui concerne l’affaire Orr et les similarities avec les circonstances en l’espèce, le comité a fait observer que l’importance que le gend. Orr attachait au respect de la loi a été occultée par son empathie envers trois conducteurs en difficulté.
  3. L’auteur de l’inconduite était un gendarme supérieur.
  4. Compte tenu des conséquences de l’arrêt McNeil, l’inconduite imposait à la Gendarmerie un lourd fardeau administratif, mais pas insoutenable.
  5. En raison de l’inconduite, le superviseur de l’intimé a procédé à la fermeture d’un dossier opérationnel sans avoir effectué un examen adéquat. La RAD a confirmé que l’intimé avait le pouvoir de ne pas porter des accusations contre M. B, mais il n’a pas suivi la procédure de la GRC liée à la supervision d’enquête.
  6. Les procureurs de la Couronne étaient tenus de réviser l’ensemble des dossiers comportant la participation de l’intimé. L’inconduite avait porté préjudice à l’application de la loi dans la région, vu que la Couronne avait décidé de retirer une poursuite pour agression armée, ainsi qu’environ 20 dossiers de conduite avec facultés affaiblies auxquels participait l’intimé.
  7. L’intimé a admis avoir commis une infraction au Code criminel, LRC 1985, c C-46 [Code criminel] pour fabrication d’un faux document et a obtenu une absolution sous conditions.
  8. L’inconduite a eu pour effet de compromettre la crédibilité de l’intimé, mais non de manière irrémédiable, et a fait l’objet d’une couverture médiatique négative.

[39]  Le comité a établi les facteurs atténuants suivants (documents, vol. 1, p. 28-30) :

  1. À la première occasion qui s’est présentée, l’intimé a avoué ses actes, a assumé la responsabilité de son comportement criminel, a admis les allégations portées à son encontre et a mandaté la RM de ne pas demander la preuve formelle des pièces ni la comparution de témoins, en vue d’une utilisation minimale des ressources administratives.
  2. L’intimé a adressé des excuses formelles par écrit au procureur de la Couronne et a continué de bénéficier de la confiance de son superviseur, le gend. PR.
  3. L’intimé a exprimé des remords sincères.
  4. L’intimé n’avait pas d’antécédents en matière de mesures disciplinaires. L’encadrement opérationnel et la formation de rattrapage ne se rapportaient pas à son honnêteté ni à son intégrité.
  5. L’intimé avait un dossier professionnel supérieur à la moyenne et était reconnu pour son éthique du travail.
  6. L’inconduite correspondait à un incident isolé et inhabituel.
  7. Au moment des événements, l’intimé était toujours aux prises avec des facteurs de stress importants, liés notamment aux incidents graves survenus alors qu’il était en service. Le comité n’était pas disposé à conclure que l’inconduite avait pour cause ces facteurs de stress, mais a déterminé que la psychologue de l’intimé avait établi l’existence d’un lien possible mais improbable. Le comité a toutefois conclu qu’étant donné que l’honnêteté dont avait fait preuve l’intimé n’était pas motivée par un gain personnel, il n’était pas nécessaire d’établir l’existence d’un lien de causalité entre les troubles de santé mentale et les actes contraires à l’éthique pour conclure que le congédiement constituait une issue disproportionnée.
  8. L’intimé suivait des séances de counseling et continuerait de le faire.
  9. L’intimé était reconnu en tant que membre fiable de l’équipe.
  10. L’intimé était reconnu pour son professionnalisme exemplaire.
  11. L’intimé continuait de bénéficier du soutien de ses pairs et de ses superviseurs dans son détachement, tel qu’il ressortait des lettres d’appui.
  12. L’intimé a fait preuve de responsabilité lorsqu’il a présenté une déclaration pour avouer ses actes.
  13. L’intimé manifestait depuis longtemps son engagement envers la collectivité.
  14. La probabilité que l’inconduite se reproduise à l’avenir était faible. Le comité s’est fondé non seulement sur l’avis de la psychologue, mais aussi sur l’attitude de l’intimé et les propos tenus devant le comité.
  15. La réparation envers la collectivité a été effectuée de manière indirecte sous la forme d’un don de charité important selon les modalités de l’absolution sous conditions.

[40]  Après examen des contraventions dont le bien-fondé avait été établi, des documents, des observations, des précédents applicables, des facteurs aggravants et atténuants, ainsi que du Guide des mesures disciplinaires, le comité a conclu que le congédiement de l’intimé ou l’ordre enjoignant à celui-ci de donner sa démission dans un délai de 14jours ne seraient pas proportionnels à la nature et aux circonstances des contraventions. Le comité a déclaré, eu égard à la situation tout à fait unique de l’intimé, que [TRADUCTION] « ses actes ne permettent pas de justifier la résiliation de son contrat de travail, et [que] l’inconduite ne constitue pas une violation d’une condition essentielle de son emploi » (documents, vol. 1, p. 30).

[41]  Le comité a imposé les mesures disciplinaires suivantes :

  1. Une réprimande relativement à chacune des allégations.
  2. L’obligation de subir un traitement médical sous la forme de services de psychologie, relativement aux allégations 1, 3 et 4.
  3. Aucune autre mesure qu’une réprimande, relativement à l’allégation 2, étant donné que la transmission d’un courriel contrefait contrevenait au code de déontologie, mais que la véritable question portait sur le contenu du courriel en question, visé par les mesures sévères imposées relativement à l’allégation 3.
  4. La confiscation de 30 jours de solde, l’inadmissibilité à une promotion pour une période de un à deux ans et une éventuelle mutation à la discrétion de l’autorité disciplinaire, relativement à l’allégation 3. Le comité a noté que, selon le Guide des mesures disciplinaires, le comportement malhonnête correspondant à un vol est passible, en cas de circonstances atténuantes, d’une confiscation de 30 jours de solde, et que, dans les cas mineurs, la sanction pour déclarations inexactes dans les rapports de police peut aller jusqu’à la confiscation de 29 jours de solde.
  5. La confiscation de 10 jours de solde, relativement à l’allégation 1. Le comité a déterminé qu’il y avait lieu de tenir compte de la courte période de temps écoulée entre les aveux de l’intimé et les actes visés par l’allégation 4. Le comité était d’avis que la nature inhabituelle des actes de l’intimé permettait d’atténuer la sévérité de la confiscation de solde, et que l’éventail de sanctions propres aux cas ordinaires comprenait la confiscation de 10 jours de solde pour inconduite relative à la déclaration trompeuse faite à son superviseur au sujet d’un événement d’ordre opérationnel.
  6. La confiscation de 20 jours de solde, relativement à l’allégation 4. Le comité a fait observer que, selon l’article 33 du Guide des mesures disciplinaires, les cas réguliers faisaient l’objet d’un éventail de mesures qui correspondaient à une confiscation de 20 jours de solde pour la déclaration trompeuse faite à son superviseur au sujet d’un événement d’ordre opérationnel.

[42]  Pour conclure, le comité a reconnu que le régime antérieur prévoyait une période maximale de confiscation de 10 jours de solde applicable à un seul avis d’audience, mais que le régime en vigueur ne comptait plus de restrictions quant à la période de confiscation de solde qu’un comité de déontologie pouvait imposer. Le comité a confirmé, dans le cas de l’intimé, la confiscation globale de la solde pour une période de 60 jours et a statué que le nouveau régime conférait aux comités de déontologie plus de pouvoir et de souplesse en matière de sanctions financières. Le comité a examiné la suggestion du Guide des mesures disciplinaires selon laquelle, dans le cas où la confiscation de la solde pour une période de 45 jours est estimée insuffisante, le congédiement ne constitue pas une sanction excessive. Or, le comité a conclu qu’en l’espèce le congédiement de l’intimé correspondait à une peine trop sévère.

APPEL

[43]  Le 2 février 2016, l’appelant a présenté le formulaire 6437 – Déclaration d’appel au Bureau de la coordination des griefs et des appels (BCGA) (appel, p. 4-5), dans lequel il alléguait que les mesures disciplinaires imposées par le comité étaient manifestement déraisonnables. L’appelant soutient également que la décision contrevient aux principes applicables d’équité procédurale et qu’elle repose sur une erreur de droit. L’appelant sollicite une mesure disciplinaire conformément au paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, à savoir le congédiement de l’intimé de la Gendarmerie ou un ordre enjoignant à celui-ci de démissionner de la Gendarmerie dans un délai de 14 jours.

[44]  Dans ses observations en appel qu’il a transmises au BCGA le 19 avril 2016, l’appelant invoque dix moyens d’appel fondés sur des erreurs de droit, sur des conclusions manifestement déraisonnables et sur des manquements à l’équité procédurale :

[TRADUCTION]

Erreurs de droit

1.  Le comité a commis une erreur en minimisant les conséquences de l’arrêt McNeil en tant que facteur aggravant.

2.  Le comité a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble des comportements criminels de l’intimé en tant que facteur aggravant.

3.  Le comité a commis une erreur en minimisant l’incidence des actes de l’intimé sur l’administration de la justice et sur le partenariat de la Gendarmerie avec la Couronne, en tant que facteur aggravant.

4.  Le comité a commis une erreur dans son appréciation du gain personnel et de la motivation de l’intimé et en estimant que l’absence d’avantage personnel constituait un facteur atténuant.

5.  Le comité a commis une erreur en estimant que les facteurs de stress importants avec lesquels était aux prises l’intimé constituaient un facteur atténuant.

Caractère manifestement déraisonnable

6.  Le comité a commis une erreur dans l’appréciation de la preuve.

7.  Le comité a commis une erreur en concluant que inconduite de l’intimé ne justifiait pas la résiliation de son contrat de travail.

8.  Le comité a commis une erreur en s’écartant pour l’essentiel des mesures recommandées dans le Guide des mesures disciplinaires.

9.  Le comité a commis une erreur dans l’évaluation des répercussions de l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants.

Équité procedural

10.  Le comité a contrevenu aux principes d’équité procédurale par le défaut de citer des témoins essentiels et de leur demander de donner un témoignage de vive voix.

[45]  De plus, l’appelant demande l’autorisation de présenter de nouveaux éléments de preuve qui n’auraient pu raisonnablement être connus au moment où la décision a été rendue. L’appelant cherche notamment à déposer un affidavit souscrit par l’officier hiérarchique de l’intimé qui contredit les renseignements que l’intimé a fournis au comité relativement aux postes visés par l’obligation de prendre des mesures d’adaptation (appel, p. 92).

[46]  Le 16 mai 2016, l’appelant a déposé des observations sur la présentation de ces nouveaux éléments de preuve (appel, p. 171-175). Selon lui, le dernier jour de l’audience, la RM a fourni au comité des renseignements par double ouï-dire au sujet d’une conversation que l’intimé avait eue avec le surint. PB sur les postes qui pourraient lui convenir. Le comité a pris en compte ces renseignements pour rendre sa décision. L’appelant soutient que le comité n’aurait pas dû accorder de valeur probante aux renseignements par double ouï-dire, compte tenu de leur caractère vague et peu fiable, et vu qu’ils portaient sur un sujet trop important pour être admissibles sous cette forme. L’appelant affirme que la règle de la meilleure preuve n’a pas été respectée et que le surint. PB aurait pu produire une preuve directe si le comité obtenait sa déclaration écrite ou le citait comme témoin. L’appelant avance que les nouveaux éléments de preuve ont été obtenus à la première occasion raisonnable et qu’ils sont à la fois nécessaires et pertinents à l’appel.

[47]  Le 17 juin 2016, l’intimé a présenté ses observations pour faire opposition à la demande de l’appelant en vue de présenter de nouveaux éléments de preuve (appel, p. 347-350). L’intimé fait valoir que les nouveaux éléments de preuve proposés correspondent à des renseignements qui étaient connus ou aurait pu raisonnablement être connus de l’appelant au moment de l’audience. L’intimé soutient en outre que la RAD disposait à ce moment-là d’autres options pour dissiper les doutes concernant les renseignements présentés par la RM, par exemple une requête en contre-interrogatoire de l’intimé ou une requête en ajournement afin de communiquer avec le surint. PB et vérifier l’exactitude des renseignements en question. L’intimé fournit un affidavit dans lequel il indique que le surint. PB ne lui a pas offert de poste, mais a confirmé l’existence de postes visés par l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et a mentionné l’Équipe des enquêtes téléphoniques et l’Équipe de ciblage des jeunes à risque (appel, p. 351-352).

[48]  Le 22 septembre 2016, dans une lettre adressée au BCGA, l’appelant a contesté l’affidavit que l’intimé avait joint à ses observations en réponse aux arguments sur la présentation de nouveaux éléments de preuve (appel, p. 438). L’appelant demandait que le BCGA retire du dossier les observations et l’affidavit de l’intimé, et demande à celui-ci de présenter de nouveau des observations.

[49]  Le 27 septembre 2016, l’appelant a présenté une réplique non sollicitée, dans laquelle il avance que le BCGA n’a pas suivi la procédure énoncée à l’article 6.1.7 du Guide national – Procédures d’appel de la GRC et qu’il l’a privé de son droit à l’équité procédurale en lui refusant l’occasion de répondre aux nouveaux éléments de preuve de l’intimé (appel, p. 467-471). L’appelant soutient en outre que l’affidavit est inadmissible du fait que l’intimé n’a pas fourni d’explication quant à la raison pour laquelle il ignorait l’existence des renseignements figurant dans l’affidavit ou ne pouvait y avoir accès. L’appelant fait valoir que l’intimé était présent à l’audience disciplinaire, qu’il a choisi de ne pas témoigner sous serment et qu’il connaissait tous les détails mentionnés dans l’affidavit.

COMITÉ EXTERNE D’EXAMEN

[50]  Le CEE s’est tout d’abord penché sur la question de l’admissibilité de l’affidavit souscrit par le surint. PB, que l’appelant a présenté à titre de nouvelle preuve. Le CEE a conclu que l’appelant aurait pu raisonnablement déposer les éléments de preuve dont faisait état l’affidavit avant le moment où le comité a rendu sa décision, étant donné que la RAD avait eu l’occasion de questionner ou de valider les renseignements présentés par la RM à l’audience au sujet de l’appel téléphonique de l’intimé avec le surint. PB. Par conséquent, le CEE recommande que affidavit du surint. PB ainsi que l’affidavit de l’intimé présenté en réponse ne soient pas retenus dans le cadre du présent appel (rapport, par. 101-106).

[51]  Lee CEE a ensuite procédé à l’analyse des dix moyens d’appel invoqués par l’appelant.

1. Le comité a commis une erreur en minimisant les conséquences de l’arrêt McNeil en tant que facteur aggravant

[52]  Le CEE a noté que les parties n’ont pas présenté des éléments de preuve convaincants sur le poids du fardeau qu’imposerait à la Gendarmerie le fait de continuer d’employer l’intimé à titre d’agent de police, ou sur les autres postes que l’intimé pourrait occuper au sein de la Gendarmerie (rapport, par. 114). Toutefois, le CEE a reconnu qu’il incombait à l’appelant de présenter une preuve pour démontrer l’incapacité de l’intimé de continuer à exercer ses fonctions à titre d’agent de police, et qu’à défaut de telle preuve, le comité dispose de la latitude nécessaire pour tirer ses propres conclusions quant aux conséquences de l’arrêt McNeil sur la possibilité que l’intimé reste en poste. Le CEE a conclu que l’examen par le comité des renseignements par double ouï-dire présentés par la RM, bien que discutable, ne constituait pas une erreur déterminante, vu le peu de valeur accordée à ces éléments de preuve. Après examen des précédents jurisprudentiels de la GRC en matière de déontologie, le CEE a conclu que l’obligation de communication d’un membre énoncée dans l’arrêt McNeil ne justifie pas d’emblée le congédiement (rapport, par. 115).

[53]  De plus, en ce qui concerne la déclaration faite par le directeur régional des Services des poursuites pénales, le CEE n’a pas retenu l’interprétation que l’appelant a donnée de la déclaration du directeur régional relativement à la décision de retirer les accusations dans 20 dossiers comportant la participation de l’intimé, en raison de l’obligation de l’intimé de communiquer à la défense l’infraction de malhonnêteté. Plus précisément, le CEE a réfuté l’argument de l’appelant voulant que la déclaration porte sur la capacité ultérieure de l’intimé d’être assigné comme témoin, le qualifiant d’hypothétique (rapport, par. 116-117).

[54]  Par conséquent, le CEE a déterminé qu’en l’absence de preuve précise de l’une ou l’autre partie quant au fardeau administratif qu’imposerait à la Gendarmerie le maintien en poste de l’intimé, à titre d’agent de police, le comité a tenu compte de tous les facteurs pertinents et de la jurisprudence applicable. Le CEE a donc conclu que le comité n’a pas commis d’erreur manifeste ou déterminante dans l’examen et l’appréciation des conséquences des obligations de communication énoncées dans l’arrêt McNeil (rapport, par. 118).

2. Le comité a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble des comportements criminels de l’intimé en tant que facteur aggravant

[55]  Selon le CEE, le comité a eu tort de prendre en considération comme facteur aggravant l’infraction prévue au Code criminel d’usage d’un faux document plutôt que l’infraction de contrefaçon d’un document pour laquelle l’intimé a plaidé coupable, mais il ressort clairement de la décision que le comité savait que l’infraction criminelle en question concernait la commission d’un faux (rapport, par. 121).

[56]  En ce qui concerne l’argument avancé par l’appelant portant que le comité a commis une erreur en ne tenant pas compte, comme facteur aggravant, des autres actes de l’intimé qui faisaient l’objet des allégations relatives aux infractions criminelles, le CEE a cité ses conclusions et ses recommandations dans la décision C-2015-002 (C-007), dans laquelle il faisait observer que l’appréciation des facteurs aggravants correspond à [TRADUCTION] « l’examen des facteurs “autres que les éléments constitutifs essentiels” de l’inconduite » (rapport, par. 123). Le CEE a conclu que l’énoncé détaillé des allégations 2, 3 et 4 porte sur chacun des éléments dont le comité aurait dû tenir compte, selon l’appelant, comme facteurs aggravants, à savoir la fabrication du courriel contrefait, l’usage de celui-ci comme document auquel on pouvait se fier et l’utilisation de l’identité d’une autre personne dans le courriel contrefait. Le CEE a donc conclu que c’était à juste titre que le comité n’a pas pris en considération ces facteurs en tant que facteurs aggravants.

3. Le comité a commis une erreur en minimisant l’incidence des actes de l’intimé sur l’administration de la justice et sur le partenariat de la Gendarmerie avec la Couronne, en tant que facteur aggravant

[57]  Le CEE a conclu à tort à l’absence d’erreur apparente ou déterminante dans la description du comité des graves répercussions que l’inconduite de l’intimé entraînait à la fois sur l’administration de la justice et sur les relations de la Gendarmerie avec la Couronne. Le comité a pris en compte la déclaration du directeur régional pour évaluer les répercussions des actes de l’intimé et a reconnu que l’inconduite de l’intimé avait porté préjudice à l’application de la loi dans la région, vu que la Couronne avait décidé de retirer une poursuite pour agression armée, ainsi qu’environ 20 dossiers de conduite avec facultés affaiblies (documents, vol. 1, p. 28). Le comité a déterminé que l’inconduite [TRADUCTION] « risquait de porter atteinte à la réputation et aux partenariats de la GRC » (documents, vol. 1, p. 28) et estimé qu’il s’agissait d’un facteur aggravant à prendre en considération pour établir les mesures disciplinaires applicables. Le CEE a examiné l’interprétation que la RAD a donnée de la satisfaction exprimée par le directeur régional à l’égard du congédiement de l’intimé que la direction de la GRC envisageait. Le CEE a conclu qu’il s’agissait d’une interprétation conjecturale et non corroborée par la preuve.

4. Le comité a commis une erreur dans son appréciation du gain personnel et de la motivation de l’intimé et en estimant que l’absence d’avantage personnel constituait un facteur atténuant

[58]  Le CEE a reconnu que, pour déterminer les mesures disciplinaires applicables, le comité a accordé un poids considérable à sa conclusion portant que le malhonnêteté de l’intimé n’était pas motivée par un gain personnel. Selon le CEE, bien que l’intimé mentionne en effet, dans sa déclaration enregistrée sur bande vidéo du 20 mars 2015, qu’il souhaitait atténuer la pression de la part de son superviseur (appel, p. 87; documents, vol. 2, p. 784), il a informé l’enquêteur à deux reprises de son intention d’aider M. B. Le CEE a conclu que le comité n’a pas commis d’erreur manifeste dans son appréciation de la motivation de l’intimé, étant donné que l’intention de celui-ci d’aider M. B a été clairement indiquée dès le début de l’enquête relative aux allégations (rapport, par. 140-141).

5. Le comité a commis une erreur en estimant que les facteurs de stress importants avec lesquels était aux prises l’intimé constituaient un facteur atténuant

[59]  Au sujet de l’évaluation par le comité des facteurs de stress avec lesquels était aux prises l’intimé, le CEE a estimé qu’il ressortait clairement de la preuve que l’intimé subissait du stress au moment de l’incident. Selon le CEE, le comité a fait preuve d’une compréhension nuancée de la preuve à cet égard (rapport, par. 146). De plus, le CEE a estimé que l’argument avancé par l’appelant en appel quant à l’absence de preuve fiable permettant de conclure que le stress constituait un facteur atténuant était difficile à saisir, alors qu’à l’audience la RAD a affirmé qu’elle ne contestait pas les conclusions de la psychologue et que l’intimé subissait apparemment du stress au moment des faits (documents, vol. 2, p. 1071). Le CEE était d’avis que la RAD a eu amplement l’occasion de mettre en doute l’évaluation de la psychologue, y compris la possibilité de mener un contre-interrogatoire. Le CEE a déterminé que la conclusion formulée par le comité n’était pas entachée d’erreur.

6. Le comité a commis une erreur dans l’appréciation de la preuve

[60]  Compte tenu du défaut de l’appelant de fournir des arguments précis pour faire valoir que le comité a commis une erreur dans l’appréciation de la preuve, [TRADUCTION] « tel qu’il est indiqué tout au long des observations de l’appelant » (appel, p. 89), le CEE fait observer que, si l’appelant avait mis en doute l’appréciation de la preuve par le comité sous forme d’autres moyens d’appel, une analyse à cet égard aurait alors figuré dans d’autres sections du rapport (rapport, par. 150).

7. Le comité a commis une erreur en concluant que inconduite de l’intimé ne justifiait pas la résiliation de son contrat de travail

[61]  Le CEE a conclu que les observations et la réplique en appel de l’appelant ne permettent pas d’établir le bien-fondé de ce moyen d’appel. L’appelant ne fait qu’avancer que le comité n’a pas examiné correctement la preuve, notamment le comportement criminel avoué par l’intimé, les conséquences de l’arrêt McNeil et l’affirmation que l’intimé ne serait plus en mesure de témoigner dans des affaires criminelles. Le CEE a fait observer que la question concernant le comportement criminel de l’intimé et les conséquences de l’arrêt McNeil en matière de communication a été abordée ailleurs dans le rapport (rapport, par. 155).

[62]  En ce qui concerne le rejet de la peine de congédiement, le CEE a estimé que la conclusion du comité n’était entachée d’aucune erreur manifeste ou déterminante. Le CEE a noté que le comité a cerné des facteurs atténuants importants pour déterminer les mesures disciplinaires, plus particulièrement le rendement solide de l’intimé, l’absence d’antécédents en matière de sanctions disciplinaires, le soutien constant de ses pairs et de ses superviseurs, la nature isolée de l’incident et la faible probabilité que les faits se reproduisent, tel que l’avait indiqué la psychologue de l’intimé, ainsi que les remords sincères exprimés par l’intimé et la responsabilité qu’il avait assumée de ses actes (documents, vol. 1, p. 29). Par conséquent, le comité a conclu que le congédiement n’était pas justifié, compte tenu de la situation tout à fait unique de l’intimé. De l’avis du CEE, pour tirer sa conclusion, le comité a manifestement tenu compte du fait que, malgré la gravité de son inconduite, l’intimé disposait d’un grand potentiel de réhabilitation, et s’est fondé sur la preuve présentée ainsi que sur les affaires antérieures où le comportement criminel n’avait pas entraîné le congédiement (rapport, par. 157).

8. Le comité a commis une erreur en s’écartant pour l’essentiel des mesures recommandées dans le Guide des mesures disciplinaires

[63]  Le CEE a conclu que le comité a suivi le bon processus pour déterminer les mesures disciplinaires en établissant l’éventail de peines applicables à partir des affaires précédentes et en examinant en détail les facteurs aggravants et atténuants pertinents en l’espèce (rapport, par. 164). Le CEE a également conclu qu’il ressort de la décision que le comité était pleinement au fait de la preuve dont il disposait ainsi que de l’écart par rapport au Guide des mesures disciplinaires (rapport, par. 162, 164). Le comité a souligné la souplesse dont les comités de déontologie peuvent faire preuve sous le nouveau régime de déontologie et a conclu que, malgré les mesures recommandées, le congédiement constituait une sanction trop sévère en l’espèce (rapport, par. 166; documents, vol. 1, p. 30, 32-33). Après avoir confirmé cette souplesse et noté que le comité a expliqué en détail les motifs de sa conclusion, le CEE a conclu que la décision du comité n’était pas entachée d’une erreur manifeste ou déterminante (rapport, par. 168).

9. Le comité a commis une erreur dans l’évaluation des répercussions de l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants

[64]  Le CEE a conclu que l’appelant n’a avancé aucun fondement pour ce moyen d’appel et qu’il s’est plutôt contenté de faire une mention générale de ses observations présentées en appel (rapport, par. 170). Le CEE a donc indiqué que les questions soulevées par l’appelant au sujet de l’évaluation par le comité des facteurs aggravants et des facteurs atténuants étaient abordées dans d’autres sections du rapport (rapport, par. 172).

10. Le comité a contrevenu aux principes d’équité procédurale par le défaut de citer des témoins essentiels et de leur demander de donner un témoignage de vive voix

[65]  Selon le CEE, contrairement à l’affirmation de l’appelant selon laquelle les comités de déontologie exercent une fonction plus inquisitoire sous le régime de la nouvelle Loi sur la GRC, la nature du rôle des comités de déontologie sous le nouveau régime est sensiblement la même que celle des anciens comités d’arbitrage (rapport, par. 177). De l’avis du CEE, dans le cadre du processus en vigueur, les comités de déontologie conservent la nature contradictoire des anciens comités d’arbitrage, et rien n’indique dans la Loi sur la GRC, les Consignes du commissaire (déontologie) ou la politique en matière de déontologie (Manuel d’administration, partie XII) un déplacement vers un processus inquisitoire (rapport, par. 178).

[66]  En ce qui concerne l’argument de l’appelant portant que le comité l’a privé de l’occasion de formuler des observations sur les éléments de preuve présentés par la RM, le CEE a estimé qu’il incombait à l’appelant de présenter des éléments de preuve, d’appeler des témoins et de réfuter la preuve de l’intimé (rapport, par. 179). Le CEE a affirmé que l’appelant avait eu plusieurs occasions d’appeler et de contre-interroger des témoins, mais que la RAD a refusé à chaque fois de le faire (documents, vol. 1, p. 588; vol. 2, p. 986). Le CEE a conclu que le comité n’a pas contrevenu aux principes d’équité procédurale par le défaut de citer des témoins, alors qu’il appartenait manifestement à l’appelant de procéder de la sorte.

[67]  En fin de compte, le CEE recommande que l’appel soit rejeté et que les mesures disciplinaires imposées par le comité de déontologie soient confirmées (rapport, par. 182).

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Norme de contrôle applicable

[68]  Les principes directeurs régissant les appels en matière de déontologie sont énoncés au paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289 [CC (griefs et appels)] :

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[69]  L’appelant porte en appel les mesures disciplinaires imposées par le comité, et invoque dix moyens d’appel qui se rapportent à cinq erreurs de droit, à quatre conclusions manifestement déraisonnables et à un manquement à l’équité procédurale. Je conviens avec le CEE que les cinq premiers moyens invoqués sont perçus à tort comme se rapportant à des erreurs de droit, et qu’en conséquence, les neuf premiers moyens d’appel concernant la détermination par le comité des mesures disciplinaires à imposer à l’intimé portent sur des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit.

[70]  L’expression « manifestement déraisonnable » figurant au paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels) décrit la norme applicable à l’examen des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit. Dans Kalkat c Canada (Procureur général), 2017 CF 794, la Cour fédérale a examiné ainsi l’expression« manifestement déraisonnable » figurant au paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels):

[62] Par conséquent, étant donné qu’il est expressément indiqué que la décision doit être « nettement déraisonnable » et prenant en compte la traduction de l’expression, je conclus que le Délégué n’a commis aucune erreur. Il est raisonnable d’interpréter la norme de la décision « nettement déraisonnable » comme si elle équivalait à la norme de la décision « manifestement déraisonnable » dans le contexte du plan législatif et sur celui des principes. Il s’ensuit que le Délégué doit faire preuve de retenue à l’égard d’une conclusion par l’autorité disciplinaire lorsqu’il estime simplement que la preuve est insuffisante pour étayer la conclusion (Colombie-Britannique (Workers Workers’ Compensation Appeal Tribunal) c Fraser Health Authority, 2016 CSC 25).

[71]  Par conséquent, les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit commandent une grande déférence. Je conviens en outre avec le CEE que cette déférence s’impose même dans les cas où aucun témoignage n’est entendu et où aucune conclusion relative à la crédibilité n’a été formulée (rapport, par. 96-98). Ainsi, à l’égard des neuf premiers moyens d’appel invoqués par l’appelant, seule la présence d’une erreur manifeste ou déterminante permettrait d’établir le caractère manifestement déraisonnable des conclusions du comité.

[72]  Le dernier moyen invoqué par l’appelant porte sur un présumé manquement à l’équité procédurale. Les questions d’équité procédurale sont examinées en fonction de la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, par. 43), ou, autrement dit, il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à leur égard. Le manquement à l’équité procédurale a pour effet d’invalider la décision; le redressement habituel consiste à ordonner la tenue d’une nouvelle audience, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, lorsque le résultat est inévitable (Mobil Oil Canada Ltd c Office Canada-Terre Neuve des hydrocarbures extracôtiers, 1994 1 RCS 202, par. 51-54; Renaud c Canada (Procureur général), 2013 CAF 266, par. 5).

Admissibilité de nouveaux éléments de preuve

[73]  L’appelant demande l’autorisation de présenter l’affidavit du surint. PB à titre de nouvelle preuve en réponse aux renseignements transmis par la RM à l’audience disciplinaire au sujet d’un appel téléphonique entre l’intimé et le surint. PB, au cours duquel il a été apparemment question de postes qui pourraient convenir à l’intimé (appel, p. 173).

[74]  Pour déterminer l’admissibilité de l’affidavit souscrit par le surint. PB, je dois examiner l’application du paragraphe 25(2) des CC (griefs et appels), qui est énoncé comme suit :

25(2) L’appelant ne peut :

a) déposer un document qui n’a pas été fourni à l’auteur de la décision qui fait l’objet de l’appel si le document était à la disposition de l’appelant au moment où la décision a été rendue;

b) inclure dans ses observations écrites tout nouveau renseignement qui était connu ou aurait pu raisonnablement être connu de l’appelant au moment où la décision a été rendue.

[75]  L’appelant indique que les renseignements transmis par la RM ont été présentés au comité à l’audience disciplinaire. Plus précisément, l’appelant déclare ce qui suit (appel, p. 173) :

[TRADUCTION]

L’autorité disciplinaire a pris connaissance pour la première fois de ces renseignements par ouï-dire au moment de leur présentation au comité, le 19 novembre 2015, et ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce que les renseignements soient présentés avant cette date. En outre, l’autorité disciplinaire ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce que ces renseignements fassent partie de la décision du comité.

[76]  Le débat porte essentiellement sur la question de savoir si les renseignements dont fait état l’affidavit du surint. PB auraient pu être à la disposition de l’appelant au moment où la décision a été rendue. Comme l’indique l’appelant, la RM a transmis à l’audience disciplinaire les renseignements concernant l’appel téléphonique entre l’intimé et le surint. PB. Bien que les renseignements faisant l’objet de la nouvelle preuve n’auraient pu être connus de l’appelant à ce moment précis, j’estime qu’ils auraient pu raisonnablement être connus peu de temps après. Je conviens avec le CEE qu’à la suite de la communication des renseignements par la RM, l’appelant était en mesure de remettre ceux-ci en question, valider auprès du surint. PB l’exactitude des renseignements qu’auraient été portés à la connaissance de l’intimé, ou appeler le surint. PB comme témoin (rapport, par. 106). La RAD a plutôt informé le comité qu’il n’existait aucune preuve que l’intimé s’est vu offrir un poste ou qu’il était accueilli favorablement dans un poste visé par l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, et qu’il ne fallait pas tenir compte des renseignements en question en tant que facteur atténuant (documents, vol. 2, p. 1063). Le fait que la RAD ait choisi de ne pas remettre en question ces renseignements, ou qu’elle ne s’attendait pas que les renseignements fassent partie de la décision du comité, ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe 25(2) des CC (griefs et appels). Je conclus par conséquent que l’affidavit du surint. PB est irrecevable.

ANALYSE

[77]  Malgré la répétition, par souci de clarté, j’entends résumer et examiner successivement les arguments avancés par l’appelant.

1. Le comité a commis une erreur en minimisant les conséquences de l’arrêt McNeil en tant que facteur aggravant

[78]  En ce qui concerne le premier moyen d’appel, l’appelant fait valoir que le comité n’a pas évalué correctement la mesure dans laquelle l’intimé pouvait continuer à exercer ses fonctions à titre d’agent de police, compte tenu de son obligation de divulguer son inconduite à l’avocat de la défense conformément à l’arrêt McNeil (appel, p. 82-83, 384). L’appelant fait donc valoir que l’intimé ne répond plus à l’un des critères essentiels à l’exercice des fonctions d’agent de la paix. De plus, l’appelant soutient que le comité n’a pas tenu compte des distinctions importantes entre la situation de l’intimé et les affaires invoquées qui mettaient en cause des membres de la GRC qui n’avaient pas fait l’objet d’un congédiement malgré les conséquences de l’arrêt McNeil à la suite de leur inconduite. Selon l’appelant, contrairement à l’espèce, certains des précédents invoqués comportaient de recommandations conjointes sur la peine ainsi que des éléments de preuve établissant l’existence d’un lien de causalité entre l’état de santé et l’inconduite.

[79]  L’intimé soutient qu’au-delà de l’obligation de la Courone de communiquer des renseignements relativement aux actes d’inconduite, l’incidence sur la crédibilité du membre devant le tribunal ou sur sa capacité de témoigner demeure hypothétique et non validée (appel, p. 278). L’intimé affirme que la RAD n’a présenté aucune preuve pour étayer la thèse portant sur son incapacité d’occuper un emploi au sein de la GRC. Selon l’intimé, le courriel provenant du directeur régional portait uniquement sur des dossiers actifs et ne fournissait aucune preuve quant à la capacité future de l’intimé d’être appelé comme témoin. Enfin, pour répondre à l’argument de l’appelant concernant la distinction par rapport à une recommandation conjointe sur les mesures disciplinaires, l’intimé affirme que, sous le régime du nouveau processus, il est rare que le comité de déontologie soit saisi d’une recommandation conjointe à l’appui du non-congédiement vu qu’un tel comité n’est constitué que lorsque l’autorité disciplinaire sollicite le congédiement du membre (appel, p. 279).

[80]  Je conviens avec le CEE que’en l’absence d’éléments de preuve précis et fiables fournis par l’une ou l’autre des parties quant à l’effet sur l’intimé des exigences de communication énoncées dans l’arrêt McNeil, le comité disposait de la latitude nécessaire pour tirer ses propres conclusions quant à la possibilité que l’intimé reste en poste au sein de la Gendarmerie (rapport, par. 114). Le comité a examiné les renseignements transmis par la RM au sujet d’un appel téléphonique entre l’intimé et le surint. PB, au cours duquel il a été apparemment question de plusieurs postes qui pourraient convenir à l’intimé (documents, vol. 1, p. 28). Malgré le peu de valeur qu’il leur a accordée, le comité a affirmé que ces renseignements [TRADUCTION] « cadrent bien avec les précédents jurisprudentiels dans lesquels les membres concernés ont gardé leur emploi nonobstant les questions graves soulevées à la suite de l’arrêt McNeil » (documents, vol. 1, p. 28).

[81]  Les précédents examinés par le comité comptaient des affaires disciplinaires de la GRC dans la foulée de l’arrêt McNeil qui mettaient en cause des membres qui avaient conservé leur emploi ou qui avaient été congédiés à la suite des conclusions d’inconduite grave. Plus particulièrement, le comité s’est penché sur la décision arbitrale dans l’affaire Orr et a déclaré que, même si l’inconduite de l’intimé comportait un manquement à l’honneur et à l’intégrité, elle n’était pas motivée par un gain personnel (documents, vol. 1, p. 27). Le comité a souligné la même absence de gain personnel dans l’affaire Orr, où l’obligation de communication énoncée dans l’arrêt McNeil n’avait pas été invoquée en tant que facteur aggravant et que le membre visé avait conservé son emploi au sein de la Gendarmerie (documents, vol. 1, p. 28). Comme l’a indiqué le CEE, l’élément essentiel dans les affaires examinées par le comité porte sur le fait que les membres qui pourraient être assujettis aux obligations de divulgation énoncées dans l’arrêt McNeil n’avaient pas été congédiés d’emblée de la Gendarmerie (rapport, par. 115).

[82]  L’appelant s’appuie sur la déclaration faite par le directeur régional des Services des poursuites pénales pour faire valoir que, compte tenu de l’arrêt McNeil, l’inconduite de l’intimé empêche celui-ci de témoigner. Je ne suis pas d’accord. Selon l’arrêt McNeil, la Couronne est tenue de communiquer à l’avocat de la défense les dossiers sur les conclusions d’inconduite grave des agents de police. Outre le souci général qu’une telle communication puisse influer sur l’issue d’une procédure criminelle, les conséquences réelles de l’arrêt McNeil dans un cas donné demeurent théoriques. Bien que, de façon générale, il incombe à la Couronne de communiquer l’ensemble des documents et d’éléments de preuve pertinents, c’est dans le cadre d’un procès que la crédibilité d’un membre visé par les conséquences de l’arrêt McNeil sera évaluée par le juge lors du témoignage et du contre-interrogatoire.

[83]  Dans l’appel en matière de déontologie Gendarme Haywood et l’officier compétent, Division « H » (2012), 11 DA (4e) 67, (D-110) [Haywood], le commissaire a examiné les conséquences de l’arrêt McNeil dans le cadre de sa décision d’accueillir l’appel et d’imposer une peine moins sévère que le congédiement pour la conduite scandaleuse de la gend. Haywood à la suite d’une déclaration de culpabilité pour voir donné un témoignage contradictoire au cours d’une procédure pénale. En ce qui concerne la capacité future de la gend. Haywood de témoigner, le commissaire a pris note de la déclaration du procureur de la Couronne, selon laquelle [TRADUCTION] « la plupart des avocats de la défense ne soulèveront pas de préoccupations à cet égard une fois les antécédents divulgués » (Haywood, par. 175), et de la déclaration d’un avocat de la défense portant que [TRADUCTION] « la rétraction de la gend. Haywood constituait un acte “tout à fait inhabituel” et “un incident isolé” » (Haywood, par. 176). J’estime qu’il convient de tirer les mêmes conclusions de la reconnaissance par le comité des facteurs de stress importants liés à la participation de l’intimé dans la fusillade de 2014 à Moncton, ainsi que de la nature inhabituelle et isolée de ses actes.

[84]  Bien que l’inconduite de l’intimé puisse avoir une incidence sur les possibilités ultérieures de mutation, en l’absence de preuve convaincante, le comité disposait de la latitude de rejeter la prétention de l’appelant voulant que l’intimé ne soit plus en mesure d’être employé, à quelque titre que ce soit, au sein de la GRC en raison des obligations de divulgation énoncées dans l’arrêt McNeil. Après tout, bien que l’inconduite ainsi que la question de l’obligation de divulgation suivant l’arrêt McNeil représentent des facteurs à prendre en considération pour pourvoir un poste en cas de mutation, déploiement et promotion (voir Manuel de la gestion des carrières, chapitre 3 « Mutations et déploiements », article 1.1.17; Manuel de la gestion des carrières, chapitre 4 « Promotion », article 1.20), le Manuel des opérations (chapitre 20.1 « Divulgation », article 10) établit une procédure exhaustive relative à la divulgation de l’inconduite d’un membre de la GRC, dont le dépôt obligatoire du formulaire 6326 – Divulgation de l’inconduite d’un employé pour le ministère public.

[85]  Pour ces motifs, je conviens avec le CEE que le comité n’a pas commis d’erreur manifeste ou déterminante lorsqu’il a évalué les conséquences des obligations en matière de divulgation suivant l’arrêt McNeil sur la possibilité que l’intimé reste en poste et en concluant que [TRADUCTION] « l’inconduite impose à la Gendarmerie un lourd fardeau administratif mais pas insoutenable » (documents, vol. 1, p. 28; rapport, par. 118). Je souscris aussi à la conclusion du CEE selon laquelle la probabilité qu’une recommandation conjointe sur la peine soit formulée est mince sous le régime en vigueur, et que, même en présence d’une telle recommandation, le comité de déontologie doit tenir compte de toutes les autres circonstances avant d’imposer une peine (rapport, par. 115). Je conclus donc que le comité a pris en considération tous les facteurs pertinents.

2. Le comité a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble des comportements criminels de l’intimé en tant que facteur aggravant

[86]  L’appelant soutient que le comité a commis une erreur en considérant en tant que facteur aggravant l’aveu de culpabilité de l’intimé à l’égard d’une infraction prévue au Code criminel pour usage d’un faux document, alors qu’en fait, l’intimé a plaidé coupable pour [TRADUCTION] « avoir sciemment fait un faux document, commettant ainsi l’infraction prévue à l’article 367 du Code criminel » (appel, p. 84, 385). L’appelant ajoute que le comité a commis une erreur en ne tenant pas compte, à titre de facteurs aggravants additionnels, des autres actes de l’intimé qui correspondaient à des infractions criminelles, à savoir la fabrication et l’usage d’un faux document, ainsi que l’utilisation de l’identité d’une autre personne dans le document contrefait.

[87]  En réponse à cet argument, l’intimé fait valoir que, bien que le comité se soit trompé en précisant au paragraphe 18 de sa décision qu’il s’agissait d’une infraction criminelle d’usage d’un faux document, il ressort clairement du reste de sa décision qu’il savait que l’infraction en question portait sur la fabrication d’un faux document (appel, p. 279). L’intimé soutient en outre que le comité aurait outrepassé sa compétence s’il avait tiré des conclusions sur d’autres comportements criminels présumés.

[88]  Je conviens avec le CEE que, malgré la qualification erronée de l’infraction d’usage d’un faux document en tant que facteur aggravant, le comité savait que l’infraction prévue au Code criminel que l’intimé avait en fait avouée portait sur la contrefaçon, vu les références faites à cet égard tout au long de sa décision (rapport, par. 121; documents, vol. 1, p. 9, 15, 17, 26, 31).

[89]  J’estime également que le comité n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte, en tant que facteur aggravant, des autres actes criminels invoqués par l’appelant, vu que chacun de ces actes fait partie des allégations. Comme le mentionne le CEE, l’énoncé détaillé des allégations 2, 3 et 4 porte sur la rédaction et l’utilisation du courriel contrefait par l’intimé, ainsi que sur l’utilisation de l’identité du procureur de la Couronne dans le courriel contrefait (rapport, par. 124). L’énumération de ces éléments parmi les facteurs aggravants serait redondante et incompatible avec la definition suivante d’« aggravation » que donnent Black’s Law Dictionary (6e édition) et la politique en matière de déontologie (Manuel d’administration, annexe XII-1-20 « Circonstances aggravantes »):

Circonstances de la perpétration d’un crime ou d’un délit qui augmentent la culpabilité ou la gravité ou qui ajoutent aux conséquences préjudiciables, mais qui vont au-delà des éléments essentiels du crime ou du délit en soi. [Italiques ajoutés.]

3. Le comité a commis une erreur en minimisant l’incidence des actes de l’intimé sur l’administration de la justice et sur le partenariat de la Gendarmerie avec la Couronne, en tant que facteur aggravant

[90]  L’appelant soutient que le comité a omis de tenir dûment compte, en tant que facteur aggravant supplémentaire, du fait que l’intimé s’est servi de l’identité d’un procureur de la Couronne dans le courriel contrefait, ce qui fait preuve, à son avis, [TRADUCTION] « d’un profond mépris de l’administration de la justice criminelle » (appel, p. 84). L’appelant affirme également que le comité a eu tort de minimiser l’importance du facteur aggravant portant sur l’incidence de l’inconduite de l’intimé sur le bureau de la Couronne. Selon l’appelant, tel qu’avancé par la RAD à l’audience, la satisfaction exprimée par le directeur régional à l’égard du règlement de l’affaire par la direction de la GRC, comme il ressort de sa déclaration, s’expliquait par le fait qu’il avait appris que le redressement recherché correspondait au congédiement de l’intimé.

[91]  En revanche, l’intimé soutient que le comité n’a pas commis d’erreur en minimisant l’importance de ce facteur aggravant. Selon l’intimé, rien dans la preuve ne permet d’étayer la prétention de la RAD selon laquelle le directeur régional s’était dit satisfait du fait que la direction de la GRC sollicitait le congédiement de l’intimé (appel, p. 280).

[92]  J’estime que le comité n’a pas commis d’erreur dans l’appréciation de l’incidence qu’auraient les actes de l’intimé sur l’administration de la justice et le partenariat de la Gendarmerie avec la Couronne. Le comité s’est expressément penché sur les répercussions de l’inconduite de l’intimé sur le bureau de la Couronne, compte tenu de la déclaration du directeur régional. Plus particulièrement, le comité a reconnu que les actes de l’intimé non seulement ont sollicité les ressources de la Couronne, vu la révision de l’ensemble des dossiers comportant la participation de l’intimé, mais aussi ces actes risquaient de porter atteinte à la réputation et aux partenariats de la GRC (documents, vol. 1, p. 28). Le comité a également noté que le directeur régional se déclarait satisfait des mesures prises par la Gendarmerie en réponse à l’inconduite.

[93]  La RAD a donné son interprétation de la déclaration du directeur régional, affirmant que celui-ci s’était dit satisfait de la réaction de la Gendarmerie qui sollicitait le congédiement de l’intimé (documents, vol. 2, p. 978-979). Je conviens avec le CEE que cette interprétation est conjecturale, vu l’absence de preuve à l’appui (rapport, par. 131). Le comité a pris en considération tous les aspects de la déclaration du directeur régional pour évaluer les répercussions de l’inconduite de l’intimé sur l’administration de la justice et sur la relation de la Gendarmerie avec la Couronne. Je conclus que le comité n’a pas commis d’erreur d’erreur manifeste ou déterminante à cet égard.

4. Le comité a commis une erreur dans son appréciation du gain personnel et de la motivation de l’intimé et en estimant que l’absence d’avantage personnel constituait un facteur atténuant

[94]  L’appelant soutient que, même si le comité a conclu que les actes de l’intimé étaient motivés par son intention de [TRADUCTION] « fermer le dossier » et d’« aider M. [B] à récupérer son permis de conduire » (appel, p. 85), il a appliqué la notion de gain personnel de manière trop restrictive, compte tenu de la preuve dont il disposait (appel, p. 86). La preuve dont l’appelant fait mention correspond à la déclaration de l’intimé enregistrée sur bande vidéo, faite après mise en garde, le 20 mars 2015. Dans cette déclaration, l’intimé affirme qu’il vivait un stress considérable et qu’il souhaitait mettre fin à ce stress ainsi qu’au dossier (appel, p. 87). L’appelant soutient que l’inconduite de l’intimé n’était pas motivée par la seule volonté d’aider M. B, et que le comité n’a pas tenu compte de l’éventail élargi de sources de motivation qu’indique l’intimé dans sa déclaration enregistrée sur bande vidéo (appel, p. 85). L’appelant ajoute que le comité n’a pas tenu compte des contradictions entre la déclaration de l’intimé enregistrée sur bande vidéo et faite après mise en garde et la déclaration écrite du 12 novembre 2015.

[95]  L’intimé fait valoir que la déclaration enregistrée sur bande vidéo, faite après mise en garde, et la déclaration écrite ont toutes deux été communiquées à l’appelant avant la tenue de l’audience. Selon l’intimé, si l’appelant voulait contester ces éléments de preuve, il aurait dû le faire à l’audience (appel, p. 281).

[96]  Comme le fait observer le CEE, il ressort clairement de la transcription de la déclaration enregistrée sur bande vidéo, faite après mise en garde, que la volonté de l’intimé d’aider M. B avait été indiquée dès le début de l’enquête et n’est pas survenue ultérieurement dans sa déclaration écrite (rapport, par. 139). En effet, comme le souligne le CEE, dans sa déclaration enregistrée sur bande vidéo, faite après mise en garde, l’intimé mentionne à deux reprises son intention d’aider M. B (rapport, par. 139; documents, vol. 2, p. 776, 779). Bien que le comité ait concédé que l’intimé était également motivé par son intention de fermer le dossier en question, j’estime que l’examen des motifs à l’origine de l’inconduite de l’intimé n’est pas entaché d’erreur manifeste ou déterminante. La conclusion du comité portant que les actes de l’intimé n’étaient pas motivés pour l’essentiel par un gain personnel est étayée par la preuve.

5. Le comité a commis une erreur en estimant que les facteurs de stress importants avec lesquels était aux prises l’intimé constituaient un facteur atténuant

[97]  Selon l’appelant, bien que le comité ait correctement établi l’absence d’un lien de causalité entre le stress subi par l’intimé et son inconduite, la preuve ne permet pas de conclure, comme l’a fait le comité, que les [TRADUCTION] « facteurs de stress importants » avec lesquels était aux prises l’intimé constituaient un facteur atténuant (appel, p. 88). L’appelant soutient également que les lettres de la psychologue démontrent que l’intimé était apte au service et que le stress subi n’avait jamais été assez important pour justifier un changement dans la routine de travail ou une recommandation pour un congé de maladie (appel, p. 89). L’appelant affirme que le [TRADUCTION] « stress considérable » dont fait mention la psychologue ne constitue pas véritablement un facteur atténuant. L’appelant fait subsidiairement valoir que le comité aurait dû accorder très peu de poids aux lettres de la psychologue.

[98]  L’intimé soutient que le comité a correctement estimé que le stress subi constituait un facteur atténuant. L’intimé fait observer qu’à l’audience disciplinaire, la RAD a informé le comité qu’elle ne contestait pas la conclusion de la pshychologue voulant que l’intimé soit aux prises avec un stress considérable avant les événements en cause et qu’elle a déclaré par la suite [TRADUCTION] qu’« [i]l semble [que l’intimé] était aux prises avec du stress au moment – avant les événements » (appel, p. 281-282; documents, vol. 2, p. 1070-1071).

[99]  Le CEE a conclu que le comité n’a pas commis d’erreur en concluant que l’intimé était aux prises avec un stress considérable au moment de l’incident et en estimant que le stress subi par l’intimé constituait un facteur atténuant (rapport, par. 147). Je suis d’accord. Je souligne que le comité a examiné minutieusement la question des facteurs de stress importants, compte tenu de la preuve claire provenant des lettres de la psychologue de l’intimé, et a déterminé à juste titre, malgré l’absence de lien de causalité entre les facteurs de stress et l’inconduite, que l’intimé subissait un stress considérable à la suite des incidents critiques survenus pendant son service (documents, vol. 1, p. 29).

[100]  À l’instar du CEE, je ne comprends pas non plus l’argument soudain de l’appelant qui conteste la conclusion du comité voulant que le stress important subi par l’intimé constitue un facteur atténuant, alors que la RAD n’a pas soulevé à l’audience de préoccupations à cet égard. En fait, la RAD a informé le comité à la deuxième conférence préparatoire qu’elle n’avait pas l’intention de contre-interroger les auteurs des documents soumis par l’intimé, pas même la psychologue (documents, vol. 1, p. 588, par. 17). De plus, la RAD a déclaré à l’audience qu’elle n’a pas de réserves quant aux conclusions de la psychologue et qu’il semblait que l’intimé subissait du stress au moment des événements (documents, vol. 2, p. 1071).

[101]  Ceci étant dit, il appartient au comité d’apprécier la preuve dans le cadre d’une audience disciplinaire. La décision du comité commande une grande retenue et il n’y a pas lieu de la modifier en l’absence d’erreur manifeste et déterminante. J’accepte la conclusion du comité selon laquelle l’intimé était aux prises avec des facteurs de stress importants au moment de l’incident. Je conclus également que l’appréciation du poids à accorder par le comité à ce facteur atténuant n’est pas entachée d’erreur manifeste ou déterminante.

6. Le comité a commis une erreur dans l’appréciation de la preuve

[102]  L’appelant soutient, tel qu’il est indiqué tout au long de ses observations, que le comité a commis une erreur dans l’appréciation de la preuve, et qu’il a donc imposé des mesures disciplinaires manifestement déraisonnables (appel, p. 89).

[103]  Selon l’intimé, le comité n’a pas commis d’erreur dans l’examen de la preuve. L’intimé fait valoir que, suivant le paragraphe 24(1) des CC (déontologie), le comité pouvait examiner tout élément soumis par les parties (appel, p. 282).

[104]  Vu que de ce moyen d’appel est dépourvu de fondement, je reviens sur l’approche adoptée par le CEE et conclus que les questions précises soulevées par l’appelant à l’égard de l’appréciation de la preuve par le comité sont abordées ailleurs dans la présente analyse.

7. Le comité a commis une erreur en concluant que inconduite de l’intimé ne justifiait pas la résiliation de son contrat de travail

[105]  L’appelant soutient que le comité a commis une erreur en estimant que l’inconduite de l’intimé ne justifiait pas la résiliation de son contrat de travail avec la Gendarmerie (appel, p. 89). L’appelant affirme notamment que le comité n’a pas tenu compte du comportement criminel avoué par l’intimé ni des conséquences de l’arrêt McNeil qui faisaient obstacle à la capacité de celui-ci de témoigner dans des instances judiciaires.

[106]  L’intimé affirme par contre que la RAD n’a pas fourni de preuve à l’appui de cette prétention ni dans ses observations écrites sur la peine ni à l’audience (appel, p. 282; documents, vol. 1, p. 306; documents, vol. 2, p. 979). En réponse à l’argument de l’appelant relatif aux conséquences de l’arrêt McNeil, l’intimé soutient que l’incidence de la communication de l’inconduite demeure hypothétique et non validée. L’intimé affirme qu’aucun élément de preuve n’a été fourni pour démontrer qu’il n’était plus en mesure d’exercer les fonctions d’agent de la paix (appel, p. 283).

[107]  Le comité a conclu que les actes de l’intimé ne justifiaient pas son congédiement et ne constituaient pas une violation d’une condition essentielle de son emploi (documents, vol. 1, p. 30). Pour arriver à la conclusion que le congédiement de l’intimé constituait une mesure disproportionnée par rapport à la nature et aux circonstances des contraventions, le comité a tenu compte des contraventions dont le bien-fondé avait été établi, des documents, des observations et des précédents jurisprudentiels présentés par les parties, des facteurs aggravants et atténuants, ainsi que des considérations et des fourchettes de peines en matière de confiscation de solde tirées du Guide des mesures disciplinaires.

[108]  À titre de facteurs atténuants, le comité a relevé que l’intimé avait exprimé des remords sincères en assumant la responsabilité de ses actes, qu’il n’avait pas d’antécédents en matière de mesures disciplinaires, qu’il avait un dossier professionnel supérieur à la moyenne, et qu’il bénéficiait du soutien constant de ses pairs et de ses superviseurs (documents, vol. 1, p. 29). Le comité a également conclu, compte tenu de l’évaluation donnée par la psychologue, que l’inconduite de l’intimé constituait un incident isolé et inhabituel et que la probabilité que les faits se reproduisent à l’avenir était faible. Le comité s’est fondé non seulement sur l’avis de la psychologue, mais aussi sur l’attitude de l’intimé et les propos tenus devant lui (appel, p. 30).

[109]  Sans doute existe-t-il des cas en matière de déontologie où la bonne réputation et le potentiel de réhabilitation ne l’emportent pas sur le droit de congédier le membre visé, mais il ressort clairement de sa décision que le comité a estimé que le potentiel de réhabilitation de l’intimé l’emportait sur la gravité de l’inconduite. Le comité a qualifié le cas de l’intimé de situation tout à fait unique à cet égard (documents, vol. 1, p. 30). L’examen de la décision du comité montre que la preuve, notamment au regard des facteurs atténuants relevés et des affaires antérieures où le comportement criminel n’a pas entraîné le congédiement du membre visé, justifie la conclusion que le congédiement n’était pas proportionné à la nature et aux circonstances de l’inconduite l’espèce.

[110]  Ce moyen d’appel soulève une question mixte de fait et de droit, qui commande une grande retenue. J’estime que le comité n’a pas commis d’erreur manifeste ou déterminante dans l’évaluation et la pondération de la preuve menant à la conclusion que l’inconduite de l’intimé ne justifiait pas son congédiement de la Gendarmerie.

8. Le comité a commis une erreur en s’écartant pour l’essentiel des mesures recommandées dans le Guide des mesures disciplinaires

[111]  L’appelant fait valoir que l’imposition par le comité d’une confiscation de 60 jours de solde, période excédant de plus de 33 % le seuil de 45 jours indiqué dans le Guide des mesures disciplinaires, aurait dû mener à la conclusion qu’il convenait de recommander le congédiement (appel, p. 90). L’appelant a cité à l’appui plusieurs extraits du Guide des mesures disciplinaires, dont le suivant (appel, p. 90; Guide des mesures disciplinaires, p. 6) :

[…] il est difficile de concevoir une situation où la confiscation de la solde pour une période de 45 jours serait insuffisante alors qu’un congédiement serait trop sévère. Il est possible, selon un examen des décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, qu’une sanction pécuniaire de plus de 45 jours soit vue comme étant peu utile, si l’on tient compte du fait que les mesures disciplinaires sont censées correspondre à la nature et aux circonstances de l’infraction au Code de déontologie.

[112]  L’intimé souligne que le Guide des mesures disciplinaires n’établit pas de limite maximale pour une sanction pécuniaire (appel, p. 283; Guide des mesures disciplinaires, p. 7):

[…] la nouvelle loi n’établit pas de limite maximale quant à l’échelle des pénalités financières. Le législateur souhaitait ainsi donner aux gestionnaires de la GRC la souplesse d’intervenir dans des situations en fonction de la totalité des circonstances.

[113]  L’intimé soutient que le comité a imposé les mesures disciplinaires qui étaient à sa disposition et qu’il a motivé sa décision de s’écarter de la peine maximale [TRADUCTION] « sévère » proposée par le Guide des mesures disciplinaires. L’intimé ajoute qu’à l’audience, après avoir été invitée par le comité à se prononcer sur le statut juridique du Guide des mesures disciplinaires, la RAD a répondu qu’il s’agissait d’un guide et que le comité n’était pas lié par celui-ci.

[114]  Après avoir établi le bien-fondé des quatre allégations portées contre l’intimé, le comité a reconnu l’obligation d’imposer des mesures disciplinaires « proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au Code de déontologie », conformément au paragraphe 24(2) des CC (déontologie) (documents, vol. 1, p. 22). Le comité s’est d’abord penché sur les antécédents personnels et professionnels de l’intimé et a pris note des évaluations de rendement positives reconnaissant son dynamisme et ses compétences en leadership (documents, vol. 1, p. 23). Ensuite, le comité a examiné en détail l’évaluation psychologique de l’intimé dont faisaient état les deux lettres provenant de sa psychologue (documents, vol. 1, p. 24-25). Le comité a analysé par la suite les précédents jurisprudentiels invoqués par les parties en prenant note de l’éventail de sanctions relatives à la malhonnêteté, mais a souligné que les affaires mentionnées portaient sur des actes motivés par un gain personnel (documents, vol. 1, p. 25). Le comité a fait observer que, contrairement aux affaires en question, les actes de l’intimé n’étaient pas motivés par un avantage personnel (documents, vol. 1, p. 26). Enfin, le comité a relevé une série de facteurs aggravants et de facteurs atténuants (documents, vol. 1, p. 27-30).

[115]  Après avoir examiné l’analyse du comité relative à la peine, je conviens avec la CEE que sa décision montre que le comité était pleinement au fait de la nature et des circonstances de l’inconduite de l’intimé (rapport, par. 162). Le comité a conclu que le congédiement de l’intimé ne serait pas proportionné à la nature et aux circonstances de l’inconduite. Le comité s’est plutôt contenté d’imposer la confiscation de 60jours de solde (documents, vol. 1, p. 30).

[116]  En terminant son analyse, le comité a souligné le pouvoir et la souplesse que le nouveau régime en matière de déontologie confère aux comités de déontologie afin de garantir l’imposition de mesures disciplinaires proportionnées (documents, vol. 1, p. 33). Le comité a examiné l’indication figurant dans le Guide des mesures disciplinaires selon laquelle, lorsque la confiscation de solde pour une période de 45 jours est insuffisante, le congédiement se saurait constituer une mesure trop sévère, mais a estimé qu’en l’espèce, le congédiement correspondait à une sanction trop lourde. Le comité a conclu que l’imposition d’une confiscation de 60 jours de solde concordait avec la période la plus élevée de confiscation de solde autorisée dans la fourchette supérieure par plusieurs autres services de police canadiens.

[117]  Comme l’ont concédé tant l’intimé que l’appelant, le comité n’était pas lié par les mesures recommandées dans le Guide des mesures disciplinaires. En fait, le Guide des mesures disciplinaires mentionne expressément la souplesse accordée aux autorités disciplinaires et aux comités de déontologie (Guide des mesures disciplinaires, p. 3) :

L’autorité disciplinaire peut imposer une mesure à l’extérieur des cadres suggérés, qu’elle soit plus sévère ou moins sévère, mais elle doit expliquer les circonstances de l’inconduite qui justifient un tel écart du cadre habituel.

[118]  J’estime que l’examen par le comité du Guide des mesures disciplinaires n’était pas manifestement déraisonnable. Le comité a décrit en détail la [TRADUCTION] « situation tout à fait unique » de l’intimé (documents, vol. 1, p. 30), qui justifiait l’imposition d’une confiscation de solde pour une période si élevée plutôt que le congédiement. Comme il a été reconnu dans la décision Kinsey c Canada (Procureur général), 2007 CF 543, par. 43, le choix de la peine à imposer commande « une grande retenue judiciaire ». Je conclus que la décision du comité n’est pas entachée d’erreur manifeste ou déterminante.

9. Le comité a commis une erreur dans l’évaluation des répercussions de l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants

[119]  L’appelant soutient, tel qu’il est indiqué tout au long de ses observations, que le comité n’a pas évalué correctement les facteurs aggravants et atténuants, et qu’il a donc imposé des mesures disciplinaires qui étaient manifestement déraisonnables (appel, p. 90).

[120]  L’intimé affirme que la décision du comité de déontologie commande la retenue en appel, et que les mesures disciplinaires imposées en l’espèce appartiennent aux issues possibles (appel, p. 284). L’intimé fait également valoir que la décision dans son ensemble est suffisamment justifiée, transparente et intelligible.

[121]  Là encore, l’appelant ne fournit aucun fondement pour ce moyen d’appel. Par conséquent, les questions précises soulevées par l’appelant quant à l’examen par le comité des facteurs aggravants et des facteurs atténuants sont abordées dans d’autres sections de la présente analyse.

10. Le comité a contrevenu aux principes d’équité procédurale par le défaut de citer des témoins essentiels et de leur demander de donner un témoignage de vive voix

[122]  L’appelant soutient que les modifications apportées à la Loi sur la GRC ont sensiblement transformé le rôle des comités de déontologie en faveur d’une approche plus inquisitoire en matière de litiges (appel, p. 91). Selon l’appelant, conformément au paragraphe 18(3) des CC (déontologie), les comités de déontologie disposent désormais des documents liés à l’enquête et décident des témoins qui seront assignés.

[123]  L’appelant fait valoir que le comité a contrevenu aux principes d’équité procédurale par le défaut de citer des témoins essentiels quant à la qualité, la fiabilité et la crédibilité de la preuve sur laquelle il a fondé ses conclusions. Selon l’appelant, le comité a accordé beaucoup de poids à des éléments de preuve contradictoires et peu fiables. Plus précisément, le comité s’est fondé sur la lettre de l’intimé du 12 novembre 2015, plutôt que sur la déclaration de celui-ci enregistrée sur bande vidéo le 20 mars 2015, en ce qui concerne les raisons invoquées pour avoir falsifié l’échange de courriels. Le comité aurait également commis une erreur en se fondant sur la preuve présentée par la psychologue sans se demander pour quelle raison sa lettre de 10 novembre 2015 comportait trois versions. L’appelant soutient que, de façon générale, l’examen et le choix de la preuve, ainsi que le défaut d’assigner des témoins pour éclaircir les circonstances obscures de l’affaire démontraient le parti pris du comité contre le congédiement de l’intimé.

[124]  L’intimé soutient que le comité n’a pas contrevenu aux principes d’équité procédurale. Selon l’intimé, la RAD avait l’occasion d’appeler des témoins et d’aborder la question de la preuve, mais a choisi de ne pas le faire (appel, p. 276). Avant l’audience, les parties ont discuté de la procédure lors des deux conférences préparatoires et les documents sur lesquels se fondait l’intimé ont été communiqués à l’appelant et au comité. Parmi ces documents, s’inscrivaient entre autres la déclaration de l’intimé de novembre 2015 ainsi que les lettres provenant de sa psychologue.

[125]  L’intimé affirme que, lors de la deuxième conférence préparatoire, le comité a demandé à la RAD si elle avait l’intention de contre-interroger les auteurs des documents déposés par l’intimé, dont la psychologue (appel, p. 277). La RAD a répondu par la négative (documents, vol. 1, p. 588). À l’audience, la RAD a déclaré qu’elle n’appellerait pas de témoin (documents, vol. 2, p. 986-987). L’intimé souligne que la RAD avait pleinement l’occasion de demander le contre-interrogatoire des témoins, mais qu’elle s’en est délibérément abstenue. La RAD n’a pas soulevé de préoccupations quant à la fiabilité des documents déposés en preuve ou la crédibilité des leurs auteurs. De l’avis de l’intimé, le comité a fait preuve de transparence et a donné aux parties une possibilité suffisante de présenter des observations.

[126]  En ce qui concerne l’argument de l’appelant portant que le comité a contrevenu aux principes d’équité procédurale en le privant de l’occasion d’aborder la preuve présentée par la RM, qu’il estimait manifestement contradictoire et peu fiable, il convient de mentionner que la RAD était parfaitement au courant de sa responsabilité d’appeler des témoins et que le comité lui a donné à maintes reprises, tout au long de l’instance, l’occasion de le faire (rapport, par. 179).

[127]  Premièrement, il ressort du dossier que, suivant le paragraphe 18(1) des CC (déontologie), la RAD a, le 2 octobre 2015, soumis au comité et à l’intimé la liste des témoins, aux fins d’examen (documents, vol. 1, p. 8; documents, vol. 2, p. 911-912). Parmi ces témoins s’inscrivaient EL, le procureur de la Couronne, le gend. PR, le superviseur de l’intimé, le gend. PR, et le sergent d’état-major SP, l’enquêteur responsable de l’enquête criminelle.

[128]  Deuxièmement, au cours de la première conférence préparatoire du 30 octobre 2015, la RAD n’a pas indiqué d’autres témoins à faire comparaître (documents, vol. 2, p. 767). Le 17 novembre 2015, lors de la deuxième conférence préparatoire, la RM a déposé des documents provenant de la psychologue de l’intimé. La RAD a indiqué qu’elle ne sollicitait pas de contre-interrogatoire des auteurs des documents déposés par l’intimé, pas même la psychologue (documents, vol. 1, p. 588).

[129]  Troisièmement, à l’audience, la RAD a confirmé qu’elle n’avait pas l’intention de contre-interroger la psychologue ni d’appeler de témoin (documents, vol. 2, p. 986-987). La RAD a affirmé que le comité devrait accorder peu de poids aux lettres provenant de la psychologue de l’intimé (documents, vol. 2, p. 986, 1067-1071).

[130]  À l’appui de la décision de la RAD de ne pas obtenir de témoignages, l’appelant affirme dans sa réplique être convaincu du caractère peu fiable de la preuve présentée par la psychologue; c’était d’ailleurs la raison pour laquelle la RAD ne souhaitait appeler la psychologue à témoigner ni n’avait besoin de procéder de la sorte (appel, p. 386). L’appelant soutient en outre que le comité a commis une erreur en choisissant de se fonder sur les éléments de preuve contradictoires et peu fiables présentés par la psychologue et en n’exerçant pas ses pouvoirs discrétionnaires pour appeler des témoins. J’estime qu’il appartenait à l’appelant, par l’intermédiaire de la RAD, de solliciter la comparution de témoins pour établir ses prétentions (rapport, par. 179). Si l’appelant estimait qu’il ne convenait d’accorder que très peu de poids aux éléments de preuve [TRADUCTION] « contradictoires et peu fiables » présentés par la psychologue de l’intimé, il était alors tenu de plaider au fond cet argument devant le comité et de réfuter ces éléments de preuve de manière convaincante. Les documents provenant de la psychologue de l’intimé ont été déposés à la deuxième conférence préparatoire, au cours de laquelle l’appelant a été également informé de l’intention du comité de reconnaître celle-ci comme experte en la matière et d’accorder à ses lettres la valeur qui convenait (documents, vol. 1, p. 588). Le comité a estimé que ces éléments de preuve étaient fiables et qu’il n’était nullement tenu de citer des témoins pour le compte de l’appelant après avoir été informé que celui-ci n’entendait pas le faire.

[131]  En ce qui concerne l’affirmation de l’appelant portant que le comité a fait preuve de partialité relativement au congédiement de l’intimé, je rappelle à l’appelant la présomption d’impartialité. Cette présomption ne peut être réfutée qu’au moyen d’une preuve convaincante de l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. À mon avis, l’appelant ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

La nature du rôle des comités de déontologie

[132]  J’examinerai maintenant l’affirmation du CEE selon laquelle la nature du rôle des comités de déontologie sous le régime actuel n’a pas changé sensiblement par rapport aux anciens comités d’arbitrage (rapport, par. 177). En toute déférence, je ne partage pas cette opinion. Les modifications apportées à la Loi sur la GRC et la création du nouveau régime en matière de déontologie ont transformé la nature du rôle des comités de déontologie qui se voient accorder une meilleure compétence pour gérer activement les instances et trancher les affaires de manière définitive dans le cadre des procédures plus informelles et plus rapides. Bref, les comités de déontologie ne se fient plus aux échanges traditionnels des éléments de preuve entre les parties.

[133]  Une analyse comparative de la connaissance des dossiers avant l’audience, de la forme et de la présentation des éléments de preuve et de la gestion des témoins illustre bien les caractéristiques propres aux comités de déontologie.

[134]  Tout d’abord, ces comités de déontologie possèdent désormais une connaissance approfondie des dossiers avant la tenue de l’audience. Conformément au paragraphe 45.1(4) de l’ancienne Loi sur la GRC (en vigueur avant le28 novembre 2014), le seul document fourni aux comités d’arbitrage dans le cadre des procédures était un simple avis d’audience faisant état de l’énoncé détaillé des allégations portées contre le membre visé. À présent, les comités de déontologie disposent de l’avis d’audience, du rapport d’enquête, y compris des déclarations des témoins et des pièces versées au dossier, de l’admission ou la négation de chacune des contraventions alléguées au code de déontologie, des observations écrites présentées par le membre visé, des éléments de preuve, documents ou rapports que le membre visé entend invoquer à l’audience, ainsi que de la liste des témoins que les parties présentent aux fins d’examen. Les dispositions applicables sous le régime actuel sont énoncées comme suit :

Loi sur la GRC

43(2) Dans les meilleurs délais après avoir constitué le comité de déontologie, l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience signifie au membre en cause un avis écrit l’informant qu’un comité de déontologie décidera s’il y a eu contravention.

CC (déontologie)

15(2) Dès que possible après la constitution du comité de déontologie, l’autorité disciplinaire lui remet copie de l’avis prévu au paragraphe 43(2) de la Loi et le rapport d’enquête et elle fait signifier copie du rapport au membre visé.

15(3) Dans les trente jours suivant la date de la signification au membre visé de l’avis prévu au paragraphe 43(2) ou dans le délai fixé par le comité, le membre visé remet à l’autorité disciplinaire et au comité :

a) un écrit dans lequel il admet ou nie chaque contravention alléguée au code de déontologie;

b) toute observation écrite qu’il souhaite présenter;

c) tout élément de preuve, document ou rapport, autre que le rapport d’enquête, qu’il compte présenter ou invoquer à l’audience.

18(1) Dans les trente jours suivant la date de la signification de l’avis d’audience, les parties soumettent au comité de déontologie la liste des témoins qu’elles désirent faire comparaître devant lui et la liste des questions pour lesquelles elles voudront peut-être faire témoigner un expert.

[135]  En fait, sous le régime de l’ancienne Loi sur la GRC, en l’absence de l’admission par le membre visé ou de la preuve présentée par l’officier compétent à l’audience, le comité d’arbitrage ne pouvait pas conclure à l’inconduite. À l’inverse, sous le régime actuel, en vertu du paragraphe 23(1) des CC (déontologie), le comité de déontologie peut rendre une décision en se fondant uniquement sur les éléments au dossier soumis avant l’audience si les parties choisissent de ne pas présenter d’autres observations :

23(1) Lorsqu’aucun témoignage n’a été entendu relativement à une allégation, le comité de déontologie peut rendre une décision à l’égard de celle-ci en se fondant uniquement sur les éléments au dossier.

[136]  De plus, les règles régissant la présentation de la preuve devant les comités de déontologie ont fait aussi l’objet de modifications. Antérieurement, les éléments de preuve étaient présentés à l’audience :

[Abrogé, 2013, c 18, art. 29]

45.12(1) Le comité d’arbitrage décide si les éléments de preuve produits à l’audience établissent selon la prépondérance des probabilités chacune des contraventions alléguées au code de déontologie énoncées dans l’avis d’audience.

[Abrogé, 2013, c 18, art. 29]

45.13(1) Le comité d’arbitrage établit le dossier de l’audience tenue devant lui; ce dossier comprend notamment :

a) l’avis d’audience prévu au paragraphe 43(4);

b) l’avis de date, de l’heure et du lieu de l’audience signifié conformément au paragraphe 45.1(2);

c) une copie de la preuve écrite ou documentaire produite à l’audience;

d) la liste des pièces produites à l’audience;

e) l’enregistrement et la transcription de l’audience, s’il y a lieu.

[Italiques ajoutés.]

[137]  Sous le régime actuel, conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), des renseignements détaillés sont déposés avant l’audience auprès du comité de déontologie. Ce changement ressort de l’article 26 des CC (déontologie). Alors que sous l’ancien régime, les pièces et les éléments de preuve étaient produits à l’audience, à présent ils sont produits au préalable et peuvent être admis en preuve de la manière que le comité de déontologie juge indiquée (voir aussi, les pouvoirs conférés depuis longtemps par le paragraphe 45(2) de la Loi sur la GRC et par l’article 45 de la Loi sur la GRC, dans sa version antérieure). Ce changement se reflète dans le remplacement de la mention expresse à la preuve produite à l’audience, dans l’ancien alinéa 45.13(1)c), par une mention générale des renseignements transmis au comité de déontologie, à l’alinéa 26c) des Consignes du commissaire (déontologie) :

CC (déontologie)

26 Après l’audience, le comité de déontologie établit un dossier comprenant notamment :

a) l’avis d’audience prévu au paragraphe 43(2) de la Loi;

b) l’avis des date, heure et lieu de l’audience signifié au membre;

c) copie des renseignements transmis au comité;

d) les directives, décisions, accords et engagements consignés en application du paragraphe 16(2);

e) l’enregistrement de l’audience et, le cas échéant, sa transcription;

f) copie de toute décision écrite du comité.

[Italiques ajoutés.]

[138]  Enfin, la gestion des témoins a fait aussi l’objet de modifications. Alors que le greffier était antérieurement tenu de convoquer les témoins par assignation à la demande d’une partie, conformément au paragraphe 6(1) des Consignes du commissaire (pratique et procédure), DORS/88-367 [CC (pratique et procédure)], suivant les paragraphes 18(3) et 18(4) des CC (déontologie), le comité de déontologie remet désormais aux parties la liste des témoins qu’il entend assigner. En outre, les comités de déontologie doivent remettre aux parties les raisons pour lesquelles il a accepté ou refusé d’entendre les témoins proposés par les parties. Les dispositions applicables sous le régime abrogé et sous le régime en vigueur sont libellées comme suit :

CC (pratique et procédure) [Abrogé, DORS/2014-293]

6(1) La partie qui requiert la présence d’un témoin à une audience doit transmettre le nom du témoin proposé au greffier qui délivre l’assignation au nom de la commission.

CC (déontologie)

18(3) Le comité établit la liste des témoins qu’il entend assigner, y compris l’expert visé par l’avis d’intention prévu au paragraphe 19(3), et peut demander des observations supplémentaires aux parties pour ce faire.

18(4) Le comité remet aux parties la liste des témoins qu’il entendra et les raisons pour lesquelles il a accepté ou refusé d’entendre ceux figurant à la liste soumise par les parties.

[Italiques ajoutés.]

[139]  Dans l’ensemble, les modifications à la Loi sur la GRC, l’abrogation des CC (pratique et procédure) et l’adoption des CC (déontologie) ont permis de transformer véritablement la nature du rôle des comités de déontologie et, en particulier, leurs pouvoirs en matière de gestion de l’instance.

DÉCISION

[140]  Je conclus que l’appelant n’a pas réussi à démontrer que le comité a commis des erreurs susceptibles de contrôle. Par conséquent, je rejette l’appel et confirme les mesures disciplinaires imposées par le comité.

 

 

 

Steven Dunn

Date Arbitre

 

Date

 

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