Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

[Le présent sommaire ne fait pas partie de la décision écrite.]
Le membre visé a escorté un détenu ivre et menotté jusqu’à la porte arrière d’un véhicule de police. Tandis qu’il se trouvait sur la banquette arrière, le détenu a donné un coup de pied au membre visé et lui a craché au visage. Le membre visé est entré à l’arrière du véhicule et a donné plusieurs coups de poing au détenu, y compris à la tête. Immédiatement après que le détenu a craché sur le membre visé, un autre membre a tiré le détenu plus loin sur la banquette arrière par l’autre porte du véhicule et lui a donné un coup de poing à la tête avant de fermer rapidement la porte.
Après que le membre visé a quitté la banquette arrière, il est devenu apparent que le détenu avait subi une lacération au cuir chevelu qui nécessiterait plus tard quatre points de suture. L’autre membre, qui devait transporter le détenu au bloc cellulaire dans son véhicule, a d’abord conduit ce dernier à un centre médical pour le faire soigner. Le membre visé a parlé au superviseur de l’autre membre, qui avait rejoint son subalterne à l’hôpital pendant que le détenu recevait des soins médicaux. Le membre visé a affirmé qu’il avait riposté après avoir été agressé par le détenu. Il n’a toutefois pas fait un compte rendu complet de l’incident au superviseur.
Le membre visé a écrit, dans le sommaire de la demande de service initiale qu’il a rédigé dans le Système d’incidents et de rapports de police (SIRP), que le détenu en état d’ébriété avait fait peur à une femme en tentant d’entrer dans sa résidence, croyant à tort que c’était la maison où il était autorisé à loger. Le sommaire du SIRP ne faisait aucune mention de la force employée à l’endroit du détenu.
Le membre visé a rédigé des notes manuscrites incomplètes au sujet de son interaction avec le détenu dans le véhicule, laissant ainsi l’impression qu’il avait été nécessaire de recourir à la force pour obliger ce dernier à le lâcher.
Le membre visé a reconnu avoir commis les deux contraventions au code de déontologie, c’est-à- dire avoir employé une force déraisonnable dans les circonstances et avoir négligé de faire un compte rendu exact et détaillé de l’exercice de ses fonctions.
Le comité de déontologie n’a pas été en mesure de déterminer la cause probable de la lacération subie par le détenu. Le ministère public avait précédemment accepté le plaidoyer de culpabilité que le membre visé avait inscrit relativement à une accusation de voie de fait simple portée contre lui. L’affaire s’était soldée par une absolution sous conditions assortie notamment d’une probation.
Le comité de déontologie a conclu que le congédiement ne serait pas une mesure disciplinaire proportionnée aux contraventions, mais il a ordonné la confiscation de 25 jours de solde pour la voie de fait que le membre visé avait commise sur le détenu et la confiscation de 20 jours de solde pour son omission de faire un compte rendu complet de son interaction avec le détenu dans le véhicule de police.

Contenu de la décision

Protégé A

2018 DARD 11

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AUDIENCE DISCIPLINAIRE

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE:

Le commandant de la Division K

Autorité disciplinaire

et

Le caporal Mark Potts, matricule 45452

Membre visé

Décision du comité de déontologie

John A. McKinlay

Le 16 août 2018

Sergent d’état-major Jonathan Hart, représentant de l’autorité disciplinaire

Sergent d’état-major Colin Miller, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE  4

INTRODUCTION  6

AVIS D’AUDIENCE DISCIPLINAIRE  7

Demande de la RM visant à faire ordonner la communication de renseignements  10

Décision sur la demande d’ordonnance de communication présentée par la RM  15

Requête de la RM concernant l’énoncé détaillé  23

Première conférence préparatoire (21 novembre 2017)  28

Deuxième conférence préparatoire (5 décembre 2017)  31

Troisième conférence préparatoire (19 janvier 2018)  33

Quatrième conférence préparatoire (21 février 2018)  35

Cinquième conférence préparatoire (16 mars 2018)  35

Sixième conférence préparatoire (29 mars 2018)  36

ALLÉGATIONS  40

Faits établis  41

Décision sur l’allégation 1  49

Décision sur l’allégation 2  51

MESURES DISCIPLINAIRES  54

Éventail des mesures disciplinaires appropriées  55

Éléments à prendre en considération au moment de déterminer les mesures disciplinaires  56

Circonstances aggravantes  57

Circonstances aggravantes acceptées  57

Circonstances atténuantes  59

Lettres d’appui  59

Évaluations du rendement  64

Rapport de la psychologue M. P.  65

Circonstances atténuantes acceptées  73

Mesures disciplinaires appropriées  77

CONCLUSION  80

 

SOMMAIRE

[Le présent sommaire ne fait pas partie de la décision écrite.]

Le membre visé a escorté un détenu ivre et menotté jusqu’à la porte arrière d’un véhicule de police. Tandis qu’il se trouvait sur la banquette arrière, le détenu a donné un coup de pied au membre visé et lui a craché au visage. Le membre visé est entré à l’arrière du véhicule et a donné plusieurs coups de poing au détenu, y compris à la tête. Immédiatement après que le détenu a craché sur le membre visé, un autre membre a tiré le détenu plus loin sur la banquette arrière par l’autre porte du véhicule et lui a donné un coup de poing à la tête avant de fermer rapidement la porte.

Après que le membre visé a quitté la banquette arrière, il est devenu apparent que le détenu avait subi une lacération au cuir chevelu qui nécessiterait plus tard quatre points de suture. L’autre membre, qui devait transporter le détenu au bloc cellulaire dans son véhicule, a d’abord conduit ce dernier à un centre médical pour le faire soigner. Le membre visé a parlé au superviseur de l’autre membre, qui avait rejoint son subalterne à l’hôpital pendant que le détenu recevait des soins médicaux. Le membre visé a affirmé qu’il avait riposté après avoir été agressé par le détenu. Il n’a toutefois pas fait un compte rendu complet de l’incident au superviseur.

Le membre visé a écrit, dans le sommaire de la demande de service initiale qu’il a rédigé dans le Système d’incidents et de rapports de police (SIRP), que le détenu en état d’ébriété avait fait peur à une femme en tentant d’entrer dans sa résidence, croyant à tort que c’était la maison où il était autorisé à loger. Le sommaire du SIRP ne faisait aucune mention de la force employée à l’endroit du détenu.

Le membre visé a rédigé des notes manuscrites incomplètes au sujet de son interaction avec le détenu dans le véhicule, laissant ainsi l’impression qu’il avait été nécessaire de recourir à la force pour obliger ce dernier à le lâcher.

Le membre visé a reconnu avoir commis les deux contraventions au code de déontologie, c’est-à- dire avoir employé une force déraisonnable dans les circonstances et avoir négligé de faire un compte rendu exact et détaillé de l’exercice de ses fonctions.

Le comité de déontologie n’a pas été en mesure de déterminer la cause probable de la lacération subie par le détenu. Le ministère public avait précédemment accepté le plaidoyer de culpabilité que le membre visé avait inscrit relativement à une accusation de voie de fait simple portée contre lui. L’affaire s’était soldée par une absolution sous conditions assortie notamment d’une probation.

Le comité de déontologie a conclu que le congédiement ne serait pas une mesure disciplinaire proportionnée aux contraventions, mais il a ordonné la confiscation de 25 jours de solde pour la voie de fait que le membre visé avait commise sur le détenu et la confiscation de 20 jours de solde pour son omission de faire un compte rendu complet de son interaction avec le détenu dans le véhicule de police.


MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

[1]  Au petit matin du 15 avril 2016, alors qu’il faisait encore nuit, le membre visé est entré à l’arrière d’un véhicule de police et a donné plusieurs coups de poing à un détenu ivre et menotté, M. [W.], qui venait de lui cracher au visage et de le frapper de ses deux pieds.

[2]  Plus tôt dans la nuit, M. [W.] avait été arrêté par le membre visé à Manning, en Alberta, à cause de l’état d’ébriété dans lequel il se trouvait et de l’incident qu’il avait causé en tentant d’entrer dans une résidence privée. M. [W.] affirmait avoir la permission de loger dans la résidence en question pendant qu’il faisait des travaux de construction à Manning. Avant que le comportement de M. [W.] se détériore et qu’il soit arrêté, le membre visé avait passé un temps considérable avec lui à essayer de trouver la bonne résidence.

[3]  Aucun gardien n’était de service au bloc cellulaire du Détachement de Manning cette nuit-là. Le membre visé a donc pris des dispositions pour rejoindre un autre membre, le gendarme (gend.) B. G., à un endroit approprié sur la route afin que ce dernier puisse transporter M. [W.] au détachement voisin de Peace River, où M. [W.] pourrait être détenu dans une cellule surveillée jusqu’à ce qu’il se dégrise.

[4]  C’est après que M. [W.] eut pris place à l’arrière du Chevrolet Tahoe que conduisait le gend. B. G. que le membre visé a frappé M. [W.]. Cette interaction a été filmée par la caméra de bord du véhicule, qui avait été activée quand le gend. B. G. s’était garé en bordure de la route et avait allumé les gyrophares par mesure de sécurité, pour accroître la visibilité du véhicule.

[5]  Le gend. B. G. et le membre visé ont tous deux frappé M. [W.], mais l’unique coup de poing que le gend. B. G. lui a donné à la tête pour faire diversion, selon l’explication qu’il a fournie plus tard, a été assené alors que le gend. B. G. tirait M. [W.] vers l’intérieur du véhicule après que ce dernier eut craché sur le membre visé, qui se tenait à l’extérieur du véhicule, à la porte arrière du côté opposé. Quand le membre visé a cessé de frapper M. [W.], du sang coulait visiblement d’une lacération que ce dernier avait reçue au cuir chevelu. Cette blessure nécessiterait plus tard quatre points de suture.

[6]  Le membre visé a rédigé un compte rendu de la demande de service initiale faite par la propriétaire effrayée de la résidence dans laquelle M. [W.] avait tenté d’entrer, mais il n’a pas mentionné dans le sommaire du Système d’incidents et de rapports de police (SIRP) qu’il avait eu recours à la force dans son interaction avec M. [W.].

[7]  Le membre visé a également eu une brève conversation téléphonique avec le caporal (cap.) B. N., le superviseur qui avait rejoint le gend. B. G. au centre médical où ce dernier avait immédiatement conduit M. [W.] pour faire soigner sa lacération. Au cours de cette conversation, le membre visé a mentionné avoir riposté après s’être fait cracher dessus et a dit explicitement qu’il n’était pas enclin à déposer une accusation de voie de fait contre M. [W.]. Il a créé un dossier dans le SIRP pour voie de fait sur la personne d’un policier et y a indiqué qu’il était lui-même la victime de l’agression, mais aucune accusation n’a été portée contre M. [W.].

[8]   Le membre visé a rédigé des notes manuscrites assez détaillées sur son interaction avec M. [W.]. Si on les lisait sans avoir regardé l’enregistrement vidéo de l’incident, ces notes donnaient l’impression que la force avait été employée alors que M. [W.] s’agrippait au membre visé pendant que ce dernier le mettait dans le véhicule de police et qu’elle était nécessaire pour permettre au membre visé de se libérer.

[9]  Quand les supérieurs hiérarchiques du membre visé ont regardé l’enregistrement vidéo, ils ont lancé une enquête criminelle et une enquête déontologique interne. Le membre visé a continué à remplir ses pleines fonctions opérationnelles jusqu’à ce qu’il soit suspendu avec solde le 18 octobre 2016.

AVIS D’AUDIENCE DISCIPLINAIRE

[10]  Le 3 février 2017, j’ai été nommé en tant que comité de déontologie chargé de trancher les allégations concernant le membre visé. L’avis d’audience disciplinaire et le dossier d’enquête connexe ont été signifiés au membre visé le 28 février suivant. J’ai reçu cet avis et ce dossier le 10 mars 2017.

[11]  L’avis d’audience disciplinaire daté du 15 février 2017 fait état de deux allégations d’inconduite à l’endroit du membre visé [Traduction] :

Allégation 1

Le 15 avril 2016 ou vers cette date, sur la route provinciale no 35 dans le hameau de Dixonville ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] a employé une force déraisonnable dans les circonstances, contrevenant ainsi à l’article 5.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Énoncé détaillé :

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la GRC et vous faisiez des heures supplémentaires au Détachement de Manning, dans la Division K (Alberta).

2. À l’époque des faits, vous étiez de service et vous étiez le policier ayant procédé à l’arrestation faite dans le dossier 2016-440449 du Système d’incidents et de rapports de police (SIRP). Vous avez procédé à l’arrestation légale de [M. W.] […] et l’avez installé dans votre véhicule de police. Vous avez plus tard pris des dispositions pour rencontrer le [gend. B. G.] du Détachement de Peace River de la GRC […] afin qu’il prenne en charge le détenu et que ce dernier soit enfermé dans une cellule du Détachement de Peace River pour la nuit.

3. Pendant que vous accompagniez [M. W.] de votre véhicule de police (5B18) à celui du [gend. B. G.] (5A25), [M. W.] s’est mis à se débattre contre vous. La force que vous avez employée pour maîtriser [M. W.], qui avait les mains menottées à l’avant, était à la fois excessive et injustifiée. La caméra de bord du véhicule 5A25, un Chevy Tahoe identifié, a documenté la force déraisonnable que vous avez employée à l’endroit de [M. W.].

4. Après avoir pris place sur la banquette arrière du véhicule 5A25, [M. W.] a craché sur vous. Vous avez riposté en lui donnant plusieurs coups à la tête, causant ainsi une lésion corporelle visible qui saignait de façon apparente. Vous n’avez pris aucune mesure pour obtenir des soins médicaux pour [M. W.]. Le [gend. B. G.] a par la suite transporté [M. W.] à l’hôpital de Peace River, où ses blessures ont été soignées.

5. À la suite de cet incident, vous avez été accusé de voie de fait ayant causé des lésions corporelles en vertu de l’alinéa 267 b) du Code criminel.

Allégation 2

Entre le 15 et le 20 avril 2016 inclusivement, à Manning et à Peace River ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] a négligé de rendre compte de manière exacte et détaillée de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions et du déroulement de ses enquêtes, contrevenant ainsi à l’article 8.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Énoncé détaillé :

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la GRC et vous faisiez des heures supplémentaires au Détachement de Manning, dans la Division K (Alberta).

2. À l’époque des faits, vous étiez de service et vous étiez le policier ayant procédé à l’arrestation faite dans le dossier 2016-440449 du Système d’incidents et de rapports de police (SIRP). Vous avez procédé à l’arrestation légale de [M. W.] […] et l’avez installé dans votre véhicule de police. Vous avez plus tard pris des dispositions pour rencontrer le [gend. B. G.] du Détachement de Peace River de la GRC […] afin qu’il prenne en charge le détenu et que ce dernier soit enfermé dans une cellule du Détachement de Peace River pour la nuit.

3. Pendant que vous accompagniez [M. W.] de votre véhicule de police (5B18) à celui du [gend. B. G.] (5A25), [M. W.] s’est mis à se débattre contre vous. Après avoir été installé à l’arrière du véhicule 5A25, [M. W.] a craché sur vous et vous avez riposté en le frappant à la tête, ce qui lui a causé des blessures. Vous n’avez pris aucune mesure pour obtenir des soins médicaux pour [M. W.]. La caméra de bord du véhicule 5A25, un Chevy Tahoe identifié, a filmé vos comportements sur la banquette arrière. Le [gend. B.G.] a par la suite transporté [M. W.] à l’hôpital de Peace River, où ses blessures ont été soignées.

4. Vous avez négligé de rendre compte de manière exacte et détaillée des circonstances de votre interaction avec [M. W.] sur la banquette arrière du véhicule 5A25. Dans vos notes de police, vous avez intentionnellement minimisé vos propres actions et faussement laissé entendre que votre recours à la force était justifié puisque [M. W.] s’agrippait à vous et refusait de vous lâcher.

5. Vous avez clos le dossier 2016-440449 du SIRP sans compléter les renseignements limités fournis dans le sommaire de l’incident, qui ne constitue pas un compte rendu exact et détaillé de ce qui s’est passé. La description de l’incident que vous avez donnée lors de votre conversation téléphonique avec le [cap. B. N.] n’était pas non plus un compte rendu complet de l’incident.

6. Bien que vous n’ayez pas accusé [M. W.] de voie de fait sur la personne d’un policier, vous avez créé le dossier 2016-442671 pour cette infraction dans le SIRP et y avez indiqué que vous étiez la victime.

7. Vous avez négligé de rendre compte avec exactitude de vos actions et du déroulement de votre enquête à votre superviseur.

[12]  Le 22 mars 2017, la première représentante du membre visé (RM 1) a demandé une prorogation jusqu’au 28 avril 2017 afin de produire les réponses (ci-après les « réponses écrites ») visées au paragraphe 15(3) et à l’article 18 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [ci-après les « CC (déontologie) »]. La prorogation a été accordée.

[13]  Le 29 mars 2017, le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) a présenté une longue liste de témoins proposés, parmi lesquels figuraient M. [W.], le gend. B. G., le cap. B. N. et d’autres membres de la GRC.

[14]  Le 24 avril 2017, la RM 1 a présenté une autre demande de prorogation afin que l’échéance fixée pour la production des réponses écrites soit reportée au 29 mai 2017. La prorogation a été accordée, mais le comité de déontologie a notamment fait la remarque suivante [Traduction] :

Une prorogation est normalement accordée lorsque des imprévus surviennent, qu’une importante question d’équité est soulevée ou que d’autres intérêts l’emportent sur le préjudice que fait subir la prorogation aux parties ou au processus d’arbitrage. […] Il est peu probable qu’une autre prorogation soit accordée dans ce dossier.

Demande de la RM visant à faire ordonner la communication de renseignements

[15]  Le 25 mai 2017, la RM 1 a déposé auprès du comité d’arbitrage une demande de communication supplémentaire qu’elle avait présentée au RAD le 23 mai 2017. Le RAD n’était pas disposé à transmettre de son propre chef les renseignements et les documents demandés par la RM 1, affirmant notamment ce qui suit [Traduction] :

Conformément au nouveau régime [Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361 [1] (Loi sur la GRC)], j’ai reçu comme instruction de notre directeur que, dorénavant, les demandes de communication de la part des RM […] NE seront PAS traitées par les RAD seulement, mais soumises également au comité de déontologie afin que soient examinées des questions telles que la pertinence de la demande.

[16]  Le comité de déontologie a ordonné au RAD de lui fournir ainsi qu’à la RM une copie de l’imprimé du profil d’employé du membre visé, qui est un document de deux pages faisant état de ses affectations et des formations qu’il a suivies. L’examen des autres demandes de renseignements de la RM serait reporté jusqu’à ce que les réponses écrites du membre visé soient produites conformément aux CC (déontologie).

[17]  À 23 h 38 le 29 mai 2017, la RM 1 a produit les réponses écrites du membre visé, y compris une liste de témoins proposés. Le membre visé reconnaissait avoir commis les contraventions au code de déontologie énoncées dans les deux allégations de l’avis d’audience disciplinaire, mais il contestait certaines formulations employées dans les énoncés détaillés, les jugeant trompeuses et ambiguës. Peu de temps après cette communication, un autre courriel a suivi, dans lequel la RM 1 a notamment affirmé ce qui suit [Traduction] :

[…]

Lorsque vous aurez pris connaissance de la réponse du membre, je vous propose de me fournir la liste des documents dont vous êtes prêt à ordonner la communication sans observations supplémentaires de la part du membre. Pour ce qui est des autres documents, je propose que vous m’autorisiez à présenter une requête de communication contenant des observations qui en expliqueront la pertinence.

Dans chaque milieu où j’ai exercé le droit jusqu’à maintenant, l’avocat de la défense ou le représentant du membre envoie une demande de communication au procureur, après quoi le procureur décide s’il communiquera ou non les éléments demandés. L’avocat de la défense présente alors une requête en communication de la preuve avec motifs à l’appui au juge ou au comité seulement pour les éléments qui restent s’il croit nécessaire de le faire. En l’espèce, le représentant de l’autorité disciplinaire affirme que la communication de la preuve est contrôlée par le comité et que ma demande de communication doit être adressée directement à ce dernier.

La préparation d’explications détaillées à l’appui de chaque élément d’une demande de communication, même ceux dont la pertinence est manifeste, exige beaucoup de temps et de travail.

[…]

[18]  Dans sa réplique du 30 mai 2017, le RAD a soulevé des questions quant au poids à accorder à la [Traduction] « version des faits » soumise le 29 mai 2018 [2] (par la RM 1 seulement). Il se préoccupait notamment de l’intention qu’y avait exprimée la RM 1 d’attendre que toute la preuve principale soit présentée au comité de déontologie avant de décider si elle ferait témoigner le membre visé. Le 31 mai 2017, la RM 1 a fait savoir qu’elle serait en congé de maladie jusqu’au 12 juin suivant et qu’elle répondrait à son retour.

[19]  Le 21 juin 2017, dans un courriel envoyé aux deux représentants, le comité de déontologie a brièvement abordé la question de savoir si certains aspects de la réponse écrite présentée par la RM 1 en application du paragraphe 15(3) des   ) constituaient [Traduction] « des observations plutôt que des éléments de preuve ». Il a également souligné le pouvoir que possède tout comité de déontologie d’ordonner la communication de documents et d’informations. Aussi le langage employé pour donner un tel ordre en refléterait-il désormais le caractère obligatoire.

[20]  La RM 1 a reçu l’ordre de présenter, avant 12 h (heure d’Ottawa) le 29 juin 2017, un document de cinq pages au plus exposant les arguments qu’elle invoquait pour demander que soit ordonnée la communication des éléments désirés. Le RAD devait par la suite transmettre sa réponse avant 12 h le 4 juillet 2017. Pour aider les parties, le comité de déontologie leur a remis un exemplaire du guide récemment actualisé à l’intention des comités de déontologie qui avait été transmis aux directeurs de leurs services respectifs le 16 juin 2017, en citant les articles 17.4 et 17.5 au sujet de la communication sur ordonnance d’informations importantes et nécessaires pour régler une question soulevée dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

[21]  Le jour où la RM 1 devait présenter son argumentation, soit le 29 juin 2017, elle a demandé que le comité lui permette de présenter un document de 20 pages et qu’il reporte la date limite au 30 juin 2017. Le comité de déontologie lui a accordé la permission de présenter un document de 10 pages, mais a maintenu la date limite du 29 juin 2017, repoussant seulement de 12 h à 17 h (heure d’Ottawa) l’échéance fixée pour la présentation du document. Des conditions comparables ont été offertes au RAD pour sa réponse, et la date limite pour la présentation de celle-ci a été fixée au 6 juillet, vu l’affectation imprévue du RAD à des fonctions opérationnelles liées à la fête du Canada.

[22]  Quatre heures avant l’échéance fixée pour la présentation de son argumentation, la RM 1 a envoyé la communication suivante au comité de déontologie [Traduction] :

Le délai que vous m’avez accordé jusqu’à 17 h aujourd’hui étant insuffisant pour permettre au membre de présenter une argumentation bien préparée et le RAD étant affecté dès demain à des fonctions opérationnelles liées à la fête du Canada, il ne serait aucunement problématique, à mon humble avis, de me donner jusqu’à 16 h demain, le 30 juin 2017, pour produire notre argumentation. Étant donné la situation, je vous demande respectueusement de réexaminer votre position.

[23]  Le comité de déontologie a répondu comme suit à la demande de la RM 1 [Traduction] :

Vous aviez depuis le 21 juin pour demander le report de la date limite et la permission de présenter un document plus long.

Vous avez attendu à ce matin pour le faire.

Vous n’êtes peut-être pas d’accord, mais la période de temps allant du 21 juin à aujourd’hui constitue un délai raisonnable pour la préparation de votre argumentation, qui porte après tout sur des documents que vous avez demandés au RAD le 23 mai 2017. Je ne considère pas que l’échéance fixée à 17 h aujourd’hui (heure d’Ottawa) a privé le membre visé de la possibilité de présenter une argumentation bien préparée.

En invoquant l’affectation imprévue [du RAD] à des fonctions opérationnelles demain pour justifier le réexamen de la date fixée pour la présentation de votre argumentation, vous ne tenez pas compte du fait que même les arbitres organisent leur emploi du temps selon les activités prévues dans un calendrier. Il n’est pas acceptable pour moi de recevoir votre argumentation à 17 h demain (heure d’Halifax).

Je considère que l’absence [du RAD] demain découle de circonstances imprévues et indépendantes de sa volonté [voir ci-joint les motifs rédigés par le juge Reed dans la décision Chin c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), Cour fédérale du Canada, 8 octobre 1993]. Pour cette raison, et parce qu’il doit maintenant répondre à une argumentation de 10 pages, une prorogation lui a été accordée jusqu’à 17 h (heure d’Ottawa) le 6 juillet.

Je ne réexaminerai pas ma position.

[24]  Les argumentations des représentants au sujet de la demande de la RM 1 visant à faire ordonner la communication de certains documents ont été reçues le 29 juin 2017 et le 6 juillet 2017 respectivement.

[25]  Le 7 juillet 2017, le comité de déontologie a permis à la RM 1 de déposer une réfutation de cinq pages au plus tard le 11 juillet 2017, puisque le RAD avait cité d’autres précédents et soulevé de nouveaux arguments. La RM 1 a transmis une réponse dans laquelle elle faisait valoir ses obligations à l’égard d’autres dossiers et demandait que la date limite pour la présentation de la réfutation soit fixée au 25 juillet 2017. Le comité de déontologie a reçu des observations de la part du RAD concernant sa propre charge de travail mais n’exprimant aucun avis sur la prorogation demandée par la RM 1, puis un autre courriel de la part de cette dernière.

[26]  Le comité de déontologie a répondu comme suit à la demande de prorogation de la RM 1 [Traduction] :

J’ai examiné chacune de vos communications au sujet de votre charge de travail et des prorogations demandées.

Plus tôt ce matin, j’avais fixé la date de présentation de la réfutation [de la RM 1] au 11 juillet.

À la lumière des communications de la [RM 1], je fixe maintenant une nouvelle échéance : 17 h, heure d’Ottawa, le mardi 18 juillet 2017, maximum de cinq pages.

Cette échéance tombe dans la semaine suivant l’audience [de la RM 1] (du 12 au 14 juillet) et précédant la date fixée pour la présentation de sa réponse relative à l’appel interjeté en vertu de l’ancienne version de la Loi (le 24 juillet).

À moins de circonstances exceptionnelles et imprévues, je n’envisage d’accorder aucune autre prorogation.

[…]

[Caractères gras dans l’original]

Décision sur la demande d’ordonnance de communication présentée par la RM

[27]  La réfutation de la RM 1 a été présentée le 18 juillet 2017. Le comité de déontologie a rendu sa décision sur la demande d’ordonnance de communication le 19 juillet 2017 [Traduction] :

[…]

2. J’ai examiné les prescriptions du droit en ce qui touche l’équité procédurale et la communication de la preuve, telles que décrites dans les décisions suivantes : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, Kane c. Conseil d’administration de l’Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105, May c. Établissement Ferndale, [2005] 3 R.C.S. 809 et Sheriff c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 139. Je confirme ne pas être juridiquement lié par la décision d’arbitrage rendue dans l’affaire Khan, ni par un quelconque commentaire fait dans ma décision [G.], ni par les dispositions énoncées dans le guide récemment actualisé à l’intention des comités de déontologie.

3. Exception faite des éléments 5 et 6 mentionnés ci-dessous, je n’ordonne pas la communication des informations ou des documents demandés par la RM. Selon la norme de la pertinence et celle de la nécessité et de l’importance, il n’existe aucun motif suffisant pour ordonner la communication de la plupart des éléments demandés par la RM.

4. Contrairement à un tribunal pénal, à un comité d’arbitrage de la GRC ou même à l’analyste principale aux affaires disciplinaires du surintendant des faillites dans l’affaire Sheriff, je peux évaluer l’utilité de l’information demandée compte tenu de l’ensemble des rapports d’enquête et, en particulier, des réponses présentées par le membre visé en application du paragraphe 15(3) des CC (déontologie).

1- Les appels de Mme [T. K.] et les échanges du [membre visé] avec le répartiteur

5. La RM demande les enregistrements audio de tous les appels que Mme [T. K.] a faits à la GRC le 15 avril 2016 au sujet de cette affaire, et de tous les échanges du [membre visé] avec le répartiteur ou l’opérateur concernant la demande d’intervention en cause.

6. À la lumière de ce que je considère comme la confirmation officielle fournie dans les observations du RAD, la seule inconduite reprochée dans l’allégation 1 concerne les coups que le membre visé a donnés à M. [W.] à l’intérieur du Tahoe de la GRC. L’interaction que le membre visé a eue avec M. [W.] avant de frapper ce dernier à l’intérieur du Tahoe est sans pertinence et ne donne lieu à aucune allégation d’inconduite. Les enregistrements audio demandés ne sont donc ni pertinents, ni importants et nécessaires pour permettre au membre visé de répondre à l’allégation. Il est reconnu par l’autorité disciplinaire et confirmé dans l’énoncé détaillé de l’allégation 1 que le membre visé a frappé M. [W.] à l’intérieur du Tahoe après que M. [W.] lui eut craché dessus. La crédibilité de M. [W.] en ce qui concerne son interaction avec le membre visé avant d’avoir été placé dans le Tahoe n’est pas en cause. Comme l’enregistrement vidéo montre le membre visé frappant M. [W.], je ne crois pas qu’il soit nécessaire pour M. [W.] de témoigner sur quelque autre aspect de la situation (par exemple sur la cause de la lacération qu’il a reçue au cuir chevelu), vu l’état d’ivresse dans lequel il se trouvait et ses souvenirs peu fiables de l’incident. Le manque de coopération, le comportement et l’état d’ivresse de M. [W.] ne sont donc pas contestés et ne justifient pas la communication des enregistrements demandés.

2 – Carte d’appel

7. Je ne m’étendrai pas sur cet élément. Les actes et les omissions reprochés au membre visé après que M. [W.] a été placé dans le Tahoe de la GRC marquent le début de la chronologie des événements pertinents. Les heures précises des appels que Mme [T. K.] a faits à la GRC le 15 avril 2016 sont sans rapport avec la période de temps à l’étude. L’exclusion de ces faits n’a donc aucune incidence sur la capacité du membre visé de répondre aux allégations.

3 – Images captées dans le bloc cellulaire

8. Je refuse d’ordonner la communication des images captées dans le bloc cellulaire pendant la période au cours de laquelle M. [W.] a été écroué, enfermé dans une cellule, puis remis en liberté après son arrestation du 15 avril 2017 [3] . Comme je l’ai expliqué plus haut, il n’est pas nécessaire d’évaluer la crédibilité de M. [W.], et les images captées par la caméra de bord du Tahoe montrent la force excessive que le membre visé reconnaît avoir employée à l’endroit de M. [W.] dans ce véhicule. L’attitude, le comportement et l’état d’ivresse de M. [W.] sont donc sans pertinence. Le comportement qu’il a manifesté pendant qu’il était menotté à l’intérieur du Tahoe est néanmoins capté dans l’enregistrement vidéo. Aucune inconduite n’est alléguée avant que M. [W.] ait été placé dans le Tahoe, et le fait que le [gend. B. G.] mentionne, aux pages 7 et 8 de sa déclaration du 29 avril 2016, la [Traduction] « réticence de M. [W.] à se faire toucher » est sans rapport avec les actes et les omissions du membre visé qui ont été captés par la caméra de bord du Tahoe. L’enregistrement vidéo fait dans le bloc cellulaire est également sans pertinence par rapport à l’interaction que le membre visé mentionne aux pages 14 et 15 de sa réponse en ce qui concerne la réaction de M. [W.] lorsque le membre visé lui a saisi le bras. Il y a une photo couleur de M. [W.] qui montre bien l’emplacement de sa lacération au cuir chevelu au moment où il a reçu des soins médicaux plus tard dans la nuit du 15 avril 2016. L’argument voulant qu’il soit justifié de demander la communication de la vidéo filmée dans le bloc cellulaire parce qu’elle [Traduction] « nous permettra de voir si la blessure de M. [W.] était encore visible à ce moment-là » n’a donc aucune pertinence et semble complètement dénué de bon sens.

4 – Vérification faite dans le SIRP

9. La RM demande que soit ordonnée la communication de toutes les recherches faites par le membre visé dans le SIRP au sujet de M. [W.] le 15 avril 2016 et des résultats ainsi obtenus. Je refuse d’ordonner la communication de ces éléments, car à mon avis, le paragraphe 6 de l’énoncé détaillé de l’allégation 2 ne constitue pas un acte ou une omission pouvant servir de base à une conclusion d’inconduite. Ce paragraphe fait partie de la description de la situation et non de l’allégation d’inconduite à laquelle le membre visé doit répondre. Je ne vois dans l’information demandée aucun lien avec une décision reprochée au membre visé à titre de prétendue inconduite. L’information que le membre visé peut avoir obtenue au sujet de M. [W.] en consultant le SIRP le 15 avril 2016 est sans rapport avec ce qu’il a dit ou n’a pas dit à un superviseur relativement à la force excessive qu’il avait employée à l’endroit de M. [W.] dans le Tahoe de la GRC. Le fait qu’il n’ait pas documenté au complet son interaction avec M. [W.] ne donne pas un caractère pertinent ou nécessaire aux inscriptions sur M. [W.] qui se trouvent dans le SIRP.

5 – [Sergent d’état-major (s.é.-m.) M.]

10. Je confirme que le paragraphe 7 de l’énoncé détaillé de l’allégation 2 reproche au membre visé d’avoir négligé de rendre compte avec exactitude de ses actions et de son enquête à son superviseur. D’après l’information contenue dans le rapport d’enquête interne, le [cap. B. N.] était le superviseur du membre visé la nuit du 15 avril 2016. Je me serais attendu à ce que la RM demande des précisions au RAD quant à l’identité du superviseur avant d’invoquer le manque de précision de l’énoncé détaillé pour obtenir une ordonnance de communication générale.

11. Il n’est pas contesté que le 29 avril 2016, après la période visée par l’allégation 2, le membre visé a eu une conversation téléphonique avec son [sous-officier], le s.é.-m. [M.], au cours de laquelle il a reconnu avoir employé une force excessive à l’endroit de M. [W.]. Pour les besoins de la preuve sur laquelle s’appuiera le membre visé lors de la partie de l’audience qui sera, le cas échéant, consacrée aux mesures disciplinaires, la lettre du s.é.-m. [M.] datée du 28 mai 2016 corrobore la version des faits présentée par le membre visé. La lettre en question dit ce qui suit [Traduction] : « Le [membre visé] était désolé et éprouvait des remords. Il était en déplacement avec la [gend. M. S.] et j’ai demandé à cette dernière de prendre soin de lui. »

ORDONNANCE : J’ordonne à la RM, […], de communiquer immédiatement avec le s.é.-m. [M.] pour lui demander s’il possède des documents produits à l’époque des faits qui décrivent ou résument la conversation qu’il a eue avec le [membre visé] le ou vers le 29 avril 2016 et qui indiquent que le [membre visé] était désolé et éprouvait des remords. Dans l’affirmative, j’ordonne au s.é.-m. [M.] de déposer les documents en question auprès du comité de déontologie [adresse courriel caviardée] et d’en transmettre copie à la RM [adresse courriel caviardée] ainsi qu’au RAD [adresse courriel caviardée] dans les 14 jours suivant la communication de la RM. Si le s.é.-m. [M.] ne possède aucun document de ce genre, il doit le faire savoir dans ce même délai de 14 jours. Il est acceptable d’utiliser le système de courriel GroupWise de la GRC et des copies numérisées des documents afin de respecter la présente ordonnance.

6 – Cap. [B. N.]

12. Le membre visé aurait négligé de faire un compte rendu complet de son interaction avec M. [W.] lors de sa conversation téléphonique du 15 avril 2017 [4] avec le cap. [B. N.].

ORDONNANCE : J’ordonne au RAD, […] (maintenant en congé jusqu’au 14 août 2017 environ), de communiquer immédiatement avec le cap. [B. N.] pour lui demander s’il possède des documents rendant compte de sa conversation téléphonique du 15 avril 2016 avec [le membre visé] relativement à la situation concernant M. [W.]. Le cas échéant, j’ordonne au cap. [B. N.] de déposer les documents en question auprès du comité de déontologie [adresse courriel caviardée] et d’en transmettre copie à la RM [adresse courriel caviardée] ainsi qu’au RAD [adresse courriel caviardée] dans les 14 jours suivant la communication du RAD. Si le cap. [B. N.] ne possède aucun document de ce genre, il doit le faire savoir dans ce même délai de 14 jours. Il est acceptable d’utiliser le système de courriel GroupWise de la GRC et des copies numérisées des documents afin de respecter la présente ordonnance.

7 – Gend. [B. G.]

13. La RM confirme que l’autorité disciplinaire a transmis les notes du gend. [B. G.] pour les 14 et 15 avril 2016. Je ne vois pas la pertinence ou la nécessité de produire d’autres notes, étant donné la période de temps visée par l’allégation 1 et puisque le gend. [B. G.] affirme lui-même qu’il peut avoir causé la lacération au cuir chevelu de M. [W.] en lui donnant un coup sur le dessus de la tête ou en fermant la porte arrière droite du Tahoe de la GRC.

8 – Casier judiciaire de M. [W.]

14. Pour les raisons exposées ci-dessus, je n’entends pas approuver la comparution de M. [W.] à titre de témoin essentiel dans cette affaire. La vidéo montrant la force employée par le membre visé à l’endroit de M. [W.] élimine la nécessité d’évaluer la crédibilité de M. [W.] et de trancher entre la version des faits présentée par le membre visé et celle présentée par M. [W.]. C’est pourquoi, même en supposant que la communication des antécédents criminels de M. [W.] à l’âge adulte et dans son adolescence puisse être ordonnée par moi plutôt que par un tribunal, je refuse d’en ordonner la communication.

9 – Rapports concernant M. [W.] (rapports du SIRP ou autres)

15. Pour les raisons exposées ci-dessus, la crédibilité de M. [W.] n’est pas en cause, et je refuse d’ordonner la communication des rapports du SIRP, des autres rapports ou des notes manuscrites des membres nommés de la GRC concernant M. [W.].

10 - Notes d’information et autres documents

16. Il est établi que le membre visé n’était pas suspendu de ses fonctions du 15 avril 2016 au 18 octobre 2016. Ce fait est suffisant pour permettre à la RM de l’invoquer à titre de facteur atténuant. Aucun autre document de la part de l’autorité disciplinaire ne viendrait le renforcer.

11- Autre enquête et decision

17. Les seules personnes qui peuvent témoigner sur la façon dont le coup de poing à la tête donné par le gend. [B. G.] ou l’impact de la porte arrière droite du Tahoe de la GRC peuvent avoir causé la lacération au cuir chevelu de M. [W.] sont le gend. [B. G.], M. [W.] et le membre visé. De toute évidence, le souvenir qu’a M. [W.] des événements survenus dans le Tahoe n’est pas fiable, étant donné l’état d’ivresse dans lequel il se trouvait au moment des faits. À mon avis, il peut être nécessaire d’entendre le témoignage du gend. [B. G.] sur la cause de la lacération. J’examinerai les arguments présentés quant à la nécessité de contre-interroger le gend. [B. G.] en tant que témoin ayant proposé une explication selon laquelle la lacération peut ne pas avoir été causée par le membre visé. Je refuse toutefois d’ordonner la communication des documents concernant le gend. [B. G.] qui peuvent exister selon la RM, car les renseignements pertinents au sujet des actions posées par le gend. [B. G.] lors de l’incident en question pourront être fournis lors de son témoignage sous serment (à moins que soit accueillie une éventuelle objection à cet égard). Peu importe ce que le gend. [B. G.] a ou n’a pas fait pendant son interaction avec M. [W.], il reste que la vidéo filmée à l’intérieur du Tahoe montre l’agression subséquente commise par le membre visé sur M. [W.], après laquelle apparaît sur le front et le visage de ce dernier une coulée de sang (provenant de la naissance de ses cheveux) qui n’était pas visible avant cette agression.

13 – Dossiers de l’enquête criminelle et de l’enquête interne

18. Pour les raisons exposées ci-dessus, je refuse d’ordonner la communication des dossiers demandés.

[28]  La RM 1 a déposé la réponse du s.é.-m. M. le 26 juillet 2017, et le RAD a déposé celle du cap. B. N. le 18 août 2017.

[29]  Le 24 août 2017, le RAD a envoyé une communication sur l’issue de la poursuite pénale parallèle engagée contre le membre visé, avec en pièce jointe l’ordonnance de probation rendue à son endroit. Le ministère public a accepté le plaidoyer de culpabilité inscrit par le membre visé relativement à une accusation de voie de fait simple, puisque la vidéo et les autres éléments de preuve n’établissaient pas avec certitude, selon les affirmations du procureur, la cause de la lacération que M. [W.] avait subie au cuir chevelu. Le 22 août 2017, le membre visé a été reconnu coupable de voie de fait et s’est vu imposer une probation de 18 mois assortie de conditions.

[30]  Le 3 octobre 2017, le comité de déontologie a proposé la tenue d’une conférence préparatoire le 3 novembre 2017, date avant laquelle tout rapport d’expertise devait être déposé, et a fixé l’audience aux 11 et 12 décembre 2017, sous réserve de toute objection concernant la date. Le comité de déontologie a par ailleurs indiqué que le témoignage du gend. B. G. sur la cause de la lacération au cuir chevelu lui paraissait essentiel et a invité les parties à présenter leurs arguments sur la nécessité du témoignage du cap. B. N. La RM 1 a répondu qu’elle ne serait pas disponible le 3 novembre et a proposé plusieurs autres dates à la fin d’octobre et au début de novembre 2017.

[31]  La RM 1 a fait savoir que le membre visé ferait comparaître [Traduction] « deux témoins experts lors de la portion de l’audience consacrée aux allégations et un autre lors de la portion consacrée à la peine », mais estimait que le rapport d’expertise concernant la peine appropriée devrait seulement être communiqué au comité s’il y avait lieu de le faire, après que le comité aurait jugé du fondement des allégations. Elle s’opposait à la communication de ce rapport [Traduction] « avant la portion de l’audience consacrée à la peine ». Elle a également mentionné qu’elle avait demandé des précisions au RAD le 21 septembre 2017 au sujet de l’énoncé détaillé de l’allégation 2 et qu’elle avait commencé à rédiger une [Traduction] « requête concernant l’énoncé détaillé ».

[32]  Le 4 octobre 2017, le comité de déontologie a formulé les observations suivantes au sujet des compétences des experts et du dépôt de leurs rapports [Traduction] :

Je maintiens ma directive selon laquelle les rapports (et les CV) des experts doivent être transmis avant le 3 novembre 2017.

Selon le paragraphe 19(1) des CC (déontologie) : « La partie qui entend utiliser un rapport d’expertise le remet au comité et le signifie à l’autre partie au moins trente jours avant l’audience. » Les rapports doivent donc non seulement être transmis à la partie adverse, mais à moi, en ma qualité de comité de déontologie. Le paragraphe 19(1) ne fait aucune distinction entre les rapports intéressant la portion de l’audience consacrée aux allégations et les rapports intéressant la portion consacrée à la peine. L’objection de la RM est donc rejetée.

Je dois d’abord recevoir les rapports d’expertise afin de pouvoir déterminer la nécessité de faire témoigner les auteurs et la portée que devrait avoir leur témoignage. Mes conclusions à ces égards peuvent avoir une incidence sur le mode de tenue, la durée et le lieu de l’audience. La considération de l’information et des opinions présentées dans tout rapport d’expertise intéressant l’étape de la détermination des mesures disciplinaires se fera uniquement à cette étape du processus.

[33]  À l’égard de la requête que comptait présenter la RM 1 afin d’obtenir des précisions au sujet de l’énoncé détaillé, le comité de déontologie a fixé au 11 octobre la date limite pour le dépôt de cette requête par la RM 1 et au 18 octobre la date limite pour la transmission de la réponse du RAD, en précisant que chacun devrait limiter ses observations à cinq pages. La conférence préparatoire a été fixée au 6 novembre 2017. Le comité de déontologie a demandé que soient confirmées les dates d’audience proposées, soit les 11 et 12 décembre 2017. Le RAD a répondu qu’il devait participer à une audience relative à une autre affaire dans la semaine du 16 octobre 2017; il demandait donc au comité de lui accorder jusqu’au 25 octobre 2017 pour répondre à la requête relative à l’énoncé détaillé. Il a également mentionné que l’autorité disciplinaire s’attendait à recevoir un rapport d’expertise sur le recours à la force de la part de la RM 1 et que, selon la teneur de ce rapport, il demanderait peut-être à déposer un rapport de contre-expertise.

[34]  Le 4 octobre 2017, la RM 1 a fait savoir qu’elle ne serait pas disponible les 11 et 12 décembre 2017, mais qu’elle proposerait des dates plus rapprochées dès qu’elle aurait vérifié les disponibilités de ses experts. Elle a ajouté qu’elle déposerait sa requête le 5 octobre 2017 (donc avant l’échéance du 11 octobre 2017 fixée par le comité de déontologie), ce qui permettrait au RAD de présenter sa réponse plus tôt. Elle demandait par ailleurs la permission de présenter des observations tenant non pas sur cinq pages, mais sur neuf pages. Le RAD a répondu ceci [Traduction] : « Je suis prêt à travailler cette fin de semaine pour répondre à la requête, mais à mon avis, les parties devraient être astreintes à la limite de cinq pages […] comme il est également indiqué dans le guide à l’intention des comités de déontologie. »

[35]  Le comité de déontologie a répondu ce qui suit le 4 octobre 2017 [Traduction] :

  1. À condition de la déposer demain, la RM peut présenter une requête de 10 pages tout au plus.
  2. La réponse du RAD à cette requête ne doit pas dépasser 10 pages.
  3. Lorsque j’aurai lu la requête de la RM, je déterminerai la date qui conviendrait pour la présentation de la réponse du RAD.
  4. J’ordonne à la RM et au RAD d’indiquer une date acceptable pour l’audience, compte tenu de leurs propres disponibilités et de celles des experts dont la comparution est envisagée, puisque [la RM 1] ne sera pas disponible les 11 et 12 décembre 2017.
  5. Je prends note de l’opinion du RAD selon laquelle il serait préférable de tenir l’audience à Edmonton plutôt qu’à Peace River. La sélection du lieu de l’audience dépendra sans doute de plusieurs des facteurs mentionnés dans l’échange de courriels ci-dessous. Ce lieu reste à déterminer.
  6. La première conférence préparatoire est maintenant fixée à 9 h, heure d’Ottawa, le 6 novembre 2017.
  7. La RM doit déposer tous les rapports d’expertise au plus tard le 3 novembre 2017, ou plus tôt si elle les a déjà reçus. La nécessité de permettre au RAD de présenter un rapport de contre-expertise sur le recours à force sera évaluée après étude du rapport présenté par la RM.

Requête de la RM concernant l’énoncé détaillé

[36]  La RM 1 a déposé son avis de requête officiel et les annexes s’y rapportant le 5 octobre 2017. Le RAD a répondu qu’il pourrait y répliquer [Traduction] « de façon assez concise » et a demandé si le comité de déontologie accepterait une réponse plus informelle transmise par courriel. Le comité de déontologie a fait savoir qu’un courriel de 10 pages au plus serait acceptable et a demandé au RAD de répondre aux questions formulées par le comité de déontologie après étude de la requête.

[37]  Le RAD a répondu à la requête ainsi qu’aux questions du comité de déontologie le 5 octobre 2017. Les points saillants de sa réponse se résument comme suit :

  • Le RAD n’est pas en mesure de répondre adéquatement à cette requête tant que les questions soulevées n’auront pas été entièrement débattues devant le comité de déontologie ou que ce dernier n’aura pas déterminé si les faits sont établis.
  • Puisque le membre visé n’a pas reconnu tous les faits avancés dans l’énoncé détaillé figurant dans l’avis, une bonne partie de cet énoncé demeure contestée.
  • La requête exige que le RAD fasse des suppositions prématurées quant aux conclusions du comité de déontologie. Le RAD soutient ne pas être en mesure d’y répondre adéquatement à l’heure actuelle.
  • Le paragraphe 7 [de l’énoncé détaillé de l’allégation 2] se veut un résumé global et non la description d’une inconduite distincte.
  • [Le membre visé] a négligé de faire un compte rendu exact et détaillé des événements dans ses notes de police (ce qui constitue une omission). Le RAD estime cependant que la décision d’exclure certains détails et d’en ajouter d’autres constitue une tentative de dissimulation intentionnelle. Cette question doit être examinée adéquatement au moment de l’audience, après l’interrogatoire principal et le contre-interrogatoire, afin de déterminer si la preuve appuie la position du RAD.
  • [Le membre visé] a négligé de faire un compte rendu exact et détaillé des événements dans le résumé de l’incident (ce qui constitue une omission). Le résumé de l’incident qui figure au SIRP ne constitue tout simplement pas un compte rendu exact et détaillé de tout ce qui est arrivé. Le RAD estime cependant qu’en décidant d’exclure certains détails concernant les événements qui se seraient produits, le [membre visé] cherchait en fait intentionnellement à cacher ses actions. Il est essentiel de contre-interroger le [membre visé] au moment de l’audience afin de recueillir des éléments de preuve sur cette question, ou alors le comité de déontologie doit déterminer si les faits sont établis. Il est trop tôt pour répondre à cette question adéquatement.

[38]  La RM 1 a ensuite demandé à répondre aux observations du RAD.

[39]  Le 6 octobre 2017, le comité de déontologie a réagi comme suit aux observations du RAD sur la requête [Traduction] :

Tout d’abord, il est maintenant clair que le paragraphe 7 de l’énoncé détaillé de l’allégation 2 constitue un résumé et ne désigne aucun acte ni aucune omission qui s’ajouterait à ceux qui sont mentionnés dans les autres paragraphes. C’était assez évident pour moi, mais la RM a maintenant la confirmation qu’elle demandait.

À mon avis, la réponse du RAD confond deux questions distinctes.

La première concerne la compréhension qu’a le membre visé des actes ou des omissions qu’on lui reproche. Si, pour une raison quelconque, la RM ne comprend pas ces actes ou ces omissions, alors le redressement de cette situation peut seulement aider son client à faire des aveux qui accéléreront le processus.

La deuxième question, qui semble dominer la réponse du RAD, est celle de savoir si la preuve au dossier est suffisante pour me permettre de formuler des conclusions préliminaires quant aux faits après examen des pièces déposées jusqu’à maintenant, y compris celles qu’a fournies la RM.

La clarification des allégations par le RAD est une chose, mais le caractère suffisant de la preuve pour déterminer si la prétendue inconduite est établie en est une autre.

À part les précisions données au sujet du paragraphe 7 de l’allégation 2, je suis d’avis que les échanges écrits n’ont pas donné grand-chose jusqu’à maintenant et que leur poursuite a peu de chances de donner de meilleurs résultats. Aucun courriel de réponse n’est attendu de la RM.

La première conférence préparatoire est maintenant fixée à 9 h, heure d’Ottawa, le 6 novembre 2017.

Je mènerai cette conférence dans une salle de réunion en présence des deux représentants, ou bien par vidéoconférence, auquel cas les deux représentants se trouveront dans la même salle. Dans la mesure du possible, nous réglerons alors toutes les questions qui demeurent en suspens.

À cette fin, j’ordonne à la RM de me transmettre dès maintenant tout rapport d’expertise dont elle peut avoir possession relativement à cette affaire.

[40]  Comme suite à la directive du comité de déontologie, la RM 1 a immédiatement fourni les rapports d’expertise et les curriculum vitae de ses témoins experts proposés. Ces rapports portaient de façon générale sur le recours à force capté par la caméra de bord du Tahoe (M. S. S.), sur les aspects physiologiques des lacérations au cuir chevelu (Dr L. B.) et sur une évaluation psychologique assortie d’opinions quant aux facteurs susceptibles d’atténuer l’inconduite du membre visé (Mme M. P.). De nombreux autres documents ont été présentés relativement à l’issue de la poursuite pénale engagée contre le membre visé, ainsi que des documents judiciaires portant sur les condamnations pour voies de fait et pour résistance au moment de l’arrestation qui ont été infligées à M. W. dans le cadre de dossiers traités par d’autres membres. En plus de ces rapports et documents, la RM 1 a transmis les observations suivantes [Traduction] :

D’après votre courriel […] au sujet de la conférence préparatoire, toutes les questions en suspens seront réglées à ce moment-là, y compris notre requête concernant la clarification de l’énoncé détaillé. Veuillez confirmer que nous n’aurons pas à fournir d’observations écrites sur la nécessité d’entendre les témoins puisque toutes les questions en suspens seront réglées lors de la conférence préparatoire. Nous sommes d’avis que ce serait logique et plus efficace de procéder ainsi, car il est important que le membre comprenne l’allégation 2 afin de décider des témoins à assigner. J’espère que la conférence préparatoire nous permettra d’obtenir l’information dont nous avons besoin. Non seulement cette information est-elle importante pour permettre au membre de mieux comprendre l’allégation 2, mais elle contribuera à faire avancer le processus, puisqu’elle peut mener à d’autres aveux.

Étant donné que le comité rendra probablement des décisions importantes pendant la conférence, nous demandons respectueusement qu’elle soit enregistrée. Nous savons que vous avez refusé des demandes similaires par le passé, mais puisque cette pratique a cours dans d’autres tribunaux, qu’elle favorise la transparence et l’exactitude et qu’elle est compatible avec l’exigence voulant que les audiences devant le comité soient publiques, nous demandons respectueusement que vous acceptiez de le faire dans le cas [du membre visé].

Finalement, nous tenons à souligner que le membre ne renonce pas à son droit de contre-interroger les témoins de l’autorité disciplinaire devant le comité, ni à son droit de faire comparaître des témoins et de témoigner lui-même relativement aux allégations. Cette position peut changer lorsque la conférence préparatoire aura eu lieu et que mon client m’aura donné ses instructions à la lumière des résultats de la rencontre, mais pour l’instant, il la maintient, et nous tenons à l’exprimer afin de préserver ses droits.

L’obligation d’offrir au défendeur la possibilité de répondre aux allégations de contravention au code de déontologie qui sont formulées contre lui est au coeur des principes de l’équité procédurale et de la justice naturelle. La Cour suprême du Canada a également reconnu que le droit de contre-interroger les témoins à charge sans entrave importante et injustifiée constitue un aspect essentiel du droit à une défense pleine et entière. Le membre doit aussi être autorisé à présenter son témoignage, à défaut de quoi la règle audi alteram partem et les principes de la justice naturelle ne seraient pas respectés. Comme l’autorité disciplinaire demande le congédiement du membre visé, la décision du comité peut avoir d’importantes conséquences pour le droit de ce dernier de gagner sa vie. Aussi convient-il, conformément à la jurisprudence en la matière, de donner une interprétation large au droit d’être entendu.

Le membre ne renonce pas non plus à la lecture des allégations pendant l’audience. Il est d’avis que le comité de déontologie ne doit rendre aucune décision sur les allégations sans qu’il ait eu la possibilité de présenter ses observations à leur égard.

Si ces questions suscitent un litige, nous présenterons une argumentation détaillée avec jurisprudence à l’appui. Pour l’instant, nous souhaitons simplement que soit consigné au dossier le fait que le membre ne renonce pas aux droits susmentionnés.

[41]  Le 16 octobre 2017, les représentants ont déposé une proposition conjointe visant à fixer la date de l’audience dans la semaine du 19 ou du 26 février 2018, sous réserve de confirmation de la disponibilité du Dr L. B.

[42]  Le 23 octobre 2017, le RAD a déposé un rapport d’expertise qui avait été rédigé par le s.é.-m. L. M. puis soumis à l’examen d’un pair, le s.é.-m. L. L., dont les constatations étaient documentées par écrit. Le curriculum vitae de chacun de ces agents a également été présenté. Ce rapport et ces constatations portaient de façon générale sur le caractère déraisonnable de la force employée lors de l’incident capté par la caméra de bord du Tahoe.

[43]  Un retard de transport aérien ayant empêché la présence du comité de déontologie le 6 novembre 2017, la conférence préparatoire prévue pour cette date a été annulée, puis reportée au 21 novembre 2017. Sa tenue devait alors se faire par téléconférence.

[44]  Dans l’intervalle, la RM 1 a demandé que soit ordonnée la communication d’une copie du formulaire 1004 (Fiche de rendement) remis au cap. B. N. le 22 novembre 2016 relativement au fait qu’il avait négligé de signaler le comportement du membre visé après lui avoir parlé le 15 avril 2016. Elle demandait également [Traduction] « tout document produit par le [cap. B. N.] (courriels, observations, etc.) au sujet de sa conversation téléphonique du 15 avril 2016 avec [le membre visé] ainsi que les notes du sergent [N.] au sujet du formulaire 1004 ».

Première conférence préparatoire (21 novembre 2017)

[45]  Comme en fait foi le procès-verbal de la conférence préparatoire du 21 novembre 2017, le comité de déontologie a ordonné la communication du formulaire 1004 remis au cap. B. N., mais a refusé d’ordonner la communication d’autres notes. Le comité de déontologie a refusé d’accepter ou d’étudier davantage le contenu des trois rapports déposés au sujet de la force employée par le membre visé. Il a souligné que le membre visé avait plaidé coupable à une accusation de voie de fait sur M. [W.] et qu’une vidéo montrait les interactions entre M. [W.], le gend. B. G. et le membre visé à l’arrière du véhicule de police. Le comité de déontologie a pu évaluer personnellement la video afin de déterminer si les faits présentés dans l’énoncé détaillé de l’allégation 1 étaient établis et d’obtenir l’information qui serait nécessaire si l’audience passait au stade de la détermination des mesures disciplinaires à imposer. Certaines opinions exprimées dans les rapports ne se fondaient sur aucune expertise spécialisée et ne faisaient que décrire les possibilités apparentes d’après la vidéo. Le comité de déontologie n’était pas convaincu du caractère essentiel des opinions présentées dans les trois rapports. Par conséquent, plusieurs éléments liés aux experts en matière de recours à la force proposés par le RAD n’étaient plus pertinents ou importants, et la demande visant à faire ordonner leur communication a été refusée.

[46]  Le rapport d’expertise du Dr L. B. a été accepté et versé au dossier. Même si les documents médicaux (y compris les photographies) faisaient état de l’ampleur de la blessure que M. [W.] avait subie au cuir chevelu, le comité de déontologie était prêt à étudier le rapport, puisque son auteur était un médecin possédant une expertise suffisante pour présenter les opinions assez limitées qui y étaient formulées. Le RAD n’avait aucune objection à ce rapport et n’a pas demandé à contre- interroger le Dr L. B.

[47]  Le comité de déontologie a affirmé que la RM 1 pourrait interroger brièvement la psychologue autorisée M. P. lors d’une audience préliminaire afin d’établir ses compétences en tant que témoin expert, et que le RAD pourrait la contre-interroger sur les qualités qui lui permettaient de fournir le témoignage d’opinion contenu dans son rapport. Lorsque Mme M. P. serait reconnue à titre de témoin expert, la RM 1 pourrait l’interroger brièvement sur les aspects les plus importants de son rapport, puis le RAD pourrait la contre-interroger à ce sujet. Il a été confirmé que le témoignage de Mme M. P. intéressait uniquement la partie de l’audience qui serait consacrée à la détermination des mesures disciplinaires, le cas échéant.

[48]  Sous réserve de la présentation d’un résumé des faits, le comité de déontologie était disposé à autoriser le témoignage du membre visé, du gend. B. N. [5] et du cap. B. N. pendant la partie de l’audience qui serait consacrée aux allégations. Le comité de déontologie était toujours d’avis que le témoignage de M. [W.] n’était pas nécessaire, puisque les commentaires qu’il avait faits à un enquêteur démontraient à quel point son état d’ivresse à l’époque des faits limitait son souvenir des événements à l’étude. Le comité de déontologie a par ailleurs indiqué qu’il n’y avait aucune raison d’attendre qu’il détermine officiellement si l’allégation 1 était établie avant que le RAD demande une déclaration de la victime de la part de M. [W.].

[49]  Le comité de déontologie a confirmé que la cause de la lacération au cuir chevelu de M. [W.] était toujours contestée. Il a expliqué de façon informelle aux parties que même si la responsabilité de cette lacération était finalement imputée au membre visé, elle ne constituerait pas, en soi, un facteur particulièrement aggravant pour lui, malgré la mention qui en était faite dans l’énoncé détaillé de l’allégation. Les parties devaient déposer des photos numériques récentes de l’intérieur du Tahoe montrant les surfaces de la porte que le gend. B. G. avait fermée immédiatement après avoir frappé M. [W.].

[50]  Le comité de déontologie a donné une directive au RAD relativement à la requête de la RM 1 concernant la clarification de l’énoncé détaillé. La RM 1 a jugé que cette directive répondait adéquatement aux demandes de clarification formulées dans sa requête. La directive était la suivante [Traduction] :

En ce qui concerne les 1) notes de police manuscrites du membre visé, 2) le résumé qu’il a rédigé dans le SIRP et 3) la conversation téléphonique qu’il a eue avec le cap. [B. N.], j’ordonne au RAD d’indiquer avec précision les actes ou les omissions par lesquels il allègue que le membre visé a négligé de faire un compte rendu exact et détaillé. Le RAD accepte de se conformer à cette DIRECTIVE d’ici le mercredi 29 novembre 2017.

[51]  Fait important, à la suite des discussions qui ont eu lieu lors de la conférence préparatoire du 21 novembre 2017, il était entendu que tout aveu supplémentaire de la part du membre visé pouvait avoir une incidence sur la nécessité de faire comparaître les témoins approuvés.

[52]  Il a finalement été noté, lors de la conférence préparatoire, que la RM acceptait de déposer l’enregistrement audio de la procédure pénale à l’issue de laquelle le membre visé avait reçu une absolution conditionnelle relativement à sa condamnation pour voie de fait en vertu de l’article 266 du Code criminel, LRC 1985, ch. C-46, ainsi que l’ordonnance de probation connexe datée du 22 août 2017 (documentation versée antérieurement au dossier de la présente affaire).

[53]  L’audience devait commencer dans la semaine du 19 février 2018 et se tenir à Peace River. Une deuxième conférence préparatoire était fixée pour le 5 décembre 2017.

[54]  Le 27 novembre 2017, le RAD a déposé le formulaire 1004 remis au cap. B. N. et a répondu à la directive du comité de déontologie concernant la clarification de l’énoncé détaillé. Il a fourni des commentaires détaillés sur les notes de police manuscrites du membre visé, le résumé qu’il avait rédigé dans le SIRP et la conversation téléphonique qu’il avait eue avec le cap. B. N., mais sous réserve de la mise en garde suivante [Traduction] :

Je soutiens que ma réponse dépend encore en grande partie des conclusions que formulera le comité de déontologie et qu’elle est donc en quelque sorte prématurée. Pour répondre à la directive, je dois tirer plusieurs conclusions à partir de la preuve, conclusions que le comité de déontologie peut appuyer ou non dans son analyse de la preuve qui sera présentée dans la semaine du 19 février 2017 [sic], notamment lors des témoignages et des contre- interrogatoires [du membre visé], du gend. [B. G.] et du cap. [B. N.].

[55]  Le 4 décembre 2017, la RM 1 a mentionné, dans un courriel à l’intention du RAD envoyé en copie conforme au comité de déontologie, qu’elle fournirait au RAD une copie de l’enregistrement audio de la procédure pénale engagée contre le membre visé, en ajoutant ceci [Traduction] : « Il n’incombe toutefois pas au membre de déposer la preuve de l’autorité disciplinaire devant le comité. » La RM 1 a également transmis quatre photographies de la surface intérieure de la porte du Tahoe prises le 7 novembre 2017.

[56]  Le matin du 5 décembre 2017, le comité de déontologie a répondu au courriel de la RM 1 au RAD concernant l’enregistrement audio de la procédure pénale, affirmant notamment ce qui suit [Traduction] :

Il est indiqué au paragraphe 13(1) des CC (déontologie) que : « Le comité de déontologie mène l’instance avec célérité et sans formalisme en tenant compte des principes d’équité procédurale. »

Aucun effort n’a été fait pour corriger le point 12 du procès-verbal, où il était mentionné que [la RM 1] acceptait de transmettre l’enregistrement audio à la fois au RAD et [au comité de déontologie].

J’ordonne à [la RM 1] de remplir immédiatement son engagement en déposant elle-même l’enregistrement audio auprès de moi ou de la greffière. Je transmets copie de mon ordonnance à la greffière pour qu’elle soit au courant.

Le fait d’obliger le RAD à déposer l’enregistrement constitue une formalité inutile qui ralentit l’avancement du dossier.

[Caractères gras dans l’original]

Deuxième conférence préparatoire (5 décembre 2017)

[57]  Une conférence préparatoire a eu lieu le 5 décembre 2017. Le comité de déontologie en a distribué le procès-verbal suivant [Traduction] :

1. J’approuve la comparution à titre de témoins du cap. [B. N.], du gend. [B. G.], de la psychologue [M. P.] et du membre visé. (Toute restriction applicable à leur témoignage pourra être établie après réception de la documentation mentionnée plus loin.) À la lumière des pièces versées au dossier jusqu’à maintenant, y compris les observations présentées par les représentants, je maintiens que le témoignage de M. [W.] n’est pas nécessaire.

[…]

4. Tout résumé des faits préparé par les parties doit être soumis au [comité de déontologie] au plus tard le 5 janvier 2018. (En plus des faits dont les parties conviennent, il serait utile que soient énoncés les points qui restent en litige.)

5. La RM peut présenter, d’ici le 5 janvier 2018, un document de cinq pages au plus qui exposera ses observations sur la réponse transmise par le RAD le 27 novembre 2017 concernant 1) les notes de police manuscrites du membre visé, 2) le résumé qu’il a rédigé dans le SIRP et 3) sa conversation téléphonique avec le cap. [B. N.], ainsi que les omissions ou les actes précis par lesquels le RAD allègue que le membre visé a négligé de faire un compte rendu exact et détaillé.

[…]

7. Le RAD fait savoir qu’il entend obtenir une déclaration de la victime auprès de M. [W.].

[58]  Le 27 décembre 2017, la RM 1 a envoyé un courriel au comité de déontologie et au RAD pour [Traduction] « dissiper tout malentendu au sujet de l’enregistrement audio ». Sachant que le RAD n’avait pas encore obtenu cet enregistrement, elle avait informé ce dernier et le comité de déontologie qu’elle en avait déjà une copie et qu’elle pouvait leur en faire une. Elle avait fait cette offre par courtoisie, pour faire gagner du temps au RAD et faire économiser de l’argent à la GRC. La RM 1 a affirmé qu’elle et le membre visé n’avaient [Traduction] « jamais eu l’intention d’utiliser l’enregistrement audio de la procédure pénale comme élément de preuve que le membre présenterait ou invoquerait à l’audience en vertu de l’alinéa 15(3)c) des CC (déontologie) ». La RM 1 demandait au comité de déontologie de confirmer que l’enregistrement audio serait considéré comme l’une des pièces déposées par l’autorité disciplinaire et non comme l’une de celles déposées par le membre. Elle terminait son courriel ainsi [Traduction] :

Avec tout le respect que je vous dois, je crois que le membre a le droit de faire déposer l’enregistrement audio par le RAD et que cette façon de procéder n’est pas inutilement lente et formaliste. Il n’appartient pas au membre de présenter la preuve de l’autorité disciplinaire devant le comité et il faut seulement quelques secondes ou minutes pour copier le fichier électronique dans le répertoire du comité. J’étais bien prête à rendre service en faisant des copies pour tout le monde, mais je ne suis pas d’accord pour que le membre soit considéré comme la partie qui dépose l’enregistrement en preuve, et c’est pourquoi j’ai procédé comme je l’ai fait le 4 décembre 2017.

J’ai rédigé mon courriel très rapidement ce jour-là, car j’étais occupée. En rétrospective, il aurait peut-être été bon de faire des observations officielles au sujet du procès-verbal de la conférence préparatoire, car j’avais alors compris que j’allais transmettre une copie de l’enregistrement à mon ami et à la greffière par courtoisie, pour économiser temps et argent, et non pas que l’enregistrement allait être déposé en preuve par le membre.

[59]  Le comité de déontologie ne s’est pas étendu plus longuement sur cette question. D’autres échanges de courriels ont ensuite eu lieu relativement à la date et au lieu de l’audience, à la préparation et à la signification des assignations à comparaître, à la prorogation jusqu’au 10 janvier 2018 du délai accordé aux parties pour rédiger un résumé des faits, à la possibilité d’utiliser le Service de l’air de la GRC pour les déplacements et à l’acceptation par la RM 1 de la signification de l’avis indiquant le lieu, la date et l’heure de l’audience.

[60]  Le 5 janvier 2018, la RM 1 a déposé la réfutation relative à sa requête visant à faire clarifier l’énoncé détaillé. Sans y avoir été invité, le RAD a transmis une réponse à cette réfutation le 8 janvier 2018.

[61]  Les parties n’ayant pas été en mesure de déposer un résumé conjoint des faits avant l’échéance du 10 janvier 2018, la RM 1 a présenté un [Traduction] « résumé partiel des faits » qui n’était pas signé, mais dont la forme et le contenu étaient de toute évidence approuvés seulement par elle. Dans un courriel de suivi, le RAD a insisté sur le fait que le document présenté par la RM 1 contenait plusieurs paragraphes avec lesquels il n’était pas d’accord. La RM 1 a confirmé qu’il ne s’agissait pas d’un résumé conjoint des faits, mais qu’elle communiquerait avec le RAD afin de poursuivre les efforts pour rédiger un tel résumé. 

Troisième conférence préparatoire (19 janvier 2018)

[62]  Une autre conférence préparatoire a eu lieu le 19 janvier 2018. Il a été ordonné au RAD de présenter une copie du résumé partiel des faits déposé par la RM 1 le 10 janvier 2018 sur laquelle il aurait [Traduction] « rayé » les paragraphes avec lesquels il était en désaccord. Ce document révisé à la main devait être déposé au plus tard le lundi 22 janvier 2018 (ce qui a été fait à cette date). Il a été ordonné à la RM 1 de déposer au plus tard le 2 février 2018 tous les documents que le membre visé comptait invoquer lors de la partie de l’audience portant sur les mesures disciplinaires, le cas échéant.

[63]  Le 22 janvier 2018, la RM 1 a répondu ceci à l’ordre donné à son intention et mis par écrit après la conférence préparatoire du 19 janvier 2018 [Traduction] :

Si j’ai bien compris, le [membre visé] doit déposer tous les documents qu’il compte invoquer lors de la partie de l’audience portant sur les mesures disciplinaires auprès du comité de déontologie avec copie au RAD d’ici le vendredi 2 février 2018.

J’ajouterais pour mémoire que j’ai mentionné, pendant la conférence préparatoire, qu’à mon avis la preuve relative à la peine ne doit pas être communiquée au comité avant qu’il ait rendu sa décision quant à savoir si les allégations sont établies, puisque la partie de l’audience qui porte sur les allégations est distincte de celle qui porte sur les mesures disciplinaires. Cela dit, je respecte évidemment la décision du comité et j’agirai en conséquence.

Le membre témoignera lors de la partie de l’audience portant sur les allégations et lors de celle portant sur les mesures disciplinaires. Mme [M. P.] sera également appelée à la barre des témoins lors de la partie de l’audience portant sur la peine.

D’après ce que j’ai compris, le RAD examinera la preuve invoquée par le membre relativement à la peine et lui fera savoir, ainsi qu’au comité, s’il consent à la communication des documents. Le membre se réserve le droit de faire comparaître d’autres témoins lors de la partie de l’audience consacrée à la peine et aura besoin de la permission du comité en ce sens.

[…]

[64]  Le 1er février 2018, la RM 1 a envoyé un courriel disant [Traduction] : « Veuillez prendre note que j’ai été mutée et que, par conséquent, je ne représente plus le [membre visé]. La Direction des représentants des membres confiera son dossier [au RM 2]. »

[65]  Le comité de déontologie a annulé l’audience qui devait commencer le 20 février 2018 et a plutôt fixé une quatrième conférence préparatoire avec le RM 2 pour le 21 février 2018, par téléconférence. Il a également été envisagé de tenir l’audience à Ottawa plutôt qu’à Peace River et de faire comparaître les témoins nécessaires soit par vidéoconférence (gend. B. G., cap. B. N.), soit par téléphone (Mme M. P.).

Quatrième conférence préparatoire (21 février 2018)

[66]  À la conférence préparatoire du 21 février 2018, le RAD a fourni des renseignements sur l’attitude de M. [W.] à l’égard de la procédure disciplinaire, lesquels ont été consignés comme suit dans le procès-verbal [Traduction] :

[…] Le RAD a fait savoir qu’un membre de la GRC a communiqué avec M. [W.], que ce dernier ne souhaite plus participer à cette procédure disciplinaire et qu’il a exprimé des sentiments plutôt hostiles à l’endroit de la police. Je considère que le RAD s’est acquitté de l’obligation d’obtenir une déclaration de la victime de la part de M. [W.] relativement à l’inconduite du membre visé. Il ne sera pas nécessaire de demander autre chose à M. [W.].

[67]  L’audience a été fixée aux 24, 25 et 26 avril 2018, sous réserve de confirmation, par les représentants, des disponibilités des témoins et des questions logistiques pertinentes. Une autre conférence préparatoire a été fixée au 9 mars 2018, mais une erreur du comité de déontologie a nécessité son report au 16 mars 2018.

Cinquième conférence préparatoire (16 mars 2018)

[68]  Bien qu’un membre puisse certainement être lié par les positions et les décisions que son représentant initial a mises de l’avant, le procès-verbal de la conférence préparatoire du 16 mars 2018 fait état de plusieurs questions qui ont été réexaminées après que le RM 2 fut devenu le représentant du membre visé [Traduction] :

1. Étant donné la désignation d’un nouveau RM, [le comité de déontologie] ordonne [au RM 2] de présenter des observations s’il y a lieu sur la nécessité d’entendre les témoignages de [B. G.] et de [B. N.] […].

2. Il est de plus ordonné [au RM 2] de déposer d’ici là toute déclaration du [membre visé] concernant les faits à l’égard desquels aucune preuve ou information n’a été présentée [au comité de déontologie]. Ces faits doivent se rapporter à des questions mentionnées dans le résumé des faits déposé par [la RM 1].

3. [Le RM 2] informera d’ici là [le comité de déontologie] et [le RAD] des domaines précis dans lesquels il propose que le [comité de déontologie] reconnaisse la témoin [M. P.] comme qualifiée pour donner une opinion d’expert par la présentation de son rapport et de son témoignage.

4. [Le RAD] présentera toute autre observation sur la nécessité d’entendre les témoins [B. G.] et [B. N.], ainsi que sur la nécessité de contre-interroger [M. P.] […].

[…]

6. Il est noté que le [RAD] souhaite faire venir [M. P.] de Peace River à [Edmonton] afin de témoigner par vidéoconférence dans une installation de la GRC et qu’il est prêt à prendre les dispositions nécessaires à cette fin. [Le comité de déontologie] confirme avoir décidé que toute interrogation de la témoin [M. P.] se fera par téléconférence et que la participation de [M. P.] se fera depuis Peace River.

[69]  Le 22 mars 2018, le RM 2 a fourni des observations sur la nécessité de faire témoigner le gend. B. G. et le cap. B. N., précisant qu’il s’agissait d’une réponse préliminaire puisqu’il n’avait pas encore terminé son examen du dossier. Il a fait savoir que le gend. B. G. n’aurait pas nécessairement besoin de témoigner si sa déclaration et son identification de l’intérieur du Tahoe pouvaient être admises en preuve. Quant au cap. B. N., le RM 2 estimait qu’il pouvait devoir témoigner pour confirmer les souvenirs qu’il avait racontés dans sa déclaration, mais que ce ne serait peut-être pas nécessaire si le RAD n’avait aucune objection à accepter son compte rendu de la conversation qu’il avait eue avec le membre visé. Le RM 2 a aussi déposé une déclaration signée par le membre visé qui contenait une bonne partie de l’information fournie dans le résumé partiel des faits déposé par la RM 1 et a présenté de brèves observations sur les domaines précis dans lesquels il y aurait lieu de reconnaître la qualité d’expert de Mme M. P.

[70]  Le 22 mars 2018, le RAD a répondu en demandant la tenue d’une autre conférence préparatoire pour discuter de certains renseignements contenus dans la déclaration du membre visé (qui n’avaient pas été corroborés ou fournis par une autre source dans le cadre de l’enquête et qui contredisaient certains renseignements figurant dans d’autres déclarations faites aux enquêteurs). Le RAD a également exprimé le désir de présenter des observations sur l’expertise de Mme M. P.

Sixième conférence préparatoire (29 mars 2018)

[71]  Une sixième conférence préparatoire a eu lieu le 29 mars 2018. Sur les instructions de son client, le RM 2 a alors fait savoir que si le comité acceptait les réponses écrites et la déclaration signée du membre visé en remplacement de son témoignage, le membre visé [Traduction] « renon[çait] à son droit de témoigner ». Le RM 2 a demandé la permission de déposer une nouvelle version de la déclaration du membre visé, dans laquelle certaines fautes de grammaire avaient été corrigées (le comité de déontologie a accordé cette permission).

[72]  Le comité de déontologie a donné les précisions suivantes sur le traitement des documents afférents au dossier et sur la nécessité de faire comparaître les témoins [Traduction] :

[…] Je respecte l’intention générale voulant que le processus disciplinaire se déroule sans formalisme et avec célérité, mais je sens le besoin d’expliquer comment j’entends traiter la version corrigée de la déclaration signée du [membre visé] et les observations initiales qu’il a déposées conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie). Les modifications apportées à la déclaration se résument dans une certaine mesure à des nuances grammaticales. À mon avis, rien de ce que je m’apprête à dire n’est particulièrement litigieux.

J’accepte les aveux écrits d’inconduite qui sont faits dans les observations, ainsi que la reconnaissance qui y est exprimée quant à l’exactitude de certains paragraphes des énoncés détaillés.

J’étudierai l’information contenue dans la déclaration signée du [membre visé] de même que celle qui est fournie dans d’autres déclarations non solennelles faisant partie du dossier d’enquête et dans les brèves déclarations que j’ai reçues par courriel comme suite au travail effectué par les représentants depuis la fin de l’enquête.

[…] Dans le courriel ci-dessous, vous soutenez qu’il n’est pas nécessaire d’entendre le témoignage du [membre visé] puisque l’information qui m’a été soumise sous forme de documents, d’enregistrements vidéo et audio et de photos numériques est toute l’information requise pour permettre au [membre visé] de répondre aux allégations, compte tenu de ses aveux d’inconduite. Étant donné que [le membre visé] ne témoignera pas, [le RAD] avance qu’il n’est pas nécessaire d’entendre le témoignage du [gend. B. G.] ni celui du [cap. B. N.].

À mon sens, les positions ainsi exprimées signifient que je ne suis plus appelé à approuver la comparution du [membre visé], du [gend. B. G.] et du [cap. B. N.] à titre de témoins. En conséquence, pour les besoins de la partie de l’audience qui portera sur les allégations et par souci de conformité au paragraphe 18(4) des CC (déontologie), je confirme que la comparution de ces personnes à titre de témoins n’est pas approuvée.

[…]

[73]  Le procès-verbal de la conférence préparatoire du 29 mars 2018 expose comme suit les objections soulevées par le RAD à l’égard de certaines opinions exprimées dans le rapport de Mme M. P. [Traduction] :

[…] Pour ce qui est du rapport d’expertise de Mme [M. P.], le RAD souligne que rien dans le CV et le rapport de cette dernière ne permet de conclure qu’elle possède une expertise suffisante en matière de recours à la force. Il est donc d’avis qu’elle a outrepassé son domaine d’expertise en affirmant que le stress éprouvé par [le membre visé] présentait un lien avec son emploi d’une force excessive. Le RAD craint que le [Traduction] « lien direct » mentionné par Mme [M. P.] soit pris en compte lors de la partie de l’audience portant sur les allégations. [Le comité de déontologie] affirme que, comme le [membre visé] a plaidé coupable à une accusation de voie de fait devant un tribunal pénal et a reconnu les faits reprochés dans l’allégation 1, les opinions de Mme [M. P.] sont sans pertinence pour la partie de l’audience consacrée aux allégations et entreront seulement en ligne de compte lors de la partie de l’audience qui portera sur les mesures disciplinaires. Le RAD souligne que le rapport d’expertise n’indique pas que [Traduction] « l’accumulation de stress » constitue une affection reconnue selon le DSM-V. Il affirme que le rapport n’aurait pas dû être déposé avant que la décision relative aux allégations soit rendue. Le RAD n’a présenté aucune contre-expertise, mais demande à contre- interroger Mme [M. P.]. [Le comité de déontologie] fait remarquer que l’opinion semble uniquement soulever un facteur atténuant. Le RM donne des explications sur le rapport, le CV et les domaines d’expertise dont il propose la reconnaissance. Le RAD demande que Mme [M. P.] comparaisse en personne pour témoigner sur ses compétences reconnues et pour être contre-interrogée, puisqu’il assumera les frais liés à sa comparution. [Le comité de déontologie] fait valoir le peu d’utilité qu’il y aurait à observer le comportement de Mme [M. P.] à la barre, étant donné que son opinion d’expert est présentée dans son rapport et que son témoignage en personne n’est pas nécessaire. Le RAD ne veut pas discuter des questions qu’il poserait lors de son contre- interrogatoire. Il ne s’oppose pas aux domaines d’expertise proposés par le RM. [Le comité de déontologie] doit soupeser son obligation d’approuver la comparution de Mme [M. P.] au regard de la réticence du RAD à révéler les questions qui lui seront posées. Le RAD cite la décision rendue par [le commissaire] dans l’affaire Cormier, selon laquelle le RAD doit contre- interroger l’auteur d’un rapport d’expertise ou vivre avec ce qui est écrit dans son rapport. Le RAD estime problématique le paragraphe 6 de la page 4 du rapport d’expertise.

[…] [Le comité de déontologie] est disposé à approuver le contre-interrogatoire par téléphone de Mme [M. P.] sur la question du [Traduction] « lien direct » soulevée par le RAD, mais la question préliminaire qu’il faut trancher semble être que, selon le RAD, les propos de Mme [M. P.] relativement au [Traduction] « lien direct » outrepassent les domaines d’expertise dont le RM propose la reconnaissance. Le RAD fait valoir que la prétendue expertise de Mme [M. P.] en matière de recours à la force ne repose sur aucune expérience professionnelle acquise par exemple en traitant des patients dans un contexte militaire. Le RM soutient pour sa part que les opinions de Mme [M. P.] respectent les limites des domaines d’expertise proposés puisqu’elles concernent les facteurs qui ont contribué au comportement du [membre visé] et non la question de savoir si la force qu’il a employée était justifiée. Le RAD se demande si je devrais accepter ces opinions, puisque selon lui, elles outrepassent le domaine d’expertise de Mme [M. P.]. À l’audience, il incombera au RM d’établir les compétences de cette dernière lors de l’étape de la reconnaissance de sa qualité d’expert.

[74]  Dans un courriel envoyé le 6 avril 2018, le RM 2 a accepté la signification de l’avis indiquant la date, le lieu et l’heure de l’audience, qui devait se tenir à Ottawa du 24 au 26 avril 2018. Il a été déterminé que Mme M. P. serait contre-interrogée par téléphone le 25 avril 2018. Le 9 avril 2018, le RM 2 a déposé la déclaration signée du membre visé (dans laquelle les erreurs étaient corrigées).

[75]  Le 22 avril 2018, le RAD a présenté les politiques de la GRC qui étaient en vigueur en avril 2016 ainsi que des précédents concernant le critère utilisé en droit pénal pour les voies de fait causant des lésions corporelles, la définition de l’expression « lésions corporelles » et les témoignages d’expert. Les politiques, tirées du Manuel des opérations de la GRC, portaient sur l’évaluation des réactions et l’assistance médicale ainsi que sur les personnes atteintes de troubles mentaux. Le 23 avril 2018, le RM 2 a déposé copie de l’arrêt F. H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41, [McDougall] concernant la norme de preuve de la prépondérance des probabilités.

[76]  Le mardi 24 avril 2018, le RAD, le RM 2 et le membre visé ont assisté à une audience tenue dans l’immeuble de la Direction générale de la GRC à Ottawa. Par conformité avec le paragraphe 20(1) des CC (déontologie), chaque allégation a été lue au membre visé (sans son énoncé détaillé), et le membre visé a confirmé son aveu à l’égard de chacune. Les représentants ont ensuite présenté leurs arguments de vive voix quant au fondement des deux allégations formulées dans l’avis d’audience disciplinaire.

[77]  Le matin du 25 avril 2018, le comité de déontologie a rendu de vive voix sa décision concernant les allégations, avec la mise en garde qu’il se réservait le droit de fournir ses motifs et conclusions, de les étayer, de les clarifier et de les expliquer plus en détail dans la décision écrite définitive que constitue la présente.

ALLÉGATIONS

[78]  Comme le prescrit le paragraphe 44(1) [6] de la Loi sur la GRC, le rôle d’un comité de déontologie est de décider si chacune des allégations de contravention à une disposition du code de déontologie est établie.

[79]  Je confirme que, en ma qualité de comité de déontologie, je suis responsable de déterminer si les allégations d’inconduite sont établies selon « la prépondérance des probabilités », conformément au paragraphe 45(1) de la Loi sur la GRC.

[80]  Comme l’ont reconnu les deux parties dans leurs observations, le document d’orientation principal sur la norme de preuve de la prépondérance des probabilités est l’arrêt McDougall de la Cour suprême du Canada. Je m’appuie en particulier sur les paragraphes 44 à 46, où la Cour affirme ce qui suit :

[44] […] À mon avis, la seule façon possible d’arriver à une conclusion de fait dans une instance civile consiste à déterminer si, selon toute vraisemblance, l’événement a eu lieu.

[45] Laisser entendre que lorsqu’une allégation formulée dans une affaire civile est grave, la preuve offerte doit être examinée plus attentivement suppose que l’examen peut être moins rigoureux dans le cas d’une allégation moins grave. Je crois qu’il est erroné de dire que notre régime juridique admet différents degrés d’examen de la preuve selon la gravité de l’affaire. Il n’existe qu’une seule règle de droit : le juge du procès doit examiner la preuve attentivement.

[46] De même, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Mais, je le répète, aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment.

[…]

[81]  J’ai examiné attentivement l’argument du RAD selon lequel, en évaluant toutes les causes possibles de la lacération au cuir chevelu, je me lancerais dans une [Traduction] « analyse subjective qui […] porte trop loin la norme de la prépondérance des probabilités ». Je refuse l’argument du RAD tel que je le comprends : la cause que je juge la plus probable doit forcément être considérée comme ayant été prouvée selon la prépondérance des probabilités. L’arrêt McDougall impose au RAD l’obligation de présenter une preuve suffisamment « claire et convaincante » pour montrer que le membre visé a selon toute vraisemblance causé [Traduction] « la lésion corporelle visible sur la tête de [M. W.] ».

[82]  Je confirme également l’application à la présente affaire du paragraphe 23(2) des CC (déontologie), qui prévoit ce qui suit :

(2) Le comité de déontologie peut s’appuyer sur la conclusion d’une cour canadienne selon laquelle un membre est coupable d’une infraction à une loi fédérale ou provinciale pour décider qu’il a contrevenu au code de déontologie.

[83]  Étant donné les aveux du membre visé et les faits dont je dois décider relativement à chaque allégation, je ne crois pas que l’interprétation de l’article 5.1 du code de déontologie (« Les membres emploient seulement la force raisonnablement nécessaire selon les circonstances ») nécessite un examen minutieux d’affaires antérieures. J’ai néanmoins tenu compte des affaires énumérées à la page 19 de la version anglaise annotée du code de déontologie de la GRC.

[84]  L’application de l’article 8.1 du code de déontologie aux faits de l’espèce semble aussi relativement évidente, puisqu’il stipule que les membres doivent rendre des comptes en temps opportun, de manière exacte et détaillée.

Faits établis

[85]  Le 15 avril 2016, le membre visé était un caporal au sein de la Section des enquêtes générales (SEG) de la GRC à Peace River, en Alberta.

[86]  Cependant, les 14 et 15 avril 2016, le membre visé a travaillé au Détachement de Manning de la GRC, en Alberta, afin de pallier un manque de personnel. Le Détachement de Manning est à une heure de route de Peace River. Le membre visé a été chargé de s’occuper seul du territoire de ce détachement. Aucun autre membre n’était de service ou en disponibilité, y compris le sous-officier. Le membre visé devait travailler de jour et être en disponibilité le reste du temps.

[87]  Le 14 avril 2016, il a fait un quart de jour normal qui a commencé à 9 h, après quoi il a été en disponibilité pour le Détachement de Manning durant la soirée et la nuit.

[88]  Peu après 1 h 30 le matin du 15 avril 2016, le membre visé a répondu à une demande concernant un homme qui tentait d’entrer sans permission dans la résidence d’une femme à Manning.

[89]  Le membre visé a trouvé M. [W.] en état d’ébriété dans la cour de la plaignante. M. [W.] avait frappé aux portes et aux fenêtres de la résidence, croyant à tort qu’il s’agissait de la maison où il logeait.

[90]  M. [W.], qui habitait normalement Grimshaw, en Alberta, résidait temporairement à Manning pendant qu’il travaillait pour une entreprise de construction. Le membre visé a expliqué à M. [W.] qu’il n’était pas à la bonne adresse.

[91]  M. [W.] a dit qu’il avait froid et a demandé à s’asseoir dans le véhicule du membre visé. M. [W.] a été fouillé et placé dans le véhicule.

[92]  M. [W.] a demandé au membre visé de le reconduire au bar où il avait pris quelques verres. Le membre visé a accepté. En suivant les indications de M. [W.], le membre visé a ensuite tenté de suivre le trajet menant du bar au lieu de résidence de M. [W.]. Le membre visé a remarqué un véhicule portant le nom de l’entreprise de construction stationné dans l’entrée d’une résidence.

[93]  Le membre visé a quitté le véhicule et a frappé à la porte de la résidence pour vérifier si c’était effectivement l’endroit où logeait M. [W.]. Tandis que le membre visé tentait de voir si quelqu’un était à la maison, M. [W.] s’est mis à crier et à donner des coups de pied à l’arrière du véhicule de police. Quand le membre visé est retourné lui parler, M. [W.] s’est dit frustré que le membre visé ne lui permette pas d’aller frapper lui-même à la porte. Le membre visé a de nouveau laissé M. [W.] dans le véhicule pour aller frapper à la porte. Personne ne lui a répondu. En retournant à son véhicule, le membre visé a entendu M. [W.] sacrer haut et fort.

[94]  Le membre visé a arrêté M. [W.] pour avoir fait du tapage. M. [W.] a été menotté les mains à l’avant et informé du fait qu’il serait hébergé au Détachement de Peace River de la GRC parce qu’il était trop ivre pour s’occuper de lui-même.

[95]  Le membre visé a décidé de transporter M. [W.] au Détachement de Peace River parce qu’il n’y avait personne pour surveiller les cellules au Détachement de Manning et a signalé son intention au répartiteur. Il a demandé qu’un agent du Détachement de Peace River le rencontre à mi-chemin pour prendre en charge M. [W.] et terminer son transport. Le gend. B. G. a accepté de rencontrer le membre visé pour faire l’échange.

[96]  Pendant que le membre visé transportait M. [W.] jusqu’au point de rencontre, les deux se sont lancé des sacres et des injures de façon intermittente. M. [W.] a semblé avoir des sautes d’humeur pendant ce déplacement.

[97]  La caméra de bord du membre visé n’était pas allumée pendant ses interactions avec M. [W.].

[98]  Vers 2 h 42, le gend. B. G. et le membre visé se sont rencontrés au bord de la route 35, à une vingtaine de kilomètres au sud de Dixonville et à environ 35 kilomètres de Manning et de Peace River. Le gend. B. G. s’est garé directement en arrière du véhicule du membre visé. À cet endroit, la route est étroite et sans accotement. Pour accroître leur visibilité, le gend. B. G. a donc activé ses gyrophares, ce qui a mis en marche sa caméra de bord.

[99]  Le gend. B. G. a rejoint le véhicule du membre visé et les deux ont eu une brève conversation. Le membre visé lui a dit que M. [W.] était ivre et hostile. Le membre visé a enlevé les menottes à M. [W.], et le gend. B. G. l’a menotté à son tour. Le gend. B. G. est retourné à son véhicule, un Chevy Tahoe, suivi du membre visé et de M. [W.].

[100]  En se déplaçant entre les deux véhicules de police, le gend. B. G. a entendu M. [W.] faire des remarques désobligeantes au membre visé.

[101]  Les trois s’approchaient à ce moment-là du véhicule du gend. B. G. Le membre visé reconnaît avoir agrippé M. [W.] plus fermement par le bras. M. [W.] s’est alors mis à tenter de dégager son bras en le tirant vers lui. Le membre visé a fait pivoter M. [W.] et l’a plaqué brièvement contre le côté du véhicule du gend. B. G., sur le capot. Le son de cette altercation s’entend sur la vidéo 2. Aucun aspect des interactions qui ont eu lieu entre M. [W.] et le membre visé jusqu’à ce moment ne constitue une inconduite de la part du membre visé. M. [W.] a ensuite continué à marcher vers la porte du véhicule que le gend. B. G. avait ouverte.

[102]  Une fois rendu au véhicule du gend. B. G., le membre visé a dit [Traduction] « Allez, monte » deux fois, et M. [W.] a obtempéré, s’assoyant de reculons sur la banquette, les pieds à l’extérieur du véhicule.

[103]  M. [W.] a reculé sur la banquette, et le membre visé a tenté de fermer la porte. M. [W.] a donné un coup des deux pieds qui a atteint soit l’intérieur de la porte, soit le ventre du membre visé. Le membre visé a alors dit à M. [W.] [Traduction] : « Arrête, arrête. »

[104]  M. [W.] a ensuite levé la tête et craché intentionnellement au visage du membre visé, l’atteignant à l’oeil droit.

[105]  Le gend. B. G. l’a vu cracher, a immédiatement ouvert la porte arrière de l’autre côté du véhicule, a saisi M. [W.] par le chandail et l’a tiré vers l’intérieur du véhicule pour l’éloigner de la porte où se trouvait le membre visé. Pour le distraire ou pour faire diversion, le gend. B. G. a assené un coup assez fort à M. [W.] de son poing droit, sur lequel il portait un gant noir. Le coup a attaint M. [W.] quelque part sur le dessus de la tête. Le gend. B. G. a ensuite rapidement fermé la porte, dont la partie inférieure semble aussi avoir heurté le dessus de la tête de M. [W.].

[106]  Quant au membre visé, il a immédiatement réagi en montant sur la banquette arrière par- dessus M. [W.] et en lui assenant des coups répétés à la tête. Le membre visé a donné quelque sept coups de poing à la tête de M. [W.] de ses mains nues, et quatre au tronc. Pendant l’altercation, on entend le membre visé dire ce qui suit [Traduction] : « Crisse de câlice. Tu penses quoi, là, tabarnac? Hostie de petit con de merde. Hostie de petite plotte sans cervelle. » M. [W.] répond : « Tough [inaudible] from you [7] . » Le gend. B. G. crie [Traduction] : « Hé [membre visé]! » M. [W.] nargue le membre visé en lançant [Traduction] : « Touche-moi, tabarnac, frappe-moi plus fort, câlice. » Le membre visé répond [Traduction] : « Va chier, lâche-moi, crisse que t’es épais. »

[107]  Le membre visé s’est ensuite retiré du véhicule.

[108]  À un certain moment pendant l’altercation sur la banquette arrière du véhicule du gend. B. G., M. [W.] a subi une lacération au cuir chevelu, sur le dessus de la tête, qui a nécessité quatre points de suture. La blessure a été documentée au moyen de photographies qui ont été versées au dossier.

[109]  Le membre visé n’a fait aucune démarche afin d’obtenir des soins médicaux pour M. [W.]. Le gend. B. G. a par la suite conduit ce dernier à l’hôpital de Peace River, où il a reçu les soins appropriés.

[110]  Après m’être penché sur toutes les observations soumises par les parties et avoir soigneusement examiné le dossier, y compris les deux enregistrements de caméra de bord, les photographies montrant la porte arrière du Tahoe, les déclarations transcrites et signées pertinentes, les notes des policiers concernés, les documents médicaux (c’est-à-dire les photographies prises à l’hôpital de la blessure subie par M. W. au cuir chevelu, les dossiers médicaux du membre visé et le rapport d’expertise du Dr L. D. [8] ), je conclus que la preuve est insuffisante pour déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la lacération s’est produite quand le gend. B. G. a frappé M. [W.] pour le distraire ou faire diversion, quand le gend. B. G. a fermé la porte sur la tête de M. [W.] ou quand le membre visé a agressé M. [W.], comme le montre la vidéo filmée par la caméra de bord.

[111]  La preuve n’est pas suffisamment claire pour permettre de déterminer si un des poings du membre visé a touché l’endroit sur la tête de M. [W.] qui est montré dans la photographie prise à l’hôpital, si un coup de poing a fait en sorte que les menottes en métal ont heurté cet endroit ou si les actions du membre visé ont fait en sorte que cet endroit est entré en contact avec la porte que venait de fermer le gend. B. G.

[112]  Je note que, d’après sa déclaration, M. [W.] semble croire que les menottes ont causé sa lacération au cuir chevelu, car il y affirme que [Traduction] « les menottes ont heurté ma tête du côté droit, en haut du front et de la naissance des cheveux, sous l’effet d’un coup de poing ». D’autres aspects de la déclaration de M. W. (notamment son incapacité à se souvenir du membre visé ou même d’avoir été sur la banquette arrière du Tahoe) en réduisent cependant la fiabilité comme moyen de déterminer la cause de la lacération.

[113]  Je ne peux pas conclure que la lacération découlait probablement des coups de poing assenés par le membre visé en me basant uniquement sur le fait que le saignement abondant est devenu visible seulement quand ces coups ont cessé, et non immédiatement après que le gend. B. G. eut donné son unique coup de point et fermé la porte. Il est entièrement possible que le sang provenant de la lacération ait mis quelques secondes à s’accumuler avant de couler sur le front de M. [W.].

[114]  Étant donné que, dans la vidéo, on ne voit aucun des coups de poing du membre visé entrer en contact avec l’endroit où la lacération s’est produite ni avec les menottes alors qu’elles se trouvaient au-dessus de cet endroit, le seul nombre de coups assenés par le membre visé à la tête de M. [W.] ne suffit pas, à mon avis, à prouver qu’un de ces coups a probablement causé la blessure.

[115]  Chez l’humain, les vaisseaux sanguins se trouvent près de la surface du cuir chevelu, comme l’explique le Dr L. B. dans son rapport. J’estime donc que le coup de poing donné par le gend. G. B. [9] peut tout aussi bien avoir causé la lacération, d’autant plus qu’il a fait un aveu en ce sens.

[116]  On ne sait pas avec quelle force la porte fermée par le gend. B. G. a heurté le dessus de la tête de M. [W.], mais dans la vidéo, on voit sa tête bouger brusquement au contact de la porte. Il est plausible, d’après moi, qu’en fermant la porte, le gend. B. G. peut avoir causé la lacération de façon purement accidentelle.

[117]  Bien que je ne puisse pas conclure que les actions du membre visé sur la banquette arrière du Tahoe (en particulier les coups donnés à la tête de M. [W.]) ont causé la lacération au cuir chevelu, il est évident que cette lacération constituait une lésion corporelle visible qui a saigné de façon apparente. C’est la seule blessure mentionnée dans l’avis d’audience disciplinaire, et la seule blessure que cet avis impute au membre visé.

[118]  Le membre visé a fait l’inscription suivante au dossier du SIRP relativement à la plainte de tapage qui a mené à son intervention [Traduction] :

[Mme K.] a composé le 911 pour signaler la présence non désirée d’un homme qui tentait d’entrer dans sa résidence. Il frappait aux portes et aux fenêtres et refusait de partir. [Le membre visé] s’est rendu sur les lieux, et pendant qu’il cherchait la résidence, le suspect s’est approché de lui en disant que son patron refusait de le laisser entrer dans la maison. L’homme en question, un dénommé [M. W.], était ivre et ne comprenait pas qu’il était à la mauvaise adresse. [M. W.] a finalement pu trouver la bonne adresse, deux maisons plus loin, mais personne ne répondait à la porte. Compte tenu de l’état d’ivresse de [M. W.], du fait qu’il n’avait nulle part où dormir et de son agressivité croissante, il a été décidé d’héberger [M. W.] jusqu’à ce qu’il se dégrise. Aucune accusation n’a été portée; le sujet n’avait sincèrement aucune idée qu’il était à la mauvaise résidence. Affaire conclue.

[119]  Le membre visé a fait une autre inscription relativement à un incident distinct de voie de fait sur un agent de la paix [Traduction] :

[M. W.] a été arrêté à Manning par [le membre visé] pour avoir fait du tapage. [M. W.] se faisait transporter à Peace River. Un autre policier devait le prendre en charge à un point de rencontre à mi-chemin. Pendant son transfert d’une voiture de police à l’autre, [M. W.] est devenu agressif, donnant des coups de pied au [membre visé] et crachant sur lui. [M. W.] avait consommé de l’alcool et de la drogue. Il semblait aussi avoir des problèmes de santé mentale. En raison de la conversation qui s’était déroulée entre [le membre visé] et [M. W.] pendant le déplacement, [le membre visé] a senti qu’il cherchait à provoquer et a décidé de ne porter aucune accusation. L’incident aurait pu être évité si [le membre visé] avait laissé le [gend. B. G.] se charger de [M. W.] au point de rencontre, puisque [M. W.] était très en colère contre [le membre visé].

[120]  Le membre visé a rédigé des notes de police manuscrites où il était notamment écrit ce qui suit [Traduction] :

J’ai commencé à le frapper, ce qui ne l’a pas empêché d’essayer de m’empoigner. Il a fait un commentaire sur sa capacité de s’en prendre à des gars plus imposants que lui. J’ai continué à le frapper pour l’obliger à me lâcher, puis j’ai remarqué une bonne quantité de sang qui lui coulait sur le front. J’imagine qu’il s’était coupé sur la porte. Je lui ai crié : « Lâche-moi, c’est quoi ton maudit problème? » J’ai réussi à libérer mes bras et j’ai sauté hors du véhicule avant qu’il puisse encore me donner un coup de pied ou me cracher dessus.

[121]  Par la suite, pendant que M. [W.] se faisait soigner à l’hôpital, le cap. B. N. a demandé au membre visé, au cours de leur brève conversation téléphonique, s’il voulait porter des accusations contre M. [W.]. Le membre visé a répondu que ce n’était pas nécessaire, car même si M. [W.] avait commis une voie de fait sur un agent de la paix, le membre visé l’avait frappé à son tour.

[122]  La déclaration faite par le cap. B. N. le 29 avril 2016 contient deux citations pertinentes [Traduction] :

  • [Le membre visé] me dit « ouais, alors le [gend. B. G.] m’a demandé, tu sais, si on allait porter des accusations contre le jeune », il me dit « oh, tu sais, je ne pense pas, tu sais, on va juste laisser ça de même, tu sais, il m’a frappé, je l’ai frappé, tu vois le genre de situation, on va juste laisser ça tranquille ».
  • En gros, ce que j’ai compris, c’est que le jeune lui avait craché au visage et que [le membre visé] avait simplement riposté en le frappant à son tour dans le feu de l’action.

Décision sur l’allégation 1

[123]  La preuve est suffisante en ce qui concerne les paragraphes 1, 2 et 3 de l’énoncé détaillé de l’allégation 1, que je juge établis.

[124]  Même si j’estime la preuve insuffisante pour me permettre de conclure que le membre visé a causé la blessure à la tête de M. [W.], je considère que la force employée par le membre visé à l’intérieur du Tahoe était à la fois excessive et injustifiée. J’insiste sur le caractère injustifié de sa réaction. À mon avis, le membre visé aurait pu fermer la porte du Tahoe après s’être fait cracher dessus, et son interaction avec M. [W.] se serait arrêtée là.

[125]  J’ai réfléchi à la question de savoir si le membre visé pouvait avoir senti un besoin légitime de retourner dans le véhicule pour aider le gend. B. G., mais ce n’est pas une hypothèse raisonnable. Le membre visé aurait simplement pu fermer la porte arrière de son côté du véhicule.

[126]  De toute évidence, c’est la force employée par le membre visé qui constitue l’infraction de voie de fait à laquelle il a plaidé coupable. Le paragraphe 3 de l’énoncé détaillé est donc établi.

[127]  En ce qui concerne le paragraphe 3, peu importe sa formulation, il est entendu que la force employée par le membre visé alors que lui et M. [W.] étaient à l’extérieur du Tahoe n’était aucunement inappropriée ou excessive. Nous nous intéressons uniquement à la conduite du membre visé à l’intérieur du Tahoe.

[128]  Mon analyse passe maintenant au paragraphe 4 de l’énoncé détaillé. Il est établi selon la prépondérance des probabilités que M. [W.] a craché sur le membre visé après avoir été placé sur la banquette arrière du Tahoe. La vidéo filmée par la caméra de bord montre clairement, et le member visé avoue lui-même, qu’il a réagi par une agression physique au cours de laquelle il a donné des coups répétés à la tête de M. [W.].

[129]  Il n’est pas établi selon la prépondérance des probabilités que le membre visé a causé à la tête de M. [W.] une lésion corporelle visible qui a saigné de façon apparente.

[130]  Il est établi que le membre visé n’a fait aucune démarche afin d’obtenir des soins médicaux pour M. [W.]. Mais je dois souligner que ce fait m’apparaît sans pertinence pour appuyer une allégation de force excessive en vertu de l’article 5.1 du code de déontologie. Dans ce cas particulier, je ne suis pas d’avis que le fait de ne pas avoir tenté d’obtenir des soins médicaux constitue une indication probante de recours à une force excessive.

[131]  Il est établi que le gend. B. G. a transporté M. [W.] à l’hôpital de Peace River, où ses blessures ont été soignées. Je souligne encore une fois que cet élément de l’énoncé détaillé est établi, mais que la lésion corporelle visible au cuir chevelu n’a pas été jugée attribuable aux nombreux coups assenés par le membre visé.

[132]  Le paragraphe 5 de l’énoncé détaillé mentionne l’accusation criminelle déposée contre le membre visé pour voie de fait ayant causé des lésions corporelles. Comme je l’ai mentionné précédemment, je peux, en application du paragraphe 23(2) des CC (déontologie), m’appuyer sur le verdict de culpabilité qui a été prononcé relativement à cette accusation et qui a valu au membre visé une absolution conditionnelle pour conclure que l’allégation 1 est établie, et c’est ce que je fais.

[133]  En conséquence, je conclus que le membre visé a contrevenu à l’article 5.1 du code de déontologie et que l’allégation 1 est établie.

Décision sur l’allégation 2

[134]  Au moment de présenter de vive voix ses observations concernant le bien-fondé des allégations, le RM 2 a affirmé que, lors ses communications avec le RAD, la nature des omissions englobées dans l’allégation 2 avait été clarifiée à sa satisfaction. Les questions posées par le comité de déontologie ont également permis d’obtenir des précisions sur les aspects lacunaires des comptes rendus faits par le membre visé. Le RAD a confirmé que l’inconduite reprochée au membre visé relativement à ses inscriptions au SIRP et à ses notes de police tenait au caractère incomplet de ces comptes rendus et non à la fausseté des faits qui y sont présentés. Le RM 2 a reconnu que le membre visé n’avait pas rendu compte de l’incident de manière exhaustive dans ses notes, lors de sa brève conversation avec le cap. B. N. et dans le rapport qu’il a versé au SIRP. Le comité de déontologie était d’avis qu’il n’était pas nécessaire d’étudier davantage la requête de la RM 1 visant à faire clarifier l’énoncé détaillé.

[135]  Pour ce qui est de l’allégation 2, les paragraphes 1 et 2 de l’énoncé détaillé sont clairement établis. Le paragraphe 3 mentionne de nouveau l’empoignade survenue entre le membre visé et M. [W.] pendant le transfert de ce dernier au Tahoe. Il est entendu que cette interaction à l’extérieur du Tahoe ne fait aucunement partie de l’inconduite alléguée.

[136]  Il est établi que M. [W.] a craché sur le membre visé après avoir été placé sur la banquette arrière du Tahoe et que le membre visé a riposté en frappant M. [W.] à la tête. Je n’en conclus toutefois pas que ces coups ont causé les blessures de M. [W.].

[137]  Comme la seule blessure mentionnée dans les allégations est la lésion corporelle visible à la tête, je considère que tout emploi du mot « blessure » au pluriel désigne uniquement la lacération au cuir chevelu de M. [W.]. Je reconnais que, dans sa déclaration enregistrée, M. [W.] mentionne avoir ressenti des douleurs au poignet et au cou et avoir subi une perte de salaire en raison de son incapacité à faire un travail manuel, mais ces problèmes peuvent bien avoir découlé du fait qu’il s’était fait plaquer contre le capot du Tahoe lorsqu’il avait résisté au membre visé pendant que ce dernier l’accompagnait jusqu’à la porte arrière du véhicule.

[138]  Il est par ailleurs établi que le membre visé n’a fait aucune démarche afin d’obtenir des soins médicaux pour M. [W.]. En l’espèce, je ne vois pas dans ce fait un élément pertinent ou probant qui contribue à prouver que le membre visé a fait un compte rendu incomplet ou inexact de l’incident à l’étude. La caméra de bord a filmé les actions posées par le membre visé à l’arrière du véhicule. Il est établi que le gend. B. G. a transporté M. [W.] à l’hôpital de Peace River, où ses blessures ont été soignées. (Je tiens à ajouter que, selon moi, à compter du moment où M. [W.] a pris place à bord du véhicule de police du gend. B. G., il est devenu le détenu du gend. B. G. et relevait donc de la responsabilité de ce dernier. De plus, j’estime que M. [W.] a manifestement reçu des soins médicaux appropriés pendant qu’il était sous la responsabilité du gend. B. G.)

[139]  En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’énoncé détaillé, j’ai l’aveu du membre visé. J’ai lu les notes de police et j’ai mentionné plus haut un extrait de ces notes qui établit à mon avis le paragraphe 4. Je conclus que le membre visé a intentionnellement minimisé ses actions dans ses notes de police. La question de savoir si ces notes laissent faussement entendre quelque chose relève peut-être de la sémantique, mais les omissions qu’elles présentent et les mots qui y sont employés donnent globalement l’impression au lecteur que la force dont a usé le membre visé à l’endroit de M. [W.] était justifiée puisque ce dernier s’agrippait à lui et refusait de le lâcher.

[140]  Comme je l’ai déjà mentionné, pour ce qui est du paragraphe 5 de l’énoncé détaillé et de l’inscription faite dans le dossier du SIRP concernant l’incident, je conclus que le résumé de l’incident était peu détaillé. L’inscription ne contient peut-être aucun renseignement inexact ou carrément trompeur, mais je le trouve néanmoins incomplet. Il ne s’agit donc pas d’un compte rendu exact des événements.

[141]  D’après ce que je comprends des arguments présentés par le RM 2, le membre visé reconnaît que la description qu’il a faite de l’incident lors de sa conversation téléphonique avec le cap. B. N. n’était pas un compte rendu exhaustif de ce qui s’était réellement produit. J’ai reproduit plus haut les parties de la déclaration du cap. B. N. où il explique ce qu’il avait compris de l’incident à la suite de sa brève conversation téléphonique avec le membre visé. C’est parce que le compte rendu était incomplet que je juge le paragraphe 5 établi. Je ne considère pas que des renseignements faux ont été communiqués lors de l’appel téléphonique entre le membre visé et le cap. B. N, mais seulement que le membre visé a fait un compte rendu incomplet des événements. Il n’a pas dit au cap. B. N. tout ce qui s’était produit. Je comprends que l’appel n’avait peut-être pas pour objet de faire un exposé exhaustif de la situation, mais il reste que le membre visé avait le devoir d’expliquer plus en détail ce qui s’était passé, au-delà de l’information transmise selon le souvenir du cap. B. N.

[142]  Malgré le caractère incomplet de son compte rendu, le membre visé a clairement affirmé avoir usé de force contre M. [W.] pour se venger, et non pas pour reprendre la maîtrise d’un détenu récalcitrant. Selon mon interprétation, en décidant de ne pas porter d’accusations contre M. [W.] pour avoir craché sur lui et pour lui avoir donné des coups de pied, et en choisissant de communiquer cette décision au cap. B. N. lors de leur brève conversation téléphonique, le membre vise reconnaissait officieusement que les coups qu’il avait assenés à M. [W.] ne constituaient pas une force raisonnable et nécessaire dans les circonstances.

[143]  En ce qui concerne le paragraphe 6 de l’énoncé détaillé, la décision rendue dans l’affaire Gill c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1106 (confirmée, 2007 CAF 305) [Gill] m’oblige à évaluer les détails fournis afin de déterminer si les omissions ou les actes reprochés constituent une contravention à l’article 8.1 du code de déontologie.

[144]  Le paragraphe 6 se lit comme suit [Traduction] : « Bien que vous n’ayez pas accusé [M. W.] de voie de fait sur la personne d’un policier, vous avez créé le dossier [...] pour cette infraction dans le SIRP et y avez indiqué que vous étiez la victime. » Rien dans ce paragraphe ne donne à penser que le compte rendu était incomplet ou inexact; il dit simplement qu’un dossier a été ouvert dans le SIRP et que ce dossier indiquait que le membre visé était la victime. À mon avis, les faits énoncés au paragraphe 6 de l’énoncé détaillé sont établis, mais ce paragraphe ne décrit pas une omission de faire un compte rendu exact et détaillé. Le membre visé a effectivement été la victime d’une voie de fait commise par M. [W.]. En cette époque où il existe des maladies graves très infectieuses, le fait de cracher au visage d’un agent de la paix constitue non seulement une voie de fait, mais aussi un acte bouleversant, irrespectueux et provocant.

[145]  En ce qui concerne le paragraphe 7 de l’énoncé détaillé ([Traduction] « Vous avez négligé de rendre compte avec exactitude de vos actions et du déroulement de votre enquête à votre superviseur »), je confirme qu’en réponse à la requête préliminaire de la RM 1 concernant l’énoncé détaillé, le RAD a officiellement précisé que ce paragraphe constituait un résumé des actes précis mentionnés ailleurs dans l’énoncé détaillé, et non une allégation concernant une omission ou un acte distinct.

[146]  À la lumière de ce qui précède, je conclus que le membre visé a contrevenu à l’article 8.1 du code de déontologie et que l’allégation 2 est établie.

MESURES DISCIPLINAIRES

[147]  Le matin du 25 avril 2016 [10] , les représentants sont revenus sur les compétences de la psychologue clinicienne autorisée M. P. et sur la pertinence de soumettre au comité de déontologie certaines des opinions exprimées dans son rapport. Plus tard dans la journée, le RAD s’est vu accorder 40 minutes pour contre-interroger Mme M.P., qui a témoigné par téléphone depuis Peace River. Le membre visé a par la suite témoigné très brièvement. Tous les témoignages et les documents que le comité de déontologie devait prendre en compte pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées ont donc été présentés avant la fin de la journée du 25 avril 2018.

[148]  Le matin du 26 avril 2018, les représentants ont présenté leurs arguments de vive voix. Après un bref ajournement, le comité de déontologie a repris l’audience afin de présenter [Traduction] « de façon très sommaire » sa décision sur les mesures disciplinaires, en se réservant le droit de fournir ses motifs et conclusions, de les étayer, de les clarifier et de les expliquer plus en détail dans la décision écrite que constitue la présente.

[149]  Le comité de déontologie a notamment dit ce qui suit au moment de rendre sa décision de vive voix [Traduction] :

Je suis d’avis que le congédiement du [membre visé] ne serait pas une mesure disciplinaire proportionnée à ses contraventions, compte tenu des facteurs aggravants, des facteurs atténuants, de la nature des contraventions et des circonstances les entourant. J’indiquerai dans ma décision écrite définitive quelles mesures disciplinaires j’estime approprié de substituer à son renvoi.

[Membre visé], vous pouvez vous attendre à ce que ces mesures comprennent non seulement une réprimande, mais aussi d’importantes confiscations de la solde. Il appartiendra à l’autorité disciplinaire de décider s’il convient de redonner son poste au [membre visé], puisque j’affirme aujourd’hui verbalement que je n’exigerai pas son congédiement ni sa démission dans ma décision écrite définitive.

Éventail des mesures disciplinaires appropriées

[150]  Le comité de déontologie a pu examiner les précédents cités par les parties, y compris les documents qui avaient été soumis à l’avance et auxquels les deux représentants avaient fait reference relativement aux circonstances du membre visé. Il a également eu la possibilité de déterminer non seulement lesquels des faits mentionnés dans les énoncés détaillés des allégations étaient établis, mais aussi la gravité de l’inconduite que constituaient ces faits.

[151]  Le RM 2 a cité plusieurs décisions disciplinaires concernant des cas de recours à une force excessive et de voies de fait impliquant des membres de la GRC et des détenus ou des personnes en état d’arrestation. Ces décisions ont été utiles pour déterminer l’éventail des peines imposées à l’égard d’inconduites comparables à celle qui est décrite dans l’allégation 1, ainsi que pour évaluer les sanctions possibles en fonction du principe de la parité des peines.

[152]  Je conviens toutefois avec le RAD que la valeur jurisprudentielle de plusieurs de ces décisions est manifestement limitée dans les cas où l’officier compétent appuyait le maintien en poste du membre visé (ce qui constitue un important facteur atténuant), où l’affaire ne concernait pas une voie de fait grave, où il y a eu acceptation d’une proposition conjointe de peine nécessitant une retenue de la part de l’arbitre, et où la loi limitait la période de confiscation de la solde à 10 jours dans le cadre de l’ancien régime disciplinaire prévoyant le règlement des dossiers par un comité d’arbitrage de la GRC.

[153]  Pour ce qui est de l’allégation 1, selon l’éventail des mesures disciplinaires établi dans le Guide des mesures disciplinaires de la GRC, les sanctions qui s’appliquent dans les situations d’agression sur un détenu semblent aller d’une confiscation de la solde pour un nombre relativement peu élevé de jours de travail, s’il s’agit d’une voie de fait mineure ou en droit strict, à la perte d’emploi s’il s’agit d’un cas grave où les facteurs atténuants ne suffisent pas à écarter cette peine.

[154]  Pour ce qui est de l’allégation 2, les peines appropriées semblent aller d’une confiscation de la solde pour un nombre relativement peu élevé de jours de travail dans les cas où le compte rendu de l’enquête est incomplet (voir la version corrigée de la décision 2018 DARD 8) à la perte d’emploi dans les cas où le compte rendu de l’enquête comporte d’importantes faussetés et où il n’y a aucun facteur à forte valeur atténuante (voir l’affaire opposant Le commandant de la Division J et le gendarme [JC], 2016-33572 [C-017], décision d’appel rendue au niveau II le 20 novembre 2017).

[155]  Bien que le principe de la parité des peines soit pertinent, il ne doit pas être appliqué de manière à porter atteinte au pouvoir discrétionnaire conféré au comité de déontologie pour déterminer les mesures disciplinaires qui conviennent [voir Elhatton c. Canada (Procureur général), 2014 CF 67, au paragraphe 70]. De plus, comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale au paragraphe 14 de l’affaire Gill, « les conclusions [...] ayant trait aux sanctions à imposer sont principalement de nature factuelle et discrétionnaire ».

Éléments à prendre en considération au moment de déterminer les mesures disciplinaires

[156]  Je m’appuie sur le paragraphe 24(2) des CC (déontologie), où il est écrit : « Le comité impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au code de déontologie. »

[157]  Je tiens également compte de la directive donnée à l’article 11.15 du chapitre XII.I du Manuel d’administration de la GRC : « L’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit être prise en considération lors du choix des mesures disciplinaires à imposer au membre visé relativement à la contravention au code de déontologie. » Pour décider des mesures disciplinaires qui conviennent en l’espèce, je me suis donc penché sur les facteurs aggravants ou atténuants en présence, même ceux qui n’étaient pas mentionnés explicitement dans les observations des représentants.

[158]  Le Manuel d’administration présente une liste assez complète des facteurs et circonstances qui peuvent avoir une valeur aggravante ou atténuante.

Circonstances aggravantes

[159]  L’annexe XII-1-20 du Manuel d’administration décrit comme suit les circonstances ou les facteurs aggravants :

Circonstances de la perpétration d’un crime ou d’un délit qui augmentent la culpabilité ou la gravité ou qui ajoutent aux conséquences préjudiciables, mais qui vont au-delà des éléments essentiels du crime ou du délit en soi. [Traduction] (Black’s Law Dictionary, 6e édition).

Circonstances aggravantes acceptées

[160]  Après m’être penché sur l’information, les documents et les témoignages qui m’ont été présentés en vue de la détermination des mesures disciplinaires appropriées et sur les observations des représentants, j’accepte les facteurs suivants à titre de circonstances aggravantes en ce qui concerne l’allégation 1 :

  • La gravité de l’inconduite, qui constitue une voie de fait au sens du droit pénal. Il est entendu que le membre visé a momentanément perdu sa maîtrise de soi, mais pendant cet épisode, il a donné de nombreux coups de poing à la tête et au corps de M. [W.], dont plusieurs étaient suffisamment violents pour que M. [W.] risque non seulement de subir des lésions corporelles, mais aussi d’être bouleversé émotionnellement et d’éprouver de la peur, puisqu’il était confiné au moment de l’agression. Bien que celle-ci ait seulement duré quelques secondes, le grand nombre de coups violents assenés au détenu constitue un facteur aggravant. Cette conclusion met en contexte la remarque que j’ai faite aux parties le 21 novembre 2017, comme quoi l’imputation de la responsabilité des blessures au membre visé « ne constituerait pas, en soi, un facteur particulièrement aggravant pour lui ». C’est la force avec laquelle le membre visé a frappé le détenu qui fait de cette agression une voie de fait grave et non une voie de fait en droit strict, même si certains des coups étaient obliques ou dirigés vers le tronc, et il en serait ainsi même si le détenu n’avait subi aucune lacération.
  • Malgré le comportement extrêmement provocant de M. [W.], l’inconduite du membre visé témoigne clairement de son manque de compassion et de respect envers un détenu ivre. M. [W.] est resté menotté les mains en avant, ce qui limitait dans une certaine mesure sa capacité de réagir aux coups de poing du membre visé. Je reconnais cependant que ni les menottes ni son état d’ivresse ne semblent avoir réduit la capacité de M. [W.] de donner des coups de pied violents au membre visé avant et après l’agression.
  • L’inconduite a été commise par un membre qui avait de l’expérience, qui détenait un grade supérieur et qui exerçait un important rôle de supervision dans le district. Comme il était un modèle de comportement, une retenue beaucoup plus grande était attendue de sa part. Or, il a maltraité un détenu devant un membre subalterne.
  • L’inconduite du membre visé a suscité une attention médiatique lorsqu’il a été accusé de voie de fait causant des lésions corporelles.
  • Quelle qu’en soit l’origine, la plaie subie par M. [W.] n’était pas seulement une blessure physique éphémère. Je prends toutefois note du fait que quand le [gend. B. G.] a tiré M. [W.] plus loin vers l’intérieur du véhicule, lui a donné un coup de poing et a fermé la porte arrière du côté opposé à celui où se trouvait le membre visé, il ne l’a pas fait par suite de l’inconduite du membre visé. On ne peut donc pas dire que la lacération au cuir chevelu possiblement causée par les actions du [gend. B. G.] découle de l’inconduite du membre visé.

[161]  Après mûre réflexion, j’accepte le facteur suivant à titre de circonstance aggravante en ce qui concerne l’allégation 2 :

  • La nature intentionnelle d’un aspect particulier de l’inconduite décrite dans l’allégation 2, soit la rédaction de notes de police manuscrites qui ne rendent pas compte de l’incident de façon exhaustive et qui laissent une fausse impression au lecteur quant à ce qui s’est vraiment produit lorsque le membre visé a usé de force physique contre M. [W.] sur la banquette arrière du Tahoe. S’il est vrai que le membre visé a dit à M. [W.] de le lâcher et que la vidéo montre les efforts de M. [W.] pour tenter d’immobiliser les bras du membre visé alors que les coups ont cessé, un lecteur objectif ne se ferait pas une idée juste de l’incident dans son ensemble à partir du compte rendu manuscrit qu’en a fait le membre visé.

Circonstances atténuantes

[162]  L’annexe XII-1-20 du Manuel d’administration définit comme suit la notion de circonstances atténuantes :

Faits ou situations qui n’ont aucune incidence sur la culpabilité d’un défendeur, mais dont la cour tient compte au moment d’imposer une sanction, particulièrement pour diminuer la sévérité d’une peine. [Traduction] (Black’s Law Dictionary, 8e édition). Les circonstances atténuantes ne constituent pas une justification ou une excuse pour l’infraction, mais en toute équité, elles peuvent être prises en considération pour réduire la sévérité de la sanction à imposer afin de gérer l’inconduite de manière appropriée.

Lettres d’appui

[163]  Les RM ont déposé plusieurs lettres d’appui afin que j’en tienne compte lors de la partie de l’audience consacrée à la peine. Le RAD n’a soulevé aucune objection.

[164]  Le sergent (serg.) J. O., sous-officier des opérations au Détachement de Peace River, affirme que le membre visé était [Traduction] « fatigué, frustré et surmené », que sa santé mentale [Traduction] « se détériorait sans doute », que sa réaction [Traduction] « ne lui ressemblait pas » et qu’il n’avait [Traduction] « auparavant jamais agi de la sorte envers qui que ce soit ». Le serg. J. O. supervise le membre visé depuis neuf ans, et selon ses observations, ce dernier a toujours exercé ses fonctions policières en faisant preuve [Traduction] « de compassion, d’humanité et d’un sens aigu du devoir ». Le serg. J. O. n’hésiterait pas à retravailler avec le membre visé et a confirmé son appui à ce dernier même après avoir vu l’enregistrement vidéo de l’agression qu’il a commise sur M. [W].

[165]  Le s.é.-m. B. M., chef du Détachement de Peace River, affirme connaître le membre visé depuis septembre 2014. (C’est au s.é.-m. B. M., appelé le « s.é.-m. [M] » ailleurs dans les présents motifs, que le membre visé a dit qu’il [Traduction] « était désolé et éprouvait des remords » le 29 avril 2016.) Il décrit le membre visé comme un homme peu bavard qui ne voudrait pas paraître faible ou étaler ses problèmes au vu de tous. Le s.é.-m. B. M. croit que le membre visé a fait un précieux travail dans les collectivités que sert la GRC, et il n’aurait aucune objection à retravailler avec lui. Il lui accorde son appui en ayant pleinement connaissance de l’issue de la procédure pénale engagée contre lui et de ses contraventions au code de déontologie.

[166]  Le s.é.-m. G. M., qui a pris sa retraite en 2012 après 38 ans de service, a rencontré le membre visé peu après l’arrivée de ce dernier à la Division K au terme de sa formation à la Division Dépôt. Il l’a supervisé de 1996 à 2001. Il estime que les contraventions ne ressemblent pas au membre visé, car il se souvient tout particulièrement de la volonté constante de ce dernier de voir le bon côté de personnes qui se montraient très hostiles envers la police. En ce qui concerne l’incident en cause, il veut croire que c’était [Traduction] « un manque de jugement très sérieux, mais momentané, qui n’a rien à voir avec la personne qu’est [le membre visé] ».

[167]  Le s.é.-m. à la retraite P. S., ancien chef du Détachement de Spirit River, à la Division K, a travaillé avec le membre visé de 2002 à 2004. Il n’a jamais vu le membre visé mal agir envers un détenu ni entendu parler de tels comportements de sa part, mais estimait au contraire que le membre visé avait fait preuve de maturité, de respect et de compassion, se montrant ferme mais équitable lorsqu’il procédait à une arrestation.

[168]  En avril 2017, le s.é.-m. C. G. était sur le point de partir à la retraite après 31 ans de service au sein de la GRC, dont huit ans de fonctions policières de première ligne dans le nord de l’Alberta. Au cours des 18 mois pendant lesquels il a assuré la supervision directe du membre visé à compter de 2004, le s.é.-m. C. G. a remarqué sa capacité de garder son sang-froid dans les situations les plus stressantes, et il est d’avis que le comportement reproché au membre visé ne lui ressemble pas du tout. Il décrit le membre visé comme un enquêteur très compétent qui menait efficacement des enquêtes complexes, souvent dans des circonstances où le temps pressait, et qui avait fait montre de professionnalisme et de compassion, notamment dans un dossier où il avait interrogé la famille d’une personne qui avait commis les meurtres très médiatisés de plusieurs membres de la GRC. Il n’a jamais vu le membre visé [Traduction] « perdre son sang-froid ». Au contraire, ce dernier lui a toujours semblé être une personne consciencieuse et sensible. Les contraventions sont incompatibles avec la connaissance qu’a le s.é.-m. C. G. du membre visé.

[169]  Le cap. D. B., de la SEG du Détachement de Peace River, est affecté dans cette communauté depuis plus de 12 ans. Il a d’abord travaillé comme subalterne du membre visé, puis sur un pied d’égalité avec lui de 2012 à 2014. Le cap. D. B. a fourni des observations détaillées sur l’humilité du membre visé, sa nature accueillante, ses connaissances et ses compétences en matière d’enquête ainsi que sa capacité constante et remarquable de désamorcer des situations mettant en cause des personnes agressives et en colère, situations qui ont parfois exigé de lui une extraordinaire maîtrise de soi. L’inconduite du membre visé n’est pas représentative de son comportement habituel. Son adhésion aux valeurs fondamentales de la GRC sur une longue période de service lui a systématiquement valu la confiance autant de ses collègues que des citoyens, et cette confiance reste intacte malgré les contraventions.

[170]  La gend. N. Q., du Détachement de Red Deer, à la Division K, a été affectée au Détachement de Peace River en 2009 et y a été supervisée par le membre visé jusqu’en mars 2010, lorsqu’une grave blessure découlant d’une voie de fait criminelle subie dans l’exercice de ses fonctions a nécessité sa mutation. Le membre visé a enquêté sur l’agression. Il a offert son soutien à la gend. N. Q. jusqu’à ce que la condamnation soit prononcée et qu’une peine satisfaisante soit imposée. La gend. N. Q. a décrit les contraventions comme un comportement qui ne ressemblait pas au membre visé. Quand elle en a eu connaissance, elle a non seulement été étonnée, mais a pensé que le membre visé [Traduction] « avait dû être provoqué de manière déraisonnable pour réagir de la sorte ». Elle n’a jamais vu le membre visé manquer de professionnalisme.

[171]  Le gend. J. P. est au service de la GRC depuis sept ans. Il a d’abord été affecté au Détachement de Peace River en 2010, au sein de l’équipe de veille supervisée par le membre visé. Après sa mutation en 2015, le gend. J. P. a eu des contacts avec le membre visé de temps à autre dans le cadre d’enquêtes et à titre personnel. Il a fait diverses remarques sincères et élogieuses au sujet du membre visé, soulignant son efficacité en tant que mentor, ses compétences en matière d’enquête et d’interrogation, ainsi que sa capacité de communiquer efficacement et de désamorcer les situations tendues. Quant aux allégations de contravention au code de déontologie, le gend. J. P. a affirmé ce qui suit [Traduction] : « Je crois sincèrement que ce comportement ne ressemble pas du tout au [membre visé] […] [et] qu’il n’est aucunement représentatif de la conduite que j’ai personnellement observée chez lui au cours des [sept] années de ma relation avec lui. »

[172]  Mme B. W. était la coordonnatrice des services aux victimes au Détachement de Spirit River, où elle a travaillé avec le membre visé de 2001 à 2005. Elle a décrit la compassion dont il avait fait preuve en général lorsqu’il prêtait assistance à des familles endeuillées, et en particulier dans les jours chargés d’émotions au cours desquels il avait eu à interagir avec les collègues de la victime d’une tragédie mortelle survenue en milieu de travail. Elle a été triste de le voir quitter le Détachement de Spirit River parce qu’il était un policier si [Traduction] « prêt à rendre service, fiable et plein de compassion ».

[173]  Me R. M., un avocat qui exerce son métier à Peace River depuis 1998, connaît le membre visé depuis 2004 et a eu des contacts tant professionnels que personnels avec lui. Il l’a notamment croisé en travaillant comme avocat de la poursuite ou de la défense dans le cadre d’affaires criminelles concernant par exemple des infractions liées aux drogues. Ce qui ressort des nombreuses occasions où Me R. M. a pu observer le comportement du membre visé, c’est que ce dernier a toujours été un témoin et un enquêteur franc et impressionnant, qui jamais n’exagère la preuve contre un accusé ni ne présente une image déformée de ses propres actions. De tous les clients que Me R. M. a défendus lors de poursuites pénales, aucun n’a mentionné avoir été traité de façon inappropriée par le membre visé, et ce sont souvent des personnes qui n’ont pas la meilleure opinion de la police. Me R. M. a affirmé que tout recours à une force excessive par le membre visé [Traduction] « aurait été exceptionnel et contraire à sa personnalité ».

[174]  M. R. P., maintenant à la retraite, qui a été directeur adjoint, conseiller et entraîneur sportif dans une école de la région, a connu le membre visé pendant neuf ans dans le cadre de ses fonctions professionnelles et aussi à titre personnel, lorsqu’il était entraîneur de l’équipe dont faisait partie un des enfants du membre visé. Il a fait cette remarque pertinente [Traduction] :

Quand j’ai eu connaissance des allégations de contravention au code de déontologie, les bras m’en sont tombés. Je trouvais que cela ne lui ressemblait pas du tout. Le comportement reproché était incompatible avec l’homme que j’ai appris à connaître et avec qui j’ai eu l’occasion de travailler dans son rôle de parent. Tout ce que je sais de lui est aux antipodes de ces allégations. Il est à mon avis […] une personne qui fait preuve d’énormément de respect pour soi, pour sa famille, pour son emploi et pour sa communauté.

[175]  Mme S. S. est la directrice générale d’un journal de la région et a travaillé comme représentante élue au sein de la chambre de commerce et d’une société philanthropique locales. Elle a connu le membre visé il y a environ 13 ans, lorsqu’il a été muté à Peace River. Quand la nouvelle de l’incident a été diffusée, Mme S. S. a été stupéfaite et a écrit ceci [Traduction] : « Ce n’est certainement pas le [membre visé] que j’ai connu. » Après mûre réflexion, elle a décidé de ne publier aucun article sur lui dans son journal, position qu’elle n’a prise que quelques fois au cours de ses 25 ans de carrière dans les médias, car elle avait de la difficulté à accepter que la personne qu’elle connaissait pouvait avoir eu les comportements allégués et elle voulait éviter [Traduction] « de ternir sa belle réputation de quelque façon que ce soit ». Mme S. S. n’a pas pris cette décision à la légère, et malgré la [Traduction] « résistance » à laquelle elle s’est heurtée, elle n’en a pas démordu, affirmant [Traduction] : « Voilà à quel point je trouve que cela ne ressemble pas au [membre visé]. »

[176]  Une lettre du programme de services correctionnels communautaires et de mise en liberté de l’Alberta datée du 17 avril 2018 confirme que, le 22 août 2017, le membre visé s’est vu imposer 18 mois de probation comme suite à sa condamnation pour voie de fait, et que durant cette période, il devait se présenter auprès d’un agent de probation, se prêter aux évaluations, séances de consultation ou traitements exigés par ce dernier, et faire 220 heures de service communautaire. Il n’est pas étonnant de constater qu’aucun problème n’a été soulevé quant à la conformité du membre visé à ces directives. Une lettre du centre sportif de Manning datée du 16 avril 2018 confirme non seulement que le membre visé a effectué des travaux de réparation et de peinture avec minutie conformément aux conditions de sa probation, mais qu’il était [Traduction] « exceptionnellement courtois » et serviable dans ses interactions avec les jeunes joueurs de hockey et leurs parents. Au total, le membre visé a fait 253 heures de service communautaire, comme en témoigne la feuille de présence déposée en preuve par le RM 2. Le membre visé a aussi conduit bénévolement un autocar afin de transporter l’équipe de basketball d’une école secondaire à Grande Prairie pour une fin de semaine.

Évaluations du rendement

[177]  Le membre visé est entré à la GRC en 1996; depuis, il a toujours travaillé à la Division K. Il a d’abord été affecté au Détachement de Bonnyville (1996 – 2001), puis au Détachement de Spirit River, un poste à affectation temporaire dans le Nord (2001 – 2005), et ensuite à un poste de policier en civil à la SEG de Peace River (2005 – 2006), après quoi il a été promu à un poste de caporal au Détachement municipal de Peace River en 2016. Il est évident d’après les évaluations du rendement et les formulaires 1004 déposés par les RM que le membre visé a constamment donné un excellent rendement dans ses fonctions d’agent de la paix et d’enquêteur. Il a également assuré de manière systématique un leadership exceptionnel et une supervision efficace lorsqu’il a exercé les rôles de superviseur de veille et de sous-officier responsable de groupes spécialisés, et même lorsqu’il a occupé à titre intérimaire les postes de chef de détachement ou de sous-officier des opérations. Dès 2008, il a été désigné comme apte à l’avancement. Sa solide expérience opérationnelle, ses compétences d’enquête, son efficacité dans les relations interpersonnelles et ses normes personnelles lui ont valu d’être nommé sous-officier responsable de la nouvelle SEG régionale de Peace River. Cette section a connu des succès notables dans ses enquêtes, et le membre visé s’est distingué par l’engagement et l’efficacité dont il a fait preuve dans le cadre de plusieurs projets complexes. Dans la dernière évaluation écrite qui m’a été présentée (2015 – 2016), l’officier hiérarchique du membre visé résume comme suit son importance au sein de l’organisation [Traduction] : « [Le membre visé] est un des piliers de la SEG régionale. »

Rapport de la psychologue M. P.

[178]  La relation du membre visé avec la psychologue autorisée M. P. a commencé avant qu’il obtienne son absolution conditionnelle et a donné lieu à la rédaction d’un rapport par cette dernière. Le RM 2 était d’accord pour qu’on utilise ce rapport au lieu de soumettre Mme M. P. à un interrogatoire direct. Lorsque Mme M. P. a été contre-interrogée par téléphone, certains éléments de son curriculum vitae ont été clarifiés et mis à jour, et des questions ont été posées sur les opinions formulées dans certaines parties de son rapport.

[179]  Le RM 2 a demandé que Mme M. P. soit reconnue comme une experte en matière d’évaluation, de diagnostic, de traitement et de pronostic psychologiques sur la base des compétences professionnelles, des études et de l’expérience clinique décrites dans son curriculum vitae. De plus, le RM 2 estimait que Mme M. P. était qualifiée pour donner les opinions formulées dans son rapport.

[180]  Le RAD n’a pas demandé à faire retirer le rapport de Mme M. P. du dossier ni à le soustraire à l’examen du comité de déontologie par un autre moyen. Il a admis que Mme M. P. était qualifiée pour formuler l’opinion selon laquelle le membre visé travaillait sous l’effet d’une [Traduction] « accumulation de stress » au petit matin du 15 avril 2016, même si cet état ne constituait pas un trouble reconnu dans le DSM-V, et que le comité de déontologie pouvait accorder à cette conclusion le poids qu’il jugerait pertinent. Le RAD contestait cependant le lien qu’avait établi Mme M. P. entre l’accumulation de stress dont souffrait le membre visé et l’agression qu’il avait commise sur M. [W.].

[181]  Le RAD a fait référence à trois extraits précis du rapport de Mme M. P. Voici le premier de ces extraits, qui figure à l’alinéa 4 de la page 3 [Traduction] :

Il y aurait eu un lien direct entre l’état psychologique dans lequel se trouvait [le membre visé] en avril 2016 et le comportement qui lui est reproché. Son niveau d’irritabilité, ses problèmes d’insomnie et son épuisement chronique l’auraient rendu plus prompt à réagir à toute situation problématique.

[182]  Le deuxième extrait du rapport mentionné par le RAD figure à l’alinéa 6 de la page 4 [Traduction] :

Malgré ses actions, [le membre visé] assume la responsabilité de son comportement. Le récit qu’il a fait de l’incident lors de ses entretiens avec moi cadre avec les documents officiels et l’enregistrement vidéo. Il regrette ses actions, son emportement et le tort qu’il peut avoir causé à la victime.

[183]  Le troisième extrait figure au paragraphe 5 de la page 3 [Traduction] :

[Le membre visé] présentait des symptômes d’accumulation de stress, mais son état ne correspondait pas à un diagnostic précis.

[184]  Le RAD a mentionné les auteurs des trois rapports sur le recours à la force et les compétences leur donnant qualité pour formuler des opinions sur la force employée contre M. [W.], compétences que ne possédait pas Mme M. P. Il a affirmé que, comme cette dernière n’avait pas qualité d’expert en ce qui touche [Traduction] « la formation des policiers, les tactiques policières, le recours à la force [et] les circonstances entourant les arrestations », le comité de déontologie ne devrait pas accepter son opinion concernant l’existence d’un lien entre l’état psychologique du membre visé et sa perte de maîtrise de soi. Cet argument n’est pas convaincant, puisqu’à mon avis, Mme M. P. n’avait besoin d’aucune connaissance spécialisée sur le recours à la force, les tactiques policières ou les facteurs relatifs aux arrestations pour évaluer l’état du membre visé et pour offrir son opinion d’expert sur la façon dont cet état pouvait avoir contribué à lui faire perdre sa maîtrise de soi lorsqu’il a agressé M. [W.].

[185]  Je n’accepte pas non plus l’assertion selon laquelle l’opinion de Mme M. P. quant à l’existence d’un lien entre l’état psychologique du membre visé et sa perte de maîtrise de soi doit être exclue de la preuve parce qu’elle n’est pas nécessaire. Il est vrai qu’en concluant que le membre visé a agressé M. W., le comité de déontologie conclut forcément qu’il a perdu sa maîtrise de soi, mais cela ne rend pas inutile pour autant l’opinion de Mme M. P. sur le rôle qu’un facteur distinct a joué dans cet emportement.

[186]  En ce qui concerne la nécessité de cette opinion, le RAD soutient que [Traduction] « le stress entraîne certains comportements […] vous n’avez pas besoin d’un expert pour vous présenter cette position ». Il a également formulé cet argument de façon légèrement différente en demandant [Traduction] : « [L]e juge a-t-il besoin d’entendre le témoignage d’un expert pour décider si le stress […] aurait eu une incidence? » Il relève peut-être du simple bon sens qu’une quelconque accumulation de fatigue ou de stress puisse causer de l’irritabilité ou faire partie des facteurs contribuant à susciter une réaction excessive devant un événement fâcheux. J’estime toutefois que les opinions de Mme M. P., formulées à partir des documents pertinents et à la suite d’un examen clinique du membre visé, portent spécifiquement sur l’état et la réaction du membre visé. Je les considère donc comme des opinions d’expert qui sont nécessaires en ce sens qu’elles fournissent des renseignements spécifiques sur l’état psychologique du membre visé qui dépassent selon toute vraisemblance l’expérience et les connaissances des profanes que sont par exemple les arbitres, les juges et les jurés. À mon avis, et c’est important, les opinions formulées par Mme M. P. n’empiètent aucunement sur mes fonctions en tant que comité de déontologie ni ne tranchent une question qu’il m’appartient à moi de trancher.

[187]  Je décide d’accepter les opinions de Mme M. P. après avoir examiné les précédents invoqués par le RAD afin de s’opposer à la reconnaissance de Mme M. P. en tant que personne ayant qualité d’expert pour formuler les opinions contestées et afin de soutenir que le RM 2 ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer les compétences de Mme M. P.

[188]  Dans l’affaire R. v. McPherson, 2011 ONSC 7717 (Cour supérieure de justice) [McPherson], un procès devant jury, le juge a refusé de reconnaître la qualité d’expert d’un professeur d’université qu’il décrivait comme un [Traduction] « lobbyiste engagé ». Ce professeur n’a pas été autorisé à témoigner sur [Traduction] « les interactions typiques entre les trafiquants et leurs éventuelles victimes, ainsi que les méthodes qu’ils emploient pour les recruter, les retenir et les contrôler ». Son opinion n’a pas été jugée nécessaire, car les facteurs qui poussent les victimes à entrer dans le monde de la prostitution et de la traite de personnes ne sont ni rares ni difficiles à comprendre, mais tiennent d’expériences humaines courantes. La situation de Mme M. P. est très différente de celle de ce professeur. J’accepte de recevoir en preuve les opinions de Mme M. P., mais cela dit, j’adopte une attitude prudente à l’égard de la science du comportement (ou de la science humaine) dans laquelle elle se spécialise, comme le recommande la Cour d’appel de l’Ontario dans la décision R. v. McIntosh, [1997] OJ No 3172, au paragraphe 14.

[189]  Dans l’arrêt R. c. D. D., [2000] 2 RCS 275, la Cour suprême du Canada a confirmé que le juge du procès avait commis une erreur en permettant au ministère public de faire témoigner un expert en contre-preuve pour dire que de nombreux facteurs peuvent influer sur le moment auquel un enfant décide de signaler une agression sexuelle et que la période de temps qui s’écoule entre la présumée agression et son signalement ne permet pas de déterminer si cette agression a en fait eu lieu. La Cour a jugé que le jury aurait pu comprendre suffisamment ces concepts si le juge du procès lui avait donné des instructions adéquates et que le témoignage de l’expert du ministère public n’était donc pas nécessaire. Le paragraphe 57 de cet arrêt résume le critère à appliquer pour déterminer la nécessité d’un témoignage. J’estime que les opinions de Mme M. P. sont nécessaires selon ce critère.

[190]  Comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas lieu de craindre, à mon avis, que les opinions de Mme M. P. puissent avoir un effet préjudiciable plus important que leur valeur probante. Je répète cet avis après avoir examiné l’argument du RAD selon lequel je pourrais conclure de façon indépendante que le stress constitue un facteur atténuant, mais ajouter que ma conclusion [Traduction] « est renforcée par l’opinion de Mme [M. P.] ». Si j’ai bien compris le RAD, ce renforcement constituerait un effet préjudiciable plus grand que la valeur probante de l’opinion de Mme M. P. Je ne suis pas persuadé par cet argument.

[191]  Dans l’affaire R. v. Pompeo, 2014 BCCA 317 [Pompeo], la cour a conclu que le juge du procès avait commis une erreur en excluant de la preuve le témoignage d’un expert de la défense, selon qui la force létale employée par l’accusé était nécessaire et conforme aux protocoles et à la formation de la police. Dans la présente affaire, le membre visé a plaidé coupable à une accusation de voie de fait sur M. W., et il n’y a aucun doute (d’après la vidéo filmée par la caméra de bord) que la force employée par le membre visé n’était ni nécessaire ni raisonnable. Il n’est pas nécessaire d’examiner les opinions d’un expert sur la non-conformité de ce recours à la force aux politiques applicables de la GRC. Ni le RM 2 ni le RAD n’a été empêché de souligner des éléments précis qui étaient montrés dans la vidéo si les éléments en question étaient mentionnés dans un rapport d’expertise exclu de la preuve. Contrairement à l’accusé dans l’affaire Pompeo, le membre visé n’a jamais prétendu que la force dont il avait usé à l’endroit de M. [W.] était justifiée aux termes de l’alinéa 25(1)b) du Code criminel. Le fait que je ne juge pas nécessaire d’examiner les trois rapports d’expertise sur le recours à la force déposés par les représentants ne constitue pas, à mon avis, un argument à l’appui de l’exclusion des opinions contestées de Mme M. P.

[192]  Je ne suis pas convaincu que Mme M. P. devait avoir diagnostiqué un trouble mental reconnu dans le DSM-V au membre visé pour que son état psychologique soit considéré comme un facteur susceptible d’avoir contribué à lui faire perdre sa maîtrise de soi. J’adopte cette position après avoir soigneusement examiné l’argument du RAD selon lequel je serais en mesure d’appliquer mes propres expériences en ce qui concerne l’effet du stress, et les opinions de Mme M. P. seraient admissibles si elle avait posé un [Traduction] « diagnostic précis » consigné au DSM-V, puisque dans ce cas elles [Traduction] « dépasseraient l’expertise du comité ».

[193]  Je ne suis pas d’avis que les opinions contestées de Mme M. P. ont pour but de renforcer la crédibilité du membre visé, même en ce qui concerne sa réaction lorsque M. [W.] a craché sur lui. Le membre visé a témoigné au sujet de l’état d’esprit dans lequel il se trouvait à ce moment-là. Il en est également question dans sa déclaration signée. Je crois que les opinions constituent l’analyse d’un expert en psychologie quant à savoir si l’accumulation de stress dont souffrait le membre visé a contribué à sa perte de maîtrise de soi et à l’agression qu’il a commise sur M. [W.]. Compte tenu des observations et des opinions non professionnelles présentées dans la lettre d’appui du serg. J. O. concernant le surmenage du membre visé, la détermination de la présence ou de l’absence d’un quelconque facteur de stress ne repose pas uniquement sur l’information que le membre visé a fournie à Mme M. P.

[194]  Lors d’une conversation préliminaire avec le comité de déontologie, Mme M. P. a convenu qu’il était approprié de reconnaître sa qualité d’expert en matière d’évaluation, de diagnostic, de traitement et de pronostic psychologiques. Pendant le contre-interrogatoire de 40 minutes accordé au RAD, j’estime que les points suivants ont été établis ou confirmés :

  • Le rapport ne porte pas sur l’inconduite décrite dans l’allégation 2.
  • Mme [M. P.] a été informée pour la première fois lors de son témoignage que le comité avait conclu à l’emploi d’une force excessive par le membre visé.
  • Sa qualité d’expert en évaluation et en traitement psychologiques avait été reconnue précédemment. Elle ne se souvenait pas d’avoir vu reconnaître sa qualité d’expert en matière de pronostic dans le passé.
  • Mme [M. P.] a affirmé que l’affaire la plus récente dans le cadre de laquelle sa qualité d’expert avait été reconnue était un dossier présenté devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta en 2016, où elle devait témoigner relativement à une évaluation de capacités parentales. Elle a ajouté que ce genre d’évaluation comporte une évaluation des risques de violence à l’endroit des enfants ou du conjoint. Cette évaluation des risques concerne la probabilité que d’autres agressions soient commises. Elle vise uniquement les membres de la famille et non des intervenants de l’extérieur.
  • Lorsque la qualité d’expert de Mme [M. P.] a été reconnue dans le cadre d’une affaire impliquant un contrevenant dangereux, à savoir un tueur en série, c’était pour qu’elle témoigne au sujet d’une déclaration du risque de récidive et d’une évaluation de l’efficacité du traitement.
  • Mme [M. P.] a confirmé n’avoir jamais témoigné à titre d’expert sur le recours à la force, ni sur la formation des policiers en la matière, ni sur les tactiques policières connexes, ni sur l’application pratique de la formation, des tactiques et des protocoles relatifs au recours à la force. Elle ne se considère pas comme une experte en recours à la force. Dans le cadre de son travail au centre correctionnel de Peace River, il n’a jamais été question de la force employée par un agent correctionnel ou un policier. Aucune séance de verbalisation menée pour la GRC à la suite d’un incident critique n’a porté sur le recours à la force.
  • Dans la phrase de son rapport où elle mentionne le lien entre l’état psychologique du membre visé et son inconduite, Mme [M. P.] parlait des facteurs qui ont, à son avis, contribué à l’accès de colère du membre visé.
  • Dans la phrase concernant le degré d’irritabilité du membre visé ainsi que ses problèmes d’insomnie, son sentiment d’épuisement chronique et sa promptitude à réagir à une situation problématique, il était question des facteurs présentant une corrélation avec son accès de colère. L’expression « accès de colère » n’est pas un diagnostic médical, mais la description d’un comportement. Le profane y verrait probablement une réaction agressive. Lorsqu’elle a rédigé cette phrase, Mme [M. P.] l’a fait en tant que psychologue décrivant la corrélation entre les symptômes que le membre visé avait présentés antérieurement et son acte d’agression, ou en langage courant, son accès de colère.
  • L’accumulation de stress n’est pas une affection définie dans le DSM-V. Ce terme est cependant reconnu des psychologues. [Traduction] « […] [O]n peut dire que c’est un trouble que les autres psychologues reconnaissent comme un trouble. »
  • Pour ce qui est de l’établissement d’un lien entre l’accumulation de stress et l’emploi d’une force excessive par un policier, Mme [M. P.] a témoigné que des études avaient été réalisées sur le sujet. Ces études, qui s’intéressent au stress et à ses effets sur le comportement, font partie de la littérature sur le trouble de stress post-traumatique (TSPT) même si les cas examinés présentent parfois d’autres diagnostics.
  • Le fait de dire qu’il existe un lien direct entre l’accumulation de stress dont souffrait le membre visé et le comportement de ce dernier est aussi une façon d’exclure d’autres causes; par exemple, cela signifie que le comportement n’est pas attribuable à un trouble de la personnalité ou à un problème de maîtrise de la colère.
  • Mme [M. P.] ne pouvait pas dire si chacun des 11 coups de poing assenés par le membre visé était directement lié à une accumulation de stress. C’est son niveau d’agressivité qui l’était. D’après la littérature, quand la tension, la frustration ou la colère baisse, la personne cesse son comportement agressif.
  • Mme [M. P.] n’a pas soigné d’autres policiers impliqués dans des situations de recours à la force, mais elle se sent à l’aise d’établir un lien direct entre l’état du membre visé et son comportement.
  • Elle s’est excusée d’avoir employé l’expression [Traduction] « lien direct », qui [Traduction] « […] suppose un lien de cause à effet ». C’était une erreur de sa part. Elle aurait plutôt dû parler de facteur ou de corrélation.
  • L’accumulation de stress était un facteur important, mais pas aussi important que la provocation, qui n’est pas mentionnée dans son rapport.

[195]  Je juge Mme M. P. qualifiée pour fournir les opinions présentées dans son rapport, en particulier sur les questions suivantes : l’état psychologique du membre visé, y compris au moment de l’inconduite; le lien entre cet état et son inconduite; son diagnostic et son traitement; son pronostic et la probabilité qu’il récidive. J’admets que, même si l’accumulation de stress ne constitue pas un trouble mental reconnu dans le DSM-V, Mme M. P. peut donner une opinion d’expert quant aux effets que l’accumulation de stress peut avoir sur une personne et, plus précisément, quant à l’influence qu’une telle accumulation peut avoir eue sur le comportement du membre visé au moment de l’agression.

[196]  En ce qui concerne le deuxième passage contesté du rapport de Mme M. P. (reproduit plus haut et tiré de l’alinéa 6 de la page 4 du rapport), le RAD a demandé si, en mentionnant les regrets du membre visé, Mme M. P. n’avait pas cessé d’être une experte et n’était pas plutôt devenue le défenseur du membre visé. La phrase en question est la suivante [Traduction] : « Il regrette ses actions, son emportement et le tort qu’il peut avoir causé à la victime. » Le RM 2 a reconnu que Mme M. P. ne pouvait pas être considérée comme une experte indépendante au sens strict. Cependant, à en juger par la façon dont l’information et les opinions sont présentées du début à la fin de son rapport et par les réponses données pendant son témoignage, qui étaient à mon avis équilibrées, empreintes d’une volonté de collaboration et absolument professionnelles, je n’ai aucune crainte qu’elle soit passée à un rôle de défenseur. Les opinions exprimées par Mme M. P. sont admissibles, et selon moi, elles n’ont pas été contaminées par son rôle parallèle en tant que psychologue traitante du membre visé au point de devoir être exclues.

[197]  Je conviens avec le RM 2 que Mme M. P. est qualifiée pour présenter les opinions que le RAD cherche à faire exclure, ainsi que le reste de son rapport d’expertise. Mme M. P. étudie et travaille dans le domaine de la psychologie depuis plus de 40 ans. Elle possède une maîtrise et un doctorat en psychologie et est agréée comme psychologue autorisée depuis 1976. Je constate qu’elle a été reconnue à titre de témoin expert par divers tribunaux de l’Alberta à quelque 34 reprises et qu’elle travaille depuis environ 18 ans au centre correctionnel de Peace River comme psychologue clinicienne. Les fonctions qu’elle exerce dans ce poste, y compris l’évaluation et le traitement de personnes souffrant de problèmes comportementaux, émotionnels et sociaux, s’inscrivent dans les compétences qui font qu’elle est qualifiée pour exprimer les opinions contestées par le RAD.

[198]  En résumé, pour ce qui est de l’admissibilité des opinions de Mme M. P., j’estime que les exigences décrites dans l’arrêt R. c. Mohan, [1994] 2 RCS 9 ont été satisfaites. Je considère que ces opinions ont manifestement rapport à un éventuel facteur atténuant, qu’elles sont nécessaires, qu’aucune règle n’en exige l’exclusion et qu’elles sont présentées par une experte aux qualités reconnues. Je ne vois aucun effet préjudiciable qui puisse l’emporter sur la valeur probante de l’information.

Circonstances atténuantes acceptées

[199]  Après m’être penché sur l’information, les documents et les témoignages présentés en vue de la détermination des mesures disciplinaires appropriées ainsi que sur les observations des représentants, j’accepte les éléments suivants à titre de facteurs atténuants pour ce qui est de l’allégation 1 et de l’allégation 2, dans la mesure où ils s’y appliquent :

  • Le membre visé a assumé la responsabilité de ses actes presque immédiatement lors de sa conversation téléphonique avec le [cap. B. N.], au cours de laquelle il a reconnu avoir commis une agression, bien que de façon peu détaillée. Il a plus tard reconnu pleinement ses actions lors de l’appel qu’il a reçu du [s.é.-m. M.] le 29 avril 2016. La vidéo filmée par la caméra de bord du véhicule de police prouvait clairement l’agression, mais le membre visé a tout de même reconnu les deux contraventions au code de déontologie et a plaidé coupable à une accusation criminelle de voie de fait simple.
  • Comme je l’ai déjà expliqué, le membre visé a avoué dans sa réponse écrite qu’il avait commis les deux contraventions alléguées. Plusieurs facteurs ont ensuite ralenti le règlement de l’affaire, notamment les lacunes relevées à l’égard des énoncés détaillés fournis dans l’avis d’audience disciplinaire et les demandes infructueuses visant à faire ordonner la communication de certains renseignements. Cependant, lorsque le dossier lui a été confié, le RM 2 a donné effet presque immédiatement à la volonté du membre visé de régler l’affaire rapidement.
  • Le membre visé a présenté des excuses sincères sous serment, et le comité de déontologie est d’avis qu’il regrette profondément ses actions.
  • Le dossier du membre visé fait état de plus de 20 ans de service irréprochable au sein de la GRC. Comme je l’ai affirmé dans ma décision répertoriée 2017 RCAD 4, au paragraphe 68, les états de service exempts d’antécédents disciplinaires peuvent avoir une valeur atténuante du fait qu’ils constituent, pour reprendre l’expression souvent employée par des comités d’arbitrage de la GRC, une sorte de banque d’années de bon comportement qu’un membre peut parfois faire valoir en cas d’inconduite.
  • Tout au long de sa carrière, le membre visé a manifestement donné un rendement supérieur à la moyenne, faisant preuve d’une éthique du travail exceptionnelle ainsi que d’une compétence et d’une efficacité particulières dans ses fonctions d’enquêteur. Il a maintenu ce niveau de rendement exemplaire malgré les difficultés associées au travail policier dans les communautés du Nord.
  • Bien que l’autorité disciplinaire ne soit pas favorable à l’idée de garder le membre visé au sein de l’effectif, un grand nombre de membres qui l’ont supervisé, qui ont travaillé à ses côtés ou qui ont relevé de lui dans diverses circonstances et pendant de longues périodes de temps ont confirmé qu’ils appuient sans réserve son maintien en poste.
  • Le membre visé jouit manifestement d’un très solide appui de la part de la communauté, comme en témoignent les lettres fournies par plusieurs civils.
  • Après un examen minutieux de l’ensemble des documents de la GRC sur le rendement du membre visé, il est évident que sa façon d’exercer les fonctions opérationnelles de première ligne très variées qui lui ont été confiées au fil des ans n’a jamais soulevé de préoccupations quant à l’emploi d’une force déraisonnable ou excessive. Je suis tout à fait convaincu que l’inconduite commise par le membre visé lors de son interaction avec M. [W.] constitue un incident isolé et qu’il en va de même pour les comptes rendus inadéquats qu’il a faits de cette interaction verbalement et par écrit.
  • De plus, à la lumière des documents sur le rendement et des lettres d’appui, je suis persuadé que les contraventions étaient des comportements tout à fait atypiques pour le membre visé. Les observations de Me [R. M.], qui avait un point de vue unique en tant qu’avocat spécialisé dans le droit criminel, confirment que l’inconduite était complètement inhabituelle pour le membre visé.
  • Je suis convaincu qu’au moment de l’inconduite décrite dans l’allégation 1, le membre visé souffrait de surmenage, comme en témoigne la lettre du serg. [J. O.]. Ce dernier n’a évidemment aucune compétence documentée en soins cliniques, mais il peut néanmoins faire des observations en tant que sous-officier supérieur qui était bien au fait des facteurs de stress extraordinaires avec lesquels devait composer le membre visé. En général, la fatigue mentale ou physique ne saurait excuser une inconduite policière ni servir de défense contre une telle accusation devant un tribunal, mais compte tenu de l’heure à laquelle le membre visé a été appelé à intervenir, il convient de reconnaître une certaine valeur atténuante au surmenage mentionné par le serg. [J. O.]. Les remarques de ce dernier semblent présenter des recoupements avec les observations cliniques de Mme [M. P.], et j’ai décidé de les considérer comme une autre facette du même facteur atténuant. Le RAD ne conteste pas l’opinion de Mme [M. P.] selon laquelle, au moment de l’agression commise sur M. [W.], le membre visé souffrait des effets d’une accumulation de stress. J’accepte non seulement cette opinion, mais aussi la conclusion de Mme [M. P.] voulant que l’état psychologique du membre visé ait contribué à sa perte de maîtrise de soi au moment où il a frappé M. [W.]. Lors du contre-interrogatoire, Mme [M. P.] a clarifié les termes qu’elle avait employés, précisant qu’il fallait voir l’accumulation de stress comme un facteur qui avait contribué à la perte de maîtrise de soi du membre visé et qu’elle regrettait d’avoir utilisé l’expression [Traduction] « lien direct », qui donnait l’impression d’un [Traduction] « lien de cause à effet ». J’accepte son opinion telle que reformulée en privilégiant l’emploi du terme [Traduction] « facteur », dont le sens est moins chargé.
  • L’état psychologique du membre visé est considéré comme un élément secondaire qui a influencé le comportement de ce dernier envers M. [W.], mais le facteur atténuant le plus important est le geste de provocation grave et manifeste qu’a fait M. [W.] en lui crachant au visage, plus précisément dans l’oeil. On s’attend à ce qu’un membre ayant autant d’années de service et d’expérience de première ligne que le membre visé fasse preuve de suffisamment de retenue pour ne pas réagir de manière déplacée, même à un acte de provocation aussi dégoûtant que celui de M. [W.]. Cela dit, les membres sont avant tout des personnes, et malgré la maîtrise de soi qui est exigée de chacun d’eux, il leur arrive parfois de perdre leur sang-froid devant une provocation qui dépasse les bornes.
  • Le membre visé savait que l’agression qu’il avait commise sur M. [W.] faisait l’objet d’une enquête, mais il a continué à remplir ses fonctions habituelles jusqu’à ce qu’il soit suspendu.
  • Compte tenu des documents sur les mesures disciplinaires que j’ai devant moi et du témoignage du membre visé, j’estime peu probable que le membre visé récidive en interagissant de manière inacceptable avec un détenu ou en rédigeant des comptes rendus lacunaires. Dans la mesure où l’accumulation de stress dont il souffrait a contribué à son inconduite, je suis convaincu qu’il a reçu des soins psychologiques suffisants de la part de Mme [M. P.] pour que sa réhabilitation soit jugée complète.
  • Même si aucune preuve n’a été présentée sur ce point, il est concevable que l’inconduite décrite dans l’allégation 2 puisse soulever des considérations liées à l’arrêt McNeil qui pourraient avoir une incidence sur l’admissibilité du membre visé à exercer certaines fonctions policières.

Mesures disciplinaires appropriées

[200]  Après avoir pris en compte la nature des contraventions établies ainsi que les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes, je suis d’avis qu’il ne serait pas approprié de priver le membre visé de son emploi (que ce soit en lui ordonnant de démissionner à défaut de quoi il sera congédié ou en ordonnant carrément son renvoi). J’ai examiné avec soin la pertinence d’ordonner sa rétrogradation, surtout à la lumière des comptes rendus lacunaires reprochés dans l’allégation 2. Or, malgré leur aspect incomplet, les comptes rendus faits par le membre visé ne contenaient aucun renseignement visant intentionnellement à tromper le lecteur, à l’exception peut-être d’une petite partie de ses notes de police manuscrites.

[201]  Si j’avais le moindre soupçon que le membre visé avait maltraité un détenu par le passé, alors l’inconduite établie relativement à l’allégation 1 justifierait sa rétrogradation, voire son congédiement (même compte tenu du geste de provocation grave fait envers lui), car il incombe aux superviseurs expérimentés de la GRC de veiller à l’application systématique de normes de traitement appropriées dans les interactions avec les détenus, même lorsque ceux-si refusent de collaborer ou agissent de manière provocante.

[202]  Cela dit, compte tenu des circonstances atténuantes, je ne crois pas que l’inconduite du membre visé soit signe d’une tendance à la violence ou d’un défaut de caractère plus profonds, d’un trouble de la personnalité ou d’une attitude impossible à corriger en ce qui concerne la nécessité de faire des comptes rendus exacts et détaillés. Si son inconduite avait révélé de telles caractéristiques, il aurait fallu examiner très sérieusement la possibilité de le congédier afin de préserver adéquatement l’intérêt public, la confiance du public en la GRC et les intérêts légitimes de la GRC en tant qu’employeur et organisme d’application de la loi.

[203]  J’ai déterminé qu’il ne serait pas approprié, en l’espèce, d’ordonner le congédiement, la rétrogradation, la mutation ou la réaffectation du membre visé.

[204]  Je suis par ailleurs convaincu que le membre visé est maintenant pleinement conscient de ses obligations en ce qui concerne le maintien de sa propre santé et qu’il n’est pas nécessaire de lui ordonner de subir une évaluation ou un suivi psychologiques supplémentaires. Je tiens néanmoins à lui souligner qu’il doit s’occuper de sa santé non seulement pour son propre bien, mais aussi pour protéger la santé et la sécurité de ses collègues et des citoyens avec lesquels il est appelé à interagir, parfois dans des conditions opérationnelles difficiles. Bien que sa volonté de continuer à travailler malgré les difficultés qu’il éprouvait sur le plan de la santé puisse avoir été perçue comme un signe de dévouement ou de loyauté, le membre visé ne doit plus jamais laisser son comportement se détériorer sous l’effet d’un quelconque problème de santé pour lequel la GRC appuie de toute évidence l’obtention de soins appropriés.

[205]  Dans l’ensemble, les contraventions du membre visé appellent une sanction parmi les plus sévères de l’échelle établie dans le Guide des mesures disciplinaires. Je juge que chacune mérite des mesures disciplinaires consistant en une réprimande officielle (servie au membre visé par la signification de la présente décision écrite) assortie d’une confiscation de la solde pour un nombre substantiel de jours de travail.

[206]  En ce qui concerne l’allégation 1, j’ordonne la confiscation de la solde du membre visé pour 25 jours de travail (soit 200 heures). Vu l’importance que revêtait la présentation d’un compte rendu exact et détaillé de l’incident à l’étude, j’ordonne de plus la confiscation de la solde du membre visé pour 20 jours de travail (160 heures) relativement à l’allégation 2.

[207]  Dans le cadre de l’ancien régime disciplinaire, où toute allégation officielle était jugée par un comité d’arbitrage de la GRC, il n’était pas possible, eu égard à un seul et même avis d’audience disciplinaire, d’imposer une confiscation de solde pour plus de dix jours de travail, même lorsque plusieurs allégations étaient établies. Aucune limitation du genre ne pèse sur les confiscations de solde que le comité de déontologie peut imposer relativement aux allégations contenues dans un même avis disciplinaire.

[208]  C’est pourquoi, comme je l’ai exposé en détail plus haut, j’ai imposé une confiscation de solde pour un total de 45 jours de travail, ou 360 heures. Une telle pénalité financière est nettement supérieure à celles auxquelles équivalent les confiscations de solde imposées dans les décisions arbitrales de la GRC citées par les parties. Le fait est que le nouveau régime disciplinaire confère aux comités de déontologie le pouvoir et la souplesse requis pour imposer des pénalités financières beaucoup plus lourdes qu’auparavant afin de sanctionner des inconduites de façon proportionnée sans pour autant recourir au congédiement, à la rétrogradation ou à l’ordre de démissionner. Les considérations sur la confiscation de solde que contient le Guide des mesures disciplinaires de la GRC rendent compte de ces pouvoirs plus étendus.

[209]  Ainsi que je l’ai expliqué plus haut, j’estime que le congédiement est une mesure disciplinaire qui n’est pas proportionnée à la nature et aux circonstances des contraventions établies en l’espèce. Je me suis longuement penché sur le sens d’un passage à la page 7 de la version anglaise du Guide des mesures disciplinaires, où il est dit que dans les cas où il n’est pas suffisant d’imposer une confiscation de solde pour 45 jours de travail, le congédiement n’est pas une sanction trop sévère. En l’espèce, la perte d’emploi et la rétrogradation sont des sanctions trop sévères, mais il n’est pas déraisonnable, à des fins de dissuasion, de correction et de préservation de la confiance que la population place en la GRC, que le membre visé se voie imposer une confiscation de solde totalisant 45 jours de travail.

[210]  Les confiscations de solde imposées au membre visé sont des mesures à la fois correctives et punitives qui s’inscrivent dans un objectif de dissuasion. Sur le plan individuel, elles signifient au membre visé que la GRC condamne durement son inconduite. De manière générale, elles indiquent à l’ensemble des membres de la GRC que les écarts de conduite de cette nature sont passibles de graves sanctions, y compris le congédiement dans les cas où aucun facteur atténuant important n’est retenu.

CONCLUSION

[211]  La présente décision rendue en ce 16 août 2018 constitue la décision écrite qui doit être signifiée à chacune des parties conformément au paragraphe 25(3) des CC (déontologie). Les parties peuvent en faire appel devant le commissaire en déposant un mémoire d’appel dans les 14 jours suivant sa signification au membre visé [article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-293].

 

 

Le 16 août 2018

John A. McKinlay

Comité de déontologie

 

Date

 



[1] NdT : Le texte de loi semble être mal cité dans la version originale anglaise de la décision. Le no DORS/88-361 correspond en fait au Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), qui était en vigueur avant l’adoption du nouveau régime disciplinaire.

[2] NdT : La date indiquée dans la version originale anglaise de la décision semble incorrecte. Il s’agirait plutôt du 29 mai 2017.

[3] La date indiquée dans la version originale anglaise de la décision semble incorrecte. Il s’agirait plutôt du 15 avril 2016.

[4] NdT : La date indiquée dans la version originale anglaise de la décision semble incorrecte. Il s’agirait plutôt du 15 avril 2016.

[5] NdT : Les initiales du gendarme qui sont indiquées dans la version originale anglaise de la décision semblent être incorrectes. Il s’agirait plutôt du gendarme B. G.

[6] NdT : Le mauvais paragraphe de la Loi semble être indiqué dans la version originale anglaise de la décision. Il s’agirait plutôt du paragraphe 45(1).

[7] NdT : Sens impossible à traduire en raison de la partie inaudible de la remarque.

[8] NdT : Ailleurs dans la version originale anglaise de la décision, ce médecin est désigné par les initiales L. B.

[9] NdT : Initiales apparemment inversées dans la version originale anglaise de la décision. Il s’agirait plutôt du gend. B. G.

[10] NdT : La date indiquée dans la version originale anglaise de la décision semble incorrecte. Il s’agirait plutôt du 25 avril 2018.

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