Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Répondant à un appel de service, le membre visé s’est présenté chez une dame âgée qui voulait profiter d’un programme provincial d’amnistie relative aux armes à feu pour se débarrasser d’une arme à feu rapportée à sa démobilisation au terme de la Seconde Guerre mondiale par son mari, maintenant décédé. Plutôt que de suivre les procédures prévues au programme d’amnistie, le membre visé a gardé l’arme à feu et rédigé un rapport de police trompeur afin de dissimuler ses actes. En gardant l’arme prohibée pour lui, le membre visé a commis l’infraction prévue à l’alinéa 91(1)b) du Code criminel, LRC 1985, ch. C-46, possession d’une arme à feu prohibée sans certificat d’enregistrement valide, et il a été condamné pour cette infraction en Cour provinciale de la Colombie-Britannique.
Le membre visé s’était conduit de la même manière en répondant un an plus tôt à un appel de service similaire concernant la carcasse d’un vieux revolver. Il avait aussi fait un rapport de police faux et trompeur à cette occasion. Neuf allégations ont été formulées à l’encontre du membre visé, sept ont été établies. L’une des allégations établies a été suspendue conditionnellement, en application du principe Kienapple.
Au terme d’une audience contradictoire de trois jours, le membre visé a reçu l’ordre de démissionner dans les 14 jours, faute de quoi il sera congédié.

Contenu de la décision

Protégé A

2018 DARD 14

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AFFAIRE DISCIPLINAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

La commandante de la Division E

(l’autorité disciplinaire)

et

le gendarme Curtis Rasmussen, matricule 56116

(le membre visé)

Décision du comité de déontologie

Gerald Annetts

Le 16 novembre 2018

Shahana Khan, représentante de l’autorité disciplinaire

Sabine Georges, représentante du membre


Table des matières

Sommaire des constatations  2

CONTEXTE  4

INTRODUCTION  4

Requête préliminaire  12

Décision relative à la requête  13

Réparation  14

PREUVE À L’APPUI DES ALLÉGATIONS  16

Allégation 1  20

Allégation 2  21

Allégation 3  22

Allégation 4  23

Allégation 5  23

Allégation 6  24

Allégations 7 et 8  25

Allégation 9  28

MESURES DISCIPLINAIRES  29

 

 

Sommaire des constatations

Répondant à un appel de service, le membre visé s’est présenté chez une dame âgée qui voulait profiter d’un programme provincial d’amnistie relative aux armes à feu pour se débarrasser d’une arme à feu rapportée à sa démobilisation au terme de la Seconde Guerre mondiale par son mari, maintenant décédé. Plutôt que de suivre les procédures prévues au programme d’amnistie, le membre visé a gardé l’arme à feu et rédigé un rapport de police trompeur afin de dissimuler ses actes. En gardant l’arme prohibée pour lui, le membre visé a commis l’infraction prévue à l’alinéa 91(1)b) du Code criminel, LRC 1985, ch. C-46, possession d’une arme à feu prohibée sans certificat d’enregistrement valide, et il a été condamné pour cette infraction en Cour provinciale de la Colombie-Britannique.

Le membre visé s’était conduit de la même manière en répondant un an plus tôt à un appel de service similaire concernant la carcasse d’un vieux revolver. Il avait aussi fait un rapport de police faux et trompeur à cette occasion. Neuf allégations ont été formulées à l’encontre du membre visé, sept ont été établies. L’une des allégations établies a été suspendue conditionnellement, en application du principe Kienapple.

Au terme d’une audience contradictoire de trois jours, le membre visé a reçu l’ordre de démissionner dans les 14 jours, faute de quoi il sera congédié.


MOTIFS DE LA DÉCISION

CONTEXTE

[1]  Un avis à l’officier désigné a été produit par la commandante de la Division E le 6 septembre 2017, comptant neuf allégations formulées à l’encontre du membre visé. Le membre visé a déposé une requête préliminaire dans laquelle il alléguait que ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, qui constitue l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R.-U.) [Charte] avaient été violés et demandait que cinq des allégations soient rejetées. Bien que la violation des droits garantis par la Charte ait été établie, je considère que la réparation qui convient est l’exclusion de la preuve obtenue par suite de la violation, et non le rejet des allégations. L’audience disciplinaire s’est tenue du 12 au 14 juin 2018 et j’ai entendu la preuve et les argumentations concernant les neuf allégations. Voici la décision écrite.

INTRODUCTION

[2]  Au terme d’une enquête relative au code de déontologie, le membre visé devait répondre des allégations suivantes ainsi énoncées [TRADUCTION] :

Allégation 1

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à Kimberley, dans la province de la Colombie-Britannique, ou dans les environs, [le membre visé] s’est conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention

1. À l'époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Kimberley de la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M.] a appelé le commis du Détachement de Kimberley afin de rendre une arme à feu ayant appartenu à feu son mari. Le 14 octobre 2016, étant de service, vous avez donné suite à l’appel et vous êtes présenté à la résidence de [Mme M.] où vous avez pris possession d’un pistolet allemand Luger P. 08 9 mm (l’arme à feu).

3. Le 24 octobre 2016, vous étiez en possession de l’arme à feu et après qu’on vous a signifié un avis d’enquête en vertu du code de déontologie et d’enquête réglementaire ainsi qu’une ordonnance écrite de remettre des articles, vous avez récupéré l’arme à feu dans votre résidence et l’avez remise au [sergent M.].

4. Vous avez commis le vol de l’arme à feu. Le 7 février 2017, une accusation de vol d’un article ne dépassant pas 5 000 $, infraction prévue à l’alinéa 334b) du Code criminel, a été déposée contre vous à la Cour provinciale de la Colombie-Britannique.

5. Vous vous êtes ainsi conduit d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

Allégation 2

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à Kimberley, dans la province de la Colombie-Britannique, ou dans les environs, [le membre visé] s’est conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention

1. À l'époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Kimberley de la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M.] a appelé le commis du Détachement de Kimberley afin de rendre une arme à feu ayant appartenu à feu son mari. Le 14 octobre 2016, étant de service, vous avez donné suite à l’appel et vous êtes présenté à la résidence de [Mme M.] où vous avez pris possession d’un pistolet allemand Luger P. 08 9 mm (l’arme à feu).

3. [Mme M.] vous a remis l’arme à feu en votre qualité de membre de la GRC et en application d’un programme local d’amnistie relative aux armes à feu. Vous avez gardé l’arme à feu en votre possession et ne l’avez jamais traitée comme il est prévu dans le Manuel des opérations de la GRC :

a) Chapitre 22.1 Pièces à conviction - Traitement

b) Chapitre 22.3 Disposition

c) Chapitre 22.4 Armes à feu, armes prohibées, munitions et explosifs

d) Section 4.101 Destruction/Disposal of Firearms, (Article 4.101 Destruction/Disposition des armes à feu), Manuel des opérations, supplément de la Division E (en anglais seulement)

4. Vous vous êtes servi de vos fonctions de membre de la GRC pour vous procurer l’arme à feu de [Mme M.].

5. Vous avez commis un abus de confiance. Le 7 février 2017, une accusation d’abus de confiance, prévue à l’article 122 du Code criminel, a été déposée contre vous à la Cour provinciale de la Colombie-Britannique.

6. Vous vous êtes ainsi conduit d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

Allégation 3

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à Kimberley, dans la province de la Colombie-Britannique, ou dans les environs, [le membre visé] a omis d’agir avec intégrité et a abusé de son autorité, de son pouvoir et de sa position, en contravention de l’article 3.2 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention

1. À l'époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Kimberley de la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M.] a appelé le commis du Détachement de Kimberley afin de rendre une arme à feu ayant appartenu à feu son mari. Le 14 octobre 2016, étant de service, vous avez donné suite à l’appel et vous êtes présenté à la résidence de [Mme M.] où vous avez pris possession d’un pistolet allemand Luger P. 08 9 mm (l’arme à feu).

3. [Mme M.] vous a remis l’arme à feu en votre qualité de membre de la GRC et en application d’un programme local d’amnistie relative aux armes à feu. Vous avez gardé l’arme à feu en votre possession et ne l’avez jamais traitée comme il est prévu dans le Manuel des opérations de la GRC :

a) Chapitre 22.1 Pièces à conviction - Traitement

b) Chapitre 22.3 Disposition

c) Chapitre 22.4 Armes à feu, armes prohibées, munitions et explosifs

d) Section 4.101 Destruction/Disposal of Firearms, (Article 4.101 Destruction/Disposition des armes à feu), Manuel des opérations, supplément de la Division E (en anglais seulement)

4. Vous avez abusé de votre autorité et des pouvoirs dont vous êtes investi en tant que membre de la GRC pour prendre illégalement possession de l’arme à feu de [Mme M.] pour votre profit personnel.

Allégation 4

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à Kimberley, dans la province de la Colombie-Britannique, ou dans les environs, [le membre visé] s’est conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention

1. À l'époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Kimberley de la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M.] a appelé le commis du Détachement de Kimberley afin de rendre une arme à feu ayant appartenu à feu son mari. Le 14 octobre 2016, étant de service, vous avez donné suite à l’appel et vous êtes présenté à la résidence de [Mme M.] où vous avez pris possession d’un pistolet allemand Luger P. 08 9 mm (l’arme à feu).

3. Le 24 octobre 2016, vous étiez en possession de l’arme à feu et après qu’on vous a signifié un avis d’enquête en vertu du code de déontologie et d’enquête réglementaire ainsi qu’une ordonnance écrite de remettre des articles, vous avez récupéré l’arme à feu dans votre résidence et l’avez remise au [sergent M.].

4. Le Centre des armes à feu du Canada a confirmé que l’arme à feu est une arme prohibée; qu’à l’époque des faits, vous n’aviez pas de permis pour posséder ou pour acquérir une arme à feu prohibée; et que l’arme à feu n’a jamais été enregistrée à votre nom.

5. Vous avez transporté l’arme à feu de la résidence de [Mme M.] à la vôtre, sans autorisation légale et sans avoir obtenu une autorisation de transport pour l’arme à feu.

6. Vous avez commis les infractions de possession d’une arme à feu sans certificat d’enregistrement et de possession d’une arme obtenue lors de la perpétration d’une infraction. Le 7 février 2017, des accusations de possession d’une arme à feu sans certificat d’enregistrement et de possession d’une arme obtenue lors de la perpétration d’une infraction, prévues respectivement aux articles 91(1)b) et 96(1) du Code criminel, ont été déposées contre vous à la Cour provinciale de la Colombie- Britannique.

7. Vous vous êtes ainsi conduit d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

Allégation 5

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à Kimberley, dans la province de la Colombie-Britannique, ou dans les environs, [le membre visé] a omis de rendre compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions et du déroulement d’enquêtes, en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention

1. À l'époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Kimberley de la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M.] a appelé le commis du Détachement de Kimberley afin de rendre une arme à feu ayant appartenu à feu son mari. Le 14 octobre 2016, étant de service, vous avez donné suite à l’appel et vous êtes présenté à la résidence de [Mme M.] où vous avez pris possession d’un pistolet allemand Luger P. 08 9 mm (l’arme à feu).

3. Après vous être rendu à la résidence de [Mme M.], vous avez accédé au dossier PRIME 2016-8108 de la GRC de Kimberley et y avez rédigé un résumé qui disait, entre autres :

[Mme M.] a choisi de confier l’arme à feu à quelqu’un qui a un PPA afin qu’elle « ait un bon foyer », comme l’aurait voulu son mari. Aucune arme à feu saisie. Dossier clos.

4. Vous avez sciemment saisi des renseignements faux et trompeurs dans le résumé du dossier PRIME 2016-8108. De manière précise, vous avez prétendu faussement :

a) Que [Mme M.] avait gardé l’arme à feu;

b) Que vous n’aviez pas saisi l’arme à feu.

5. Vous avez omis de documenter avec exactitude dans le dossier PRIME- 2016-8108 ce que vous avez fait en lien avec la saisie de l’arme à feu.

Allégation 6

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à Kimberley, dans la province de la Colombie-Britannique, ou dans les environs, [le membre visé] a dissimulé et a omis de rendre compte dûment de biens qui lui ont été confiés dans l’exercice de ses fonctions, en contravention de l’article 4.4 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention

1. À l'époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Kimberley de la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M.] a appelé le commis du Détachement de Kimberley afin de rendre une arme à feu ayant appartenu à feu son mari. Le 14 octobre 2016, étant de service, vous avez donné suite à l’appel et vous êtes présenté à la résidence de [Mme M.] où vous avez pris possession d’un pistolet allemand Luger P. 08 9 mm (l’arme à feu).

3. Vous n’avez pas documenté la saisie de l’arme à feu en faisant signer à [Mme M.] une renonciation à un droit ou en lui remettant un reçu ou une pièce documentaire quelconque.

4. Après vous être rendu à la résidence de [Mme M.], vous avez accédé au dossier PRIME 2016-8108 de la GRC de Kimberley et y avez rédigé un résumé faux et trompeur.

5. Vous avez gardé l’arme à feu en votre possession et ne l’avez jamais traitée comme il est prévu dans le Manuel des opérations de la GRC :

a) Chapitre 22.1 Pièces à conviction - Traitement

b) Chapitre 22.3 Disposition

c) Chapitre 22.4 Armes à feu, armes prohibées, munitions et explosifs

d) Section 4.101 Destruction/Disposal of Firearms, (Article 4.101 Destruction/Disposition des armes à feu), Manuel des opérations, supplément de la Division E (en anglais seulement)

Allégation 7

Le 26 août 2015, ou vers cette date, à Cranbrook, dans la province de la Colombie-Britannique, ou dans les environs, [le membre visé] s’est conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention

1. À l'époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Kimberley de la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 26 août 2015, on vous a envoyé à une adresse à la demande de [Mme J.] qui voulait disposer d’une arme de poing qui appartenait à feu son père. Vous vous êtes rendu à l’adresse et avez examiné l’arme de poing. Vous avez pris possession de l’arme de poing et avez omis de faire signer à [Mme J.] une renonciation à un droit.

3. Vous avez pris possession de l’arme de poing, sans l’apparence d’un droit, commettant ainsi un vol.

4. Vous vous êtes ainsi conduit d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

Allégation 8

Le 26 août 2015, ou vers cette date, à Cranbrook, dans la province de la Colombie-Britannique, ou dans les environs, [le membre visé] a omis de rendre compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions et du déroulement d’enquêtes, en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention

1. À l'époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Kimberley de la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 26 août 2015, on vous a envoyé à une adresse à la demande de [Mme J.] qui voulait disposer d’une arme de poing qui appartenait à feu son père. Vous vous êtes rendu à l’adresse et avez examiné l’arme de poing. Vous avez pris possession de l’arme de poing et avez omis de faire signer à [Mme J.] une renonciation à un droit.

3. Après votre rencontre avec [Mme J.], vous avez accédé au dossier PRIME 2015-6842 de la GRC de Kimberley et y avez rédigé un résumé qui disait, entre autres :

[Le membre visé] s’est présenté et [Mme J.] lui a remis la carcasse rouillée d’un vieux revolver, qui pourrait en fait être un vieux jouet du début du 20e siècle. La carcasse ne présentait aucun numéro de série. [Le membre visé] a dit à [Mme J.] que l’article qu’elle avait n’était pas une arme de poing et qu’elle pouvait en disposer comme bon lui semblait. Aucune autre visite ni action. Dossier clos.

4. Vous avez sciemment saisi des renseignements faux et trompeurs dans le résumé du dossier PRIME 2015-6842. De manière précise, vous avez prétendu faussement :

a) Que vous n’aviez rencontré que [Mme J.], et que sa soeur [nom caviardé] n’était pas présente;

b) Que l’arme de poing était un jouet;

c) Que vous n’aviez pas saisi l’arme de poing;

d) Que vous aviez laissé à [Mme J.] le soin de détruire ou de disposer de l’arme de poing.

5. Vous avez omis de documenter avec exactitude dans le dossier PRIME- 2015-6275 ce que vous avez fait en lien avec la saisie de l’arme de poing.

Allégation 9

Entre le 10 août 2015 et le 4 février 2016 inclusivement, à Kimberley, dans la province de la Colombie-Britannique, ou dans les environs, [le membre visé] a sans raison légitime omis de rendre compte dûment de biens qui lui ont été confiés dans l’exercice de ses fonctions, en contravention de l’article 4.4 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention

1. À l'époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Kimberley de la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 10 août 2015, vous avez été envoyé sur les lieux d’une introduction par effraction signalée chez un concessionnaire automobile à Kimberley, en Colombie-Britannique.

3. Vous vous êtes présenté chez le concessionnaire automobile et vous avez parlé à [M. H.], qui vous a conduit à un bidon d’essence, un coupe-boulon et un monte-démonte écrou avec ses accessoires.

4. Vous avez communiqué avec le [caporal M.], du Service de l’identité judiciaire de Cranbrook, et lui avez demandé de venir vous rejoindre et de faire l’examen des lieux.

5. [Le caporal M.] a photographié les lieux et numéroté les clichés pris de 1 à 15. Sur le cliché no 1, il a noté :

« un bidon à essence en plastique, un coupe-écrou en métal bleu et caoutchouc noir Mastercraft 12 po/300 mm, une douille chromée 7/8 po Mastercraft avec l’adaptateur pour perceuse/visseuse et une douille chromée 10 mm Mastercraft fixée à un adaptateur chromé 3 po Mastercraft fixé à un adaptateur en métal vert pour perceuse/visseuse à l’extérieur du côté est du 316 Avenue, voisin du concessionnaire… »

6. [Le caporal M.] indique que les outils qu’on voit sur le cliché 1 ont été saisis pour être traités et que le bidon à essence en plastique a été remis à [vous], [le membre visé].

7. Le 30 octobre 2015, vous avez rédigé un rapport d’incident dans lequel vous indiquiez : « Sept éléments de preuve ont été retournés par les SIJ de Cranbrook sans résultat positif. Tous les éléments ont été mis dans une boîte de carton et placés dans le bac 6 pour en disposer. » Dans le rapport sur les biens que vous avez rédigé, vous nommiez les sept éléments comme constituant un unique élément de preuve : « Tessons de verre, cadenas et outils ». Le 4 février 2016, [Mme I.], conservatrice des pièces à conviction, a consigné la destruction locale des éléments. Le rapport sur les biens a été signé à la fois par vous et par [Mme I.].

8. Aucun bien n’a été retourné à la personne-ressource du concessionnaire automobile désignée pour les biens, [M. D.], au terme de l’enquête.

9. [Mme I.] déclare que des contenants de liquides inflammables, comme le bidon à essence, pris en pièce à conviction ne sont pas conservés dans les armoires à pièces à conviction et que des outils, comme ceux décrits sur le cliché 1, ne seraient pas détruits.

10. Vous avez omis de noter un à un les outils et d’en rendre compte dûment quand ils ont été versés comme pièces à conviction, comme le prévoit le chapitre 22.1, Pièces à conviction – Traitement, du Manuel des opérations de la GRC.

11. Vous n’avez pas rendu compte du bidon à essence, qui ne figure nulle part dans la documentation depuis qu’il vous a été confié par [le caporal M.].

[3]  Au début de l’audience, le paragraphe 6 de l’énoncé détaillé de l’allégation 4 a été modifié, avec le consentement des parties, pour se lire ainsi [TRADUCTION] :

6. Vous avez commis l’infraction de posséder une arme à feu prohibée sans certificat d’enregistrement, prévue à l’alinéa 91(1)b) du Code criminel.

Requête préliminaire

[4]  Le membre visé a déposé une requête préliminaire pour demander l’exclusion de l’arme à feu prohibée des éléments de preuve à produire pour les fins de la présente procédure ainsi que la suspension d’instance pour les allégations 1 à 6.

[5]  Voici les faits qui ne sont pas contestés et qui se rapportent à la requête. Le 12 octobre 2016, Mme M. a appelé au Détachement de Kimberly de la GRC pour remettre une arme à feu en profitant du programme d’amnistie relative aux armes à feu de la GRC. Elle voulait se débarrasser de l’arme à feu prohibée maintenant que son mari était décédé. Le 14 octobre 2016, le membre visé s’est rendu à la résidence de Mme M et a pris possession de l’arme de poing prohibée.

[6]  Le 17 octobre 2016, le sergent N., à titre de superviseur du membre visé, a examiné le dossier PRIME du membre visé relatif à Mme M. (2016-8108) et s’est inquiété qu’une arme à feu ait été laissée en la possession d’une personne qui n’avait pas de permis de possession et d’acquisition valide. Il a établi que le membre visé s’était rendu à la résidence de Mme M. le 14 octobre 2016 et qu’il l’avait quittée avec l’arme à feu. Parce que ce fait n’a pas été documenté par le membre visé dans le dossier, le sergent N. a communiqué avec les Normes professionnelles et le sergent M. a été désigné pour enquêter sur l’affaire.

[7]  Le 24 octobre 2016, trois membres, notamment le sergent M. et le sergent N., se sont présentés à la résidence du membre visé et lui ont signifié un avis d’enquête relative au code de déontologie et une ordonnance de remettre les articles (soit l’arme à feu prohibée). Suivant l’ordonnance, le membre visé a récupéré l’arme à feu dans sa résidence et l’a remise au sergent M. Le membre visé prétend que cette interaction, le 24 octobre 2016, constituait une perquisition illégale en contravention de l’article 8 de la Charte.

Décision relative à la requête

[8]  Ayant reçu les argumentations écrites des parties, je conclus que les droits garantis au membre visé par l’article 7 (droit de garder le silence) et par l’article 8 (droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives) de la Charte ont été violés par l’ordonnance de remettre l’arme à feu qui lui a été signifiée le 24 octobre 2016. À cette date, une enquête relative au code de déontologie (ainsi qu’une enquête criminelle) avait été instituée contre le membre visé par l’autorité disciplinaire, et l’enquêteur, qui était présent quand l’ordonnance a été signifiée au membre visé, le savait. Le membre visé n’avait pas le choix de se conformer à l’ordonnance, sinon il aurait commis une contravention au code de déontologie. Il n’a pourtant pas été averti à ce moment-là que le fait de produire l’arme à feu serait utilisée en preuve contre lui.

[9]  D’autre part, je considère que l’autorité disciplinaire ne s’est pas conformée aux dispositions de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC], en lien avec la perquisition et la saisie. L’autorité disciplinaire pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 40.2 de la Loi sur la GRC pour obtenir un mandat de perquisition, une avenue d’enquête absolument adéquate en l’occurrence. Une mise en garde aurait dû être faite au membre visé afin qu’il puisse consentir de manière éclairée à la production de l’arme à feu. Ou alors, il aurait fallu invoquer les dispositions prévues à l’article 40.2 de la Loi sur la GRC concernant un mandat de perquisition afin d’obtenir des éléments de preuve admissibles suivant les principes de justice fondamentale, notamment le devoir d’agir équitablement envers le membre visé.

Réparation

[10]  Le membre visé prétend que la réparation qui convient pour cette violation de ses droits garantis par la Charte est l’exclusion de la preuve obtenue lors de cette violation et la suspension des allégations 1 à 6, toutes liées à l’arme à feu saisie chez le membre visé. Rien dans ses arguments ne motive le caractère adéquat de la suspension en l’occurrence.

[11]  Reconnaissant que notre procédure est de nature administrative et non criminelle, étant donné que des enquêtes se menaient en parallèle relatives au Code criminel et au code de déontologie au moment de la violation des droits garantis par la Charte, je considère néanmoins approprié d’appliquer le critère énoncé dans la décision R. c. Grant, 2009 CSC 32 [Grant], pour décider du sort à réserver à la preuve recueillie au moment où les droits du membre visé ont été violés.

[12]  Dans l’affaire Grant, la Cour suprême a décrit le critère au paragraphe 71 :

Ainsi, le tribunal saisi d’une demande d’exclusion fondée sur le par. 24(2) doit évaluer et mettre en balance l’effet que l’utilisation des éléments de preuve aurait sur la confiance de la société envers le système de justice en tenant compte de : (1) la gravité de la conduite attentatoire de l’État (l’utilisation peut donner à penser que le système de justice tolère l’inconduite grave de la part de l’État), (2) l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte (l’utilisation peut donner à penser que les droits individuels ont peu de poids) et (3) l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond. Le rôle du tribunal appelé à trancher une demande fondée sur le par. 24(2) consiste à procéder à une mise en balance de chacune de ces questions pour déterminer si, eu égard aux circonstances, l’utilisation d’éléments de preuve serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

[13]  Dans la présente affaire, la violation des droits du membre visé était grave. Trois membres supérieurs de la Gendarmerie se sont présentés à sa résidence munis d’une ordonnance officielle à laquelle il n’avait pas le choix de se conformer (sous peine de devoir répondre de nouvelles allégations d’inconduite). Suivant l’ordonnance, il a été forcé de fournir des éléments de preuve incriminantes pour lui tant dans la procédure criminelle que déontologique. Les actions des membres en cause ont violé les droits garantis au membre visé par les articles 7 et 8 de la Charte, ainsi que le devoir d’agir équitablement envers lui dans l’enquête administrative. Ces faits militent pour l’exclusion des éléments de preuve.

[14]  Des modifications importantes à la Loi sur la GRC sont entrées en vigueur le 28 novembre 2014, parmi lesquelles des dispositions particulières sur les perquisitions et les saisies. Ces dispositions, bien qu’absolument applicables à la situation qui nous occupe, ont été complètement ignorées par les personnes chargées des enquêtes parallèles. Il est particulièrement préoccupant de penser que la manière dont cette partie de l’enquête a été menée pouvait compromettre entièrement la poursuite criminelle du membre visé, et à tout le moins en affecter le résultat. Ce fait aussi milite pour l’exclusion des éléments de preuve.

[15]  Les allégations formulées à l’encontre du membre visé sont graves. Toutefois, l’inconduite lors de l’enquête et la violation des droits garantis par la Charte au membre visé et du devoir d’agir équitablement envers lui ayant aussi été très graves, compte tenu de toutes les circonstances, admettre la preuve déconsidérerait l’administration de la justice. Je conclus donc que la réparation qui convient en l’occurrence est l’exclusion de la preuve obtenue au moment où les droits du membre visé ont été violés. Pour ces motifs, la requête préliminaire du membre visé est admise et aucune preuve obtenue par application de l’ordonnance de remettre des articles ne sera prise en compte par moi au cours de l’audience disciplinaire.

[16]  Le membre visé demandait aussi la suspension de la procédure pour les allégations 1 à 6. Cependant, dans ses arguments, il n’a pas tenté de montrer qu’il s’agissait d’un des « cas les plus manifestes » qui justifierait une suspension, R. c. Regan, 2002 CSC 12 (CanLII) :

Les accusations suspendues ne pourront jamais faire l’objet de poursuites; la présumée victime ne sera jamais capable de se faire entendre en justice; la société sera privée à jamais de la possibilité de faire trancher l’affaire par le juge des faits. Pour ce motif, la suspension est réservée aux seuls cas d’abus qui satisfont à un test préliminaire très exigeant : « le test pour l’obtention d’un arrêt des procédures continue de relever des “cas les plus manifestes”, tant en vertu de la Charte que de la doctrine de l’abus de procédure en common law » (O’Connor, précité, par. 68).

[17]  Je ne crois pas non plus qu’il s’agisse ici d’un des cas les plus manifestes. Bien que le membre visé ait réussi, par sa requête, à faire exclure la preuve recueillie par l’application de l’ordonnance de remettre l’arme à feu, d’autres éléments de preuve distincts existent à l’appui du gros des énoncés détaillés de chacune de ces allégations. Je suis lié, par exemple, par les conclusions du juge Sinclair dans la poursuite criminelle contre le membre visé au sujet de la manière dont il a pris possession de l’arme à feu et par le fait qu’il s’agit d’une arme à feu prohibée.

PREUVE À L’APPUI DES ALLÉGATIONS

[18]  Les allégations 1 à 6 concernent toutes un même incident qui s’est passé entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016. Pour la plupart, les faits ne sont pas contestés. Au mois d’octobre 2016, la Province de la Colombie-Britannique a offert un programme d’amnistie relative aux armes à feu. Selon ce que prévoyait le programme, des membres du public pouvait remettre à la police des armes à feu non désirées ou illégales ou illégalement en leur possession sans crainte de poursuite. Tous les services de police, y compris la GRC, ont participé au programme d’amnistie.

[19]  Mme M. avait un peu plus de 90 ans en octobre 2016. Son mari avait combattu dans la Seconde Guerre mondiale. Quand il est rentré au pays à la fin du conflit, il a rapporté une arme de poing Luger allemande. Il est mort quelques années avant octobre 2016. Mme M. voulait se débarrasser de l’arme de poing. Quand elle a entendu parlé du programme d’amnistie le 12 octobre 2016, elle a appelé au Détachement de la GRC à Kimberly et demandé que quelqu’un vienne chercher l’arme de poing chez elle. C’est finalement le membre visé qui a répondu à cet appel de service le 14 octobre 2016. Il travaillait ce jour-là et, de service et en uniforme, il s’est présenté à la résidence de Mme M., une résidence avec services pour personnes âgées dans Kimberly. Il a parlé un peu avec elle et quand il a quitté quelques minutes plus tard, il avait pris avec lui l’arme à feu. Mme M. était heureuse de voir partir l’arme à feu et elle aurait été contente que le membre visé puisse la garder.

[20]  Le membre visé a gardé l’arme à feu pour lui et ne l’a pas rapportée au Détachement afin qu’elle soit traitée suivant les dispositions du programme d’amnistie. Il est revenu au Détachement et a rédigé ainsi son rapport de police [TRADUCTION] :

[Le 14 octobre 2016] [Le membre visé] s’est présenté à la résidence de [Mme M.] et a constaté qu’elle avait effectivement une vieille arme à feu. [Le membre visé] a discuté avec [Mme M.] et quand il lui a expliqué que l’arme serait détruite une fois que la police l’aurait saisie, elle a demandé s’il y avait d’autres options. [Le membre visé] lui a expliqué que plutôt que de confier l’arme à la police, [Mme M.] pourrait en faire don à un club de tir, trouver quelqu’un qui aurait le PPA nécessaire pour l’acquérir légalement, en faire don à un musée, ou la faire neutraliser par un armurier pour qu’elle ne puisse plus jamais fonctionner et la garder comme souvenir de famille. [Mme M.] a choisi de confier l’arme à quelqu’un qui a un PPA afin qu’elle « ait un bon foyer », comme l’aurait voulu son mari. Aucune arme à feu saisie. Dossier clos.

[21]  Le sergent N., chef du détachement, ne travaillait pas le 14 octobre 2016. Quand il est rentré au travail le 17 octobre 2016, il a examiné le rapport de police du membre visé et a compris que l’arme à feu avait été laissée à Mme M. pour qu’elle puisse la donner à un détenteur de permis de possession et d’acquisition (PPA) valide. Il s’est inquiété que l’arme à feu n’ait pas été saisie et s’est demandé si Mme M. avait le permis de possession nécessaire et si elle pouvait conserver l’arme de manière sécuritaire à sa résidence jusqu’à ce qu’elle puisse la confier à quelqu’un avec un PPA valide. Puisque le membre visé n’était pas de service pour les 10 prochains jours, le sergent N. a appelé Mme M. pour lui parler de ses inquiétudes et Mme M. lui a dit que le membre visé avait, en fait, pris l’arme avec lui quand il l’a quittée le 14 octobre 2016. Par la suite, le sergent N. s’est présenté à sa résidence afin de clarifier les choses et de prendre une déclaration de témoin.

[22]  Le sergent N. estimait que le membre visé pourrait avoir contrevenu au code de déontologie de la GRC, aussi il a pris des mesures pour ouvrir une enquête. Cette enquête a donné lieu à notre audience et a aussi entraîné le dépôt d’accusations criminelles contre le membre visé. Le procès criminel a pris fin le 4 décembre 2017 lorsque le membre visé a enregistré un plaidoyer de culpabilité pour l’accusation de possession d’une arme à feu prohibée sans certificat d’enregistrement, infraction prévue à l’alinéa 91(1)b) du Code criminel, LRC 1985, ch. C-46 [Code criminel]. Les autres accusations portées contre lui ont été suspendues.

[23]  Si les faits, globalement, ne sont pas contestés, l’interprétation de ces faits, dans certains cas, fournit au membre visé ses motifs pour nier l’ensemble des six allégations. Étant donné la nature de certaines de ces allégations et la manière dont le membre visé prétend que les faits devraient être interprétés, j’ai cru qu’il serait utile d’entendre des témoignages de vive voix afin de déterminer quelle version des événements était la plus plausible. En fin de compte, je considère que les témoignages de chacun des témoins de l’autorité disciplinaire entendus n’ont servi qu’à renforcer sa déclaration d’origine, incluse dans le dossier d’enquête. Leurs témoignages n’ont pas été attaqués non plus en contre-interrogatoire. Pour cette raison, je n’irai pas dans le détail des témoignages dans mon analyse, à moins que ce soit nécessaire pour expliquer une conclusion particulière.

[24]  Cette affaire comportait des témoignages contradictoires. Les déclarations faites par Mme M. allaient complètement à l’opposé du témoignage du membre visé. Dans une telle situation, il faut évaluer la preuve suivant la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire F.H. c. McDougall, [2008] 3 CSC 41 [McDougall], dans laquelle la Cour a déclaré :

[86] Toutefois, au civil, lorsque les témoignages sont contradictoires, le juge est appelé à se prononcer sur la véracité du fait allégué selon la prépondérance des probabilités. S’il tient compte de tous les éléments de preuve, sa conclusion que le témoignage d’une partie est crédible peut fort bien être décisive, ce témoignage étant incompatible avec celui de l’autre partie. Aussi, croire une partie suppose explicitement ou non que l’on ne croit pas l’autre sur le point important en litige. C’est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, le demandeur formule des allégations que le défendeur nie en bloc. La démarche préconisée dans l’arrêt W. (D.) ne convient pas pour évaluer la preuve au regard de la prépondérance des probabilités dans une instance civile.

[25]  La Cour d’appel de l’Ontario a fait écho à ces propos dans l’affaire Law Society of Upper Canada v Neinstein, 2010 ONCA 193 [TRADUCTION] :

[21] L’argument de l’appelant selon lequel il fallait appliquer la démarche à trois étapes préconisée dans l’arrêt W.(D.), ou une démarche équivalente par sa fin, pour évaluer des témoignages contradictoires dans des affaires de nature non criminelle a été réglé par l’arrêt McDougall, une décision rendue après que la Cour divisionnaire a publié ses motifs dans l’affaire qui nous occupe. [...] En Cour suprême du Canada, la Cour a conclu à l’unanimité qu’une analyse telle que préconisée dans l’arrêt W.(D.) ne convient pas dans une instance civile. […]

[22] L’arrêt McDougall est d’application directe en l’instance. Le jury d’audition devait déterminer si les allégations étaient établies selon la prépondérance des probabilités. Ce faisant, le jury d’audition devait prendre en considération la totalité de la preuve et faire des évaluations de crédibilité dans le contexte de la totalité de la preuve. Comme dans l’affaire McDougall, la conclusion du jury d’audition sur la crédibilité des plaignants pouvait être décisive. À la lumière de l’arrêt McDougall, l’application par le jury d’audition d’une analyse W.(D.) modifiée ne convenait pas à la tâche dont il devait s’acquitter. [...]

[26]  Je tire les conclusions de crédibilité suivantes en appliquant le test défini dans la décision McDougall. Les déclarations faites par Mme M. suivaient de peu ses interactions avec le membre visé et il est évident qu’elle avait un souvenir clair de ce qui s’était passé. Elle ne savait même pas, au moment où elle a fait ses déclarations, qu’on reprochait une inconduite au membre visé, de sorte qu’il serait difficile de lui imputer un préjugé quelconque contre lui. Elle n’a pas fait de plainte contre lui et n’avait aucune doléance à son endroit. Elle a fait des déclarations franches et factuelles qui étaient cohérentes entre elles, et cohérentes avec les autres faits non contestés.

[27]  Par contre, une grande part du témoignage du membre visé m’a semblé servir ses intérêts et étirer les frontières de la crédibilité. Par exemple, les déclarations fournies par Mme M. qui expliquait vouloir se débarrasser de l’arme à feu étaient directes et dénuées d’émotions. Elle a dit clairement qu’elle voulait se débarrasser de l’arme à feu, qu’elle ne savait rien à son sujet, et qu’elle n’avait cure du sort qui lui était réservé. Elle se rappelait très bien de son interaction avec le membre visé, qu’il lui avait parlé de certains détails de sa vie personnelle, qu’il nous a aussi révélés dans son témoignage. Elle a dit aussi qu’il semblait fasciné par l’arme de poing et qu’il l’avait démontée devant elle et lui avait expliqué comment elle fonctionnait.

[28]  Pourtant, le membre visé a dit que Mme M. ne voulait pas que l’arme à feu soit détruite parce qu’elle était très importante pour elle et qu’il a été ému et a flanché devant son insistance qu’il garde l’arme afin qu’elle ait un bon foyer. J’estime que le récit de Mme M. est beaucoup plus plausible et je ne crois pas la version du membre visé de leur conversation là où les versions ne concordent pas.

[29]  Le membre visé a aussi dit qu’il ne lui avait pas semblé pertinent de mentionner dans son rapport de police que la personne qui aurait le PPA voulu et à qui Mme M. avait choisi de confier l’arme à feu était en fait lui-même. Il dit encore que ce n’est pas à titre de policier de la GRC qu’il a pris possession de l’arme à feu, mais par l’effet d’une transaction entre citoyens. J’aurais peine à croire qu’une recrue puisse avoir une telle réflexion, cela m’est encore plus difficile venant d’un policier qui compte dix années de service.

[30]  Il ressort clairement de la preuve que Mme M. a appelé au détachement de la GRC pour profiter du programme provincial d’amnistie relatif aux armes à feu pour se débarrasser d’une arme à feu qu’elle ne voulait plus. Il ressort tout aussi clairement de la preuve que lorsque le membre visé s’est présenté à la résidence de Mme M. le 14 octobre 2016, c’était en réponse à son appel de service et non pour une transaction entre citoyens, comme ce serait le cas si quelqu’un donnait suite à une annonce vue dans Kijiji. Le membre visé était en uniforme, il était de service, il représentait la GRC et il était dans l’exercice de ses fonctions lorsqu’il est arrivé à la résidence, tout le temps qu’il a été à la résidence, et encore quand il a quitté la résidence. Mme M. lui a confié l’arme à feu parce qu’il était le membre de la GRC qui a répondu à son appel de service; s’il n’avait pas été le membre de la GRC qui répondait à son appel de service, Mme M. ne lui aurait pas confié l’arme à feu.

[31]  Maintenant que les faits sont établis, je vais me pencher sur les allégations, une à une.

Allégation 1

[32]  L’allégation 1 porte en essence que le membre visé a commis le vol de l’arme à feu que Mme M. avait demandé au détachement de la GRC de venir chercher à sa résidence conformément au programme provincial d’amnistie relative aux armes à feu en vigueur à ce moment-là. Au moment où les présentes procédures ont été intentées par l’autorité disciplinaire le 6 septembre 2017, le membre visé était accusé de vol en contravention du Code criminel pour avoir pris l’arme à feu de Mme M. et l’avoir gardée pour lui. De fait, le paragraphe 4 de l’énoncé détaillé allègue le vol prévu à l’alinéa 334b) du Code criminel. Étant donné la nature très précise de l’allégation, j’estime que, pour établir l’allégation, il faut trouver établis tous les éléments du vol. Toutefois, après que les présentes procédures ont été entreprises, l’accusation de vol a été suspendue. Il n’y a donc pas de condamnation criminelle sur laquelle compter.

[33]  L’article 322 du Code criminel définit l’infraction qu’est le vol. L’un des éléments de cette infraction est que le bien est pris à son propriétaire frauduleusement et sans apparence de droit. En l’occurrence, Mme M. a dit clairement dans ses déclarations aux enquêteurs que si le membre visé voulait l’arme à feu, il pouvait l’avoir, qu’elle serait heureuse qu’il l’ait et qu’elle l’avait volontairement laissé quitter avec l’arme à feu, avec sa bénédiction. Les circonstances appellent plus justement une conclusion d’escroquerie, mais l’allégation ne traite pas d’escroquerie.

[34]  Je comprends l’argument de la représentante de l’autorité disciplinaire qui fait valoir que le membre visé a volé l’arme à feu à la GRC, puisqu’il en a pris possession dans l’exercice de ses fonctions et en sa qualité d’agent de la GRC. Cependant, étant donné les déclarations très claires de Mme M. qui était ouverte à ce que le membre visé garde l’arme à feu, la possession de l’arme à feu n’a jamais été transférée à la GRC. Par conséquent, la GRC n’en a jamais été dépouillée. De même, ce qu’on dit du vol et de la fraude dans le Guide des mesures disciplinaires ne se veut pas une définition de ce qui constitue un vol ou une fraude, il s’agit d’une indication de ce qu’on inclut dans cette catégorie d’affaires aux fins de la détermination de la mesure disciplinaire indiquée.

[35]  Je conclus que l’autorité disciplinaire n’a pas prouvé que le membre visé a commis un vol selon la prépondérance des probabilités. Puisque le paragraphe 4 de l’énoncé détaillé est le seul qui puisse étayer une conclusion de conduite déshonorante, je conclus que l’allégation 1 n’est pas établie.

Allégation 2

[36]  La deuxième allégation en est aussi une de conduite déshonorante. Pour tirer une telle conclusion, je dois d’abord conclure que c’est bien le membre visé qui a commis l’acte en question. Il y a eu aveu à cet égard. La deuxième étape m’oblige à déterminer si les faits tels qu’allégués se sont vraiment produits selon la prépondérance des probabilités, en application de l’arrêt McDougall. Le membre visé nie quatre des six éléments de l’énoncé détaillé, offrant une autre interprétation de la preuve et des faits tels que je les ai trouvés établis. Cependant, pour les raisons déjà évoquées, je conclus que chacun des éléments de l’énoncé détaillé est établi, à l’exception du paragraphe 5. Je ne peux pas conclure que l’autorité disciplinaire a prouvé un abus de confiance criminel, comme il est allégué au paragraphe 5. Ici encore, nous sommes devant une accusation qui a été abandonnée au terme d’une négociation de plaidoyer, de sorte qu’il n’y a pas de condamnation criminelle sur laquelle compter.

[37]  Par conséquent, je dois examiner les éléments de l’abus de confiance prévu à l’article 122 du Code criminel afin de déterminer si l’autorité disciplinaire les a prouvés. Cette infraction requiert une conclusion que le membre visé a agi avec l’intention d’utiliser ses fonctions publiques à des fins autres que le bien public, par exemple dans un but malhonnête, partial, corrompu ou oppressif. J’hésite à tirer une telle conclusion en l’absence d’une preuve de ses intentions dès le début de son interaction avec Mme M. Il me semble plus probable que le fait que le membre visé ait gardé pour lui l’arme à feu est plutôt le résultat de l’évolution de la situation.

[38]  Toutefois, cette conclusion à l’égard du paragraphe 5 de l’énoncé détaillé ne permet pas au membre visé de se soustraire à sa responsabilité relativement à cette allégation, parce que tous les autres éléments de l’énoncé détaillé suffisent à établir l’allégation de conduite déshonorante. L’autorité disciplinaire n’a pas à établir chacun des éléments de l’énoncé détaillé, juste assez de ces éléments trouvés établis suffisent à satisfaire le critère. La conduite déshonorante se mesure à ce qu’une personne raisonnable ayant connaissance de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et celles du travail à la GRC en particulier, verrait dans ce comportement. Le critère est satisfait lorsque cette personne raisonnable verrait les actes du membre visé comme susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. À mon avis, ils le sont. Une personne raisonnable estimerait que le membre visé qui se servirait de son poste de membre de la GRC pour obtenir l’arme à feu de Mme M. est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Par conséquent, je conclus que l’allégation 2 est établie.

Allégation 3

[39]  L’allégation 3 concerne un abus d’autorité commis en contravention de l’article 3.2 du code de déontologie. Il est allégué que le membre visé a abusé de l’autorité et des pouvoirs que lui confèrent ses fonctions de membre de la GRC pour prendre illégalement possession de l’arme à feu de Mme M. pour son profit personnel.

[40]  L’article 3.2 du code de déontologie exige que les « membres agissent avec intégrité, équité et impartialité sans abuser de leur autorité, de leur pouvoir ou de leur position ou les compromettre ». Comme je l’ai mentionné dans mes conclusions de fait, je considère que le membre visé a abusé de son autorité en prenant possession de l’arme à feu à ses fins personnelles alors qu’il était de service et qu’il répondait à un appel de service en lien avec le programme provincial d’amnistie relatif aux armes à feu. Cette allégation repose essentiellement sur les mêmes faits que l’allégation 2 et pour les mêmes raisons déjà exprimées, je conclus que l’allégation a été établie. Il n’a pas été prouvé que le membre visé a « illégalement » pris possession de l’arme à feu parce qu’il n’a été trouvé coupable ni de vol, ni d’abus de confiance criminel. Cependant, il n’est pas nécessaire à mon avis qu’il ait obtenu illégalement la possession de l’arme à feu pour que je puisse établir une conclusion qu’il a abusé de son autorité malgré tout, en prenant l’arme à feu pour son profit personnel.

Allégation 4

[41]  L’allégation 4, telle que modifiée, renvoie à la condamnation du membre visé pour possession d’une arme à feu prohibée sans certificat d’enregistrement, infraction prévue à l’alinéa 91(1)b) du Code criminel. Il y a eu aveu à cet égard et la seule question qui subsiste est de savoir si cette condamnation constitue un comportement susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie. Le critère à appliquer est le même que celui exposé pour l’allégation 2 et je n’ai aucune hésitation à conclure qu’une personne raisonnable considérerait que la condamnation du membre visé pour possession d’une arme à feu prohibée sans certificat d’enregistrement valide est une conduite susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Par conséquent, l’allégation est établie.

Allégation 5

[42]  L’allégation 5 concerne l’omission par le membre visé de rendre compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions et du déroulement d’enquêtes, en contravention de l’article 8.1 du code de déontologie. Les éléments de l’énoncé détaillé que conteste le membre visé sont qu’il a sciemment saisi des renseignements faux et trompeurs dans le résumé du dossier PRIME, à savoir qu’il a prétendu que Mme M. avait conservé l’arme à feu et qu’il n’avait pas saisi l’arme à feu.

[43]  L’interprétation naturelle et raisonnable du résumé fait par le membre visé dans le système PRIME est qu’il n’a pas pris l’arme à feu de Mme M., mais qu’il la lui a laissée afin qu’elle la donne à quelqu’un qui posséderait un PPA valide. C’est ainsi que le sergent N. a lu le rapport lorsqu’il a examiné le dossier le 17 octobre 2016. Malgré les protestations du membre visé, c’est la conclusion que n’importe quel policier raisonnable tirerait de la lecture du rapport. Son compte rendu dans le rapport est non seulement incomplet, comme il l’a admis dans son témoignage, mais aussi trompeur, inexact et destiné à dissimuler le fait qu’il a pris l’arme à feu de Mme M. et qu’il l’a conservée. Je conclus que chacun des éléments de l’énoncé détaillé de l’allégation 5 est établi et que l’allégation en tant que telle est établie.

Allégation 6

[44]  L’énoncé détaillé de l’allégation 6 est essentiellement le même que celui de l’allégation 5, auquel s’ajoute le fait que le membre visé a omis de documenter la saisie de l’arme à feu en faisant signer à Mme M. une renonciation à un droit ou en lui remettant un reçu ou une pièce documentaire quelconque. L’allégation concerne la contravention à l’article 4.4 du code de déontologie, le membre visé ayant dissimulé et omis de rendre compte dûment de biens qui lui avaient été confiés dans l’exercice de ses fonctions. Le membre visé ne conteste que le paragraphe 4 de l’énoncé détaillé, selon lequel il a rédigé un résumé faux et trompeur dans son rapport de police. J’ai déjà conclu que le résumé dans le rapport de police était inexact et trompeur. Je n’ai aucune hésitation à conclure qu’il était aussi faux et trompeur. Par conséquent, je conclus que l’énoncé détaillé et que l’allégation dans son ensemble sont établis.

Allégations 7 et 8

[45]  Les allégations 7 et 8 concernent un incident semblable qui s’est produit le 26 août 2015 à Cranbrook, en Colombie-Britannique. Ce jour-là, Mme J. a appelé au Détachement de Cranbrook afin de disposer de ce qui, selon l’autorité disciplinaire, aurait été une arme de poing ayant appartenu à son père décédé. Le membre visé travaillait ce jour-là et a été envoyé en réponse à l’appel de service. Il s’est présenté à la résidence de Mme J. et a examiné l’arme de poing. L’autorité disciplinaire prétend que, lorsqu’il a quitté la résidence, il a pris l’arme de poing avec lui, qu’il l’a gardée en sa possession, et ce faisant qu’il a commis un vol, qui constitue une conduite déshonorante. Le membre visé reconnaît avoir pris en charge l’appel de service et avoir examiné l’article, mais il prétend qu’il ne s’agissait que d’une vieille carcasse rouillée de ce qui avait dû être une arme de poing à un moment donné. Il insiste aussi pour dire qu’il a laissé l’article à Mme J. et qu’il ne l’a pas pris avec lui quand il est parti.

[46]  Après avoir lu les déclarations et entendu les témoignages de Mme J. et de sa soeur, ainsi que du membre visé, je conclus que l’article était, de fait, la carcasse rouillée de ce qui avait été déjà une arme de poing et qu’on n’aurait pas pu la considérer comme une arme de poing ou une arme à feu fonctionnelle le 26 août 2015.

[47]  Toutefois, je conclus que le membre visé a bel et bien pris l’article avec lui lorsqu’il a quitté la résidence de Mme J. Les deux femmes étaient catégoriques dans leurs déclarations et catégoriques dans leurs témoignages que le membre visé avait quitté la résidence en tenant l’article dans ses mains. En appliquant le même critère que j’ai déjà exposé pour évaluer la crédibilité, je préfère le témoignage clair et convainquant des soeurs à celui du membre visé. Ni l’une ni l’autre n’avait quoi que ce soit à gagner et ni l’une ni l’autre n’a été ébranlée en contre-interrogatoire. Leurs souvenirs étaient nets et solides à la barre des témoins. Étant donné que le membre visé a beaucoup à perdre et que j’hésite à reconnaître comme factuels des grands pans de son témoignage, le témoignage des soeurs est préféré et il m’amène à conclure que le membre visé a pris l’article avec lui quand il a quitté la résidence.

[48]  Cette conclusion ne règle pas pour autant les allégations. La façon dont l’énoncé détaillé est rédigé me fait craindre qu’il puisse être possible de conclure que les allégations sont établies sans que j’aie eu à conclure que l’article était de fait une arme de poing. Quoi qu’il en soit, l’élément le plus grave de ces allégations est qu’encore une fois, le membre visé a pris l’article avec le consentement de Mme J. Celle-ci voulait se débarrasser de l’article, elle a appelé la police pour qu’elle vienne le chercher. Elle a volontiers remis l’article au membre visé. Par ailleurs, la preuve présente des lacunes, par exemple à savoir ce qu’il devait faire précisément avec l’article après en avoir pris possession et ce qu’il en a fait, justement. Pour toutes ces raisons, je ne peux pas conclure que le membre visé a commis un vol à l’égard de l’arme de poing. Puisque l’autorité disciplinaire n’a pas réussi à établir les fondements des allégations de conduite déshonorante, il n’est pas nécessaire de pousser plus loin cette analyse.

[49]  L’allégation 8 concerne le rapport rédigé par le membre visé sur ce qui s’est passé le 26 août 2015. L’allégation est que le membre visé a omis de rendre compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités, en contravention de l’article 8.1 du code de déontologie. Personne ne remet en question que, après s’être présenté à la résidence de Mme J. ce jour-là, il a rédigé un résumé dans son rapport de police qui disait ceci [TRADUCTION] :

[Le membre visé] s’est présenté et [Mme J.] lui a remis la carcasse rouillée d’un vieux revolver, qui pourrait en fait être un vieux jouet du début du 20e siècle. La carcasse ne présentait aucun numéro de série. [Le membre visé] a dit à [Mme J.] que l’article qu’elle avait n’était pas une arme de poing et qu’elle pouvait en disposer comme bon lui semblait. Aucune autre visite ni action. Dossier clos.

[50]  Sauf pour l’exactitude de la description de l’article qu’a pris le membre visé, c’est le paragraphe 4 de l’énoncé détaillé de l’allégation 8 qui est contesté. On y dit que le membre visé a sciemment saisi des renseignements faux et trompeurs dans le résumé et on les détaille ainsi [TRADUCTION] :

  1. Que vous n’aviez rencontré que [Mme J.], et que sa soeur [nom caviardé] n’était pas présente;
  2. Que l’arme de poing était un jouet;
  3. Que vous n’aviez pas saisi l’arme de poing;
  4. Que vous aviez laissé à [Mme J.] le soin de détruire ou de disposer de l’arme de poing.

[51]  Par conséquent, le paragraphe 5 de l’énoncé détaillé allègue que le membre visé a omis de documenter avec exactitude dans le dossier les mesures prises par lui relativement à la saisie de l’arme de poing. Le membre visé nie que l’article ait été une arme de poing et nie l’avoir saisi. Il conteste aussi qu’il soit faux ou trompeur de ne pas mentionner la présence de la soeur de Mme J. lorsqu’il a échangé avec Mme J.

[52]  Je vais aborder les éléments dans l’ordre où ils ont été soulevés dans l’énoncé détaillé. Premièrement, le résumé ne me semble pas dire que le membre visé n’a rencontré que Mme J., que sa soeur n’était pas présente. Mme J. a placé l’appel de service et demandé que l’article soit recueilli. Il semble raisonnable que le membre visé inclue son nom dans le résumé puisqu’il a fait affaire avec elle. Rien dans le rapport ne dit qu’il n’y avait personne d’autre. Et qu’il y ait eu ou non quelqu’un d’autre n’est pas particulièrement pertinent, d’ailleurs.

[53]  Deuxièmement, le résumé ne dit pas que l’arme de poing était un jouet. Il dit que l’article était la carcasse rouillée d’un vieux revolver qui aurait pu être un jouet. Lue en contexte, cette description ne m’apparait ni fausse ni trompeuse. Aucune preuve n’a été produite de ce que la vieille carcasse rouillée ait jamais été une arme à feu fonctionnelle et la description qu’en a donnée le membre visé semble raisonnable en l’absence d’une telle preuve.

[54]  Là où je ne rejoins plus le membre visé dans ses arguments, c’est en rapport avec l’exactitude des déclarations trois et quatre. Étant donné la clarté des témoignages des soeurs et ma conclusion qu’il a quitté avec l’article en main, cet aspect du résumé est nettement faux et trompeur. Que l’article ait ou non été une arme de poing n’est pas important dans le contexte du rapport qu’il a rédigé de ce qu’il en a fait. Le membre visé avait l’obligation de rendre compte avec exactitude de ce qui s’était passé quand il est intervenu pour cet appel de service. Il a pris l’article avec lui quand il a quitté et ce fait est complètement à l’opposé de ce que dit son rapport PRIME. Le rapport qu’il a saisi dans le système PRIME était clairement inexact et la contravention à l’article 8.1 du code de déontologie est établie.

Allégation 9

[55]  L’allégation 9 traite d’activités qui se sont déroulées entre le 10 août 2015 et le 4 février 2016, en lien avec la participation du membre visé à une intervention suite à une introduction par effraction. L’autorité disciplinaire allègue que le membre visé a omis de rendre compte dûment de biens qui lui ont été confiés, en contravention de l’article 4.4 du code de déontologie.

[56]  L’allégation et son énoncé détaillé sont quelque peu confus, mais ils traitent essentiellement de deux circonstances distinctes. Premièrement, l’omission par le membre visé de rendre compte d’un bidon à essence découvert sur les lieux de l’introduction par effraction et de documenter ce qu’il en a fait après qu’il lui a été remis par le caporal M., le membre de l’Identité judiciaire dépêché sur les lieux du crime. Le membre visé prétend qu’il n’avait pas à en rendre compte, parce qu’il l’a remis à l’un des employés du concessionnaire où l’introduction par effraction s’est produite. Il a agi ainsi parce qu’un des employés lui a dit que le bidon provenait du conteneur où étaient entreposés les outils pour l’entretien paysager. La seule preuve produite par l’autorité disciplinaire à cet égard est la déclaration du propriétaire-gérant du concessionnaire qui disait qu’aucun de ses employés n’avait reçu le bidon. Je comprends qu’une audience disciplinaire de la GRC n’est pas un procès criminel et qu’on n’y applique pas les mêmes règles de preuve strictes. Toutefois, j’hésite à accorder beaucoup de poids à un ouï-dire. Je dirai seulement que si le membre visé avait remis le bidon à l’un des employés du concessionnaire, il aurait dû en rendre compte dans le rapport et il ne l’a pas fait.

[57]  Le deuxième élément de cette allégation est que le membre visé a omis de rendre compte dûment des outils qui lui ont été rendus par le caporal M. après qu’il en a fait l’examen judiciaire. Précisément, il semble que le membre visé ait inscrit les outils et d’autres articles qui lui ont été remis par le caporal M. comme une unique pièce à conviction, plutôt que d’en dresser la liste un à un. S’il peut s’agir d’une critique valide, il restait possible de consulter la liste complète et détaillée de ces pièces à conviction dressée par le caporal M. À mon avis, il s’agit de lacunes dans la tenue de dossier qui constituent assurément un problème de rendement; mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’une inconduite qui justifierait d’invoquer une contravention à l’article 4.4 du code de déontologie. Par conséquent, je conclus que cette allégation n’est pas établie.

MESURES DISCIPLINAIRES

[58]  L’avis d’audience disciplinaire dans cette affaire comportait neuf allégations. Après avoir tenu compte du rapport d’enquête, des témoignages que j’ai entendus et des argumentations des parties, j’ai conclu que les allégations 2, 3, 4, 5, 6 et 8 étaient établies. Avec l’accord des parties, j’ai suspendu l’allégation 3 conditionnellement, en application du principe Kienapple. Par conséquent, pour la partie de l’audience consacrée aux mesures disciplinaires, je tiendrai compte de cinq conclusions d’inconduite. Les allégations 2 et 4 (pour conduite déshonorante), l’allégation 5 (pour défaut d’avoir rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités) et l’allégation 6 (pour avoir dissimulé et omis de rendre compte dûment de biens qui lui avaient été confiés dans l’exercice de ses fonctions) se rapportent toutes aux événements qui se sont produits le 14 octobre 2016. L’allégation 8 (pour défaut d’avoir rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités) traite d’événements semblables qui se sont déroulés plus d’un an plus tôt, le 26 août 2015, à Cranbrook.

[59]  Ayant établi les contraventions au code de déontologie, j’ai l’obligation légale d’imposer des mesures disciplinaires proportionnelles à la nature et aux circonstances des contraventions. L’autorité disciplinaire demande que le membre visé soit forcé à démissionner, alors que le membre visé fait valoir qu’il accepterait toute peine qui lui permettrait de conserver son emploi.

[60]  Pour déterminer la peine qui convient, je dois d’abord examiner la gamme des mesures appropriées, puis prendre en compte les facteurs aggravants et les facteurs atténuants présents dans l’affaire. Je ne suis pas lié par les décisions d’autres comités de déontologie, mais les décisions déjà rendues dans des affaires de nature semblable peuvent aider à établir la gamme des mesures applicables. Le principe de la parité des peines vise à assurer l’équité, de sorte que des formes semblables d’inconduite sont traitées de la même façon. Cela injecte une dose de prévisibilité aux affaires disciplinaires. Par ailleurs, le Guide des mesures disciplinaires propose une orientation et des enjeux à prendre en considération lors de l’imposition des mesures disciplinaires. Toutefois, il s’agit de lignes directrices qui ne sont pas exécutoires.

[61]  Étant donné la nature des allégations et la similarité des deux incidents différents relatés dans ces allégations, j’estime indiqué d’imposer des mesures disciplinaires globales.

[62]  Les contraventions au code de déontologie établies sont très graves et, à mon avis, peuvent être considérées comme relevant de la malhonnêteté et de la tromperie. Ayant pris en compte les affaires soumises par les deux parties, quand il est question d’une inconduite qui fait intervenir ces facteurs, la gamme des peines est relativement étroite, allant de la confiscation de la solde pour une période assez longue au congédiement. Le principe de la parité des peines fait entrer en jeu le congédiement comme peine potentielle lorsqu’il y a eu recherche ou obtention d’un avantage personnel, en l’absence de facteurs atténuants d’importance. C’est ce qui ressort des affaires Cormier, une décision de l’arbitre de niveau II dans l’affaire du Commandant de la Division J et le gendarme Cormier (20 novembre 2017), et Vellani, Commandant de la Division E et le gendarme Vellani, 2017 DARD 3.

[63]  Pour ce qui est des facteurs atténuants, j’accepte que le membre visé n’a aucun antécédent disciplinaire et qu’il compte dix années de bons services à la Gendarmerie. Je reconnais que le membre visé a le soutien de sa famille, de ses amis et de certains collègues de la GRC qui souhaitent le voir rester à l’emploi de la Gendarmerie à titre de policier. Toutefois, je ne peux pas dire combien de ce soutien provient de gens qui connaissent bien la nature de son inconduite. Par ailleurs, certaines des personnes qui le soutiennent ne pouvaient pas croire que le membre visé aurait pu commettre l’inconduite alléguée. Pourtant, je viens de déterminer que la plupart de ce qui a été allégué a été établi, ce qui pourrait avoir ou non un effet sur le soutien que lui apportent ces gens.

[64]  Je reconnais que les droits garantis au membre visé par la Charte ont été violés à un moment donné de l’enquête. Cependant, j’estime que la réparation qui convient pour cette violation a été accordée et, étant donné l’incidence finale relativement mineure que la violation a eue, je ne suis pas enclin à en tenir compte comme d’un facteur atténuant justifiant une mesure disciplinaire plus douce.

[65]  Le membre visé est venu à la barre et, avec émotion, a présenté des excuses à moi, à titre de comité de déontologie, et aux autres, ce qui montre du remords pour ce qu’il a fait. J’estime qu’il s’agit là d’un facteur atténuant valide. Toutefois, j’ai vu qu’en présentant ses excuses, il ne saisissait pas exactement de quoi il s’excusait. À ses yeux, ses rapports faux et trompeurs ou incomplets et inexacts sont le fruit de la paresse plutôt que la tromperie que j’y vois pourtant. Pour cette raison, je ne peux pas lui accorder les pleins crédits pour ses excuses ou ses remords.

[66]  Je dois aussi accorder un poids limité aux conséquences naturelles de son inconduite à titre de facteur atténuant. Le membre visé a consacré le gros du temps passé à la barre pendant la phase de l’audience consacrée aux mesures disciplinaires à détailler les difficultés financières que lui et sa famille ont subies et le tourment émotionnel qu’il vit en raison des procédures disciplinaires et criminelles entreprises contre lui. Ce sont là les conséquences parfois fâcheuses d’actes posés et j’aurais préféré voir une forme quelconque d’appréciation ou de compréhension de l’effet néfaste que ses actions ont eu sur la réputation de la Gendarmerie. Son témoignage manquait aussi cruellement d’un signe indiquant qu’il a appris de ses erreurs et d’une assurance qu’une telle inconduite ne se reproduirait plus. En bref, j’ai eu la nette impression que le membre visé se considérait comme une victime plutôt que comme l’auteur d’une inconduite.

[67]  Il manque aussi parmi les facteurs atténuants une explication médicale quelconque pour les actions du membre visé, une explication présente dans bien des cas où un comportement semblable n’a pas entraîné le congédiement.

[68]  Ce sont là les facteurs atténuants retenus pour faire contrepoids à une inconduite très grave. Le membre visé s’est servi de son poste d’agent de la GRC pour obtenir un avantage pour lui-même et il a cherché à le cacher à ses supérieurs en rédigeant des rapports de police faux et trompeurs. Les policiers doivent rendre des comptes complets et exacts de leurs gestes régulièrement afin que le service de police puisse fonctionner efficacement. Si un policier ne peut pas compter sur l’exactitude des rapports d’un confrère dans l’exercice de ses fonctions, le service ne pourra pas fonctionner efficacement. Rien ne pourra compromettre l’efficacité d’un service de police aussi lourdement que de ne plus pouvoir compter sur la véracité des propos d’un policier.

[69]  Il y a des facteurs aggravants importants à prendre en considération dans cette affaire. D’abord, l’inconduite du membre visé est survenue dans des interactions avec des membres du public, ce qui peut entacher grandement la réputation de la GRC aux yeux de la population.

[70]  Deuxièmement, on ne peut pas parler d’une inconduite isolée. Il s’est servi de son statut d’agent de la GRC pour s’approprier l’arme de poing Luger de Mme M. et il a rédigé un rapport faux et trompeur au sujet de ce qu’il a fait. Une inconduite de cette nature qui survient une fois est grave. Et pourtant, il avait déjà pris la carcasse du vieux revolver de Mme J. et avait rédigé alors un rapport incomplet et inexact qui ne dit rien de ce qui s’est vraiment passé à cette occasion. Par conséquent, on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un manque de jugement survenu une fois, qui ne lui ressemble pas. Il est plutôt question d’un comportement qui se répète.

[71]  Troisièmement, par souci d’absolue clarté, étant donné le silence des allégations formulées contre lui à cet égard, je conclus qu’en rédigeant les rapports de police inexacts et trompeurs, le membre visé tentait de dissimuler son inconduite à ces deux occasions. À mon avis, cela constitue un important facteur aggravant, puisque non seulement il était prêt à commettre les actes nécessaires pour prendre possession de ces articles pour son profit personnel, mais il a fait des efforts pour ne pas en laisser de traces. Ce n’est que grâce à la diligence du sergent N. à s’acquitter de ses fonctions de chef de détachement que l’affaire a été mise au jour.

[72]  Quatrièmement, l’incident concernant le pistolet Luger a donné lieu à une condamnation criminelle et cette condamnation permet de souligner l’ironie de ce qui s’est passé ici. Le membre visé est le policier qui a répondu à un appel de service pour aider une dame âgée à se débarrasser d’une arme à feu. Tout cela se passe dans le contexte d’un programme provincial d’amnistie relative aux armes à feu qui visait à réduire le nombre d’armes à feu en circulation et le nombre de crimes commis à l’aide de ces armes à feu. Plutôt que de faire son travail et de suivre les procédures très claires et très simples expliquées dans le bulletin des Enquêtes criminelles, et en contravention directe de ce bulletin, le membre visé a pris pour lui une de ces armes à feu. Non seulement il n’a pas transmis l’arme à feu pour qu’elle soit détruite, comme le prévoyait le programme d’amnistie, mais il a été trouvé coupable de la posséder illégalement, ce qui a porté un coup évident à la réputation de la GRC aux yeux des tribunaux, des procureurs et de la population.

[73]  Enfin, en raison de sa condamnation criminelle et des contraventions établies contre lui au cours de notre audience, le membre visé aura désormais un dossier McNeil qui devra être communiqué proactivement à l’accusé dans tous les dossiers criminels dans lesquels il aurait enquêté. Le fardeau de ce dossier pèse non seulement sur lui, mais sur la Gendarmerie et sur les procureurs aussi. Étant donné la nature de son inconduite, sa crédibilité à titre de témoin pourrait être remise en question dans tous les dossiers auxquels il participerait à compter de maintenant. Cette réalité constitue aujourd’hui un potentiel fardeau administratif pour la Gendarmerie quand elle devra songer à son déploiement. Le membre visé a été embauché pour être policier et son expérience à ce jour est constituée de travail d’enquêteur aux services généraux. C’est ce qu’il souhaite continuer de faire. En dépit des lettres de soutien qu’ont rédigées des membres qui se disaient prêts à travailler avec lui dans l’avenir, la Gendarmerie ne devrait pas se trouver en situation de devoir accommoder une personne dont le témoignage dans de futurs procès pourrait être compromis par un dossier entaché de malhonnêteté et de tromperie.

[74]  Un principe bien établi veut que le congédiement soit envisagé seulement dans les cas les plus extrêmes et que l’imposition de mesures disciplinaires s’inscrive avant tout dans une optique de réhabilitation. Ce principe ressort de l’affaire Ennis v. The Canadian Imperial Bank of Commerce, (1986) BCJ 1742, dans laquelle la Cour envisageait les circonstances qui justifieraient le congédiement d’un employé [TRADUCTION] :

Il faut démontrer l’inconduite ou l’incompétence réelle. La conduite de l’employé et le trait de caractère qu’elle révèle doivent être de nature à miner ou à éroder considérablement la confiance que l’employeur est en droit de placer en ce dernier eu égard au contexte de leur relation particulière. Il faut que l’employé, par son comportement, montre son refus de respecter le contrat de travail ou l’un de ses éléments essentiels.

[75]  Je reconnais que, dans certains cas où l’on a constaté de la malhonnêteté et de la tromperie, la peine imposée a été moindre que le congédiement, à bon droit. Toutefois, les décisions que présente le membre visé au soutien de son argumentation pour obtenir une peine moindre montrent très clairement que le congédiement de la GRC est l’une des peines qu’on peut imposer à un membre qui manifeste de telles caractéristiques. Je crois que le congédiement n’a pas été imposé dans ces affaires parce que les comités de déontologie respectifs ont jugé les circonstances atténuantes suffisantes pour justifier une peine moins lourde ou que la proposition conjointe sur la peine appelait une peine moins lourde. Quoi qu’il en soit, il est clair que chaque cas doit être évalué au regard de ses circonstances propres.

[76]  Comme l’a noté le comité de déontologie dans la décision Vellani (à partir du paragraphe 55), bien que le potentiel de réhabilitation soit à prendre en considération, il n’élimine pas le droit de l’employeur de mettre un terme à l’emploi lorsque l’inconduite touche au coeur même de la relation employeur-employé. À mon avis, les actes du membre visé sont inconciliables avec les conditions de son service et incompatibles avec l’exécution régulière et fidèle de ses fonctions. Non seulement il s’est servi de son poste d’agent de la GRC pour prendre possession d’articles pour son profit personnel, il a aussi intentionnellement produit des rapports de police inexacts pour dissimuler ses actes. Sa conduite révèle une personne qui est malhonnête. Je n’ai pas confiance que ce trait de caractère puisse être réhabilité. Il s’est présenté à la barre et a témoigné pendant plusieurs heures dans la partie de l’audience consacrée aux mesures disciplinaires. Malheureusement, il n’a pas reconnu la portée réelle de son inconduite. Il n’est donc pas surprenant qu’il n’ait pas su me convaincre qu’il avait pris des mesures quelconques pour se réhabiliter.

[77]  Dans ces circonstances et étant donné le poste de responsabilité et de confiance qu’occupe le membre visé, celui de policier assermenté pour faire appliquer la loi, je ne peux tout simplement pas justifier de le garder comme membre de la Gendarmerie. Ce ne serait pas dans l’intérêt du public. Par conséquent, j’ordonne au membre visé de démissionner de la Gendarmerie dans un délai de quatorze jours, à défaut de quoi il sera congédié.

 

 

Le 16 novembre 2018

Gerald Annetts

Comité de déontologie

 

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