Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire contenait cinq allégations pesant contre le membre visé, la caporale Tammy Hollingsworth.
Parmi les trois premières allégations, deux touchaient l’article 3.2 du Code de déontologie, et une touchait l’article 4.2 du Code de déontologie. Ces enjeux ont été révélés à la suite d’un incident de violence conjugale impliquant un autre membre et son ex-conjointe et survenu le 20 juillet 2016.
Les allégations touchant l’article 3.2 du Code de déontologie indiquent que, jusqu’à ce que l’incident de violence conjugale survienne, la caporale Hollingsworth a abusé de sa position, de son pouvoir et de son autorité en tant que membre en agissant de connivence avec divers membres du public ainsi qu’avec son mari, l’inspecteur Sukhjit (Suki) Manj, pour chercher activement à obtenir des détails intimes sur la vie privée du gendarme Mark Freeman afin que son ex-épouse, une amie de la caporale Hollingsworth, puisse connaître les détails de l’ « amitié » de son mari avec une femme qui aurait été une employée municipale qui travaillait aussi au détachement de Lloydminster avec la caporale Hollingsworth et l’inspecteur Manj.
En ce qui a trait à l’allégation touchant l’article 4.2 du Code of conduite, on a soutenu qu’à la suite de l’incident de violence conjugale, la caporale Hollingsworth n’a pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et n’a pas assumé ses responsabilités, car elle n’a pas pris les mesures nécessaires pour que l’incident de violence conjugale fasse l’objet d’une enquête, en plus de nuire au traitement de l’affaire en incitant activement la victime de signaler l’incident. On a aussi soutenu que la caporale Hollingsworth n’a rien fait au sujet de la réelle peur de la victime que son ex-époux, un membre, se rende à son domicile à la suite de l’incident.
Les deux dernières allégations touchent l’article 8.1 du Code de déontologie. On a soutenu que la caporale Hollingsworth a fourni des renseignements faux et trompeurs dans deux « déclarations volontaires après mise en garde » faites aux enquêteurs au sujet de deux enquêtes distinctes. La première déclaration portait sur une enquête en matière de harcèlement menée sur le mari de la caporale Hollingsworth et la deuxième, sur le Code de déontologie.
À la suite d’une audience disciplinaire contestée, les membres du Comité de déontologie ont conclu qu’aucune des cinq allégations n’était fondée.

Contenu de la décision

Protégé A

2019 DARD 08

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Affaire intéressant une audience disciplinaire menée en application de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R-10

ENTRE :

Commandant de la Division E

(Autorité disciplinaire)

et

Caporale Tammy Hollingsworth, numéro de matricule 47205

(Membre visé)

Décision du comité de déontologie

Kevin L. Harrison

13 mai 2019

Sergent d’état-major Jonothan Hart, pour l’autorité disciplinaire

Mme Nicole Jedlinski, pour le membre visé


Table des matières

SOMMAIRE  5

INTRODUCTION  7

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES  8

Demande d’ajournement  8

Questions de procédure soulevées par le représentant de l’autorité disciplinaire  8

Préoccupations du Comité portant sur l’Avis d’audience disciplinaire  16

ÉLÉMENTS DE PREUVE ET CONCLUSIONS AU SUJET DES ALLÉGATIONS  18

Détermination des faits établis  18

Crédibilité des témoins  20

Les relations personnelles des acteurs principaux  21

Évaluation de la crédibilité de Mme D.R.  25

Évaluation de la crédibilité du gendarme Freeman  26

Évaluation de la crédibilité de la sergente Knelsen  29

Évaluation de la crédibilité de M. G.M. et de Mme D.M.  32

Évaluation de la crédibilité de Mme V.F.  34

Évaluation de la crédibilité de la caporale Hollingsworth  34

Évaluation de la crédibilité de l’inspecteur Manj  36

Évaluation de la crédibilité de M. D.R.  36

Évaluation de la crédibilité du sergent Morton  36

Évaluation de la crédibilité de la caporale Folk  37

Facteurs additionnels ayant une influence sur la crédibilité  38

Preuve et conclusions – Allégation no 1  38

N’a pas agi avec intégrité, équité et impartialité, et a compromis son autorité, son pouvoir et son poste, ou en a abusé.  40

Détail 3 – Cueillette délibérée de renseignements détaillés  48

Détail 4 – Complot avec Mme D.M. et M. G.M.  51

Détail 5 – Aucune raison opérationnelle de recueillir des renseignements sur le gendarme Freeman  54

Détail 5 – Communication de renseignements liés au travail à Mme V.F.  55

Détail 5 – Intrusion dans la vie privée de M. M.F. et de Mme D.R.  57

Détail 6 – Motif sous-jacent  60

Conclusion – Allégation 1  60

Preuve et conclusions – Allégation 2  60

Détail 5 – Élaboration d’un plan visant à ce que Mme V.F. rencontre Mme D.M.  62

Détail 5 – Altercation – Planification directe  64

Détail 8 – Inciter activement M. G.M. et Mme D.M. à déposer une plainte contre le gendarme Freeman  68

Conclusion – Allégation 2  68

Preuve et conclusions – Allégation 3  68

Critère pour la diligence dans l’exercice des fonctions  70

Conclusions sur l’allégation 3  86

Commentaires généraux – Allégations 4 et 5  86

Preuve et conclusions – Allégation 4  87

Allégation 4 – Sous détail 4 a)  91

Allégation 4 – Sous-détail 4 b)  92

Allégation 4 – Sous-détail 4 c)  95

Allégation 4 – Sous-détail 4 d)  98

Allégation 4 – Sous-détail 4 e)  99

Allégation 4 – Sous-détail 4 f)  100

Allégation 4 – Sous-détail 4 g)  101

Allégation 4 – Sous-détail 4 h)  102

Allégation 4 – Sous-détail 4 i)  103

Allégation 4 – Sous-détail 4 j)  103

Allégation 4 – Sous-détail 4 k)  104

Conclusion – Allégation 4  105

Preuve et conclusions – Allégation 5  105

Allégation 5 – Sous-détail 4 a)  107

Allégation 5 – Sous-détail 4 b)  108

Allégation 5 – Sous-détail 4 c)  109

Allégation 5 – Sous-détail 4 d)  111

Allégation 5 – Sous-détail 4 e)  111

Allégation 5 – Sous-détail 4 f)  112

Allégation 5 – Sous-détail 4 g)  114

Allégation 5 – Sous-détail 4 h)  115

Conclusion – Allégation 5  117

CONCLUSION  117

 

 

SOMMAIRE

L’avis d’audience disciplinaire contenait cinq allégations pesant contre le membre visé, la caporale Tammy Hollingsworth.

Parmi les trois premières allégations, deux touchaient l’article 3.2 du Code de déontologie, et une touchait l’article 4.2 du Code de déontologie. Ces enjeux ont été révélés à la suite d’un incident de violence conjugale impliquant un autre membre et son ex-conjointe et survenu le 20 juillet 2016.

Les allégations touchant l’article 3.2 du Code de déontologie indiquent que, jusqu’à ce que l’incident de violence conjugale survienne, la caporale Hollingsworth a abusé de sa position, de son pouvoir et de son autorité en tant que membre en agissant de connivence avec divers membres du public ainsi qu’avec son mari, l’inspecteur Sukhjit (Suki) Manj, pour chercher activement à obtenir des détails intimes sur la vie privée du gendarme Mark Freeman afin que son ex-épouse, une amie de la caporale Hollingsworth, puisse connaître les détails de l’ « amitié » de son mari avec une femme qui aurait été une employée municipale qui travaillait aussi au détachement de Lloydminster avec la caporale Hollingsworth et l’inspecteur Manj.

En ce qui a trait à l’allégation touchant l’article 4.2 du Code of conduite, on a soutenu qu’à la suite de l’incident de violence conjugale, la caporale Hollingsworth n’a pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et n’a pas assumé ses responsabilités, car elle n’a pas pris les mesures nécessaires pour que l’incident de violence conjugale fasse l’objet d’une enquête, en plus de nuire au traitement de l’affaire en incitant activement la victime de signaler l’incident. On a aussi soutenu que la caporale Hollingsworth n’a rien fait au sujet de la réelle peur de la victime que son ex-époux, un membre, se rende à son domicile à la suite de l’incident.

Les deux dernières allégations touchent l’article 8.1 du Code de déontologie. On a soutenu que la caporale Hollingsworth a fourni des renseignements faux et trompeurs dans deux « déclarations volontaires après mise en garde » faites aux enquêteurs au sujet de deux enquêtes distinctes. La première déclaration portait sur une enquête en matière de harcèlement menée sur le mari de la caporale Hollingsworth et la deuxième, sur le Code de déontologie.

À la suite d’une audience disciplinaire contestée, les membres du Comité de déontologie ont conclu qu’aucune des cinq allégations n’était fondée.


INTRODUCTION

[1]  Le 13 septembre 2017, le commandant divisionnaire et l’autorité disciplinaire de la Division E (l’autorité disciplinaire) a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire portant sur cette affaire. L’officier désigné a nommé les membres du Comité de déontologie le 20 septembre 2017.

[2]  Conformément à la Partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC], l’autorité disciplinaire a émis un Avis d’audience disciplinaire le 11 octobre 2017. Cet avis, qui contenait cinq allégations, a été délivré à la caporale Tammy Hollingsworth [1] [caporale Hollingsworth] le 23 octobre 2017.

[3]  Le Comité a émis un Avis indiquant le lieu, la date et l’heure d’une audience disciplinaire le 8 juin 2018. Une audience disciplinaire a eu lieu à Edmonton (Alberta) du 17 au 21 septembre 2018 inclusivement. Les témoins ont présenté leur témoignage oral lors de la phase de l’audience portant sur les allégations.

[4]  L’audience préliminaire a été ajournée le 30 octobre 2018, pour permettre aux parties de présenter leurs observations verbales pendant la phase portant sur les allégations. Les observations ont été faites par vidéoconférence.

[5]  Les membres du Comité ont aussi présenté leurs motifs de décision de vive voix, par téléconférence, le 14 novembre 2018. Ils ont conclu que les cinq allégations contenues dans l’Avis d’audience disciplinaire n’étaient pas fondées. Voici la version intégrale de la décision écrite du Comité, rédigée conformément au paragraphe 45(3) de la Loi sur la GRC.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Demande d’ajournement

[6]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a demandé l’ajournement de l’audience disciplinaire dès le début de celle-ci. La demande a été faite au nom de l’avocat de Mme D.R. Le Comité avait délivré une citation à comparaître qui oblige Mme D.R. à assister à l’audience disciplinaire. Elle a respecté la citation et était présente au début de l’audience.

[7]  La demande d’ajournement a été présentée, car Mme D.R. souhaitait témoigner lors de l’audience disciplinaire, mais son professionnel de la santé traitant était d’avis qu’elle était incapable de témoigner à ce moment, pour des raisons d’ordre médical. Le Comité a reçu une lettre du professionnel de la santé traitant de Mme D.R, et il a entendu les observations des parties. La lettre n’indiquait pas clairement quand Mme D.R. serait en mesure de témoigner.

[8]  En refusant la demande d’ajournement, j’ai indiqué que l’article 21 des Consignes du commissaire (Déontologie), DORS/2014-291 [CC (Déontologie)] prévoit qu’un comité de déontologie peut ajouter une audience, au besoin, pour une durée de 30 jours ou plus dans des circonstances exceptionnelles. J’ai ajouté qu’aux termes du paragraphe 23(1) des CC (Déontologie), si aucun témoignage n’est entendu, un comité de déontologie peut rendre une décision au sujet d’une allégation en se fondant uniquement sur le dossier. Celui-ci contenait deux déclarations de Mme D.R. En l’absence de témoignage de sa part, je pouvais me fier à ces deux déclarations.

Questions de procédure soulevées par le représentant de l’autorité disciplinaire

[9]  À de nombreuses reprises pendant les conférences préparatoires à l’audience et pendant cette dernière, le représentant de l’autorité disciplinaire a soulevé des préoccupations en ce qui a trait à des questions de procédure liées à sa capacité d’interroger divers témoins. Il croyait que sa capacité d’interroger des témoins était limitée par les procédures établies conformément au nouveau régime disciplinaire de la GRC et par les décisions connexes que j’ai prises.

[10]  Pendant l’audience disciplinaire, le représentant de l’autorité disciplinaire a formulé des commentaires au sujet de ma décision de ne pas recevoir les déclarations fournies par l’inspecteur Sukhjit (Suki) Manj [2] [inspecteur Manj], faites dans le cadre d’autres dossiers liés au code de déontologie, dans le cadre des présentes procédures. Le représentant de l’autorité disciplinaire croyait aussi que cette décision réduisait sa capacité d’interroger l’inspecteur Manj de façon appropriée pendant l’audience disciplinaire. J’ai répondu à ces préoccupations, dans une certaine mesure, pendant l’audience disciplinaire [3] .

[11]  Pendant les conférences préparatoires à l’audience, le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué que, selon lui, l’inspecteur Manj devait comparaître devant le Comité pour livrer un témoignage de vive voix. Le représentant du membre et moi étions d’accord. L’inspecteur Manj a fait deux déclarations au sujet des questions de déontologie qui le touchent personnellement, mais il n’a fait aucune déclaration portant précisément sur cette enquête portant sur le Code de déontologie ou sur toute autre enquête portant sur la caporale Hollingsworth. J’ai abordé l’absence de déclaration de la part de l’inspecteur Manj dans une directive émise le 7 juin 2018. Cette dernière demandait à l’inspecteur Manj de répondre à sept questions précises préparées par le Comité, en consultation avec les parties. L’avocat de l’inspecteur Manj a réponse à ma Directive le 6 septembre 2018.

[12]  Les préoccupations du représentant de l’autorité disciplinaire au sujet de sa capacité d’interroger des témoins lors de l’audience disciplinaire ne touchaient pas uniquement l’inspecteur Manj, mais aussi d’autres témoins qui avaient fait des déclarations pendant les diverses enquêtes. Je crois que ces préoccupations additionnelles doivent faire l’objet d’autres observations.

[13]  Certains concepts de base liés au régime de déontologie actuel de la GRC constituent le fondement de cette discussion. Ces principes sont présentés à la Partie 2 (article 2) du Guide du Comité de déontologie. Voici les paragraphes pertinents :

2.2 Les réformes adoptées dans le cadre de l’Initiative de réforme législative (IRL) étaient expressément fondées sur certains principes provenant de larges consensus et d’une compréhension parmi les intervenants : les procédures disciplinaires, dont des audiences devant un comité disciplinaire, doivent être menées rapidement et ne pas être trop formelles, juridiques ou antagonistes.

2.3 Les procédures menées devant un comité disciplinaire ne doivent donc pas être interprétées ou comprises comme nécessitant des pratiques et des procédures très formelles et juridiques semblables à un processus formel ressemblant à un tribunal. On les abordera plutôt de façon aussi informelle et aussi rapidement que les circonstances et les facteurs liés à l’équité le permettront.

2.4 Généralement, l’audience disciplinaire se déroulera comme une réunion disciplinaire, sauf qu’une audience disciplinaire a certains pouvoirs d’exiger la production de preuves et de donner des directives, au besoin, puisqu’elle traite d’une affaire de congédiement. Une audience disciplinaire est de nature administrative et elle doit être menée par le comité disciplinaire (et non par les parties). Elle a le pouvoir discrétionnaire de mener son propre processus et de donner des directives.

2.5 Pour appuyer cette approche, les anciens droits des parties d’avoir l’occasion de présenter des éléments de preuve, de mener un contre- interrogatoire et de faire des observations lors d’une audience ont été expressément supprimés de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

2.6 En outre, un comité disciplinaire comptera expressément sur un rapport d’enquête et des documents de soutien pour formuler des conclusions et pour prendre une décision. À la seule discrétion du comité disciplinaire, un témoin ne devra généralement témoigner que lorsque le comité d’audience croit qu’il existe un conflit grave ou important et non résolu parmi les éléments de preuve et que le témoignage serait pertinent et nécessaire pour résoudre le conflit.

[14]  À la lumière de ce qui précède, il est évident qu’une fois que les membres d’un comité de déontologie ont été nommés, ce comité dirige le processus [4] . Cependant, c’est l’autorité disciplinaire qui dirige le processus avant que les membres du comité ne soient nommés, dès la réception d’une plainte ou d’autres renseignements portant sur la conduite d’un membre. L’autorité disciplinaire prend même la décision d’initier une audience disciplinaire.

[15]  Le processus débute lorsqu’une autorité disciplinaire reçoit des renseignements selon lesquels un membre aurait commis une infraction au code de déontologie. L’autorité disciplinaire évalue les renseignements afin de déterminer s’il semble que le membre ait contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie. Si c’est le cas, l’autorité disciplinaire ordonne la tenue d’une enquête sur cette infraction, aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC. Quelqu’un d’autre peut mener l’enquêter, mais l’autorité disciplinaire a le pouvoir discrétionnaire de « tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention [5] ». Une autorisation judiciaire est nécessaire pour certaines mesures d’enquête, il est évident que l’autorité disciplinaire exerce un contrôle intégral sur le processus d’enquête. Elle a, entre autres, la capacité de forcer un membre à répondre à des questions [6] . Un appui supplémentaire à cette position est donné au paragraphe XII.1.6.8.1.6 du Manuel d’administration, dont le libellé est le suivant :

L’autorité disciplinaire qui ouvre une enquête est responsable de l’administration et de la gestion de celle-ci et doit veiller à ce qu’elle soit conclue dans les délais prévus dans la lettre de mandat pour mener une enquête déontologique.

[16]  À la conclusion d’une enquête portant sur le code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit, conformément au paragraphe XII.1.6.8.1.9 du Manuel d’administration, examiner dès que possible le rapport d’enquête et tout document pertinent. S’il devient nécessaire d’obtenir d’autres renseignements, l’autorité disciplinaire a le pouvoir de demander une enquête supplémentaire. Elle doit le faire par écrit, et le membre visé doit en être informé.

[17]  Lorsque l’autorité disciplinaire est convaincue que le rapport d’enquête et l’enquête supplémentaire lui ont permis de recueillir suffisamment de renseignements, elle doit décider s’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour appuyer une conclusion prima facie selon laquelle la conduite du membre visé représente une contravention au code de déontologie et, dans l’affirmative, « tenir compte de la gravité de l’infraction et des circonstances entourant celle-ci », déterminer si les mesures disciplinaires qui sont à sa disposition sont suffisantes pour remédier à la contravention.

[18]  Si l’autorité disciplinaire détermine que les preuves contre un membre sont suffisantes à première vue et que les mesures disciplinaires à sa disposition ne sont pas suffisantes pour remédier à la contravention, l’affaire est renvoyée à un échelon supérieur de la chaîne d’autorité pour permettre l’adoption des mesures disciplinaires appropriées. Si l’on détermine que la gravité de la contravention et les circonstances entourant celles-ci sont suffisantes pour justifier le congédiement du membre, l’autorité disciplinaire doit convoquer une audience disciplinaire dès que possible [7] .

[19]  Si l’autorité disciplinaire décide de convoquer une audience disciplinaire, le rapport d’enquête et les documents connexes sont remis à la Direction des représentants des autorités disciplinaires aux fins d’examen et pour permettre la préparation de l’Avis d’audience disciplinaire conformément à la politique [8] .

[20]  Selon le paragraphe 5.1 du Guide du comité de déontologie, un représentant de l’autorité disciplinaire est nommé pour représenter cette dernière lors de l’audience disciplinaire. À ce titre, le représentant de l’autorité disciplinaire cherchera activement à régler une affaire relative à la conduite le plus rapidement possible. Dans l’exercice de ses fonctions, le paragraphe 5.2 du Guide du comité de déontologie prévoit également que le : « Le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) doit veiller à ce que justice soit rendue, et ne pas surtout chercher à obtenir une conclusion selon laquelle une infraction au Code de déontologie a été commise [9] Libellé du paragraphe XII-1-22 1 n) du Manuel d’administration : « lorsqu’ agit en tant que représentant de l’autorité disciplinaire, ne pas surtout chercher à obtenir une conclusion selon laquelle une infraction au Code de déontologie a été commise, mais veiller à ce que justice soit rendue; […] »

[21]  Dans le contexte criminel, certaines administrations canadiennes ont une politique appelée « vérification préalable aux accusations ». Dans le cadre de ce processus, les résultats de l’enquête menée au criminel sont présentés à un procureur, qui les examine et détermine si des accusations doivent être portées au criminel et, le cas échéant, la nature de ces accusations. Le test appliqué par le procureur consiste à déterminer s’il existe une possibilité raisonnable d’obtenir une condamnation. Dans ces administrations, la police ne peut pas porter des accusations au criminel sans qu’un procureur ne l’autorise à le faire.

[22]  Dans le processus en déontologie de la GRC, la présentation du rapport d’enquête et des documents connexes à la Direction des représentants des autorités disciplinaires aux fins d’examen présente certaines ressemblances avec le processus préalable au dépôt d’accusations au criminel. Il y a aussi d’importantes différences, notamment :

  • Le procureur remplit ses fonctions en respectant les règles d’un processus pénal dans lequel un représentant de l’autorité disciplinaire est régi par les règles d’un processus administratif.
  • Le procureur prend les décisions finales. Aucune accusation ne peut être déposée au criminel sans son approbation. Le représentant de l’autorité disciplinaire agit en tant que conseiller. L’autorité disciplinaire a le dernier mot pour ce qui est de la mise sur pied d’un comité de déontologie et du contenu de l’Avis d’audience disciplinaire.
  • Le test utilisé par le procureur vise à déterminer s’il existe une probabilité raisonnable d’obtenir une condamnation par rapport à la norme de l’absence de tout doute raisonnable. Il s’agit d’une norme beaucoup plus élevée que celle qu’une autorité disciplinaire doit respecter. Le test utilisé par l’autorité disciplinaire, lors de la prise d’une décision relative à la mise sur pied d’un comité de déontologie, vise à déterminer si les preuves contre un membre sont suffisantes à première vue pour que le comité de déontologie prenne une décision selon la prépondérance des probabilités.

[23]  La plus importante caractéristique commune est que le procureur, en tant que décideur final, et le représentant de l’autorité disciplinaire, à titre de conseiller de l’autorité disciplinaire, doivent mener un examen complet et objectif de tous les documents présentés afin de faire une évaluation éclairée des preuves existantes.

[24]  Si, après cet examen complet et objectif, le représentant de l’autorité disciplinaire n’est pas convaincu qu’il existe des preuves prima facie contre le membre visé selon la prépondérance des probabilités, il doit recommander à l’autorité disciplinaire de poursuivre son enquête afin d’obtenir des preuves suffisantes, ou lui indiquer qu’un nombre insuffisant de preuves prima facie peuvent être recueillies pour correspondre au degré de preuve suffisant lors d’une audience disciplinaire.

[25]  L’autorité disciplinaire et son représentant sont chargés du contenu du rapport d’enquête initial et des documents connexes présentés au membre visé et au comité de déontologie. Ils sont aussi aux commandes en ce qui a trait au contenu de l’Avis d’audience disciplinaire puisque celui-ci est « rétroconçu ». Je veux dire que l’Avis d’audience disciplinaire doit être rédigé ou préparé de façon à ce que les allégations et les détails correspondants soient conformes aux éléments de preuve contenus dans le rapport d’enquête et les documents connexes. Si l’Avis d’audience disciplinaire est rédigé de cette façon, si tous les éléments de preuve ont été recueillis pendant le processus d’enquête ou d’examen, l’autorité disciplinaire ne devrait pas avoir de difficulté à établir sa preuve selon la prépondérance des probabilités.

[26]  Lorsqu’on a décidé de mener une audience disciplinaire, l’autorité disciplinaire et son représentant doivent être satisfaits du contenu du rapport d’enquête et des documents connexes, car les témoins sont essentiellement ceux de l’autorité disciplinaire. Cela découle de plusieurs facteurs. Premièrement, il incombe à l’autorité disciplinaire de prouver le bien-fondé de sa cause selon la prépondérance des probabilités. Deuxièmement, l’autorité disciplinaire mène le processus d’enquête qui constitue la base de l’Avis d’audience disciplinaire. Enfin, le régime disciplinaire de la GRC n’est plus un processus accusatoire.

[27]  Lorsqu’un comité de déontologie a été mis sur pied, celui-ci possède des pouvoirs élargis, dont celui de demander la tenue d’une enquête supplémentaire ou d’ordonner la production de documents additionnels. Tel que mentionné précédemment, le comité de déontologie peut aussi décider d’entendre le témoignage oral de tout témoin jugé nécessaire et important pour afin de résoudre un conflit important ou grave relativement à la preuve. Toutefois, il n’incombe pas au comité de déontologie, après l’examen du rapport d’enquête et des documents connexes, d’assigner des témoins à une partie en fonction de ce qu’il croit que le témoin présentera comme élément de preuve lors de l’audience disciplinaire, afin que chaque partie ait l’occasion de contre-interroger les témoins susceptibles de fournir des éléments de preuve qui nuisent à la cause d’une partie ou qui ne l’appuient pas.

[28]  L’objectif de l’article 18 du CC (Déontologie) est d’inciter les parties à examiner minutieusement leur cause respective afin de déterminer quels témoins, selon elles, sont requis dans le cadre de l’affaire. Les trois premiers paragraphes de la Partie 19 du Guide du comité de déontologie, qui traitent des conférences préparatoires, donnent des directives supplémentaires à ce sujet. Ces articles sont ainsi libellés :

19.1 Une conférence préparatoire vise à permettre au comité disciplinaire de traite de toute question non résolue afin de veiller à ce que l’audience se déroule aussi informellement et aussi rapidement que possible.

19.2 Les parties doivent résoudre autant de problèmes que possible avant de participer à une conférence préparatoire, notamment en ce qui a trait à l’identification des témoins, le cas échéant, que les parties croient nécessaires pour résoudre tout conflit grave ou important au sujet de la preuve.

19.3 Les parties feront tous les efforts raisonnables pour produire et présenter au comité disciplinaire une seule liste de témoins dont les éléments de preuve sont non seulement nécessaires au règlement de tout conflit grave ou important au sujet de la preuve, mais aussi pertinents et nécessaires pour la résolution du conflit.

[29]  Rien de tout cela ne semble s’être produit dans ce cas. Les parties ont plutôt continué de mener les procédures en utilisant une « approche accusatoire ». Elles n’ont pas respecté l’article 18 du CC (Déontologie) et ne m’ont pas remis leur liste respective de témoins, encore moins une seule liste faisant l’objet d’un consensus. Conséquemment, j’ai dû me fier à un document que j’ai préparé pour m’aider à respecter mon obligation en vertu du paragraphe 18(4) du CC (Déontologie), selon lequel je dois fournir aux parties la liste des témoins que j’ai l’intention de faire comparaître et des raisons pour lesquelles j’accepte ou je refuse tout témoin inscrit sur la liste de témoins fournie par les parties.

[30]  Dès le départ, un nombre important de témoins ont fourni des éléments de preuve qui n’étaient pas conformes avec la théorie de l’autorité disciplinaire. Dans leur évaluation visant à établir si un cas prima facie pouvait être établi selon la prépondérance des probabilités, l’autorité disciplinaire et son représentant aurait dû tenir compte des éléments de preuve qu’il était prévisible que les témoins présentent. Cette évaluation aurait dû être menée avant que l’Avis d’audience disciplinaire ne soit rédigé et signifié au membre visé. Cela aurait pu se produire dans ce cas. Les membres du Comité ne sont pas au courant des discussions entre l’autorité disciplinaire et son représentant puisqu’elles sont protégées par le secret professionnel.

Préoccupations du Comité portant sur l’Avis d’audience disciplinaire

[31]  Cela m’amène à l’Avis d’audience disciplinaire. J’ai plusieurs préoccupations à ce sujet. Aucune d’entre elles n’est fatale pour l’autorité disciplinaire en l’espèce, ce ne sont que de simples observations.

[32]  Les détails concernant chaque allégation d’infraction au Code de déontologie sont présentés dans l’Avis d’audience disciplinaire, mais l’autorité disciplinaire n’est pas obligée de prouver chacun d’entre eux. L’autorité disciplinaire doit seulement prouver que la conduite de la caporale Hollingsworth, en ce qui a trait à chaque allégation, constitue une infraction au Code de déontologie. Cela dit, je vais examiner une question d’ordre procédural qui a été soulevée à de nombreuses reprises pendant les procédures.

[33]  Chacune des cinq allégations contenait un renseignement selon lequel la caporale Hollingsworth était un membre de la Gendarmerie royale du Canada en poste au détachement de Lloydminster au sein de la Division K. Cependant, comme la représentante du membre l’a indiqué dans la réponse de la caporale Hollingsworth préparée aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie) au sujet des allégations 4 et 5, la caporale Hollingsworth n’était plus en poste au détachement de Lloydminster (Division K). Elle s’était réinstallée et occupait un poste à la Division E lorsqu’elle a fourni les déclarations qui traitent de ces deux allégations. Le fait important est que la caporale Hollingsworth était, à toute date pertinente associée à ces allégations, un membre de la Gendarmerie royale du Canada. Ce fait a été admis, et j’ai conclu qu’elle était un membre de la GRC à toute date pertinente.

[34]  J’attribue cette erreur à une simple inadvertance. Il s’agit néanmoins d’un rappel que le représentant de l’autorité disciplinaire aurait dû porter une attention accrue lors de la préparation de l’Avis d’audience disciplinaire.

[35]  La deuxième préoccupation est plus inquiétante, car elle traite directement de ce dont je viens de discuter en ce qui a trait à l’évaluation des éléments de preuve. Pendant l’audience disciplinaire, deux des détails contenus dans l’Avis d’audience disciplinaire ont été supprimés par le représentant de l’autorité disciplinaire. La raison donnée pour la suppression de l’un de ces éléments était qu’il n’y avait pas de preuve, dans le dossier, qui l’appuyait. Il s’agit du détail 8 portant sur l’allégation 2, qui indique que la caporale Hollingsworth a manqué à son obligation d’agir de façon équitable et impartiale en incitant activement M. G.M. et Mme D.M. à déposer des plaintes contre Mme D.R. à la Ville de Lloydminster et contre le gendarme Mark Freeman [10] (gendarme Freeman) à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC uniquement pour des raisons intéressées.

[36]  Il s’agit d’une allégation très grave, puisqu’elle porte directement sur l’intégrité de la caporale Hollingsworth. Je ne laisse pas sous-entendre pas que certaines allégations contre un membre devraient être prises à la légère, mais de telles allégations doivent être prises très au sérieux puisque l’intégrité d’un membre est au coeur de sa carrière.

[37]  Je dois donc poser la question suivante : « Pourquoi ce détail était-il inclus dans l’Avis d’audience disciplinaire, si aucun élément de preuve portant sur cette prétention n’a été présenté pendant l’audience disciplinaire, et s’il a été supprimé parce qu’il n’existait aucun élément de preuve dans le dossier? » Aucun élément de preuve n’appuyait ce détail dans le rapport d’enquête et les documents connexes qui constituaient le dossier qui aurait dû former le fondement probant du contenu de l’Avis d’audience disciplinaire.

[38]  Je passerai maintenant à mes conclusions sur les allégations, comme cette préoccupation deviendra plus apparente au fur et à mesure de l’exposé de ma décision.

ÉLÉMENTS DE PREUVE ET CONCLUSIONS AU SUJET DES ALLÉGATIONS

[39]  Le rôle du comité de déontologie, tel qu’établi au paragraphe 45(1) de la Loi sur la GRC, est de décider si chaque allégation de contravention à une contravention du Code de déontologie contenue dans l’Avis d’audience disciplinaire, signifié aux termes du paragraphe 43(2) de la Loi sur la GRC, est établie selon la prépondérance des probabilités. Il incombe à l’autorité disciplinaire uniquement de prouver ces allégations selon la prépondérance des probabilités.

Détermination des faits établis

[40]  En plus de conclure que la caporale Hollingsworth était un membre de la Gendarmerie royale du Canada à toutes les dates pertinentes associées aux cinq allégations, tel qu’indiqué précédemment, j’ai rendu d’autres conclusions, contenues dans la Détermination des faits établis.

[41]  Les conclusions suivantes sont liées à chacune des cinq allégations :

  • La caporale Hollingsworth était mariée à l’inspecteur Manj;
  • L’inspecteur Manj était l’officier responsable du détachement de Lloydminster de juillet 2014 à août 2016;
  • Mme D.R. était une employée municipale au détachement de Lloydminster;
  • La caporale Hollingsworth était une amie proche de Mme V.F.;
  • Mme V.F. était l’ex-épouse de M. Freeman;
  • Le gendarme Freeman était un membre régulier de la GRC en poste au détachement de Lloydminster, où il occupait un poste de maître-chien;
  • M. Freeman a loué un domicile sur une propriété de M. G.M. et D.M. pendant une certaine période en 2016.

[42]  Les conclusions suivantes sont liées uniquement aux allégations 1 et 2 :

  • La sergente Sarah Knelsen [sergente Knelsen] était la superviseure du gendarme Freeman;
  • Mme D.M. a fourni à la caporale Hollingsworth les renseignements relatifs à ses observations portant sur les activités de M. Freeman sur la propriété qu’elle détenait avec M. G.M.;
  • La caporale Hollingsworth n’a pas dissuadé Mme D.M. de communiquer les renseignements relatifs à ces observations portant sur les activités de M. Freeman sur la propriété qu’elle détenait avec M. G.M.;

[43]  Les conclusions suivantes sont liées uniquement aux allégations 2 et 3 :

  • Mme D.M. a envoyé de nombreux messages textes à la caporale Hollingsworth le 20 juillet 2016;
  • Mme V.F. s’est rendue sur la propriété de M. G.M. et Mme D.M. le 20 juillet 2016, et une altercation s’est produite entre elle et M. Freeman;
  • La caporale Hollingsworth n’était pas présente sur la propriété de M. G.M. et Mme D.M. lorsque l’altercation s’est produite.

[44]  En ce qui a trait à l’allégation 2, j’ai constaté que la caporale Hollingsworth a gardé les enfants de Mme V.F. pendant un certain temps le 20 juillet 2016.

[45]  En ce qui a trait à l’allégation 3, les membres du Comité ont conclu ce qui suit :

  • La propriété appartenant à M. G.M. et à Mme D.M. est située sur le territoire desservi par le détachement de la GRC à Kitscoty;
  • Le 20 juillet 2016, Mme V.F. s’est rendu au domicile de la caporale Hollingsworth à la suite de l’altercation avec M. Freeman, sur la propriété appartenant à M. G.M. et à Mme D.M.

[46]  Enfin, en ce qui a trait à l’allégation 5, j’ai conclu que la caporale Hollingsworth a fourni une déclaration au sergent John Lovie [sergent Lovie] le 3 juillet 2017.

Crédibilité des témoins

[47]  Même si j’avais le pouvoir, conformément au paragraphe 23(1) du CC (Déontologie), de prendre une décision à ce sujet sans entendre de témoignage, le rapport d’enquête et les documents connexes présentaient deux versions très différentes de ce qui s’est passé relativement aux allégations. Ces deux versions divergentes ont donné lieu à de nombreuses contradictions graves parmi les éléments de preuve. Conséquemment, la crédibilité des divers témoins est devenue une préoccupation importante en l’espèce. La possibilité de voir et d’entendre les témoins m’a donc aidé à évaluer leur crédibilité. Cela a été un facteur important de ma décision de tenir une audience orale et d’entente tous les témoins clés.

Les relations personnelles des acteurs principaux

[48]  Les relations personnelles de quatre couples (caporale Hollingsworth et M. Manj; M. Freeman et son ex-épouse, Mme V.F.; M. D.R. et Mme D.R.; M. G.M. et Mme D.M) sous-tendent les cinq allégations. Ces relations personnelles sont toutes interreliées, car toutes ces personnes se connaissaient personnellement, directement ou indirectement. La nature de ces relations est un facteur important dans les éléments de preuve présentés par les divers témoins dans leurs déclarations et leur témoignage de vive voix. Une compréhension de ces relations est donc un facteur sous-jacent de l’évaluation de la crédibilité des témoins respectifs.

[49]  Ces relations personnelles étaient aussi liées à la GRC, car toutes les personnes touchées par cette affaire étaient liées d’une certaine façon, même de loin, avec la Gendarmerie. La caporale Hollingsworth et l’inspecteur Manj ont rencontré les trois autres couples en raison de leurs liens avec la GRC. Les liens entre les relations personnelles et la GRC sont, à mon avis, au coeur de l’espèce. Cependant, le lien avec la GRC n’est pas un facteur essentiel de l’évaluation de la crédibilité des témoins. Cet aspect des relations ne fera donc l’objet d’aucune autre discussion.

[50]  Les relations entre la caporale Hollingsworth et l’inspecteur Manj ainsi que M. D.R. et Mme D.R. ont débuté peu de temps après que la caporale Hollingsworth et l’inspecteur Manj soient arrivés à Lloydminster, à l’été 2014. Ces liens se sont formés principalement parce que les tâches de Mme D.R. à titre de gestionnaire de bureau du détachement ont fait en sorte qu’elle travaillait en étroite collaboration avec l’inspecteur Manj. Ces relations professionnelles sont devenues de nature personnelle entre les deux couples.

[51]  Les relations personnelles étaient surtout entre Mme D.R., la caporale Hollingsworth et M. Manj. Selon Mme D.R., M. D.R. n’aimait pas vraiment la caporale Hollingsworth et M. Manj, mais elle était associée à eux puisqu’elle était souvent à leurs côtés. Les enfants des deux couples était le point central de la relation, devenue une amitié. Selon la caporale Hollingsworth, le lien entre elle et Mme D.R. était si fort qu’elles étaient comme des soeurs. Les familles partageaient un repas une fois par mois. Les adultes prenaient régulièrement l’apéritif ensemble. La caporale Hollingsworth et sa famille ont même passé une fin de semaine avec M. D.R. et Mme D.R. dans un chalet, près d’un lac. Le chalet appartenait à la mère de Mme D.R. Selon Mme D.R., cette fin de semaine ne s’est pas très bien déroulée.

[52]  Les relations entre les deux couples ont commencé à se détériorer lorsque Mme D.R. a tenté de se distancier de la caporale Hollingsworth et de l’inspecteur Manj en raison du comportement de ce dernier, aussi bien dans sa vie professionnelle que personnelle. À la suite de la levée du détachement en novembre 2015, Mme D.R. et la caporale Hollingsworth ont eu une conversation privée dans une chambre à coucher de la maison du corporal Hollingsworth (la « conversation dans la chambre à coucher »). Pendant cette conversation, la caporale Hollingsworth a fait connaître ses doutes au sujet d’une relation entre Mme D.R. et M. Freeman. Cette conversation a aussi contribué à la décision de Mme D.R. de se distancier de leur amitié.

[53]  Les relations personnelles entre la caporale Hollingsworth, M. S.M., M. Freeman et Mme V.F. étaient aussi axées sur les enfants. Les deux couples faisaient des choses ensemble, en famille, mais les deux hommes entretenaient des relations plus étroites entre eux qu’avec les femmes, et les femmes avaient des relations plus étroites entre elles qu’avec les hommes. Par exemple, les hommes jouaient au hockey ensemble, et les activités des femmes étaient davantage axées sur les enfants.

[54]  La caporale Hollingsworth, M. Manj et Mme V.F. étaient toujours amis au moment de l’audience disciplinaire, mais ils n’entretenaient plus de relations amicales avec M. Freeman. Selon le gendarme Freeman, sa relation avec l’inspecteur S.M. s’est détériorée, car il a perdu confiance en lui. Un soir, après une partie de hockey, M. Freeman aurait indiqué à M. Manj que lui et Mme V.F. avaient des problèmes conjugaux et qu’ils se sépareraient. Selon le gendarme Freeman, il souhaitait que l’inspecteur S.M. ne discute pas de ce sujet avec quiconque. Cependant, il a appris que l’inspecteur Manj avait divulgué cette information au sergent d’état-major Joe Wenisch [sergent d’état-major Wenisch]. Selon lui, l’inspecteur Manj n’avait pas le droit de divulguer cette information sans sa permission [11] .

[55]  D’après la version de l’inspecteur Manj, à la suite de la divulgation de l’information concernant la fin du mariage, lui et M. Freeman ont aussi discuté du fait que, lorsqu’il n’était pas en service, le gendarme Freeman était toujours sur appel, prêt à participer à une opération. Cette disponibilité a des répercussions majeures sur la vie personnelle d’un membre. Le gendarme Freeman en a fait la preuve lorsqu’il a témoigné qu’il avait de la difficulté à faire l’épicerie, une simple tâche de la vie quotidienne, puisqu’il était toujours prêt à participer à une intervention. Selon l’inspecteur Manj, il avait des préoccupations au sujet de ces dispositions de travail. Il a donc parlé au sergent d’état-major Wenisch et lui a demandé de revoir le statut du gendarme Freeman afin qu’il soit simplement en disponibilité opérationnelle. Même s’il est quand même sur appel de façon permanente, un membre qui est en disponibilité opérationnelle subit moins de pressions sur sa vie personnelle puisque le seuil de réponse est alors inférieur à celui qui est prêt à participer à une intervention. (Remarque : Des différences perceptions au sujet du même incident, comme celui-ci, se répètent dans tout le document, comme nous allons le constater.)

[56]  Il semble qu’à mesure que la relation entre Mme D.R. et M. M.F. s’affirmait, le fossé entre la caporale Hollingsworth, M. Manj et Mme D.R ainsi que M. Freeman s’est agrandi. Selon le témoignage de la sergente Knelsen, la détérioration de la relation est devenue si évidente que diverses personnes parlaient de cette situation comme étant « Équipe Suki contre Équipe [Mme D.R.] ». Il n’était pas difficile, en fonction des déclarations et des témoignages oraux faits lors de l’audience disciplinaire, de savoir dans quel camp se rangeaient les divers témoins. Cette distinction est devenue très importante, du point de vue de la preuve, car le parti pris de chaque témoin affectait de façon importante la façon dont ils voyaient les éléments de preuve. Cela se reflétait aussi bien dans leurs déclarations que dans leurs témoignages oraux lors de l’audience.

[57]  M. G.M. et Mme D.M. ont eu affaire à l’inspecteur Manj pendant leurs diverses associations avec la GRC. M. G.M. et Mme D.M. avaient une relation personnelle bien établie avec l’officier responsable du détachement qui était précédemment en poste. La relation entre M. G.M. et Mme D.M. ainsi que l’inspecteur Manj n’a été que professionnelle pendant une assez longue période. Ils se rencontraient souvent lors de réunions pendant lesquelles leurs intérêts correspondaient.

[58]  M. G.M. et Mme D.M. ont rencontré la caporale Hollingsworth à un événement de la GRC tenu pour remercier les entreprises locales qui appuyaient l’organisation. M. G.M. et Mme D.M. ont reçu un prix lors de cette occasion. Les enfants de la caporale Hollingsworth étaient aussi présents, et on les a présentés à M. G.M. et à Mme D.M.

[59]  La caporale Hollingsworth et M. Manj ainsi que M. G.M. et Mme D.M. se fréquentaient èa l’extérieur du travail, comme le démontre le cadeau (produits comestible exotique) que M. G.M. et Mme D.M. ont offert aux enfants de la caporale en mars 2016, mais les liens d’amitié entre les deux couples ne se sont pas vraiment développés avant juin 2016, soit longtemps après que la caporale Hollingsworth et l’inspecteur soient arrivé à Lloydminster et peu de temps avant qu’ils ne quittent cet endroit. Les couples étaient toujours amis lors de l’audience disciplinaire, et M. G.M. et Mme D.M. ont rendu visite à la caporale Hollingsworth et à M. Manj après qu’ils se soient réinstallés en Colombie-Britannique.

[60]  M. G.M. et Mme D.M. ont aussi entretenu une relation professionnelle avec Mme D.R. Elle était leur personne-ressource au détachement de Lloydminster pour diverses activités, donc leur parrainage de la levée et d’autres programmes du détachement ainsi que la location d’un local à des membres de la GRC sur leur propriété.

[61]  M. G.M. et Mme D.M. n’ont rencontré M. Freeman juste avant qu’il ne devienne leur locataire en janvier 2016. Même s’ils n’entretenaient pas une relation étroite avec M. Freeman, M. G.M. et Mme D.M. lui amenaient fréquemment de la nourriture, lui laissaient des mots d’encouragement et l’inviter à se joindre à eux pour l’apéritif. Ils ont même réduit son loyer de 200 $ de leur propre initiative.

[62]  De leur point de vue, M. Freeman était un bon locataire. Il était tranquille et discret. Il travaillait beaucoup. Ils étaient aussi absents fréquemment, surtout pendant l’hiver. Cela a réduit leurs contacts avec eux. Ils ont rencontré leurs enfants pendant leurs visites avec leur père au local, et ils les aimaient bien. La relation se déroulait toujours bien, même après que M. G.M. et Mme D.M. aient commencé à remarquer que M. Freeman menait d’étranges activités, dont nous discuterons plus loin.

[63]  M. G.M. et Mme D.M. n’ont pas rencontré Mme V.F. avant juillet 2016. Ils entretenaient toujours des liens d’amitié avec Mme V.F. et ses enfants lors de l’audience disciplinaire. Mme V.F. et ses enfants sont allés en vacances à Hawaï avec M. G.M. et Mme D.M. M. G.M. et Mme D.M. ont aussi rendu visite à Mme V.F. pour lui remettre ses effets personnels après son départ de Lloydminster.

[64]  M. G.M. et Mme D.M. ne connaissaient pas M. D.R. personnellement, mais ils connaissaient sa famille élargie en raison de leur entreprise familiale. Cela a été cité comme l’une des raisons pour lesquelles M. G.M. et Mme D.M. ont fait connaître leurs observations portant sur les activités de M. Freeman sur leur propriété.

[65]  Je peux maintenant passer à mon évaluation de la crédibilité de chacun des témoins.

Évaluation de la crédibilité de Mme D.R.

[66]  Comme nous l’avons mentionné précédemment, même si Mme D.R. n’a pas témoigné lors de l’audience disciplinaire, même si elle y était présente. J’ai donc dû tenir compte des deux déclarations qu’elle a faites pendant les diverses enquêtes. Aucune de ces déclarations n’a été faite sous serment.

[67]  La première déclaration a été faite au sergent James Morton [sergent Morton] le 18 octobre 2016. Cette déclaration a été obtenue au sujet de la plainte du public déposée par M. G.M. et Mme D.M. contre le gendarme Freeman. La plainte comporte plusieurs facettes, la première étant l’attaque présumée contre Mme V.F. que M. Freeman aurait perpétrée pendant l’incident sur leur propriété le 20 juillet 2016. Malgré l’objectif du dépôt de la déclaration, la majeure partie de l’information que Mme D.R. a fournie portait sur l’inspecteur Manj. Très peu d’information portait sur la caporale Hollingsworth, même si la déclaration mentionne un appel téléphonique avec la caporale Hollingsworth, fait le 19 mai 2016 et devenu pertinent en l’espèce.

[68]  La déclaration n’a pratiquement aucune valeur en ce qui a trait à l’incident qui s’est produit le 20 juillet 2016 sur la propriété de M. G.M. et Mme D.M. Mme D.R. a clairement indiqué qu’elle n’avait rien vu, même si elle était présente sur les lieux au moment de l’incident. Elle a entendu quelqu’un crier, mais elle ne pouvait pas comprendre ce que la personne disait. En fait, elle a indiqué qu’elle n’était même pas certaine que Mme V.F. était l’autre personne impliquée dans cette dispute. Elle a reçu tous les autres renseignements qu’elle a donnés au sujet de l’incident de M. Freeman. Il s’agit donc d’ouï-dire, ce qui n’a aucune valeur en l’espèce.

[69]  La deuxième déclaration a été faite auprès de l’inspecteur Donovan Fisher [inspecteur Fisher] et du sergent d’état-major Craig Toffoli [sergent d’état-major Toffoli] le 30 novembre 2016. Cette déclaration a été fournie dans le cadre d’une enquête en matière de harcèlement visant l’inspecteur Manj. Cette déclaration porte principalement sur les gestes de l’inspecteur Manj et traite très peu de la caporale Hollingsworth. Elle a obtenu la majeure partie des renseignements qu’elle donne de la part de quelqu’un d’autre. Il s’agit donc encore une fois d’ouï-dire, ce qui n’a aucune valeur en l’espèce. Mme D.R. parle encore une fois de l’appel téléphonique entre elle et la caporale Hollingsworth, fait le 19 mai 2016.

[70]  En me fondant sur ce qui précède, les déclarations fournies par Mme D.R. n’ajoutent presque rien à ma décision.

Évaluation de la crédibilité du gendarme Freeman

[71]  Selon son témoignage, il était bien évident que le gendarme Freeman est très amer des événements qui se sont produits. Il affirme qu’il est sans le sou en raison de la caporale Hollingsworth, de l’inspecteur Manj ainsi que de M. G.M. et de Mme D.M.; il les accuse d’avoir détruit sa relation avec Mme V.F.; de lui avoir fait perdre du temps qu’il aurait pu passer avec ses enfants; d’avoir manqué des occasions de promotion; de lui avoir occasionné un stress qui lui a fait perdre 50 livres; d’avoir provoqué le problème médical dont Mme D.R. est atteinte et de lui avoir fait perdre confiance envers la GRC et ses membres. Il était aussi évident qu’il refusait d’assumer toute responsabilité au sujet de ses décisions personnelles et des gestes qu’il avait posés à cet égard. Il blâme plutôt les autres. Combinés, ces deux facteurs ont évidemment changé sa perception des événements, et son opinion à leur sujet est présentée dans ses déclarations et ses témoignages oraux.

[72]  Je ne comprends pas plusieurs choses qu’il a dites Je donnerai ici quelques exemples, puis je traiterai des autres choses en temps opportun dans ma décision.

[73]  Le premier exemple provient de la déclaration, faite par le gendarme Freeman, selon laquelle pendant la confrontation survenue le 20 juillet 2016 entre lui et Mme V.F. à la propriété appartenant à M.G.M. et à Mme D.M., il a été forcé d’agripper Mme V.F., car elle l’avait poussé et avait déjà monté deux marches menant au logement. Il a indiqué, dans l’une de ses déclarations, mais pas dans son témoignage, que Mme V.F. montait les escaliers et avait l’intention d’attaquer Mme D.R.

[74]  Selon son témoignage, il mesure environ 1,78 m et pesait plus de 90 kilos au moment de l’incident, alors que Mme V.F. mesure environ 1,60 et pèse environ 65 kilos. Il se tenait dans le cadre de porte pour bloquer le chemin. Il ne voulait surtout pas que Mme V.F. voit Mme D.R. dans le logement, et encore moins qu’il y ait une altercation entre les deux dames. En plus d’être très contrarié, il faisait preuve d’une vigilance accrue et sur ses gardes pour empêcher cet affrontement.

[75]  Son récit des événements ne semble pas être véridique, mais celui de Mme V.F. semble l’être. Elle affirme simplement qu’ils se disputaient. Elle a fait un pas dans sa direction, pour une raison inconnue, et il l’a agrippée par les bras pour l’empêcher d’entrer dans le logement. Cela s’est produit à l’extérieur de l’immeuble. Cela a plus de sens et correspond aux éléments de preuve présentés par d’autres personnes, comme M. G.M., qui ont été témoins de l’incident, à une certaine distance.

[76]  Dans ses déclarations, mais pas vraiment dans son témoignage, le gendarme a clairement sauté aux conclusions sans preuve à l’appui. Un exemple flagrant apparaît dans la déclaration qu’il a faite au sergent Morton le 18 octobre 2016, et qui commence à la ligne 1430 :

Q : Donc, dites-moi qui, selon vous, ont mal agi dans cette situation. [12]

R : Bien, vous savez ce qui va arriver – Je crois que le problème, c’est que tout ce que nous avons entendu et tout ce qu’on nous a dit, des choses comme ça, une grande partie est du ouï-dire.

Q : D’accord.

R : J’ignore donc qui vous a dit quoi.

Q : Je vois.

R : Je ne sais pas si quelqu’un vérifiait les plaques d’immatriculation. Je ne sais pas qui consignai les plaques d’immatriculation, je ne sais pas si quelqu’un me suivait dans mon véhicule, je…

Q : Pourquoi dites-vous cela?

R : Euh…

Q : Que quelqu’un vous suivait dans votre véhicule?

R : … vous savez, parce qu’à un certain moment, je supposais qu’on était basés quand, euh, je me suis rendu compte que [M. G.M. et Mme D.M.] consignaient certaines choses, des choses comme ça. Euh, une conversation a eu lieu dans le bureau et [Mme D.R.] m’a dit que Suki, euh, non, Tammy était dans le bureau de Sarah et disait « Nous allons trouver cette voiture de couleur marron. Nous allons trouver cette voiture de couleur marron. » Cela était devant Sarah. Euh, je suis désolé de rapporter de l’information, je devrais –

Q : Ça va, ne vous en faites pas.

R : J’aurais dû ajouter que… j’ai pensé tout de suite qu’une seule personne était venue chez moi dans une voiture de couleur marron, et il s’agissait de [Mme D.R.], donc comment savaient-ils qu’il y avait une voiture de cette couleur chez moi? Je me suis donc mis à réfléchir, et j’ai pensé que, j’ai pensé que j’étais suivi que je faisais des contrôles de « points chauds » dans une voiture de police à mon retour du travail pour voir si quelqu’un me suivait chez moi.

Q : Au risque que…

R : Oh! Désolé, je devrais ajouter que, euh, [Mme D.R.] a eu une conversation avec Suki bien après que cela eut commencé et, euh, Suki a posé une question au sujet des photos. Quelles photos? Cela veut dire que quelqu’un prenait des photos.

Q : D’accord…

R : Et quelqu’un nous suivait à ce moment. Quelqu’un nous suivait.

Q : D’accord…

R : Quelqu’un prenait des notes sur nous. Je ne sais pas…

Q : Non. Quelqu’un prenait définitivement des notes Je… je ne crois pas que c’est allé aussi, je ne crois pas que je… je n’ai rien entendu qui laisserait croire que c’est allé jusqu’à ce que quelqu’un vous suive.

R : Une fois, Sarah Knelsen a mentionné à [Mme D.R.] qu’elle croyait que l’ami de Suki [prénom de l’ami], de [nom de l’entreprise] nous a peut-être suivis. Je ne sais pas où elle a entendu cela. Je ne sais pas si c’est vrai, mais…

[77]  Il ne s’agit que d’un exemple d’une situation où l’amertume du gendarme Freeman a influencé de façon évidente la façon dont il voyait les éléments de preuve.

Évaluation de la crédibilité de la sergente Knelsen

[78]  Les relations de la sergente Knelsen avec toutes les personnes en cause dans cette affaire étaient presque exclusivement de nature professionnelle. Il est clair que la sergente Knelsen était l’allié de M. Freeman et de Mme D.R. Il est aussi évident qu’elle entretenait une importante animosité envers la caporale Hollingsworth et l’inspecteur Manj. Le fait qu’elle n’aime pas la caporale Hollingsworth et l’inspecteur Manj semble s’expliquer par sa croyance qu’ils avaient « tendu un piège » à M. Freeman et à Mme D.R. Cette croyance ne provenait pas de faits, mais de trois « grands pas » très importants.

[79]  En ce qui a trait au premier « grand pas », la sergente Knelsen a témoigné que quelqu’un lui avait dit que M. Manj avait pris les mesures nécessaires pour qu’un conducteur de remorque local fasse une filature contre M. Freeman et Mme D.R. Elle croyait que c’était vrai malgré le fait que, comme elle l’a reconnu dans son témoignage, elle n’avait aucune preuve pour appuyer cette croyance. Elle croyait tellement que c’était vrai qu’elle en a parlé à M. Freeman et à Mme D.R., ce qui les a menés à croire que c’était pourquoi la caporale Hollingsworth et Mme Manj, puis Mme V.F., savaient autant de choses sur ce qu’ils faisaient.

[80]  Le second « grand pas » provient d’une conversation qu’elle a entendue pendant un trajet en voiture pour se rendre à la fête organisée pour souligner le départ de l’inspecteur Manj. Cela s’est produit le 20 juillet 2016, le même jour que l’incident survenu sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. Elle était passagère, tout comme la caporale Hollingsworth, dans un véhicule que l’inspecteur Manj conduisait. Selon la sergente Knelsen, l’inspecteur Manj a fait un commentaire avant d’arriver à l’endroit où la fête avait lieu selon lequel il avait l’impression que quelque chose arriverait et qu’il ne se sentait pas bien en raison de cela. La caporale Hollingsworth a fait un commentaire semblable pour se montrer d’accord. Le lendemain, après avoir entendu parler, la veille, par le gendarme Freeman, de l’incident qui s’était produit sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M., elle s’est rendu compte que l’inspecteur Manj et la caporale Hollingsworth parlaient de l’incident pendant qu’ils se rendaient à la fête en voiture. La conversation a eu lieu avant l’incident, ce qui indique qu’ils savaient déjà ce qui allait se produire plus tard cette journée-là. Selon elle, il s’agit d’une preuve évidente que la caporale Hollingsworth et l’inspecteur Manj avaient tendu un piège à M. Freeman et à Mme D.R. le 20 juillet 2016. Encore une fois, elle ne disposait d’aucune preuve pour appuyer cette théorie. Elle a simplement fait le « grand pas ».

[81]  L’inspecteur Manj a livré un témoignage au sujet de ces commentaires et a fourni une explication tout à fait logique. La caporale Hollingsworth a appuyé son explication. Il a affirmé qu’il a fait ses commentaires au moment où il s’apprêtait à entrer à l’endroit où avait lieu la fête organisée pour souligner son départ. Presque tous ceux qui étaient présents à la fête savaient pourquoi il quittait le détachement de Lloydminster même s’il avait promis d’y être pendant une autre année. Dans son esprit, il entrait dans la fosse aux lions. Il ne se sentait pas bien, car il savait qu’il devait se comporter de façon professionnelle et dire les bonnes choses au sujet de son départ pendant son discours. Je comprends qu’il s’agissait d’une situation dans laquelle il était raisonnable que l’inspecteur Manj ressente beaucoup d’anxiété.

[82]  Le troisième « grand pas » provient d’une conversation entre la sergente Knelsen et la caporale Hollingsworth. Cette conversation constitue l’un des quelques aspects de cette affaire qui a un lieu direct avec le milieu de travail, simplement parce que c’est là que la conversation a eu lieu. Cependant, elle ne portait pas sur le travail, mais bien sur les relations personnelles entre M. Freeman et Mme D.R. La caporale Hollingsworth a simplement affirmé que Mme V.F. allait découvrir les relations entre M. Freeman et Mme D.R. Il ne s’agissait pas d’une remarque déraisonnable, et il ne s’agit certainement pas d’une preuve que la caporale Hollingsworth savait à l’avance ce qui se passerait le 20 juillet 2016 sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M., comme le croyait la sergente Knelsen.

[83]  Une rumeur circulait déjà au bureau à ce moment. Selon le témoignage du gendarme Freeman, la rumeur s’est répandue très rapidement au bureau. Lloydminster ne constitue pas une très grande collectivité. Les questions d’infidélité, qu’elles soient véridiques ou non, ont tendance à être le sujet de conversations dans les petites villes. Les membres de la GRC sont bien connus dans les petites collectivités. Les gens les observent donc fréquemment. Donc, tout soupçon selon lequel un membre de la GRC de la collectivité est infidèle ferait l’objet de rumeurs plutôt croustillantes. De plus, les membres de la GRC eux-mêmes sont connus pour leur commérage. En tenant compte de ces faits, la simple logique indiquerait que c’était simplement une question de temps avant que Mme V.F. apprenne l’existence de la relation entre M. Freeman et Mme D.R. La sergente Knelsen avait plutôt l’impression que la caporale Hollingsworth savait ce qu’un incident allait se produire sur la propriété appartenant à M. G.M. et à Mme D.M. (incident qui s’est bel et bien produit le 20 juillet 2016) Selon elle, cela était un autre élément de preuve selon lequel le caporale Hollingsworth et l’inspecteur Manj avaient tendu un piège à M. Freeman et à Mme D.R. ce jour-là.

[84]  En raison de la série de « grands pas », le témoignage de la sergente Knelsen doit être analysé avec prudence.

Évaluation de la crédibilité de M. G.M. et de Mme D.M.

[85]  M. G.M. et Mme D.M. ont habité Lloydminster toute leur vie. Ils exploitent une entreprise familiale créée il y a plus de 70 ans et où plusieurs générations ont travaillé. L’entreprise oeuvre dans le domaine des services. L’entreprise mène ses activités à Lloydminster et dans une petite collectivité voisine, située à une heure de route de Lloydminster. Mme D.M. exploite aussi sa propre entreprise d’expert-conseil en leadership.

[86]  En plus de leurs intérêts commerciaux privés, M. G.M. et Mme D.M. participaient grandement aux activités de la collectivité. Ils étaient des membres importants d’un club de services local de portée internationale. Mme D.M. a aussi été la directrice exécutive d’une organisation qui oeuvrait à la prévention de la violence familiale « pendant la majeure partie de sa vie » [13] . Ce sont des gens qui sont normalement décrits comme des « piliers de la collectivité ».

[87]  M. G.M. et Mme D.M. étaient aussi des amis de la GRC. Ils ont appuyé de nouveaux programmes de la GRC, et ils ont même acheté ou parrainé un nouveau véhicule pour le programme Citoyens en patrouille. Ils ont aussi représenté une entreprise commanditaire de la levée annuelle du détachement pendant plusieurs années. Cependant, selon le témoignage de M. G.M., cet appui a été retiré en raison de la situation.

[88]  Le marché immobiliser de Lloydminster est très volatile en raison des liens étroits de la collectivité avec l’industrie pétrolière, qui fluctue constamment. Conséquemment, des logements abordables pour les membres de la GRC n’étaient pas toujours disponibles. Pour cette raison, M. G.M. et Mme D.M., de leur propre gré, ont bâti un logement au-dessus du garage situé sur leur propriété afin de le rendre disponible aux membres de la GRC dans le besoin. Plusieurs membres ont profité de cette occasion, sans incident. Mme D.R. était la personne-ressource du bureau de la GRC pour la location de ce logement.

[89]  Même si M. G.M. et Mme D.M. étaient bien connus dans la collectivité, ils se sont installés dans leur résidence actuelle il y a 20 ans. Ils ont décidé de vivre à cet endroit parce qu’il leur permet de protéger leur vie privée.

[90]  M. G.M. et Mme D.M. avaient clairement un parti pris pour la caporale Hollingsworth et M. Manj. Les couples communiquaient toujours ensemble lors de l’audience disciplinaire. Ils ont aussi rendu visite à la caporale Hollingsworth et à M. Manj depuis qu’ils ont quitté le détachement de Lloydminster.

[91]  Il y a certainement des divergences dans leur témoignage. L’une des plus importantes porte sur la photographie d’une voiture de couleur marron sur leur propriété. Les récits de M. G.M. et de Mme D.M. sont très semblables en ce qui a trait au moment où la photo a été prise et à la raison pour laquelle elle a été prise. Ils sont identiques dans toutes leurs déclarations, dans la plainte qu’ils ont déposée devant la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC et dans le témoignage qu’ils ont livré lors de l’audience. La déclaration de M. G.M. fournie au sergent Morton avait un lien avec leur plainte déposée devant la Commission. Elle portait sur les gestes posés par le gendarme Freeman le 20 juillet 2016. Pour cette raison, je ne crois pas qu’une non-initiée se serait attendu à ce qu’on l’interroge au sujet de ses propres actions bien avant l’incident du 20 juillet 2016, car cela n’était pas pertinent dans le cadre e sa plainte. Il n’aurait donc pas été suffisamment prévoyant pour préparer une explication aussi détaillée au sujet de la photo avant de faire sa déclaration.

[92]  Le moment où la photo a été prise et où des messages textes ont été envoyés à son sujet ne correspond pas à ce que M. G.M. et Mme D.M. ont dit au sujet de la photo, mais je suis certain qu’il existe une explication rationnelle dont nous n’avons pas parlé.

[93]  Selon le témoignage de M. G.M. et de Mme D.M., la protection de leur entreprise familiale constituait la principale raison pour laquelle ils ont commencé à enregistrer les activités de M. Freeman sur leur propriété. Il est évident qu’il était très important pour eux de protéger l’entreprise familiale. Il s’agit d’une petite entreprise donc ils en sont l’image publique. Il était clair qu’il était très important de maintenir leur intégrité personnelle afin d’assurer le succès continu de l’entreprise. Selon moi, il est difficile de croire que M. G.M. et Mme D.M. risqueraient de nuire à leur intégrité personnelle en ne disant pas la vérité, ce qu’un comité de déontologie de la GRC pourrait découvrir lors d’une audience publique.

[94]  M. G.M. et Mme D.M. étaient tous les deux très confiants, et ils semblaient francs lors de leur témoignage. Je les ai trouvés très crédibles tous les deux.

Évaluation de la crédibilité de Mme V.F.

[95]  Malgré ce qui s’est passé entre eux, M. et Mme Freeman ont semblé toujours entretenir une relation cordiale, qui semble exister surtout pour le bien des enfants.

[96]  Mme V.F. était une amie de la caporale Hollingsworth, et elle l’était toujours au moment de l’audience disciplinaire.

[97]  Mme V.F. a une formation d’enseignante. Elle était bien articulée et confiante lors de son témoignage. Ses réponses étaient conformes à ses déclarations et aux autres éléments de preuve. Son témoignage ne contenait rien de controversé ou de litigieux. J’ai trouvé que Mme V.F. était un témoin crédible.

Évaluation de la crédibilité de la caporale Hollingsworth

[98]  Il était évident que la caporale Hollingsworth avait un intérêt direct envers le résultat de la procédure. Elle semblait néanmoins être franche, et elle a tenté de faire de son mieux pour répondre aux questions qu’on lui a posées. Pendant le contre-interrogatoire, elle est devenue clairement frustrée en raison des questions que lui posait le représentant de l’autorité disciplinaire. Elle devait répéter les mêmes réponses à de nombreuses reprises, car on lui posait des questions auxquelles elle devait donner la même réponse. Elle a perdu patience à quelques reprises, mais elle ne cherchait pas à provoquer de confrontation. Elle a admis diverses choses et a fait des concessions dans sa déclaration faite aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie) et lors de son témoignage.

[99]  Dans son témoignage, la caporale Erin Folk [caporale Folk], qui était l’un des enquêteurs oeuvrant sur le Code de déontologie, a fait des remarques au sujet de certaines observations qu’elle a faites au sujet de la caporale Hollingsworth au cours de son enquête. Elle a cru que la caporale Hollingsworth était « impatiente de nous dire tout ce qu’elle savait, à son détriment. […] Elle était honnête, même lorsque la vérité ne le faisait pas très bien paraître. » Elle a aussi témoigné au sujet de l’avertissement ajouté à la fin de son rapport. Ces remarques s’adressaient à l’autorité disciplinaire et visaient à lui fournir de l’information. L’avertissement visant à prévenir l’autorité disciplinaire qu’elle n’était pas certaine qui disait la vérité parmi les nombreux témoins qu’elle avait rencontré en entrevue au cours de son enquête. Elle croyait que nombre des témoins « fuyaient leurs responsabilités liées à leurs actions, qui étaient parfois assez malveillantes ». Elle croyait que la caporale Hollingsworth était le plus honnête des témoins parmi tous ceux qu’elle et le sergent John Spaans [sergent Spaans] avaient rencontrés en entrevue pendant l’enquête. Je n’ai pas à accepter l’évaluation de la caporale Folk, mais je note que j’ai tiré des conclusions similaires de mon côté. Je me fonde sur les remarques de la caporale Hollingsworth pendant sa déclaration, sur son comportement lors de l’audience disciplinaire et sur d’autres éléments de preuve correspondants.

[100]  Fait important, la caporale Hollingsworth a volontairement fourni les nombreux messages textes qui servent d’éléments de preuve et, comme elle l’a fait remarquer, ils sont maintenant utilisés contre elle. Les enquêteurs auraient eu besoin d’obtenir une ordonnance de communication si elle n’avait pas fait cela. Un problème est survenu pendant le témoignage de la caporale Hollingsworth : on a découvert qu’elle n’avait pas fourni tous les messages textes qu’elle avait en sa possession. Je ne crois pas que cela était intentionnel puisque les messages qu’elle n’avait pas fournis ne semblent pas contenir de renseignements importants. Je ne fais aucune distinction avec les renseignements que la représentante de l’autorité disciplinaire n’avait pas fournis, une omission découverte également pendant l’audience disciplinaire. Si je comprends bien son explication, elle a fourni aux enquêteurs les renseignements qu’elle croyait avoir accepté de fournir.

[101]  Je crois que la caporale Hollingsworth est un témoin crédible.

Évaluation de la crédibilité de l’inspecteur Manj

[102]  En tant que mari de la caporale Hollingsworth, l’inspecteur Manj avait aussi un intérêt marqué envers le résultat de la procédure. Il fait l’objet d’un processus disciplinaire distinct qui, en partie, est lié au présent processus. Son témoignage n’était pas très long. Il a été très professionnel. Il a semblé être franc dans ses réponses. Je n’ai rien remarqué de litigieux dans son témoignage ou dans la manière de laquelle il a témoigné. Je crois que l’inspecteur Manj est un témoin crédible.

Évaluation de la crédibilité de M. D.R.

[103]  M. D.R. était totalement indifférent lorsqu’il a fourni sa déclaration aux enquêteurs et lors de son témoignage à l’audience disciplinaire, à laquelle il était évident qu’il ne souhaitait pas être présent. Son indifférence semble avoir mené à d’importants trous de mémoire ou à des signes de son incapacité à se rappeler des détails aussi bien dans sa déclaration que lors de son témoignage.

[104]  Il a mentionné, dans l’une de ses déclarations, que selon lui, la caporale Hollingsworth et M. Manj voulaient la peau de Mme D.R., ce qui indique qu’il avait un parti pris pour cette dernière. Néanmoins, j’ai cru qu’il était crédible en ce qui a trait aux éléments de preuve limités qu’il a fournis.

Évaluation de la crédibilité du sergent Morton

[105]  Le sergent Morton n’a pas témoigné à l’audience disciplinaire, mais il a exercé une certaine influence sur la question de la crédibilité des témoins et, bien honnêtement de l’intégrité de l’ensemble de l’enquête. En tant qu’enquêteur chargé de la plainte de la Commission contre le gendarme Freeman, il a obtenu nombre des déclarations des témoins incluses dans le dossier. Ces déclarations ont été obtenues à la suite de la plainte déposée devant la Commission par M. G.M. et Mme D.M. contre le gendarme Freeman.

[106]  J’inclus une remarque sur le sergent Morton dans la présente décision, car je crois que son approche auprès des divers témoins a eu une incidence sur la crédibilité de ceux qui ont fourni des déclarations ou, à tous le moins, qu’elle a influencé le contenu de ces dernières.

[107]  Selon le témoignage de plusieurs témoins, le sergent Morton avait des « intentions » autres que celle énoncée comme le but des déclarations. Plusieurs témoins ont indiqué qu’à la suite de leur déclaration, le sergent Morton a arrêté le magnétophone et a commencé à leur poser des questions sur l’inspecteur Manj. Une remarque que M. G.M. a faite pendant son témoignage s’est démarquée à ce sujet [14] . La voici :

R : Je me souviens d’une chose qu’il a dite à la fin de l’entrevue, selon laquelle nous n’avions pas choisi le bon camp, ce qui laissait entendre qu’il y avait des camps et que nous étions dans le mauvais.

[108]  Lorsque le représentant de l’autorité disciplinaire leur a posé la question, tous les témoins ont convenu que, malgré les intentions du sergent Morton, leur déclaration était exacte. Les déclarations reflètent peut-être ce que les témoins ont dit avec exactitude, mais la manière avec laquelle le sergent Morton a abordé les entrevues a un une incidence importante sur le contenu des déclarations.

[109]  Par exemple, la question que j’ai soulignée plus haut (voir la note de bas de page 11) est un exemple clair du parti pris du sergent Morton et de la façon dont celui-ci a influencé les déclarations, en gardant à l’esprit que la déclaration du gendarme Freeman a été obtenue à la suite de la plainte déposée contre lui à la Commission, mais le sergent Morton a demandé au gendarme Freeman de lui dire les erreurs que chacun avait commises en ce qui a trait à la situation.

Évaluation de la crédibilité de la caporale Folk

[110]  Le témoignage de la caporale Folk a été très court. Il était évident qu’elle avait une certaine affinité avec la caporale Hollingsworth. Je n’ai toutefois trouvé aucun problème au sujet de son témoignage, et j’ai cru qu’il s’agissait d’un témoin crédible.

Facteurs additionnels ayant une influence sur la crédibilité

[111]  Il y a un autre facteur qui a une influence sur la crédibilité des témoins. Des centaines, voire des milliers, de messages textes échangés entre la caporale Hollingsworth et Mme D.M. ainsi que la caporale Hollingsworth et Mme V.F. me sont présentés comme éléments de preuve.

[112]  La représentante du membre m’a rappelé à plusieurs reprises que, lorsque les messages textes ont été composés, ils devaient faire partie de conversations privées. Puisque les messages n’étaient destinés qu’aux parties à la « conversation », on peut accorder une valeur considérable à leur contenu, puisqu’il est peu probable que les messages aient été fabriqués ou qu’ils soient trompeurs. Cependant, comme la représentante du membre l’a souligné, nous devons être prudents lors de l’interprétation du contenu des messages textes.

[113]  Les textes messages sont conçus pour être un moyen de conversation rapide visant à tenir de simples conversations. Comme l’a mentionné la caporale Hollingsworth dans son témoignage, ces messages étaient envoyés en succession rapide à mesure que l’incident survenu le 20 juillet 2016 sur déroulait sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. Les gens ne réfléchissent donc pas beaucoup lorsqu’ils rédigent ces messages. Autrement dit, les mots ne sont pas choisis avec soin.

[114]  Autre bémol : puisque les messages textes sont au coeur des trois allégations, il est important de reconnaître que les messages individuels ne peuvent pas être examinés seuls. Nous devons les examiner dans le contexte de l’ensemble de la preuve, ou seulement en tirer de mauvaises interprétations.

[115]  Je présenterai maintenant ma propre analyse des allégations, en train de chacune d’elles séparément.

Preuve et conclusions – Allégation no 1

[116]  La première allégation vise l’article 3.2 du Code de déontologie. En voici le libellé :

Allégation 1

Le 26 novembre 2015 ou entre le 26 novembre 2015 et le 4 août 2016, à Lloydminster dans les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan, ou près de cet endroit, la caporale Tammy Hollingsworth n’a pas agi avec intégrité, équité et impartialité, et elle a compris son autorité, son pouvoir ou son poste, ou elle en a abusé, en contravention du paragraphe 3.2 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en poste au sein de la division K du détachement de la GRC à Lloydminster.

2. [Mme D.R.] était une employée municipale en poste au détachement de la GRC à Lloydminster. Vous étiez une amie proche de [Mme V.F.] et vous avez décidé, de façon délibérée, de vous mêler de ses problèmes matrimoniaux. [Mme V.F.] était l’ex-épouse du gendarme Mark Freeman (« gendarme Freeman »). Le gendarme Freeman est le maître-chien de la GRC en poste au détachement de Lloydminster, et il est supervisé par la sergente Sarah Knelsen.

3. Vous avez sciemment abusé de votre poste, de votre pouvoir et de votre autorité en tant que membre régulier de la GRC en recueillant délibérément des renseignements détaillés sur l’horaire de travail et les allées et venues du gendarme Freeman. Vous avez été en mesure de recueillir des renseignements sur la pratique professionnelle du gendarme Freeman uniquement parce que vous travaillez dans le même immeuble que lui et que vous comptiez sur des renseignements que vous avez obtenus grâce à votre mari, l’inspecteur Sukhjit Manj, qui était l’officier responsable du détachement.

4. Le gendarme Freeman habitait dans une chambre louée sur la propriété de [M. G.M.] et de [Mme D.M.]. Vous avez compromis votre équité et votre impartialité en conspirant avec [M. G.M.] et [Mme D.M.] afin qu’ils cherchent et recueillent des renseignements personnels sur la vie privée de leur locataire, la caporale Freeman. Cette surveillance menée par [Mme D.M.] comprenait : la prise de notes détaillées sur l’heure d’arrive et de départ d’une femme qui rendait visite à la caporale Freeman et de cette dernière; une description détaillée d’une femme qui lui rendait visite; la prise de photos d’un véhicule; les articles que la caporale Freeman a achetés pour son domicile (matelas) et la consignation de plaques d’immatriculation. Ces renseignements ont été recueillis en pleine connaissance de cause et à votre demande.

5. Vous n’aviez aucune raison légitime d’ordre opérationnel pour recueillir des renseignements sur les habitudes de travail (y compris les périodes sur appel), l’horaire de formation et les lieux fréquentés, ou sur le temps passé en dehors du travail du gendarme Freeman. Vous communiquiez ces renseignements sur les pratiques professionnelles et la vie privée du gendarme Freeman à [Mme V.F.]. Par vos actions, vous n’avez pas agi avec intégrité, équité et impartialité, et vous n’avez pas respecté la vie privée du gendarme Freeman et de [Mme D.R.].

6. Le motif sous-jacent de votre décision de vous immiscer dans la vie personnelle du gendarme Freeman et de [Mme D.R.] était simplement que vous ne pouviez pas accepter que lui et [Mme D.R.] entretenaient des liens personnels étroits. Votre quête délibérée visant à recueillir des éléments de preuve afin de mettre leur relation au jour a été amplifiée par votre loyauté envers [Mme V.F.].

[117]  Mes conclusions présentées dans la Détermination des faits établis traitent des détails 1 et 2, de la dernière phrase du détail 3 et de la première phrase du détail 4. Ces détails fournissent très peu de contexte au sujet des autres détails pertinents. Les autres renseignements contenus dans les détails sont la majeure partie des détails 3 et 4 ainsi que tous les renseignements liés aux détails 5 et 6.

N’a pas agi avec intégrité, équité et impartialité, et a compromis son autorité, son pouvoir et son poste, ou en a abusé.

[118]  Avant de passer à mon analyse des autres détails, je souhaite examiner l’allégation principale que la caporale Hollingsworth n’a pas agi avec intégrité, équité et impartialité et a compromis son autorité, son pouvoir ou son poste, ou qu’elle en a abusé. Cette analyse s’applique particulièrement aux allégations 1 et 2.

[119]  J’ai mentionné précédemment que le chevauchement des relations personnelles et de la GRC est, à mon avis, au coeur d la présente affaire. Les liens avec la GRC et les principaux acteurs en l’espère ont déjà été établis. Nous ne les répéterons donc pas ici.

[120]  À une certaine époque, la GRC n’était pas seulement l’emploi ou la carrière d’un membre, mais aussi la vie de dernier, et c’est ce à quoi on s’attendait de lui. Aujourd’hui, la GRC promeut agressivement ce qu’on appelle communément la « conciliation travail-vie », ce qui indique clairement qu’il existe une distinction entre la vie professionnelle d’un membre et sa vie privée ou lorsqu’il n’est pas en service. Mais sans égard à la mesure dans laquelle la GRC tente de respecter ce concept, un emploi dans l’organisation mène souvent la vie professionnelle à s’imisscer dans la vie personnelle d’un employé et, comme dans de nombreux autres milieux de travail, la vie personnelle de l’employé chevauche sa vie professionnelle. Je vous assure que lorsque les membres prennent une pause-café, ils ne discutent pas de la façon dont le dernier arrêt de la Cour suprême touche leur travail. Ils parlent du travail, mais la plupart du temps, ils parlent de leur conjoint, de leurs enfants, de leurs animaux domestiques, des récentes émissions de télévision, de la partie de hockey de la veille, de leur nouvelle voiture ou de leur dernier « jouet ».

[121]  Malgré les divers avertissements donnés dans les documents de formation actuellement utilisés à la GRC en matière de harcèlement dans le milieu de travail, les membres parlent aussi de leurs relations personnelles avec leurs collègues, souvent sous forme de commérage.

[122]  Les titulaires de certains postes à la GRC peuvent, à la fin de sa journée de travail, éteindre l’ordinateur, fermer la porte de son bureau et rentrer à la maison. Leur travail ne fait pas partie de leur vie jusqu’à ce qu’ils retournent au travail le lendemain matin. Les titulaires d’autres postes, comme le gendarme Freeman, à titre de maître-chien, ou l’inspecteur Manj, à titre d’officier responsable d’un important détachement, occupent un emploi qui s’immisce tellement dans leur vie personnelle qu’il est prêt de la mener. La plupart des emplois à la GRC se situent quelque part entre ces deux extrêmes, mais, la technologie, comme les appareils BlackBerry, ont rendu beaucoup plus facile le chevauchement de la vie professionnelle et de la vie personnelle des members.

[123]  Évidemment, plus la vie professionnelle d’un membre s’immisce dans sa vie personnelle, plus il est difficile de faire la distinction entre les moments où le membre est en service et ceux où il ne l’est pas. Cette situation est encore plus complexe lorsque deux membres sont mariés. La caporale Hollingsworth a habilement résumé cette réalité pendant son témoignage en affirmant :

R : Mon mari m’a dit qu’il ne sait pas à quel moment nous devons faire la distinction. Quand sommes-nous Tammy et Suki et quand sommes-nous [caporale Hollingsworth] et inspecteur Manj? [15]

[124]  Donc, dans ce contexte, la conversation habituelle entre mari et femme, après le travail, sur la façon s’est déroulée leur journée de travail est-elle une conversation personnelle ou professionnelle? S’agit-il d’une conversation entre deux membres hors service qui est visée par le Code de déontologie ou est-ce que cela du sujet de conversation?

[125]  Il ne fait aucun doute que les membres doivent respecter le Code de déontologie lorsqu’ils ne sont pas en service [16] . Cela est approprié et correspond au consentement du membre de respecter une norme plus élevée que celle que l’on s’attend de la part d’un citoyen ordinaire [17] . Par contre, la GRC ne peut pas « contrôler » tout ce qu’un membre fait 24 heures sur 24, 7 jours par semaine. La question de la caporale Hollingsworth est donc très bonne. Il doit y avoir une limite, mais où est-elle? Les parties ne m’ont pas fait connaître leur avis à ce sujet.

[126]  Dans ses déclarations et son témoignage, la caporale Hollingsworth a déclaré à de nombreuses reprises que ce qu’elle faisait, en ce qui a trait aux allégations, était lié à son travail. Cependant, si elle si la représentant du membre n’ont défini lesquels de ses gestes sont liés à son travail ou pourquoi elle croyait qu’ils l’étaient. La caporale Hollingsworth était consciente du fait qu’il existait une limite qu’elle ne pouvait pas franchir. Dans certains cas, elle savait très bien où cette limite se situait. Par exemple, elle a souligné très rapidement qu’elle ne pouvait pas utiliser les bases de données de la GRC pour déterminer qui était le propriétaire de la voiture de couleur marron muni de la plaque d’immatriculation de la Saskatchewan qui a été photographiée par M. G.M. et Mme D.M. sur leur propriété. Pendant l’enquête portant sur le Code de déontologie, diverses vérifications ont été menées pour déterminer si la caporale Hollingsworth a utilisé les bases de données de la GRC pour faire des recherches liées au présent dossier. Ces vérifications ont confirmé qu’elle ne l’avait pas fait.

[127]  Dans plusieurs messages textes, la caporale Hollingsworth affirme qu’elle sera un suivi au sujet de certaines choses, peut-être dans le cadre de son travail, ou qu’elle demanderait à M. Manj. La plupart du temps, les « engagements » semblaient être de simples tentatives visant à éviter de répondre à ce qu’on lui demandait plutôt qu’une façon d’accepter de mener l’activité professionnelle. Par exemple, à la page 738 de son dossier d’enquête, Mme D.M. a affirmé qu’il serait bien de savoir où la mère de Mme D.R. habitait. La caporale Hollingsworth a affirmé « je vais voir cde que je peux faire », mais il n’y a aucune preuve que la caporale Hollingsworth a donné suite ou qu’elle avait l’intention de le faire. En fait, c’est Mme D.M. qui a pris l’initiative de vérifier les renseignements accessibles au public pour trouver où la mère de Mme D.R. vivait.

[128]  En outre, le simple fait que la caporale Hollingsworth ait demandé quelque chose à M. Manj ne veut pas dire qu’elle a obtenu les renseignements qu’elle cherchait grâce à son travail. Par exemple, il a probablement obtenu les renseignements qu’il avait au sujet du chalet de la mère de Mme D.R. sur le bord du lac ou de qui était le propriétaire du camion rouge qui se trouvait sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. le 20 juillet 2016 en raison de la relation personnelle qu’il entretenait avec M. D.R. et Mme D.R. et non grâce à son travail. L’autorité disciplinaire n’a pas établi la source d’une grande partie de ces renseignements.

[129]  L’autorité disciplinaire, en faisant l’allégation, affirmait que cela était lié au travail, mais la représentante de l’autorité disciplinaire ne m’a pas indiqué pourquoi ce l’était. On m’a expliqué ce qu’un membre devait faire quand il est en service, mais on ne m’a pas indiqué précisément pourquoi le Code de déontologie devrait s’appliquer aux circonstances en l’espèce. Les détails donnent un aperçu de ce qu’ils croient, mais on ne m’a pas expliqué précisément comment la caporale Hollingsworth a abusé de son poste en tant que membre de la GRC alors qu’elle a agi, dans presque toute cette affaire, presque exclusivement à titre de simple citoyenne, alors qu’elle n’était pas en service.

[130]  On ne m’a pas expliqué de quelle façon la caporale Hollingsworth a abusé de son poste, de façon générale en tant que membre de la GRC ou plus précisément en tant que caporale chargée du Groupe de la réduction de la criminalité du détachement de Lloydminster. On ne m’a pas expliqué non plus de quel(s) pouvoir(s) la caporale Hollingsworth a abusé en tant que membre qui n’est pas en fonction ni de quelle façon elle en a abusé.

[131]  On ne m’a pas non plus expliqué pourquoi la caporale Hollingsworth a dû être impartiale dans les circonstances de l’affaire qui nous intéresse, ou la façon dont toute impartialité réelle ou perçue a eu une incidence sur l’exécution de ses tâches. Je le répète, elle agissait en tant que simple citoyenne puisqu’elle n’était pas en fonction. À ce titre, les membres font preuve d’impartialité en tout temps. Ils choisissent d’acheter certains produits plutôt que d’autres, ce qui ne regarde pas la GRC. Ils choisissent d’entretenir certaines amitiés qui, si ces dernières n’ont aucune incidence sur la cote de sécurité du membre ou sur sa capacité de faire son travail, ne regardent pas la GRC. Donc, pourquoi l’affaire qui nous intéresse est-elle différente?

[132]  L’affaire qui nous intéresse traite des relations personnelles de M. M.F., de Mme V.F. et de Mme D.R., comme M. Freeman me l’a rappelé à plusieurs reprises. M. Freeman et Mme D.R. étaient à l’emploi de la GRC ou travaillaient dans un détachement de la GRC pendant toute l’affaire, mais ils agissaient à titre de simples citoyens. La fin du mariage de M. et de Mme Freeman et de M. D.R. et Mme D.R. était d’ordre personnel et n’avait aucun lien avec la GRC.

[133]  La relation entre M. Freeman et Mme D.R. pouvait avoir des conséquences liées à la politique de la GRC sur les conflits d’intérêts et le signalement des relations personnelles. Des éléments de preuve démontrent que pendant un appel téléphonique entre la caporale Hollingsworth et Mme D.R., le 19 mai 2016 (mentionné précédemment), la caporale Hollingsworth a imploré Mme D.R. de divulguer leur relation avec le gendarme Freeman à l’inspecteur Manj car, en tant qu’officier responsable du détachement, il devait vérifier si Mme D.R. et le constable Freeman contrevenaient à la politique de la GRC sur les conflits d’intérêts. Puisqu’aucune préoccupation n’a été soulevée à savoir si la relation respectait la politique ou non, lorsqu’on a déterminé que la politique ne s’appliquait pas à la relation et qu’il n’était pas nécessaire de la signaler, pourvu que Mme D.R. et le gendarme ne la laissait pas s’immiscer dans leur travail de façon à ce qu’elle soit pertinente à la GRC, il s’agissait d’une relation personnelle qui n’avait aucun lien avec la GRC ou avec leur remploi respectif.

[134]  L’amitié entre la caporale Hollingsworth et Mme V.F. était de nature personnelle uniquement et n’avait rien à avoir avec la GRC. Mme V.F. a souvent demandé à la caporale Hollingsworth ce qu’elle savait au sujet de la relation personnelle entre M. Freeman et Mme D.R. Elle lui posait ces questions comme amie, et non comme membre de la GRC. Elle y répondait comme amie et non comme membre de la GRC. Les liens avec la GRC et les fonctions de la caporale Hollingsworth sont ténus.

[135]  Pendant une conversation sur sa vie personnelle, Mme D.R. a révélé à la caporale Hollingsworth un secret au sujet de sa relation personnelle avec son mari et lui a demandé de ne pas en parler. Mme D.R. a demandé à la caporale Hollingsworth de ne pas révéler un secret à son mari en tant qu’amie et non en tant que membre de la GRC. La caporale Hollingsworth a posé des questions et on lui a assuré que le secret n’avait rien à voir avec des activités criminelles. Il ne s’agissait donc que d’une question de nature privée entre la caporale Hollingsworth et Mme D.R.

[136]  L’amitié entre la caporale Hollingsworth et M. G.M. ainsi que Mme D.M. était de nature personnelle et n’avait rien à avoir avec la GRC, à l’exception de ce que j’ai déjà mentionné.

[137]  L’amitié entre M. D.R./Mme D.R. et la caporale Hollingsworth/M. Manj ainsi que la détérioration de cette relation étaient de nature personnelle et n’avaient aucun lien avec la GRC, à l’exception de ce que nous avons entendu parler au sujet des gestes de l’inspecteur Manj, une question complètement distincte.

[138]  On a demandé à la caporale Hollingsworth de ne pas laisser son mari, l’inspecteur Manj, l’entraîner dans cette affaire. Elle ne le nie pas, mais est-ce que M. Manji lui a demandé cela en tant qu’époux ou en tant qu’inspecteur Manj, l’officier responsable du détachement de Lloydminster? Le représentant de l’autorité disciplinaire m’incite à croire à cette dernière hypothèse, mais rien ne prouve quoi que ce soit.

[139]  Si M. Manj, le mari de la caporale Hollingsworth, lui a demandé cela, devait-elle « obéir »? Si elle ne l’écoutait pas, en quoi cela regardait la GRC? M. Manj lui a dit, dans le contexte de leur relation personnelle, de ne pas se mêler des questions liées aux relations personnelles d’autres personnes qui n’étaient pas directement liées à la GRC. Même si son mari lui parlait en tant qu’inspecteur Manj, officier responsable du détachement, devait-elle « obéir »? S’agissait-il d’un ordre, ou lui suggérait-il fortement de le faire? S’il s’agissait d’un ordre, celui-ci était-il légal, en gardant à l’esprit qu’il ne précisait pas qu’elle ne devait pas se mêler de ces relations personnelles pour des raisons professionnelles ou pour des raisons personnelles. Est-ce qu’un ordre qui n’a aucun lien apparent avec la GRC s’applique à la vie personnelle d’un membre?

[140]  À quelques exceptions mineures, toutes les communications de la caporale Hollingsworth avec de simples citoyens ont eu lieu à l’extérieur du milieu de travail, à l’aide de son appareil de communication personnel.

[141]  Les actions de M. Freeman et de Mme D.R. sur la propriété appartenant à M. G.M. et à Mme D.M. étaient liées à leur vie personnelle, qui n’avait rien à voir avec la GRC, à l’exception de l’incident du 20 juillet 2016. Ce lien n’a été évoqué uniquement parce que la conduite du gendarme Freeman alors qu’il n’était pas en fonction, qui a été décrite comme un incident de violence conjugale, a fait entrer le Code de déontologie en jeu.

[142]  La caporale Hollingsworth a peut-être obtenu des renseignements grâce à son travail, ce qui se produit dans tout milieu de travail, mais il n’y a aucune preuve que la caporale Hollingsworth n’a pas ménagé ses efforts pour les obtenir. Certains des renseignements étaient directement liés à sa vie personnelle, car elle gardait souvent les enfants du couple Freeman lorsque M. Freeman était absent. Cela a été prouvé par un message texte trouvé à la page 674 du dossier d’enquête. En voici le libellé partiel :

Marc ne sera pas avec les enfants ce soir pour que [Mme V.F.] puisse aller à la fête de fin d’année organisée pour les enseignants. Ils seront donc ici avec moi pour la nuit. Je ne sais pas ce qu’il fait ou ce qui est plus important, ou pourquoi il est trop occupé, mais nous sommes toujours heureux d’aider un ami! Elle mérite une pause! Oh oh! Le croc blanc revient encore! Ah Ah!

[143]  Dans des circonstances comme celles-ci, la caporale Hollingsworth avait le droit, en tant que simple citoyenne, de savoir ce que M. Freeman faisait, à des fins professionnelles ou non, afin de planifier et d’organiser correctement ses affaires personnelles.

[144]  Des rumeurs au sujet de la relation entre M. Freeman et Mme D.R. ont commencé à circuler au bureau en janvier 2016. Rien ne prouve que la caporale Hollingsworth ait lancé cette rumeur. En fait, la preuve indique clairement qu’un autre membre l’a lancée. La rumeur était connue comme la « Rumeur sur Ricki ». L’inspecteur Manj a demandé au gendarme Freeman s’il souhaitait faire quelque chose au sujet de cette rumeur, mais le gendarme Freeman a refusé que des mesures soient prises.

[145]  En fait, l’une des deux seules conversations tenues à ce sujet dans le milieu de travail et à laquelle la caporale Hollingsworth a participé a débuté en raison de cette rumeur. La caporale Hollingsworth a rencontré le gendarme Freeman pour lui assurer que, à la lumière de la rumeur, si Mme V.F. apprenait l’existence de la relation entre lui et Mme D.R., ce ne serait pas à casue d’elle. Elle n’a rien dit à Mme V.F. et elle n’avait pas l’intention de lui dire quoi que ce soit directement au sujet de ce qu’elle savait et soupçonnait.

[146]  En outre, le personnel des services d’urgence à l’extérieur de la GRC était aussi au courant de l’existence de cette relation, et ils en discutaient en public. Rien ne prouve que les renseignements qu’ils avaient eu leur possession provenaient de la caporale Hollingsworth.

[147]  Tous les éléments importants en l’espèce sont liés aux affaires personnelles des personnes concernées, en tant que simples citoyens. Le seul lien avec la GRC est que, dans leur vie professionnelle, plusieurs de ces personnes étaient membres de la GRC ou employées par l’organisation. Je ne crois pas que le Code de déontologie s’applique automatiquement seulement parce qu’un membre est touché par des questions d’ordre strictement personnel. Le statut d’un mariage ou d’une relation personnelle est une question uniquement personnelle. Le simple fait que des personnes qui sont membres de la GRC ou qui y sont employées, comme Mme D.R. à titre d’employée municipale, entretiennent ces relations ne fait pas nécessairement en sorte que celles-ci soient l’affaire de la GRC. Ce qui est important, ce sont les activités entreprises dans le cadre de ces relations personnelles et la façon dont elles sont liées à l’emploi des personnes qui les mènent, et pas simplement l’emploi des personnes touchées, à l’exception de la caporale Hollingsworth. Je me pose la question suivante : Si M. Freeman était un promeneur ou un éleveur de chiens dans le secteur privé, et non un maître-chien de la GRC, et si Mme D.R. était simplement une employée de la Ville de Lloydminster qui ne travaillait pas dans les bureaux de la GRC, est-ce que le processus disciplinaire serait lancé? Mon intuition et mon expérience me dise qu’il ne le serait probablement pas.

[148]  Je me demande donc, encore une fois, pourquoi les circonstances de la présente affaire font-elles en sorte que la GRC cherche à adopter des mesures disciplinaires contre la caporale Hollingsworth en raison de son implication? Il doit exister un lien important avec la situation de l’emploi pour que des sanctions soient nécessaires, et je ne vois pas ce lien, en me fondant sur les éléments de preuve qui me sont présentés. En l’espèce, les circonstances touchent uniquement des questions d’ordre personnel liées à des membres de la GRC qui agissent uniquement en tant que simple citoyen. Comme mon analyse le démontrera, les détails ne me permettront pas plus de démontrer ce lien.

Détail 3 – Cueillette délibérée de renseignements détaillés

[149]  Selon le détail 3, la caporale Hollingsworth a abusé de son poste, de son pouvoir et de son autorité, car elle a recueilli des renseignements détaillés sur l’horaire de travail et les allées et venues du gendarme Freeman. Elle a été capable de le faire uniquement parce qu’elle travaillait au même bureau que lui.

[150]  La représentante du membre a soutenu qu’il n’y a aucune preuve que la caporale Hollingsworth a rassemblé des renseignements détaillés de l’horaire de travail et des allées et venues du gendarme Freeman, car ils travaillaient tous les deux dans le même bureau.

[151]  Il ne fait aucun doute que la caporale Hollingsworth et le gendarme Freeman travaillaient dans le même bureau, mais dans des unités distinctes. Ils relevaient directement du même superviseur, la sergente Knelsen. La caporale Hollingsworth donc pu, de cette façon, recueillir des renseignements généraux sur l’horaire de travail et les allées et venues du gendarme Freeman. Elle ne l’a pas nié. Elle a par contre nié avoir recueill de l’information délibérément.

[152]  Le mot « recueilli » sous-tend une forme d’action positive de la part de la caporale Hollingsworth afin d’obtenir de l’information. Selon la caporale Hollingsworth, elle a recueilli des renseignements sur l’horaire de travail et les allées et venues du gendarme Freeman par de simples observations, de la même façon que quiconque pourrait faire ces observations dans tout type de milieu de travail. La plupart des gens dans le même bureau auraient connu la même chose que ce qu’elle savait sur l’horaire de travail et les allées et venues du gendarme Freeman.

[153]  Selon le témoignage du gendarme Freeman, il envoyé régulièrement des courriels à tous les employés du détachement pour les informer de sa disponibilité, au cas où ils auraient besoin des servcies d’un maître-chien pendant qu’il n’était pas en service. Cette pratique aurait changé à un certain moment, après que cette affaire ait été découverte.

[154]  Selon certains éléments de preuve, un tableau installé dans l’unité des télécommunications montrait si le gendarme Freeman et d’autres membres étaient présents dans l’immeuble. Rien ne prouve que la caporale Hollingsworth ait déjà consulté le tableau uniquement pour connaître les allées et venues du gendarme Freeman.

[155]  On a aussi présenté des éléments de preuve selon lesquels les horaires des quarts de travail, dont celui du gendarme Freeman, était contrôlés par le portail TEAM [18] , qui impose des restrictions d’accès des utilisateurs. Rien ne prouve que la caporale Hollingsworth avait accès à l’horaire de travail du gendarme Freeman dans le portail TEAM. En fait, la nature des tâches du gendarme Freeman était telle que, selon la sergente Knelsen, les membres de la Section des chiens policiers et de la Section de l’identité judiciaire, qu’elle supervisait, étaient les seuls membres du détachement de Lloydminster qui pouvaient saisir leurs propres changements à leur horaire de travail directement dans le portail TEAM, en raison de la nature extrêmement flexible de leur horaire de travail, du fait qu’ils étaient souvent sur appel et qu’ils étaient fréquemment rappelés au travail. Tout cela faisait en sorte qu’il était extrêmement difficile, voire impossible, pour la sergente Knelsen, leur superviseuse immédiate, d’assurer le suivi de leur horaire.

[156]  Rien ne prouve que l’horaire de travail du gendarme Freeman était affiché publiquement dans le détachement.

[157]  Enfin, personne n’a démontré que tout renseignement que la caporale Hollingsworth aurait pu avoir en sa possession était protégé.

[158]  L’échange de messages textes entre la caporale Hollingsworth et Mme D.M., qui commence au bas de la page 666 du dossier d’enquête, se lit comme suit :

[Cap. Hollingsworth] : Marc est-il là cette semaine? Il a dit à [Mme V.F.] qu’il participait à un cours sur le terrain toute la fin de semaine. Il a dit qu’il ne pouvait avoir les enfants avec lui, et qu’il ne reviendrait pas avant mardi. Je me demande juste si c’est vrai, vu que Suki a dit que le cours finissait aujourd’hui.

Il y a aussi quelques « bulles de texte » qui ne sont pas pertinentes, mais Mme D.M. poursuit en disant : « Hummmmm… il nous a dit la même chose. Qu’il suivait une formation de six jours sur le terrain? ». Donc, dans ce cas, la caporale Hollingsworth a obtenu les mêmes renseignements et, de manière positive, elle a cherché à les obtenir auprès de Mme V.F. et de Mme D.M., qui avaient toutes les deux obtenu les renseignements auprès de M. Freeman lui-même.

[159]  La caporale Hollingsworth a mentionné que tout membre du public pouvait connaître le type d’information qu’elle aurait recueillie simplement en téléphonant au bureau. Je suis d’accord pour affirmer que cela était certainement possible. Si vous tenez compte du message précédent, est-ce que Mme V.F. aurait dû téléphoner au bureau et mentionner qu’elle devait parler au gendarme Freeman de façon urgente au sujet de leurs enfants? La personne qui aurait répondu à son appel lui aurait donné les mêmes renseignements.

[160]  En outre, en l’espèce, rien n’indique que la caporale Hollingsworth a utilisé ces renseignements de quelque façon que ce soit.

[161]  En raison de ce qui précède, je ne peux pas conclure que ce détail a été établi.

Détail 4 – Complot avec Mme D.M. et M. G.M.

[162]  Les renseignements relatifs à ce détail révèlent, en partie, que la caporale Hollingsworth n’a pas fait preuve d’équité ou d’impartialité en agissant de connivence avec Mme D.M. et M. G.M. afin qu’ils cherchent activement à obtenir des détails intimes sur la vie privée de leur locataire, M. Freeman. Il existe de nombreux renseignements que Mme D.M. consignait, et la caporale Hollingsworth était au courant de cette pratique et l’encourageait.

[163]  Je commence en mentionnant que rien ne prouve que la caporale Hollingsworth a communiqué avec M. G.M. à ce sujet. Toute implication de sa part dans cette affaire présumée était entre lui et Mme D.M., ou était dictée par les circonstances, comme son intervention lors de l’affrontement physique entre M. et Mme Freeman le 20 juillet 2016. Cette partie de l’allégation n’est donc pas établie.

[164]  Dans ses observations finales [19] , la représentante du membre a donné la définition suivante de « complot », obtenue dans le dictionnaire Merriam-Webster en ligne :

conspire as to join in a secret agreement to do an unlawful or wrongful act; or an act which becomes unlawful as a result of a secret agreement; and to act in harmony towards a common end. [Définition tirée du dictionnaire Le Petit Robert : Projet concerté secrètement contre la vie, la sûreté de quelqu’un, contre une institution. Manoeuvres secrètes, concertées.]

[165]  Selon le Black’s Law Dictionary [20] , le mot « conspiracy » se définit comme suit [traduction] : « entente entre au moins deux personnes dans le but de commettre un acte illégal, une combinaison d’actes dans un but illégal ».

[166]  Il est évident que Mme D.M. et la caporale Hollingsworth étaient du même avis en ce qui a trait à leur désir de laisser Mme V.F. apprendre elle-même l’existence de la liaison entre M. M.F. et la femme qui, selon eux, était Mme D.R. Par contre, être du même avis ne constitue pas une entente, et encore moins un complot.

[167]  À l’allégation de complot s’ajoute l’affirmation de l’autorité disciplinaire selon laquelle Mme D.M. consignait cette information alors que la caporale Hollingsworth était au courant et encourageait cette pratique.

[168]  Dans sa réponse fournie aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie) au sujet des allégations, la caporale Hollingsworth a reconnu qu’elle savait que Mme D.M. consignait des renseignements sur les activités de M. Freeman sur sa propriété. Elle a nié qu’elle incitait Mme D.M., de consigner ces renseignements, mais elle a reconnu qu’elle n’a pas essayé de l’en empêcher non plus.

[169]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a considéré la preuve circonstancielle du moment auquel Mme D.M. a commencé à consigner ces renseignements, qui a coïncidé avec une activité sociale avec la caporale Hollingsworth/M. Manj et M. G.M./Mme D.M., comme étant la preuve qu’on avait demandé à Mme D.M. de consigner les renseignements. Il s’agit de pures spéculations. Les éléments de preuve démontrent clairement que Mme D.M. a consigné tous les renseignements mentionnés dans le détail de sa propre initiative, pour ses propres raisons personnelles.

[170]  De plus, le représentant de l’autorité disciplinaire a insisté sur le fait que la caporale Hollingsworth devait demander à Mme D.M. d’arrêter de consigner ces renseignements, car il s’agissait d’une violation de la vie privée de M. Freeman. Je ne suis pas d’accord.

[171]  J’aborderai cette question plus en détail en ce qui a trait au détail selon lequel il y a eu une atteinte à la vie privée, mais j’indiquerai ici qu’un complot nécessite la commission d’un acte illégal ou malveillant. Les tribunaux civils ont déterminé qu’une atteinte à la vie privée est un tort susceptible d’action, mais Mme D.M. ne faisait que consigner les activités que M. Freeman menait à la vue de tous sur sa propriété. Ces activités mettaient elle et son mari mal à l’aise sur leur propre terrain. Ils croyaient que les actions de M. Freeman et de la femme qu’ils croyaient être Mme D.R. pouvaient nuire à leur intégrité personnelle, et donc à leurs intérêts professionnels. Je ne crois pas que ce qu’elle faisait était illégal ou malveillant. Dans ces circonstances, je ne crois pas que la caporale Hollingsworth devait demander à Mme D.M. d’arrêter.

[172]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a aussi cité deux messages textes en particulier qui, selon lui, sont la preuve que la caporale Hollingsworth a demandé des renseignements à Mme D.M., et donc la preuve qu’elle a incité Mme D.M. à les obtenir.

[173]  Le premier message texte dont il est question se trouve à la page 666 du dossier d’enquête, et il a déjà été cité [voir le paragraphe 164]. Selon ce que je comprends de cet échange de messages textes, il s’agit d’une demande visant des renseignements que Mme D.M. pourrait avoir en sa possession et qu’elle avait peut-être déjà en sa possession. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une incitation à obtenir les renseignements.

[174]  Le deuxième message texte dont il est question se trouve à la page 674 du cahier d’enquête. En voici le libellé partiel :

De toute façon, si tu es témoin d’activités dans les environs, ça serait intéressant. Il ne travaille ni ce soir ni demain, mais apparemment, il était trop occupé pour s’occuper des enfants ce soir. Il participait à un cours sur le terrain en fin de semaine, donc il ne les as pas vus. C’est malheureux. Je suppose aue je ne devrais pas juger. Il fait peut-être quelque chose d’important.

[175]  On a posé des questions à Mme D.M. au sujet de ce message texte pendant son témoignage. Elle a clairement indiqué qu’elle ne croyait pas que les propos de la caporale Hollingsworth constituaient une demande précise selon laquelle elle devait recueillir des renseignements sur les activités de M. Freeman [21] . Ce n’est certainement pas une demande directe.

[176]  En raison de ce qui précède, je ne peux pas conclure que ce détail a été établi.

Détail 5 – Aucune raison opérationnelle de recueillir des renseignements sur le gendarme Freeman

[177]  Selon le détail 5, la caporale Hollingsworth n’avait aucune raison opérationnelle de recueillir des renseignements sur le gendarme Freeman. Cet énoncé est vrai de nombreuses façons, mais faux d’autres façons.

[178]  Lorsque la caporale Hollingsworth a été mutée au détachement de Lloydminster, elle a été nommée responsable du programme de sécurité routière. Plus tard, elle a été nommée responsable du Groupe de la réduction de la criminalité, chargé du Programme des délinquants récidivistes, du Programme social chronique et de la liaison avec les écoles et les médias. Je n’ai en ma possession aucune information sur les tâches particulières associées à ses fonctions, mais il est évident qu’au moins les deux programmes (Programme des délinquants récidivistes et Programme social chronqiue) faisaient partie d’une unité opérationnelle. En tant qu’unité opérationnelle, le Groupe de la réduction de la criminalité aurait pu avoir besoin des services d’un chien policier. La caporale Hollingsworth avait donc une raison opérationnelle de connaître l’état de service du gendarme Freeman en tout temps. Le fait que le gendarme Freeman a envoyé des courriels informant tout le détachement de ses allées et venues au cas où il devait être rappelé au travail est un autre élément de preuve de la nécessité, pour le personnel opérationnel, de savoir où il se trouvait alors qu’il n’était pas en service. Pourquoi aurait-il adopté cette pratique si cela n’était pas nécessaire?

[179]  J’ai déjà discuté du fait que la caporale Hollingsworth ne recueillait pas de renseignements, mais qu’elle en prenait plutôt connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

[180]  Enfin, j’ai aussi mentionné que la caporale Hollingsworth avait intérêt, sur le plan personnel, à connaître les allées et venues du gendarme Freeman afin de gérer ses propres affaires personnelles, plus particulièrement la nécessité de garder les enfants de la famille Freeman.

[181]  En me fondant sur ce qui précède, je ne peux pas conclure que ce détail a été établi.

Détail 5 – Communication de renseignements liés au travail à Mme V.F.

[182]  La caporale Hollingsworth a reconnu, dans sa réponse fournie aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie) au sujet des allégations selon lesquelles les renseignements obtenus grâce au travail auraient pu être mentionnés lors d’une conversation informelle avec Mme V.F., mais elle a nié avoir sciemment communiqué ces renseignements à son amie. Elle a aussi reconnu qu’elle parlait de telles choses plus librement avec Mme V.F. à la suite de l’incident survenu le 20 juillet 2016 sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M.

[183]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a donné six exemples précis de messages textes dans lesquels la caporale Hollingsworth donnait des renseignements à Mme V.F. Ceux-ci sont présentés aux pages 869, 870, 873, 883, 884 et 887 du cahier d’enquête. J’ai examiné les six messages textes. Deux contiennent des renseignements provenant de Mme D.M. et n’ont aucun lien avec le travail. Deux contiennent des renseignements sur les conséquences de l’incident du 20 juillet 2016, que la caporale Hollingsworth a obtenus pendant qu’elle n’était pas en service et qui étaient liés au travail uniquement en raison de l’affrontement physique survenu sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. Un message mentionnait simplement que l’inspecteur Manj avait fait un appel. Les deux autres messages portaient sur un déplacement du gendarme Freeman à Edmonton et qui coïncidait avec un déplacement de Mme D.R., à Edmonton également, pour faire installer un démarreur à distance sur son véhicule. L’installation du démarreur à distance n’avait clairement aucun lien avec le travail. Rien n’explique pourquoi le gendarme Freeman s’est rendu à Edmonton. Mme V.F. savait déjà que le gendarme Freeman était allé à Edmonton pour suivre une formation. Il ne s’agissait donc pas d’une révélation pour Mme V.F., même si le gendarme Freeman a effectué ce déplacement pour des raisons professionnelles.

[184]  Les seuls véritables renseignements liés au travail dans ces messages textes indiquaient que Mme D.R. est allée à Red Deer pour suivre une formation, et rien d’autre. Il ne s’agissait pas de renseignements protégés. La nature de la formation n’est pas précisée. On ignore qui est la source des renseignements que la caporale Hollingsworth avait en sa possession. Ce lien est si fragile que je ne peux pas conclure que ce détail est établi simplement en me fondant sur ce renseignement, surtout si je tiens compte du fait qu’il s’agit d’une affaire de renvoi.

[185]  Les renseignements que Mme V.F. avait en sa possession ne provenaient pas tous de la caporale Hollingsworth. Selon le témoignage des témoins Mme V.F. comptait sur plusieurs sources d’information au sujet de l’horaire de travail et des allées et venues du gendarme Freeman relativement à son travail. L’une de ces sources était le gendarme Freeman lui-même.

[186]  Jusqu’à leur séparation, Mme V.F. avait été en couple avec M. Freeman pendant toute sa carrière à la GRC. Mme V.F. a témoigné qu’elle connaissait d’autres renseignements sur son horaire de travail et sur ses autres activités professionnelles qu’elle avait obtenus alors qu’ils étaient encore en couple. Par exemple, elle savait que le mercredi, le gendarme Freeman suivait une formation à Edmonton. Puisque ses activités professionnelles s’immisçaient dans sa vie privée, elle en connaissait probablement beaucoup plus sur ses activités professionnelles que ce qui a été présenté comme preuve. À la suite de leur séparation, M. Freeman a continué de donner à Mme V.F. de l’information sur son horaire de travail et sur ses allées et venues. Ces renseignements étaient liés à la garde de leurs deux enfants.

[187]  Les enfants étaient aussi une source d’information pour Mme V.F. Ils lui ont sans doute parlé de leur visite chez leur père lorsqu’ils sont entrés à la maison. Par exemple, ils lui ont parlé du nouveau matelas que M. Freeman avait acheté pour le lit dans l’appartement. Ils lui ont aussi dit qu’ils avaient été passagers dans la voiture de police quand le gendarme Freeman était rappelé au travail.

[188]  M. D.R. ne donnait pas volontairement beaucoup de renseignements sur ce qu’il a dit à Mme V.F. pendant l’appel téléphonique d’une durée de deux heures fait à la suite de l’incident du 20 juillet 2016 incident. Mme V.F. a témoigné que M. D.R. était une mine de renseignements pour elle. Les renseignements qu’il a fournis lui ont permis d’établir des liens en ce qui a trait aux déplacements que son mari a faits pour son travail et qui sont mentionnés dans les messages textes mentionnés précédemment.

[189]  En me fondant sur ce qui précède, je ne peux pas conclure que ce détail a été établi.

Détail 5 – Intrusion dans la vie privée de M. M.F. et de Mme D.R.

[190]  De plus, selon le détail 5, la caporale Hollingsworth a fait intrusion dans la vie privée de M. Freeman et de Mme D.R.

[191]  Je me suis déjà retrouvé dans une situation presque identique à celle de M. Freeman. À l’été 2008, mon épouse et moi avons été mutés. Il y avait un écart de trois mois entre la clôture de la vente de la maison que nous possédions à ce moment et la date de possession de notre nouvelle maison. Je me suis rendu à l’endroit où nous avions été mutés avant ma femme, pendant la période de trois mois. Le seul logement temporaire que je pouvais occuper était un logement au-dessus d’un garage situé sur une propriété rurale, à une certaine distance de la ville. Le logement était fourni par un propriétaire qui le louait pour aider les membres de la GRC qui avaient besoin d’un logement temporaire. J’étais le cinquième ou sixième membre de la GRC à y habiter. Le garage était séparé de la maison, comme celui sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M., mais il était beaucoup plus près. Je m’attendais à avoir de l’intimité dans l’appartement, mais je savais bien que ce que je faisais à l’extérieur de celui-ci n’était pas de nature privée. Je savais aussi très bien que je devais respecter l’intimité des résidents permanents de la maison.

[192]  Dans ces circonstances, je ne crois pas que M. Freeman et Mme D.R. avaient une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée pour ce qui de ce qu’ils faisaient à l’extérieur du logement, à la vue de tous sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M.

[193]  Cela dit, et comme je l’ai mentionné précédemment, les tribunaux civils ont reconnu que l’intrusion dans la vie privée est un acte susceptible d’action. Le cas d’espèce à ce sujet semble être la décision de la Cour d’appel de l’Ontario rendue dans l’affaire Jones c. Tsige, 2012 ONCA 32 (CanLII). Il existe plusieurs moyens reconnus de porter atteinte à la vie privée, mais le seul qui pourrait être appliqué en l’espèce est appelé « intrusion dans l’intimité ». Selon le tribunal, la conduite de la personne qui aurait porté atteinte à l’intimité doit être intentionnelle, ce qui inclut l’insouciance. Elle doit porter atteinte aux affaires privées sans justification de nature juridique. Enfin, la conduite doit être telle qu’une personne raisonnable jugerait que l’atteinte est extrêmement blessante, qu’elle provoque de la détresse, de l’humiliation ou de l’angoisse. On sous-entend que la caporale Hollingsworth a porté atteinte à la vie privée de M. Freeman et de Mme D.R. en raison des gestes qu’elle a posés et dans le cadre du complot avec M. G.M. et Mme D.M.

[194]  M. G.M. et Mme D.M. n’avait pas dissimulé de caméra ou de dispositif d’enregistrement dans le logement loué à M. Freeman, mais ce dernier a fait allusion à cette possibilité [22] .

[195]  Selon le témoignage de M. G.M., à l’occasion, « ils » avaient besoin d’aller dans le logement « pour faire quelque chose ». Avant d’entrer dans l’appartement, « ils » envoyaient un message texte à M. Freeman pour l’en informer [23]

[196]  Tout ce que M. G.M. et Mme D.M. ont observé sur leur propriété au sujet de M. Freeman et de Mme D.R. s’est produit à la vue de tous alors que M. Freeman ou Mme D.R. était à l’extérieur de l’appartement. Mme D.M. a dit plusieurs fois, à la blague, qu’elle se cachait dans les buissons pour observer M. Freeman [24] , le gendarme Freeman a affirmé, dans son témoignage, qu’il avait interprété ces messages textes comme voulant dire que Mme D.M. l’avait réellement fait. [25] Cependant, rien ne prouve qu’elle l’ait fait. Il s’agit d’un autre exemple d’une mauvaise interprétation des éléments de preuve de la part du gendarme Freeman. En réalité, M. G.M. et Mme D.M. se trouvaient simplement dans leur cour ou dans leur maison et menaient leurs activités quotidiennes normales, comme l’ajustement des lumières de détecteurs de mouvement, l’arrosage de leurs 200 plantes en pot, kla préparation d’un feu de camp, de la détente autour de ce feu, la visite de membres de la famille ou la préparation de repas dans la cuisine. Ils avaient tout à fait le droit de mener ses activités sur leur propriété. Leurs observations n’étaient pas intentionnelles ou faites secrètement. Ce sont des choses qui se déroulaient sous leurs yeux.

[197]  Une personne raisonnable ne croirait pas que les gestes de M. G.M. et de Mme D.M. étaient extrêmement blessantes. Les gestes de M. Freeman les rendaient mal à l’aise sur leur propriété. Ils n’étaient pas obligés de devenir prisonniers de leur propre maison et de fermer les rideaux pour éviter les contacts avec leur locataire, et rien n’aurait dû les décourager de suivre leur routine quotidienne dans la cour, par crainte d’observer quelque chose que M. Freeman ne voulait pas qu’ils voient. Voici la question que l’on doit se poser : « Qui portait atteinte à la vie privée de qui? »

[198]  L’autorité disciplinaire fait porter le blâme uniquement à la caporale Hollingsworth et à Mme D.R. en ce qui a trait à la découverte, par Mme V.F., de la relation entre M. Freeman et Mme D.R. Cependant, malgré les efforts de M. Freeman et de Mme D.R. pour garder leur « amitié » secrète, elle ne l’était pas. Comme M. G.M. et Mme D.M. l’ont indiqué lors de leur témoignage, Lloydminster est une petite ville. Les gens se parlent. Mme D.M. a mentionné, dans son témoignage, qu’elle et M. G.M. avaient entendu des rumeurs lors de deux événements publics distincts selon lesquelles l’« homme au chien » du détachement était infidèle. Le premier événement était associé au club de bienfaisance dont ils étaient membres. L’autre était une soirée dans un pub irlandais. Lors de ces événements, ils ont entendu des travailleurs des services d’urgence en parler. La relation était aussi connue au détachement. Comme le gendarme Freeman l’an indiqué, la « Rumeur sur Ricki » a été lancée par un membre de la GRC qui était en congé de maternité et qui ne travaillait même pas à temps plein. Comme l’a indiqué le gendarme Freeman dans son témoignage, cette rumeur s’est répandue comme une traînée de poudre et il ne pouvait rien faire pour l’arrêter.

[199]  En me fondant sur ce qui précède, je ne peux pas conclure que cette portion du détail a été établie.

Détail 6 – Motif sous-jacent

[200]  La représentante du membre a soutenu que le motif n’est pas un détail approprié. Je suis d’accord.

[201]  Dans tous les cas, je ne crois pas que le motif de la caporale Hollingsworth, tel qu’il est établi dans les détails, est énoncé correctement. Il est très exagéré. La caporale Hollingsworth n’approuvait certainement pas la liaison entre M. Freeman et Mme D.R. Mais il est clair que si la caporale Hollingsworth avait un motif, c’était de permettre à son amie, Mme V.F., de comprendre la véritable nature de sa future relation avec son mari afin qu’elle puisse prendre des décisions informées pour elle et ses enfants. Elle n’était pas motivée par ses propres intérêts, mais plutôt par ceux d’une amie.

[202]  Personne n’a cherché à obtenir de l’information. La caporale Hollingsworth disposait de suffisamment de renseignements dès janvier 2016 lorsque la « Rumeur sur Ricki » s’est répandue au bureau. Plutôt que de dévoiler le secret de Mme D.R. à Mme V.F., elle a conservé l’information qu’elle connaissait malgré les nombreuses demandes de son amie à ce sujet.

Conclusion – Allégation 1

[203]  En me fondant sur ce qui précède, je conclus que l’allégation 1 n’a pas été établie.

Preuve et conclusions – Allégation 2

[204]  La deuxième allégation concerne également l’article 3.2 du Code de déontologie. En voici le libellé :

Allégation 2

Le 16 juin 2016 ou entre le 16 juin et le 14 septembre 2016, à Lloydminster, dans les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan ainsi qu’à Chilliwack, dans la province de la Colombie-Britannique, ou près de ces endroits la caporale Tammy Hollingsworth n’a pas agi avec intégrité, équité et impartialité, et elle a compromis son autorité, son pouvoir ou son poste, ou elle en a abusé, en contravent de l’article 3.2 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en poste à la division K du détachement de Lloydminster.

2. [Mme D.R.] était une employée municipale au détachement de la GRC à Lloydminster. Vous étiez une bonne amie de [Mme V.F.] et vous avez sciemment décidé de vous mêler de ses problèmes matrimoniaux. [Mme V.F.] était l’ex-épouse du gendarme Mark Freeman (« gendarme Freeman »). Le gendarme Freeman est le maître-chien de la GRC en poste au détachement de Lloydminster, et la sergente Sarah Knelsen le supervise.

3. Vous avez sciemment abusé de votre poste, de votre pouvoir et de votre autorité à titre de membre régulier de la GRC en recueillant de façon délibérée des renseignements détaillés sur l’horaire de travial et les allées et venues du gendarme Freeman. Votre capacité à obtenir des renseignements détaillés sur les pratiques professionnelles du gendarme Freeman dépendant uniquement du fait que vous travailliez dans le même bureau que lui, mais aussi sur le fait que vous comptiez sur des renseignements que votre mari, l’inspecteur Sukhjit Manj, l’officier responsable du détachement, vous a communiqués. Vous n’aviez aucune raison opérationnelle légitime de recueillir ces renseignements.

4. Le gendarme Freeman habitait dans une chambre louée sur la propriété de [M. G.M.] et de [Mme D.M.]. Vous avez compromis votre équité et votre impartialité en agissant de connivence avec [M. G.M.] et [Mme D.M.] afin qu’ils cherchent activement à obtenir et qu’ils recueillent des renseignements sur la vie privée de leur locataire, le gendarme Freeman. Le motif sous-jacent pour lequel vous vouliez connaître l’horaire de travail et les affaires privées du gendarme Freeman était que vous ne pouviez tout simplement pas accepter que lui et [Mme D.R.] entretenaient des liens personnels étroits.

5. Vous êtes devenue déterminée à faire en sorte que [Mme V.F.] observe le gendarme Freeman et [Mme D.R.] ensemble. Vous avez d’abord élaboré un plan détaillé pour que [Mme V.F.] et [Mme D.M.] se rencontrent en personne. Les détails de ce plan sont contenus dans une multitude de messages textes que vous avez échangés avec [Mme D.M.]. Le 20 juillet 2016, [Mme D.M.] vous a envoyé un message texte pour que vous demandiez à [Mme V.F.] de se rendre à la propriété de [M. G.M. et Mme D.M.] afin de pouvoir observer personnellement un camion rouge et sa conductrice, que l’on croit être [Mme D.R.] au logement loué du gendarme Freeman. Les détails de votre correspondance avec [Mme V.F.] sont contenus dans de multiples messages textes. [Mme V.F.] s’est rendue à la propriété de [M. G.M. et Mme D.M.], et une altercation physique est survenue entre [Mme V.F.] et le gendarme Freeman. Cette altercation était le résultat direct du plan que vous partagiez avec [Mme D.M.].

6. Vous avez délibérément apporté votre aide dans tous les aspects de cette rencontre entre le gendarme Freeman, [Mme V.F.] et [Mme D.R.] sur la propriété de [M. G.M. et Mme D.M.]. Vous avez, entre autres, gardé les enfants de [Mme V.F.] afin qu’elle puisse se rendre sur la propriété de [M. G.M. et de Mme D.M.].

7. En prenant délibérément des dispositions qui ont mené à une situation de violence conjugale, vous n’avez pas agi avec intégrité, équité et impartialité. Sans vos interventions menées volontairement et de façon planifiée, cette rencontre sur la propriété de [M. G.M. et Mme D.M.] n’aurait jamais eu lieu.

8. Vous avez aussi manqué à votre devoir d’agir de façon équitable et impartiale en incitant activement [Mme D.M.] et [M. G.M.] à déposer des plaintes sur le caractère moral de [Mme D.R.] devant son employeur et en incitant [Mme D.M.] à déposer une plainte devant la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (dossier 2016-2114), uniquement pour des motifs personnels et intéressés.

[205]  Encore une fois, mes conclusions présentées à la section Détermination des faits établis touchent les détails 1 et 2, la dernière phrase du détail 3 et la première sentence du détail 4. Il y a toujours le reste du détail 4 et l’ensemble des détails 5, 6 et 7. Le détail 8 a été supprimé pendant la conduite de l’audience.

[206]  L’analyse du reste du détail 3 et du détail 4 a déjà été faite dans la présente décision écrite.

Détail 5 – Élaboration d’un plan visant à ce que Mme V.F. rencontre Mme D.M.

[207]  Selon une partie du détail 5, la caporale Hollingsworth a élaboré un plan détaillé visant à ce que Mme V.F. rencontre Mme D.M. en personne.

[208]  Il est évident, selon les éléments de preuve, que Mme V.F., l’amie de la caporale Hollingsworth, lui demandait de façon répétée si elle savait quelque chose sur les affaires personnelles de son ex-mari. La preuve démontre aussi clairement que la caporale Hollingsworth connaissait beaucoup plus de renseignements et avait de très sérieux doutes sur ce qui se passait entre M. Freeman et Mme D.R. Elle n’a divulgué cette information et fait part de ses soupçons à Mme V.F. qu’à la suite de l’incident du 20 juillet 2016. On a souvent entendu que la caporale Hollingsworth avait de la difficulté à composer avec ce qu’elle savait et qu’elle croyait qu’elle ne pouvait en parler à son amie, même si celle-ci le lui demandait souvent.

[209]  Mme D.M. a indiqué qu’elle souhaitait Mme V.F. Elle avait des cadeaux pour ses enfants et elle croyait, en raison de son expérience avec le centre de prévention de la violence familiale, qu’elle pourrait être en mesure d’aide Mme V.F. à composer avec la séparation et de l’appuyer lorsque la caporale Hollingsworth quitterait la ville.

[210]  Il est aussi évident que Mme V.F. n’était pas aussi enthousiaste à l’idée de rencontrer Mme D.M. Mme V.F. a témoigné que, même si la caporale Hollingsworth lui avait dit que Mme D.M. était une très bonne personne, elle ne souhait pas la rencontrer à ce moment. Elle a affirmé ce qui suit : « À ce moment, j’avais l’impression qu’ils respectaient beaucoup Mark. Je ne voulais donc pas vraiment la rencontrer. » [26]

[211]  La combinaison de ces trois facteurs ont fait naître un important dilemme pour la caporale Hollingsworth. Son amie voulait obtenir de l’information auprès d’elle. Mme D.M. avait en sa possession l’information que son amie voulait, et elle était prête à la communiquer à Mme V.F, mais elle n’avait aucun moyen pour le faire, car elle ne connaissait pas Mme V.F. à ce moment. La caporale Hollingsworth était dans le milieu et voulait se retirer de cette situation. Il n’avait pas besoin de servir d’intermédiaire pour la transmission d’information qui pouvait être facilement échangée entre Mme D.M. et Mme V.F. Elles pouvaient échanger cette information librement, sans que la caporale Hollingsworth ne soit mêlée à cet échange, mais elles devaient d’abord se rencontrer. Cependant, seule l’une d’entre elles souhaitait rencontrer l’autre.

[212]  La caporale Hollingsworth et Mme D.M. ont accepté d’organiser une rencontre avec Mme V.F. Elles ont discuté de la rencontre plusieurs jours avant que celle-ci n’ai lieu, après une tentative infructueuse. Il ne s’agit pas, par contre, d’une preuve qu’elles avaient mené une planification détaillée. En fait, la rencontre a eu lieu simplement parce qu’une occasion s’est présentée. Mme V.F. a demandé à la caporale Hollingsworth de la rencontrer avant qu’elle et M. Manj aillent en vacances, et la caporale Hollingsworth était sur le point de quitter Lloydminster. La caporale Hollingsworth a suggéré d’aller prendre un café à un endroit en particulier. Mme V.F. a accepté. Mme D.M. était occupée avec des visiteurs étrangers, mais elle avait une course à faire en ville. Elle a donc pu assister à la rencontre. Une très brève rencontre entre Mme V.F. et Mme D.M. s’est produite. La rencontre était définitivement planifiée, mais la planification n’était pas élaborée.

[213]  D’un côté, l’autorité disciplinaire cherche à prendre des sanctions à l’égard de la caporale Hollingsworth en raison de son implication dans cette affaire, plus particulièrement puisqu’elle a élaboré des plans avec Mme D.M. En établissant un lien directement entre Mme V.F. et Mme D.M., l’information sur M. Freeman pouvait être échangée entre elles sans que la caporale Hollingsworth n’intervienne. L’implication de la caporale Hollingsworth dans cette affaire était potentiellement terminée, au moins en ce qui a trait à ce qui se passait sur la propriété de M. G.M. et Mme D.M. Par contre, avec ce détail, l’autorité disciplinaire tente de tenir la caporale Hollingsworth responsable de ses actions lors de l’organisation d’une rencontre, qui visait clairement à lui permettre de se retirer d’une situation dans laquelle, selon l’autorité disciplinaire, elle n’aurait jamais dû se trouver. L’autorité disciplinaire doit faire un choix. Elle ne peut pas chercher à imposer des sanctions à la caporale Hollingsworth pour avoir été impliquée dans cette situation, puis tenter de la tenir responsable d’avoir tenté de se retirer de cette situation. Il y avait un plan, mais il n’était pas détaillé. Le plan avait un but légitime : il visait, au moins, à réduire l’implication de la caporale Hollingsworth dans cette affaire.

[214]  En me fondant sur ce qui précède, je conclus que cette partie du détail n’est pas établie.

Détail 5 – Altercation – Planification directe

[215]  Le reste du détail 5, le détail 6 et le détail 7 sont partiellement liés, car ils touchent tous les affirmations selon lesquelles l’affrontement physique entre M. et Mme Freeman était le résultat direct de la connivence entre la caporale Hollingsworth et Mme D.M., et qu’elle ne s’est produite qu’en raison des gestes de la caporale Hollingsworth. Je les traiterai donc ensemble, et je commencerai par dire que les affirmations sont exagérées.

[216]  Il est évident que Mme D.M. et la caporale Hollingsworth souhaitaient que Mme V.F. apprenne que M. Freeman entretenait une relation avec une femme qu’elles croyaient être Mme D.R. Elles espéraient que Mme V.F. pourrait alors passer à autre chose. Elles avaient en leur possession l’information dont Mme V.F. avait besoin et qu’elle souhaitait obtenir. La caporale Hollingsworth n’a pas divulgué à son amie qu’elle était au courant de la relation et elle éprouvait beaucoup d’angoisse pour cette raison. Elle sentait qu’elle trahissait son amie en ne lui divulguant pas l’information. Elle voulait que Mme V.F. l’apprenne d’elle-même. Malgré cela, rien ne prouve que la caporale Hollingsworth et Mme D.M. avait planifié comment Mme V.F. apprendrait d’elle-même l’existence de la liaison.

[217]  Même si elles avaient de très forts soupçons, la caporale Hollingsworth et Mme D.M. n’étaient pas absolument certaines que Mme D.R. était la femme qui avait une relation avec M. Freeman. Elles ne voulaient pas donner à Mme V.F. de l’information qui était fausse.

[218]  Les événements du 20 juillet 2016 ne se sont pas produits en raison de l’existence d’un plan élaboré entre la caporale Hollingsworth et Mme D.M., mais plutôt parce que, comme l’a reconnu la représentante de l’autorité disciplinaire, « les astres étaient favorables ».

[219]  Les éléments de preuve démontrent clairement que Mme V.F. ne savait pas que M. Freeman entretenait une relation avec Mme D.R. avant le 20 juillet 2016. C’est seulement lorsqu’elle a discuté avec son voisin qu’elle a appris qu’apparemment, Mme D.R. avait une liaison extraconjugale avec un membre du détachement. Elle a immédiatement pensé qu’elle avait une liaison avec son mari. Elle a envoyé des messages textes à la caporale Hollingsworth pour savoir si cette dernière savait quelque chose au sujet de la possible liaison de son mari avec Mme D.R. La caporale Hollingsworth a maintenu sa version en évitant de répondre précisément aux questions de Mme V.F.

[220]  Ni la caporale Hollingsworth ni Mme D.M. savaient que Mme D.R. se rendrait à la propriété appartenant à M. G.M. et Mme D.M. le 20 juillet 2016. La caporale Hollingsworth et M. Manj avaient un souper prévu dans la soirée. M. G.M. et Mme D.M. n’étaient pas à la maison pendant la journée, mais lorsqu’ils sont arrivés, ils ont observé la « routine » de M. Freeman alors qu’il stationnait son véhicule. Cela signifiait que l’invitée arriverait bientôt. Une camionnette rouge est ensuite arrivée. L’occasion pour Mme V.F. d’apprendre que son mari entretenait une liaison avec une autre femme venait de se produire.

[221]  C’est Mme D.M. qui a d’abord suggéré que Mme V.F. leur rende visite. Elle a demandé à la caporale Hollingsworth de lui faire le message. Selon son témoignage, elle ne voulait pas aller directement vers Mme V.F. parce qu’elle ne l’avait rencontrée que quelques jours auparavant, et elle ne voulait pas être celle qui lui « apprendrait la nouvelle » [27] . La caporale Hollingsworth a simplement fait le message, comme on le lui avait demandé. Selon l’autorité disciplinaire, le message demandait à Mme V.F. de se rendre sur la propriété appartenant à M. G.M. et à Mme D.M.

[222]  Malgré le souper qu’elle avait prévu, la caporale Hollingsworth a offert de surveiller les enfants de Mme V.F. Elle les avait souvent gardés. Je ne crois pas qu’il s’agissait nécessairement d’une mauvaise décision. Les enfants n’avaient pas besoin de voir leurs parents dans une situation qui les aurait mis mal à l’aise, ou pire.

[223]  Mme V.F. est une adulte qui était capable de prendre ses propres décisions en ce qui a trait à sa vie personnelle. Personne, ni même la caporale Hollingsworth, ne l’a forcée à se rendre à la propriété appartenant à M. G.M. et à Mme D.M. Elle l’a fait de son propre gré.

[224]  La caporale Hollingsworth a certainement aidé Mme V.F. à prendre sa décision de se rendre à la propriété appartenant à M. G.M. et à Mme D.M. en gardant ses enfants. Elle a reconnu qu’elle l’a fait, mais elle n’a donné à Mme V.F. que de l’information liée à son souhait, qu’elle exprimait fréquemment, de savoir si M. Freeman avait une liaison extraconjugale. Elle a décidé de se rendre à la propriété, personne ne l’a forcée à le faire.

[225]  Ce qui s’est passé une fois que Mme V.F. est arrivée à la propriété appartenant à M. G.M. et à Mme D.M. ne regardait qu’elle, M. Freeman et Mme D.R. Ils auraient pu discuter de la situation calmement, mais cela ne s’est pas produit. La rencontre s’est plutôt conclue par un affrontement physique entre M. et Mme Freeman. La caporale Hollingsworth ne pouvait pas contrôler ce qui se passait sur la propriété. Elle n’y était pas.

[226]  L’autorité disciplinaire tente de faire porter le blâme de toute cette affaire à la caporale Hollingsworth. Cela est hors contexte pour ce détail, mais, à un certain moment pendant son contre-interrogatoire de la caporale Hollingsworth, le représentant de l’autorité disciplinaire lui a affirmé que si elle avait simplement demandé à Mme V.F. de signaler l’incident du 20 juillet 2016 à la police, l’audience disciplinaire n’aurait pas été nécessaire.

[227]  Je ne suis pas d’accord. Je crois plutôt que si M. Freeman et Mme D.R. avaient choisi d’être ouverts et honnêtes avec les gens qui avaient un intérêt direct envers leur « amitié », tout ce processus disciplinaire n’aurait pas été nécessaire. Comme M. D.R. de la Ville de Lloydminster, je ne suis pas ici pour être la « boussole morale » de qui que ce soit, mais M. Freeman et Mme D.R. doivent assumer la responsabilité de leurs actes. Ils ont choisi de se séparer de leur époux respectif. Ils ont choisi de devenir « amis ». Ils ont choisi de tenter de garder cette « amitié » secrète. Je ne sous-entends pas qu’ils auraient dû annoncer leur « amitié » à tout le monde, mais certaines personnes avaient un intérêt direct envers celle-ci. Il est raisonnable de penser qu’on aurait dû annoncer cette « amitié » à ces personnes. Mme V.F. serait la première personne qui aurait dû être mise au courant. Non seulement ils n’ont parlé de leur « amitié » à personne, mais ils ont tenté de la dissimuler. S’ils n’avaient pas posé des gestes pour dissimuler ce qu’ils faisaient, à la vue de M. G.M. et de Mme D.M., ils n’auraient pas suscité leur intérêt et fait naître des soupçons. Ils blâment maintenant tout un chacun, mais ils refusent de reconnaître leur responsabilité.

[228]  Aucune explication raisonnable quant au fait qu’ils n’ont pas voulu divulguer cette information n’a été fournie. Le gendarme Freeman a simplement indiqué que lui et Mme D.R. sont de simples citoyens qui voulaient seulement garder leur « amitié » secrète. Le couple a maintenu, dans leur déclaration, que leur « amitié » ne regardait personne, car ils étaient tous les deux des adultes consentent qui étaient alors séparés de leur époux, et qu’il n’existait aucune possibilité de réconciliation. Leur relation n’était donc pas inappropriée. Je ne suis pas forcément en désaccord avec cette opinion. Fait important, aucun d’entre eux n’était séparé de leur époux à ce moment, mais ils voulaient garder leur « amitié » secrète et ils prenaient des mesures pour y arriver, et cela a été un facteur important qui a mené à l’affrontement du 20 juillet 2016. S’ils ne faisaient rien de mal, pourquoi garder le secret? L’honnêteté, qui est une valeur fondamentale de la GRC, aurait résous cette affaire. La caporale Hollingsworth n’aurait pas été impliquée du tout.

[229]  En me fondant sur ce qui précède, je conclus que ces détails ne sont pas établis.

Détail 8 – Inciter activement M. G.M. et Mme D.M. à déposer une plainte contre le gendarme Freeman

[230]  Selon le détail 8, le dernier dans cette allégation, la caporale Hollingsworth aurait manqué à son devoir d’agir avec équité et impartialité en incitant activement M. G.M. et Mme D.M. à déposer une plainte en ce qui a trait à la crédibilité de Mme D.R. devant son employeur, puis en incitant Mme D.M à déposer une plainte contre le gendarme Freeman devant la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, uniquement pour des raisons personnelles et intéressées. Le représentant de l’autorité disciplinaire a supprimé ce détail pendant l’audience, car il n’y avait aucun élément de preuve à l’appui.

Conclusion – Allégation 2

[231]  En me fondant sur ce qui précède, je conclus que l’allégation 2 n’est pas établie.

Preuve et conclusions – Allégation 3

[232]  La troisième allégation touche le paragraphe 4.2 du Code de déontologie. En voici le libellé :

Allégation 3

Le 20 juillet 2016 ou entre le 20 juillet 2016 et le 13 août 2016, à Lloydminster, dans les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan, ou prèrs de cet endroit, la caporale Tammy Hollingsworth n’a pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et responsabilités, notamment en ne prenant pas les mesures appropriées afin de prêter assistance à toute personne exposée à une situation d’urgence réelle, imminente ou potentielle, en violation du paragraphe 4.2 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails de cette violation

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et occupiez un poste à la division K du détachement de Lloydminster.

2. [Mme D.R.] était une employée municipale en poste au détachement de la GRC à Lloydminster. Vous étiez une amie proche de [Mme V.F.] et vous avez décidé, de façon délibérée, de vous mêler de ses problèmes matrimoniaux. [Mme V.F.] était l’ex-épouse du gendarme Mark Freeman (« gendarme Freeman »). Le gendarme Freeman est le maître-chien de la GRC en poste au détachement de Lloydminster, et il habitait dans une chambre louée située sur la propriété de [M. G.M.] et [Mme D.M.]. Le motif sous-jacent de votre décision de vous immiscer dans la vie personnelle du gendarme Freeman et de [Mme D.R.] était simplement que vous ne pouviez pas accepter que lui et [Mme D.R.] entretenaient des liens personnels étroits.

3. Vous êtes devenue déterminée à faire en sorte que [Mme V.F.] observe le gendarme Freeman et [Mme D.R.] ensemble. Vous avez d’abord élaboré un plan détaillé pour que [Mme V.F.] et [Mme D.M.] se rencontrent en personne. Les détails de ce plan sont contenus dans une multitude de messages textes que vous avez échangés avec [Mme D.M.]. Le 20 juillet 2016, [Mme D.M.] vous a envoyé un message texte pour que vous demandiez à [Mme V.F.] de se rendre à la propriété de [M. G.M. et Mme D.M.] afin de pouvoir observer personnellement un camion rouge et sa conductrice, que l’on croit être [Mme D.R.] au logement loué du gendarme Freeman. Les détails de votre correspondance avec [Mme V.F.] sont contenus dans de multiples messages textes. [Mme V.F.] s’est rendue à la propriété de [M. G.M. et Mme D.M.], et un affrontement physique est survenue entre [Mme V.F.] et le gendarme Freeman. Cette altercation était le résultat direct du plan que vous partagiez avec [Mme D.M.].

4. À la suite de l’altercation [Mme V.F.] – à votre demande – est allée chez vous et vous a raconté tous les détails concernant ce qui s’était produit. Elle vous a présenté des preuves accablantes, donc une blessure physique visible sur son coude, puis elle vous a indiqué que des témoins tiers étaient présents lors de l’altercation. Vous n’avez pas fait preuve de diligence dans l’exercice de vos fonctions et responsabilités, notamment en ne prenant pas toutes les mesures appropriées pour aider [Mme V.F.], qui a été exposée à un véritable danger et en ne veillant pas à ce que cette situation fasse l’objet d’une enquête complète. Vous n’avez pas non plus réagi de façon appropriée face à la peur véritable de [Mme V.F.] face à la possibilité que le gendarme Freeman puis lui rendre visite à son domicile, sans y être invité. Vous n’avez pas fait preuve de diligence dans l’exercice de vos fonctions malgré le fait que vous êtes une policière très compétente qui occupait un poste de supervision au détachement de Lloydminster.

5. En plus de ne pas veiller que les événements survenus sur la propriété de [M. G.M. et Mme D.M.] faisait l’objet d’une enquête exhaustive de la part de membres de la GRC, vous avez délibérément entravé l’affaire en décourageant activement [Mme V.F.] ou en ignorant ses véritables tentatives de recevoir votre aide :

a) [Mme V.F.] : « J’ai tenté d’entrer et il m’a bousculée, égratignant mon coude. Il a menacé d’appeler la police! Vous : « Quoi??? Sérieusement. Tu viens à la maison? Bon Dieu! »

b) [Mme V.F.] : Je vais d’abord aller parler à [M. D.R.]. [M. G.M.] est sorti et j’espère que je ne me suis pas ridiculisée. Vous : « D’accord. J’amène les enfants chez moi. Non, tu ne t’es pas ridiculisée. Il a vu ce qui se passait, et il est allé t’aider. Ils comprennent. »

c) [Mme V.F.] : « Je m’en vais chez toi. Devrais-je préparer un rapport. » Vous : « Il y a des enfants ici. Non, tu ne devrais pas. Nous parlerons. »

d) [Mme V.F.] : « Mon coude est meurti et il m’élance. Tiens-moi au courant stp! Je suppose que l’[inspecteur S.M.] sera au téléphone plus tard. Vous : « J’arrange quelque chose pour que quelqu’un soit là. Pauvre coude. Oh le [gendarme M.F.] vient de partir de la maison. Que fait-on s’il se rend chez toi???!!!!! Suki sera au téléphone, comme elle l’a été. Je te tiendrai au courant. As-tu envoyé un message texte à [M. D.R.]? »

e) [Mme V.F.] : « Pas encore » Vous : « Et si Mark y va et ouvre le garage? » [Mme V.F.] : « Devrais-je m’inquiéter? » Vous : « Je ne sais pas!!!! [Mme V.F.] : « J’ai verrouillé la porte de l’intérieur » Vous : « D’accord, mais il a des clés. » [Mme V.F.] : « Je n’en suis pas certaine » Vous : « Tu dois changer le code de la porte!!! Ce soir!! »

f) [Mme V.F.] : « Je viens d’envoyer un message texte à [une voisine] et son copain est très costaud. Ils sont à la maison » Vous : « *Rires* D’accord. Nous sommes tous les deux à la maison maintenant et nous pouvons y aller. »

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

Critère pour la diligence dans l’exercice des fonctions

[233]  Libellé 4.2 du Code de déontologie : « Les membres font preuve de diligence dans l’exercice de leurs fonctions et de leurs responsabilités, notamment en prenant les mesures appropriées afin de prêter assistance à toute personne exposée à un danger réel, imminent ou potentiel. » Le critère pour la diligence dans l’exercice des fonctions a été établi par la recommandation C-013 du Comité externe d’examen de la GRC, aux paragraphes 81 à 86, dont voici le libellé :

[81] Le paragraphe 4.2 du Code de déontologie est différent de la disposition antérieure, l’article 47 du Code de déontologie antérieur. Cet article prévoyait que « Les membres font preuve de diligence dans l’exercice de leurs fonctions et de leurs responsabilités ». Dans le dossier no EEC 2800-04-002 (D-099), l’EEC a traité des éléments requis d’une violation de l’article 47 du Code de déontologie antérieur, affirmant que le membre devait : connaître la tâche qu’il devait accomplir; omettre d’exécuter la tâche; être conscient qu’il négligeait de mener la tâche ou qu’il n’accordait pas une attention suffisante à celle-ci (D- 099, paragr. 53). L’EEC a aussi fait allusion à des décisions disciplinaires antérieures qui ont établi une distinction entre les défauts et les omissions d’un membre qui étaient un problème de rendement et les défauts et omissions volontaires visés par l’article 47 (D-099, paragr. 47-51).

[82] Le paragraphe 4.2 du Code de déontologie est libellé à l’affirmative, et il requiert des membres qu’ils fassent « preuve de diligence dans l’exercice de leurs fonctions et de leurs responsabilités ». L’article ne fait donc pas allusion à un membre qui, sciemment, ne fait pas preuve de diligence. Le même problème que pose la distinction entre une inconduite et un mauvais rendement se présente au paragraphe 4.2, et la question est de savoir si le changement de libellé nécessite un nouveau critère pour déterminer si une violation des dispositions de l’article est survenue. Dans sa discussion portant sur le paragraphe 4.2 dans le Guide, la GRC reconnaît qu’elle ignore l’incidence qu’aura sur de futures affaires l’omission du mot « sciemment » au paragraphe 4.2 (Guide, p. 20) :

Le concept de négligence était auparavant défini à l’article 47 du Code de déontologie et portait sur le fait qu’un membre ne peut sciemment négliger aucune des fonctions qui lui sont confiées. En matière de négligence des fonctions, il est toujours difficile de déterminer si la conduite du membre représente un manquement au Code de déontologie ou si elle relève de la gestion du rendement. Il n’est pas clair quel effet aura la suppression du terme « sciemment » dans le nouveau Code de déontologie sur les cas futurs. Par contre, la mince nuance qui sépare le rendement de la déontologie continuera de causer des difficultés. On suggère qu’il y a négligence lorsqu’un membre sait qu’il a une tâche à accomplir, mais qu’il omet de le faire. [...]

[83] P. Ceyssens, dans Legal Aspects of Policing, vol. 2 (Toronto, Earlscourt, 2002) (Ceyssens) affirme que P.G. c. Ontario (procureur général), [1996] O.J. No 1298 (Div. Ct.), (P.G.) est la principale décision judiciaire traitant d’une omission de la part d’un policier de mener ses tâches rapidement et avec diligence (Ceyssens, pp. 6-85). Dans P.G., la Cour divisionnaire de l’Ontario a traité de la disposition suivante, qui gouverne la négligence dans le devoir qui, comme le paragraphe 4.2, ne contenait pas le mot « sciemment » (Code des infractions, règlement 791 de la Loi sur les services policiers de l’Ontario) :

1. Tout [...] policier commet un manque disciplinaire s’il est coupable de [...]

(c) négligence dans le devoir, c’est-à-d. s’il :

(i) sans excuse légitime, s’il néglige ou omet d’exercer une fonction rapidement et avec diligence en tant que membre d’un service de police

[84] Le tribunal a fait allusion à une affaire antérieure en matière de discipline dans la police et dans laquelle un comité d’enquête a conclu qu’un « caractère délibéré » ou un « degré de négligence qui ferait en sorte que l’affaire est allée trop loin » était nécessaire du point de vue du rendement ou de la conduite (P.G., paragr. 83) (Non souligné dans l’original) :

Dans Pollock c. Hill (une décision du comité d’enquête, datée du 19 novembre 1992), les officiers qui supervisaient le sujet ont été accusés de négligence dans le devoir en application de l’alinéa 1(c)i), car ils ont de superviser de façon appropriée ou d’adopter des mesures correctives au sujet de la surveillance appropriée d’un ordre d’écoute clandestine. Le Comité a écrit :

Une conclusion selon laquelle il y a eu une violation du Code des infractions est une grave conclusion contre un policier qui pourrait mener à d’importantes pénalités en vertu des dispositions législatives sur les plaintes contre la police. Nous ne conclurons donc pas que les policiers ont négligé leur devoir de superviser, à moins qu’il y ait un caractère délibéré à leur négligence, ou à moins qu’il y ait un élément de négligence qui ferait en sorte que l’affaire ne constituerait pas uniquement un simple problème de rendement, mais bien un cas d’inconduite.

[85] Le critère P.G. a été appliqué par la Commission civile des services policiers de l’Ontario (CCSPO) dans des affaires liées à la négligence du devoir (Gottschalk et Service de police de Toronto (CCSPO (2003) no 03-02) (Gottschalk) (pp. 8-10)). Dans Brown et la Police provinciale de l’Ontario (CCSPO (2006) no 06- 09) (Brown), le policier a été accusé de négligence de son devoir, car il n’a pas informé en temps opportun un superviseur qu’il avait été impliqué dans un accident. Selon la disposition applicable du Code de déontologie, un policier est coupable de négligence de son devoir s’il « ne travaille pas en respectant les ordres ». Le CCSPO a insisté sur le fait que le simple non-respect d’un ordre était suffisant pour établir une allégation (Brown, p. 10) :

Le terme « diligence » est défini dans l’Oxford Dictionary of English (3d Ed.) comme « having or showing care and conscientiousness in one’s work or duties » [Définition dans Le Petit Robert : « Soin attentif, appliqué »]. Le principe établi ci-dessus dans l’affaire P.G. en ce qui a trait à la question de savoir si un policier a négligé son devoir est conforme à cette définition. Selon moi, on peut établir de deux façons si un membre n’a pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et de ses responsabilités au sens du paragraphe 4.2. du Code de déontologie :

  Il y a un caractère délibéré à la conduite, comme le Guide le reconnaît en laissant entendre qu’il y a « négligence lorsqu’un membre sait qu’il a une tâche à accomplir, mais qu’il omet de le faire »;

  Il y a un caractère délibéré qui établit une distinction entre un simplement problème de rendement et un problème d’inconduite.

[234]  Le représentant de l’autorité disciplinaire demandé au Comité de considérer l’affaire Hill c. Comité des services de police régionaux de Hamilton-Wentworth, [2007] 3 RCS 41 comme celle faisant actuellement autorité au sujet du niveau de soin dont un policier doit faire preuve. L’affaire établit niveau de soin de la façon suivante :

La norme de soin dont un policier raisonnable doit faire preuve dans des circonstances semblables doit être appliquée d’une façon qui reconnaît le pouvoir discrétionnaire inhérent à une enquête policière. Les policiers peuvent commettre des erreurs ou des écarts de jugement mineurs sans enfreindre la norme. Cette norme est flexible, elle couvre tous les aspects du travail des policiers lors d’une enquête, et elle est renforcée par la nature et l’importance des enquêtes policières. [68-73]

[235]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé que la question cruciale en ce qui a trait à l’allégation est de savoir si M. Freeman a commis une agression contre Mme V.F. Le Comité est d’accord avec cette position dans la mesure où l’existence ou l’absence d’une infraction criminelle oriente quelque peu la discussion portant sur la question de savoir si la caporale Hollingsworth avait l’obligation d’intervenir et quelle était la nature de cette intervention.

[236]  Les parties ont relevé trois infractions criminelles potentielles à la suite de l’incident du 20 juillet 201 :

  • Une agression commise par M. Freeman contre Mme V.F.
  • Une entrée par effraction commise par Mme V.F. dans le camion rouge sur la propriété appartenant à M. G.M. et à Mme D.M.
  • Des dommages causés à une couronne suspendue sur la porte menant à l’appartement situé sur la propriété appartenant à M. G.M. et à Mme D.M.

[237]  Bien honnêtement, j’ai été très surpris de constater la difficulté que des policiers chevronnés ont eu à faire face à trois infractions criminelles très communes. Il s’agit de trois infractions criminelles très simples. Il s’agit presque de choses dont il est question lors de la formation à l’académie.

[238]  La première infraction criminelle est l’agression que M. Freeman aurait commise sur Mme V.F. Selon la définition qui en est donnée dans le Code criminel, LRC 1985, ch. C 46 [Code criminel], commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement.

[239]  M. Freeman a clairement employé la force contre Mme V.F. Il l’a soit saisie fermement par les bras, ou il l’a aggripée par le capuchon qu’elle portait. Les éléments de preuve ne permettent pas d’établir clairement ce qu’il a fait, mais de toute façon, il s’agissait d’un emploi de la force. Il l’a poussée vers l’arrière. Elle a heurté son coude contre quelque chose, ce qui a d’abord causé une égratignure sur son coude. La caporale Hollingsworth a vu cette égratignure le 20 juillet 2016. L’égratignure s’est ensuite transformée en ecchymose. Mme V.F. a envoyé une photo de l’ecchymose à la caporale Hollingsworth le 21 juillet 2016. Non seulement M. Freeman a utilisé la force, celle-ci était suffisante pour provoquer une blessure, bien que mineure, à Mme V.F. L’emploi de la force par M. Freeman était clairement intentionnel.

[240]  Il y a des preuves contradictoires à savoir si M. Freeman essayait ou non d’empêcher Mme V.F. d’entrer dans l’appartement qu’il louait, comme Mme V.F. le soutient, ou s’il tentait de l’expulser, car elle était déjà entrée et commençait à montre les escaliers, comme M. Freeman le soutient. Je le répète, d’une façon ou d’une autre l’emploi de la force était intentionnel. J’ai déjà indiqué quelle version des faits je privilégie.

[241]  En se fondant sur les éléments de preuve présentés à l’audience disciplinaire, le Comité a conclu qu’il y avait suffisamment de motifs raisonnables et probables pour que les policiers impliqués dans l’incident du 20 juillet 2016 croient que M. Freeman avait perpétré des voies de fait contre Mme V.F. pendant l’altercation qui s’est produite sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M.

[242]  La seule défense en matière de voies de fait contenue expressément dans le Code criminel est la croyance que la personne contre qui la force est employée a donné son consentement à l’emploi de la force. Rien ne prouve que Mme V.F. a donné son consentement pour que M. Freeman emploie la force contre elle ou qu’elle a dit quelque chose qui l’aurait mené à croire qu’elle donnait son consentement à l’emploi de la force.

[243]  L’inspecteur Manj et le gendarme Freeman on dit à Mme V.F. que M. Freeman n’avait pas commis de voies de fait, car il était justifié d’employer la force contre elle pour protéger ses biens [28] . Rien ne prouve clairement que la caporale Hollingsworth, même si elle était présente, ait évalué la situation de la même façon. Mme V.F. a témoigné qu’elle ne l’avait pas fait [29] .

[244]  Il peut y avoir une défense, en common law, portant sur les voies de fait lorsqu’une personne défend ses biens, mais aucune des parties ne m’a signalé une telle défense. Les annotations dans mon Martin’s Criminal Code font allusion à des défenses possibles portant sur les voies de fait comme l’insouciance ou un réflexe, rien ne mentionne une défense impliquant la protection de ses biens. Même s’il existe une telle défense, un juge aurait eu à décider si celle-ci s’appliquait dans les circonstances particulières en l’espèce. Aucun des policiers impliqués dans l’affaire à ce moment ne devait prendre cette décision, surtout parce que les événements n’avaient pas fait l’objet d’une enquête exhaustive.

[245]  Je passerai maintenant à la supposée entrée par effraction dans le véhicule qu’aurait commise Mme V.F. L’infraction que constitue une entrée par effraction est prévue dans le Code criminel. Commet cette infraction toute personne qui entre par effraction dans un endroit avec l’intention de commettre un acte criminel ou qui y commet un acte criminel. Aux fins de l’infraction d’entrée par effraction, un « endroit » est défini comme une maison d’habitation, un immeuble ou une structure, ou tout partie d’une maison d’habitation, d’un immeuble ou d’un structure, un véhicule ferroviaire, un vaisseau, un aéronef, une remorque, ou un enclos ou un parc dans lequel des animaux à fourrure sont gardés en captivité. Un véhicule motorisé n’est pas un « endroit », selon la définition qui en est donnée dans le Code criminel aux fins de l’infraction d’entrée par effraction.

[246]  En outre, Mme V.F. n’est pas entrée dans le véhicule avec l’intention de commettre un acte criminel, et elle n’a commis aucun acte criminel. Elle n’a rien pris. Elle n’a pas endommagé le véhicule ou tout bien qui s’y trouvait. Elle n’a commis aucun autre acte criminel. Elle est plutôt entrée dans le véhicule pour déterminer qui en était le propriétaire inscrit. Elle a trouvé le certificat d’immatriculation du véhicule et l’a photographié, puis, aux dires de tous, elle l’a remis, inaltéré, à l’endroit où elle l’avait trouvé. Selon moi, il ne s’agit pas d’un acte criminel. Donc, en me fondant sur les éléments de preuve qui m’ont été présentés, je conclus qu’elle n’a pas commis d’entrée par effraction lorsqu’elle est entrée dans le véhicule.

[247]  Les dommages causés à la couronne appartenant à M. G.M. et à Mme D.M. constituent la dernière infraction criminelle potentielle. Les dommages à des biens sont couverts par l’infraction de méfait, définie dans le Code criminel comme un acte lors duquel quiconque volontairement détruit ou détériore un bien. Je ne m’attarderai pas sur la discussion portant là-dessus, car pendant un certain temps après l’incident du 20 juillet 2016, personne ne savait que ces dommages avaient été causés, à l’exception de M. G.M. et de Mme D.M. En fait, rien dans le dossier ne prouve que les dommages ont été causés pendant l’incident du 20 juillet 2016 ou qui pourrait avoir brisé la couronne, ou encore que toute personne avait l’intention de le faire.

[248]  En me fondant sur ce qui précède, il est évident que M. Freeman, un membre de la GRC qui n’était pas en service, a semblé avoir commis des voies de fait contre son ex-épouse, Mme V.F., sans égard à la façon dont l’incident s’est produit.

[249]  La caporale Hollingsworth possédait certains renseignements à ce sujet. Elle avait donc un devoir, aux termes du paragraphe 4.2 du Code de déontologie, mais aussi du paragraphe 8.3 du Code de déontologie dont le libellé est le suivant : « Les membres, à moins d’en être exemptés par le commissaire, prennent les mesures appropriées si la conduite d’un autre membre contrevient au Code, et signalent l’infraction dès que possible. » Aucune des parties n’a soulevé l’existence de ce dernier devoir, mais il existait tout de même en l’espèce. En fait, il s’agit, selon moi, du devoir le plus clairement établi.

[250]  La caporale Hollingsworth n’a pas nié qu’elle devait agir. Elle croit plutôt qu’elle avait un avoir et qu’elle l’a rempli par ses propres actions, notamment en signalant la situation à plusieurs membres du détachement qui occupent un poste plus élevé que le sien et qui ont un rang plus élevé.

[251]  Plusieurs aspects de l’allégation de manquement, de la part de la caporale Hollingsworth, à son devoir de faire preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et de ses responsabilités sont établis dans les détails. Le premier est que, comme résultat direct de sa connivence avec Mme D.M., la caporale Hollingsworth a placé Mme V.F. dans la situation où l’altercation a eu lieu. Nous avons discuté de cet aspect à l’allégation 3, et nous n’avons pas besoin d’en traiter davantage ici.

[252]  Ensuite, la caporale Hollingsworth n’a pas pris les mesures appropriées pour aider Mme V.F., qui a été exposée à un danger véritable, en ne veillant pas à ce que l’incident du 20 juillet 2016 fasse l’objet d’une « enquête appropriée et exhaustive ».

[253]  De plus, la caporale Hollingsworth aurait omis de tenir compte de la peur véritable de Mme V.F. que M. Freeman pourrait se rendre, plus tard, à son domicile personnel le 20 juillet 2016.

[254]  Enfin, la caporale Hollingsworth a délibérément obstrué l’affaire en décourageant Mme V.F. de signaler l’altercation et en minimisant ou en ignorant les tentatives de cette dernière de recevoir son aide.

[255]  Je répondrai aux deux questions notées dans le critère en matière de diligence dans l’exécution des tâches, puisqu’elles sont liées à ces quatre composantes de l’allégation.

Détail 3 – Planification délibérée plaçant Mme V.F. dans une situation dangereuse

[256]  Le gros de ce détail a déjà fait l’objet de discussions, mais davantage en ce qui a trait à l’aspect lié à la planification. Il reste à déterminer si la caporale Hollingsworth a placé Mme V.F. dans une situation dangereuse.

[257]  Comme nous l’avons déjà indiqué, Mme V.F. est une adulte. Elle est capable de prendre ses propres décisions. Elle était en mesure d’évaluer le risque potentiel associé à sa présence sur la propriété de M. G.M. et Mme D.M. pour faire face à M. Freeman. Elle a été en couple avec ce dernier pendant 20 ans. Pendant cette période, M. Freeman n’avait jamais été violent envers elle. En fait, ils ne se disputaient presque jamais. La seule véritable dispute qu’ils ont eue a eu lieu seulement une semaine avant le 20 juillet 2016. M. Freeman criait après les enfants, mais il n’avait jamais crié après elle. La possibilité que M. Freeman soit violent envers elle n’a vraisemblablement jamais traversé l’esprit de Mme V.F., ou elle ne se serait probablement pas rendue seule à la propriété de M. G.M. et Mme D.M.

[258]  La caporale Hollingsworth savait aussi que M. G.M et Mme D.M étaient à la maison. Si quelque chose se produisait, ils seraient en mesure d’intervenir et de calmer la situation.

[259]  La caporale Hollingsworth avait aussi l’impression que, en tant que policier, le gendarme Freeman était formé pour calmer les situations difficiles, et non pour les aggraver. Elle pouvait donc s’attendre raisonnablement à ce que M. Freeman utilise sa formation et évite une altercation avec son ex-épouse.

[260]  En me fondant sur ce qui précède, je conclus que ce détail n’est pas établi.

Détail 4 – Omission de prendre les mesures appropriées pour aider Mme V.F. – Veiller à ce que l'incident du 20 juillet 2016 fasse l’objet d’une enquête appropriée.

[261]  Selon le détail 4, la caporale Hollingsworth n’a pas pris les mesures appropriées pour que l’incident fasse l’objet d’une enquête, mais si elle avait vu des preuves accablantes que Mme V.F. avait été exposée à un véritable danger.

[262]  Il ne fait aucun doute que la caporale Hollingsworth avait à sa disposition suffisamment d’éléments de preuve pour avoir des motifs raisonnables et probables de croire que Mme V.F. avait été victime d’une agression de la part de M. Freeman. De véritables voies de fait sont beaucoup plus graves que de simplement avoir été exposée à un véritable danger.

[263]  Rien ne prouve que la caporale Hollingsworth ait reconnu qu’elle avait le devoir, en tant que membre, ou ce que ce devoir était, mais elle savait qu’elle devait faire quelque chose, et elle l’a fait. Elle a signalé la situation à l’inspecteur Manj dès qu’elle a pu le faire. Selon le témoignage de l’inspecteur Manj, il a reçu un appel téléphonique de la caporale Hollingsworth au travail. Lors de cet appel, elle l’a informé que Mme V.F. était à la propriété de M. G.M. et Mme D.M, ou qu’elle y avait été. Elle a expressément demandé à l’inspecteur Manj de retourner à la maison, car elle faisait face à la situation seule et le tout se déroulait rapidement.

[264]  Lorsque l’inspecteur Manj est arrivé à la maison, Mme V.F. y était déjà. Elle lui a raconté ce qui s’était produit sur la propriété de M. G.M. et Mme D.M. La caporale Hollingsworth était présente lorsque Mme V.F a livré sa version des faits. Elle était aussi présente lorsque l’inspecteur Manj a pris des mesures supplémentaires après avoir entendu ce que Mme V.F. avait à dire. Il a notamment reçu un appel téléphonique de la sergente Knelsen, pendant lequel elle a informé l’inspecteur Manj que le gendarme Freeman lui avait signalé l’incident. La sergente Knelsen était la superviseure immédiate de la caporale Hollingsworth, et elle avait été nommée pour devenir un des officiers responsables par intérim du détachement de Lloydminster, en compagnie du sergent Gerald Walker (sergent Walker), lorsque l’inspecteur Manj tomberait en vacances le lendemain.

[265]  La caporale Hollingsworth était aussi présente lorsque l’inspecteur Manj a téléphoné à M. G.M. et à D.M. pour leur poser des questions afin de déterminer ce qu’ils savaient à propose de l’incident survenu sur leur propriété.

[266]  La caporale Hollingsworth savait aussi que, après avoir pris ces mesures, l’inspecteur Manj a informé Mme V.F que ce qui s’était passé sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. ne constituait pas des voies de fait, car M. Freeman défendait ses biens.

[267]  Certains éléments de preuve démontrent aussi que l’inspecteur Manj a communiqué avec le sergent Walker, qui, comme nous l’avons mentionné précédemment, a aussi été nommé pour être l’un des officiers responsables par intérim du détachement de Lloydminster après que l’inspecteur Manj soit tombé en vacances le lendemain. L’inspecteur Manj a aussi affirmé, dans son témoignage, qu’il a téléphoné à quelqu’un au bureau du district de l’Est pour mettre la direction du district au courant. Personne n’a répondu à son appel et il n’a pas laissé de message.

[268]  Rien ne prouve que la caporale Hollingsworth était au courant de ces deux derniers gestes. Par contre, ce qui est important, c’est que lorsqu’ils ont posé ces gestes, l’officier responsable du détachement de Lloydminster et deux sous-officiers supérieurs savaient qu’une situation de violence conjugale impliquant un membre de la GRC qui était sous leur commandement, mais qui n’était pas en service, avait eu lieu et que des actes criminels avaient peut-être été commis pendant celle-ci.

[269]  L’autorité disciplinaire insiste sur le fait que, malgré cela, la caporale Hollingsworth avait le devoir continu de veiller à ce que cet incident fasse l’objet d’une enquête. Le représentant de l’autorité disciplinaire laisse entendre que la caporale Hollingsworth aurait dû veiller à ce que l’incident soit signalé au détachement de Kitscoty, le détachement de la GRC qui dessert le territoire où l’agression présumée aurait eu lieu, ou recueillir la déclaration de Mme V.F. L’autorité disciplinaire maintient également que la caporale Hollingsworth était obligée de fournir aux enquêteurs, de façon proactive, la preuve que Mme V.F. avait une ecchymose sur un coude et qu’elle aurait dû solliciter proactivement les officiers responsables responsables pour savoir quelles mesures ils adoptaient pour poursuivre l’enquête sur l’agression présumée.

[270]  Je ne peux pas être d’accord. En raison de ce qui s’est passé, la caporale Hollingsworth avait toutes les raisons de croire qu’elle avait, alors qu’elle n’était pas en service, rempli son devoir à titre de membre de la GRC, afin que l’incident fasse l’objet d’une enquête. Elle a signalé l’incident à l’officier responsable du détachement de Lloydminster, un cadre supérieur. Elle a aussi appris que deux autres sous-officiers supérieurs, la sergente Knelsen, sa superviseure immédiate et celle du gendarme Freeman, et le sergent Walker, étaient au courant de l’incident. À compter du lendemain, ces deux sous-officiers devaient partager les responsabilités du poste d’officier responsable du détachement de Lloydminster pendant les vacances de l’inspecteur Manj. Elle n’était pas obligée de faire quoi que ce soit d’autre dans cette situation.

[271]  En raison de ce qui précède, je crois que ce détail n’a pas été établi.

Détail 5 – Entrave à la justice – Décourager le signalement de la confrontation physique

[272]  L’autorité disciplinaire soutient non seulement que la caporale Hollingsworth n’a pas pris les mesures nécessaires pour que l’agression commise contre Mme V.F. fasse l’objet d’une enquête, mais aussi qu’elle a entravé la justice en décourageant Mme V.F. de signaler l’incident.

[273]  En ce qui a trait au fait présumé que la caporale Hollingsworth aurait entravé la justice en décourageant Mme V.F. de signaler l’incident, il est évident que, selon la suite de messages textes contenus dans le détail, la caporale Hollingsworth a dit à Mme V.F. de ne pas signaler l’incident. Selon l’autorité disciplinaire, la suite de messages textes démontre que l’entrave à la justice est établie dans le sous-détail 5(c), dont voici le libellé :

[Mme V.F.] : Je m’en vais chez toi. Devrais-je préparer un rapport.

[Caporale Hollingsworth] : Il y a des enfants ici. Non, tu ne devrais pas. Nous parlerons.

[274]  Ce message indique clairement que la caporale Hollingsworth a dit à Mme V.F. de ne pas signaler l’incident, mais ces mots doivent être remis en contexte.

[275]  La caporale Hollingsworth reconnaît qu’elle a envoyé ce message texte à Mme V.F., mais, selon elle, elle ne possédait que peu de renseignements sur ce qui s’était passé à la propriété de M. G.M. et Mme D.M. et qu’elle devait parler à Mme V.F. pour qu’elle lui en fournisse davantage. Elle n’était pas présente lorsque l’incident s’est produit.

[276]  Je ne crois pas que les propos de la caporale Hollingsworth étaient un « non, ne le signale jamais » sans équivoque, et je ne crois pas que Mme V.F. l’ait cru non plus. Le commentaire visait clairement à simplement retarder le signalement de l’incident jusqu’à ce que la caporale Hollingsworth ait recueilli plus de renseignements. Elle aurait alors été davantage en mesure de conseiller Mme V.F. au sujet des mesures à prendre.

[277]  Le commentaire addtionnel dans la chaîne de messages textes, « Tiens-moi au courant », démontre que la caporale Hollingsworth n’ignorait pas cet incident. Elle souhaitait poursuivre son intervention. Elle a pu prendre une décision éclairée lorsqu’elle a obtenu les détails de l’incident. Cela constitue une décision parfaitement rationnelle et un plan d’action judicieux pour un enquêteur.

[278]  Nous ne saurons jamais si la caporale Hollingsworth aurait fini par conseiller à Mme V.F. de signaler l’incident après avoir obtenu des détails supplémentaires, car d’autres événements, comme le signalement de l’affaire à l’inspecteur Manj par Mme V.F. et son signalement à la sergente Knelsen par le gendarme Freeman, on fait en sorte qu’elle n’avait plus besoin de prendre une décision au sujet du signalement. Cette affaire avait déjà été signalée. En fait, l’appel téléphonique fait par la caporale Hollingsworth à l’inspecteur Manj au bureau facilitait son retour à la maison et le signalement de l’affaire auprès de lui par Mme V.F. et, ultimement, auprès de deux autres sous-officiers supérieurs.

[279]  Mme V.F. a aussi témoigné qu’elle avait choisi de ne pas signaler l’incident, car l’inspecteur Manj et le gendarme Freeman ne croyaient pas d’une agression avait eu lieu parce que M. Freeman était justifié d’utiliser la force nécessaire pour protéger ses biens. Elle a affirmé qu’aussi bien l’inspecteur Manj. que le gendarme Freeman le lui avaient dit, mais elle a ensuite affirmé qu’elle était certaine que la caporale Hollingsworth était simplement présente lorsque l’inspecteur Manj le lui a dit. Elle ne se souvenait pas que la caporale Hollingsworth ait dit quoi que ce soit.

[280]  Mme V.F. a aussi décidé, indépendamment, de ne pas communiquer avec la police. Elle ne croyait pas avoir été victime d’une agression, puisque les gestes de M. Freeman étaient simplement une réaction inhabituelle et spontanée face à la situation. Elle ne voulait pas non plus qu’il ait des ennuis. Elle ne voulait pas que le père de ses enfants soit accusé de voies de fait. Donc, même si la caporale Hollingsworth avait incité Mme V.F. à signaler l’agression, on ne peut pas affirmer si elle l’aurait fait.

[281]  Le représentant de l’autorité disciplinaire traite de trois affaires liées à la question d’entrave à la justice. Comme l’indique la décision Reine c. Levesque, 2018 (C.S. de l’Ont. 603), la décision rendue dans l’affaire R. c. Beaudry, 2007 CSC 5, est le cas d’espèce dans ce domaine de la loi. Toutes les affaires présentées par le représentant de l’autorité disciplinaire traitent de l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un policier quant à la décision de ne pas entamer de processus judiciaire. Je ne les trouve pas très instructives en l’espèce en ce qui a trait à la caporale Hollingsworth, puisque j’ai conclu qu’elle a signalé l’incident à des agents supérieurs de la GRC. Ce sont ces agents supérieurs qui ont choisi de ne pas entamer de processus judiciaire. Une fois que la caporale Hollingsworth eut signalé l’incident à un supérieur, toute action de sa part qui aurait contraire aux gestes posés parr les agents supérieurs aurait été vues comme de l’insubordination.

[282]  En me fondant sur ce qui précède, je ne crois pas que ce détail a été établi.

Détail 4 – Omission de traiter de la peur véritable de Mme V.F.

[283]  En ce qui a trait à l’omission présumée de la caporale Hollingsworth de traiter de la peur véritable de Mme V.F., selon laquelle M. Freeman pourrait ultérieurement se rendre à son domicile, je remarque, dans la suite de messages textes présentée au détail 5, la caporale Hollingsworth a été la première à soulevé la possibilité que M. Freeman se rende au domicile de Mme V.F. La caporale Hollingsworth a demandé à Mme V.F. si elle était inquiète. Cette dernière a répondu : « Devrais-je m’inquiéter? » Mme V.F. a ensutie informé la caporale Hollingsworth des précautions qu’elle avait déjà prises. Une personne qui aurait entretenu une peur véritable n’aurait pas tenu ces propos.

[284]  Mme V.F. a indiqué clairement, dans son témoignage, qu’elle ne craignait pas véritablement M. Freeman à la suite de l’incident. Cet état d’esprit était fondé sur la relation qu’elle entretenait avec lui depuis 20 ans. Pendant toutes ces années, ils ne s’étaient disputés qu’une seule fois, une semaine avant l’incident du 20 juillet 2016. M. Freeman a crié après les enfants, mais il n’avait jamais crié après elle auparavant. Il n’a jamais été violent envers elle, sauf lors de cet incident. Elle a mentionné qu’il avait réagi de façon inhabituelle à la situation.

[285]  On a beaucoup parlé du fait que Mme V.F. a pris des précautions ce soir-là pour empêcher M. Freeman d’entrer dans sa maison. Elle a débranché le dispositif d’ouverture de la porte de garage. Elle a communiqué avec son voisin pour s’assurer qu’il était à la maison. Le représentant de l’autorité disciplinaire insiste que le fait qu’elle a pris ces précautions est la preuve qu’elle avait véritablement peur de son mari. J’ai formulé des commentaires sur ces précautions dans ma décision orale en faisant l’analogie suivante.

[286]  Il y a toujours un risque qu’un incendie se déclare dans ma maison. Je prends donc des précautions, comme éviter de mener des activités dangereuses dans la maison ou élminer les choses qui pourraient provoquer un incendie. Si un incendie se déclarait, j’ai pris la précaution de me procurer des extincteurs et de les avoir à porter de la main. Il y a une borne-fontaine juste devant ma maison. Si je n’arrive pas à maîtriser la situation, j’ai une assurance-incendie. J’ai pris plusieurs précautions pour prévenir les incendies ou les éteindre, ou encore pour réparer les dommages qu’un incendie pourrait causer à ma maison, mais cela ne veut pas dire que j’ai une véritable peur qu’un incendie se déclare dans ma maison. Cela signifie simplement que je suis prudent. De la même façon, les précautions prises par Mme V.F. ne démontraient pas qu’elle craignait véritablement que M. Freeman puisse se rendre chez elle. Elle faisait simplement preuve de prudence en prenant quelques précautions.

[287]  Le fait que Mme V.F. n’avait pas peur est aussi démontré par le fait qu’elle n’a rien fait pour changer les serrures de son domicile pendant la semaine qui a suivi l’incident. Selon son témoignage, elle n’a pas nécessairement changé les serrures parce qu’elle craignait M. Freeman, mais plutôt pour empêcher ce dernier d’entrer dans son domicile et d’avoir accès à ses biens personnels pendant qu’elle était en vacances. M. Freeman s’est aussi rendu à son domicile, sans escorte, quand il est allé chercher les enfants pour aller faire du camping. Non seulement elle ne le craignait pas, mais elle l’a aussi invité chez elle pour discuter.

[288]  La preuve ne démontre pas que Mme V.F. avait une peur véritable que M. Freeman se rende à son domicile plus tard le même soir, ou à tout autre moment à la suite de l’incident du 20 juillet 2016. Malgré cela, j’ai entendu des éléments de preuve démontrant que la caporale Hollingsworth a posé les gestes suivants ou qu’elle savait que quelqu’un d’autre l’avait fait :

  • La caporale Hollingsworth a aussi à Mme V.F. de passer la nuit chez elle avec ses enfants. Mme V.F. a refusé cette offre.
  • La caporale Hollingsworth a offert de passer la nuit au domicile de Mme V.F. lorsque cette dernière a refusé d’aller chez elle. Mme V.F. a refusé cette offre.
  • La caporale Hollingsworth a téléphoné à Mme V.F. plus tard, dans la soirée, pour vérifier si elle allait bien.
  • On a communiqué avec M. G.M. et Mme D.M. parce qu’ils connaissaient un serrurier ou un fournisseur de services qui aurait pu s’occuper de la porte de garage. On a remis le nom de cette personne à Mme V.F., mais elle n’a profité de cette occasion qu’une semaine après l’incident survenu le 20 juillet 2016.
  • Mme V.F. a verrouillé les portes de la maison.
  • Mme V.F. a débranché le mécanisme d’ouverture de la porte de garage afin que la porte ne puisse pas être ouverte à l’aide de la télécommande que M. Freeman avait en sa possession.
  • Mme V.F. a communiqué avec ses voisins, les informant de la possibilité que M. Freeman se rende chez elle après l’affrontement. Le voisin a été décrit comme étant « très costaud ».

[289]  Je ne saurais pas ce que la caporale Hollingsworth aurait pu ou aurai dû faire d’autre pour faire face à cette situation. Le représentant de l’autorité disciplinaire ne m’a pas signalé d’autres mesures particulières que la caporale Hollingsworth aurait pu ou aurait dû prendre, à part signaler l’incident au détachement de Kitscoty. J’ai déjà conclu qu’elle n’était pas tenue de le faire lorsque d’autres agents supérieurs de la GRC ont été mis au courant de la situation.

[290]  En me fondant sur ce qui précède, je ne crois pas que ce détail a été établi.

Conclusions sur l’allégation 3

[291]  En me fondant sur ce qui précède, je ne crois pas que cette allégation a été établie.

Commentaires généraux – Allégations 4 et 5

[292]  Les allégations 4 et 5 ont été présentées aux termes du paragraphe 8.1 du Code de déontologie dont voici le libellé : « Les membres fournissent des comptes rendus complets, précis et opportuns liés à l’exécution de leurs responsabilités, à l’accomplissement de leurs tâches, à la réalisation d’enquêtes, aux comportements des autres employés et au fonctionnement et à l’administration de la Gendarmerie. » Le détail 4 de chacune des allégations est établi dans plusieurs sous-détails. Chaque sous-détail est comme une mini allégation, qui doit faire l’objet d’une discussion distincte.

[293]  Ces deux allégations ne sont pas incluses dans la lettre de mandat originale. Aucune enquête n’a été menée au sujet de ces deux allégations. Elles ont simplement été inscrites dans l’Avis d’audience disciplinaire. Conséquemment, la caporale Hollingsworth ignorait que ces allégations seraient faites jusqu’à ce qu’elle reçoive l’Avis d’audience disciplinaire. La représentante du membre l’a souligné à plusieurs reprises. Comme aucune enquête n’a été menée, il semble que les allégations proviennent de l’interprétation que quelqu’un a faite de la preuve qui a été présentée dans le cadre de l’enquête en ce qui a trait à ce que la caporale Hollingsworth a dit lors de ces déclarations. La caporale Hollingsworth n’a pas eu l’occasion d’expliquer ce qu’elle voulait dire par ses déclarations avant de recevoir l’Avis d’audience disciplinaire. Je crois que si cela avait été le cas, plusieurs de ces sous-détails n’auraient pas fait partie de l’Avis d’audience disciplinaire.

[294]  Fait important, il est difficile d’évaluer la véracité d’une seule phrase ou d’une seule expression tirée d’une longue série de questions et de réponses sans connaître tout le contexte dans lequel la phrase ou l’expression a été utilisée. Le fait de ne pas examiner une phrase ou une expression en contexte avec d’autres portions de l’énoncé entourant celle-ci et relativement à d’autres éléments de preuve ne peut que mener à une mauvaise interprétation de ce qui a été dit. Je crois que c’est ce qui s’est passé ici, particulièrement en l’absence de toute forme d’explication de la part de la caporale Hollingsworth. Je passerai maintenant à mon examen de chacune des allégations.

Preuve et conclusions – Allégation 4

[295]  La quatrième allégation est aux termes du paragraphe 8.1 du Code déontologie, et elle indique que la caporale Hollingsworth n’a pas fourni un témoignage complet et exact en ce qui a trait à la façon dont elle a assumé ses responsabilités, à l’exécution de ses tâches et aux gestes posés par d’autres employés. L’allégation porte particulièrement sur une « déclaration après mise en garde » que la caporale Hollingsworth a fournie au sergent Spaans et au à la caporale Folk le 22 décembre 2016.

[296]  Le représentant de l’autorité disciplinaire soutient que je ne devrais pas tenir compte du témoignage de la caporale Folk, car il touche le coeur du problème au sujet duquel je dois prendre une décision. Il soutient aussi que son opinion à savoir si les diverses déclarations sont fausses ou trompeuses n’est pas pertinente. Je ne suis pas d’accord.

[297]  Selon le témoignage de la caporale Folk, la déclaration de la caporale Hollingsworth était la dernière d’une série d’environ 26 déclarations obtenues par l’équipe chargée de l’enquête et menée par le sergent Spaans et la caporale Folk. L’enquête portait sur une plainte de harcèlement déposée contre l’inspecteur Manj. La caporale Folk a aussi indiqué, lors de son témoignage, que les enquêteurs avaient d’abord déterminé que, à la lumière de la relation matrimoniale de la caporale Hollingsworth avec l’inspecteur Manj, on ne pouvait pas lui demander de fournir une déclaration. Cependant, en y pensant bien, les enquêteurs ont décidé que, en raison de la prévalence de son implication dans les déclarations des autres témoins, on devait lui demander de fournir une déclaration. Les enquêteurs avaient déjà quitté « l’endroit ». Ils ont donc choisi d’obtenir la déclaration au téléphone. Selon l’expérience du Comité en matière d’enquête, le fait de prendre une déclaration au téléphone est une pratique acceptable, mais qui n’est pas idéale ou même souhaitable, puisque l’enquêteur peut évaluer la véracité des dires du témoin uniquement à l’aide des mots qu’il utilise et peut-être par le ton de sa voix. L’enquêteur n’a pas l’occasion d’observer le langage corporel et d’autres indicateurs physiques, qui peuvent être des outils précieux lors de l’évaluation de la véracité d’une déclaration. Le fait qu’une déclaration obtenue au téléphone n’est pas optimale a fait l’objet d’une très brève discussion pendant l’audience.

[298]  En outre, vu l’objectif de la déclaration, la caporale Hollingsworth était, pour reprendre une vieille expression « prise entre l’arbre et l’écorce ». La déclaration qu’elle a fournie portait directement sur une enquête portant sur un cas présumé de harcèlement lancée par l’autorité disciplinaire. Dans ce contexte, la caporale Hollingsworth n’avait d’autre choix : en tant que membre de la GRC, elle devait fournir un compte rendu complet et exact non seulement de ses propres gestes, mais aussi de ceux d’autres employés. Cependant, elle faisait une déclaration qui pouvait avoir de graves conséquences pour son mari et sa carrière, parce qu’il faisait l’objet de l’enquête. Elle se trouvait clairement dans une situation où elle devait faire la distinction entre sa loyauté et des obligations. Vu les circonstances, il n’était pas raisonnable, pour elle, de tenter de présenter son mari de la façon la plus favorable possible. Je ne vois rien de mal à cela, mais elle ne pouvait pas dépasser une certaine limite pour tromper ou induire en erreur, une limite qui peut être très facile à franchir. Il est évident que certains témoins faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour présenter l’inspecteur Manj et la caporale Hollingsworth de la pire façon possible. Personne n’a semblé s’opposer à cela.

[299]  Libellé de l’allégation 4 :

Allégation 4

Le 22 décembre 2016 ou à cette date environ, à Chilliwack, dans la province de la Colombie-Britannique, ou près de cet endroit, la caporale Tammy Hollingsworth n’a pas fourni un compte rendu complet et exact en ce qui a trait à l’exercice de ses responsabilités et de ses fonctions ainsi qu’aux gestes posés par d’autres employés, contrevenant ainsi au paragraphe 8.1 du Code de déontologie du la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en poste à la division K du détachement de Lloydminster.

2. À toutes les dates pertinentes, vous étiez mariée à l’officier responsable du détachement de la GRC à Lloydminster, l’inspecteur Sukhjit Manj, et vous aviez en votre possession des renseignements sur ses responsabilités professionnelles et personnelles.

3. [Mme D.R.] était une employée municipale au détachement de la GRC à Lloydminster. Vous étiez une amie proche de [Mme V.F.] et vous avez décidé, de façon délibérée, de vous mêler de ses problèmes matrimoniaux. [Mme V.F.] était l’ex-épouse du gendarme Mark Freeman (« gendarme Freeman »). Le gendarme Freeman est le maître-chien de la GRC en poste au détachement de Lloydminster, et il habitait dans une chambre louée située sur la propriété de [M. G.M.] et [Mme D.M.]. Le motif sous-jacent de votre décision de vous immiscer dans la vie personnelle et du gendarme Freeman et de [Mme D.R.] était simplement que vous ne pouviez pas accepter que lui et [Mme D.R.] entretenaient des liens personnels étroits.

4. Le 22 décembre 2016, vous avez fourni une déclaration après mise en garde à la caporale Erin Folk et au sergent John Spaans lors d’un appel téléphonique, alors que vous étiez à Chilliwack. Votre déclaration volontaire comprenait des renseignements faux et trompeurs :

a) Vous avez faussement indiqué aux enquêteurs que vous n’aviez pas divulgué à d’autres personnes l’information que [Mme D.R.] vous a dévoilée au sujet de ses problèmes matrimoniaux.

b) Vous avez faussement indiqué aux enquêteurs que vous n’avez jamais discuté ouvertement de la vie personnelle et professionnelle du gendarme Freeman et de [Mme D.R.] avec [Mme D.M.], [M. G.M.] ou des collègues de travail.

c) Vous avez faussement indiqué aux enquêteurs que vous n’aviez personnellement rien à voir avec le fait que [Mme V.F.] a appris que [Mme D.R.] et le gendarme Freeman entretenaient une relation : « Je ne lui ai pas dit que je soupçonnais quoi que ce soit Je n’ai rien fait J’ai seulement elle devait savoir et elle devait l’apprendre d’elle-même et c’est ce qu’elle a fait. »

d) Vous avez faussement indiqué que vous n’avez jamais discuté des affaires personnelles et privées du gendarme Freeman ou de [Mme D.R.] avec l’inspecteur Manj.

e) Vous avez faussement indiqué que vous n’aviez rien à voir avec la décision prise par [Mme D. M.] en ce qui a trait à la consignation des affaires personnelles et privées de [Mme D.R.] et du gendarme Freeman : « Absolument et ils sont tout à fait contre l’infidélité évidemment et sur le fait de tromper l’autre et euh ce n’était pas pour arriver sur leur propriété et c’est tout et ils n’ont pas aimé ce qu’ils ont vu et ils font fait ce qu’ils avaient à faire. Vous savez, ne j’avais rien à voir avec les décisions qu’ils ont prises et avec ce qu’ils ont fait. »

f) Vous avez intentionnellement cherché à minimiser l’importance de votre implication face aux enquêteurs et vous avez créé une fausse version des événements selon laquelle [Mme V.F.] aurait activement tenté d’obtenir l’aide de [Mme D.M.] en la rencontrant avant que l’altercation n’ait lieu et aurait directement demandé l’aide de [Mme D.M.] pour recueillir des renseignements sur les affaires privées du gendarme Freeman.

g) Vous avez faussement indiqué que vous n’avez jamais fait part à [Mme V.F.] de détails portant sur l’horaire de travail du gendarme Freeman, notamment à savoir quand il était en service ou non, quand il participait à une formation ou s’il était parti du travail tôt.

h) Vous avez faussement indiqué qu’en ce qui a trait au camion qui était sur la propriété de [M. G.M.] et de [Mme D.M.] le 20 juillet 2016 que : « Nous ne savions pas qui était dans le camion. »

i) Vous avez faussement indiqué que la rencontre entre [Mme V.F.], [Mme D.R.] et le gendarme Freeman n’était pas planifiée : « J’ai dit que cela n’était définitivement pas planifié. C’est simplement arrivé. Je crois que c’est arrivé pour le mieux et dans certains cas, mais mais pour ce que nous vivons en ce moment. »

j) Vous avez intentionnellement minimisé les connaissances de l’inspecteur Manj et son implication. Vous avez donc menti aux enquêteurs.

k) Vous avez faussement indiqué que vous n’avez jamais parlé à [Mme D.R.] de la liaison avec le gendarme Freeman et vous avez faussement indiqué que le 19 mai 2016, pendant une conversation téléphonique que vous avez eue avec [Mme D.R.], vous ne lui avez jamais dit qu’elle devait avouer qu’elle avait une liaison, car : « Non. Ce n’était pas à moi de faire ça. »

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

[300]  J’ai déjà conclu que les faits dans les trois premiers détails ont été établis. Le détail 4 est le seul détail restant et le plus important en ce qui a trait à cette allégation. Ce détail contient 11 déclarations faites par la caporale Hollingsworth et qui, selon l’autorité disciplinaire, étaient fausses ou trompeuses.

Allégation 4 – Sous détail 4 a)

[301]  Le premier sous-détail est l’énoncé général, « Vous avez faussement indiqué aux enquêteurs que vous n’aviez pas divulgué à d’autres personnes l’information que [Mme D.R.] vous a dévoilée au sujet de ses problèmes matrimoniaux. » Le sous-détail ne fait allusion à aucune déclaration particulière.

[302]  Dans les déclarations portant sur les allégations, le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué que les pages 6, 20 et 21 de la déclaration étaient pertinentes à ce sous-détail.

[303]  À la page 6, la caporale Hollingsworth a parlé de la conversation qu’elle a eue avec Mme D.R. dans a chambre à coucher de sa maison à la suite de la levée du détachement en novembre 2015. Pendant cette conversation, Mme D.R. a informé la caporale Hollingsworth que son mari, M. D.R., avait fait quelque chose de si terrible qu’elle ne lui faisait plus confiance et qu’elle allait le laisser en mai. Mme D.R. n’a pas voulu dire à la caporale Hollingsworth de quoi il s’agissait, mais elle a laissé entendre que c’était grave et qu’elle n’en parlerait jamais à personne. Elle a supplié la caporale Hollingsworth de ne pas parler de leur conversation à qui que ce soit, y compris à M. S.M. La caporale est devenue tellement inquiète de ce qui avait pu se passer qu’elle a demandé à Mme D.R. si c’était quelque chose de criminel. Elle voulait garder le secret de Mme D.R. puisqu’elle était son amie. Mme D.R. insistait tellement sur l’importance de ne pas en parler à personne qu’elle est devenue vraiment paranoïaque. En fait, elle a affirmé qu’elle est devenue tellement paranoïaque, en raison de la façon dont Mme D.R. insistait, qu’elle a effacé tous les messages textes à ce sujet afin que M. Manj ne puisse pas les trouver.

[304]  Dans ses conclusions finales, le représentant de l’autorité disciplinaire m’a demandé de bien noter que la caporale Hollingsworth n’a pas gardé le secret de Mme D.R. au sujet de ses problèmes matrimoniaux. On m’a renvoyé à des réponses dans son témoignage, particulièrement aux pages 160 et 165 du Volume 4, qui, selon le représentant de l’autorité disciplinaire, démontrent le comportement évasif de la caporale Hollingsworth et l’excuse qu’elle a pu trouvée pour expliquer pourquoi elle avait induit les enquêteurs en erreur.

[305]  La série de question à laquelle le représentant de l’autorité disciplinaire fait allusion portait sur le déni de la caporale Hollingsworth, qui ne voulait pas reconnaître qu’elle avait parlé à Mme D.R. de sa relation avec M. Freeman. Cela n’a rien à avoir avec ce sous-détail. Celui-ci traite de la question de savoir si la caporale Hollingsworth a parlé à quiconque du secret que Mme D.R. lui avait confié pendant la conversation qui a eu lieu dans la chambre à coucher à la suite de la levée du détachement, et non de sa relation avec M. Freeman.

[306]  Dans sa déclaration, la caporale Hollingsworth a indiqué aux enquêteurs ce qu’elle a dit à M. Manj et les circonstances entourant cette divulgation. Dans l’échange de questions et de réponses commençant à la page 20, ligne 672, et prenant fin à la page 21, ligne 699, la caporale Hollingsworth a clairement indiqué aux enquêteurs qu’elle a dit en mai à M. Manj. Même si elle ne précise pas ce qu’elle a dit à M. Manj, elle a indiqué clairement qu’elle lui avait dit quelque chose au sujet de quelque chose qu’elle ne lui avait pas dévoilé avant. Ce la est arrivé après que l’inspecteur Manj eut discuté au téléphone avec Mme D.R., une conversation pendant laquelle elle a nié qu’il se passait quelque chose entre elle et M. Freeman. En plus de le dire aux enquêteurs, la capraole Hollingsworth cherchait au même moment, sur son téléphone, pour trouver les messages textes qui appuieraient ses dires.

[307]  En raison de ce qui précède, le sous-détail, comme il est écrit, n’est pas établi.

Allégation 4 – Sous-détail 4 b)

[308]  Le deuxième sous-détail est aussi une déclaration générale, et il n’inclut pas un renvoi vers un certain passage de cette dernière. Selon le sous-détail, la caporale Hollingsworth a faussement indiqué aux enquêteurs qu’elle n’a jamais discuté ouvertement des affaires personnelles et privées de M. Freeman ou de Mme D.R. avec M. G.M., Mrs. D.M. ou des collèges de travail.

[309]  Dans sa réponse aux allégations présentées aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie), la caporale Hollingsworth affirme qu’elle est incapable de trouver une déclaration qui coïncide avec ce sous-détail. Elle ajoute qu’elle n’avait pas l’intention de faire une déclaration inexacte ou d’induire les enquêteurs en erreur.

[310]  Enfin, l’ensemble du contenu des déclarations et la totalité de la preuve n’appuient pas ce sous-détail. Dans leur présentation, le représentant de l’autorité disciplinaire m’a renvoyé vers la page 8, lignes 235 à 246 de la déclaration, pour appuyer le sous-détail. Voici le libellé du passage :

[235] Je n’ai jamais demandé à qui que ce soit de faire quelque chose Je ne J’ai tout fait

[236] moi-même J’ai pris Je la seule personne à qui j’ai parlé à qui nous avons parlé est

[237] [M. G.M. et Mme D.M.] et nous n’avons jamais mentionné de noms parce que, je suppose

[238] Suki descendait lorsque nous faisions face à cela.

[239] Suki était dehors et il a rencontré [M. G.M.] par hasard en

[240] ville et [M. G.M.] a dit hey comment ça va, tu sais, tu n’es pas

[241] toi-même et il a répondu ah tu sais de vieilles affaires et que veux-tu

[242] dire arrête pour aujourd’hui et tu sais vas-y et

[243] soupe et qu’importe ce qu’on a fait Et nous en avons parlé que

[244] nous faisions juste face à certaines choses en tant qu’ami et juste

[245] face à ces choses comme eux en disant que feriez-vous

[246] Et ils nous regardaient de façon un peu étrange et

[247] comme s’ils savaient quelque chose et c’était étrange, car nous

[248] n’avons jamais mentionné de noms et nous n’avons jamais jamais parlé

[249] de cela et elle dit bien nous avons remarqué des choses autour

[250] de notre maison aussi. Nous leur avons demandé ce qu’ils voulaient dire puis elle a dit

[251] bah tu sais divers véhicules qui viennent à

[252] la maison et ils savaient que Mark était séparé et tout donc

[253] qu’importe, mais juste le comportement des gens qui ne sont pas honnêtes

[254] et qui entrent vite et la façon dont il s’est stationné, il se stationne et la façon

[255] d’autres véhicules se sont stationnés afin que cette personne puisse monter

[256] les escaliers et entrer dans la maison très rapidement et ils ont juste trouvé ça

[257] étrange et donc nous avons parlé de ça et nous avons fait connaître nos préoccupations

[258] et tout à ce sujet donc nous ne savions pas à qui parler et à ce moment

[259] à ce moment je vous ai dit Suki et moi en avions parlé

[260] pour vraiment comprendre ce qui se passait ou, vous savez, nous avions des

[261] doutes, mais nous ne pouvions rien prouver jusqu’à

[262] ce que ce soit divulgué, mais euh, …

[Les caractères gras sont de nous.]

[311]  Cet extrait prouve en fait le contraire du sous-détail. La caporale Hollingsworth ne nie pas parler des affaires personnelles de Mme D.R. et de M. Freeman avec M. G.M. et Mme D.M. Elle a plutôt indiqué clairement aux enquêteurs qu’ils avaient discuté de ces questions, au moins de ce qui se passait sur la propriété de M. G.M. et Mme D.M et de leurs inquiétudes à ce sujet.

[312]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a aussi porté à mon attention les portions du témoignage de la caporale Hollingsworth où elle aurait reconnu parler avec Mme V.F. du fait que Mme D.R. était en congé en raison du stress. Il a aussi porté à mon attention deux messages textes où elle discutait du retour au travail de Mme D.R. avec Mme D.M. Cependant, le problème avec la soumission est que le représentant de l’autorité disciplinaire n’a pas attiré mon attention sur un passage de la déclaration où la caporale Hollingsworth niait avoir parlé de Mme D.R. ou de M. M.F. En l’absence de déclarations particulières, autre que celle sur laquelle le représentant de l’autorité disciplinaire a attiré mon attention, je ne peux pas conclure que le sous-détail a été établi.

[313]  La caporale Hollingsworth a volontairement fourni de l’information sur les personnes avec qui elle avait parlé et sur les sujets de discussion en ce qui a trait aux affaires personnelles de Mme D.R. et de M. Freeman. Je ne peux donc pas conclure que ce sous-détail est établi.

Allégation 4 – Sous-détail 4 c)

[314]  Selon le troisième sous-détail, la caporale Hollingsworth a faussement indiqué aux enquêteurs qu’elle n’avait personnellement rien à avoir avec le fait que Mme V.F. ait après elle-même que Mme D.R. et M. Freeman entretenaient une relation. Ce sous-détail cite un passage précis de la déclaration dont voici le libellé : « Je ne lui ai pas dit que je soupçonnais quoi que ce soit Je n’ai rien fait J’ai seulement elle devait savoir et elle devait l’apprendre d’elle-même et c’est ce qu’elle a fait. » Cette phrase se trouve à la page 14, lines 447 et 449 de la déclaration.

[315]  Dans sa réponse donnée aux allégations aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie), la caporale Hollingsworth a affirmé que, dans l’ensemble de la preuve, elle a indiqué clairement qu’elle n’avait rien à faire avec le fait que Mme V.F. se soit rendue sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. le 20 juillet 2016.

[316]  De plus, l’affirmation selon laquelle Mme V.F. avait appris elle-même ce qui se passait est vraie dans le sens où la caporale Hollingsworth n’a pas parlé à Mme V.F. de la situation entre Mme D.R. et son mari, car elle n’était pas certaine que c’était vraiment Mme D.R. Le représentant de l’autorité disciplinaire a attiré mon attention à la page 12, lignes 428 à 447 de la déclaration pour appuyer sa position. Voici le libellé de ce passage :

[Hollingsworth]… la façon dont l’information s’est répandue et je savais qu’éventuellement ça se saurait et de la façon dont cela s’est su c’est arrivé et cela a fonctionné, car c’était son amie qui l’une des ses amies qui en fait est sa voisine qui travaille avec [M. D.R.] donc.

[Folk] D’accord parlons de cela. Dites-moi comment c’est arrivé.

[Hollingsworth] Oui donc voyons voir en mars c’était quand ça? Mars, c’était le 20 juin je pense j’ai reçu un message texte de qu’est-ce que c’est ici de [Mme D.R.], non de madame [Mme D.R.] j’ai juste consulté certains de ces messages j’ai juste imprimé euh

[Folk] Pouvez-vous nous envoyer ces messages?

[Hollingsworth] Je les ai tous imprimés et je n’ai toujours pas imprimé ceux de [Mme V.F.], mais ceux-là sont de [Mme D.M.].

[Folk] D’accord oui si vous pouviez envoyer ceux-là.

[Hollingsworth] Parce qu’ils expliquent exactement comment tout s’est passé qu’il n’y avait aucune mauvaise intention de ma part il n’y avait aucune intention que quelque chose se déroule mal c’était seulement [Mme V.F.] qui a appris ce qui se passait et je ne pouvais pas être certaine que c’était [Mme D.R.] dont je n’ai rien dit …

[Folk] D’accord

[Hollingsworth] Je ne lui ai rien dit.

[Folk] Ok

[Hollingsworth] Je ne lui ai pas dit que je soupçonnais quoi que ce soit Je n’ai rien fait J’ai seulement elle devait savoir et elle devait l’apprendre d’elle-même et c’est ce qu’elle a fait.

[317]  J’ai fait un renvoi vers une portion du même extrait apparaissant aux lignes 421 à 430 de la déclaration. En voici le libellé :

[Hollingsworth] Et j’avais une amie qui ne savait pas ce qui se passait et son mari faisait tout cela pendant qu’ils étaient ensemble et je ne pouvais pas lui en parler et je ne lui en n’ai pas parlé de ce que je savais parce que je n’étais pas certaine si j’étais pour dire quelque chose à moins d’être certaine et euh, ce qui se passait sur la [propriété de M. G.M. et de Mme D.M.] et ce que je savais à ce sujet que je ne pouvais toujours pas lui dire. Il fallait que ça se sache et je savais qu’éventuellement ça se saurait et la façon dont ça s’est su c’est arrivé de la façon dont c’est arrivé et cela a fonctionné, car c’était son amie qui l’une de ses amies qui est sa voisine qui travaille avec [M. D.R.] donc…

[318]  Le sous-détail et la déclaration utilisée pour l’appuyer ne correspondent pas. Il y a une importante différence entre l’affirmation de la caporale Hollingsworth selon laquelle elle n’avait rien à avoir avec la situation et une déclaration dans laquelle elle affirme qu’elle n’a pas parlé à Mme V.F. de l’aventure de son mari. L’implication personnelle et le fait de ne rien dire sont deux choses complètement différentes. La preuve démontre clairement que la caporale Hollingsworth était derrière la présence de Mme V.F. à la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. le 20 juillet 2016, où elle a appris elle-même que M. Freeman et Mme D.R. entretenaient une relation personnelle. La caporale Hollingsworth l’avait reconnu. Cependant, la preuve démontre également que la caporale Hollingsworth n’a rien dit à Mme V.F. au sujet de ses soupçons sur l’aventure de son mari avant cette date. La preuve démontre clairement que Mme V.F. « a compris ce qui se passait » pour la première fois plus tôt dans la journée du 20 juillet 2016, lorsqu’elle a discuté avec sa voisine, qui lui a d dit ce que M. D.R. leur avait dit à la fête qu’ils avaient organisée. L’échange suivant de messages textes entre Mme V.F. et la caporale Hollingsworth, qui commence à la page 860 du cahier d’enquête, le confirme. En voici le libellé :

[Mme V.F.] : Donc j’ai parlé à ma voisine de [Mme D.R.] et elle a entendu qu’elle couchait avec quelqu’un du bureau!!! Mark???

[Membre visé] : *Rires* …Oui, dîner sans les enfants à OJ’s avec [deux amis]. Nous n’avons jamais fait cela donc nous allons le faire.

[Mme V.F.] : Elle a aussi dit que [M. D.R.] est sa patronne donc qu’elle ne le referait jamais!

As-tu entendu quelque chose?

Un souper au restaurant sera super!!

Je me demande s’il serait plus facile de savoir qu’il est avec quelqu’un d’autre?

Allo?? Aucun commentaire? *Rires*

Tu m’as promis de me le dire si tu entendais quelque chose!

[Membre visé] : Je me prépare et je fais à souper aux enfants. Mais qu’est-ce que… a-t-elle dit autre chose?!

[Mme V.F.] : Non, elle a juste entendu que [Mme D.R.] a peut-être été congédiée pour avoir couché avec quelqu’un du bureau.

Bien sûr je suppose que c’est Mark.

[Membre visé] : Bien, peut-être que c’est ce que les gens pensent, que c’est pourquoi nous déménageons. Qu’elle et Suki

[Mme V.F.] : Tu n’as entendu aucune rumeur? Je veux savoir!

Si j’avais entendu quelque chose, je poserais d’autres questions

[Membre visé] : Laisse les enfants et va en parler à mark.

[319]  Il est évident que même à ce moment, la caporale Hollingsworth évitait toujours de répondre aux questions de son amie à savoir si elle était au courant de la relation entre son mari et Mme D.R. En me fondant sur ce message texte uniquement, je conclus que la caporale Hollingsworth n’a pas parlé à Mme V.F. de ses soupçons avant que Mme V.F. apprenne elle-même l’existence de la relation, et que cela s’est produit exactement de la façon dont la caporale Hollingsworth le décrit dans sa déclaration. Je ne peux donc pas conclure que ce sous-détail est établi.

Allégation 4 – Sous-détail 4 d)

[320]  Le quatrième sous-détail est une simple déclaration dans laquelle la caporale Hollingsworth a faussement indiqué qu’elle n’a jamais discuté des affaires personnelles et privées de M. Freeman et de Mme D.R. avec M. Manj. Le sous-détail n’est pas appuyé par un renvoi précis à la déclaration.

[321]  Dans sa réponse aux allégations donnée aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie), la caporale Hollingsworth a reconnu qu’elle et M. Manj ont discuté de la drague qu’ils avaient observée à leur domicile à la suite de la levée du détachement de novembre 2015. Elle a aussi concédé le contenu de l’échange de questions et de réponses allant de la page 20, ligne 672, à la page 21, ligne 699, dans lequel elle a clairement indiqué aux enquêteurs qu’elle avait parlé à M. Manj, en mai 2016, d’au moins une partie de sa conversation avec Mme D.R., tenue à la suite de la levée du détachement en novembre 2015.

[322]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que parce qu’ils faisaient face à des contraintes exagérées, ils avaient une capacité limitée d’obtenir des éléments de preuve auprès de l’inspecteur Manj. J’ai indiqué les contraintes, s’il y en avait, avaient été créées par le processus disciplinaire actuel. J’ai aussi indiqué que les contraintes, si elles existaient, n’ont pas empêché le représentant de l’autorité disciplinaire de relever les portions de la déclaration de la caporale Hollingsworth où elle indiquait précisément qu’elle n’avait jamais discuté des affaires personnelles de M. Freeman et de Mme D.R., comme on le soutenait.

[323]  En l’absence de toute déclaration particulière dans laquelle la caporale Hollingsworth a dit expressément aux enquêteurs qu’elle et M. Manj n’ont pas discuté des affaires personnelles de M. Freeman et de Mme D.R., je ne peux pas conclure que ce sous-détail a été établi.

Allégation 4 – Sous-détail 4 e)

[324]  Selon le cinquième sous-détail, la caporale Hollingsworth a faussement indiqué qu’elle n’avait rien à voir avec les décisions prises par M. G.M. et Mme D.M. en ce qui a trait à la consignation des affaires personnelles et privées de M. Freeman et de Mme D.R. Ce sous-détail est appuyé par le renvoi à une déclaration précise qui paraît à la page 23 de la déclaration, à partir de la ligne 755. En voici le libellé :

Absolument et ils sont tout à fait contre l’infidélité évidemment et sur le fait de tromper l’autre et euh ce n’était pas pour arriver sur leur propriété et c’est tout et ils n’ont pas aimé ce qu’ils ont vu et ils font fait ce qu’ils avaient à faire. Vous savez, ne j’avais rien à voir avec les décisions qu’ils ont prises et avec ce qu’ils ont fait.

[325]  La caporale Hollingsworth a allégué que cette déclaration a été prise hors contexte. Il s’agissait d’une réponse à une question sur l’intérêt de Mme D.M. au sujet de la situation et sur ses inquiétudes du point de vue moral. Les échanges débutent avec une question du sergent Spaans sur l’intérêt de Mme D.M. envers la situation. La question, qui se trouve à la page 22, lignes 740 et 741, se lit comme suit : « Avec cela, quel était l’intérêt de [Mme D.M.] dans toute cette situation? Pourquoi était-elle si investie? » Puis, la caporale Hollingsworth a dit à l’enquêteur ce qui a été présenté comme élément de preuve de la part de Mme D.M. au sujet des raisons de leur implication dans la situation et de ses inquiétudes, du point de vue moral, au sujet de ce qui se passait sur leur propriété.

[326]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a souligné l’admission de la caporale Hollingsworth, selon laquelle elle n’a pas découragé Mme D.M. de faire ce qu’elle a fait, laissant entendre que cela soutient ce sous-détail. Il a aussi souligné deux occasions où la caporale Hollingsworth a demandé expressément à Mme D.M. où était M. Freeman.

[327]  Le sous-détail traite de la participation de la caporale Hollingsworth dans la décision de M. G.M. et de Mme D.M. de consigner de l’information sur M. Freeman et Mme D.R. Ne pas les encourager à le faire constitue, en fait, l’absence de participation à leurs décisions. Le fait de simplement poser des questions à savoir où se trouve M. Freeman ne constitue pas du tout une participation dans la décision prise par M. G.M. et Mme D.M. de consigner de l’information. L’information que la caporale Hollingsworth cherchait à obtenir avait peut-être déjà été consignée.

[328]  Enfin, Mme D.M. a semblé, dans ses déclarations et son témoignage, être une personne très forte qui était déterminée à aider Mme V.F. et à protéger la réputation de leur entreprise familiale. Je ne crois pas que la caporale Hollingsworth aurait pu faire quelque chose pour la dissuader à poser des gestes.

[329]  Je ne trouve rien de faux ou de trompeur dans ce qu’a dit la caporale Hollingsworth. Ses dires sont bien soutenus par les éléments de preuve présentés dans les témoignages et les messages textes de Mme D.M. et M. G.M. Je ne peux donc pas conclure que cette déclaration est fausse ou trompeuse.

Allégation 4 – Sous-détail 4 f)

[330]  Selon le sixième sous-détail, la caporale Hollingsworth a cherché à minimiser l’importance de son implication face aux enquêteurs et aurait créé une fausse version des événements selon laquelle [Mme V.F.] aurait activement tenté d’obtenir l’aide de [Mme D.M.] en la rencontrant avant que l’altercation n’ait lieu et aurait directement demandé l’aide de [Mme D.M.] pour recueillir des renseignements sur les affaires privées du gendarme Freeman. Encore une fois, ce sous-détail n’est pas appuyé par une déclaration attribuable à la caporale Hollingsworth.

[331]  Dans sa déclaration, le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué que la section pertinente de la déclaration se trouve aux pages 26 à 32. Encore une fois, ce que ce sous-détail allègue et ce que le représentant de l’autorité disciplnaire a indiqué comme renvois appropriés au sous-détail ne concordent pas. Le sous-détail traite de deux choses particulières : la participation de la caporale Hollingsworth dans l’organisation de la rencontre avec Mme D.M. dans un café quelques jours avant l’incident du 20 juillet 2016, et le fait qu’on ait, sous l’influence de la caporale Hollingsworth, demandé à Mme D.M. d’aider à recueillir des renseignements sur la vie privée de M. Freemans, alors que les pages auxquelles le représentant de l’autorité disciplinaire renvoie contiennent essentiellement le récit, par la caporale Hollingsworth, des messages textes échangés avec Mme V.F. au sujet de ce qui a mené à l’affrontement qui a eu lieu le 20 juillet 2016 sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. À la ligne 1037, le sergent Spaans indique qu’il comprenait très bien ce qui s’était passé.

[332]  La caporale Hollingsworth, dans sa réponse portant sur les allégations donnée aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie), a renvoyé, de façon plus appropriée, aux lignes 759 et 772, qui traitent directement de la rencontre entre Mme D.M. et Mme V.F. Nous avons déjà discuté de cette portion de la déclaration. Les commentaires faits dans la déclaration sont conformes à d’autres éléments de preuve dans le dossier, dont les déclarations, les messages textes et les témoignages. Je ne peux donc pas conclure que ce sous-détail est établi.

Allégation 4 – Sous-détail 4 g)

[333]  Selon le septième sous-détail, la caporale Hollingsworth a faussement indiqué qu’elle n’a jamais divulgué l’horaire du gendarme Freeman à Mme V.F., y compris les moments où il était en service ou non, à savoir s’il suivait une formation ou s’il était parti du travail tôt.

[334]  Le seul élément de preuve particulier auquel le représentant de l’autorité disciplinaire a fait illusion pour appuyer ce sous-détail est que, pendant le contre-interrogatoire, la caporale Hollingsworth a reconnu qu’elle avait envoyé l’horaire du gendarme Freeman à Mme V.F. dans un message texte. Elle l’a toutefois fait de façon non intentionnelle. Cet aveu est contraire à la déclaration de la caporale Hollingsworth (page 27, ligne 1892 de sa déclaration), dans laquelle elle a répondu catégoriquement qu’elle n’a « jamais » indiqué à Mme V.F. si le gendarme Freeman était en service ou s’il était partit tôt du travail. Ces questions paraissent aux lignes 890 à 897 de sa déclaration.

[335]  La caporale Hollingsworth, dans sa déclaration faite aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie), a indiqué qu’on ne lui avait pas demandé de fournir l’horaire de formation du gendarme Freeman, et elle a ajouté que les lignes 890 à 897 appuient ses dires selon lesquels elle n’a fourni aucune information sur l’horaire du gendarme Freeman. Le représentant de l’autorité disciplinaire n’a pas démontré qu’on a posé des questions à la caporale Hollingsworth au sujet de l’horaire de formation du gendarme Freeman, et il l’a nié. Je ne peux donc pas conclure que cette portion du sous-détail est établie.

[336]  En ce qui a trait au reste de ce sous-détail, des éléments de preuve démontrent que la caporale Hollingsworth a communiqué à Mme V.F. de l’information sur l’horaire de travail du gendarme Freeman.

[337]  La représentante du membre a soutenu que la caporale Hollingsworth n’avait aucune intention d’induire qui que ce soit en erreur. Elle croyait simplement que la question portait sur ce qui s’était passé avant l’incident du 20 juillet 2016. À la lumière de la déclaration de la représentante du membre, je crois qu’il convient d’examiner la réponse de la caporale Hollingsworth dans le contexte de sa conduite générale lors de sa déclaration aussi bien que lors de son témoignage. Dans l’ensemble de sa déclaration, comme l’a souligné la caporale Folk, elle a démontré que la caporale Hollingsworth était « impatiente de nous dire tout ce qu’elle savait, à son détriment. Elle était honnête, même lorsque la vérité ne le faisait pas très bien paraître. » Le fait qu’elle a volontairement fourni les messages textes, qui sont maintenant utilisés pour prouver cette déclaration présumée fausse et trompeuse, est un autre exemple de sa volonté de dire la vérité. Il est certainement compréhensible qu’une question, ou qu’au moins le contexte d’une question, pourrait être mal compris. J’accepte cette explication. Je conclus donc qu’elle n’avait pas l’intention de tromper, mais qu’elle avait plutôt mal compris ce qu’on lui demandait.

[338]  Je conclus donc que ce sous-détail n’est pas établi.

Allégation 4 – Sous-détail 4 h)

[339]  Selon le huitième sous-détail la caporale Hollingsworth a faussement indiqué que « Nous ne savions pas qui était dans le camion », en faisant allusion au camion rouge qui s’est trouvé sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. le 20 juillet 2016. Ce détail a été supprimé par le représentant de l’autorité disciplinaire pendant l’audience disciplinaire.

Allégation 4 – Sous-détail 4 i)

[340]  Selon le neuvième sous-détail, la caporale Hollingsworth a affirmé que la rencontre entre Mme V.F., Mme D.R. et M. Freeman n’était pas planifiée. La déclaration suivante est utilisée pour appuyer ce sous-détail, « J’ai dit que cela n’était définitivement pas planifié. C’est simplement arrivé. Je crois que c’est arrivé pour le mieux et dans certains cas, mais mais pour ce que nous vivons en ce moment. » Cette citation paraît à la page 31, lignes 1032 à 1034, de sa déclaration.

[341]  La caporale Hollingsworth, dans sa réponse donnée au sujet des allégations, aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie), a déclaré que la mesure dans laquelle la rencontre entre M. Freeman et Mme V.F. était planifiée, et de sa participation à l’organisation de celle-ci, était divulguée dans sa déclaration. Mme D.R., même si elle était présente à l’appartement, n’avait rien à avoir avec la rencontre.

[342]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a concédé que même si les « astres se sont alignés » pour que la rencontre ait lieu, certains éléments de cette rencontre étaient planifiés. J’ai déjà discuté de la mesure dans laquelle la rencontre était planifiée. La planification était minimale, comme la remarque selon laquelle les « astres se sont alignés » le laisse entendre.

[343]  L’explication ou le compte rendu de la caporale Hollingsworth au sujet du déroulement des événements commence à la page 27, ligne 903, de sa déclaration et se termine environ à la page 31, ligne 1052. Dans cette déclaration et dans l’échange de questions et de réponses, la caporale Hollingsworth établit sa participation d’une façon qui correspond aux éléments de preuve, surtout parce qu’elle lisait les messages textes qui étaient échangés à mesure que la journée se déroulait.

[344]  En raison de ce qui précède, je ne peux pas conclure que ce sous-détail a été établi.

Allégation 4 – Sous-détail 4 j)

[345]  Selon ce sous-détail, la caporale Hollingsworth ne disait pas la vérité, car elle a minimisé les connaissances de M. Manj ainsi que le rôle qu’il a joué.

[346]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a discuté de ce sous-détail en parallèle avec le sous-détail 4 d). Le représentant de l’autorité disciplinaire a allégué que puisqu’ils faisaient face à des contraintes excessives dans leur examen portant sur l’inspecteur Manj, is avaient une capacité limitée d’obtenir des éléments de preuve de celui-ci. Mes remarques au sujet de cette déclaration sont les mêmes que mes remarques portant sur le sous-détail 4 d).

[347]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a donné plusieurs exemples d’éléments de preuve appuyant la mesure dans laquelle M. Manj a participé à cette affaire. Cela inclut six renvois aux divers messages textes et plusieurs aspects du témoignage de la caporale Hollingsworth, dans lesquels elle discutait de l’implication de M. Manj. Tout cela est très bien, mais le représentant de l’autorité disciplinaire n’a pas indiqué précisément où, dans sa déclaration, la caporale Hollingsworth a tenu des propos qui ont minimisé l’implication de M. Manj. En l’absence de toute déclaration particulière ou de tout ensemble de déclarations qui démontre que la caporale Hollingsworth a minimisé l’implication de M. Manjdans cette affaire, je ne peux pas conclure que ce sous-détail est établi.

Allégation 4 – Sous-détail 4 k)

[348]  Selon le onzième et dernier sous-élément de ce sous-détail de cette allégation, la caporale Hollingsworth a faussement indiqué qu’elle n’a jamais parlé à Mme D.R. de sa liaison avec M. M.F., et elle a faussement indiqué que lors de sa conversation téléphonique tenue le 19 mai 2016, elle n’a jamais dit à Mme D.R. d’avouer qu’elle avait une liaison, car : « Non. Ce n’était pas à moi de faire ça. » Cette phrase paraît à la page 40, ligne 1321, de sa déclaration. Le commentaire est fait pour répondre à la question « Donc tu ne lui as pas dit qu’elle devait être honnête au sujet de Mark. »

[349]  La position de la caporale Hollingsworth dans sa réponse fournie aux termes du paragraphe 15(3) du CC (Déontologie) aux allégations était que la déclaration devait être mise en contexte.

[350]  La déclaration en elle-même est clairement fausse en ce qui a trait à la question qui a été posée, mais l’échange complet sur la conversation téléphonique tenue le 19 mai 2016 commence à la page 36, ligne 1198, de la déclaration. Pendant cet échange, la caporale Hollingsworth fait beaucoup d’efforts pour expliquer aux enquêteurs qu’elle voulait que Mme D.R. soit honnête au sujet de sa liaison parce que l’inspecteur Manj avait appris la « Rumeuur sur Ricki ».

[351]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé que cette déclaration contredit d’autres éléments de preuve au dossier, particulièrement la version des faits de Mme D.R., qui commence à la page 4, ligne 128, de la déclaration qu’elle a fournie au sergent Morton.

[352]  Cette déclaration contredit ce que Mme D.R. a dit. Cependant, dans presque quatre pages de sa déclaration, la caporale Hollingsworth a discuté des circonstances entourant la conversation téléphonique du 19 mai 2016, qui étaient très semblables à ce que Mme D.R. a dit à ce sujet.

[353]  Je ne crois pas qu’une seule allégation, sortie du contexte de la déclaration dans laquelle elle a été fournie, et à la lumière de tous les éléments de preuve, pourrait être jugée fausse et trompeuse aux fins de la présente procédure. Je ne peux donc pas conclure que ce sous-détail est établi.

Conclusion – Allégation 4

[354]  Aucun des sous-détails du détail 4 n’a été établi. Je ne peux donc pas conclure que l’allégation elle-même est établie.

Preuve et conclusions – Allégation 5

[355]  La cinquième allégation est aux termes du paragraphe 8.1 du Code de déontologie et soutient que la caporale Hollingsworth n’a pas fait un compte rendu complet et exact au sujet de l’exercice de ses responsabilités, de l’exécution de ses tâches et des gestes d’autres employés. L’allégation porte particulièrement sur une « déclaration volontaire après mise en garde » que la caporale Hollingsworth a fournie au sergent Lovie le 3 juillet 2017. Cette déclaration a été recueillie en proportion directe des trois allégations contenues dans la lettre de mandat signée par la surintendante principale Jodie Boudreau le 20 février Fc2017.

[356]  Voici le libellé de l’allégation :

Allegation 5

Le 3 juillet 2017 ou autour de cette date, à Chilliwack, dans la province de la Colombie-Britannique ou près de cet endroit, la caporale Tammy Hollingsworth n’a pas fourni un compte rendu complet et exact au sujet de l’exercice de ses responsabilités, de l’exécution de ses tâches et des gestes d’autres employés, en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en poste au sein de la division K du détachement de la GRC à Lloydminster.

2. À toutes les dates pertinentes, vous étiez mariée à l’officier responsable du détachement de la GRC à Lloydminster, l’inspecteur Sukhjit Manj, et vous aviez en votre possession des renseignements sur ses responsabilités professionnelles et personnelles.

3. Mme D.R.] était une employée municipale au détachement de la GRC à Lloydminster. Vous étiez une amie proche de [Mme V.F.] et vous avez décidé, de façon délibérée, de vous mêler de ses problèmes matrimoniaux. [Mme V.F.] était l’ex-épouse du gendarme Mark Freeman (« gendarme Freeman »). Le gendarme Freeman est le maître-chien de la GRC en poste au détachement de Lloydminster, et il habitait dans une chambre louée qui était sur la propriété de [M. G.M.] et de [Mme D.M.]. T Le motif sous-jacent pour lequel vous vouliez connaître l’horaire de travail et les affaires privées du gendarme Freeman était que vous ne pouviez tout simplement pas accepter que lui et [Mme D.R.] entretenaient des liens personnels étroits.

4. Le 3 juillet 2017, vous avez volontairement fourni une déclaration après mise en garde au sergent John Lovie à Chilliwack. Votre déclaration volontaire comprenait de l’information fausse et trompeuse :

a) Vous avez faussement indiqué à l’enquêteur que vous n’avez jamais parlé à [Mme D.M.] des détails sur ce que vous croyiez être une liaison entre [Mme D.R.] et le gendarme Freeman : « [Mme D.M.] savait que j’avais de la difficulté à croire que le mari de [Mme V.F.] pouvait avoir une aventure, car je ne lui ai jamais dit que je le savais parce que c’était lié au travail. »

b) Vous avez faussement déclaré que Suki vous a toujours dit de ne pas vous mêlez des affaires privées de [Mme V.F.], de [Mme D.R.] et du gendarme Freeman et que vous avez tenu compte de son conseil : « Suki et moi voulions restés le plus loin possible de cette situation. Il m’a toujours dit de ne pas m’en mêler, et j’ai suivi son conseil. »

c) Vous avez faussement indiqué que l’altercation physique entre le gendarme Freeman et [Mme V.F.] n’avait rien à voir avec vous et que vous n’étiez pas impliquée : « En tant qu’agent très compétent de la GRC, il aurait dû utiliser sa formation et ses aptitudes pour calmer sa femme, qui était fâchée. Cependant, il a choisi de lui crier après et de l’attaquer. Cela, cela est ce qu’il a choisi de faire, je n’avais, je n’avais rien à voir là-dedans, et je ne pensais pas qu’il ferait quelque chose comme ça. »

d) Vous avez faussement indiqué que : « Vous n’avez jamais découragé quiconque, dont [Mme V.F.], de signaler un acte criminel. »

e) Vous avez faussement laissé entendre que [M. D.R.] a dit à [Mme V.F.] que [Mme D.R.] a utilisé la voiture de sa grand-mère pour se rendre au domicile du gendarme Freeman.

f) Vous avez faussement laissé entendre que tout ce que [Mme V.F.] a appris sur le travail du gendarme Freeman, de son horaire de formation et de son horaire personnel, elle l’a appris de [M. D.R.] et non de vous.

g) Vous avez faussement laissé entendre que l’inspecteur Manj n’avait rien à voir avec les divers messages textes et l’échange continu et détaillé d’information portant sur l’altercation physique survenue le 20 juillet 2016 : « Donc quand, quand tout cela s’est passé, je ne savais presque rien ».

h) Vous avez reconnu que vous aviez appris des détails intimes au sujet de ce qui se passait entre le gendarme Freeman et [Mme D.R.] en raison de renseignements obtenus au travail, mais vous avez ensuite induit l’enquêteur en erreur en affirmant que vous ne vous en êtes pas mêlée parce que c’était lié au travail : « Et je le sais parce que c’est le travail je dois faire la distinction entre la vie personnelle et le travail. Je l’ai toujours fait. Et c’était lié au travail. »

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

[357]  Les caractéristiques associées à cette allégation, qui se trouvent aussi au détail 4, font allusion à huit portions particulières de la déclaration qui, selon l’autorité disciplinaire, sont des déclarations fausses ou trompeuses faites par la caporale Hollingsworth.

Allégation 5 – Sous-détail 4 a)

[358]  Selon le premier sous-détail, la caporale Hollingsworth a faussement indiqué qu’elle n’a jamais donné à Mme D.M. de détails sur ce qu’elle croyait être une liaison entre Mme D.R. et M. Freeman. La déclaration dont il est question dans le sous-détail se lit comme suit : « « [Mme D.M.] savait que j’avais de la difficulté à croire que le mari de [Mme V.F.] pouvait avoir une aventure, car je ne lui ai jamais dit que je le savais parce que c’était lié au travail. » Cette citation se trouve dans l’exposé initial de la déclaration.

[359]  De la façon dont je comprends cette déclaration, la caporale Hollingsworth a affirmé qu’elle n’a pas dit à Mme V.F. ou à Mme D.M. qu’elle avait des soupçons. Selon certains éléments de preuve, Mme V.F. demandait de façon répétée à la caporale Hollingsworth si elle savait quelque chose sur la possibilité que son mari ait une liaison avant l’incident du 20 juillet 2016. Rien ne prouve que la caporale Hollingsworth ai dit quelque chose à ce sujet à Mme V.F. avant l’incident du 20 juillet 2016.

[360]  La caporale Hollingsworth, M. G.M. et Mme D.M. ont clairement indiqué que, même s’ils avaient de forts soupçons, ils n’étaient pas certains que c’était Mme D.R. qui se rendait au domicile de M. Freeman avant l’incident du 20 juillet 2016.

[361]  Le contenu de la déclaration qui a immédiatement suivi cette déclaration présumée fausse ou trompeuse indique que Mme V.F. a encore demandé à la caporale Hollingsworth, après que sa voisine lui ai dit ce que M. D.R. lui avait dit lors d’une fête au sujet de la liaison qu’avait Mme D.R. avec une personne du travail. La caporale Hollingsworth a déclaré qu’elle n’a pas répondu à ce message texte. Je ne vois pas de réponse à ce message dans la série de messages textes. Il est donc évident que la caporale Hollingsworth évitait la question et qu’elle n’avait pas, à ce moment, parlé de ses soupçons à Mme V.F.

[362]  En raison de ce qui précède, je ne peux pas conclure que la déclaration citée dans le sous-détail est fausse ou trompeuse. Je ne peux donc pas conclure que ce sous-détail est établi.

Allégation 5 – Sous-détail 4 b)

[363]  La deuxième déclaration présumée fausse ou trompeuse est la suivante : Suki et moi voulions rester le plus loin possible de cette situation. Il m’a toujours dit de ne pas m’en mêler, et j’ai suivi son conseil. » Ce passage paraît à la page 5 de la déclaration au début d’un long récit. Tout de suite après cela, la caporale Hollingsworth a fourni un compte rendu détaillé de son implication le jour ou l’altercation entre M. Freeman et Mme V.F. est survenue.

[364]  Des éléments de preuve indiquent que les deux premières phrases sont vraies. C’est « et j’ai suivi son conseil » qui pose problème. Comme l’a souligné le représentant de l’autorité disciplinaire, on ne peut pas nier que la caporale Hollingsworth était impliquée.

[365]  On a traité de cette déclaration lors de son contre-interrogatoire [30] . Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle voulait dire par cette déclaration, elle a répondu qu’elle ne voulait pas se mêler de la situation et qu’elle ne s’est pas mêlée des aspects financiers des discussions portant sur la séparation de M. et Mme Freeman.

[366]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé que l’interprétation de la question et de la réponse de la caporale Hollingsworth n’était pas pertinente. Le fait est que la caporale était impliquée.

[367]  La caporale Hollingsworth a donné une explication de ce qu’elle voulait dire lorsqu’elle a tenu ces propos. L’explication est raisonnable, et les éléments de preuve ne la contredisent pas. Rien ne prouve que la caporale Hollingsworth était impliquée dans les aspects financiers de la séparation de M. et Mme Freeman. Je ne peux donc pas conclure que ce sous-détail, comme il est écrit, est établi.

Allégation 5 – Sous-détail 4 c)

[368]  Selon le troisième sous-détail, la caporale Hollingsworth a faussement indiqué que l’altercation physique entre M. Freeman et Mme V.F. n’avait rien à voir avec elle et qu’elle n’était pas impliquée. La portion de la déclaration citée pour appuyer cette déclaration paraît à la page 5 et au haut de la page 6 de sa déclaration, et elle se lit comme suit :

[…] En tant qu’agent très compétent de la GRC, il aurait dû utiliser sa formation et ses aptitudes pour calmer sa femme, qui était fâchée. Cependant, il a choisi de lui crier après et de l’attaquer. Cela, cela est ce qu’il a choisi de faire, je n’avais, je n’avais rien à voir là-dedans, et je ne pensais pas qu’il ferait quelque chose comme ça. […]

[369]  Même si la déclaration ne semble pas concorder avec le sous-détail, il y a certainement plusieurs façons d’interpréter cette déclaration.

[370]  L’autorité disciplinaire a semblé avoir compris que la caporale Hollingsworth a affirmé qu’elle n’avait rien à voir avec l’altercation physique entre M. Freeman et Mme V.F. survenue le 20 juillet 2016, et qu’elle n’était pas impliquée. Interprétée dans le contexte général de l’ensemble de cette affaire, cette déclaration serait certainement fausse. La caporale Hollingsworth était impliquée dans toute l’affaire, et elle derrière la présence de Mme V.F. à la propriété de M. G.M. et Mme D.M. le 20 juillet 2016. Cela semble être le niveau auquel le représentant de l’autorité disciplinaire voudrait que j’interprète la déclaration. Cependant, si la déclaration est interprétée comme voulant dire que la caporale Hollingsworth n’avait rien à voir avec l’altercation physique comme elle s’est produite à ce moment, la déclaration serait vraie.

[371]  L’altercation était liée à la séparation de M. Freeman et de Mme V.F. Il s’agissait d’une affaire privée entre eux, tout comme l’altercation. La caporale Hollingsworth n’était pas présente à la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. lorsque l’altercation est survenue.

[372]  L’interprétation la plus raisonnable de cette déclaration est que M. Freeman était responsable de ses propres gestes lorsque sa femme est arrivée à son domicile sans y être invitée alors que Mme D.R. y était. As a police officer, he had been trained to defuse or de- escalate volatile situations. Il n’a pas agi selon ce qu’il avait appris lors de sa formation, et il a plutôt posé des gestes qui ont aggravé la situation plutôt que la calmer. Il était responasble de ses gestes, la caporale Hollingsworth ne l’était pas. Puisqu’il y a plus qu’une interprétation plausible de cette déclaration, je ne peux pas conclure qu’elle est fausse ou trompeuse.

Allégation 5 – Sous-détail 4 d)

[373]  La quatrième déclaration présumée fausse, telle que citée dans le sous-détail, se lit comme suit : « Vous n’avez jamais découragé quiconque, dont [Mme V.F.], de signaler un acte criminel. » Cette déclaration paraît à la page 7 de la déclaration de la caporale Hollingsworth.

[374]  Le seul élément de preuve qui m’a été présenté et qui laisse croire que la caporale Hollingsworth a découragé quelqu’un, dont Mme V.F., de signaler un acte criminel, a déjà fait l’objet de discussions. Il s’agit de la seule déclaration dont il est question au paragraphe 273 de la présente décision. Comme je l’ai déjà indiqué, il est évident que la caporale Hollingsworth décourageait Mme V.F. de signaler un acte criminel à ce moment. Pas de ne jamais le faire, juste de ne pas le faire à ce moment. Le reste de mon analyse portant sur cette déclaration reste inchangé. Pour appuyer cette analyse, j’indique que la déclaration suivante de la caporale Hollingsworth était « J’ai fait preuve de diligence en signalant immédiatement l’incident à l’officier responsable du Détachment. J’avais confiance que ce dernier prendrait les mesures de suivi nécessaires et veillerait à ce que la situation soit traitée de la bonne façon et qu’elle fasse l’objet d’une enquête appropriée. » Je ne peux donc pas dire que cette déclaration est fausse ou trompeuse. Non seulement la caporale Hollingsworth n’a pas découragé Mme V.F. de signaler l’agression dont elle aurait été victime, mais elle a facilité le signalement de l’incident à l’inspecteur Manj.

Allégation 5 – Sous-détail 4 e)

[375]  Aucune déclaration particulière n’est attribuée à ce cinquième sous-détail. Il indique simplement que la caporale Hollingsworth a faussement laissé entendre que Mme V.F. a appris que Mme D.R. avait utilisé la voiture de sa grand-mère pour se rendre au domicile de M. M.F. de la part de M. D.R. On ne m’a pas renvoyé vers une déclaration précise pour appuyer ce détail.

[376]  On m’a plutôt renvoyé vers le témoignage de M. D.R. à ce sujet. Ce témoignage paraît dans la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, page 180. Le représentant de l’autorité disciplinaire m’a indiqué que M. D.R. a témoigné qu’il avait peut-être volontairement divulgué l’information. On m’a aussi signalé l’écart parmi les éléments de preuve portant sur la photo du véhicule envoyée à la caporale Hollingsworth Par Mme D.M. Le représentant de l’autorité disciplinaire croyait que la chronologie des événements ne concordait pas. Il croyait donc que Mme V.F. ne pouvait pas avoir entendu parler du véhicule de couleur marron par M. D.R. Cependant, selon ce que je comprends, il a témoigné qu’il croyait qu’il avait fourni l’information sur le véhicule de couleur marron à Mme V.F. pendant la conversation téléphonique tenue à la suite de l’incident survenu le 20 juillet 2016. Il était certain que Mme V.F. avait abordé le sujet lors de la conversation. La seule chose dont il ne pouvait pas se rappeler, c’est la façon dont elle avait acquis l’information.

[377]  La façon dont le détail est libellé ne laisse entendre aucun moment précis où Mme V.F. aurait acquis cette information.

[378]  Le représentant de l’autorité disciplinaire ne m’a montré aucun élément de preuve selon lequel Mme V.F. savait quelque chose sur la présence du véhicule à la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. Il ne m’a pas non plus montré de preuve selon laquelle elle savait qui était propriétaire du véhicule avant la conversation téléphonique avec M. D.R. pendant la soirée du 20 juillet 2016. Mme V.F. et M. D.R. ont parlé du véhicule de couleur marron. On ne peut donc pas démontrer que ce qu’aurait laissé entendre la caporale Hollingsworth était faux ou trompeur. Ce sous-détail n’est pas établi

Allégation 5 – Sous-détail 4 f)

[379]  Le sixième sous-détail n’inclut aucune déclaration particulière. Il indique simplement que la caporale Hollingsworth a faussement laissé entendre que M. D.R., et non elle, a dit à Mme V.F. tout ce qu’elle savait au sujet du travail du gendarme Freeman, de sa formation et de son horaire personnel.

[380]  On ne m’a présenté aucune preuve à l’appui de l’affirmation selon laquelle la caporale Hollingsworth a donné à Mme V.F. toute information sur le travail du gendarme Freeman, sur sa formation et sur son horaire personnel, à l’exception d’un seul message texte qui paraît à la page 883 du cahier d’enquête.

[381]  M. D.R. a fourni une déclaration lors de l’enquête ainsi qu’un témoignage lors de l’enquête. Il est évident qu’il constituait une partie complètement désintéressée. Il a affirmé sans équivoque qu’il était, et qu’il est toujours, complètement désintéressé ou indifférent au sujet de ce que faisait sa femme, Mme D.R. Son comportement et son témoignage appuyaient clairement cette indifférence dans les questions qui ont été abordées lors de l’audience disciplinaire. Il a toutefois fourni certains renseignements dont il a discutés avec Mme V.F.

[382]  En raison de son désintérêt, je ne crois pas que son trou de mémoire et son incapacité à se rappeler les propos tenus lors de leur conversation téléphonique constituent des éléments de preuve selon lesquels il n’a fourni aucune information à Mme V.F. La grande partie de ce que Mme V.F. savait sur les allées et venues de M. Freeman et sur ces activités ne s’est produite uniquement après sa conversation téléphonique avec M. D.R., qui a durée une heure ou deux, dans la soirée du 20 juillet 2016. M. D.R. a laissé entendre vaguement que lui et Mme V.F. ont parlé de choses liées au déplacement de M. Freeman.

[383]  Dans la suite de messages textes dont il a été question précédemment, Mme V.F. a divulgué d’autres renseignements particuliers qui provenaient clairement de M. D.R. Il est donc raisonnable de croire que M. D.R. a fourni des renseignements sur M. Freeman.

[384]  J’ai aussi déjà indiqué que Mme V.F. avait de nombreuses sources d’information en ce qui a trait à l’horaire de formation et à l’horaire personnel du gendarme Freeman. Le simple fait que Mme V.F. avait en sa possession de l’information sur l’horaire de formation et sur l’horaire personnel du gendarme Freeman ne veut pas dire qu’elle a obtenu cette information de la caporale Hollingsworth.

[385]  Je note, en passant, que l’expression « laisser entendre » signifie « « indiquer ou faire voir, par déduction, par association ou par conséquence nécessaire plutôt que par déclaration directe. » Pour cette raison, je ne suis pas certain que le fait de laisser entendre quelque chose dans une déclaration peut être qualifié de trompeur ou de faux. Cela s’applique également au prochain sous-détail.

[386]  En me fondant ce qui se précède, je ne peux pas conclure que ce sous-détail a été établi.

Allégation 5 – Sous-détail 4 g)

[387]  Le septième sous-détail contient aussi une allusion à un faux sous-entendu. Ce sous-entendu était que l’inspecteur Manj n’avait rien à avoir avec les divers messages textes et l’échange d’information continu et détaillé au sujet de l’altercation survenue le 20 juillet 2016 à la propriété de M. G.M. et de Mme D.M. Le sous-détail contient une déclaration particulière qui se lit comme suit : « Donc quand, quand tout cela s’est passé, je ne savais presque rien ». Cette phrase paraît au haut de la page 14 de la déclaration. Les propos qui précèdent cette réponse commencent à la page 13, alors que le sergent Lovie discute de la troisième allégation de la lettre de mandat. Le sergent Lovie a cité la portion de la lettre de mandat de la façon suivante : « La caporale Hollingsworth était au courant de cette rencontre et, par la suite, elle n’a pas demandé que l’incident soit signalé ou qu’il fasse l’objet d’une enquête. »

[388]  Les questions et réponses touchent ensuite ce que la caporale Hollingsworth savait au sujet de l’altercation physique survenue sur la propriété de M. G.M. et Mme D.M. immédiatement à la suite de celle-ci. L’inspecteur Manj fait l’objet de discussions, et la caporale Hollingsworth dit au sergent Lovie que l’inspecteur Manj n’était pas à la maison alors qu’elle tentait de traiter l’information qu’elle recevait par messages textes de la part de Mme V.F. Je ne vois donc pas comment sa déclaration selon laquelle elle savait très peu de choses est fausse ou trompeuse de la façon dont l’autorité disciplinaire l’a mentionné das le sous-détail. J’ai déjà indiqué que la caporale Hollingsworth cherchait à obtenir plus de détails au sujet de l’événement auprès de Mme V.F.

[389]  Il y a aussi certains éléments de preuve selon lesquels, lorsque l’altercation physique entre M. Freeman et Mme V.F. est survenue le 20 juillet 2016, l’inspecteur Manj était au bureau et tentait de finir le travail qu’il avait à faire avant de partir en vacances et de quitter le détachement de Lloydminster peu de temps après son retour de vacances. Il est évident qu’il n’était pas à la maison dans la foulée de l’altercation physique survenue sur la propriété de M. G.M. et de Mme D.M., à laquelle Mme V.F. et la caporale Hollingsworth faisait face. Je ne peux donc pas voir comment la déclaration de la caporale Hollingsworth laisse faussement entendre que l’inspecteur Manj n’avait rien à voir avec les divers messages textes et avec l’échange continu d’information au sujet de l’altercation physique. Il n’était pas à la maison avec la caporale Hollingsworth à ce moment-là. Aucun message texte ne prouve qu’il soit directement impliqué dans l’incident du 20 juillet 2016. Je ne peux donc pas conclure que ce sous-détail a été établi.

Allégation 5 – Sous-détail 4 h)

[390]  Selon le huitième et dernier sous-détail, la caporale Hollingsworth a reconnu qu’elle avait appris des détails au sujet de ce qui se passait entre M. M.F. et Mme D.R. en raison de renseignements obtenus au travail, mais elle a ensuite délibérément induit l’enquêteur en erreur en affirmant qu’elle ne s’était pas mêlée de la situation parce qu’elle était liée au travail. La déclaration citée pour appuyer ce sous-détail paraît prèrs du bas de la page 18 de sa déclaration et se lit comme suit :

« Et je le sais parce que c’est le travail je dois faire la distinction entre la vie personnelle et le travail. Je l’ai toujours fait. Et c’était lié au travail. »

[391]  Les questions et réponses qui précèdent immédiatement cette déclaration indiquent clairement que la remarque de la caporale Hollingsworth fait allusion à ses motifs pour ne pas dévoiler à Mme V.F. ce qu’elle savait au sujet de la relation entre M. Freeman et Mme D.R. L’échange, qui commence au haut de la page 18, répond à la question ouverte standard à la fin d’une déclaration : « Aimeriez-vous ajotuer quelque chose? » La réponse de la caporale Hollingsworth se lit comme suit :

R : Donc c’était le 17 juillet, et j’ai envoyé un message texte à [Mme D.M.]pour simplement lui dire : « Cela me rend malade, ou ça me rend malade. Je vais chez elle, à son domicile, » en voulant dire au domicile de [Mme V.F.], ce soir ou demain soir, c’est son anniversaire et elle voulait être avec des amis. En sachant ce que je sais, je ne crois pas que je puisse être, que je suis une une bonne amie. Je ne peux pas m’en mêler, je ne peux vraiment pas m’en mêler. J’aimerais qu’il y ait, j’aimerais qu’il y ait une façon de lui donner de petits indices. Elle espère, elle espère encore qu’ils pourraient reprendre leur relation de couple. » [Mme D.M.] et moi avons juste parlé que, tu sais, ce croc sort et vous voulez faire quelque chose, mais vous ne le faites pas parce que ce n’est pas correct. T’es d’accord?

Q : Je suis d’accord, oui.

R : Mais, tu sais, ce croc pourrait sortir lundi lorsque [Mme D.R.] devait retournée au travail et tout. Mais elle n’est pas retournée au travail. Et j’ai seulement dit « J’étais en colère à cause de cela et je ne peux pas croire qu’elle ait fait ça à Suki et à moi. » Elle a ensuite parlé « Que Mark est très inquiet de sa situation financière en ce moment, et elle espérait que personne ne profite de [Mme V.F.] pour ce qui est de ses finances ». Euh, que sont (inintelligible). Et ensuite j’ai juste dit « Que ne je ne sais pas quoi faire. Si je lui parle de la fois à notre maison, elle saura que je ne lui en avais pas parlé. Et j’espère qu’elle comprendrait qu’après cela, l’incident j’ai dû travailler avec les deux, mais elle pourrait aussi me détester. » J’ai dit « J’ai tellement de difficulté avec cela. Nous n’en avons parlé à personne comme nous l’avons fait avec vous. Et je suis désolée de me tourner vers vous, mais je ne sais pas quoi faire. Elle a besoin de mon soutien et ne je lui apporte pas tout le soutien que je pourrais. » Donc cela m’accablait, et la seule personne à qui je pouvais en parler était [Mme D.M.], car elle avait mentionné qu’elle avait vu des choses chez elle.

Q : D’accord.

R : Donc, et elle est juste, donc, ouais, ouais, nous …

Q : Il semble, il semble que tu, que tu étais très accablée en raison de ton, je ne veux pas dire de ton sentiment d’allégeance, mais de ton amitié avec [Mme V.F.], vu que tu savais…

R : Ouais.

Q : … ce qui se passait peut-être, mais vu les soupçons que tu avais. Puis elle qui n’était pas courant.

R : Bien, c’est, ouais.

Q : Et quand tu n’es pas, tu n’es pas capable d’en parler. C’est ça?

R : Et ce n’est pas à moi de le lui dire.

Q : Ouais.

R : Et je le sais parce que c’est le travail je dois faire la distinction entre la vie personnelle et le travail. Je l’ai toujours fait. Et c’était lié au travail.

Q : Ouais.

R : Et même si personnellement j’avais un sentiment d’allégeance envers [Mme V.F.] qu’elle devait le savoir, c’est mon amie, pourquoi une amie ne dirait pas quelque chose comme ça à quelqu’un?

Q : Oui.

R : Lorsque, donc, ouais, j’étais très accablée, et c’est seulement, c’est seulement devenu très complexe et.

Q : Bien sûr.

R : Et je suis contente que [Mme V.F.] a compris pourquoi j’ai fait ce que j’ai fait, ce que j’ai fait et pourquoi je l’ai fait. Mais, ouais.

[392]  La caporale Hollingsworth était cohérente dans son témoignage, selon lequel elle avait en sa possession certains renseignements obtenus dans son milieu de travail (c.-à-d. la Rumeur sur Ricki) et d’autres sources, comme l’incident survenu chez elle à la suite de la levée du détachement, qu’elle n’a pas divulgués à Mme V.F. Rien dans la preuve ne contredit ces déclarations. Rien dans la preuve ne montre que la caporale Hollingsworth a, en fait, parlé de ces choses à Mme V.F.

[393]  La déclaration, en contexte, n’a rien à voir avec la question de savoir si la caporale Hollingsworth a appris des détails intimes sur M. Freeman et Mme D.R. grâce à son travail. La déclaration porte sur les motifs pour lesquels la caporale Hollingsworth n’a rien dit à Mme V.F., avant l’incident du 20 juillet 2016, au sujet de ce qu’elle savait au sujet de l liaison entre M. Freeman et Mme D.R. Qui savait plus précisément que la caporale Hollingsworth pourquoi elle n’a pas été plus franche avec son amie, Mme V.F.? Il ne revient à personne de lui dire ce qu’elle croyait et ce qu’elle ne croyait pas. Pour cette raison, je ne peux pas affirmer que ce sous-détail a été établi.

Conclusion – Allégation 5

[394]  En me fondant sur l’analyse précédente et sur ma conclusion selon laquelle aucune des déclarations faites par la caporale Hollingsworth et contenues dans les détails n’a été établie, je ne peux pas conclure que l’allégation elle-même est établie.

CONCLUSION

[395]  Je conclus qu’aucune des cinq allégations contre la caporale Hollingsworth n’a été établie.

[396]  La présente décision constitue la décision écrite qui doit être présentée aux parties aux termes du paragraphe 25(3) du CC (Déontologie). Elle peut faire l’objet d’un appel auprès du commissaire en remplissant une déclaration d’appel dans les 14 jours suivant la présentation de la décision sur la caporale Hollingsworth (article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-293).

 

13 mai 2019

Kevin L. Harrison

Comité disciplinaire

 

Date

 



[1] On fera allusion à d’autres membres réguliers impliqués dans cette affaire de façon interchangeable en utilisant leur rang et/ou un terme honorifique (c.-à-d. M. ou Mme). On appellera « caporal Hollingsworth » le caporal Hollingsworth dans l’ensemble de la présente décision, même si elle agit en tant que membre et de civile dans toute cette affaire, puisque les allégations la touchent en tant que membre de la GRC.

[2] On appellera l’inspecteur Manj, de façon interchangeable, « M. Manj » lorsqu’il agit à titre personnel et « inspecteur Manj » lorsqu’il agit en tant que membre de la GRC.

[3] Voir la transcription des audiences disciplinaires, Volume 1, à partir de la page 143, ligne 20.

[4] Voir aussi le paragraphe 45(2) de la Loi sur la GRC et l’article 13 du CC (Déontologie).

[5] Voir le paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC.

[6] Voir le paragraphe 40(2) de la Loi sur la GRC.

[7] Voir le paragraphe XII.1.11.3 du Manuel d’administration.

[8] Voir le paragraphe XII.1.7.2.1.6.1 du Manuel d’administration.

[9] ». Le représentant de l’autorité disciplinaire examine le rapport d’enquête et les documents connexes en gardant cela à l’esprit et en tenant compte du fait que l’autorité disciplinaire doit prouver les allégations selon la prépondérance des probabilités.

[10] On appellera le gendarme Freeman, de façon interchangeable, « M. Freeman » lorsqu’il agit à titre personnel et « gendarme Freeman » lorsqu’il agit à titre de membre de la GRC.

[11] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 1, page 75, à partir de la ligne 2.

[12] La façon dont cette question est formulée est importante, et fera l’objet d’une discussion plus loin.

[13] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, page 354, lignes 21 – 24.

[14] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, page 66, lignes 19 – 23.

[15] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 5, page 68, ligne 3.

[16] Voir l’article 1 du Code de déontologie.

[17] Voir La Reine c. White, [1956] FRCS 154 at 158.

[18] Système « Total Expenditures and Asset Management ».

[19] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 6, page 155, à partir de la ligne 20.

[20] 7e édition, s.v. « conspiracy ».

[21] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, à partir de la page 330, ligne 6.

[22] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 1, page 178, lignes 11 – 17.

[23] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, page 11, lignes 15 – 17.

[24] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, page 344, à partir de la ligne 10, et Volume 2, page 347,à partir de la ligne 1.

[25] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 1, page 117, à partir de la ligne 1

[26] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, page 83, ligne 7.

[27] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, page 324, lignes 16 – 25.

[28] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, à partir de la page 102, ligne 14.

[29] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, à partir de la 104, ligne 16.

[30] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, Volume 2, page 125, à partir de la ligne 2.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.