Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Pendant une formation de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) offerte dans une base militaire, une activité de promotion du travail d’équipe a été organisée en soirée dans un établissement autorisé à vendre de l’alcool local situé à l’extérieur de la base. Le transport à destination et en provenance de l’établissement a été offert au moyen de fourgonnettes afin d’éviter la nécessité de désigner des conducteurs sobres.
À la fin de la soirée, le membre visé, qui était dans un état d’ébriété avancé, s’est placé derrière la gendarme 1. Il a glissé ses mains sous le chandail de la gendarme 1 pour lui toucher les seins, et celle-ci a repoussé ses mains. Le membre visé a ensuite essayé de faire à peu près la même chose à la gendarme 2, qui a également repoussé ses mains. Après une deuxième tentative du membre visé, la gendarme 2 s’est retournée et lui a donné un coup de poing au visage.
Le membre visé n’a ni admis ni nié les allégations, car il ne se souvient pas des événements constituant son inconduite. Dans ses réponses écrites, il a souligné que, selon la déclaration de la gendarme 2, il a tenté de lui toucher les seins, mais sa tentative aurait échoué lorsque celle-ci a repoussé ses mains. Le représentant de l’autorité disciplinaire a déposé une requête pour obtenir une autre déclaration de la gendarme 2 afin de préciser s’il y a réellement eu des attouchements à ses seins. Cette requête a été rejetée. Une requête visant une interdiction de publication concernant les identités de la gendarme 1 et de la gendarme 2 a été accueillie.
Le Comité de déontologie a constaté que les éléments de preuve n’ont pas permis de conclure que le membre visé a touché les seins de la gendarme 2, mais a constaté que celui-ci avait déplacé ses mains vers le haut dans le but de les toucher. Il a jugé que les deux allégations étaient fondées, principalement en raison des déclarations enregistrées des deux victimes.
Le Comité de déontologie a imposé les mesures disciplinaires suivantes : une réprimande pour chaque allégation; l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans à compter de la date de la décision du Comité, dans l’ensemble pour les deux allégations; la confiscation de 15 jours de solde pour le premier incident de contacts sexuels et de 20 jours de solde pour le deuxième incident; et l’obligation d’obtenir des services de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou à son alcoolisme ainsi que tout autre service de counseling que le médecin-chef juge appropriés.

Contenu de la décision

Protégé A

2019 DARD 09

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10

ENTRE

Le commandant de la Division H

Autorité disciplinaire

et

le gendarme Devin Pulsifer, numéro de matricule 56030

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

John A. McKinlay

Le 15 mai 2019

Sergent James Rowland, pour l’autorité disciplinaire

Sergent d’état-major Peter Hearty, pour le membre visé


Table des matières

RÉSUMÉ  3

INTRODUCTION  5

REQUÊTES PRÉLIMINAIRES  6

Interdiction de publication  6

Ordonnance de la tenue d’une enquête plus poussée  7

ALLÉGATIONS  11

Constatations sur les allégations  14

Allégation no 1  14

Allégation no 2  15

MESURES DISCIPLINAIRES  17

Position des parties  17

Documents et textes juridiques  17

Éventail de pénalités  26

Mesures disciplinaires proportionnées  28

Circonstances atténuantes  29

Circonstances aggravantes  31

Mesures imposées  32

CONCLUSION  34

 

 

RÉSUMÉ

Pendant une formation de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) offerte dans une base militaire, une activité de promotion du travail d’équipe a été organisée en soirée dans un établissement autorisé à vendre de l’alcool local situé à l’extérieur de la base. Le transport à destination et en provenance de l’établissement a été offert au moyen de fourgonnettes afin d’éviter la nécessité de désigner des conducteurs sobres.

À la fin de la soirée, le membre visé, qui était dans un état d’ébriété avancé, s’est placé derrière la gendarme 1. Il a glissé ses mains sous le chandail de la gendarme 1 pour lui toucher les seins, et celle-ci a repoussé ses mains. Le membre visé a ensuite essayé de faire à peu près la même chose à la gendarme 2, qui a également repoussé ses mains. Après une deuxième tentative du membre visé, la gendarme 2 s’est retournée et lui a donné un coup de poing au visage.

Le membre visé n’a ni admis ni nié les allégations, car il ne se souvient pas des événements constituant son inconduite. Dans ses réponses écrites, il a souligné que, selon la déclaration de la gendarme 2, il a tenté de lui toucher les seins, mais sa tentative aurait échoué lorsque celle-ci a repoussé ses mains. Le représentant de l’autorité disciplinaire a déposé une requête pour obtenir une autre déclaration de la gendarme 2 afin de préciser s’il y a réellement eu des attouchements à ses seins. Cette requête a été rejetée. Une requête visant une interdiction de publication concernant les identités de la gendarme 1 et de la gendarme 2 a été accueillie.

Le Comité de déontologie a constaté que les éléments de preuve n’ont pas permis de conclure que le membre visé a touché les seins de la gendarme 2, mais a constaté que celui-ci avait déplacé ses mains vers le haut dans le but de les toucher. Il a jugé que les deux allégations étaient fondées, principalement en raison des déclarations enregistrées des deux victimes.

Le Comité de déontologie a imposé les mesures disciplinaires suivantes : une réprimande pour chaque allégation; l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans à compter de la date de la décision du Comité, dans l’ensemble pour les deux allégations; la confiscation de 15 jours de solde pour le premier incident de contacts sexuels et de 20 jours de solde pour le deuxième incident; et l’obligation d’obtenir des services de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou à son alcoolisme ainsi que tout autre service de counseling que le médecin-chef juge appropriés.


INTRODUCTION

[1]  Le 29 novembre 2018, j’ai été désigné Comité de déontologie dans cette affaire. L’étape des allégations de la présente audience a été effectuée par conférence téléphonique transcrite le 1er mars 2019.

[2]  L’avis d’audience disciplinaire de la présente affaire a été signé par l’autorité disciplinaire le 7 décembre 2018. Je suis convaincu que le membre visé a reçu l’avis et la trousse d’enquête (trousse) connexe le 8 janvier 2019. J’ai reçu l’avis et la trousse le 11 janvier 2019. Le membre visé a déposé ses réponses conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [les CC (déontologie)], le 7 février 2019.

[3]  Le 18 février 2019, les représentants ont participé à une conférence préparatoire à l’audience. À la suite de ces discussions, le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) a déposé deux requêtes.

[4]  Lorsque j’ai rendu mes décisions de vive voix concernant ces requêtes le 1er mars 2019, je me suis appuyé sur la mise en garde que des précisions peuvent être apportées à ces décisions sommaires rendues de vive voix. De plus, je me suis réservé le droit de clarifier et d’expliquer mes motifs et mes constatations plus en détail dans la décision écrite définitive rendue dans cette affaire.

[5]  Pendant une semaine de formation offerte dans une base militaire, une activité de promotion du travail d’équipe a été organisée en soirée dans un établissement autorisé à vendre de l’alcool local situé à l’extérieur de la base. Pendant la soirée, le membre visé et d’autres membres ont eu l’occasion d’acheter de la nourriture et des boissons, de danser et de socialiser dans une zone réservée aux participants de la GRC. Le transport à destination et en provenance de l’établissement a été offert au moyen de fourgonnettes afin d’éviter la nécessité de désigner des conducteurs sobres.

[6]  À la fin de la soirée, lorsque les membres faisaient la file pour régler leurs factures, le membre visé a interagi avec la gend. 1 et, peu après, avec la gend. 2. Il a ensuite été escorté jusqu’à l’une des fourgonnettes réservées, dans laquelle il a commencé à vomir. Une fois de retour dans la base, on a dû l’aider à se changer et à prendre une douche avant qu’il puisse s’endormir. Le lendemain matin, le membre visé ne se souvenait pas de ses interactions avec la gend. 1 et la gend. 2. L’affaire a immédiatement été confiée à l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave concernée en vue d’une enquête criminelle pour agression sexuelle. La gend. 1 et la gend. 2 ont toutes deux participé à des entrevues enregistrées et ont plus tard confirmé par écrit qu’elles ne souhaitaient pas que le membre visé fasse l’objet d’accusations criminelles. Une enquête relative au Code de déontologie a ensuite été menée, au cours de laquelle le membre visé a participé à une entrevue d’enquête.

REQUÊTES PRÉLIMINAIRES

Interdiction de publication

[7]  La première requête déposée par le RAD visait une interdiction de publication concernant la gendarme de la GRC qui est, au départ, identifiée par son nom à la précision 3b) de l’allégation no 1, ainsi que la gendarme de la GRC qui est, au départ, identifiée par son nom à la précision 3b) de l’allégation no 2. Dans un courriel reçu le 22 février 2019, le membre visé ne s’est pas prononcé au sujet de l’interdiction de publication demandée. Selon moi, cela signifie qu’il ne s’opposait pas à la requête.

[8]  Pour les fins de ma décision définitive concernant cette affaire, j’ai appelé « gend. 1 » la gendarme identifiée par son nom dans l’allégation no 1 et « gend. 2 » la gendarme identifiée par son nom dans l’allégation no 2. J’ai décidé que l’interdiction de publication était justifiée dans les circonstances, compte tenu de l’intérêt en matière de respect de la vie privée relativement modeste, mais bien réel, qui en a découlé, et la protection de celui-ci semblait constituer un aspect légitime de la bonne gestion du présent processus du Comité de déontologie.

[9]  Par conséquent, une interdiction de publication a été prononcée aux termes de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC], interdisant l’identification des deux gendarmes identifiées par leur nom aux endroits susmentionnés dans l’avis d’audience disciplinaire. Les modalités de l’ordonnance sont les suivantes : les renseignements provenant de cette instance qui permettraient d’établir l’identité de la gend. 1 et de la gend. 2 ne doivent pas être publiés ou diffusés de quelque façon que ce soit.

Ordonnance de la tenue d’une enquête plus poussée

[10]  La deuxième requête déposée par le RAD demandait une ordonnance du Comité de déontologie concernant la tenue d’une enquête plus poussée. La nature de l’enquête plus poussée visait l’obtention d’une autre déclaration de la gend. 2 dans le cadre de l’enquête.

[11]  Dans les réponses du membre visé déposées conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), concernant la précision 3d) de l’allégation no 2, le membre visé a déclaré ce qui suit :

Le membre ne se souvient pas de l’incident en question. Selon la déclaration de [la gend. 2], lorsqu’on lui a demandé si le membre a touché ses seins, elle a répondu : « Il a essayé, en tout cas ». (traduction) [Page 8, ligne 8 de la transcription]

[12]  Par conséquent, le membre visé a souligné un élément de la déclaration de la gend. 2 qui pose problème. À la précision 3b) de l’allégation no 2, on précise que « vous avez déplacé vos mains vers le haut et touché les seins de la [gend. 2] ».

[13]  Le deuxième aspect de cette précision est utile pour la requête. J’ai soigneusement comparé la transcription dactylographiée et l’enregistrement audio à partir duquel la déclaration transcrite a été faite. Je suis satisfait de l’exactitude de la transcription.

[14]  Pendant sa déclaration d’entrevue, la gend. 2 n’a jamais affirmé que la main ou les mains du membre visé ont réellement touché ses seins. Je reconnais qu’il y a des références indiquant qu’il a « saisi ses seins » qui étaient attribuées à la gend. 2 dans les déclarations obtenues des gendarmes Coulter et Garfield. Cependant, il est évident qu’il s’agit de ouï-dire. Je ne considère pas que ces énoncés obtenus de deux autres membres appuient une ordonnance pour une autre déclaration de la gend. 2.

[15]  À cette étape, je tiens à mentionner que je ne considère aucunement que la gend. 2 a refusé de collaborer au moment de faire sa déclaration. Par conséquent, le fait de tenir compte du ouï-dire reçu des gendarmes Coulter et Garfield, dans le cadre du processus de détermination du bien-fondé de la dernière partie de la précision 3d), pose également problème. Je traiterai cette question davantage au moment de déterminer le bien-fondé des allégations.

[16]  Le membre visé n’a pas déposé de nouveaux renseignements ou éléments de preuve pour contredire la déclaration de la gend. 2. Il a tout simplement souligné ce qui peut être considéré comme la qualification importante que la gend. 2 a elle-même fournie en réponse à ce qui était manifestement une question suggestive posée par la personne responsable de l’entrevue.

[17]  Le RAD a fourni une citation plus complète tirée de la déclaration de la gend. 2. Je tiens à signaler que le RAD a souligné l’expression « en gros, exactement la même chose » dans la réponse de la gend. 2. Je ne considère pas que cette phrase appuie l’opinion du RAD, car elle porte sur le deuxième incident impliquant le membre visé, où ses mains étaient sous le chandail de la gend. 2. C’est la nature du premier incident concernant l’attouchement de la gend. 2 qui fait l’objet d’un examen.

[18]  Je tiens à signaler que le RAD a souligné l’utilisation par la gend. 2 de mots comme « autour », « comme » et « en gros », affirmant qu’ils indiquaient de l’embarras plutôt qu’une mémoire défaillante. À mon avis, la raison ou les raisons pour lesquelles la gend. 2 a fourni des renseignements ne sont d’aucune utilité pour prendre une décision relativement à la demande présentée par le RAD en vue d’obtenir une autre déclaration auprès de celle-ci afin de « dissiper l’ambiguïté ».

[19]  Je suis d’accord avec le représentant du membre (RM) que les résumés de la déclaration transcrite de la gend. 2 ne constituent pas des éléments de preuve. Sa déclaration constitue l’élément de preuve primaire.

[20]  Le RAD était d’avis qu’il y avait un « conflit non résolu » dans l’interprétation de la déclaration de la gend. 2. Aucun des éléments fournis par le membre visé n’a créé ce prétendu conflit. Le RAD souhaitait obtenir de nouveaux renseignements ou plus de renseignements. Il n’est pas convaincant d’essayer de présenter ce qui était demandé comme une simple demande de précisions auprès de gend. 2. Le RAD a uniquement cherché à améliorer le caractère suffisant des renseignements que l’autorité disciplinaire a utilisés pour établir la précision 3d) en obtenant des renseignements de la gend. 2 une fois que le membre visé a soulevé le caractère insuffisant de ces renseignements.

[21]  Le RAD a soutenu que le fait de procéder sans tenter d’obtenir le « véritable sens » des mots de la gend. 2 pourrait mener le Comité de déontologie à formuler une conclusion s’appuyant sur des faits inexacts. Un élément dont on n’a pas tenu compte dans cet argument est le fait qu’il incombait à l’autorité disciplinaire de mener une enquête adéquate et de demander aux témoins des précisions relativement aux déclarations avant que l’avis d’audience disciplinaire ne soit émis.

[22]  L’autorité disciplinaire est donc responsable du fait que le Comité de déontologie a reçu des renseignements inexacts ou ambigus, et, par conséquent, insuffisants, pour appuyer une précision. L’autorité disciplinaire est aussi responsable lorsqu’une personne qui est visée par une inconduite présumée donne une déclaration qui ne permet pas d’établir qu’il y a eu inconduite, en raison de la façon dont les renseignements ont été obtenus ou non lors de l’entrevue.

[23]  J’estime respectueusement que la requête visait exactement ce qu’elle niait viser : tenter de combler un vide sur le plan des éléments de preuve en cherchant à en obtenir de nouveaux. En fait, le membre visé n’a offert aucune preuve du contraire concernant la précision 3d). Ce qui aurait été approprié, s’il en avait offert, n’a aucune pertinence compte tenu des circonstances de l’instance.

[24]  J’ai examiné les termes aux paragraphes 15(4) et 15(5) des CC (déontologie). Je souligne que, selon le paragraphe 15(4), le membre visé peut demander au Comité de déontologie de faire tenir une enquête supplémentaire. Le paragraphe 15(5) donne au Comité de déontologie l’autorisation expresse d’ordonner à toute personne de lui transmettre les renseignements supplémentaires dont il a besoin pour remplir son mandat en application du paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC.

[25]  Par conséquent, la requête présentée par le RAD me demandait de rendre une ordonnance qui, à mon avis, supposait l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, étant donné l’utilisation de l’expression « peut ordonner ». Un facteur fondamental est qu’il faut se prononcer relativement à l’audience disciplinaire le plus rapidement possible conformément aux principes d’équité procédurale.

[26]  Le membre visé n’a offert aucune preuve du contraire concernant les autres précisions de l’allégation no 2; même la première partie de la précision 3d), « vous avez déplacé vos mains vers le haut » n’a pas donné lieu à un argument sur des éléments de preuve insuffisants.

[27]  Le membre visé n’a pas contesté la précision 9 de l’allégation no 2, qui fait état de l’attouchement de la gend. 2 à des fins sexuelles sans son consentement.

[28]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que les intérêts de la justice appuient la requête du RAD, et ces intérêts seraient effectivement compromis si j’accordais au RAD la possibilité de demander d’autres renseignements à la gend. 2.

[29]  Je m’abstiens d’exercer mon pouvoir discrétionnaire, comme l’a demandé le RAD; par conséquent, la deuxième requête est rejetée.

[30]  Dans le même ordre d’idées, je ne suis pas enclin à approuver la gend. 2 comme témoin indispensable à l’étape de l’allégation dans cette affaire avant de rendre ma décision sur le bien-fondé de l’allégation no 2.

[31]  En ce qui concerne les renseignements mentionnés par le RM au paragraphe 5 de sa réponse écrite à la deuxième requête, je tiens à ajouter que j’ai exclu tous les facteurs à prendre en considération tirés de ces renseignements au moment de tenir compte des circonstances liées à la requête du RAD. Les renseignements cités par le RM dans son paragraphe 5 ont également été expressément exclus des facteurs que je dois prendre en considération en tant que partie des éléments de preuve et des renseignements plus généraux pour l’affaire dans son ensemble. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que j’aborde les observations du RM concernant le RAD en tant que témoin éventuel.

[32]  Je formule une observation au sujet du personnel de l’autorité disciplinaire qui cherche à obtenir des renseignements supplémentaires d’un témoin qui pourrait l’inculper (en particulier une victime ou un plaignant), après que les réponses écrites du membre visé aient révélé le caractère insuffisant de la déclaration du témoin en question. À mon avis, après avoir reçu les réponses du membre visé conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), il n’est pas prudent de demander d’autres renseignements des personnes qui ont fait les déclarations contenues dans la trousse d’enquête communiquée sans avoir obtenu un décret d’autorisation du Comité de déontologie. Dans cette optique, il ne serait pas prudent de fournir les renseignements supplémentaires au Comité de déontologie à moins qu’ils n’aient été obtenus dans le cadre des efforts d’enquête qui ont été approuvés par le Comité de déontologie. Si les réponses du membre visé donnent lieu à un droit légitime de déposer des contre-preuves ou des renseignements de réfutation, je crois que cela doit quand même être traité par le Comité de déontologie avant que de nouveaux éléments ne soient demandés ou présentés.

ALLÉGATIONS

[33]  Le paragraphe 20(1) des CC (déontologie) exige que les allégations énoncées dans l’avis d’audience disciplinaire soient lues au membre visé en premier. Ensuite, le membre visé admet, ou nie, chacune des allégations.

[34]  Le membre visé a été représenté tout au long du processus par son RM, et il a présenté des réponses écrites conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie). Pour les deux allégations, le membre visé a déclaré par écrit qu’il n’était pas en mesure d’admettre les allégations, car il ne se souvient pas des actes commis qui constituent son inconduite. Cependant, le membre visé a déclaré que, sauf en ce qui concerne un seul élément de la précision 3d) de l’allégation no 2, il ne conteste pas les précisions appuyant les deux allégations.

[35]  Compte tenu des observations écrites déposées, le membre visé a renoncé à la lecture des allégations énoncées dans l’avis d’audience disciplinaire, et il n’a ni admis ni nié les allégations no 1 et no 2.

[36]  Le paragraphe 20(2) des CC (déontologie) précise ce qui suit : « Le membre qui n’admet ni ne nie une allégation est réputé l’avoir niée. » Par conséquent, le membre visé est réputé avoir nié les allégations no 1 et no 2.

[37]  À la suite de l’enquête relative au Code de déontologie, le membre visé fait face aux allégations suivantes :

Allégation no 1

Le 17 avril 2018 ou vers cette date, à Port Williams, en Nouvelle-Écosse, ou à proximité de cet endroit, pendant qu’il n’était pas en service, [le membre visé] a eu une conduite déshonorante en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Précisions

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et étiez affecté au détachement de Liverpool, dans le district de Queens, en Nouvelle-Écosse.

2. Pendant la semaine du 16 avril 2018 au 20 avril 2018, vous étiez inscrit à la formation de l’équipe anti-émeute des Divisions H et L offerte à la Base des Forces canadiennes (BFC) Aldershot.

3. Après la formation du 17 avril 2018, vous avez participé à une activité sociale pour l’équipe anti-émeute à la Wayfarer’s Ale Society, un établissement autorisé à vendre de l’alcool situé à Port Williams, en Nouvelle-Écosse, où ce qui suit s’est produit :

a) Vous avez consommé de l’alcool au point d’être intoxiqué.

b) Vous vous êtes approché derrière [la gend. 1] et avez placé vos mains sous son chandail.

c) Vous avez déplacé vos mains vers le haut et saisi les seins de [la gend. 1].

d) [La gend. 1] a repoussé vos mains.

e) Le caporal Berger, un autre membre de l’équipe anti-émeute qui vous a vu faire, a éloigné [la gend. 1] de vous.

4. [La gend. 1] ne vous avait jamais rencontré avant cet incident.

5. [La gend. 1] n’a pas consenti à être touchée de cette manière.

6. Vous avez touché [la gend. 1] bien en vue d’autres membres de l’équipe anti-émeute.

7. Plus tard, d’autres membres de l’équipe anti-émeute vous ont fait sortir du bar et vous ont ramené à la BFC Aldershot.

8. Vous avez touché [la gend. 1] à des fins sexuelles sans son consentement devant des collègues; vous vous êtes donc conduit d’une manière qui discrédite la Gendarmerie, en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Allégation no 2

Le 17 avril 2018 ou vers cette date, à Port Williams, en Nouvelle-Écosse, ou à proximité de cet endroit, pendant qu’il n’était pas en service, [le membre visé] a eu une conduite déshonorante en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Précisions

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et étiez affecté au détachement de Liverpool, dans le district de Queens, en Nouvelle-Écosse.

2. Pendant la semaine du 16 avril 2018 au 20 avril 2018, vous étiez inscrit à la formation de l’équipe anti-émeute des Divisions H et L offerte à la BFC Aldershot.

3. Après la formation du 17 avril 2018, vous avez participé à une activité sociale pour l’équipe anti-émeute à la Wayfarer’s Ale Society, un établissement autorisé à vendre de l’alcool situé à Port Williams, en Nouvelle-Écosse, où ce qui suit s’est produit :

a) Vous avez consommé de l’alcool au point d’être intoxiqué.

b) Vous vous êtes approché derrière [la gend. 2], qui était au bar.

c) Vous avez glissé votre main sous le chandail de [la gend. 2] et l’avez déplacé sur son ventre nu.

d) Vous avez déplacé votre main vers le haut et touché les seins de [la gend. 2].

e) [La gend. 2] a repoussé votre main et a poursuivi la conversation qu’elle entretenait avec un autre membre.

f) Malgré le fait que [la gend. 2] a repoussé votre main, vous avez encore une fois glissé votre main sous son chandail et avec commencé à la déplacer vers ses seins.

g) [La gend. 2] s’est retournée pour vous faire face et vous a frappé au visage.

4. [La gend. 2] vous a reconnu comme un membre de l’équipe anti-émeute, mais elle ne vous avait jamais parlé.

5. [La gend. 2] n’a pas consenti à être touchée de cette manière.

6. Vous avez touché [la gend. 2] bien en vue d’autres membres de l’équipe anti-émeute.

7. En fait, vous avez touché [la gend. 2] peu de temps après avoir touché [la gend. 1] de la manière décrite dans l’allégation no 1.

8. Plus tard, d’autres membres de l’équipe anti-émeute vous ont fait sortir du bar et vous ont ramené à la BFC Aldershot.

9. Vous avez touché [la gend. 2] à des fins sexuelles sans son consentement devant des collègues; vous vous êtes donc conduit d’une manière qui discrédite la Gendarmerie, en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Constatations sur les allégations

[38]  Le paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC exige l’application de la norme de preuve de la prépondérance des probabilités au moment de se prononcer sur les contraventions alléguées au Code de déontologie de la GRC. Par conséquent, je renvoie à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41. Je m’inspire des commentaires de la Cour aux paragraphes 44 à 46, et on trouve ce qui suit au paragraphe 46 : « De même, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Mais, je le répète, aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment. »

[39]  Selon les deux allégations, il y a eu une contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Mon interprétation de l’article 7.1 s’appuie sur les commentaires formulés par le Comité externe d’examen de la GRC dans la recommandation C-008, en particulier au paragraphe 93 :

[…] [L]a conduite déshonorante repose sur un critère qui consiste à déterminer la façon dont une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris la réalité des services de police en général et, plus particulièrement, celle de la GRC, considérerait le comportement. […] (traduction)

Allégation no 1

[40]  En ce qui concerne l’allégation no 1, je conclus qu’il existe des éléments de preuve suffisants pour établir le bien-fondé, selon la prépondérance des probabilités, de chacune des précisions. Je me fonde sur les renseignements fournis dans la déclaration de la gend. 1 et les déclarations d’autres membres présents au pub (en particulier celle du caporal Berger) ainsi que sur l’incapacité avouée du membre visé de se souvenir de toute version contraire de son comportement.

[41]  La précision 3c) mentionne au membre visé que « vous avez déplacé vos mains vers le haut et saisi les seins de [la gend. 1] ». Le libellé de cette précision mène à l’examen d’une certaine imprécision survenue pendant les entrevues de la gend. 1 et de la gend. 2.

[42]  Dans la déclaration de la gend. 1, elle décrit avoir été saisie. Il a été mentionné qu’elle a été saisie par les seins ou que ses seins ont été saisis. Mais aucun élément de preuve n’a été présenté quant à savoir si cela signifie que la main ou les mains du membre visé sont entrées en contact avec la peau dans cette partie de la poitrine de la gend. 1 ou si une pression a été appliquée à sa poitrine, mais qu’un sous-vêtement (comme un soutien-gorge) couvrait encore la gend. 1.

[43]  Nonobstant cette imprécision, je conclus que les éléments de preuve établissent ce qui est allégué à la précision 3c). Le membre visé a déplacé ses mains vers le haut et saisi les seins de lagend. 1. Je ne peux toutefois pas conclure qu’il y a eu un contact direct avec son corps plutôt qu’avec un sous-vêtement qui couvrait cette partie de son corps. Néanmoins, en fonction des précisions établies, je conclus qu’il y a eu contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie, comme il est allégué à l’allégation no 1.

Allégation no 2

[44]  En ce qui concerne l’allégation no 2, je reconnais la référence du RAD aux déclarations des gendarmes Coulter et Garfield et à leurs souvenirs de ce que la gend. 2 peut leur avoir dit au sujet des attouchements.

[45]  Mais pour un point aussi important que celui-ci, le fait qu’on a posé des questions directement à la gend. 2 rend certainement ténu le recours aux ouï-dire de ces deux autres membres. Par ailleurs, en droit, il ne semble pas y avoir une forte nécessité qui justifie mon recours à ces ouï- dire pour me prononcer relativement à l’allégation no 2.

[46]  Tout aussi important, une question suggestive a été posée à la gend. 2 concernant la saisie de son sein par le membre visé, mais la gend. 2 a répondu en fournissant une qualification importante : « il a essayé, en tout cas ». Peu importe ce que la gend. 2 a dit aux autres plus tôt, elle a fourni elle- même cette qualification lors de l’entrevue.

[47]  Par conséquent, je ne suis pas prêt à conclure selon la prépondérance des probabilités que le membre visé a touché les seins de la gend. 2, le deuxième élément de la précision 3d) de l’allégation no 2.

[48]  Cependant, je conclus que le reste de la précision 3d) « vous avez déplacé vos mains vers le haut » a été établi. C’est d’autant plus vrai que, selon la précision 3f) qui a été établie, le membre visé « a encore une fois glissé [sa] main sous son chandail et a commencé à la déplacer vers ses seins ».

[49]  Initialement, on avait allégué que les mains du membre visé avaient non seulement été déplacées vers le haut, mais avaient également touché les seins de la gend. 2; toutefois, je conclus que les éléments de preuve ne permettent pas d’établir que les seins de la gend. 2 ont été touchés selon la précision 3c).

[50]  Cependant, les éléments de preuve permettent d’établir que sa main ou ses mains avaient été placées sur le ventre nu de la gend. 2 et qu’il a ensuite déplacé ses mains vers ses seins. Je conclus également que lorsque la gend. 2 est intervenue, elle a repoussé avec succès les mains du membre visé. Par ailleurs, je conclus que le membre visé a tenté une deuxième fois de toucher ses seins d’une manière semblable, tel qu’il est décrit à la précision 3f).

[51]  Par conséquent, je conclus que les éléments de preuve permettent de déterminer le bien-fondé de toutes les précisions de l’allégation no 2, sauf la partie suivante de la précision 3d) : « et touché les seins de [la gend. 2] ».

[52]  Le membre visé ne conteste pas la précision 9 selon laquelle il a touché la gend. 2 à des fins sexuelles sans son consentement. À mon avis, même si les éléments de preuve ne permettent pas de déterminer que les seins de la gend. 2 ont été touchés selon la deuxième partie de la précision 3c), les précisions établies appuient néanmoins une contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Sans avoir obtenu le consentement de la gend. 2, le membre visé a glissé ses mains sous le chandail de celle-ci; il les a placées sur son ventre nu; il les a déplacées vers ses seins; il les a fait repousser par la gend. 2; et il a tenté une deuxième fois de lui toucher les seins d’une manière semblable.

[53]  Je conclus que les éléments établis constituent une contravention à l’article 7.1, même si je n’estime pas que les seins de la gend. 2 ont réellement été touchés. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’allégation no 2 est établie.

[54]  Il est important de mentionner qu’après la deuxième tentative par le membre visé d’attouchement des seins de la gend. 2, celle-ci s’est retournée et lui a donné un coup de poing au visage. La gend. 2 n’a pas frappé le membre visé le plus fort possible, mais elle lui a communiqué un message clair concernant son comportement indésirable et répréhensible.

MESURES DISCIPLINAIRES

Position des parties

[55]  Le RAD demande une ordonnance enjoignant le membre visé à démissionner dans un délai de 14 jours, sans quoi il serait congédié. Le RM soutient qu’il est approprié pour le Comité de déontologie d’imposer une pénalité financière de confiscation de 10 jours de solde pour l’allégation no 1 et de 5 jours de solde pour l’allégation no 2 et, dans l’ensemble, une ordonnance de subir tout traitement recommandé par le médecin-chef de la Division H.

Documents et textes juridiques

[56]  Le 1er mars 2019, le RAD a présenté des documents au Comité de déontologie :

  • Déclaration de la victime faite par la gend. 1 (communiquée précédemment au RM)
  • Rapport sur les allégations de harcèlement et d’inconduite sexuelle au sein du Groupe de la formation aux explosifs du Collège canadien de police de la GRC (juillet 2016)
  • Rendell c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 710 (CanLII) (CFC) [décision Rendell]
  • Officier compétent de la Division K et gendarme Jiminez (2010), 6 D.A. (4e) 172 [décision Jiminez]
  • Carewest c. Mendoza, 2016 CanLii 30015 (Conseil d’arbitrage) [décision Carewest]
  • Autorité disciplinaire de la Division E et gendarme Caram, 2017 DARD 8 Corrigé [décision Caram]
  • Autorité disciplinaire de la Direction générale et membre civil Calandrini, 2018 DARD 10 [décision Calandrini]

[57]  Le 4 mars 2019, le RM a déposé un certain nombre de documents à utiliser pour l’étape des mesures disciplinaires de l’audience :

  • Documents sur la Citation du commissaire pour bravoure et la Mention élogieuse du commandant reçues par le membre visé
  • Évaluations de rendement

[58]  Le 4 mars 2019, le RM a également déposé neuf décisions de comités d’arbitrage et la décision Caram :

  • Officier compétent de la Division K et gendarme Hanson (1998), 3 D.A. (3e) 60 [décision Hanson]
  • Officier compétent de la Division K et gendarme Chruchley (1998), 7 D.A. (3e) 63 [décision Chruchley]
  • Officier compétent de la Division O et caporal MacDonald (2001), 6 D.A. (4e) 340 [décision MacDonald]
  • Officier compétent de la Division F et gendarme Giesinger (2003), 18 D.A. (3e) 64 [décision Giesinger]
  • Officier compétent de la Division J et inspecteur Heon (2006), 29 D.A. (3e) 165 [décision Heon]
  • Officier compétent de la Division F et gendarme Rice (2009), 3 D.A. (4e) 377 [décision Rice]
  • Officier compétent de la Division F et gendarme McLean (2012), 11 D.A. (4e) 427 [décision MacLean]
  • Officier compétent de la Division C et gendarme Lebrasseur (2014), 14 D.A. (4e) 520 [décision Lebrasseur]
  • Officier compétent de la Division K et gendarme Glasier (2016), 16 D.A. (4e) 178 [décision Glasier]

[59]  Le 12 avril 2019, le RM a également déposé deux documents qui seraient mentionnés pendant le témoignage du membre visé devant le Comité de déontologie le 15 avril 2019, dans le cadre d’une audience tenue par vidéoconférence. Un de ces documents comprend une série de lettres de référence fournies par :

  • M. G.D. Smith (sergent d’état-major, retraité), qui était le sous-officier responsable du bureau de district où le membre visé a été transféré en août 2017. Après avoir remarqué le leadership exemplaire, les qualités personnelles, les compétences en matière d’enquête du membre visé et la souplesse dont celui-ci a fait preuve, il l’a nommé caporal intérimaire malgré son manque d’ancienneté. En toute connaissance de cause relativement à l’inconduite du membre visé et avec ses plus de 36 années de service, il l’accueillerait de nouveau, et il l’a classé au « haut de la liste des membres solides ». Il a affirmé avec confiance que le membre visé a encore l’appui de ses collègues et du personnel du bureau de district.
  • La gendarme T. Smith, qui a travaillé avec le membre visé dans le district pendant huit mois se terminant en avril 2018. Même en connaissant la situation actuelle du membre visé, son opinion de celui-ci n’a pas changé : il est un gentleman, gentil, poli et courtois. Elle a hâte de travailler avec lui de nouveau.
  • Le sergent T.R. Greening, qui a été le superviseur immédiat du membre visé pendant trois ans avant sa mutation à la Division H en 2017. Il a décrit le membre visé, qui possède 16 années d’expérience et qui est maintenant sous-officier des opérations du district, comme étant l’un de ses employés les plus performants. Celui-ci l’a remplacé, en tant que commandant de détachement par intérim, à plusieurs reprises. Le sergent Greening a été choqué d’apprendre les allégations, et celles-ci ne « correspondent certainement pas à l’homme que je connais et avec qui j’ai travaillé ». Il n’hésiterait pas à travailler à nouveau avec le membre visé.
  • Le caporal J. Lyall, qui est maintenant instructeur de tir à la Division Dépôt et qui a travaillé avec le membre visé pendant trois ans au détachement de Bonavista. Il a observé la capacité du membre visé à s’adapter (il était auparavant à une section fédérale), son travail était impeccable et il est devenu l’un des employés les plus performants du groupe. Le membre visé est l’un des meilleurs membres avec lesquels il a jamais travaillé et l’une des meilleures personnes qu’il connaît.
  • Le caporal M. Fowler, qui est maintenant commandant du détachement de Cartwright de la Division B. Il a fourni bon nombre des mêmes observations favorables que celles qui ont été constatées dans les lettres de référence précédentes. Le membre visé était le type de personne sur qui on pouvait compter lorsque quelque chose devait être bien fait et l’auteur de la lettre mettrait sa vie entre ses mains et serait heureux de travailler à nouveau avec lui.
  • La garde F. Russell, qui a travaillé à Bonavista à titre de gendarme auxiliaire, puis de surveillante de détenus pendant 20 ans au total. Elle a fourni une évaluation très favorable de la personnalité enjouée du membre visé, qui travaillait très fort, et elle a mentionné qu’il a laissé une impression très positive et durable après son départ.
  • Mlle W. Butler-Tremblett, qui a fourni une courte note dans laquelle elle mentionne qu’elle connaît le membre visé depuis six ans et a travaillé avec lui pendant quatre ans. Elle mentionne son honnêteté, sa fiabilité, sa grande intégrité, son dévouement envers sa famille et à l’égard de son travail, sa gentillesse et sa générosité. Elle recommanderait fortement aux gens de travailler avec lui et elle travaillerait volontiers de nouveau avec lui.
  • Le gendarme D. Thorne, qui est maintenant affecté à la Division J à St Stephen et qui a travaillé, pendant deux ans, pendant le même quart que le membre visé à Bonavista jusqu’en 2015. Il a fourni plusieurs observations positives et a décrit des expériences opérationnelles particulières où le membre visé a conservé son sang-froid et avait le contrôle lors de situations volatiles. Il a mentionné que le membre visé était connu, dans la collectivité, comme un policier attachant, gentil et poli. Il a entretenu une amitié avec le membre visé. Il l’admire tellement, que le membre visé et sa conjointe sont maintenant le parrain et la marraine de son dernier-né.
  • Le gendarme D. Foster, dont la première affectation a été au détachement de Liverpool de la Division H. Il a mentionné le mentorat positif qu’il a reçu du membre visé ainsi que le leadership et la volonté de prêter main-forte de ce dernier.
  • Le gendarme D. Cowan, qui a commencé à travailler avec le membre visé au détachement de Liverpool à l’été 2017. Il a décrit des dossiers particuliers dans le cadre desquels le membre visé a adopté un comportement calme et respectueux et a manifesté une fermeté professionnelle dans ses relations avec les clients. Il a également souligné qu’il a observé le membre visé lors d’activités sociales, et il était amical et respectueux en tout temps. Il n’hésiterait pas à travailler à nouveau avec le membre visé.
  • Le gendarme T. Dunderdale, qui a rencontré le membre visé à Bonavista en 2015, lorsque l’auteur de la lettre comptait trois années de service. Il l’a décrit comme « un bon ami et un ancien coéquipier du détachement ». Il a fourni un résumé éloquent de son opinion du membre visé :

Depuis que je connais [le membre visé] et que j’ai travaillé avec lui, j’éprouve un respect indéfectible pour son éthique du travail et ses capacités. Je suis au courant de la raison pour laquelle il demande une lettre de référence, mais je crois qu’il a été et, je l’espère, continuera d’être un atout pour la GRC pendant longtemps, un membre avec lequel je serais fier de travailler. Plus important encore, je crois que la compassion, l’humilité, la prévenance et la gentillesse qui font de lui l’un de mes amis très proches sont aussi les caractéristiques qui lui permettront d’avoir une longue carrière réussie dont la GRC serait fière. (traduction)

  • Le gendarme M. Kenny, qui a travaillé avec le membre visé à Bonavista pendant deux ans à compter de 2015, souvent pendant le même quart. Il a fourni des observations positives au sujet de la personnalité du membre visé, de sa volonté d’aider ses collègues et de son attitude respectueuse envers ses collègues et le public. Il était reconnaissant du soutien que le membre visé lui a fourni lorsqu’il a dû faire face à des affaires familiales personnelles. Il n’hésiterait pas à travailler à nouveau avec lui.
  • Le gendarme T. Oxner, qui a travaillé avec le membre visé pendant un peu plus d’un mois au début de l’automne 2010, lorsque le membre visé a assuré la relève à Arctic Bay, au Nunavut. Il s’agissait d’une affectation à deux membres, et ils passaient environ 16 heures par jour ensemble. Il a souligné ce qui suit :

J’ai trouvé que [le membre visé] était un exemple remarquable de policier et que sa personnalité était irréprochable. Quand je dis remarquable, je veux dire, en fait, qu’il s’est démarqué. J’ai travaillé avec au moins sept membres de relève au cours des deux années que j’ai passées à Arctic Bay et j’ai reçu de nombreuses invitations à rester en contact avec ces membres et à les visiter à la maison. Parmi ces sept membres, [le membre visé] est le seul avec qui je communique encore régulièrement aujourd’hui. (traduction)

[60]  La deuxième pièce jointe du courriel du RM daté du 12 avril 2019 comprenait ce qui suit :

  • Reçu pour un Certificat d’appréciation du commandant daté du 1er octobre 2009;
  • Citation du commissaire pour bravoure datée du 2 mai 2014;
  • Certificat d’appréciation (sans date) du directeur général (Préparation et Interventions opérationnelles) pour la préparation et la présentation d’un cours à l’intention de l’Équipe d’enlèvement des obstacles en mai 2014;
  • Fiches de rendement positives datées du 5 décembre 2013, du 3 février 2015 et du 14 septembre 2015;
  • Lettre de remerciements du commandant divisionnaire datée du 27 mai 2016;
  • Certificat de reconnaissance et médaille du premier ministre de l’Alberta datés du 24 octobre 2016.

[61]  Le 15 avril 2019, le membre visé a témoigné, après avoir donné son affirmation solennelle. Il a brièvement décrit ses affectations à la Division O (Section de l’exécution des lois fédérales, au détachement de Toronto – Nord) et à la Division B (enquêteur des Services généraux, au détachement de Bonavista) avant sa mutation au détachement de Liverpool, à la Division H, pendant l’été 2017.

[62]  Le membre visé a reçu la Citation du commissaire pour bravoure pour le rôle qu’il a joué dans le sauvetage d’une personne suicidaire dans les eaux remplies de glace durant la nuit du 25 mars 2014, à Bonavista.

[63]  Lorsque le membre visé est arrivé à la Division H, il avait déjà participé à diverses affectations à titre de membre de l’équipe anti-émeute et il était devenu formateur de cours pour les questions tactiques et les questions plus spécialisées relatives à l’équipe d’enlèvement des obstacles. Sa participation à des affectations antérieures découlant de feux de forêt et de manifestations dans des régions éloignées a été soulignée et officiellement reconnue.

[64]  L’Équipe d’enlèvement des obstacles de la Région de l’Atlantique comprenait des membres des Divisions B, L et J. Le 11 septembre 2017, le membre visé a appris qu’un des membres de l’équipe, avec qui il a travaillé pendant quatre ans à la Division B, s’était suicidé. Lorsque le membre visé a participé à la semaine de formation offerte à la BFC Aldershot en avril 2018, c’était la première fois que les membres de l’équipe se réunissaient depuis le décès de leur collègue.

[65]  Le membre visé a déclaré que, pendant ses études secondaires et universitaires, et même lorsqu’il suivait la formation de la GRC, il n’a pas consommé d’alcool. Sa première consommation a été en avril 2009 lors du renouvellement de sa certification de membre de l’équipe anti-émeute. Selon son témoignage, je comprends que la fréquence et l’intensité de sa consommation d’alcool ont alors augmenté considérablement et qu’il consommait de l’alcool au point d’être intoxiqué à la fin de son affectation aux Jeux olympiques de Vancouver en février 2010. Il a également affirmé ce qui suit : « J’ai continué à consommer de l’alcool, et à un moment donné, j’en consommais deux ou trois fois par semaine ». (traduction)

[66]  Le membre visé a été invité à décrire les facteurs de stress dans sa vie le soir du 17 avril 2018. Deux jours avant le début de la formation, sa grand-mère s’est blessée en faisant une chute et elle a dû subir une intervention chirurgicale. Elle a été hospitalisée dans la ville où la formation serait offerte, et il avait prévu aller la voir. De plus, le 17 avril 2018, pendant la formation, il a manqué un appel du travailleur social qui s’occupait du portefeuille pour le processus d’adoption qu’il poursuivait avec sa conjointe. Ces deux circonstances ne semblent pas être graves ou très troublantes. À mon avis, il est possible (mais non objectivement probable) que ces circonstances aient constitué des facteurs de stress individuels ou se soient conjuguées pour causer un stress important au membre visé pendant la soirée du 17 avril 2018. En outre, il n’est pas établi que ces facteurs de stress ont contribué à la consommation d’alcool par le membre visé durant la soirée en question.

[67]  Le membre visé a relaté ses souvenirs de la soirée en question. En fonction du taux élevé d’intoxication du membre visé, tel qu’il a été souligné par d’autres membres présents au pub, je conclus que la déclaration du membre visé est crédible :

Ce soir-là, je me souviens d’avoir bu un verre d’alcool avant de quitter la caserne au Camp Aldershot. Je me souviens d’avoir pris une navette pour aller à la Wayfarer’s Ale Society à Port Williams. Je me souviens d’avoir fait la queue pendant qu’ils nous attribuaient des numéros pour garder nos commandes de boissons dans la file d’attente pour la soirée. Je me souviens avoir mangé deux livres d’ailes de poulet. Je me souviens d’être assis à une table avec les autres membres de l’Équipe d’enlèvement des obstacles de la Région de l’Atlantique. Je me souviens d’avoir bu à peu près quatre ou cinq verres sur place. À 21 h 30, je me souviens d’être descendu aux toilettes, d’être remonté à l’étage, d’avoir pris un autre verre et de m’être assis à table, et je ne me souviens de rien après cela. (traduction)

[68]  Le membre visé a affirmé qu’il n’a pas consommé d’alcool depuis ce soir-là et qu’il n’en consommera pas à l’avenir. Immédiatement après l’incident, il a obtenu un aiguillage vers des services de counseling d’un programme approuvé par la GRC (Programme d’aide aux employés). La lettre du thérapeute conseiller autorisé, datée du 1er février 2019 et déposée par le RM après la conclusion de l’audience tenue par vidéoconférence, fait mention de services de counseling pour aider à « gérer le stress et la vie » et à établir des « stratégies de gestion du stress et de l’anxiété ». Le conseiller mentionne que le membre visé a obtenu des services de counseling à court terme et n’a pas fait l’objet d’une évaluation psychologique.

[69]  En ce qui concerne l’aide en santé mentale, je conclus que le membre visé a fait ce qu’il avait compris qu’il devait faire pour corriger son comportement : il a participé pleinement au type de counseling qui lui était offert. Cette constatation est appuyée par sa réponse à une question posée par le Comité de déontologie : « Il s’agit de la personne avec qui on m’a dit de communiquer quand j’ai demandé de consulter quelqu’un ».

[70]  Pendant son témoignage, le membre visé a mentionné que les séances de counseling lui ont permis de confirmer que l’alcool « ne devrait avoir aucune part dans [sa] vie ». J’estime que cette réalisation par le membre visé est authentique et qu’il la prend très au sérieux; il sera consciencieux et veillera à ne pas consommer de l’alcool. J’accepte qu’il a maintenant appris comment détecter et gérer le stress et y faire face, y compris comment demander de l’aide efficace lorsqu’il se sent désemparé par le stress et l’anxiété.

[71]  À la fin de l’interrogatoire du membre visé, celui-ci s’est tout simplement excusé auprès de la gend. 1 et de la gend. 2, de son unité d’attache qui manque encore plus de personnel parce qu’il n’est pas disponible et de la GRC pour la honte et l’embarras découlant de son inconduite.

[72]  En contre-interrogatoire, on a demandé au membre visé s’il se considérait comme un alcoolique. Il a répondu ce qui suit : « Je considère avoir des problèmes liés à l’alcool, oui ». Faisant preuve d’une compréhension assez poussée de sa propension à la consommation excessive d’alcool, il a déclaré dans son témoignage qu’il n’était pas d’avis que son problème lié à l’alcool était résolu : « Non. Je reconnais que j’ai un problème lié à la consommation d’alcool, et j’ai acquis les outils pour surveiller ce problème. » Il a admis qu’il n’avait pas demandé de conseils concernant particulièrement la « prévention de la rémission ». Sa fille est née en février 2019 et les séances de counseling ont été mises en suspens en attendant le résultat du présent processus disciplinaire.

Éventail de pénalités

[73]  Selon le régime disciplinaire antérieur de la GRC, lorsqu’une décision définitive écrite était rendue par un comité d’arbitrage, il était pratique courante, au moment de déterminer la pénalité appropriée pour une inconduite établie, pour le comité d’arbitrage de déterminer d’abord l’éventail de pénalités imposées pour des actes d’inconduite semblables. Cette pratique a été adoptée par les comités de déontologie devant se prononcer relativement aux allégations soulevées dans le cadre du système de gestion des cas d’inconduite qui est en place depuis le 28 novembre 2014. En l’espèce, après avoir examiné la jurisprudence applicable et le Guide des mesures disciplinaires de la GRC, l’éventail de mesures disciplinaires imposées pour des actes d’attouchement non consensuel à des fins sexuelles semble varier de pénalités financières importantes à la perte d’emploi selon la nature de l’acte commis et les facteurs atténuants et aggravants.

[74]  Comme j’ai remarqué dans la décision Caram, aux paragraphes 94 et 95 :

[94] L’éventail de pénalités imposées pour les cas de contact sexuel et d’attouchement inappropriés et en dehors des heures de travail, selon les décisions rendues par des comités d’arbitrage de la GRC antérieurs (limitées par la période maximale légale de 10 jours pour la confiscation de la solde), va d’une période modérée à la période maximale de confiscation de la solde. [...] (traduction)

[95] Il ressort de la jurisprudence de la GRC déposée par les parties que le type d’inconduite sexuelle établie contre le membre visé selon l’article 7.1 du Code de déontologie a souvent donné lieu à des pénalités de la part des comités d’arbitrage de la GRC sauf la démission ou le congédiement ordonné, mais l’éventail de pénalités a compris la perte d’emploi dans les cas où, par exemple, il y a eu de la violence, une condamnation au criminel ou des mesures disciplinaires antérieures. Le Guide des mesures disciplinaires appuie certainement un éventail qui comprend la perte d’emploi. (traduction)

[75]  Les décisions des comités d’arbitrage déposées par le RM sont dominées par des cas où on s’est fondé sur un exposé conjoint des faits et où soit une proposition conjointe sur la pénalité a été soumise par les parties (décisions Rice, MacDonald, McLean, Lebrasseur, Glasier et Heon), soit l’officier compétent n’a pas demandé la perte d’emploi (décisions Hanson, Crutchley et Giesinger). La parité des pénalités doit faire partie de toute évaluation de mesures proportionnées, mais il est évident que l’éventail des mesures disciplinaires disponibles dans le cadre du système disciplinaire mis en place le 28 novembre 2014 permet d’imposer un éventail de mesures plus graves, sauf le congédiement, sans compter qu’il n’y a plus de plafond prévu par la loi de 10 jours pour la confiscation de la solde. De plus, la déférence à accorder aux propositions conjointes sur les pénalités réduit la valeur de précédent des cas comprenant de telles propositions.

[76]  Par contre, certaines des décisions de congédiement déposées par le RAD comprennent des situations très différentes de la présente affaire, comme :

  • une agression physique troublante où le membre ivre a mordu le nez de la victime (décision Rendell). [Je reconnais que le RAD a déposé cette affaire principalement pour aborder la question de la parité.];
  • après la prise de mesures disciplinaires et une tentative infructueuse de réadaptation pour des problèmes liés à l’alcool, le membre a de nouveau adopté un comportement agressif avant d’agresser sexuellement une autre victime (décision Jimenez);
  • dans un processus d’arbitrage privé, la plaignante a nié les allégations, il a fallu tenir une audience avec témoignages complets pour conclure à des contacts sexuels inappropriés avec un certain nombre de collègues, mais on n’a pas pu déterminer clairement si la plaignante a compris et accepté que son comportement était extrêmement inapproprié (décision Carewest).

[77]  Deux des décisions rendues par des comités de déontologie sont clairement pertinentes en l’espèce, notamment les décisions Caram et Calandrini. Le Comité dans l’affaire Calandrini a commencé en soulignant la façon dont l’avocat a distingué l’affaire Caram au paragraphe 108 : « […] [L]’affaire a compris une soirée bien arrosée qui a eu lieu en dehors du lieu de travail » (traduction). Le Comité dans l’affaire Calandrini a ensuite établi, au paragraphe 182, une distinction entre un cas où il y a une série d’incidents visant une seule personne (décision Calandrini) et un cas où il y a les transgressions d’un fêtard ivre visant un certain nombre de personnes malchanceuses (décision Caram).

[78]  Nonobstant l’importance qu’il convient d’accorder à la dissuasion générale dans l’affaire Calandrini pour lutter contre le harcèlement continu en milieu de travail à la GRC, je crois qu’il ne faut pas perdre de vue le fait que la situation du membre visé est celle d’un client ivre lors d’une soirée au bar et non celle d’une personne qui en harcèle d’autres de façon délibérée dans un milieu de travail.

Mesures disciplinaires proportionnées

[79]  Selon le paragraphe 24(2) des CC (déontologie), « le Comité de déontologie impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au Code de déontologie ». La partie 11.15 du chapitre XII.I Déontologie du Manuel d’administration précise qu’il faut tenir compte des circonstances atténuantes et aggravantes au moment de déterminer les mesures disciplinaires appropriées en ce qui concerne la contravention au Code de déontologie commise par le membre visé.

[80]  Le Manuel d’administration comprend l’annexe XII 1.20, qui donne une liste relativement exhaustive de circonstances aggravantes et atténuantes possibles, ainsi qu’une définition de chacune d’elles :

Circonstances atténuantes : « Faits ou situations qui n’ont aucune incidence sur la culpabilité d’un défendeur, mais dont la cour tient compte au moment d’imposer une pénalité, particulièrement pour diminuer la sévérité d’une peine. » (traduction) [Black’s Law Dictionary, 8e édition]. Les circonstances atténuantes ne constituent pas une justification ou une excuse pour l’infraction, mais en toute équité, elles peuvent être prises en considération pour réduire la sévérité de la pénalité à imposer afin de gérer l’inconduite de manière appropriée.

Circonstances aggravantes : « Circonstances de la perpétration d’un crime ou d’un délit qui augmentent la culpabilité ou la gravité ou qui ajoutent aux conséquences préjudiciables, mais qui vont au-delà des éléments essentiels du crime ou du délit en soi. » (traduction) [Black’s Law Dictionary, 6e édition].

Circonstances atténuantes

[81]  J’ai relevé les circonstances atténuantes suivantes :

  • Le membre visé a assumé la responsabilité de son comportement, c.-à-d. qu’il a admis ou n’a pas contesté (sauf en ce qui concerne un élément distinct de la précision 3d) de l’allégation no 2) les détails des deux allégations. Il a accepté de participer à une entrevue dans le cadre de l’enquête relative au Code de déontologie. Il a répondu aux allégations officielles d’une manière qui montrait clairement sa volonté de régler les problèmes rapidement et dans les meilleurs délais.
  • Le membre visé a fourni des excuses, par écrit et pendant son témoignage, à la gend. 1 et à la gend. 2, et j’estime qu’il éprouve véritablement des remords à l’égard de son comportement.
  • Le membre visé n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires et, pendant le contre-interrogatoire, a ajouté qu’il n’a jamais fait l’objet d’une plainte du public.
  • Le membre visé a exercé ses fonctions policières à un niveau supérieur à la moyenne et a toujours fait preuve d’une éthique de travail impressionnante et accepté d’assumer des rôles additionnels au sein de la troupe d’honneur et de l’équipe anti-émeute. On a officiellement souligné la bravoure dont il fait preuve dans l’exercice de ses fonctions.
  • Le membre visé a toujours le soutien de son commandant de district et d’autres membres qui ont travaillé avec lui, et des lettres de référence confirment son sens des responsabilités et sa bonne réputation habituelle.
  • L’inconduite du membre visé, qui concerne deux victimes avec qui il a eu des contacts sexuels l’une à la suite de l’autre, était clairement un incident isolé et inhabituel.
  • Il est possible que des facteurs de stress dans sa vie personnelle aient contribué à sa consommation excessive d’alcool, mais les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que ces facteurs ont contribué considérablement à sa consommation excessive d’alcool ce soir-là. Le suicide d’un membre de l’équipe depuis le dernier rassemblement de l’équipe régionale d’enlèvement des obstacles a pu contribuer au taux élevé d’intoxication du membre visé ce soir-là, mais aucun lien direct n’a été établi, et j’accorde peu d’importance à ce facteur. (Je ne peux pas éliminer la possibilité que le taux très élevé d’intoxication du membre visé était, en quelque sorte, en partie attribuable à sa naïveté et au fait qu’il a bu au moins cinq verres à bière de cidre artisanal, sans savoir le taux d’alcool du cidre, mais aucun élément de preuve n’a été présenté relativement à cette possibilité et cela équivaut à des conjectures sans aucune valeur probante.).
  • Le membre visé a immédiatement demandé des services de counseling et a participé activement à des séances de counseling.
  • J’accepte que le membre visé n’a pas consommé d’alcool depuis l’incident, et il semble fermement résolu à ne pas en consommer.
  • Compte tenu de la volonté du membre visé d’accepter tout autre examen et traitement requis, j’estime qu’il est très peu probable que le membre visé soit de nouveau en état d’ébriété avancée et qu’il est très peu probable qu’il commette de nouveau une telle inconduite. J’estime que le potentiel de réadaptation du membre visé est très élevé.

Circonstances aggravantes

[82]  Les circonstances aggravantes dans la présente affaire sont les suivantes :

  • Le degré de gravité de l’inconduite est très élevé en soi. Comme on l’a souligné dans la décision Calandrini, la GRC a communiqué, en envoyant de nombreux messages à ses employés, que le harcèlement en milieu de travail, le harcèlement sexuel ainsi que l’inconduite sexuelle non consensuelle en dehors des heures de travail sont tous inacceptables, ne passeront pas sous silence et ne seront pas tolérés.
  • En l’absence d’un diagnostic d’alcoolisme, de toxicomanie ou d’un autre problème de santé mentale qui a contribué à la consommation excessive d’alcool, je considère comme une circonstance aggravante le fait que le membre visé a consommé de l’alcool au point d’être si intoxiqué qu’il était désinhibé et a touché deux collègues à des fins sexuelles. Le membre visé n’a pas fait l’objet d’une allégation selon laquelle il était inapte au travail, et il est évident qu’un certain nombre de personnes présentes au pub étaient ivres à la fin de la soirée (mettant en doute l’avantage global d’une soi-disant activité sociale de « promotion du travail d’équipe » pendant la formation); cependant, le fait de consommer de l’alcool au point de ne pas pouvoir se souvenir de son propre comportement lors d’une activité sociale en dehors des heures de travail, mais liée au travail constitue une situation où la responsabilité personnelle a clairement fait défaut.
  • L’incidence de l’inconduite du membre visé sur les deux gendarmes qui ont subi ses attouchements non souhaités doit être considérée comme une circonstance aggravante, même si seule la gend. 1 a fourni une déclaration officielle en tant que victime. Il y a ici un élément indéniable : l’inconduite a brisé l’important lien de confiance qui devrait exister entre les policiers et leurs collègues. De plus, un certain nombre d’autres membres ont observé des aspects de l’inconduite du membre visé. Toutefois, à l’étape des mesures disciplinaires avec comparution de l’audience, j’ai interrogé les représentants sur le fait qu’aucun processus de harcèlement, y compris une enquête sur le harcèlement, n’avait été mené dans cette affaire, qui a été traitée dès le départ à l’interne comme une affaire relevant du Code de déontologie. Cela est principalement en raison de la nature de l’inconduite présumée, mais peut-être parce que la gend. 1 et la gend. 2 ont fait une déclaration dans le cadre de l’enquête criminelle initiale, mais n’ont pas présenté une « plainte » de harcèlement en déposant officiellement le formulaire approprié. À mon avis, certaines des frustrations récemment exprimées par la gend. 1 auraient pu être évitées si certains des processus envisagés dans le cadre du processus de harcèlement avaient au moins été pris en compte, même si l’affaire a finalement été traitée comme un dossier relatif au Code de déontologie.

Mesures imposées

[83]  Après avoir examiné les observations des parties, les documents déposés dans le cadre de l’étape des mesures disciplinaires de l’audience, la nature et les circonstances des contraventions, ainsi que les circonstances aggravantes et atténuantes, je n’estime pas que la perte d’emploi est une mesure proportionnée à l’inconduite du membre visé. En l’espèce, des mesures importantes sauf le congédiement peuvent dénoncer, sanctionner et corriger adéquatement l’inconduite du membre visé ainsi que permettre de déterminer et de surveiller toute thérapie de réadaptation nécessaire. Par ailleurs, les mesures sauf le congédiement peuvent également traiter adéquatement les questions liées au milieu de travail respectueux et à la confiance du public qui ont été abordées avec éloquence aux paragraphes 308 et 314 de la décision 2018 DARD 16 [décision Turner] du Comité de déontologie de la GRC.

[84]  Nonobstant les circonstances atténuantes en l’espèce, je considère qu’il convient d’imposer une pénalité financière de confiscation de 15 jours de solde pour la contravention visée par l’allégation no 1 et une confiscation de 20 jours de solde pour celle visée par l’allégation no 2. Je suis d’accord avec le RAD qu’il y a une différence négligeable en ce qui concerne la gravité des actes commis contre la gend. 1 et la gend. 2. Cependant, l’inconduite visée par l’allégation no 2 comprend un élément de persistance ou de répétition qui constitue une circonstance aggravante, même si elle s’est produite peu après l’allégation no 1.

[85]  La sévérité de ces confiscations de solde tient compte de deux des principales circonstances aggravantes : le caractère intrusif des attouchements et les messages antérieurs envoyés par la Gendarmerie à tous les employés au sujet du caractère inacceptable du harcèlement sexuel et de l’inconduite sexuelle.

[86]  J’estime qu’il convient d’imposer, à titre d’autre mesure punitive et grave, une période d’inadmissibilité à toute promotion de deux ans qui entre en vigueur à la date de la présente décision écrite. Compte tenu du fait que le membre visé est un bon enquêteur, qu’il a toujours obtenu des évaluations de rendement positives et qu’il a démontré qu’il peut exercer avec succès un rôle de supervision, je reconnais que le membre visé aurait très bien pu obtenir une promotion dans un avenir rapproché. Cependant, pour bien faire comprendre au membre visé le caractère extrêmement inacceptable de son comportement et pour montrer clairement aux membres du public et aux employés de la Gendarmerie à quel point le service de police national du Canada prend ce type d’inconduite au sérieux, les pénalités financières et l’inadmissibilité à une promotion sont toutes deux des mesures proportionnées justifiées.

[87]  Dans l’ensemble, je considère que les mesures disciplinaires choisies susmentionnées auront un effet dissuasif tant sur le membre visé que sur tous les membres dont le comportement (au travail et en dehors des heures de travail) est assujetti aux dispositions de la Loi sur la GRC.

[88]  Il est évident que l’inconduite du membre visé, qui a mis en cause des membres de l’équipe anti-émeute provenant de la Division H, dont la gend. 1 et la gend. 2, peut rendre sa participation continue aux séances de formation et aux affectations gênante ou même intenable. Le membre visé est affecté à un détachement et son travail relatif aux questions liées à l’équipe anti-émeute est distinct de cette affectation; par conséquent, je ne vois aucun motif d’ordonner une mutation ou une réinstallation. Mais je considère que la participation du membre visé aux activités de l’équipe anti- émeute doit faire l’objet d’un examen minutieux par le personnel compétent de la Division H. Si le membre visé ne participait pas aux activités futures d’enlèvement des obstacles, la formation qu’il a suivie jusqu’à présent et les capacités d’instruction qu’il a acquises seraient gaspillées, mais le maintien d’un milieu de travail respectueux doit avoir préséance. Les préoccupations exprimées dans la déclaration de la victime faite par la gend. 1 devraient être prises en considération dans le cadre de tout examen des autres activités de l’équipe anti-émeute auxquelles le membre visé participe.

[89]  Dans l’ensemble, j’ordonne également au membre visé de recevoir tout service de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou à son alcoolisme ainsi que tout autre service de counseling jugés appropriés par le médecin-chef de la Division H ou son remplaçant. Je ne doute pas que le membre visé est déterminé à demeurer sobre, mais il faut lui donner tous les outils raisonnables pour maintenir un mode de vie sain et s’assurer qu’il ne consommera plus jamais d’alcool de façon excessive.

CONCLUSION

[90]  Le Comité de déontologie impose les mesures disciplinaires suivantes :

  • une réprimande pour chaque allégation, que cette décision écrite constituera;
  • la confiscation de 15 jours de solde pour l’allégation no 1;
  • la confiscation de 20 jours de solde pour l’allégation no 2;
  • l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans à compter de la date de cette décision écrite;
  • l’obligation d’obtenir tout service de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou à son alcoolisme ainsi que tout autre service de counseling que le médecin-chef de la Division H ou son remplaçant juge appropriés.

[91]  Les parties peuvent interjeter appel de cette décision auprès de la commissaire, tel qu’il est prévu dans la Loi sur la GRC.

 

 

Le 15 mai 2019

John A. McKinlay

Comité de déontologie

 

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