Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

[Le présent résumé ne fait pas partie de la décision écrite.]
En décembre 2011, lors d’une fête de Noël tenue après les heures de travail où de l’alcool a été consommé, le membre visé a tapoté le dos d’une collègue qui vomissait dans une toilette parce qu’elle avait consommé trop d’alcool. Il a ensuite glissé sa main dans le pantalon de sa collègue, puis dans ses sous-vêtements, et lui a touché les fesses. La victime a repoussé sa main, qu’il a immédiatement retirée du pantalon de sa collègue.
Le membre visé n’a ni admis ni nié l’allégation de conduite déshonorante, car il ne se souvient pas de l’interaction présumée avec la victime. Le bien-fondé de l’allégation a été établi, principalement en s’appuyant sur les souvenirs de la victime, qui ont été enregistrés lors de la seule entrevue menée par l’Équipe d’intervention de la Nouvelle-Écosse en cas d’incident grave.
Le Comité de déontologie a imposé les mesures disciplinaires suivantes : une réprimande, la confiscation de 30 jours de solde, l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans à compter de la date de la décision écrite et l’obligation d’obtenir des services de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou à son alcoolisme ainsi que tout autre service de counseling que le médecin-chef juge appropriés.

Contenu de la décision

Protégé A

2019 DARD 10

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10

ENTRE

Le commandant de la Division H

Autorité disciplinaire

et

le gendarme Troy Allen, numéro de matricule 54534

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

John A. McKinlay

Le 15 mai 2019

M. Denys Morel (représentant de l’autorité disciplinaire) et caporale Chantal Le Dû

Mme Nicole Jedlinski (représentante du membre) et Mme Sara Novell


Table des matières

RÉSUMÉ  3

INTRODUCTION  5

ALLÉGATION  7

Constatations sur l’allégation  7

MESURES DISCIPLINAIRES  14

Position des parties  14

Documents déposés  15

Éventail de mesures disciplinaires  16

Mesures disciplinaires proportionnées  17

Circonstances aggravantes  18

Circonstances atténuantes  19

Mesures disciplinaires imposées  23

CONCLUSION  25

 

 

RÉSUMÉ

[Le présent résumé ne fait pas partie de la décision écrite.]

En décembre 2011, lors d’une fête de Noël tenue après les heures de travail où de l’alcool a été consommé, le membre visé a tapoté le dos d’une collègue qui vomissait dans une toilette parce qu’elle avait consommé trop d’alcool. Il a ensuite glissé sa main dans le pantalon de sa collègue, puis dans ses sous-vêtements, et lui a touché les fesses. La victime a repoussé sa main, qu’il a immédiatement retirée du pantalon de sa collègue.

Le membre visé n’a ni admis ni nié l’allégation de conduite déshonorante, car il ne se souvient pas de l’interaction présumée avec la victime. Le bien-fondé de l’allégation a été établi, principalement en s’appuyant sur les souvenirs de la victime, qui ont été enregistrés lors de la seule entrevue menée par l’Équipe d’intervention de la Nouvelle-Écosse en cas d’incident grave.

Le Comité de déontologie a imposé les mesures disciplinaires suivantes : une réprimande, la confiscation de 30 jours de solde, l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans à compter de la date de la décision écrite et l’obligation d’obtenir des services de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou à son alcoolisme ainsi que tout autre service de counseling que le médecin-chef juge appropriés.


INTRODUCTION

[1]  Le 13 juillet 2018, j’ai été désigné Comité de déontologie dans cette affaire. L’avis d’audience disciplinaire de la présente affaire a été signé par l’autorité disciplinaire le 5 octobre 2018. Le membre visé a reçu l’avis et la trousse d’enquête connexe le 7 novembre 2018. J’ai reçu l’avis et la trousse le 9 novembre 2018. Il y a eu un incendie à l’installation de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) où les bureaux de la représentante du membre (RM) et du représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) sont situés à Ottawa, ce qui a perturbé leur travail pendant une courte période.

[2]  Le membre visé a déposé ses réponses écrites conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [les CC (déontologie)], le 14 décembre 2018.

[3]  Dans la présente décision, j’ai appelé gendarme (gend.) N la policière identifiée par son nom dans l’avis d’audience disciplinaire à la précision 3.

[4]  L’interaction survenue entre le membre visé et la gend. N en décembre 2011 est la caractéristique essentielle en l’espèce. La gend. N a mentionné le comportement du membre visé à une collègue, la gendarme Langevine, mais n’en a parlé à personne d’autre. La gend. N a fini par parler de l’incident au membre visé après qu’ils ont suivi une formation de rattrapage ensemble vers le mois d’avril 2016. À ce moment-là, le membre visé a déclaré qu’il ne se souvenait pas de l’incident, étant donné qu’il était lui-même assez ivre, mais il s’est excusé profondément auprès de la gend. N. Leurs interactions avant et après l’incident étaient purement professionnelles, et ils n’ont jamais échangé de commentaires enjôleurs.

[5]  Vers le mois de juillet 2017, lors d’une discussion générale, la gend. N a mentionné en passant à une collègue, la gend. Smith, qui était alors superviseure intérimaire, qu’elle avait été agressée sexuellement à la GRC. À la suite de cette divulgation, le superviseur permanent de la gend. N, le caporal O’Halloran, a confirmé l’incident auprès d’elle, et une enquête criminelle a été menée par l’Équipe d’intervention de la Nouvelle-Écosse en cas d’incident grave. La gend. N a déclaré qu’elle voulait que l’incident soit traité comme une affaire interne de la GRC seulement; aucune accusation criminelle n’a été portée contre le membre visé. Une enquête relative au Code de déontologie a ensuite été menée.

[6]  Le 21 janvier 2019, une conférence préparatoire à l’audience a eu lieu. À la suite des discussions, les parties ont convenu que la décision relative à l’allégation serait fondée sur les documents présentés au Comité de déontologie et les déclarations écrites des représentants. Pendant l’étape des allégations de l’audience, les parties n’ont demandé le témoignage d’aucun témoin.

[7]  Le RAD et la RM ont déposé leurs observations le 2 février 2019 et le 13 février 2019, respectivement. Le 20 février 2019, une courte contre-preuve a été déposée par le RAD. Le 4 mars 2019, j’ai rendu ma décision de vive voix concernant le bien-fondé de l’allégation. Cette décision a été rendue par conférence téléphonique avec enregistrement audio et a ensuite été transcrite. Je me suis appuyé sur la mise en garde que des précisions peuvent être apportées à la décision sommaire rendue de vive voix et je me suis réservé le droit de clarifier et d’expliquer mes motifs et mes constatations plus en détail dans la présente décision écrite définitive.

[8]  Avant que ma décision soit rendue de vive voix, des exigences procédurales ont été traitées. Le paragraphe 20(1) des CC (déontologie) exige que l’allégation soit lue au membre visé. Ensuite, le membre visé admet ou nie l’allégation. Le membre visé a renoncé à la lecture de l’allégation. Le membre visé a été représenté tout au long du processus par la RM, et il a présenté des réponses écrites conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), dans lesquelles il n’a ni admis ni nié l’allégation, car il ne se souvient pas de l’interaction particulière décrite dans celle-ci.

[9]  Le paragraphe 20(2) des CC (déontologie) précise ce qui suit : « Le membre qui n’admet ni ne nie une allégation est réputé l’avoir niée. » Compte tenu de la position dans laquelle le membre visé se trouve, il est réputé avoir nié l’allégation.

[10]  En ce qui concerne l’allégation, j’ai examiné les documents contenus dans la trousse d’enquête jointe à l’avis d’audience disciplinaire, les enregistrements et les transcriptions déposés par le RAD sans que la RM s’y oppose, les réponses du membre visé conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie) et les observations écrites des parties.

ALLÉGATION

[11]  L’avis contient une seule allégation :

Entre le 1er jour de janvier 2011 et le 31 décembre 2011, à New Minas, en Nouvelle-Écosse, ou à proximité de cet endroit, [le membre visé] a eu une conduite déshonorante en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Précisions

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et étiez affecté au détachement de New Minas de la Division H, en Nouvelle-Écosse.

2. En décembre 2011, vous avez assisté à une fête de Noël tenue à la résidence du caporal Al Philpott.

3. À un moment donné au cours de la soirée, la gend. [N] s’est sentie mal et est allée à la salle de bains se trouvant au sous-sol de la résidence, et elle a fermé la porte. Pendant que la gend. [N] vomissait dans la toilette, vous êtes entré dans la salle de bains.

4. Pendant que la gend. [N] était penchée et vomissait dans la toilette, vous avez commencé à lui frotter le dos et avez ensuite glissé votre main dans son pantalon pour toucher et tripoter ses fesses dans ses sous-vêtements.

5. La gend. [N] n’a pas consenti à ce que vous la touchiez et a utilisé une de ses mains pour repousser la vôtre et la sortir de son pantalon.

6. Vous vous êtes livré à des contacts sexuels inappropriés sur la gend. [N].

Constatations sur l’allégation

[12]  Le paragraphe 40(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC] exige l’application de la norme de preuve de la prépondérance des probabilités au moment de se prononcer sur les contraventions alléguées au Code de déontologie de la GRC. Ce fardeau de la preuve incombe à l’autorité disciplinaire.

[13]  La décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41, aborde directement cette norme de preuve. Je m’inspire des commentaires de la Cour aux paragraphes 44 à 46, et on trouve ce qui suit au paragraphe 46 :

De même, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Mais, je le répète, aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment.

[14]  Mon interprétation de l’article 7.1 du Code de déontologie, l’article sur lequel on se fonde pour l’allégation, s’appuie sur les commentaires formulés par le Comité externe d’examen de la GRC dans la recommandation C-008, en particulier au paragraphe 93 :

[…] [L]a conduite déshonorante repose sur un critère qui consiste à déterminer la façon dont une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris la réalité des services de police en général et, plus particulièrement, celle de la GRC, considérerait le comportement. […] (traduction)

[15]  Dans le cadre de l’enquête sur la présente affaire, la gend. N, le caporal (cap.) Philpott (retraité); la gend. Smith, le cap. O’Halloran et la gend. Langevine ont participé à des entrevues et le membre visé a refusé l’offre de participer à une entrevue d’enquête.

[16]  De plus, des déclarations ont été obtenues d’une multitude d’autres membres de la GRC, d’adjoints de détachement et d’autres personnes concernant une activité sociale tenue à la résidence du cap. Philpott en décembre 2011.

[17]  J’ai examiné attentivement les observations écrites des parties. En ce qui concerne les observations de la RM en particulier, il est vrai qu’il n’y a aucune corroboration indépendante de ce qui s’est passé entre la gend. N et le membre visé dans une salle de bains se trouvant au sous-sol de la résidence du cap. Philpott. Je confirme qu’en droit, il n’est pas nécessaire d’avoir une corroboration indépendante tout simplement parce que la nature de l’inconduite présumée est liée à des contacts sexuels.

[18]  En outre, le membre visé n’a fourni aucun renseignement ou aucune preuve qui mine ou contredit directement le compte rendu fourni par la gend. N dans sa déclaration enregistrée du 21 août 2017. Ses réponses conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie) comprennent ce qui suit :

[Le membre visé] n’admet pas ou ne nie pas l’allégation no 1. Le [membre visé] déclare qu’il ne se souvient pas de tous les détails de ce qui s’est passé.

Le [membre visé] ne se souvient pas de l’allégation telle qu’elle est précisée. Il se souvient d’avoir assisté à la fête décrite, mais il ne se souvient pas très bien de la soirée. Le [membre visé] ne se souvient pas comment ni quand il est arrivé à la fête et il ne se souvient pas d’avoir quitté la fête. Le [membre visé] se souvient qu’il y avait beaucoup d’alcool à la résidence. Le [membre visé] se souvient que la gend. [N] était à la fête, mais ne se souvient pas d’avoir interagi avec la gend. [N] pendant la soirée.

Le [membre visé] vivait beaucoup de stress pendant la période visée par cette allégation en raison de problèmes de santé et de nature familiale et financière. Le [membre visé] consommait de l’alcool de façon excessive les fins de semaine et ses jours de congé. Vers cette période, le [membre visé] est au courant d’au moins trois cas où il a eu une perte de mémoire. [Sic pendant] (traduction)

[19]  L’absence de renseignements disculpatoires de la part du membre visé est, en fait, le résultat net de ses réponses conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie).

[20]  En ce qui concerne les faits, je suis convaincu qu’une activité sociale a eu lieu en décembre 2011 à laquelle des employés de la GRC liés à un détachement particulier de la Division H ont assisté. Ce fait n’entre pas en ligne de compte, mais il semblerait que, comme c’est la tradition, un certain nombre de sous-officiers ont acheté et fait livrer diverses boissons alcoolisées avant l’activité. La nourriture a été préparée par le cap. Philpott et sa conjointe, qui ont tenu l’activité sociale chez eux. Des dispositions ont été prises pour s’assurer qu’il y aurait des conducteurs sobres pour ramener les participants chez eux à la fin de la soirée.

[21]  Selon les entrevues réalisées, il est évident que diverses quantités d’alcool ont été consommées par un certain nombre de participants. La gend. N et le membre visé étaient tous deux présents et ont consommé de l’alcool.

[22]  J’ai examiné attentivement les arguments particuliers présentés par la RM, c.-à-d. que les éléments de preuve présentés par la gend. N ne doivent pas être considérés comme étant fiables étant donné son état d’ébriété avancé admis et, à mon avis, clairement établi, pendant la soirée.

[23]  J’ai également tenu compte de la longue période de temps qui s’est écoulée entre décembre 2011 et le moment où l’enquête interne sur cette question a été menée ainsi que de l’incidence potentielle sur l’exactitude des souvenirs des témoins.

[24]  J’ai examiné et comparé les commentaires attribués à la gend. N au sujet de son interaction avec le membre visé qui se trouvent dans les déclarations de la gend. Smith, du cap. O’Halloran et de la gend. Langevine ainsi que l’entrevue enregistrée de la gend. N.

[25]  Étant donné que les commentaires attribués à la gend. N par la gend. Smith, le cap. O’Halloran et la gend. Langevine constituent du ouï-dire, j’accorde peu d’importance à leurs déclarations enregistrées dans mon jugement sur le bien-fondé de l’allégation.

[26]  Les notes ponctuelles prises par le cap. O’Halloran au sujet de la discussion qu’il a eue le 20 juillet 2017 à 2 h avec la gend. N sont dignes de mention, mais il n’y a aucune circonstance s’apparentant à la nécessité ou aucune autre considération qui m’oblige à examiner la véracité du contenu (ou à utiliser) des notes manuscrites du cap. O’Halloran, puisque la déclaration enregistrée verbale de la gend. N a été faite le 21 août 2017.

[27]  Une longue période de temps s’est écoulée depuis la discussion entre filles informelle et non documentée que la gend. N se souvient d’avoir eue avec la gend. Langevine. Selon la gend. N, elle a divulgué pour la première fois l’interaction survenue dans la salle de bains du sous-sol avec le membre visé pendant cette discussion. J’estime que la période de temps qui s’est écoulée limite énormément l’importance à attribuer aux souvenirs de la gend. Langevine quant au contenu de cette discussion.

[28]  À mon avis, le fait que la gend. Langevine ne se souvenait pas que la gend. N lui a parlé de l’incident ne mine pas la crédibilité de la gend. N ni la fiabilité de son compte rendu décrit dans sa déclaration enregistrée. J’écarte plutôt comme inexact et peu fiable tout ce dont la gend. Langevine se souvient qui pourrait laisser croire que le pantalon du membre visé était baissé autour de ses chevilles et qu’il a demandé des relations sexuelles ou des relations sexuelles orales lorsqu’il était dans la salle de bains avec la gend. N. En outre, les précisions de l’allégation ne comprennent pas ce supposé comportement, et celui-ci ne fait tout simplement pas partie de l’allégation à laquelle le membre visé doit répondre.

[29]  Par conséquent, parmi les sources potentielles d’information, je dois principalement évaluer la fiabilité de la déclaration enregistrée de la gend. N du 21 août 2017 et l’importance à y accorder. J’ai examiné avec soin les parties de la déclaration (y compris les aspects aux pages 5, 6 et 10 relevés par la RM) qui portent sur l’intoxication admise de la gend. N, en raison de laquelle elle ne se souvient pas au complet de la soirée, dont son incapacité de se souvenir à quelle heure elle est arrivée et partie ainsi que de la quantité d’alcool qu’elle a consommé.

[30]  Pour aborder les arguments présentés par la RM, je ne considère respectueusement pas que l’incapacité par la gend. N à fournir ces précisions soit surprenante et je n’estime pas non plus que ces précisions manquantes nuisent, dans une mesure considérable, à la fiabilité de son compte rendu de l’incident survenu dans la salle de bains impliquant le membre visé.

[31]  J’ai aussi examiné avec soin la partie de la déclaration de la gend. N figurant à la page 7, où celle-ci n’arrive pas à se rappeler depuis combien de temps elle était dans la salle de bains avant que le membre visé y entre, ainsi que la contradiction apparente entre la suggestion de la gend. N selon laquelle le membre visé a uriné après l’avoir touchée et sa déclaration qu’elle ne s’est pas éloignée de la toilette.

[32]  Je ne considère pas qu’un manque de clarté quant à savoir si le membre visé a uriné en sa présence dans la même toilette où la gend. N avait vomi, ou s’il a uriné seulement après qu’elle est sortie de la salle de bains, nuit de façon considérable à la fiabilité du compte rendu principal de la gend. N relativement au toucher non consensuel de ses fesses par le membre visé.

[33]  J’ai aussi pris en considération l’effet que cela peut avoir sur la fiabilité du compte rendu de la gend. N, tel qu’il figure dans sa déclaration enregistrée, étant donné l’absence d’une description détaillée de sa position pendant qu’elle vomissait et l’absence présumée d’une description détaillée de ses vêtements et de ceux du membre visé le soir en question. Encore une fois, l’absence de détails sur ces points n’enlève rien à la pertinence générale de son compte rendu principal sur l’inconduite. En fait, la gend. N a donné une description générale de son jean et de ses sous-vêtements.

[34]  De plus, j’ai tenu compte des souvenirs de la gend. N qu’elle a claqué la porte de la salle de bains au nez du cap. Philpott ou de sa conjointe parce qu’elle devait se rendre à la toilette pour vomir de nouveau. Le cap. Philpott ne se souvient tout simplement pas de cet incident. Je n’estime pas que la confirmation solide du cap. Philpott quant à ce point est suffisante pour invalider le souvenir clair de la gend. N qu’elle vomissait et que le membre visé lui frottait le dos par-dessus ses vêtements d’une manière apparemment réconfortante et non répréhensible. Je conclus qu’il a ensuite glissé sa main dans le jean extensible de la gend. N ainsi que dans ses sous-vêtements ordinaires (c.-à-d. pas de style string) et qu’il a touché ses fesses avec sa main très brièvement avant que celle-ci étire le bras et repousse effectivement sa main, faisant sortir celle-ci de son jean et rompant le contact avec ses fesses.

[35]  En gros, j’estime que les lacunes ou les détails manquants dans le compte rendu de la gend. N relevés par la RM, qui concernent principalement des questions secondaires pour lesquelles il y a une incohérence observée ou un manque de précision ou de détails, ne nuisent pas à la fiabilité de l’ensemble des éléments de preuve présentés par la gend. N.

[36]  À mon avis, la réticence de la gend. N à déclarer ce cas et à y donner suite ne suggère pas une incertitude ou un manque de fiabilité quant à ses souvenirs des principales caractéristiques des contacts sexuels qui ont eu lieu.

[37]  Je conclus plutôt que sa déclaration enregistrée comprend un compte rendu équilibré dans lequel la gend. N admet clairement que ses souvenirs sont limités relativement à certains détails et présente un déroulement de la situation qui est plausible et ordinaire sur le plan physique, qui passe d’une simple caresse ou d’un simple tapotement dans le dos réconfortant à une brève intrusion non consensuelle par la paume du membre visé dans ses sous-vêtements et son jean.

[38]  Je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’identification par la gend. N du membre visé comme la personne qui s’est livrée au contact non consensuel avec ses fesses est fiable, car je ne crois pas qu’elle aurait confronté le membre visé après la séance de formation de rattrapage sur les armes à feu qu’ils ont suivie ensemble si elle n’était pas certaine de l’identité de l’auteur de l’acte. Elle connaissait le membre visé dans le cadre de son travail et il lui aurait fallu peu d’efforts, voire aucun, pour déterminer qu’il était la personne qui se trouvait dans la salle de bains avec elle.

[39]  Je conclus que la gend. N était manifestement ivre lorsqu’elle était dans la salle de bains. Elle l’a admis sans réserve, mais son identification du membre visé et son compte rendu du principal acte d’inconduite commis par ce dernier, tel qu’il est décrit dans la dernière partie de la précision 4, sont assez clairs et convaincants pour satisfaire à la norme de preuve applicable.

[40]  Selon la prépondérance des probabilités, le compte rendu fourni par la gend. N constitue une preuve suffisante pour établir les précisions de l’allégation. Une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris la réalité des services de police en général et, plus particulièrement, celle de la GRC, considérerait le comportement du membre visé comme susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Par conséquent, je conclus que l’allégation est fondée.

[41]  Je souligne qu’à la précision 4, on mentionne les actes « toucher et tripoter ». Cette combinaison de mots provient probablement de la déclaration enregistrée de la gend. N. À mon avis, il y a un certain dédoublement dans l’utilisation des mots « toucher et tripoter », car il serait difficile de tripoter une personne sans la toucher.

[42]  En ce qui concerne le contexte global du toucher et du tripotage, la période pendant laquelle la main du membre visé était en contact avec les fesses de la gend. N semble avoir été brève. Une définition officielle de tripotage pourrait plutôt inclure l’acte de serrer ou de saisir délibérément. Qu’il fût question de toucher ou de tripotage, je tiens à souligner que, selon la déclaration de la gend. N, il est clair que le contact physique a été bref; la gend. N a immédiatement réagi et, lorsque sa main est entrée en contact probablement avec le poignet ou le bras du membre visé, la main de ce dernier a immédiatement été repoussée.

[43]  Je constate qu’il y a mention de « contacts sexuels inappropriés » à la précision 6. Selon la déclaration de la gend. N, je considère qu’aucun acte d’inconduite n’est mentionné avant la deuxième moitié de la précision 4. Je considère que le membre visé étant présent dans la salle de bains et ayant touché le dos de la gend. N fait plutôt partie des faits. L’allégation est présentée selon l’article 7.1, mais je n’estime pas que la simple entrée par le membre visé dans la salle de bains où se trouvait la gend. N peut mener à la constatation de conduite déshonorante ni le fait que le membre visé a ensuite frotté le dos de la gend. N. J’adopte cette opinion parce qu’il est raisonnable, selon l’examen de la déclaration de la gend. N, de comprendre qu’elle estimait que la caresse ou le tapotement dans le dos était réconfortant et relativement inoffensif.

[44]  Le fait que la main du membre visé a ensuite été glissée sous la ceinture de la gend. N à l’arrière de son jean ne transforme pas en inconduite ce qu’elle estimait être une sorte de caresse ou de tapotement dans le dos réconfortant ou compatissant. Plus précisément, à mon avis, le fait que le membre visé a glissé sa main dans le pantalon de la gend. N est le début de l’inconduite, car cela constitue un contact sexuel inapproprié.

[45]  Puisque l’allégation est réputée fondée, l’étape des mesures disciplinaires a fait l’objet d’une audience tenue par vidéoconférence le 26 mars 2019. On a convenu que les parties présenteraient des observations écrites avant la tenue de l’audience.

MESURES DISCIPLINAIRES

Position des parties

[46]  Le RAD demande une ordonnance enjoignant le membre visé à démissionner dans un délai de 14 jours, sans quoi il serait congédié, conformément à l’alinéa 45(4)b) de la Loi sur la GRC. Sinon, si la perte d’emploi du membre visé n’est pas obtenue, le RAD demande ce qui suit :

  • une pénalité financière de l’ordre de 30 à 45 jours de solde [alinéa 5(1)g) des CC (déontologie)]
  • l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans [alinéa 5(1)b) des CC (déontologie)];
  • une réprimande [alinéa 3(1)i) des CC (déontologie)];
  • l’obligation d’assister à des séances de counseling.

[47]  La RM demande les mesures disciplinaires suivantes :

  • la confiscation d’un total de 10 à 15 jours de solde ou de congé;
  • l’obligation de subir tout traitement, y compris d’obtenir des services de counseling continu, recommandé par le médecin-chef de la Division H;
  • une réprimande.

Documents déposés

[48]  Le 4 mars 2019, la RM a déposé un certain nombre de documents à utiliser pour l’étape des mesures disciplinaires de l’audience :

  • Lettre du membre visé à l’intention du Comité de déontologie;
  • Documents du bureau des Services de santé;
  • Lettre d’une psychologue concernant le membre visé et son curriculum vitæ;
  • Lettre d’un professionnel de la santé au sujet de l’enfant du membre visé;
  • Documents d’évaluation du rendement (9);
  • Prix et marques de reconnaissance;
  • Lettres de référence (6);
  • Lettre d’excuses du membre visé à l’intention de la gend. N.

[49]  La RM a aussi demandé une interdiction de publication concernant les dossiers médicaux et psychologiques du membre visé ainsi que toute mention de l’état de santé de son enfant. Lors de l’audience tenue par vidéoconférence le 26 mars 2019, et puisque le RAD ne s’est pas opposé à la demande, le Comité de déontologie a rendu une ordonnance d’interdiction de publication concernant trois documents précis, désignés comme « HSO docs », « Lang letter » et « psych letter_cv », ainsi que toute mention dans la transcription concernant l’état de santé de l’enfant.

[50]  Le 13 mars 2019, j’ai reçu les observations du RAD pour l’étape des mesures disciplinaires, y compris des copies des décisions suivantes :

  • Autorité disciplinaire de la Division E et gendarme Caram, 2017 DARD 8 Corrigé [décision Caram]
  • Autorité disciplinaire de la Direction générale et membre civil Calandrini, 2018 DARD 10 [décision Calandrini]
  • Autorité disciplinaire de la Division E et gendarme Rasmussen, 2018 DARD 14 [décision Rasmussen]
  • Autorité disciplinaire de la Division E et sergent Turner, 2018 DARD 16 [decision Turner]

[51]  Lors de l’audience tenue par vidéoconférence du 26 mars 2019, le membre visé s’est adressé brièvement et sans prêter serment au Comité de déontologie. Il s’est excusé et a posé des questions aux représentants. Le Comité de déontologie a remis le prononcé de sa décision relative aux mesures disciplinaires.

Éventail de mesures disciplinaires

[52]  Selon le régime disciplinaire antérieur de la GRC, lorsqu’une décision définitive écrite était rendue par un comité d’arbitrage, il était pratique courante, au moment de déterminer la pénalité appropriée pour une inconduite établie, pour le comité d’arbitrage de déterminer d’abord l’éventail de pénalités imposées pour des actes d’inconduite semblables. Cette pratique a été adoptée par les comités de déontologie devant se prononcer relativement aux allégations soulevées dans le cadre du présent système de gestion des cas d’inconduite, qui est en place depuis le 28 novembre 2014.

[53]  Le RAD soutient que l’éventail de mesures applicables pour les cas de contact sexuel et d’attouchement inappropriés en dehors des heures de travail varie de la confiscation de 15 jusqu’à 45 jours de solde à la perte d’emploi. Cela est conforme à l’analyse trouvée dans la décision Caram, aux paragraphes 94 et 95. En l’espèce, après avoir examiné la jurisprudence applicable et le Guide des mesures disciplinaires de la GRC, l’éventail de mesures disciplinaires imposées pour des actes d’attouchement non consensuel à des fins sexuelles en dehors des heures de travail semble varier de pénalités financières importantes à la perte d’emploi selon la nature des actes précis commis et les facteurs atténuants et aggravants.

Mesures disciplinaires proportionnées

[54]  Selon le paragraphe 24(2) des CC (déontologie), « le Comité de déontologie impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au Code de déontologie ». La partie 11.15 du chapitre XII.I Déontologie du Manuel d’administration précise qu’il faut tenir compte des circonstances atténuantes et aggravantes au moment de déterminer les mesures disciplinaires appropriées en ce qui concerne la contravention au Code de déontologie commise par le membre visé.

[55]  Le Manuel d’administration comprend l’annexe XII 1.20, qui donne une liste relativement exhaustive de circonstances aggravantes et atténuantes possibles, ainsi qu’une définition de chacune d’elles :

Circonstances atténuantes : « Faits ou situations qui n’ont aucune incidence sur la culpabilité d’un défendeur, mais dont la cour tient compte au moment d’imposer une pénalité, particulièrement pour diminuer la sévérité d’une peine. » (traduction) [Black’s Law Dictionary, 8e édition]. Les circonstances atténuantes ne constituent pas une justification ou une excuse pour l’infraction, mais en toute équité, elles peuvent être prises en considération pour réduire la sévérité de la pénalité à imposer afin de gérer l’inconduite de manière appropriée.

Circonstances aggravantes : « Circonstances de la perpétration d’un crime ou d’un délit qui augmentent la culpabilité ou la gravité ou qui ajoutent aux conséquences préjudiciables, mais qui vont au-delà des éléments essentiels du crime ou du délit en soi. » (traduction) [Black’s Law Dictionary, 6e édition].

Circonstances aggravantes

[56]  Je considère les facteurs suivants comme des circonstances aggravantes :

  • La gravité de ce type d’inconduite, qui est manifeste et évident. En se fondant principalement sur l’avis de la gend. N que l’inconduite devrait uniquement être traitée dans le cadre du processus disciplinaire interne, il semble que les actes du membre visé n’ont pas donné lieu à une poursuite au criminel. Néanmoins, l’inconduite a compris un contact sexuel bref, mais quand même intrusif avec une victime vulnérable. Le RAD décrit l’inconduite comme étant très grave, puisqu’elle a compris un « contact sexuel non souhaité avec une membre qui était dans une position très vulnérable » (traduction). Je conclus que, au moment de l’inconduite du membre visé, la gend. N était dans une position vulnérable, tant en ce qui concerne sa position physique (située près d’une toilette ou penchée par-dessus une toilette, probablement à genoux, avec le membre visé situé à côté d’elle ou derrière elle) et son état physique (état d’ébriété avancé et surconsommation d’alcool ayant entraîné des vomissements).
  • Il y a eu une consommation excessive d’alcool, étant donné que le membre visé admet avoir des épisodes de perte de mémoire, dont celui-ci, où il ne peut pas se rappeler ce qui s’est passé pendant qu’il était ivre.
  • L’incident a eu des répercussions émotionnelles sur la gend. N. Le RAD soutient que l’inconduite du membre visé a eu une incidence marquée sur la gend. N, « tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel, pendant une longue période » (traduction). J’estime respectueusement qu’il s’agit d’une évaluation quelque peu exagérée de l’incidence du contact sexuel. Il est vrai que, dans sa déclaration, la gend. N affirme que, puisqu’elle n’a pas immédiatement pris des mesures pour gérer l’incident, cela l’a « consumé ». Mais je dois également tenir compte de la façon dont la gend. N a décrit le peu d’importance qu’elle accordait à l’attouchement lorsqu’elle l’a mentionné, la première fois et de façon générale, en passant à la gend. Smith :

[...] C’était si mineur ou nonchalant, c’était une partie d’une conversation et lorsque [son superviseur permanent] a mentionné que quelqu’un était venu lui parler d’un sujet ou d’un incident qui m’était arrivé ou d’une chose que j’avais dite, je ne savais pas à quoi [le superviseur permanent] faisait allusion, voilà à quel point il s’agissait d’un commentaire mineur ou à quel point ce n’était pas important pour moi pendant cette conversation. (traduction) [Déclaration, 21 août 2017, page 2]

À partir de décembre 2011, je ne peux cerner aucune incidence importante sur la gend. N sur le plan professionnel. Il n’y a pas suffisamment de renseignements pour conclure que l’inconduite a eu une « incidence négative durable » sur la gend. N. En outre, la gend. N mentionne dans sa déclaration qu’elle a fait une dépression, mais je ne dispose d’aucun document permettant d’établir que l’inconduite du membre visé a causé ou exacerbé sa dépression. La déclaration de la gend. N révèle une personne qui fait preuve de beaucoup de bon sens, qui possède un esprit pratique et la capacité d’évaluer correctement les faits et de les présenter sans exagérer et qui met les épreuves de la vie en perspective.

  • La Gendarmerie informe tous ses employés clairement et depuis longtemps que le harcèlement, dont le harcèlement et l’inconduite à caractère sexuel, est inacceptable et entraînera de graves conséquences sur l’emploi.

Circonstances atténuantes

[57]  Je considère les facteurs suivants comme des circonstances atténuantes :

  • Le membre visé, qui a bénéficié des conseils de sa RM, n’a pas entièrement admis à la contravention dans ses réponses écrites à l’allégation. Il n’a plutôt ni admis ni nié l’allégation et a souligné des aspects du compte rendu de la gend. N, ainsi que des aspects accessoires d’autres déclarations, qui pourraient miner la fiabilité des souvenirs de celle-ci relativement au contact sexuel. Toutefois, le membre visé a démontré qu’il souhaitait régler l’affaire rapidement (il n’a demandé le témoignage d’aucun témoin) et réaliser l’étape des mesures disciplinaires sans tarder.
  • Le membre visé, qui ne se souvient pas de l’incident, s’est néanmoins excusé profondément auprès de la gend. N lorsqu’elle lui en parlé après la séance de formation de rattrapage vers le mois d’avril 2016. Dans le cadre du présent processus disciplinaire, il a présenté une lettre d’excuses à l’intention de la gend. N, et il convient maintenant de la lui remettre. Lorsque le membre visé a pris la parole pendant l’audience tenue par vidéoconférence, il s’est excusé sincèrement. J’estime que le membre visé éprouve de profonds remords à l’égard de son inconduite en décembre 2011.
  • Le membre visé n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires. Compte tenu de la longue période de temps qui s’est écoulée, j’ai la conviction que cette inconduite est un incident isolé, puisque le membre visé n’a pas commis d’inconduite depuis l’incident survenu en décembre 2011.
  • Le dossier de travail du membre visé est supérieur à la moyenne.
  • Le membre visé a toujours le soutien de son superviseur (sous-officier supérieur), celui de ses anciens superviseurs et collègues et celui de ses superviseurs et collègues actuels. Les lettres de référence permettent d’établir que l’inconduite était clairement inhabituelle. Elles confirment également les activités communautaires et pour les jeunes auxquelles le membre visé accorde beaucoup de temps.
  • Il y avait des facteurs de stress dans la vie personnelle du membre visé au moment de son inconduite en décembre 2011. Le RAD reconnaît, et je conviens, qu’au moment de l’inconduite, le membre visé vivait du stress et consommait de l’alcool au point de perdre la mémoire, mais il a depuis reconnu qu’il avait un problème de consommation d’alcool et ne se sert plus de l’alcool comme mécanisme d’adaptation.
  • En 2008, le membre visé a appris qu’il était atteint d’une maladie grave pour laquelle il a dû subir des traitements intensifs et prendre un congé prolongé pour raisons médicales. La famille a dû déménager afin de se rapprocher des fournisseurs de soins, et elle a fait face à des contraintes financières inattendues liées à sa résidence. Je n’estime pas que ces contraintes financières ont créé un facteur de stress distinct qui aurait contribué au comportement du membre visé en décembre 2011.

En août 2009, le membre visé est retourné au travail. De 2009 à 2014, je reconnais que le membre visé a fait l’objet d’évaluations régulières pour repérer la récidive de sa maladie, le cas échéant, et il a vécu beaucoup de stress à certains moments. Un pronostic positif (déclarant le membre visé en parfaite santé) a seulement été reçu en 2014.

De plus, des problèmes de santé touchant un des enfants du membre visé ont été diagnostiqués quand celui-ci était très jeune, mais ils ont depuis été traités.

  • Le membre visé a demandé et obtenu des services de counseling. Il a commencé son traitement psychologique peu après sa suspension le 25 juillet 2018, ce qui démontre qu’il est disposé à obtenir des services de counseling en vue de traiter toute dépendance malsaine et sous-jacente à l’alcool ou la consommation excessive et périodique d’alcool. Je suis convaincu que le membre visé a pris conscience de sa consommation excessive d’alcool antérieure, principalement en raison du passage ci-dessous tiré de sa lettre à l’intention du Comité de déontologie datée du 4 mars 2019 :

Quand je repense à ma vie au moment de mon inconduite, je réalise que [ma conjointe] et moi avions d’importantes sources de stress dans notre vie et que j’ai parfois consommé de l’alcool de façon inappropriée pour mieux gérer ce stress. Pendant cette période de ma vie, il m’arrivait parfois de consommer de l’alcool de façon excessive et, par conséquent, à quelques reprises, j’étais intoxiqué au point de perdre la mémoire. La soirée où j’ai commis mon inconduite est l’une de ces occasions. Au fil du temps, le stress a diminué, ainsi que ma consommation inappropriée d’alcool. Je n’ai pas été intoxiqué au point de perdre la mémoire depuis environ 2012. J’ai appris que la consommation excessive d’alcool n’est pas une façon de gérer le stress et je ne consomme plus d’alcool de cette façon. Depuis juillet 2018, j’ai demandé des services de counseling en raison du stress causé par mon inconduite et par les procédures disciplinaires subséquentes afin de m’assurer de gérer ce stress d’une manière saine et d’essayer de devenir une meilleure personne. (traduction)

  • J’estime qu’il y a peu de risque que le membre visé répète les contacts sexuels inappropriés qui sont au coeur de la présente affaire. En outre, étant donné la volonté du membre visé de suivre une thérapie, je crois qu’il est possible de surveiller et d’appuyer sa consommation responsable d’alcool au moyen de services de counseling jugés appropriés par des experts du domaine de la santé. Je considère que le membre visé est un bon candidat à la réadaptation complète.

[58]  Le RAD soutient qu’il manque, dans les circonstances du membre visé, certaines circonstances atténuantes importantes qui étaient présentes dans l’affaire Caram, où le Comité n’a pas choisi la perte d’emploi du membre. Dans l’affaire Caram, le membre souffrait d’un trouble d’anxiété sociale non traité qui contribuait directement et considérablement à sa surconsommation d’alcool; par conséquent, son recours à l’intoxication extrême était clairement lié à son état psychologique à ce moment-là.

[59]  Le RAD soutient également que le membre dans l’affaire Caram a présenté un témoignage impressionnant au Comité, alors que le membre visé a uniquement déposé une lettre datée du 4 mars 2019, pour laquelle il n’a pas subi un contre-interrogatoire. En toute déférence, cet argument par le RAD n’est pas jugé convaincant. Le RAD ne s’est pas opposé à ce que le membre visé s’adresse au Comité de déontologie sans prêter serment ou faire l’affirmation solennelle d’abord, il ne s’est pas opposé au dépôt de la lettre du membre visé ni à son contenu et il n’a pas demandé de faire subir un examen au membre visé pendant l’étape des mesures disciplinaires de l’audience.

[60]  De plus, le RAD souligne que, dans l’affaire Caram, le contact sexuel avait eu lieu à l’extérieur des vêtements qui couvraient les seins de la victime, alors que la main du membre visé a directement touché les fesses de la gend. N sous ses vêtements. Par conséquent, le RAD soutient qu’il manque donc, dans le cas du membre visé, des éléments importants qui étaient présents dans l’affaire Caram ou que son cas contient des circonstances aggravantes supplémentaires qui justifient la prise de la mesure disciplinaire la plus sévère pour le membre visé.

[61]  Je conviens que le contact sexuel commis par le membre visé constitue une inconduite grave et peut être considéré comme plus intrusif que les trois autres incidents de contact sexuel qui ont été établis dans l’affaire Caram. Mais après avoir examiné les observations des parties, les documents déposés dans le cadre de l’étape des mesures disciplinaires de l’audience et la nature et les circonstances de la contravention, ainsi que les circonstances aggravantes et atténuantes, je n’estime pas que la perte d’emploi est une mesure proportionnée au seul acte d’inconduite du membre visé. En l’espèce, des mesures très sévères sauf le congédiement peuvent dénoncer, sanctionner et corriger adéquatement l’inconduite du membre visé ainsi que permettre de déterminer et de surveiller toute thérapie de réadaptation nécessaire. Par ailleurs, les mesures sauf le congédiement peuvent également traiter adéquatement les questions liées au milieu de travail respectueux et à la confiance du public qui ont été abordées avec éloquence aux paragraphes 308 et 314 de la décision Turner.

[62]  Dans l’affaire Calandrini, au paragraphe 182, le Comité a soigneusement fait la distinction entre les circonstances où il y a une série d’incidents visant une seule personne (décision Calandrini) et les circonstances où il y a les transgressions d’un fêtard ivre visant un certain nombre de personnes malchanceuses (décision Caram). Nonobstant l’importance qu’il convient d’accorder à la dissuasion générale dans l’affaire Calandrini pour lutter contre le harcèlement continu en milieu de travail à la GRC, je crois qu’il ne faut pas perdre de vue le fait que la situation du membre visé est celle d’un fêtard ivre en dehors des heures de travail et non celle d’une personne qui en harcèle d’autres de façon délibérée dans un milieu de travail.

Mesures disciplinaires imposées

[63]  En ce qui concerne une pénalité financière immédiate, la RM propose la confiscation de 10 à 15 jours de solde ou de congé annuel, ou une combinaison des deux. Si la perte d’emploi n’est pas acceptée, le RAD insiste pour la perte de 30 à 45 jours. Nonobstant les circonstances atténuantes en l’espèce, je considère qu’il convient d’imposer une pénalité financière de confiscation de 30 jours de solde pour la contravention visée par l’allégation; cette mesure tient adéquatement compte des principales circonstances aggravantes : le caractère intrusif des attouchements, la vulnérabilité de la victime au moment des attouchements et les messages envoyés par la Gendarmerie, depuis au moins décembre 2011, informant ses employés que l’inconduite sexuelle est inacceptable et ne sera pas tolérée.

[64]  J’estime qu’il convient d’imposer, à titre de mesure punitive et grave supplémentaire, une période d’inadmissibilité à toute promotion de deux ans qui entre en vigueur à la date de la présente décision écrite. Compte tenu du fait que le membre visé est un enquêteur chevronné, qu’il a toujours obtenu des évaluations de rendement positives et qu’il semble être en mesure d’exercer avec succès un rôle de supervision, je reconnais que le membre visé aurait très bien pu obtenir une promotion dans un avenir rapproché. Cependant, pour bien faire comprendre au membre visé le caractère extrêmement inacceptable de son comportement et pour montrer clairement aux membres du public et aux employés de la Gendarmerie à quel point le service de police national du Canada prend ce type d’inconduite au sérieux, les pénalités financières et l’inadmissibilité à une promotion sont toutes deux des mesures proportionnées justifiées. J’admets que les mesures disciplinaires que j’impose maintenant visent une inconduite commise en décembre 2011, mais l’inconduite en dehors des heures de travail du membre visé concernait une collègue, et une admissibilité ininterrompue à une promotion ne serait pas, à mon avis, une mesure proportionnée.

[65]  Dans l’ensemble, je considère que les mesures disciplinaires choisies susmentionnées auront un effet dissuasif tant sur le membre visé que sur tous les membres dont le comportement (au travail et en dehors des heures de travail) est assujetti aux dispositions de la Loi sur la GRC.

[66]  De plus, il est approprié d’obliger le membre visé à obtenir des services de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou à son alcoolisme ainsi que tout autre service de counseling que le médecin-chef juge appropriés. Rien ne laisse croire que le membre visé s’est abstenu de consommer de l’alcool après avoir été confronté par la gend. N vers le mois d’avril 2016 ou depuis le début de l’enquête officielle sur l’allégation. Le membre visé a mentionné que la dernière fois où il a eu une perte de mémoire en raison d’une consommation excessive d’alcool était en 2012. Malgré le temps qui s’est écoulé depuis décembre 2011, j’estime que l’obligation d’obtenir des services de counseling est nécessaire pour assurer le succès de la réadaptation du membre visé.

CONCLUSION

[67]  Le Comité de déontologie impose les mesures disciplinaires suivantes :

  • une réprimande (que cette décision écrite constitue);
  • la confiscation de 30 jours (240 heures) de solde;
  • l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans à compter de la date de la décision du Comité;
  • l’obligation d’obtenir tout service de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou à son alcoolisme ainsi que tout autre service de counseling que le médecin-chef de la Division H ou son remplaçant juge appropriés.

[68]  Les parties peuvent interjeter appel de cette décision auprès de la commissaire, tel qu’il est prévu dans la Loi sur la GRC.

 

 

Le 15 mai 2019

John A. McKinlay

Comité de déontologie

 

Date

 

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