Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire initial, daté du 12 avril 2016, contenait deux allégations de conduite déshonorante découlant des interactions du gendarme Brown avec une employée de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). La procédure initiale a fait l’objet d’une suspension, laquelle a été contestée avec succès par l’autorité disciplinaire dans le cadre d’un appel devant le commissaire. Par conséquent, la tenue d’une nouvelle audience a été ordonnée.
De nouveaux comités de déontologie ont été nommés le 31 mai 2018 puis le 10 octobre 2018. L’avis d’audience disciplinaire a été modifié le 27 mai 2019 de façon à ne contenir qu’une seule allégation de conduite déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Une décision a été rendue de vive voix le 4 juillet 2019 relativement à cette affaire. Le comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée. Une recommandation conjointe sur les mesures à prendre a été acceptée par le comité de déontologie et les mesures disciplinaires suivantes ont été prises : a) une pénalité financière équivalant à 30 jours de solde; b) une mutation à un autre lieu de travail.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier 2019 DARD 12

Interdiction de publication : Tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la personne appelée Mme X dans la présente décision ne peut être publié, diffusé ou transmis de quelque façon que ce soit.

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Audience disciplinaire

dans l’affaire intéressant la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10

ENTRE :

Commandant de la Division K

Autorité disciplinaire

et

Gendarme Lee Brown, numéro de matricule 54267

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Christine Sakiris

Le 6 septembre 2019

Représentant de l’autorité disciplinaire :

M. Denis Morel

Représentante du membre visé :

Mme Nicole Jedlinski


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ  3

INTRODUCTION  4

ALLÉGATION  6

Décision relative à l’allégation  7

MESURES DISCIPLINAIRES  8

Facteurs atténuants et aggravants  11

Décision relative aux mesures disciplinaires  13

CONCLUSION  13

 

 

RÉSUMÉ

L’avis d’audience disciplinaire initial, daté du 12 avril 2016, contenait deux allégations de conduite déshonorante découlant des interactions du gendarme Brown avec une employée de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). La procédure initiale a fait l’objet d’une suspension, laquelle a été contestée avec succès par l’autorité disciplinaire dans le cadre d’un appel devant le commissaire. Par conséquent, la tenue d’une nouvelle audience a été ordonnée.

De nouveaux comités de déontologie ont été nommés le 31 mai 2018 puis le 10 octobre 2018. L’avis d’audience disciplinaire a été modifié le 27 mai 2019 de façon à ne contenir qu’une seule allégation de conduite déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Une décision a été rendue de vive voix le 4 juillet 2019 relativement à cette affaire. Le comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée. Une recommandation conjointe sur les mesures à prendre a été acceptée par le comité de déontologie et les mesures disciplinaires suivantes ont été prises : a) une pénalité financière équivalant à 30 jours de solde; b) une mutation à un autre lieu de travail.


 

INTRODUCTION

[1]  Les incidents allégués en l’espèce se sont produits entre décembre 2013 et mars 2014. Une enquête relative au Code de déontologie a été ouverte le 12 mai 2014. Une enquête criminelle a été menée par l’Alberta Serious Incident Response Team. Cependant, aucune accusation criminelle n’a été portée [1] .

[2]  Le comité de déontologie initial dans la présente affaire a été constitué le 8 avril 2015, en application du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10 (la Loi sur la GRC). L’avis d’audience disciplinaire initial, contenant deux allégations de contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC (le Code de déontologie), a été signifié au membre visé le 12 avril 2016.

[3]  Dans une décision écrite datée du 19 octobre 2016, le comité de déontologie a accueilli la requête en suspension des procédures présentée par la représentante du membre visé (la RM). Le comité de déontologie a conclu que le délai ayant précédé la délivrance de l’avis d’audience disciplinaire était inacceptable et constituait un abus de procédure. La suspension des procédures a été contestée avec succès par l’autorité disciplinaire dans le cadre d’un appel devant le commissaire. Par conséquent, le 9 avril 2016, la tenue d’une nouvelle audience devant un comité de déontologie différemment constitué a été ordonnée en vertu de l’alinéa 45.16(1)b) de la Loi sur la GRC. Un nouveau comité de déontologie a été constitué le 31 mai 2018. À la suite du retrait de ce comité de déontologie et en application du paragraphe 43(1) de la Loi sur la GRC, j’ai été désignée à titre de comité de déontologie dans la présente affaire le 10 octobre 2018.

[4]  En juin 2018, la RM a soulevé certaines questions quant à la portée d’une « nouvelle audience » tenue en vertu de la Loi sur la GRC. Lors d’une conférence préparatoire tenue le 17 décembre 2018, j’ai ordonné que soient signifiés au membre visé un nouvel avis d’audience disciplinaire et le rapport d’enquête. Le nouvel avis d’audience disciplinaire ainsi que le rapport d’enquête ont été signifiés au gendarme Brown le 18 janvier 2019.

[5]  Cet avis d’audience disciplinaire contenait deux allégations de contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie découlant d’interactions entre le gendarme Brown et une employée de la GRC. Conformément à l’interdiction de publication imposée lors de l’audience du 4 juillet 2019, cette employée sera désignée comme étant Mme X.

[6]  À la suite de discussions entre le représentant de l’autorité disciplinaire (le RAD) et la RM, un règlement provisoire a été conclu et a été présenté sous toutes réserves lors d’une conférence préparatoire le 1er avril 2019. Il a été proposé que l’allégation 1 soit modifiée et que l’allégation 2 soit retirée.

[7]  Une autre conférence préparatoire s’est tenue le 22 mai 2019, lors de laquelle le RAD a confirmé que la plaignante en l’espèce avait été consultée. À l’issue de cette conférence préparatoire, j’ai donné mon approbation de principe aux modifications proposées.

[8]  Un avis d’audience disciplinaire modifié ne contenant qu’une seule allégation de conduite déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie, a été présenté au comité de déontologie le 27 mai 2019. La signification de l’avis d’audience disciplinaire modifié a été acceptée par la RM, au nom du gendarme Brown.

[9]  Le 10 juin 2019, le gendarme Brown a présenté sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire modifié, suivant l’article 15 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, réponse dans laquelle il a admis l’allégation et l’énoncé détaillé de celle-ci.

[10]  Le 4 juillet 2019, une audience a été tenue par vidéoconférence. Lors de cette audience, le RAD a demandé une ordonnance de non-publication à l’égard de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la plaignante en l’espèce. J’ai rendu l’ordonnance de non-publication suivante, en vertu de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC :

[TRADUCTION]

Donc à cette fin, si nous appelons la plaignante Mme X, je vais rendre l’ordonnance de non-publication suivante : En vertu de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC, j’ordonne que soient interdites la publication, la diffusion ou la transmission, de quelque façon que ce soit, de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de Mme X.

[11]  Dans une décision rendue de vive voix, j’ai conclu que l’allégation 1, telle que modifiée, était fondée. J’ai en outre accepté la recommandation conjointe des parties relativement aux mesures disciplinaires à prendre. La présente décision écrite intègre et approfondit la décision rendue de vive voix.

ALLÉGATION

[12]  L’allégation 1 et l’énoncé détaillé modifiés sont les suivants. J’ai modifié le texte de façon à donner effet à l’ordonnance de non-publication :

[TRADUCTION]

Allégation 1 : Le 2 mars 2014 ou vers cette date, […] dans la province de l’Alberta, le gendarme Lee Brown a eu une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la GRC, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation :

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada affecté à la Division K, dans la province de l’Alberta.

2. En février 2013, Mme X a commencé à travailler [pour la GRC]. Mme X vous a rencontré au travail peu après son entrée en fonction [à la GRC]. Vous avez développé une relation d’amitié au travail et avez, après quelque temps, commencé à échanger des messages textes, dont certains avaient un ton séducteur. Cette amitié n’a pas évolué en dehors du contexte professionnel.

3. Le 2 mars 2014, vers [22 h 30], Mme X a pris sa pause repas et s’est rendue au gymnase du Détachement […]. Vous saviez qu’elle se trouvait au gymnase. Alors que vous étiez de service et en uniforme, vous êtes entré dans le gymnase où Mme X se trouvait, seule, et vous vous êtes approché d’elle. Vous avez entrepris de la séduire.

4. Vous avez commencé à faire des commentaires déplacés et des avances sexuelles à Mme X, notamment :

  Vous lui avez demandé s’il serait déplacé de lui demander de vous toucher à un endroit inapproprié.

  Vous avez pris sa main et l’avez placée sur votre aine, là où votre pantalon couvrait votre pénis en érection.

5. Mme X vous a dit que vous étiez mieux de partir puisque quelqu’un risquait d’entrer, mais vous êtes resté. Elle s’est éloignée de vous et s’est rendue dans une autre partie du gymnase pour faire des étirements. Vous vous êtes approché d’elle par derrière et vous avez posé les gestes suivants :

  Vous lui avez pris les hanches par derrière et avez fait un mouvement de va-et-vient, simulant une relation sexuelle.

  Vous avez tiré sur sa queue de cheval à deux reprises pendant que vous simuliez une relation sexuelle en lui demandant si cela lui plaisait.

  Vous avez posé vos mains sur sa région pubienne, par-dessus ses vêtements, et l’avez caressée.

6. Vos gestes étaient non sollicités et ils ont rendu Mme X mal à l’aise au point qu’elle a quitté le gymnase.

Décision relative à l’allégation

[13]  L’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC est ainsi libellé : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. »

[14]  Le critère à appliquer relativement à une « conduite déshonorante » selon l’article 7.1 du Code de déontologie est le suivant : l’autorité disciplinaire doit prouver les actes qui constituent le comportement allégué, ainsi que l’identité du membre qui aurait commis ces actes. Étant donné que le gendarme Brown a admis l’allégation et l’énoncé détaillé, je conclus que les deux premiers volets du critère sont respectés.

[15]  Je dois maintenant décider si les troisième et quatrième volets du critère sont respectés, à savoir si la conduite du membre visé est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC et si elle est suffisamment liée aux devoirs et fonctions du membre pour donner à la GRC un motif légitime de prendre des mesures disciplinaires.

[16]  La conduite du membre visé, décrite dans l’énoncé détaillé, pose problème à deux égards. Premièrement, il s’est conduit d’une façon qui est considérée comme inappropriée dans n’importe quel milieu de travail. Même si le membre visé n’était pas le superviseur immédiat de Mme X, il était de service au moment de l’incident. Ses actes vont directement à l’encontre de sa position de confiance en tant qu’agent de police.

[17]  Deuxièmement, le membre visé s’est notamment livré à des attouchements sexuels sur Mme X. Ses gestes, non sollicités, ont rendu Mme X mal à l’aise. Les gestes du membre visé constituent une inconduite sexuelle.

[18]  Il est bien établi que les agents de police sont tenus à une norme plus élevée que la population en général. Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie, qu’ils soient de service ou non. Je juge qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités du travail policier en général et de celles de la GRC plus particulièrement, serait d’avis que les gestes du membre visé sont susceptibles de jeter le discrédit sur la GRC.

[19]  Étant donné que la GRC a publié plusieurs communications, tant internes qu’externes, indiquant que toute inconduite sexuelle avérée a de lourdes conséquences, je juge que les gestes du membre visé sont suffisamment liés à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un motif légitime de prendre des mesures disciplinaires.

[20]  L’allégation 1, telle que modifiée, est donc établie selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[21]  Ayant conclu que l’allégation est établie, je suis tenue, en application du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et selon le Guide des mesures disciplinaires de la GRC, de prendre « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence de circonstances atténuantes ou aggravantes ». Aux termes de l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, il convient de prévoir des « mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[22]  Le RAD et la RM ont présenté une recommandation conjointe sur les mesures disciplinaires. Les mesures proposées comprennent la confiscation de 30 jours de solde et la mutation à un autre lieu de travail. Elles constituent des mesures disciplinaires graves au sens de l’article 5 des Consignes du commissaire (déontologie). Je ne savais pas exactement, lorsque les mesures ont été proposées à l’audience, si les parties cherchaient à obtenir une recommandation pour une mutation ou si la mutation constituait une mesure à proprement parler dans la recommandation conjointe. J’ai pu confirmer, au cours de l’audience, que la mutation constituait une mesure à proprement parler.

[23]  Lorsqu’une recommandation conjointe sur des mesures disciplinaires est présentée, il n’existe que très peu de circonstances dans lesquelles un comité de déontologie peut rejeter les mesures proposées.

[24]  La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions en vue d’un règlement, de même que les solides raisons de principe qui favorisent la promotion de la certitude pour les parties, lorsqu’un règlement est atteint [2] .

[25]  De façon générale, les cours de justice ou les tribunaux administratifs n’écarteront pas un règlement conclu par les parties, à moins que le règlement ne soit contraire à l’intérêt public.

[26]  Par conséquent, je dois décider si le fait d’accepter les mesures disciplinaires proposées serait contraire à l’intérêt public. Il ne s’agit pas de savoir si les mesures disciplinaires proposées sont les mêmes que celles que j’aurais prises. Le critère de l’intérêt public établit un seuil beaucoup plus élevé.

[27]  Dans l’arrêt Cook rendu en 2016, la Cour suprême du Canada a formulé des indications à l’intention des tribunaux administratifs :

[…] il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe […]. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que [en l’espèce, le processus disciplinaire] avait cessé de bien fonctionner [3] .

[28]  Préalablement à l’audience, la RM a présenté une déclaration écrite non datée du gendarme Brown, intitulée « Background Statement » (déclaration contextuelle); une fiche de rendement positive (10-04) datée du 8 novembre 2018; six lettres d’appui; ainsi que lesévaluations de rendement et plans d’apprentissage du gendarme Brown pour les années 2012 et 2019. Lors de l’audience, la RM a expliqué que des évaluations de rendement et des plans d’apprentissage supplémentaires n’avaient pas été présentés en raison d’une interruption du service actif du membre attribuable à une maladie ainsi qu’à la présente procédure.

[29]  Le gendarme Brown s’est adressé au comité de déontologie lors de l’audience. Il a exprimé des remords pour ses actes et a présenté ses excuses à Mme X, à son époux, à sa famille et à la GRC. Il a souligné qu’à la suite de l’incident énoncé dans l’allégation fondée, il a suivi des séances de counselling individuel. Il a reconnu qu’il devra vivre avec les conséquences de ses actes, mais il a demandé que lui soit accordée la possibilité de poursuivre sa carrière au sein de la GRC.

[30]  Pour décider si les mesures disciplinaires proposées sont contraires à l’intérêt public, il est utile d’avoir une idée des mesures possibles. Le Guide des mesures disciplinaires de la GRC constitue une référence utile à ce sujet. Cependant, il convient de souligner que le Guide des mesures disciplinaires n’est, à ce titre, rien de plus qu’un guide. Il n’est aucunement normatif.

[31]  Bien que les faits en l’espèce ne correspondent pas exactement aux exemples de comportements visés par l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, lesquels exemples sont énoncés dans le Guide des mesures disciplinaires de la GRC, le RAD mentionne que certains parallèles peuvent être établis avec les contraventions concernant des activités sexuelles pendant les heures de service découlant d’une relation préexistante. En l’espèce, la relation était de nature amicale et non romantique. Le Guide des mesures disciplinaires prévoit une pénalité financière allant de 16 à 30 jours, dans les cas graves, pour ce type de contravention.

[32]  En outre, la RM souligne que les circonstances de l’espèce ne correspondent pas exactement aux quatre catégories d’inconduite sexuelle énoncées dans le Guide des mesures disciplinaires. Elle renvoie plutôt à deux décisions rendues par des comités de déontologie de la GRC [4] . Dans ces deux affaires portant sur des cas d’attouchements sexuels non désirés, des pénalités financières équivalant à 35 jours dans un cas et 30 jours dans l’autre ont été infligées.

[33]  J’estime que le congédiement est tout à fait probable dans un cas d’inconduite sexuelle. Ce type de comportement ne saurait être toléré au sein de la GRC. Cette dernière a publié des communications internes et externes qui indiquent clairement que toute inconduite sexuelle avérée entraînera de lourdes conséquences. Cependant, ne pas tolérer ce type de comportement ne signifie pas un congédiement automatique dans chaque cas d’inconduite sexuelle. Les circonstances de chaque cas doivent être évaluées avec soin.

[34]  Je juge que la contravention dont il est question en l’espèce pourrait entraîner la prise de mesures disciplinaires allant de la pénalité financière de 16 jours, au minimum, jusqu’au congédiement. Par conséquent, les facteurs atténuants et aggravants doivent être examinés.

Facteurs atténuants et aggravants

[35]  Les parties ont soulevé plusieurs facteurs atténuants et aggravants en l’espèce. Parmi les facteurs atténuants soulevés, j’admets les suivants :

  1. Le fait que le gendarme Brown ait admis l’allégation modifiée et l’énoncé détaillé de celle-ci a permis d’éviter une audience contestée. Ainsi, il n’a pas été nécessaire de faire témoigner Mme X.
  2. Le gendarme Brown n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires officielles.
  3. Les lettres d’appui présentées en faveur du gendarme Brown font état du professionnalisme dont celui-ci fait preuve dans l’exercice de ses fonctions auprès du public.
  4. Les auteurs des lettres, manifestement informés de la nature particulière de l’allégation en l’espèce, ont affirmé que la conduite reprochée ne ressemblait pas au gendarme Brown.
  5. Le gendarme Brown a exprimé des remords. Il semble être conscient de la gravité de ses actes.

[36]  En outre, je garde à l’esprit que le commandant de la Division K, par l’intermédiaire de la recommandation conjointe sur les mesures à prendre, s’est exprimé en faveur du maintien de l’emploi du gendarme Brown. Les récents états de service du gendarme Brown démontrent un certain potentiel de réhabilitation.

[37]  Des facteurs aggravants soulevés, j’admets les suivants :

  1. La conduite reprochée s’est produite dans le contexte d’une relation de travail, durant les heures de travail, alors que le gendarme Brown était de service.
  2. Mme X s’est sentie menacée dans son milieu de travail.

[38]  Bien que je n’aie souligné que deux facteurs aggravants, ceux-ci le sont tout particulièrement. En aucun cas un employé ne devrait se sentir menacé dans son milieu de travail.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[39]  Selon la prépondérance des probabilités, je ne peux pas conclure que les mesures proposées, soit la confiscation de 30 jours de solde et la mutation à un autre lieu de travail, vont à l’encontre de l’intérêt public. Elles font partie de la gamme des mesures disciplinaires acceptables. La pénalité financière se situe à l’extrémité supérieure de l’échelle (tout juste avant le congédiement). Tant la pénalité financière que la mutation à un autre lieu de travail constituent des mesures disciplinaires graves, qui tiennent compte des facteurs fortement aggravants en l’espèce. En outre, elles auront un effet dissuasif sur le gendarme Brown et elles serviront d’avertissement pour les autres membres.

[40]  Je crois comprendre que Mme X a été consultée au sujet de la recommandation conjointe sur les mesures disciplinaires. L’imposition d’une mutation à un autre lieu de travail garantit que le souhait de Mme X de ne plus travailler au même endroit que le gendarme Brown est respecté.

[41]  Pour tous ces motifs, j’accueille la recommandation conjointe des parties sur les mesures disciplinaires.

CONCLUSION

[42]  L’allégation 1 telle que modifiée ayant été établie, et conformément à la recommandation conjointe présentée par le RAD et la RM, les mesures disciplinaires suivantes sont prises :

  1. en vertu de l’alinéa 5(1)j) des Consignes du commissaire (déontologie), une pénalité financière équivalente à 30 jours de solde est déduite de la solde du gendarme Brown;
  2. en vertu de l’alinéa 5(1)g) des Consignes du commissaire (déontologie), une mutation à un autre lieu de travail est imposée. Le moment et le lieu de la mutation sont à la discrétion du commandant de la Division K.

[43]  Le gendarme Brown est autorisé à poursuivre sa carrière au sein de la GRC. Cependant, toute autre contravention au Code de déontologie sera examinée attentivement par l’autorité disciplinaire compétente et pourrait mener au congédiement de la GRC.

[44]  Les parties peuvent faire appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans le délai prévu à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC.

 

 

Le 6 septembre 2019

Christine Sakiris

Comité de déontologie de la GRC

 

Date

 



[1] Ce fait a été souligné à titre de renseignement général uniquement. Aucun poids n’a été accordé à la décision du ministère public de ne pas porter d’accusations dans cette affaire.

[2] Voir Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII) au paragraphe 19 et R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 [Cook].

[3] Cook, précité à la note 1, au paragraphe 34.

[4] 2019 DARD 09 [Pulsifer]; et 2019 DARD 10 [Allen]

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