Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire renfermait deux allégations formulées contre le membre visé. Dans la première allégation, faite en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie, il est fait état de trois incidents au cours desquels le membre visé aurait exercé une force physique non désirée contre un partenaire sexuel. Dans l’un des incidents, il était question d’étranglement. Les deux autres incidents étaient liés à des actes sexuels non consensuels survenus lors de relations sexuelles consensuelles. Selon la deuxième allégation, également faite en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie, le membre visé aurait menacé de tuer sa femme ou de lui infliger des lésions corporelles graves. À la suite d’une audience contestée, le comité de déontologie a conclu que les deux allégations étaient fondées. Parmi les facteurs aggravants, mentionnons les nombreux antécédents d’inconduite connexe, les problèmes de rendement ainsi que l’absence totale de remords de la part du membre visé. Ces facteurs l’emportent largement sur les facteurs atténuants. Le comité a congédié le membre visé de la GRC en vertu de l’alinéa 45(4)a) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, c R-10.

Contenu de la décision

Protégé A

OGCA 201833812

2019 DARD 13

Ordonnance de non-publication : Il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité du plaignant dans la présente affaire.

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Affaire intéressant une audience disciplinaire menée en application de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, c R-10

ENTRE :

Commandant de la Division E

(autorité disciplinaire)

et

Sergent Sukhjit Dhillon, numéro de matricule 47909

(membre visé)

Décision du comité de déontologie

Kevin Harrison

Le 3 septembre 2019

M. Denys Morel et sergent d’état-major Chantal Le Dû, représentants de l’autorité disciplinaire

Mme Sabines Georges et Mme Sara Novell, représentantes du membre


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ  4

INTRODUCTION  5

ALLÉGATIONS  6

Questions soulevées par les allégations telles qu’elles sont formulées  8

REQUÊTES PRÉLIMINAIRES  9

Abus de procédure  9

Ordonnance de non-publication  11

MOTIFS DE LA DÉCISION  11

Relation entre le sergent Dhillon et la plaignante  13

Durée de la relation  13

Nature de la relation  21

Décision concernant la crédibilité des témoins  30

Crédibilité de la plaignante  32

Crédibilité du sergent Dhillon  36

Conclusion sur les incidents de « l’étranglement » et de la « profération de menaces »  45

Période associée aux incidents  48

Conclusion sur l’« incident des jambes »  52

Période associée à cet incident  54

Conclusion sur l’« incident des seins »  61

Conclusion sur les allégations  64

MESURES DISCIPLINAIRES  67

Observations du représentant de l’autorité disciplinaire  67

Observations de la représentante du membre  68

Décision sur les mesures disciplinaires  68

Recommandations du Guide des mesures disciplinaires  69

Facteurs atténuants  71

Facteurs aggravants  72

Comportement observé ancré depuis longtemps  79

Examen des cas liés aux mesures disciplinaires  82

Mesures disciplinaires imposées  85

CONCLUSION  86

 

 

RÉSUMÉ

L’avis d’audience disciplinaire renfermait deux allégations formulées contre le membre visé. Dans la première allégation, faite en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie, il est fait état de trois incidents au cours desquels le membre visé aurait exercé une force physique non désirée contre un partenaire sexuel. Dans l’un des incidents, il était question d’étranglement. Les deux autres incidents étaient liés à des actes sexuels non consensuels survenus lors de relations sexuelles consensuelles. Selon la deuxième allégation, également faite en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie, le membre visé aurait menacé de tuer sa femme ou de lui infliger des lésions corporelles graves. À la suite d’une audience contestée, le comité de déontologie a conclu que les deux allégations étaient fondées. Parmi les facteurs aggravants, mentionnons les nombreux antécédents d’inconduite connexe, les problèmes de rendement ainsi que l’absence totale de remords de la part du membre visé. Ces facteurs l’emportent largement sur les facteurs atténuants. Le comité a congédié le membre visé de la GRC en vertu de l’alinéa 45(4)a) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, c R-10.


INTRODUCTION

[1]  Le 21 mars 2018, le commandant et autorité disciplinaire de la Division E (l’autorité disciplinaire) a signé un avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire. Le comité de déontologie a été nommé par l’officier désigné le 23 mars 2018.

[2]  Conformément à la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, c R-10 [Loi sur la GRC], un avis d’audience disciplinaire a été délivré par l’autorité disciplinaire le 6 juin 2018 et a été signifié au membre visé, le sergent Sukhjit Dhillon, le 25 juillet 2018.

[3]  Un avis du lieu, de la date et de l’heure de l’audience disciplinaire a été publié le 28 février 2019. L’audience disciplinaire a eu lieu à Surrey, en Colombie-Britannique, du 9 au 11 avril 2019, inclusivement. Il importe de souligner que les témoignages ont été entendus à l’étape de l’audience relative aux allégations.

[4]  L’audience disciplinaire a été ajournée jusqu’au 9 mai 2019 pour permettre aux parties de préparer des observations sur les allégations, lesquelles ont été présentées lors d’une vidéoconférence.

[5]  En ce qui concerne les allégations, j’ai rendu ma décision de vive voix par vidéoconférence le 23 mai 2019. J’ai conclu que les deux allégations étaient fondées.

[6]  L’étape de l’audience relative aux mesures disciplinaires a eu lieu par vidéoconférence les 30 et 31 mai 2019. Le sergent Dhillon n’a pas témoigné à cette étape des procédures. Après la présentation des observations orales des parties, j’ai exposé de vive voix les motifs de ma décision sur les mesures disciplinaires. J’ai ordonné que le sergent Dhillon soit congédié de la GRC.

[7]  Voici donc la décision que j’ai rédigée conformément au paragraphe 45(3) de la Loi sur la GRC.

ALLÉGATIONS

[8]  À la suite d’une enquête fondée sur le Code de déontologie, les allégations suivantes ont été formulées contre le sergent Dhillon :

[TRADUCTION]

Allégation nº 1

Entre le 1er mai 2009, ou vers cette date, et le 30 avril 2016, ou vers cette date, à Coquitlam, en Colombie-Britannique, ou dans les environs, le sergent Sukhjit Dhillon s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé :

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté à la Division E, dans la province de la Colombie-Britannique.

2. Vous entreteniez une relation personnelle avec [la plaignante] et vous vous adonniez à des activités sexuelles consensuelles et non consensuelles à sa résidence.

3. [La plaignante] a fait des déclarations au sujet de la relation qu’elle entretenait avec vous et de la façon dont vous vous êtes conduit à son égard le 7 décembre 2016, le 27 mars 2017 et le 17 avril 2017.

4. La relation s’est terminée en 2013, mais a repris en février 2016 après que vous ayez communiqué avec [la plaignante] par courriel.

5. Les rapports sexuels étaient brutaux et à une ou plusieurs reprises, vous avez employé une force physique non désirée contre [la plaignante].

6. Un soir, entre le 1er novembre 2009 et le 28 février 2010, après avoir assisté à une fête au cours de laquelle vous avez consommé de l’alcool, vous vous êtes présenté à la résidence de [la plaignante]. Elle était assise dans l’escalier à l’intérieur de sa résidence. Vous lui avez dit que vous pourriez la prendre juste là, laissant entendre que vous pourriez avoir une relation sexuelle avec elle. Vous l’avez saisie par la gorge et vous avez serré fort. Elle vous a demandé d’arrêter et vous avez continué de serrer pendant environ cinq secondes. Vous l’avez laissée en état de choc. Elle se demandait si elle devait appeler la police.

7. En novembre ou en décembre 2012, pendant une relation sexuelle, vous poussiez pour écarter les jambes de [la plaignante] même si elle se plaignait de douleurs.

8. [La plaignante] vous disait à l’oreille d’arrêter, mais vous l’avez ignorée et vous avez placé votre bras de manière à tourner sa tête sur le côté.

9. En avril 2016, lors d’une activité sexuelle avec [la plaignante], vous lui suciez et mordiez un mamelon tout en empoignant l’autre sein.

10. [La plaignante] vous a demandé d’arrêter à quelques reprises, mais vous l’avez ignorée. Vos actes ont causé des contusions et des douleurs à [la plaignante].

11. Vos actes constituent une conduite déshonorante.

Allégation nº 2

Entre le 1er novembre 2009, ou vers cette date, et le 28 février 2010, ou vers cette date, à Coquitlam, en Colombie-Britannique, ou dans les environs, le sergent Sukhjit Dhillon s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé :

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté à la Division E, dans la province de la Colombie-Britannique.

2. Vous entreteniez une relation personnelle avec [la plaignante] et vous vous adonniez à des activités sexuelles consensuelles et non consensuelles à sa résidence.

3. Un soir, après avoir assisté à une fête au cours de laquelle vous avez consommé de l’alcool, vous vous êtes rendu à la résidence de [la plaignante] en voiture et vous avez parlé avec elle dans l’entrée de sa résidence.

4. Pendant votre conversation, vous avez dit quelque chose comme « il suffirait d’une seule balle pour régler tous tes problèmes ». [La plaignante] a cru que vous vouliez mettre fin à votre vie, mais vous avez ensuite dit « non […], je veux dire qu’une seule balle règlerait mes problèmes dans (sic) [D.] », qui était alors votre épouse.

5. Vos commentaires étaient inappropriés et constituent une conduite déshonorante.

Questions soulevées par les allégations telles qu’elles sont formulées

[9]  J’ai soulevé quelques préoccupations quant à la façon dont l’avis d’audience disciplinaire était rédigé. Les allégations visent quatre incidents d’inconduite de la part du sergent Dhillon. Tous ces incidents se seraient produits dans le cadre d’une relation personnelle entre le sergent Dhillon et la plaignante et ils se seraient produits à la résidence de la plaignante, à Coquitlam, en Colombie-Britannique. Ces passages tirés de l’avis d’audience disciplinaire sont simples et ne soulèvent aucune préoccupation. Les préoccupations se rapportent plutôt aux autres détails.

[10]  L’allégation nº 1 comprend trois incidents d’inconduite distincts. Chacun de ces incidents, s’il est établi qu’ils ont eu lieu, constitue un manquement grave au Code de déontologie. Les trois incidents se distinguent de par la nature des événements et la période pendant laquelle ils se sont produits. De plus, un des incidents, présenté au paragraphe 6 de l’énoncé détaillé de l’allégation nº 1, se serait produit au même moment que l’incident exposé dans l’allégation nº 2. Bien qu’il ne soit pas nécessairement souhaitable ou approprié de formuler plusieurs allégations contre un membre, en l’espèce, chacun de ces incidents aurait dû faire l’objet d’une allégation distincte. Il aurait dû, à tout le moins, y avoir trois allégations. Les deux incidents relatifs à des actes sexuels non consensuels auraient dû être présentés comme deux allégations distinctes alors que les incidents se rapportant à l’étranglement de la plaignante et aux menaces proférées à l’égard de la femme du sergent Dhillon auraient pu faire l’objet d’une autre allégation. Du point de vue de la preuve, ce remaniement des allégations est logique et aurait rendu mon processus décisionnel beaucoup plus simple. Il est tout de même possible de traiter les allégations telles qu’elles ont été formulées.

[11]  Chacun de ces incidents sera décrit en détail ci-après. Par souci de commodité, ils seront désignés comme suit dans la présente décision :

  • L’«incident de l’étranglement » est énoncé au paragraphe 6 de l’allégation nº 1. Il est allégué que le sergent Dhillon a saisi la plaignante par la gorge et qu’il a continuéde lui serrer la gorge même si la plaignante lui demandait d’arrêter.

  • L’« incident relatif à la profération de menaces » est énoncé dans l’allégation nº 2.Il est allégué que le sergent Dhillon a menacé de tuer ou de causer des lésions à son épouse. Cet incident se serait produit le même soir quel’« incident de l’étranglement ».

  • L’« incident des jambes » est énoncé aux paragraphes 7 et 8 de l’allégation nº 1. Il est allégué que, pendant que le sergent Dhillon et la plaignante avaient une relation sexuelle consensuelle, le sergent Dhillon a écarté les jambes de la plaignante et lui a causé des douleurs importantes. Elle lui a demandé d’arrêter, mais il a continué. Il aurait alors commis un acte sexuel non consensuel.

  • L’« incident des seins » est énoncé aux paragraphes 9 et 10 de l’allégation nº 1. Il est allégué que, pendant que le sergent Dhillon et la plaignante avaient une relation sexuelle consensuelle, le sergent Dhillon a saisi et/ou sucé le sein de la plaignante et lui a causé des douleurs importantes. Elle lui a demandé d’arrêter, mais il a continué.Il aurait alors commis un acte sexuel non consensuel. Il a empoigné son sein si fort qu’elle a eu des contusions importantes, lesquelles sont restées longtemps.

[12]  Il faut examiner certaines questions préliminaires avant de passer à ma décision sur les allégations et les mesures disciplinaires.

REQUÊTES PRÉLIMINAIRES

Abus de procédure

[13]  Pendant la conférence préparatoire du 23 octobre 2018, la représentante du membre a indiqué qu’elle souhaitait présenter une requête, en vertu de l’article 17 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC (déontologie)], en vue d’obtenir un arrêt des procédures en raison d’un abus de procédure attribuable à un délai censément déraisonnable dans la convocation de l’audience disciplinaire, en application du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC. La représentante du membre a indiqué qu’elle avait besoin de renseignements supplémentaires pour présenter la requête. Les parties m’ont donc demandé d’émettre une directive concernant la production de renseignements supplémentaires en vertu du paragraphe 15(5) des CC (déontologie).

[14]  Le 2 novembre 2018, j’ai donné la directive demandée et le 29 novembre 2018, les renseignements supplémentaires ont été transmis.

[15]  Le 5 décembre 2018, la représentante du membre a soulevé certaines préoccupations quant à la suffisance des renseignements fournis en réponse à ma directive concernant la production de renseignements supplémentaires. Une audience préparatoire a eu lieu le 6 décembre 2018 afin d’en discuter. Après cette audience, j’ai émis une autre directive pour répondre aux besoins informationnels de la représentante du membre et du comité relativement à la requête proposée par le sergent Dhillon.

[16]  Le 18 décembre 2018, une autre audience préparatoire a eu lieu. J’ai fourni une évaluation préliminaire de la requête proposée et indiqué que l’audience disciplinaire semblait avoir été convoquée avant l’expiration du délai de prescription d’un an. Selon les renseignements fournis, l’autorité disciplinaire a été informée de l’identité et de la présumée contravention au Code de déontologie du sergent Dhillon le 23 mars 2017. L’avis à l’officier désigné, lequel déclenchait le processus d’audience disciplinaire, a été signé le 21 mars 2018. Malgré tout, la représentante du membre souhaitait présenter une requête au motif que le sergent d’état-major Derek Schneider, un enquêteur au sein de l’Unité des normes professionnelles, était une autorité disciplinaire qui avait été mise au courant de l’affaire avant le 23 mars 2017. Les parties ont présenté des observations à cet égard.

[17]  Le 1er avril 2019, j’ai rejeté la requête pour les motifs suivants. Le 7 décembre 2016, le sergent d’état-major Schneider a obtenu une déclaration de la plaignante, laquelle concernait une autre enquête fondée sur le Code de déontologie impliquant le sergent Dhillon. Cependant, la plaignante a fourni des renseignements se rapportant aux affaires dont je suis saisi. Aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC, l’autorité disciplinaire d’un membre peut ouvrir une enquête fondée sur le Code de déontologie. Le sergent d’état-major Schneider était l’autorité disciplinaire des membres sous son commandement, mais il n’était pas celle du sergent Dhillon. L’autorité disciplinaire du sergent Dhillon était le surintendant Mark Landry. Le 27 mars 2017, ce dernier a été avisé, par le sergent d’état-major Schneider, des allégations que la plaignante avait formulées contre le sergent Dhillon. Il a donc lancé une enquête fondée sur le Code de déontologie peu de temps après. Dans l’arrêt Thériault c GRC, 2006 CAF 61, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la connaissance de l’autorité disciplinaire applicable déclenche la période de prescription. Ce n’est pas la connaissance des « personnes qui sont chargées de faire enquête et rapport sur les allégations de manquement à la déontologie » qui fait démarrer la période de prescription. Par conséquent, l’audience disciplinaire a été convoquée pendant la période de prescription d’un an.

Ordonnance de non-publication

[18]  À la demande du représentant de l’autorité disciplinaire et avec le consentement de la représentante du membre, une ordonnance a été rendue en vertu de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC interdisant à quiconque de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la plaignante.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[19]  Selon le paragraphe 45(1) de la Loi sur la GRC, le comité de déontologie décide si les allégations de contravention à une disposition du Code de déontologie énoncées dans l’avis d’audience disciplinaire signifié en vertu du paragraphe 43(2) ont été établies. Il incombe à l’autorité disciplinaire de prouver les allégations.

[20]  La norme de preuve exigée est celle de la prépondérance des probabilités. Dans l’arrêt F.H. c McDougall, 2008 CSC 53 [McDougall], la Cour suprême du Canada a clairement établi que cette norme était la seule norme de preuve applicable dans les affaires civiles. Toujours dans l’arrêt McDougall, la Cour a non seulement confirmé que la norme est celle de la prépondérance des probabilités, mais elle a donné d’autres précisions aux paragraphes 44 et 49 quand elle a indiqué que le juge des faits doit examiner toute la preuve pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu. Parallèlement, la preuve doit être suffisamment claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités [1] .

[21]  Des détails sont présentés relativement à chacune des allégations de contravention au Code de déontologie, mais l’autorité disciplinaire n’est pas tenue de prouver chacun d’entre eux. Certains détails sont donnés simplement pour fournir un contexte. L’autorité disciplinaire est seulement tenue de prouver que la conduite du sergent Dhillon, en ce qui a trait à chaque allégation, était déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Le critère applicable à la conduite déshonorante sera énoncé plus loin.

[22]  Certains détails peuvent être traités de façon sommaire à ce stade-ci, en commençant avec le premier point de chacune des deux allégations selon lequel le sergent Dhillon était, pendant toute la période pertinente, un membre de la GRC affecté à la Division E, dans la province de la Colombie-Britannique. Dans la réponse qu’il a donnée aux allégations en application du paragraphe 15(3) des CC (déontologie), le sergent Dhillon a admis ce détail. Par conséquent, il est établi tel qu’il est formulé.

[23]  Le sergent Dhillon n’a admis aucun autre détail. Cependant, il est indiqué au paragraphe 3 de l’allégation nº 1 que la plaignante a donné trois déclarations relativement à la conduite du sergent Dhillon. Ces déclarations ont été données le 7 décembre 2016, le 27 mars 2017 et le 17 avril 2017.

[24]  La déclaration du 7 décembre 2016 a été obtenue par le sergent d’état-major Schneider dans le cadre d’une enquête menée en vertu du Code de déontologie à la suite d’un incident de violence conjugale survenu le 7 août 2016 entre le sergent Dhillon et son épouse. Il est question de cet incident plus loin dans la présente décision.

[25]  La déclaration du 27 mars 2017 a été donnée à la sergente Carrie Blades, Groupe de l’assistance aux victimes spéciales du Détachement de Surrey, en lien avec les plaintes de la plaignante qui font l’objet de la présente affaire.

[26]  La déclaration du 17 avril 2017 a été donnée au détective Chris Brown-John du service de police d’Abbottsford dans le cadre de l’enquête sur les plaintes de la plaignante qui est prévue par la loi.

[27]  Toutes ces déclarations sont au dossier. Dans sa réponse aux allégations donnée en application du paragraphe 15(3) des CC (déontologie), le sergent Dhillon a indiqué qu’il était au courant des déclarations. Il a ajouté qu’il savait également qu’il y avait deux autres déclarations dans cette affaire. Ces déclarations ont été préparées par la plaignante et données à la caporale Sabrina Mills, Groupe des normes professionnelles du Détachement de Surrey. Les deux déclarations sont datées du 18 août 2016 et elles sont déterminantes dans la présente instance. Malgré tout, ce détail est établi tel qu’il est formulé.

[28]  Je voudrais maintenant passer à une analyse plus exhaustive des allégations. Les deux parties ont indiqué dans leurs observations que la relation entre le sergent Dhillon et la plaignante est essentielle à la compréhension de l’affaire. Je suis du même avis. Les deux parties ont également souligné l’importance de la crédibilité des témoins. Encore là, je suis du même avis. La nature de la relation entre le sergent Dhillon et la plaignante est à la base de certaines questions soulevées par les parties relativement à la crédibilité des témoins, surtout celle de la plaignante. Par conséquent, je commencerai par examiner cette relation.

Relation entre le sergent Dhillon et la plaignante

Durée de la relation

[29]  La durée de la relation entre le sergent Dhillon et la plaignante est l’une des questions les plus litigieuses de l’affaire. Elle est importante, car le sergent Dhillon a nié certains incidents mentionnés dans les détails, et ce, pour la seule et unique raison qu’il n’entretenait plus, dit-il, de relation avec la plaignante au moment des incidents. Seule la preuve relative à la durée de la relation sera donc exposée ici. J’exposerai la chronologie des événements au fur et à mesure que j’examinerai chacun des incidents.

[30]  Il n’est pas indiqué dans les détails à quel moment la plaignante et le sergent Dhillon ont entamé la relation. Dans la réponse qu’il a donnée aux allégations en application du paragraphe 15(3) des CC (déontologie), le sergent Dhillon précise que la relation a commencé et s’est terminée en 2008.

[31]  Selon son témoignage, le sergent Dhillon est arrivé à Coquitlam en avril 2008 en raison d’une mutation de promotion. Il prétend que, lorsqu’il est arrivé au Détachement, la plaignante était une employée de bureau avec qui les membres du Détachement interagissaient fréquemment. Voilà comment il l’a rencontrée.

[32]  Selon la plaignante, le sergent Dhillon est arrivé à Coquitlam en 2008. Il était un caporal de l’équipe de veille C. Elle occupait un poste de commis. Elle a donc passé de nombreux quarts de travail avec l’équipe de veille du sergent Dhillon. C’est ainsi qu’elle a fait la connaissance du sergent Dhillon.

[33]  Selon le rapport d’information sur le profil d’employé, lequel est au dossier, le sergent Dhillon a été muté, de Langley au Détachement de Coquitlam, le 29 avril 2008.

[34]  La plaignante a affirmé que leur première sortie a eu lieu quelques mois après l’arrivée du sergent Dhillon à Coquitlam. Il l’avait alors invitée à souper au restaurant. Leur deuxième sortie a eu lieu environ une semaine après la première et c’était un rendez-vous sur l’heure du dîner. C’est aussi la journée où ils ont eu une première relation intime.

[35]  Au début de leur relation, la plaignante ne s’attendait pas à voir le sergent Dhillon fréquemment. Elle avait deux emplois et devait s’occuper des activités d’un jeune enfant actif. À partir du moment où ils ont eu une première relation sexuelle jusqu’à ce que le sergent Dhillon quitte Coquitlam, la plaignante affirme qu’ils se voyaient, en moyenne, une fois par semaine. Ils avaient une relation intime chaque fois [2] .

[36]  Selon le rapport d’information sur le profil d’employé, le sergent Dhillon a été transféré de Coquitlam à Richmond le 15 mai 2009. Selon la plaignante, il était plus difficile pour eux de se voir après ce transfert à Richmond. Ils sont restés en contact, mais ils n’arrivaient plus à passer du temps ensemble sauf si le sergent Dhillon devait aller à Coquitlam pour participer à des activités de la GRC (c.-à-d. une journée au champ de tir). Elle a affirmé que leurs rencontres sont d’abord passées à deux fois par mois et qu’elles sont ensuite devenues de plus en plus rares. Ils se voyaient tellement peu souvent qu’elle gardait un calendrier sur son réfrigérateur pour consigner les dates de leurs rencontres [3] de sorte qu’elle savait combien de temps s’écoulait entre chaque rencontre. Elle a réitéré qu’il était de plus en plus difficile pour eux de se voir compte tenu de la distance et de la logistique, en faisant référence à la garde de l’enfant et à son second emploi [4] . Il n’est pas indiqué dans la preuve à quel point leurs rencontres sont devenues rares au fil du temps.

[37]  Le sergent Dhillon affirme simplement qu’entre 2008 et 2009, lui et la plaignante n’ont eu une relation intime qu’à quatre reprises [5] .

[38]  Au paragraphe 4 de l’allégation nº 1, il est indiqué que la relation s’est terminée en 2013, mais qu’elle a repris en février 2016 quand le sergent Dhillon a communiqué avec la plaignante par courriel. Rien n’indique à quel moment la relation entre le sergent Dhillon et la plaignante s’est terminée de manière définitive.

[39]  Selon la plaignante, la relation a pris fin pour la première fois peu de temps après l’incident des jambes. Si l’on se fie aux détails donnés, cela est survenu en novembre ou en décembre 2012. La plaignante estime que cet incident a eu lieu à la fin de 2012 pour les raisons suivantes :

  • il faisait noir et il pleuvait;

  • elle avait mis une couette particulière sur son lit [6] ; et

  • elle travaillait pour un service de police autre que la GRC en 2012 [7] .

[40]  La plaignante a situé la fin de la relation en faisant référence à un voyage prévu à Regina. Le sergent Dhillon y allait pour de la formation. Elle prétend qu’il l’avait invitée à l’accompagner. Elle avait donc pris une semaine de congé pour pouvoir le suivre, mais le jour du départ, le sergent Dhillon n’est pas venu la chercher. Elle croit que ce voyage devait avoir eu lieu à la fin de 2012 ou au début de 2013 [8] . Dans sa déclaration à la sergente Blades, elle a affirmé que ce voyage était prévu en févier 2013 [9] .

[41]  La plaignante a essayé de rejoindre le sergent Dhillon au téléphone, mais il n’a jamais répondu à ses appels. Quand elle lui a finalement parlé trois jours plus tard, elle lui a posé des questions, mais il est resté évasif sur les raisons pour lesquelles il ne l’avait pas emmenée avec lui. Elle soutient qu’après cet événement, il a simplement cessé de communiquer avec elle, comme s’il était [TRADUCTION] « disparu de la surface de la Terre » [10] .

[42]  À l’inverse, le sergent Dhillon a affirmé qu’il a continué de communiquer avec la plaignante de façon sporadique jusqu’à la fin de 2009, mais qu’il ne l’a pas revue après avoir quitté Coquitlam [11] . La représentante du membre a fait état de plusieurs éléments de preuve pour appuyer cette affirmation. L’un de ces éléments de preuve est un échange de courriels qui s’est déroulé entre le sergent Dhillon et la plaignante le 29 février 2016 [12] . Voici l’extrait pertinent de cet échange :

[TRADUCTION]

Plaignante : Je ne sais pas où commencer. Quand es-tu disparu de la surface de la Terre?

Membre visé : Après avoir été libéré de toutes ces conneries à Coquitlam et quand je suis parti à Richmond. Je pense que c’était vers 2009.

Plaignante : Merde! Tant que ça? Je ne peux pas revenir sur six ans de ma vie. C’est trop long.

[43]  La représentante du membre a aussi souligné que, dans une déclaration faite au sergent Shane Stovern, un enquêteur du Groupe des normes professionnelles, le sergent Dhillon a déclaré avoir entretenu une relation avec la plaignante entre 2008 et 2009 [13] . Le sergent Dhillon a aussi témoigné en ce sens [14] .

[44]  Selon le rapport d’information sur le profil d’employé, le sergent Dhillon a été transféré au Détachement de Surrey le 12 mai 2015.

[45]  La plaignante a déclaré que la relation a repris en février 2016 quand elle a reçu un courriel non sollicité du sergent Dhillon. Le message est daté du 22 février 2016, à 13 h 28 [15] et il se lit comme suit : [TRADUCTION] « Bonjour Mme [plaignante], comment allez-vous? ». Le sergent Dhillon prétend qu’il répondait à un courriel de la plaignante qu’il avait trouvé dans son [TRADUCTION] « courrier indésirable » [16] . Il n’y a aucune trace de ce courriel.

[46]  Cette nouvelle relation a donc évolué à un point tel qu’ils ont organisé une rencontre dans le but d’avoir une relation sexuelle. Cette rencontre devait avoir lieu le 15 avril 2016. L’« incident des seins » aurait eu lieu cette journée-là. Après cet incident, le sergent Dhillon et la plaignante sont restés en contact, mais ils ne se sont pas vus jusqu’au 7 août 2016.

[47]  Le 7 août 2016, vers l’heure du souper, la plaignante a reçu un appel d’une femme qui prétendait être l’épouse du sergent Dhillon. Cette femme l’a invitée chez elle. La plaignante était sceptique, mais elle s’est rendue à l’adresse que la femme lui avait fournie. L’adresse s’est avérée être celle du sergent Dhillon. Quand elle est arrivée, ce dernier n’était pas à la maison. Elle est entrée et les deux femmes ont discuté. Pendant leur conversation, elles ont toutes les deux tenté, en vain, de rejoindre le sergent Dhillon. Comme la plaignante se préparait à partir, le sergent Dhillon est arrivé. Il a piqué toute une colère quand il l’a vue. Il y a eu une altercation verbale entre le sergent Dhillon et son épouse et ce dernier est parti. Plus tard, il a appelé la plaignante pour lui dire de quitter sa maison. Il était au téléphone avec son épouse en même temps. Il [TRADUCTION] « criait » après elle « dans une autre langue ». La plaignante est partie avant que le sergent Dhillon ne revienne [17] .

[48]  Après l’incident du 7 août 2016, le sergent Dhillon et la plaignante ont toujours gardé contact par téléphone et d’autres moyens électroniques. Une grande partie de leurs communications portait sur l’enquête fondée sur le Code de déontologie qui avait été lancée contre le sergent Dhillon en lien avec les actes qu’il avait commis le soir du 7 août 2016. L’enquête a été déclenchée par suite d’un appel anonyme au Groupe des normes professionnelles de la Division E. La plaignante était l’appelant anonyme.

[49]  Selon la plaignante, sa relation avec le sergent Dhillon s’est définitivement terminée en septembre 2016. Dans son témoignage [18] , elle a affirmé que le point culminant de la relation a été le moment où elle a communiqué avec Mme R.M., une autre ex-petite amie du sergent Dhillon. Ce dernier voulait connaître la teneur de la conversation. Ils en ont parlé au téléphone. Le lendemain, le 20 septembre 2016, la plaignante soutient avoir remarqué, en chemin vers le travail, que le sergent Dhillon l’avait supprimée de l’application BlackBerry Messenger (BBM) ou l’avait bloquée sur Facebook. Une fois rendue au travail, elle l’a donc appelé. Le sergent Dhillon s’est mis à crier et lui a dit de ne plus jamais communiquer avec lui. Elle lui a envoyé un message texte et il lui a répondu, encore une fois, de ne plus jamais communiquer avec lui. Voici l’échange de messages textes qui a débuté le 20 septembre 2016, à 7 h 40 [19] .

[TRADUCTION]

 

Plaignante :

Pourquoi m’as-tu supprimée de BBM?

Sergent Dhillon :

Ne communique plus jamais avec moi.

Plaignante :

Avec plaisir. J’espère que tu vas aller chercher l’aide dont tu as besoin.

Plaignante :

Salut, ça m’a pris du temps pour m’en apercevoir, mais ton dernier excès de colère démontre que tu es violent psychologiquement. Les reproches, les accusations, la manipulation, le rejet. Il faut que ça cesse. J’espère que tu seras heureux un jour, Suki. J’espère vraiment.

Sergent Dhillon :

Ne communique plus avec moi de quelque façon que ce soit.

Plaignante :

Excellent exemple… Ne me demande plus de faire une déclaration contre le GNP.

Sergent Dhillon :

Ne communique plus avec moi.

Plaignante :

Fais un homme de toi.

Sergent Dhillon :

Arrête de m’envoyer des messages.

Sergent Dhillon :

0

Plaignante :

Je ne communiquerai plus avec toi. Tu es manifestement en déni et tu choisis de blâmer tout le monde pour tes problèmes. Au revoir.

[50]  Le dernier message de cet échange est daté du 21 septembre 2016, à 13 h 24 [20] .

[51]  La plaignante a fourni des renseignements semblables dans ses déclarations au sergent d’état-major Schneider [21] et à la sergente Blades [22] .

[52]  Comme j’ai exposé la preuve relative à la chronologie de la relation entre le sergent Dhillon et la plaignante, je peux maintenant en examiner la nature. Il s’agit d’un point important dans l’appréciation de la crédibilité des témoins, surtout de la plaignante.

Nature de la relation

[53]  Dans les deux allégations, au deuxième paragraphe, il est indiqué que le sergent Dhillon entretenait une relation personnelle avec la plaignante. Au cours de cette relation, il y a eu des activités sexuelles consensuelles et non consensuelles, lesquelles ont toutes eu lieu à la résidence de la plaignante [23] .

[54]  Dans la réponse qu’il a donnée aux allégations en application du paragraphe 15(3) des CC (déontologie), le sergent Dhillon a admis avoir eu une relation intime avec la plaignante. Tant la plaignante que le sergent Dhillon ont confirmé ce fait.

[55]  Le sergent Dhillon a aussi admis que lui et la plaignante avaient eu une relation sexuelle consensuelle à quatre reprises. Il n’a donné aucun détail sur ce qui s’est passé à ces quatre occasions sauf pour dire qu’il s’agissait de relations sexuelles normales [24] . Or, selon le témoignage de la plaignante, ils ont eu des relations sexuelles consensuelles à plus de quatre reprises.

[56]  Des activités sexuelles non consensuelles sont au coeur des deux incidents exposés dans les détails de l’allégation nº 1. Par exemple, au paragraphe 5 de l’allégation nº 1, il est indiqué qu’à au moins une reprise, le sergent Dhillon a employé une force physique non désirée contre la plaignante, notamment lors de l’« incident des jambes » et de l’« incident des seins ». Ces deux incidents seraient survenus lors d’une activité sexuelle par ailleurs consensuelle. Cependant, le fait qu’il n’ait pas mis un terme aux actes décrits, s’ils sont prouvés, équivaudrait à l’usage d’une force physique non désirée ou à des activités sexuelles non consensuelles.

[57]  Le sergent Dhillon a simplement nié s’être livré à des activités sexuelles non consensuelles avec la plaignante.

[58]  Au paragraphe 5 de l’allégation nº 1, il est indiqué également que leurs rapports sexuels étaient brutaux. Outre le témoignage de la plaignante relativement aux deux incidents d’actes sexuels non consensuels, aucune preuve n’a été présentée à l’audience pour appuyer ce point. Par conséquent, je dispose seulement des différentes déclarations de la plaignante.

[59]  Dans sa déclaration au sergent d’état-major Schneider, la plaignante a répondu ce qui suit lorsqu’on lui a demandé si elle avait déjà subi de la violence physique de la part du sergent Dhillon [25] :

[TRADUCTION] Oui, je veux dire... quand elle [Mme Dhillon] a dit qu’il a mis ses… ses mains autour de son cou. Je… me dis que ça fait du sens parce qu’il… il le fait lors de rapports sexuelsil aime ça… [Caractères gras ajoutés.]

[60]  Dans sa déclaration à la sergente Blades, la plaignante a parlé du penchant qu’aurait le sergent Dhillon pour les rapports sexuels brutaux :

[TRADUCTION] Euh, nous étions chez moi et Suki, Suki aimait les relations sexuelles brutales et habituellement, je réussissais à garder les choses assez normales, car euh, toute notre relation semblait axée que sur le sexe […] [26] . [Caractères gras ajoutés.]

[61]  Enfin, dans sa déclaration au détective Brown-John, la plaignante a parlé à plusieurs reprises de la nature brutale des relations sexuelles qu’elle a eues avec le sergent Dhillon. Voici le premier exemple :

[TRADUCTION]

R : Euh, et pour le sexe, je ne sais pas comment dire ça, mais euh, j’aime le sexe plaisant.

Q : Oui.

R : Il aime les rapports brutaux.

Q : Ok.

R : Et je le sais, mais euh, je me suis rendu compte qu’il voulait avoir des relations sexuelles dans les escaliers [27] .

[Caractères gras ajoutés.]

[62]  Voici un autre exemple tiré de cette déclaration :

[TRADUCTION]

Q : Y avait-il eu d’autres, euh je ne sais pas comment le dire, rapports sexuels brutaux je suppose (non identifié) –

R : Il y avait certaines choses, euh certaines choses qu’il voulait faire, mais je ne voulais pas parce que je ne lui faisais pas confiance.

Q : Ok.

R : Ouais.

Q : Ok. Et, je suppose que (non identifié) en avez parlé.

R : Ouais, je ne lui faisais juste pas confiance parce qu’il n’acceptait pas qu’on lui dise « non », vous savez, il aimait repousser les, les limites alors —

Q : Ok.

R : – il y avait certaines choses pour lesquelles je ne lui faisais pas confiance.

Q : Ok.

R : Euh, mais c’était toujours, les relations sexuelles étaient habituellement répétitives. Au début, j’étais par-dessus lui, ensuite je me retrouvais sur le dos. Habituellement, il tirait mes cheveux et, euh vous savez, il faisait toujours référence au fait qu’il me marquait, euh vous savez, et il disait des trucs comme « t’es à moi maintenant », « tu n’appartiens à personne d’autre ». C’était souvent comme ça - [28]

[Caractères gras ajoutés.]

[63]  Enfin, la plaignante a décrit des gestes posés par le sergent Dhillon lors d’une relation sexuelle qui lui avaient donné de la difficulté à respirer. Elle a notamment affirmé qu’elle croyait que le sergent Dhillon ne respectait pas ses limites lorsqu’il était question de certaines de leurs activités sexuelles [29] .

[64]  Le sergent Dhillon n’a contesté aucune de ces déclarations. Par conséquent, au vu de ces déclarations, il est établi que les relations sexuelles entre le sergent Dhillon et la plaignante étaient brutales, à une occasion au moins, en plus des deux incidents d’actes sexuels non consensuels décrits.

[65]  Bien que les énoncés détaillés des allégations soient axés sur la nature sexuelle de la relation, les aspects non sexuels de la relation sont essentiels à l’évaluation de la crédibilité.

[66]  La plaignante a affirmé que sa relation avec le sergent Dhillon avait commencé par des conversations informelles et des courriels à caractère professionnel et qu’ils en étaient venus à échanger des plaisanteries. Le sergent Dhillon a affirmé sensiblement la même chose. Selon la plaignante, la première partie de leur relation était formidable [30] , voire [TRADUCTION] « fantastique » [31] . Ils s’écrivaient des courriels et s’appelaient de façon régulière.

[67]  Selon le témoignage de la plaignante, quelques mois après son arrivée à Coquitlam, le sergent Dhillon l’a invitée au restaurant pendant qu’ils étaient encore au travail. Son compte rendu de la sortie était plutôt étrange. Elle a déclaré que le sergent Dhillon est venu la chercher chez elle dans le VUS des sous-officiers. Il avait environ deux heures de retard. Ils sont allés à un restaurant milieu de gamme faisant partie d’une chaîne qui se trouvait à proximité. Vu l’heure, entre 21 h et 22 h, le restaurant était fermé. Le personnel leur a tout de même permis d’entrer. Ils étaient les seuls dans le restaurant pendant le repas.

[68]  Leur seconde rencontre devait être un rendez-vous sur l’heure du dîner. La plaignante était en congé. Selon elle, le sergent Dhillon faisait le quart de relève. Il devait donc aller la chercher chez elle, mais encore une fois, il avait deux ou trois heures de retard. Vu son retard, la situation était un peu embarrassante. Ils sont allés dans la salle familiale où le sergent Dhillon a fait des avances à la plaignante. Ils ont eu une relation sexuelle sur le canapé. C’était leur première relation intime. Ils sont ensuite sortis au restaurant [32] .

[69]  La plaignante a déclaré aux enquêteurs que, tout de suite après leur première relation sexuelle, les choses ont changé. Le sergent Dhillon est devenu très contrôlant [33] . À ce moment-là, la plaignante était végétarienne. Pendant le dîner auquel l’avait invitée le sergent Dhillon, elle était assise devant un aquarium rempli de poissons ou de homards vivants. Elle ne se sentait pas à l’aise de regarder l’aquarium. Elle a donc demandé au sergent Dhillon de changer de place. Il lisait un journal et a refusé. Il l’a ensuite ignorée pour le restant du repas. Vu son comportement, elle se demandait ce qu’elle avait fait de mal [34] . Cette rencontre a donné le ton au reste de leur relation.

[70]  Malgré la façon dont s’était déroulé le dîner, le sergent Dhillon et la plaignante ont maintenu une relation amicale et ils ont continué à s’appeler et à s’envoyer des courriels. Cependant, il ressort clairement du témoignage de la plaignante que la relation était entièrement contrôlée par le sergent Dhillon. Elle n’a reçu aucun cadeau. Elle n’a aucun souvenir comme un menu de restaurant pour lui rappeler un repas spécial, un programme de pièce de théâtre ou un talon de billet de spectacle. Elle ne possède aucune photographie. Autrement dit, elle n’a aucun souvenir qui resterait d’une relation intime normale.

[71]  Le sergent Dhillon a commencé à exercer un contrôle sur la plaignante lorsqu’il lui a ordonné de ne parler à personne de leur relation. Il lui a dit qu’au bureau, les femmes essayaient de mettre les hommes dans le pétrin. Il lui a aussi dit que ce serait plus excitant si personne n’était au courant [35] . Selon le témoignage de la plaignante, il lui a dit de ne pas parler aux femmes de l’équipe parce qu’elles cherchaient à lui faire du tort et qu’elles étaient menteuses [36] . Elle soutient avoir gardé sa promesse et ne pas avoir parlé de la relation qu’elle entretenait avec le sergent Dhillon avant qu’elle soit terminée, à deux petites exceptions près [37] . Le comportement contrôlant du sergent Dhillon a eu pour effet de l’isoler complètement.

[72]  Pendant toute leur relation, le sergent Dhillon a manipulé la plaignante en lui racontant des mensonges. Selon elle, c’était [TRADUCTION] « un mensonge après l’autre ». Le sergent Dhillon exerçait un tel contrôle et la plaignante n’avait aucune raison de ne pas le croire ou de remettre en question ce qu’il lui disait. Ce qu’il lui disait était logique. Elle n’a même pas remis en question les histoires abracadabrantes, comme sa participation à des [TRADUCTION] « opérations clandestines » [38] .

[73]  Le sergent Dhillon a commencé à mentir dès le tout début de leur relation. Par exemple, selon la plaignante, le sergent Dhillon lui avait dit qu’il était séparé de sa femme et qu’il était en procédure de divorce [39] . Quand le sergent Dhillon et la plaignante ont recommencé à se fréquenter en février 2016, il lui a dit qu’il était divorcé [40] . À l’audience disciplinaire, le sergent Dhillon a affirmé que son divorce n’avait toujours pas été prononcé [41] .

[74]  Pendant toute leur relation, le sergent Dhillon ne l’a jamais amenée chez lui. Il a justifié cela en lui disant qu’il habitait dans le sous-sol de la maison de ses parents et que ces derniers étaient très traditionnels et n’aimeraient pas qu’il sorte avec une femme [TRADUCTION] « blanche » [42] .

[75]  La plaignante et le sergent Dhillon prévoyaient des rencontres. Cependant, le sergent Dhillon arrivait souvent en retard et il lui arrivait également de ne pas se présenter. Il n’avisait même pas la plaignante. Dans certains cas, le sergent Dhillon a affirmé qu’il devait gérer une urgence familiale ou qu’il devait s’acquitter d’une obligation familiale, comme la fois où il a dû accompagner son père à Seattle ou la fois où il est allé reconduire sa mère à San Diego [43] . La plaignante n’avait aucun soupçon avant de rencontrer l’épouse du sergent Dhillon. Le 7 août 2016, pendant leur rencontre, l’épouse du sergent Dhillon a expressément posé des questions à la plaignante au sujet des rendez-vous que son mari avait manqués et elle a été en mesure de réfuter la majeure partie des raisons que ce dernier avait données à la plaignante pour justifier son absence. Par exemple, la plaignante a affirmé qu’une fois, le sergent Dhillon ne s’est pas présenté au rendez-vous et il lui a donné une excuse pour expliquer son absence alors que, dans les faits, il était au Mexique avec son épouse pour une fin de semaine d’amoureux dans le but de sauver leur marriage [44] .

[76]  Selon la plaignante, juste avant leur rupture en février 2013, la situation s’était considérablement détériorée [45] . La plaignante était donc réticente à renouer avec le sergent Dhillon en février 2016. Cependant, malgré ce qu’elle avait enduré, elle ne voulait pas vivre dans le passé. Elle espérait que leur relation ressemblerait à ce qu’elle était tout au début [46] . Le sergent Dhillon lui a assuré qu’après leur rupture, il avait réglé ses problèmes et qu’il avait changé.

[77]  Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que la situation redevienne exactement comme elle l’était au moment de leur rupture trois ans auparavant [47] . Le sergent Dhillon a continué de mentir. Par exemple, il a dit à la plaignante qu’il ne pouvait pas la voir parce qu’il travaillait de nuit pour assurer une surveillance à la suite des fusillades survenues à Surrey. Les horaires de travail et les demandes d’heures supplémentaires du sergent Dhillon pour la période pertinente ont été versés en preuve. Ces documents révèlent que le sergent Dhillon mentait à la plaignante. Il l’a d’ailleurs reconnu durant son témoignage [48] .

[78]  Au cours de leurs conversations, il arrivait que la plaignante rappelle au sergent Dhillon ce qu’il avait dit par le passé. Il niait formellement avoir dit ce qu’elle prétendait et maintenait qu’elle avait tort. La plaignante a déclaré que la situation était telle qu’elle s’est sentie obligée de consigner ce qu’il disait pour ne pas perdre le fil [49] . Le cahier de notes a été versé en preuve. Ce problème a pris de l’ampleur du fait que le sergent Dhillon avait tendance à faire des crises de colère pour tout et pour rien [50] .

[79]  La plaignante a aussi déclaré que si le sergent Dhillon était fâché contre elle, il la punissait en [TRADUCTION] « dressant un mur de silence », c’est-à-dire qu’il la supprimait de l’application BBM [51] ou la bloquait sur Facebook [52] . Cela a été confirmé quand la plaignante a confronté le sergent Dhillon parce qu’il n’était pas allé la chercher avant de partir à Regina en février 2013.

[80]  Dans sa déclaration au sergent d’état-major Schneider, la plaignante a donné une réponse qui résume bien la relation telle qu’elle la voyait lorsqu’il lui a demandé, comme à la fin de toute déclaration, s’il y avait autre chose qu’il devait savoir. Voici ce qu’elle a déclaré :

[TRADUCTION] Euh, j’ai tout dit, qu’il est un menteur compulsif, qu’il est très manipulateur et, euh, qu’il vous amène à croire que vous êtes fou et, euh, qu’il tend à être agressif [53] .

[81]  Le dossier renferme beaucoup plus de renseignements, mais ce qui précède brosse un tableau fidèle de leur relation, laquelle peut être qualifiée d’abusive. Cette situation de violence explique certaines questions liées à la crédibilité de la plaignante qui avaient été soulevées par la représentante du membre.

Décision concernant la crédibilité des témoins

[82]  Dans leurs observations orales, les deux parties ont souligné l’importance de mon évaluation de la crédibilité des témoins. Seuls deux témoins, la plaignante et le sergent Dhillon, ont témoigné à l’audience disciplinaire. Ils ont fourni des versions contradictoires quant à la majorité des aspects essentiels de l’affaire. Par conséquent, la crédibilité de ces deux témoins constitue un facteur important en l’espèce.

[83]  La représentante du membre a relevé plusieurs incohérences entre le témoignage de la plaignante et ses déclarations. Dans l’arrêt McDougall, la Cour suprême fournit des directives importantes en ce qui a trait au traitement des déclarations contradictoires. La Cour indique qu’il n’existe aucune règle pour déterminer à quel moment les contradictions amènent un juge des faits à conclure qu’un témoin n’est pas crédible ou fiable. L’ensemble de la preuve doit être pris en considération pour déterminer l’incidence des contradictions. La Cour souligne par ailleurs que, même si un élément de corroboration est toujours utile et étoffe la preuve offerte, il ne s’agit pas d’une exigence juridique [54] .

[84]  La Cour ajoute qu’une conclusion selon laquelle le témoignage d’une partie est crédible peut fort bien être décisive, car croire une partie suppose explicitement ou non que l’on ne croit pas l’autre sur le point important en litige. C’est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, le défendeur nie les allégations en bloc [55] .

[85]  Enfin, la Cour explique que l’appréciation de la crédibilité ne relève pas de la science exacte et qu’il peut être très difficile pour le juge de première instance de décrire avec précision l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins, ainsi que des efforts de conciliation des différentes versions des faits [56] .

[86]  Un autre aspect abordé par les parties est la distinction entre la crédibilité et la fiabilité d’un témoin. Il faut s’assurer de bien saisir la différence. Un témoin crédible peut donc donner une preuve qui n’est pas fiable, mais un témoin qui n’est pas crédible ne peut pas donner une preuve fiable [57] .

[87]  Après avoir établi les paramètres applicables à l’appréciation de la crédibilité d’un témoin, je peux maintenant évaluer la crédibilité des deux témoins en l’espèce.

Crédibilité de la plaignante

[88]  De façon générale, j’estime que la plaignante est un témoin crédible. Elle semblait honnête et ouverte pendant son témoignage. Plusieurs éléments évoqués durant son témoignage étaient de nature très délicate et personnelle. Or, elle en a parlé en toute franchise.

[89]  Dans ses observations orales, la représentante du membre a bien réussi à relever les contradictions entre les déclarations de la plaignante et son témoignage. Voici certaines de ces contradictions :

  • la séquence des événements entourant les incidents;
  • l’agressivité qu’aurait démontrée le sergent Dhillon lorsqu’il a saisi la plaignante par la gorge lors de l’« incident de l’étranglement »;
  • la façon dont la plaignante a décrit le déroulement de certains incidents (p. ex. quand la plaignante s’est écroulée après l’« incident des seins »);
  • l’objet qui a été expulsé du sein de la plaignante à la suite de l’« incident des seins ».

[90]  Certes, il y a des contradictions. La plaignante en a reconnu quelques-unes pendant son témoignage. Cependant, il faut souligner que, dans les circonstances, il est certain qu’il y aura des contradictions. La plaignante a donné trois déclarations, et ce, à des fins différentes. De plus, beaucoup de temps s’est écoulé entre les déclarations. La plaignante a d’ailleurs témoigné deux ans après avoir donné la dernière déclaration. Enfin, le risque de contradiction est accru quand certains événements se sont produits plus de dix ans avant le témoignage.

[91]  En outre, le fait que la plupart des contradictions relevées par la représentante du membre soient secondaires par rapport aux questions fondamentales de l’affaire constitue un autre facteur important. Par exemple, pendant l’« incident des seins », la question de savoir si la plaignante s’est effondrée directement sur le sergent Dhillon, directement sur le sergent Dhillon avant de rouler sur le côté ou à gauche du sergent Dhillon est sans conséquence. Certes, ce sont des contradictions, mais ce qui importe, c’est que la douleur l’ait amenée à s’effondrer. Ce n’est pas négligeable. La plaignante a été cohérente tout au long de la procédure à cet égard.

[92]  Le point le plus important quant à la crédibilité de la plaignante est le moment où les incidents sont survenus. Ce point sera abordé plus en détail pour chacune des allégations. Cependant, c’est plus une question de fiabilité que de crédibilité.

[93]  La représentante du membre a aussi soulevé des questions quant à certains actes de la plaignante. Par exemple, la représentante du membre a attaché beaucoup d’importance aux deux déclarations que la plaignante avait préparées pour la caporale Mills, lesquelles sont toutes les deux datées du 18 août 2016. Il existe deux versions fort différentes de ces déclarations. Selon la représentante du membre, comme la plaignante a démontré qu’elle avait tendance à omettre certains détails dans ses déclarations, elle ne devrait pas être jugée digne de foi. D’une certaine façon, les actes de la plaignante soulèvent des préoccupations quant à sa crédibilité, mais si on les examine en fonction de la violence conjugale qu’elle subissait, il y a une hypothèse plus plausible.

[94]  Lors de son témoignage, la plaignante a clairement démontré que le sergent Dhillon était très impatient d’obtenir une copie de sa déclaration. Comme le représentant de l’autorité disciplinaire l’a souligné, le sergent Dhillon a demandé à la plaignante de lui fournir une copie de la déclaration pas moins de sept fois, soit par message texte ou par courriel. La plaignante a affirmé que le sergent Dhillon l’avait également appelée [TRADUCTION] « matin, midi et soir pour lui en parler, en plus d’en parler au travail et après le travail ». [58] La plaignante a affirmé avoir changé sa déclaration parce qu’elle savait que le sergent Dhillon allait recevoir une copie et qu’il serait très contrarié si elle mentionnait certaines choses susceptibles de lui nuire. Il a même menacé de la poursuivre pour diffamation si sa déclaration comportait des commentaires négatifs à son sujet [59] . En outre, lors de l’incident survenu à la résidence du sergent Dhillon le 7 août 2016, elle avait pu constater par elle-même que le sergent Dhillon avait de la difficulté à contrôler sa colère. Par conséquent, elle a préparé une deuxième version de la déclaration qui lui était plus favorable. C’est cette version qui a initialement été donnée à la caporale Mills.

[95]  La plaignante a aussi déclaré qu’elle savait qu’elle avait commis une erreur et que si ses actes étaient soulevés, la cote de sécurité nécessaire pour son travail pouvait alors être compromise. Son poste exigeait un niveau d’intégrité élevé et, par conséquent, une cote de sécurité valide. Dès qu’elle en a eu l’occasion, elle a donc informé son superviseur immédiat de ce qu’elle avait fait [60] . Les actes de la plaignante n’évoquent pas une intention de tromper, mais démontrent plutôt qu’elle voulait éviter de contrarier le sergent Dhillon. Il est clair qu’il s’agissait d’un facteur de motivation important pour la plaignante, car elle mettait alors son emploi et sa santé financière en péril.

[96]  Les circonstances entourant la divulgation de sa relation avec le sergent Dhillon constituent un autre exemple clair de l’effet qu’avait la violence conjugale sur le comportement de la plaignante. La relation n’a été mise au grand jour qu’après que le début de l’enquête. La représentante du membre a signalé qu’il s’agissait là d’une question d’intérêt et a laissé entendre que la plaignante avait dévoilé sa relation dans le but d’obtenir l’appui d’autrui ou de renforcer cet appui. Il n’y a aucune preuve étayant cette thèse, mais la question a été posée à la plaignante lors de son contre-interrogatoire et cette dernière a adéquatement expliqué pourquoi elle avait agi ainsi. Elle a affirmé que le sergent Dhillon lui avait enjoint de ne parler à personne de leur relation, et ce, dès le tout début de leur relation. Elle insiste sur le fait qu’elle a respecté sa promesse, à deux petites exceptions près. Elle affirme avoir confié à deux amies qu’elle fréquentait un collègue de travail, mais qu’elle n’avait pas dévoilé l’identité du collègue en question [61] . Ni l’une ni l’autre de ses amies n’avait un lien avec le travail de la plaignante.

[97]  En plus de lui avoir fait promettre de ne parler à personne de leur relation, le sergent Dhillon mentait à la plaignante, surtout sur ce qui se passait dans les bureaux de Coquitlam. La promesse de garder leur relation secrète avait pour effet d’isoler la plaignante. Elle n’avait donc qu’une seule version de l’histoire et c’était celle du sergent Dhillon.

[98]  À la suite de sa rupture avec le sergent Dhillon, la plaignante a entrepris une thérapie en octobre 2016. Elle a appris à mieux se connaître et à mieux comprendre sa relation avec le sergent Dhillon. Les renseignements que lui avait donnés l’épouse de ce dernier ont aussi contribué au processus. La plaignante a affirmé avoir révélé l’existence de la relation après le début de l’enquête notamment pour les raisons suivantes :

  • Elle s’est aperçue qu’elle avait maltraité certaines personnes et elle sentait le besoin de faire amende honorable [62] .
  • Elle a révélé l’existence de la relation à ses amis dans le but de briser l’isolement causé par la violence conjugale [63] .
  • Elle devait établir la vérité pour sa propre tranquillité d’esprit. Elle savait maintenant que le sergent Dhillon lui avait menti. Elle devait prendre conscience qu’elle n’était pas stupide, comme le lui avait si souvent répété le sergent Dhillon [64] .

[99]  Enfin, la plaignante a affirmé que la façon dont elle avait été élevée et dont sa famille gérait de tels problèmes avait également contribué au fait qu’elle avait tardé à parler de sa relation avec le sergent Dhillon. Elle a déclaré que les membres de sa famille ne discutaient pas des aspects dysfonctionnels de leur vie familiale entre eux, et encore moins avec des étrangers [65] .

[100]  Somme toute, j’estime que la plaignante est un témoin crédible en ce qui a trait à ses souvenirs et à son témoignage sur ce qui s’est passé pendant la période pertinente. Cependant, des questions de fiabilité sont soulevées relativement au moment où sont survenus certains événements.

Crédibilité du sergent Dhillon

[101]  J’ai relevé plusieurs problèmes dans le témoignage du sergent Dhillon et, par conséquent, j’estime qu’il n’est pas un témoin crédible.

[102]  Tout d’abord, le représentant de l’autorité disciplinaire a cerné des problèmes sur le plan de la crédibilité quand il a souligné que le sergent Dhillon n’avait donné aucune explication quant à la raison pour laquelle ses souvenirs de certains événements anodins étaient si vifs. Cela est peut-être vrai, mais la véritable question porte sur l’admissibilité de certains éléments clés de son témoignage plutôt que sur la crédibilité.

[103]  La réponse que le sergent Dhillon a donnée aux allégations en application du paragraphe 15(3) des CC (déontologie) est assez sommaire. Elle est très répétitive sur un point. Essentiellement, il soutient que les faits allégués ne peuvent être survenus parce qu’il a entretenu une relation sexuelle avec la plaignante seulement en 2008. Pendant cette période, il a eu des relations intimes avec elle seulement à quatre occasions. Il a simplement nié s’être livré à des actes sexuels non consensuels avec elle.

[104]  Ce n’est pas à moi de dire ce qu’il aurait dû indiquer dans sa réponse. Le sergent Dhillon pouvait la rédiger comme lui et son avocat le jugeaient approprié, mais le fait de préparer une réponse qui consiste simplement à tout nier en bloc comporte des conséquences. En l’espèce, ce n’est pas nécessairement la réponse aux allégations qui soulève des préoccupations, mais plutôt ce qui a suivi. Plus particulièrement, pendant son témoignage, le sergent Dhillon a donné beaucoup plus de renseignements que ce qu’il avait indiqué dans sa réponse. Le meilleur exemple se rapporte à l’« incident des seins ». Le sergent Dhillon a déclaré qu’il était ailleurs ce jour-là; par conséquent, l’incident ne pouvait avoir eu lieu comme la plaignante le prétendait.

[105]  Les principes figurant dans le nouveau régime disciplinaire de la GRC constituent le point de départ de la discussion portant sur les raisons pour lesquelles la réponse fournie par le sergent Dhillon pose problème. Ils sont énoncés comme suit dans le Guide du comité de déontologie :

2. Principes

2.1 L’équipe de l’Initiative de réforme législative (IRL) a été chargée d’élaborer un processus disciplinaire modernisé. Dans ce but, elle a entamé de vastes consultations auprès d’un large éventail d’intervenants et a examiné divers rapports internes et externes concernant la GRC, ainsi que d’autres organismes policiers, sur tout ce qui a trait à la gestion des instances d’inconduite alléguée par des policiers.

2.2 Les réformes adoptées dans le cadre de l’IRL reposent expressément sur certains principes découlant d’un large consensus et d’une compréhension entre les intervenants : les procédures disciplinaires, y compris les audiences devant un comité de déontologie, doivent être opportunes et éviter d’être trop formalistes, juridiques ou contradictoires.

2.3 Ainsi, les instances devant un comité de déontologie ne doivent pas être interprétées ou comprises comme nécessitant des pratiques et des procédures hautement formelles et juridiques semblables à une instance officielle d’un tribunal. On y préférera plutôt un traitement aussi informel et rapide que le permettent les circonstances et les principes d’équité procédurale.

[…]

2.5 À l’appui de cette approche, l’ancien droit des parties d’avoir l’occasion complète de présenter des éléments de preuve, de contre- interroger les témoins et de présenter des plaidoiries à l’audience, a été expressément retiré de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 [Loi sur la GRC] (ancien paragraphe 45.1(8)).

[…]

2.9 Enfin, les membres visés sont maintenant tenus d’admettre ou de nier une allégation le plut tôt possible dans la procédure disciplinaire et d’identifier les moyens de défense ou les éléments de preuve sur lesquels ils visent à s’appuyer, afin que le comité de déontologie puisse conclure une procédure disciplinaire efficacement.

[Caractères gras ajoutés.]

[106]  Les fondements moins formalistes, juridiques et contradictoires du nouveau régime disciplinaire de la GRC sont enchâssés dans le paragraphe 15(3) des CC (déontologie), qui énonce ce qui suit sous la rubrique « Documents à remettre par le membre » :

Dans les trente jours suivant la date de la signification au membre visé de l’avis prévu au paragraphe 43(2) ou dans le délai fixé par le comité, le membre visé remet à l’autorité disciplinaire ou au comité :

a) un écrit dans lequel il admet ou nie chaque contravention alléguée au Code de déontologie;

b) toute observation écrite qu’il souhaite présenter;

c) tout élément de preuve, document ou rapport, autre que le rapport d’enquête, qu’il compte présenter ou invoquer à l’audience.

[Caractères gras ajoutés.]

[107]  Le sergent Dhillon a remis une réponse aux allégations en application du paragraphe 15(3) des CC (déontologie), dans laquelle il a simplement nié que les événements avaient eu lieu et a indiqué n’avoir eu une relation sexuelle consensuelle avec la plaignante qu’à quatre occasions, toutes en 2008. Il n’a fourni aucune autre explication, observation ou preuve à l’autorité disciplinaire ou au comité de déontologie selon les obligations qui lui incombent aux termes du paragraphe 15(3) des CC (déontologie). Le témoignage qu’a livré le sergent Dhillon à l’audience disciplinaire au sujet de ses allées et venues le jour où aurait eu lieu l’« incident des seins » ne peut être une révélation qu’il aurait soudainement eue pendant son témoignage. Il devait déjà avoir l’intention de fournir ce témoignage avant l’audience. Par conséquent, il était tenu, en application du paragraphe 15(3) des CC (déontologie), de donner ces renseignements à l’autorité disciplinaire et au comité de déontologie avant l’audience.

[108]  En droit criminel, le droit de l’accusé de garder le silence est sacré. Ce n’est manifestement pas le cas dans le régime disciplinaire de la GRC, lequel est de nature administrative. L’objectif ultime du processus disciplinaire est de connaître la vérité. Pour atteindre cet objectif, les deux parties doivent [TRADUCTION] « jouer cartes sur table » dès le début des procédures. Il s’agit d’un des changements importants apportés au nouveau régime disciplinaire de la GRC. Le fait que le membre visé soit tenu de fournir les éléments de preuve, documents ou rapports qu’il compte présenter ou invoquer à l’audience disciplinaire ne réduit en rien l’obligation de l’autorité disciplinaire d’établir les allégations selon la prépondérance des probabilités.

[109]  En droit criminel, on défend fermement le droit de l’accusé de garder le silence, mais une exception est tout de même prévue en ce qui concerne la preuve d’alibi. La raison en est que la preuve d’alibi peut facilement être fabriquée, et qu’elle tend à déplacer le débat des questions cruciales en cause [66] .

[110]  Au paragraphe 31 de l’arrêt R v M.R., 2005 CanLII 5845, la Cour d’appel de l’Ontario a déclaré ce qui suit à propos des alibis :

[TRADUCTION] Pour constituer un alibi, l’élément de preuve en litige doit permettre au juge de se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé. Essentiellement, un tel élément de preuve permet d’établir qu’il est impossible que l’accusé ait commis le crime reproché, car il était ailleurs au moment où le crime a été perpétré : R. v. Hill (1995), 102 C.C.C. (3d) 469 (C.A. Ont.), aux pages 478-479.

[Caractères gras ajoutés.]

[111]  Selon le témoignage de la plaignante et les nombreux messages textes échangés entre le sergent Dhillon et la plaignante, l’« incident des seins » est survenu le vendredi 15 avril 2016. Le sergent Dhillon a affirmé que, pendant la fin de semaine du 11 au 15 avril 2016, il suivait une formation avec le Groupe tactique à Chilliwack. Il n’est retourné chez lui que vers 16 h 30 ou 17 h le vendredi. Il avait la garde de sa fille ce soir-là. Il est donc allé la chercher chez ses parents et il est allé souper au restaurant avec sa fille et son frère. Il a même nommé le restaurant [67] . La preuve fournie par le sergent Dhillon correspond tout à fait à la définition d’un alibi. Si elles sont prouvées, ses prétentions permettraient de trancher la question ultime de la culpabilité ou de l’innocence.

[112]  Dans le contexte criminel, toute preuve d’alibi doit être communiquée au ministère public, comme il est établi au paragraphe 179 de l’arrêt Cleghorn. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada souligne qu’il est établi en droit que la communication d’une preuve d’alibi doit respecter deux conditions :

  1. elle doit être faite suffisamment tôt pour permettre aux autorités de la vérifier;
  2. elle doit être suffisamment précise pour permettre aux autorités de la vérifier de façon utile.

[113]  Malgré l’obligation de communiquer la preuve qui est prévue à l’alinéa 15(3)c) des CC (déontologie), il n’existe aucune raison pour laquelle ces conditions ne s’appliquent pas aussi au processus disciplinaire de la GRC. En l’espèce, si le sergent Dhillon comptait invoquer sa preuve d’alibi, il devait la communiquer dans la réponse aux allégations qu’il a fournie aux termes du paragraphe 15(3) des CC (déontologie). S’il ignorait qu’il allait présenter ou invoquer l’alibi ou d’autres éléments de preuve au moment où il a donné sa réponse, il aurait dû communiquer ces éléments de preuve dès qu’il en a eu connaissance ou dès qu’il a su qu’il allait les invoquer. Les deux conditions prévues au paragraphe 15(3) des CC (déontologie) et les principes établis de common law sur la preuve d’alibi l’obligeaient clairement à communiquer la preuve à l’autorité disciplinaire et au comité de déontologie le plus tôt possible.

[114]  Dans le contexte criminel, le fait de ne pas respecter les exigences établies entraîne des conséquences. Au paragraphe 111 de l’arrêt R c Noble, [1997] 1 RCS 874, la Cour suprême du Canada a indiqué que si la défense d’alibi n’est pas avancée d’une manière suffisamment précise et suffisamment tôt pour que la police puisse la vérifier avant le procès, le juge des faits peut tirer une conclusion défavorable du silence de l’accusé à ce moment. Il s’agit d’une règle de commodité plutôt qu’une règle de droit [68] .

[115]  Sachant que la crédibilité allait être le principal facteur en l’espèce, il est surprenant que le sergent Dhillon n’ait pas présenté cet élément de preuve à l’autorité disciplinaire et au comité de déontologie et permis aux autorités de le vérifier. Il aurait été possible de vérifier ou de confirmer la formation du Groupe tactique avec un plan de formation ou d’autres documents provenant de l’établissement de formation, une demande de remboursement de frais de voyage ou des déclarations d’autres membres du Groupe tactique. Il aurait aussi été possible de confirmer le souper au restaurant avec une déclaration du frère du sergent Dhillon [69] , un reçu pour le repas ou un relevé de carte de crédit sur lequel figure la dépense encourue.

[116]  Comme il a omis de divulguer ces renseignements, je peux tirer une conclusion défavorable. J’estime que le sergent Dhillon n’a pas communiqué ces renseignements avant l’audience soit parce qu’ils sont faux ou parce qu’une vérification approfondie aurait permis d’établir qu’il aurait tout de même pu de rendre chez la plaignante le 15 avril 2016.

[117]  De plus, il existe d’autres exemples où le sergent Dhillon a ajouté de nouveaux éléments de preuve à sa réponse aux allégations, mais ces éléments ne correspondent pas nécessairement à la définition d’alibi. Par exemple, le sergent Dhillon a initialement affirmé que les relations sexuelles avec la plaignante avaient pris fin en 2008. Cependant, selon son témoignage, comme il a dû s’acquitter d’obligations familiales vers la fin de 2008, il n’était pas en mesure d’entretenir une relation avec la plaignante. D’une certaine façon, cette affirmation contredit un autre témoignage qu’il avait livré au sujet de la durée de la relation. Il est évident qu’il cherche à miner la crédibilité de la plaignante.

[118]  Voici les éléments de preuve fournis par le sergent Dhillon qui ne figuraient pas dans la réponse qu’il a donnée aux allégations en application du paragraphe 15(3) des CC (déontologie) :

  1. En septembre, son beau-père est tombé gravement malade.
  2. Il a dû s’occuper davantage de sa fille, ce qui ne lui laissait plus de temps pour entretenir une relation avec la plaignante.
  3. Son beau-père a été hospitalisé en octobre 2008 et est décédé en novembre 2008.
  4. Il a dû s’absenter du travail d’octobre à décembre 2008 pour gérer la situation.
  5. Il n’a pas vu la plaignante durant cette période.
  6. Il a vu la plaignante seulement à la fin de son congé, quand il est retourné au travail [70] .

[119]  Selon l’obligation qui lui est imposée par l’alinéa 15(3)c) des CC (déontologie), le sergent Dhillon était tenu de communiquer cette preuve à l’autorité disciplinaire et au comité de déontologie avant de la divulguer lors de son témoignage à l’audience disciplinaire.

[120]  La maladie et le décès de son beau-père auraient facilement pu être prouvés au moyen de dossiers médicaux et/ou d’un certificat de décès, ou même d’un avis de funérailles accessible au public. Les congés annuels du sergent Dhillon auraient pu être vérifiés à l’aide du sommaire des congés tiré du Système informatique de gestion des ressources humaines (SIGRH). Encore là, pourquoi ne pas avoir présenté ces éléments plus tôt? Ils auraient pu renforcer sa crédibilité sur ces aspects. Je peux donc tirer une inférence défavorable du fait que le sergent Dhillon n’ait pas présenté ces éléments de preuve.

[121]  Le sergent Dhillon prétend avoir eu une relation sexuelle consensuelle avec la plaignante qu’à quatre reprises parce qu’il est allergique aux chats [71] . Voilà un autre exemple de renseignements qu’il aurait dû fournir avant l’audience disciplinaire. Il aurait pu s’agir d’un élément de preuve très important et facile à vérifier au moyen de rapports médicaux ou de lettres d’un professionnel de la santé. Cependant, comme ces renseignements n’ont été communiqués qu’après le témoignage de la plaignante, je ne sais même pas si la plaignante possédait un chat pendant la période pertinente.

[122]  Compte tenu de ce qui précède, je ne peux pas accepter l’alibi du sergent Dhillon et d’autres éléments de preuve semblables qui ont été présentés pendant l’audience disciplinaire. Cependant, ce n’est là qu’une partie de mes préoccupations quant à sa crédibilité.

[123]  Pendant son témoignage, le sergent Dhillon a présenté une version des faits qui est extrêmement difficile à concilier avec la preuve. L’exemple le plus flagrant a trait à son allégation selon laquelle l’« incident des seins » ne s’est pas produit bien qu’une chaîne de courriels à connotation sexuelle ait été échangée avant la relation sexuelle du 15 avril 2016. Essentiellement, il a simplement affirmé ceci : [TRADUCTION] « Je sais de quoi ça a l’air, mais la rencontre n’a jamais eu lieu ». Pour expliquer les courriels qu’il avait échangés avec la plaignante, le sergent Dhillon a simplement dit qu’il vivait des difficultés avec sa femme et qu’il avait [TRADUCTION] « d’autres problèmes » à ce moment-là. Il a ajouté qu’il n’avait pas l’intention d’aller rejoindre la plaignante. Au contraire, les courriels et les messages envoyés dans l’application BBM étaient en quelque sorte un [TRADUCTION] « exutoire » pour lui [72] .

[124]  Enfin, pendant son témoignage, le sergent Dhillon a renvoyé à des éléments de preuve qui, insistait-il, étaient au dossier. Ces éléments de preuve se rapportent à l’« incident des seins ». Il prétend ne pas avoir été en mesure de se présenter à la rencontre notamment parce qu’il avait la garde de sa fille. Il ajoute avoir envoyé un message texte à la plaignante à cet effet. Bien qu’il se soit vu offrir une belle occasion de trouver ce message dans la preuve, il n’a pas été en mesure de le dénicher. J’ai aussi fait une recherche et je n’ai rien vu qui ressemble à ce dont parlait le sergent Dhillon. Comme l’a fait remarquer le représentant de l’autorité disciplinaire, la seule fois où le sergent Dhillon a indiqué avoir la garde de sa fille dans la correspondance électronique avec la plaignante remontait au 5 mai 2016, à 22 h 35 [73] . Il précisait qu’il avait la garde de sa fille la nuit suivante, soit le 6 mai 2016, et non le 15 avril 2016.

[125]  Compte tenu de ce qui précède, je ne crois pas que la preuve présentée par le sergent Dhillon sur les questions importantes de l’affaire soit crédible, ni même fiable dans certains cas.

[126]  Après avoir pris une décision sur la question de la crédibilité, je peux maintenant analyser les allégations, en commençant par les incidents de « l’étranglement » et de la « profération de menaces ».

Conclusion sur les incidents de « l’étranglement » et de la « profération de menaces »

[127]  Le premier incident, celui de « l’étranglement », est énoncé au paragraphe 6 de l’allégation nº 1. Le deuxième incident, l’« incident relatif à la profération de menaces », est énoncé dans l’allégation nº 2. Les deux incidents seraient survenus lors de la même rencontre avec la plaignante. Par conséquent, les faits sont les mêmes.

[128]  Les faits relatifs à l’« incident de l’étranglement », tels qu’ils ont été exposés par la plaignante, sont assez simples [74] . Un soir, entre 23 h et 3 h, elle a reçu un appel du sergent Dhillon. Il lui a dit qu’il était dans le voisinage et qu’il passerait chez elle. D’une part, la plaignante était contrariée parce qu’il l’avait appelée sans même se demander si elle dormait, ce qui était le cas. D’autre part, elle avait envie de voir le sergent Dhillon pour savoir comment il allait. Il traversait une période difficile au travail. Selon la plaignante, il avait été suspendu et était, à ce moment-là, en congé pour cause de stress.

[129]  Quand le sergent Dhillon est arrivé, elle l’a accueilli à la porte d’entrée. La plaignante habite dans une maison à demi-niveaux où un palier d’escalier mène vers les étages supérieurs et inférieurs. Ils sont demeurés debout à la porte d’entrée et ils ont parlé. Le sergent Dhillon était visiblement intoxiqué. Son haleine sentait l’alcool. La plaignante a aussi remarqué qu’il chancelait un peu. Le sergent Dhillon lui aurait dit qu’il venait d’une fête de l’équipe de veille qui avait eu lieu chez le caporal Sébastien Lavoie. Elle a trouvé cela étrange puisque le sergent Dhillon ne fréquentait habituellement pas les membres de son équipe à l’extérieur du travail vu qu’il était un superviseur.

[130]  Le sergent Dhillon était exceptionnellement volubile. Il a dit à quel point il était contrarié par la façon dont il était traité au travail. Il avait l’impression d’être persécuté. Il a ensuite parlé de son épouse et de la procédure de divorce. Il a mentionné qu’il était retourné dans la maison familiale. Il était vraiment en colère parce que son épouse rendait sa vie misérable. Il a parlé d’un incident de violence conjugale survenu chez lui. Les policiers ont été appelés et, quand ils sont arrivés sur les lieux, ils ont saisi toutes ses armes à feu. Il était humilié. Il a affirmé qu’il suffirait d’une seule balle pour régler tous ses problèmes. Initialement, la plaignante croyait qu’il avait des pensées suicidaires et lui a dit qu’il ne devait pas réfléchir à ces choses-là, mais le sergent Dhillon l’a reprise et lui a dit qu’il ne voulait pas mettre fin à ses fins, qu’il parlait plutôt de son épouse.

[131]  Avant que le sergent Dhillon ne dise qu’il suffirait d’une seule balle pour régler tous ses problèmes, la plaignante était gênée parce qu’ils étaient debout tous les deux sur le palier en train de se disputer. Elle s’est donc assise sur une marche menant vers l’étage supérieur. À ce moment-là, le sergent Dhillon s’est penché et l’a saisie par la gorge. Il serrait avec le pouce et l’index de sa main droite et avait placé sa main gauche sur le genou de la plaignante. Son visage était proche de celui de la plaignante. Elle lui a demandé d’arrêter et il s’est moqué d’elle. Elle a tenté de se libérer, mais en a été incapable. Elle lui a demandé à nouveau d’arrêter et il lui a répondu : [TRADUCTION] « je devrais te prendre juste là ». La plaignante croyait qu’il voulait avoir une relation sexuelle dans l’escalier. Ensuite, il a simplement relâché son emprise et a déclaré qu’il partait. Selon la plaignante, le sergent Dhillon lui aurait serré la gorge pendant environ 10 secondes. Elle a dit que cela lui a semblé très long et qu’elle a eu peur parce qu’elle ne savait comment les choses allaient tourner.

[132]  Quand le sergent Dhillon a cessé de lui serrer la gorge et qu’il a déclaré qu’il partait, la plaignante lui a recommandé de ne pas conduire parce qu’il avait les facultés affaiblies. Il a toutefois refusé de suivre cette recommandation, ce qui a déclenché une autre dispute. Il a finalement quitté la maison en voiture. Dans sa déclaration, la plaignante a affirmé qu’elle avait songé à appeler la police parce qu’il conduisait en état d’ébriété, mais qu’elle ne l’a pas fait parce qu’il aurait été très fâché le cas échéant [75] . Elle a donné trois raisons pour lesquelles elle n’a parlé à personne de cet incident [76] .

[133]  En réponse aux prétentions de la plaignante, le sergent Dhillon a seulement déclaré que les deux incidents ne s’étaient jamais produits. Il a affirmé n’avoir jamais employé une force physique non désirée contre la plaignante ou contre quiconque d’ailleurs. C’est difficile à croire puisque les policiers doivent souvent user d’une force physique non désirée dans le cadre normal de leurs fonctions.

[134]  En ce qui concerne le commentaire relatif à « la balle », le sergent Dhillon a simplement indiqué qu’il ne tirerait jamais personne, encore moins son épouse. Elle est la mère de son enfant. Il a ajouté qu’il aurait pu faire arrêter sa femme à de nombreuses reprises quand des policiers se sont présentés à leur résidence, mais que ce n’est pas ce qu’il souhaitait. Il convient de souligner que faire arrêter quelqu’un et tuer quelqu’un sont deux choses très différentes.

[135]  Compte tenu de ce qui précède, la version des événements de la plaignante est la version acceptée; à cet égard, j’estime que le bien-fondé du paragraphe 6 de l’allégation nº 1 et de l’allégation nº 2 est établi. Le seul problème posé par la version de la plaignante est lié au moment où elle prétend que les événements sont survenus.

Période associée aux incidents

[136]  Les incidents se seraient produits entre le 1er novembre 2009 et le 28 février 2010. Ces dates semblent coïncider avec les dates fournies par la plaignante dans ses déclarations et son témoignage. Cette dernière a expliqué comment elle en était arrivée à ces dates, mais il est difficile de concilier le tout avec la preuve. Par exemple, dans sa déclaration à la sergente Blades [77] , elle a affirmé que ces incidents étaient survenus alors que le sergent Dhillon avait été suspendu à Coquitlam. Le sergent Dhillon prétendait être en congé pour cause de stress, mais selon elle, il avait plutôt été suspendu. Elle a indiqué que les incidents étaient survenus en janvier ou en février parce qu’il faisait noir à l’extérieur et qu’il pleuvait. Cependant, il fait noir à tout moment de l’année entre 23 h et 3 h. De plus, il pleut souvent dans le sud-ouest de la Colombie- Britannique, et ce, durant la majeure partie de l’année.

[137]  La plaignante a affirmé que le sergent Dhillon avait quitté Coquitlam depuis quelques mois, mais qu’il n’était pas encore arrivé au Détachement de Richmond.

[138]  Dans sa déclaration au sergent d’état-major Schneider, la plaignante a simplement acquiescé quand il a dit que ces incidents étaient survenus en 2011 [78] .

[139]  Le soir des incidents, la plaignante affirme que le sergent Dhillon était à une fête avant de se présenter chez elle. C’est ce qu’il lui a dit. Dans son témoignage et sa déclaration à la sergente Blades, la plaignante a indiqué que le caporal Lavoie en était probablement l’hôte. Ce renseignement aurait aussi été fourni par le sergent Dhillon. Le caporal Lavoie était un membre qui travaillait au Détachement de Coquitlam à l’époque.

[140]  Les enquêteurs du service de police d’Abbottsford ont interrogé le caporal Lavoie le 1er mai 2017 [79] . Ce dernier n’a pas témoigné à l’audience disciplinaire, mais son interrogatoire a été versé au dossier. Dans le prélude de la déclaration, l’enquêteur a indiqué que la fête avait eu lieu à la fin de 2009 ou au début de 2010. Le caporal Lavoie se rappelait avoir organisé une grande fête dans le cadre d’une soirée « Ultimate Fighting Championship » (Championnat de combat ultime). Il ne se souvenait pas de la date exacte, mais il se souvenait qu’il y avait beaucoup de monde à la fête, surtout des membres du Groupe tactique d’intervention. Il connaissait le sergent Dhillon, mais il ne se rappelait l’avoir vu à la fête. Cependant, il faut tenir compte du fait que cette soirée a eu lieu environ sept ans avant l’interrogatoire. Le caporal Lavoie ne pensait pas avoir invité le sergent Dhillon, mais a ajouté que cela ne signifiait pas qu’il n’était pas présent. De plus, il aurait certainement été logique que le sergent Dhillon soit encore affecté au Détachement de Coquitlam, peu importe son état de service, s’il a assisté à une fête organisée par un membre du Détachement de Coquitlam. Cela coïncide avec la déclaration de la plaignante selon laquelle l’événement est survenu avant que le sergent Dhillon ne soit transféré à Richmond.

[141]  Aucun élément de preuve n’a été présenté, que ce soit dans le témoignage du sergent Dhillon ou dans les documents déposés en pièces, en ce qui concerne une suspension pendant son mandat à Coquitlam.

[142]  Le sergent Dhillon a déclaré qu’il avait entamé un congé de maladie d’un mois en février 2009. Il a quitté Coquitlam alors qu’il était en congé de maladie et il n’y est retourné que pour aller porter sa carte d’accès et récupérer ses effets personnels [80] . C’était en mars 2009.

[143]  Bien qu’il soit difficile à lire et qu’il ne soit pas nécessairement fiable en ce qui concerne les absences temporaires comme les congés de maladie, le rapport d’information sur le profil d’employé du sergent Dhillon indique qu’il a commencé un congé de maladie le 12 février 2009. Cela coïncide avec son témoignage.

[144]  J’ignore si les renseignements liés aux problèmes de conduite, comme une suspension, figureraient dans le rapport d’information sur le profil de l’employé. Vu leur nature délicate, ces renseignements sont consignés ailleurs.

[145]  Selon le même document, le sergent Dhillon a été transféré au Détachement de Richmond le 15 mai 2009. Compte tenu de la preuve dont je dispose, malgré tout ce qu’a dit la plaignante, les incidents seraient survenus entre le 12 février 2009 et le 14 mai 2009. Il s’agit d’une période de trois mois plutôt que d’une période de cinq mois, comme l’avait affirmé la plaignante. C’est le sergent Dhillon qui lui avait parlé d’un congé de maladie de cinq mois. [81]

[146]  En outre, compte tenu de ce que la plaignante a dit à propos du fait que le sergent Dhillon a été parti de Coquitlam pendant quelques mois, mais qu’il n’était pas encore à Richmond, les incidents sont probablement survenus vers la fin mars ou le début avril. Le sud-ouest de la Colombie-Britannique connaît toujours des pluies printanières à ce moment-là de l’année.

[147]  Aucune preuve ne vient manifestement étayer la période de temps mentionnée par la plaignante ou celle établie au paragraphe 6 de l’allégation nº 1 et à l’allégation nº 2. Ni l’une ni l’autre des parties n’a soulevé cette préoccupation pendant les procédures. La question consiste alors à savoir si, malgré ce constat, il est toujours possible d’établir le bien-fondé de ce détail et/ou de l’allégation?

[148]  J’estime qu’il est toujours possible d’établir le bien-fondé du paragraphe 6 de l’allégation nº 1 et de l’allégation nº 2. La période mentionnée par la plaignante est à peine différente de celle établie dans l’énoncé détaillé. En fait, elle chevauche les 15 premiers jours de la période établie dans l’énoncé détaillé. Le léger écart entre les deux périodes ne cause pas un préjudice au sergent Dhillon.

[149]  Les exigences liées au contenu d’un avis d’audience disciplinaire se trouvent au chapitre XII.1.11.10.1.1 du Manuel d’administration et dans la note correspondante :

[…] une copie de l’avis de rencontre disciplinaire adressé par l’autorité disciplinaire, dans lequel chaque contravention alléguée fait l’objet d’un énoncé distinct et est accompagnée de la description détaillée de l’acte ou de l’omission qui la constitue;

L’énoncé détaillé des allégations doit contenir suffisamment de précisions — notamment, dans la mesure du possible, le lieu et la date de chaque contravention alléguée dans l’avis — pour permettre au membre visé à qui cet avis est signifié de prendre connaissance de chacune des contraventions qui lui sont imputées et de préparer une réponse qui renvoie explicitement aux faits et événements rapportés dans l’avis.

[Caractères gras et soulignements ajoutés.]

[150]  Le sergent Dhillon et sa représentante ont eu en leur possession les mêmes renseignements que ceux dont je disposais pour déterminer la période en litige, et ce, pendant tout aussi longtemps que moi. Le paragraphe 6 de l’allégation nº 1 et l’allégation nº 2 sont suffisamment détaillés pour savoir ce qui est allégué. Les renseignements sont précis quant au lieu de l’incident. Le dossier contenait amplement de détails quant au moment de l’incident. Le sergent Dhillon savait mieux que quiconque à quel moment il était en congé de maladie et/ou qu’il a été suspendu pendant son affection à Coquitlam et à quel moment il a été transféré au Détachement de Richmond. Il n’aurait dû avoir aucune difficulté à déterminer à quel moment se sont produits les incidents.

[151]  Vu l’analyse de ces incidents, j’estime que la plaignante était crédible quant à son compte rendu des événements, mais qu’elle n’était pas fiable quant au moment où ils se sont produits. Compte tenu de ce qui précède, le bien-fondé du paragraphe 6 de l’allégation nº 1 et de l’allégation nº 2 est établi.

Conclusion sur l’« incident des jambes »

[152]  L’« incident des jambes » serait survenu en novembre ou en décembre 2012. Encore là, les faits relatifs à cet incident, tels qu’ils ont été exposés par la plaignante, sont assez simples [82] . Une fois de plus, l’enjeu le plus important est le moment où l’incident aurait eu lieu.

[153]  Selon la plaignante, le jour de l’incident, la relation se déroulait de la même façon que toutes leurs autres relations sexuelles. La différence cette fois était que le sergent Dhillon lui avait demandé si elle entretenait des fantasmes de viol. Elle lui a répondu que ce n’était pas le cas. Pendant la relation sexuelle, le sergent Dhillon lui a demandé à nouveau si elle entretenait des fantasmes de viol et elle lui a répété qu’elle n’avait pas ce genre de fantasmes. À un moment donné, le sergent Dhillon a placé la paume de ses mains sur les genoux de la plaignante et a commencé à écarter ses jambes. Il poussait si fort qu’elle avait l’impression qu’il allait lui déboîter les hanches. Elle a affirmé avoir senti une vive douleur. En fait, elle a déclaré que la douleur était telle qu’elle s’est mise à pleurer en silence. La plaignante croit que le sergent Dhillon l’a vue pleurer.

[154]  Jusque-là, la relation sexuelle avait été entièrement consensuelle. Quand le sergent Dhillon a écarté les jambes de la plaignante, elle lui aurait dit d’arrêter au moment où il a approché son oreille de sa bouche. Il ne s’est pas arrêté. Il a plutôt levé son bras près de la tête de la plaignante et a tourné la tête de cette dernière sur le côté. Pendant son interrogatoire principal [83] , la plaignante a déclaré qu’environ 10 minutes s’étaient écoulées entre le moment où ils ont commencé à avoir une relation intime et le moment où le sergent Dhillon a tourné sa tête sur le côté. Lors de son contre-interrogatoire [84] , la plaignante a estimé que le sergent Dhillon avait maintenu ses jambes écartées pendant 15 à 20 secondes. En réponse à une question du comité, elle a estimé qu’environ 10 à 15 secondes s’étaient écoulées entre le moment où elle a demandé au sergent Dhillon d’arrêter et le moment où il a tourné sa tête sur le côté.

[155]  Il est clair que la plaignante a demandé au sergent Dhillon d’arrêter d’écarter ses jambes assez rapidement. Quand il a levé son bras pour tourner sa tête sur le côté, il a dû relâcher au moins une jambe, ce qui aurait mis un terme à cet incident. Cependant, pendant au moins 10 à 15 secondes, le sergent Dhillon a ignoré la demande de la plaignante.

[156]  Dans les observations qu’elle a formulées à l’égard de cet incident, la représentante du membre a fait ressortir les délais mentionnés par la plaignante lors de son témoignage et a fait remarquer que la différence entre un délai de 10 minutes et un délai de 15 à 20 secondes constitue une incohérence importante. Cependant, il ressort clairement de la façon dont elle a rédigé ses observations qu’elle ne savait pas quelles questions avaient été posées pour que la plaignante donne ces réponses. Quand la plaignante a répondu que 10 minutes avaient passé, on lui avait demandé combien de temps s’était écoulé entre le début de leur relation sexuelle et le moment où le sergent Dhillon avait tourné sa tête sur le côté [85] . Quand elle a répondu que 15 à 20 secondes s’étaient écoulées, on lui avait demandé [TRADUCTION] « pendant environ combien de temps a-t-il maintenu vos jambes écartées? » [86] . Ce sont là deux questions bien différentes qui ont raisonnablement donné lieu à deux réponses bien différentes de la part de la plaignante.

[157]  La plaignante a déclaré qu’elle était contrariée parce que le sergent Dhillon l’ignorait, mais qu’elle ne pouvait rien y faire parce qu’il était sur elle. Dans sa déclaration à la sergente Blades, la plaignante a indiqué que, pendant ce temps-là, le sergent Dhillon était [TRADUCTION] « détaché » [87] . Elle a ajouté qu’après que le sergent Dhillon eut tourné sa tête sur le côté, il a continué de la pénétrer pendant quelques minutes. Une fois le rapport sexuel terminé, le sergent Dhillon s’est simplement levé et est allé se doucher, comme à l’habitude. Quand il est sorti de la douche, la plaignante lui a demandé pourquoi il ne s’était pas arrêté quand elle lui a demandé. Il lui aurait répondu : [TRADUCTION] « Ferme-la, t’as aimé ça » [88] .

[158]  Les faits relatés par la plaignante dans ses déclarations sont assez fidèles à ceux exposés dans le témoignage qu’elle a livré à l’audience disciplinaire.

[159]  Le sergent Dhillon a catégoriquement nié que cet incident avait eu lieu, mais il n’a pas contesté ces faits. Par conséquent, il convient de clore cette partie de l’analyse en précisant que, quand une personne dit à une autre personne d’arrêter ce qu’elle est en train de faire pendant un rapport sexuel, il est clair qu’elle ne consent pas à ce qui se passe. La plaignante a clairement dit au sergent Dhillon qu’elle voulait qu’il arrête. Au lieu de cela, il a continué jusqu’au moment où il en a décidé autrement. J’estime donc que les actes décrits dans l’énoncé détaillé quant à cet incident sont établis. Mais, encore là, la période énoncée dans l’énoncé détaillé reste à déterminer.

Période associée à cet incident

[160]  L’incident se serait produit en novembre ou en décembre 2012. Dans sa déclaration à la sergente Blades, la plaignante a affirmé que cet incident s’était produit après sa fête en novembre et a finalement déclaré qu’il avait eu lieu en novembre ou décembre 2012 [89] . Dans son témoignage, elle a aussi indiqué que cet incident était survenu à la fin de 2012 parce qu’elle avait sorti sa couette d’hiver et parce que cela s’était produit peu de temps avant qu’ils mettent fin à leur relation la première fois. Elle a indiqué que leur relation s’était terminée au moment où le voyage à Regina devait avoir lieu, soit en février 2013 [90] . Il n’y a aucune preuve indépendante qui corrobore le témoignage de la plaignante en ce qui concerne le moment de l’incident.

[161]  Le sergent Dhillon a simplement affirmé que la relation sexuelle qu’il avait entretenue avec la plaignante s’était terminée en 2008, mais qu’ils avaient continué à communiquer jusqu’à la fin de 2009.

[162]  La représentante du membre a fait ressortir plusieurs courriels qui laissent entendre que la relation entre la plaignante et le sergent Dhillon s’est terminée en 2010. Le premier est un message tiré de l’application BBM [91] et daté du 17 août 2016, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION] Tout ce que je dis, c’est que si tu n’as pas été honnête envers moi, tu devrais me le dire. Par exemple, en 2010, tu es disparu de la surface de la Terre parce que tu fréquentais quelqu’un d’autre. Je peux penser à environ quatre fois où je t’ai menti au fil du temps [92] .

[Caractères gras ajoutés.]

[163]  En outre, dans un message envoyé le 23 août 2016, la plaignante a écrit ceci : [TRADUCTION] « Je ne t’ai vu que deux fois en six ans, alors qu’est-ce que j’en sais? […] » [93] . Ce commentaire s’inscrivait dans le contexte d’une discussion sur le changement d’apparence du sergent Dhillon.

[164]  La représentante du membre a fait remarquer que, lors de son contre-interrogatoire, la plaignante a précisé qu’elle voulait dire six mois et non six ans. Elle a raison, mais la plaignante a tenté d’expliquer l’erreur en soulignant que la communication avait eu lieu en août 2016. Elle n’avait vu le sergent Dhillon que deux fois au cours des six mois qui avaient suivi leurs retrouvailles en février 2016 [94] . Selon la plaignante, une de ces deux fois, ils ont eu une relation sexuelle et l’« incident des seins » a eu lieu; l’autre fois, ils sont allés prendre un café. Certains messages textes, datés du 27 août 2016, indiquent que le sergent Dhillon et la plaignante sont allés prendre un café dans un centre commercial, ou qu’ils ont du moins tenté de fixer rendez- vous [95] . Par conséquent, la plaignante ne pouvait pas faire référence à cette rencontre dans son message du 3 août 2016 puisqu’ils sont allés prendre un café quatre jours après l’envoi des messages textes en question.

[165]  Je souligne également que le sergent Dhillon et la plaignante se sont vus le 7 août 2016, chez le sergent Dhillon. La plaignante l’a mentionné dans son contre-interrogatoire lorsqu’elle a répondu ce qui suit :

[TRADUCTION] Je ne vois aucune allusion à la rencontre au café. Alors, je suppose que je l’ai vu trois fois, quand il est venu chez moi, quand je l’ai vu à l’autre maison et quand je l’ai rencontré au café [96] .

[166]  Compte tenu de ce qui précède, il est fort probable que les deux rencontres auxquelles la plaignante a fait référence dans son message du 23 août 2016 aient eu lieu le 15 avril 2016, date à laquelle s’est produit l’« incident des seins » (« quand il est venu chez moi »), et le 7 août 2016, date de l’incident survenu chez le sergent Dhillon ([TRADUCTION] « quand je l’ai vu à l’autre maison »). Bien qu’elle ait dit six ans au lieu de six mois, cela concorde avec l’explication qu’a donnée la plaignante pour le message texte.

[167]  L’échange de courriels suivant a eu lieu le 29 février 2016, dès 14 h 35 [97] :

[TRADUCTION]

Plaignante : Je ne sais pas par où commencer. Quand es-tu disparu de la surface de la Terre?

Sergent Dhillon : Après avoir été libéré de toutes ces conneries à Coquitlam et quand je suis parti à Richmond. Je pense que c’était vers 2009.

Plaignante : Merde! Tant que ça? Je ne peux pas revenir sur six ans de ma vie. C’est trop long.

[168]  La représentante du membre (RM) a aussi traité de cet échange de courriels lorsqu’elle a contre-interrogé la plaignante [98] :

[TRADUCTION]

RM : Que vouliez-vous dire?

Plaignante : Je voulais dire qu’il y avait beaucoup de choses à raconter.

RM : Mais, vous avez dit six ans?

Plaignante : Hmm.

RM : Que vouliez-vous dire par six ans?

Plaignante : Je voulais dire que je ne l’avais pas vu pendant six ans. Je sais que quand nous avons commencé à communiquer par courriel, il était question d’un [intervalle] différent et nous en avions parlé au téléphone.

RM : Alors, pourquoi avoir dit que vous ne l’aviez pas vu pendant six ans?

Plaignante : Parce que c’est ce qu’il avait dit.

RM : Mais, c’est vous qui le dites.

Plaignante : Selon moi, ça n’avait pas été si long, mais il disait que oui alors…

RM : Alors, vous étiez d’accord avec lui?

Plaignante : Hmm.

RM : Alors, vous ne l’aviez pas vu depuis six ans?

Plaignante : Je ne suis pas d’accord avec ça maintenant. J’étais d’accord à ce moment-là, dans le cadre de la conversation.

RM : Alors, en février 2016, vous étiez d’accord pour dire que vous ne l’aviez pas vu depuis six ans, mais aujourd’hui, vous n’êtes plus d’accord avec cette affirmation? C’est ce que je comprends?

Plaignante : Quand nous avons repris contact, je disais que c’était à un certain moment et il disait que c’était à un autre moment. Je me suis juste laissé emporter.

RM : Mais, Mme [la plaignante], vous êtes une personne à part entière, vous avez votre propre mémoire.

Plaignante : Ouais.

RM : Je suppose donc que vous vous fieriez à vos souvenirs.

Plaignante : C’est ce qu’on pourrait croire ---

RM : Mais quoi ---

Plaignante : Mais, pendant ma relation avec Suki, il y avait plusieurs choses que je croyais vraies et il réussissait à me convaincre du contraire.

RM : Il réussissait à vous convaincre même si vous saviez que vous aviez entretenu une relation sérieuse depuis 2013, soit pendant près de quatre ans et demi ou cinq ans, tout au plus…

Plaignante : Hmm.

RM : --- mais il réussissait à vous convaincre que vous ne l’aviez pas vu depuis six ans?

Plaignante : Il était capable de me faire douter de mes propres souvenirs, oui.

RM : En termes d’années?

Plaignante : Tout à fait.

RM : Nous parlons ici d’une différence de trois ans.

Plaignante : Oui.

RM : Alors, il réussissait à vous faire croire à cette différence?

Plaignante : Oui.

RM : Un écart de plusieurs années?

Plaignante : Je ne dis pas que c’est ce que nous faisons maintenant, mais je vous suis.

[169]  Il est difficile de concilier ce que dit la plaignante, mais encore là, quand nous examinons cet échange en prenant en considération le fait qu’il s’agissait d’une situation de violence conjugale, c’est compréhensible. La plaignante a affirmé que le sergent Dhillon était capable de la convaincre de la véracité d’une chose même si elle savait que ce n’était pas vrai. C’était là une partie de la raison pour laquelle elle avait commencé à prendre des notes, pour se rappeler des événements tels qu’ils étaient arrivés. Elle a aussi déclaré que le sergent Dhillon pouvait se fâcher pour la moindre chose. Par conséquent, elle devait choisir ses « batailles ».

[170]  Avant de conclure cette partie, il convient de citer un autre échange de courriels qui ne se trouve pas dans les observations de la représentante du membre. Cet échange était peut-être ce à quoi la plaignante faisait référence lors de son contre-interrogatoire lorsqu’elle a dit [TRADUCTION] « Quand nous avons repris contact, je disais que c’était à un certain moment et il disait que c’était à un autre moment. Je me suis juste laissé emporter » [99] . Cet échange a eu lieu le 25 février 2016 et se lit comme suit [100] :

[TRADUCTION]

Plaignante : Je ne me souviens pas de la dernière fois où je t’ai parlé.

Beaucoup de choses se sont passées au travail en 2013 et les années suivantes. Une amie a postulé pour un poste [de soutien administratif]; j’espère qu’elle va l’obtenir. Je suis toujours à Coquitlam… Toi, quoi de neuf?

Sergent Dhillon : Ça fait quelques années. Rien de neuf. Je travaille, comme d’habitude, lol

[Caractères gras ajoutés.]

[171]  Compte tenu de ce qui précède, je reconnais que certains propos tenus par la plaignante dans les messages cités présentent des problèmes. Cependant, elle a fourni des explications qui semblaient, tout compte fait, logiques. La façon dont elle a déterminé le moment auquel l’incident a eu lieu, c’est-à-dire en faisant référence à d’autres événements importants, comme sa fête, est aussi logique.

[172]  La plaignante a aussi déclaré que les rencontres en personne ont grandement diminué après le transfert du sergent Dhillon au Détachement de Richmond. Par conséquent, bien que le sergent Dhillon insiste pour dire que la relation s’est terminée en 2009, j’accepte que l’incident se soit produit en novembre ou en décembre 2012, comme il est précisé dans l’énoncé détaillé. Par conséquent, j’estime que les points 7 et 8 de l’allégation nº 1 sont établis.

Conclusion sur l’« incident des seins »

[173]  L’« incident des seins » serait survenu en avril 2016, comme il est indiqué au paragraphe 9 de l’allégation nº 1. La date a expressément été fixée au 15 avril 2016. Encore là, les faits relatifs à cet incident sont assez simples.

[174]  Selon la plaignante, peu de temps après avoir repris contact en février 2016, le sergent Dhillon et elle ont commencé à planifier une rencontre. Cependant, ils avaient de la difficulté à trouver une journée qui convenait. Ils ont finalement fixé une date en avril. Il y a suffisamment de messages textes et de courriels à connotation sexuelle qui ont été envoyés avant le 15 avril 2016 pour prouver qu’ils avaient l’intention de se voir ce jour-là dans le but d’avoir une relation sexuelle.

[175]  Le sergent Dhillon a déclaré qu’il pouvait être difficile de croire que, malgré le contenu de ces messages, il n’avait pas l’intention de se livrer à des activités sexuelles avec la plaignante. Il vivait, disait-il, des difficultés avec son épouse et avait [TRADUCTION] « d’autres problèmes ». Les messages textes et les messages BBM étaient en quelque sorte un exutoire pour lui [101] . Honnêtement, il est difficile de croire que la relation sexuelle n’a pas eu lieu puisque la plaignante l’a décrite à la lumière des courriels.

[176]  Il y a un dernier élément de preuve qui m’amène à conclure que la relation a bel et bien eu lieu. Il s’agit de courriels échangés entre la plaignante et le sergent Dhillon le 19 avril 2016, soit quatre jours après ladite relation. L’objet des messages est [TRADUCTION] « Fantômisation » [102] . L’échange, qui a été initié par la plaignante, commence à 7 h 23 et se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Plaignante : Tu te fantômises? Si c’est le cas, tu ne peux pas faire ça. On ne se fantômise pas auprès de ses amis. :/

Sergent Dhillon : Euh, quoi? Non, je travaille de nuit.

Plaignante : Mais pourquoi travailles-tu de nuit? Je suis tellement confuse. Je ne sais plus quelle équipe de veille travaille. La fantômisation, c’est quand on disparaît après avoir eu une relation sexuelle. :p

Sergent Dhillon : J’ai été affecté à l’équipe de surveillance à cause de toutes les fusillades.

[Caractères gras ajoutés.]

[177]  Le sergent Dhillon n’a pas remis en question l’explication donnée par la plaignante quant à la signification de « fantômisation ». Il est tout à fait naturel de chercher à se défendre lorsqu’on est accusé à tort. Cela serait d’autant plus vrai en l’espèce vu le caractère du sergent Dhillon tel qu’il a été décrit par la plaignante et démontré dans certains courriels. Le sergent Dhillon a plutôt répondu qu’il avait été détaché et qu’il travaillait de nuit.

[178]  Comme le sergent Dhillon a catégoriquement nié que cet événement avait eu lieu, je ne dispose que de la version de la plaignante [103] . Selon elle, le sergent Dhillon est arrivé en retard comme à l’habitude. Il est arrivé entre 20 h 30 et 21 h. Le sergent Dhillon a un alibi, mais il aurait pu arriver chez lui à 17 h, être allé chercher sa fille chez ses parents, être allé au restaurant avec son frère et avoir eu le temps de se rendre chez la plaignante avant 21 h.

[179]  Le sergent Dhillon et la plaignante ont bavardé et en ont profité pour s’informer de ce qui s’était passé dans leur vie depuis leur dernière rencontre. Ils discutaient depuis peu quand le sergent Dhillon lui a fait des avances et qu’ils ont commencé à avoir une relation sexuelle sur le canapé du salon. Ils se sont rendus dans la chambre où ils ont suivi la routine habituelle avant de se livrer à des activités sexuelles. Le sergent Dhillon s’est étendu sur le lit et la plaignante s’est assise sur lui. À un moment donné, elle s’est penchée et il a placé sa bouche sur son sein droit. Il s’est mis à sucer ou à mordre son mamelon, ce qui lui a fait très mal. Elle lui a donc dit d’arrêter. Elle a tenté de se libérer, mais elle n’en a pas été capable parce qu’elle y était [TRADUCTION] « liée ». Ses mains étaient alors posées sur le lit. Cependant, avec son bras, le sergent Dhillon a écarté le bras de la plaignante et a immédiatement changé de sein. Alors qu’il suçait et mordillait son sein gauche, il s’est aussi mis à le serrer. Il serrait [TRADUCTION] « vraiment, vraiment fort », de sorte qu’elle a ressenti des douleurs importantes. Elle craignait de subir certains dommages. Elle a dit au sergent Dhillon qu’il lui faisait mal. Elle a commencé à voir des étoiles à cause de la douleur. Elle s’est effondrée à gauche du sergent Dhillon et c’est à ce moment-là qu’il a cessé. Ils ont échangé quelques mots alors qu’elle se tournait sur le dos. Le sergent Dhillon voulait terminer la relation sexuelle, ce qu’ils ont fait.

[180]  Dans la déclaration qu’elle a faite au service de police d’Abbotsford, la plaignante a dit aux enquêteurs que le sergent Dhillon avait serré son sein si fort qu’un marqueur avait traversé la peau et avait été expulsé de son sein. La plaignante s’est renseignée auprès des professionnels de la santé et a appris qu’aucun marqueur n’avait été inséré dans ses seins. Elle a donc exploré d’autres hypothèses, à savoir s’il s’agissait d’un fil de suture non résorbable ou d’un mince fil provenant d’une biopsie avec localisation à l’aiguille. Elle a conclu qu’il s’agissait d’un fil de suture et a indiqué qu’elle avait trouvé un objet qui sortait de son sein. Elle a été en mesure de l’enlever et de le garder dans un mouchoir, mais elle a ensuite jeté le mouchoir par inadvertance [104] . On en a fait grand cas lors du contre-interrogatoire de la plaignante.

[181]  La plaignante a aussi déclaré que le sergent Dhillon avait empoigné ses seins si durement qu’il avait laissé une ecchymose en forme de main. La contusion est restée pendant au moins cinq semaines [105] . Le sergent Dhillon n’a pas vraiment contesté cet élément de preuve.

[182]  Lors du contre-interrogatoire, la représentante du membre a aussi contesté la version qu’a donnée la plaignante quant à la façon dont l’incident s’est terminé, plus particulièrement la description qu’elle a faite du moment où elle s’est effondrée. Dans son témoignage, la plaignante a affirmé qu’elle s’était effondrée à la gauche du sergent Dhillon. La représentante du membre a attiré l’attention de la plaignante sur la déclaration qu’elle avait faite à la sergente Blades, alors qu’elle avait dit s’être effondrée sur le sergent Dhillon [106] . Cependant, un peu plus loin dans la déclaration, elle a indiqué qu’elle s’était [TRADUCTION] « relevée un peu et [s’était] penchée de l’autre côté ». Elle peut donc s’être effondrée d’un côté comme de l’autre. Dans la même déclaration, à la page 196, la plaignante a dit à la sergente Blades que [TRADUCTION] « [ç]a faisait mal. D’accord. Ça faisait tellement mal que je me suis comme effondrée sur le côté […] ». Par conséquent, j’estime que la plaignante était cohérente dans son témoignage et dans les déclarations qu’elle a faites aux enquêteurs.

[183]  Contrairement aux autres périodes, la période établie pour ces deux points ne fait aucun doute. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les points 9 et 10 de l’allégation nº 1 sont établis.

Conclusion sur les allégations

[184]  Jusqu’ici, tous les points ont été établis, sauf deux. Ces deux derniers points appellent des commentaires.

[185]  Au paragraphe 11 de l’allégation nº 1, il est indiqué que les gestes posés par le sergent Dhillon constituaient une conduite déshonorante et au paragraphe 5 de l’allégation nº 2, il est inscrit que les commentaires formulés par le sergent Dhillon étaient inappropriés et constituaient une conduite déshonorante.

[186]  Le Comité externe d’examen de la GRC (CEE) offre son analyse sur la nature de la conduite qui « n’est pas susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie » [CEE C-2015-001 (C008), 22 février 2016]. J’accepte et j’adopte l’approche décrite aux paragraphes 92 et 93 de sa recommandation. En termes simples, pour déterminer si un membre a contrevenu à l’article 7.1 du Code de déontologie, il faut se demander si une personne raisonnable ayant connaissance des faits, y compris les réalités des services de police en général et celles de la GRC en particulier, arriverait à la conclusion que la conduite est déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. L’autorité disciplinaire doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités.

[187]  En appliquant le critère de conduite déshonorante, j’estime qu’une personne raisonnable au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités des services de police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait la conduite du sergent Dhillon par rapport aux deux allégations comme déshonorante et suffisamment liée à sa situation d’emploi pour justifier la prise de mesures disciplinaires.

[188]  Les gestes que le sergent Dhillon a posés témoignaient clairement d’un grave manque de respect à l’égard de la plaignante et de son épouse. Non seulement le respect constitue l’une des valeurs fondamentales de la GRC, mais l’article 2 du Code de déontologie précise que « [l]a conduite des membres envers toute personne est empreinte de respect et de courtoisie; ils ne font pas preuve de discrimination ou de harcèlement ».

[189]  De plus, ses actes constituaient ce que l’on peut appeler de la violence ou de la maltraitance dans une relation. La violence envers les femmes est encore un problème grave au Canada malgré les efforts importants déployés par les législateurs, les organismes d’application de la loi, y compris la GRC, et les membres de la magistrature au cours des dernières décennies pour établir des mécanismes de prévention et intervenir.

[190]  Selon la politique nationale de la GRC qui se trouve au chapitre 24.2.1 du Manuel des opérations, les enquêtes en matière de violence et de maltraitance dans les relations sont hautement prioritaires et sont menées rapidement et avec soin, assurant ainsi la sécurité des personnes touchées. En tant que membre actif de la GRC, le sergent Dhillon doit jouer un role important dans les efforts déployés par la GRC pour prévenir la violence dans les relations et enquêter à ce sujet, et non pas contribuer au problème. Au moment des événements, le sergent Dhillon était un sous-officier de la GRC. Bien qu’il ait essentiellement posé ces gestes alors qu’il n’était pas en service, il est clairement indiqué à l’article 1 du Code de déontologie que le Code s’applique tant aux membres en service qu’à ceux qui ne le sont pas.

[191]  S’agissant de l’allégation nº 2, le représentant de l’autorité disciplinaire a invoqué l’affaire Officier compétent de la Division K c Cardinal, 14 D.A. (4e) 182, pour appuyer la conclusion selon laquelle l’allégation est établie. Dans cette affaire, le comité d’arbitrage a écrit ce qui suit au paragraphe 10 :

Les faits relatifs à l’allégation 2 montrent que le membre concerné a laissé entendre, lors d’une conversation avec un confrère policier, qu’il aurait intérêt à tuer son ex-conjointe. Ce genre de menace, surtout proférée dans le contexte d’une rupture de couple, doit être prise très au sérieux. Quiconque entendrait une telle menace sortir de la bouche d’un policier habilité à porter une arme à feu aurait de bonnes raisons de s’inquiéter.

[192]  Non seulement le sergent Dhillon porte une arme à feu dans le cadre de son travail, mais il est hautement qualifié pour l’utiliser. Il s’est promené à travers le pays pour offrir de la formation à ses collègues de la GRC sur l’utilisation d’armes à feu. En outre, le sergent Dhillon ne portait pas seulement une arme pour son travail, mais il possédait également une importante collection d’armes à feu [107] .

[193]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime que les gestes posés par le sergent Dhillon étaient déshonorants et suffisamment liés à son emploi. Par conséquent, je conclus que les deux allégations sont fondées.

MESURES DISCIPLINAIRES

[194]  Le sergent Dhillon n’a pas témoigné à l’étape de l’audience relative aux mesures disciplinaires. Les deux parties ont fourni des éléments de preuve documentaire et ont présenté des observations.

Observations du représentant de l’autorité disciplinaire

[195]  La mesure disciplinaire que l’autorité disciplinaire désirait imposer au sergent Dhillon était un ordre de démissionner de la Gendarmerie et, en cas de défaut, un congédiement. Le représentant de l’autorité disciplinaire a expliqué que celle-ci ne demandait pas d’emblée un congédiement, car il était souvent arrivé qu’un ordre de démissionner soit donné pour dissiper les préoccupations que pouvait avoir le membre relativement au régime de retraite et à l’indemnité de départ. Il a ajouté que la plupart de ces préoccupations n’existent plus. Il a également affirmé qu’un congédiement constitue une mesure disciplinaire plus sévère qu’un ordre de démissionner.

[196]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a reconnu le bon dossier d’emploi du sergent Dhillon, mais a souligné qu’il n’était pas exempt de défaut, comme le montre l’évaluation de rendement pour l’exercice 2008-2009.

[197]  En réponse à l’affirmation du sergent Dhillon selon laquelle les facteurs de stress présents dans sa vie personnelle devraient être considérés comme des facteurs atténuants, le représentant de l’autorité disciplinaire a souligné que tout le monde fait face à des facteurs de stress dans sa vie personnelle. Par conséquent, les membres ne devraient pas vraiment bénéficier de mesures d’atténuation quand ces facteurs se transposent dans le milieu de travail et que leurs problèmes personnels ont une incidence sur leurs obligations professionnelles.

Observations de la représentante du membre

[198]  La représentante du membre convient que les allégations sont graves et que le congédiement est une sanction qui pourrait être imposée. Elle a toutefois fait observer qu’une sanction pécuniaire élevée serait une mesure appropriée en l’espèce.

[199]  La représentante du membre a souligné que le sergent Dhillon compte 19 années de service. Au cours de sa carrière, il a fait preuve d’un rendement au travail supérieur à la moyenne, comme le montrent les commentaires formulés dans les évaluations de rendement qu’elle a présentées.

[200]  La représentante du membre a aussi fait remarquer que le sergent Dhillon faisait face à d’importants facteurs de stress dans sa vie personnelle pendant la période pertinente, plus particulièrement, la relation nettement tendue qu’il entretenait avec son épouse.

[201]  Comme dernier facteur atténuant, la représentante du membre a souligné que, bien que le service de police d’Abbottsford ait mené une enquête dans ce dossier, le sergent Dhillon n’a jamais fait l’objet d’accusations criminelles.

Décision sur les mesures disciplinaires

[202]  Suivant le paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, le comité de déontologie doit, après avoir établi qu’il y avait eu contravention au Code de déontologie, pendre une des mesures disciplinaires suivantes :

  1. il recommande que le membre soit congédié de la Gendarmerie, s’il est sous- commissaire, ou, s’il ne l’est pas, le congédie de la Gendarmerie;
  2. il ordonne au membre de démissionner de la Gendarmerie, et si ce dernier ne s’exécute pas dans les quatorze jours suivants, il prend à son égard la mesure visée à l’alinéa a);
  3. il impose une ou plusieurs des mesures disciplinaires prévues dans les règles.

[203]  Aux termes du paragraphe 24(2) des CC (déontologie), « [l]e comité impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au Code de déontologie ».

[204]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé, à juste titre, que le CEE avait établi un cadre d’analyse en vertu de l’ancien régime disciplinaire de la GRC et que ce cadre d’analyse demeure pertinent dans les procédures disciplinaires intentées au titre de la version modifiée de la Loi sur la GRC. Selon ce cadre d’analyse, les comités de déontologie doivent d’abord prendre en considération l’éventail approprié des mesures disciplinaires, ainsi que les facteurs atténuants et aggravants, afin de prendre les mesures appropriées dans l’affaire en cause. Cette approche respecte les dispositions du chapitre XII.1.11.15 du Manuel d’administration.

[205]  Le Guide des mesures disciplinaires offre une liste exhaustive des facteurs atténuants et aggravants qui ont été reconnus par les comités d’arbitrage de la GRC. Ces facteurs sont appliqués de manière générale et peuvent être examinés par une autorité disciplinaire ou un comité de déontologie lors de l’imposition de mesures disciplinaires.

Recommandations du Guide des mesures disciplinaires

[206]  Le Guide des mesures disciplinaires énumère plusieurs sanctions possibles dans les cas de conduite déshonorante. Bien que les deux allégations soient fondées sur l’article 7.1 du Code de déontologie, elles sont très différentes.

[207]  L’allégation nº 1 se rapporte à trois incidents distincts d’inconduite, lesquels constituent tous une contravention grave au Code de déontologie. Les trois incidents ont été établis. Selon le Guide des mesures disciplinaires, les trois incidents peuvent être qualifiés de voies de fait/violence familiale. Ils ne sont pas survenus dans le contexte d’une relation matrimoniale, mais plutôt dans le contexte d’une relation extraconjugale. Néanmoins, ils étaient tous liés à l’usage non consensuel de la force physique contre une autre personne. Le sergent Dhillon a tout simplement usé d’une force physique non désirée lorsqu’il a saisi la plaignante par la gorge. Dans les deux autres incidents, il a employé une force physique non consensuelle pendant ce qui était une relation sexuelle par ailleurs consensuelle.

[208]  L’énoncé détaillé de l’allégation nº 2 fait état d’un commentaire formulé par le sergent Dhillon et se rapporte au Guide des mesures disciplinaires, plus particulièrement la profération de menaces. La représentante du membre a dit qu’il s’agissait simplement d’un commentaire inapproprié, mais le commentaire du sergent Dhillon selon lequel [TRADUCTION] « une seule balle réglerait tous [s]es problèmes », faisant alors allusion à son épouse, est manifestement une menace de la tuer ou de la blesser par balle.

[209]  Le Guide des mesures disciplinaires vise à atteindre l’objectif de l’organisme, soit la cohérence du processus disciplinaire, et énonce les attentes qu’a la GRC en ce qui concerne la conduite des membres. Ce guide dresse une liste de mesures qui peuvent être imposées à un membre si une allégation de contravention au Code de déontologie est établie. Le Guide des mesures disciplinaires n’est pas immuable. Au contraire, il s’agit d’un point de départ afin de déterminer les mesures disciplinaires appropriées. Les recommandations qui y sont faites contribuent à éliminer la subjectivité dans l’évaluation de ces mesures et offrent un cadre de travail pour les discussions.

[210]  Dans les cas mineurs, lorsque la conduite reprochée constitue une poussée/bousculade mineure ou de la provocation, la mesure disciplinaire recommandée lorsqu’il y a contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie pour voies de fait ou violence familiale est la confiscation d’un jour ou deux de solde. Dans les cas ordinaires, la mesure recommandée est la confiscation de trois à 10 jours de solde. Dans les cas graves, la mesure recommandée varie entre la confiscation de 15 jours de solde et le congédiement lorsqu’il y a eu voies de fait graves, blessures, utilisation ou possession d’une arme ou antécédents de violence conjugale.

[211]  S’agissant de l’allégation nº 2, c’est-à-dire les menaces proférées à l’encontre de l’épouse du sergent Dhillon, la mesure disciplinaire recommandée pour un cas mineur est la confiscation d’un jour ou deux de solde lorsque l’incident est classé comme un débordement d’émotions ou un événement isolé. Dans les cas ordinaires, la mesure recommandée est la confiscation de 3 à 10 jours de solde et dans les cas graves, elle varie entre la confiscation de 15 jours de solde et le congédiement.

[212]  En général, les mesures disciplinaires recommandées pour les allégations qui pèsent contre le sergent Dhillon varient entre la confiscation d’un jour de solde et le congédiement. Maintenant que j’ai établi la gamme des mesures disciplinaires appropriées, je peux examiner les facteurs atténuants et aggravants.

Facteurs atténuants

[213]  Selon le rapport d’information sur le profil de l’employé, le sergent Dhillon s’est joint à la Gendarmerie le 16 octobre 2000. Il a passé toute sa carrière dans le sud-ouest de la Colombie- Britannique. J’ai examiné les diverses évaluations de rendement et d’autres documents liés au rendement qui ont été fournis par les parties. Je reconnais pleinement l’excellent travail opérationnel ou de soutien opérationnel (c.-à-d. la formation) accompli par le sergent Dhillon au cours de sa carrière. Il est considéré comme un expert en matière d’armes à feu. Il a donné de nombreuses séances de formation à ses collègues et il est appelé à témoigner en cour pour fournir son opinion d’expert.

[214]  Le sergent Dhillon a reçu, en décembre 2006, une lettre de remerciement de la part du commandant de la Division E pour sa contribution exceptionnelle à l’endroit des jeunes de Surrey, et un prix de sauvetage. Sa contribution a été la création de la soirée d’activités sportives du samedi dans une école secondaire de la région, qui s’est finalement transformée en tournoi de basketball 5 contre 5. Le prix de sauvetage a été décerné par le Prieuré du Canada de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem en octobre 2016. Le sergent Dhillon et plusieurs autres membres de la GRC ont contribué à sauver la vie d’une personne gravement blessée à la suite d’une agression à l’arme blanche. Il faut souligner les efforts du sergent Dhillon à cet égard.

[215]  Le sergent Dhillon a, de son propre chef, consulté un psychologue et il continue de le faire. Dans la lettre qu’il a fournie, le psychologue traitant du sergent Dhillon a indiqué avoir diagnostiqué chez ce dernier un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Cependant, rien n’indique dans la lettre que les gestes ou comportements du sergent Dhillon sont attribuables à ce diagnostic.

[216]  La représentante du membre a souligné que, durant la période pertinente, le sergent Dhillon vivait beaucoup de stress dans sa vie personnelle. Il ressort clairement de la preuve que la relation tendue qu’il entretenait avec son épouse était un problème constant. Le sergent Dhillon a affirmé que le divorce n’avait pas encore été prononcé. Le représentant de l’autorité disciplinaire a laissé entendre qu’il ne fallait pas accorder trop d’importance aux facteurs de stress que vivent les membres dans leur vie personnelle. Bien que cela puisse être vrai, il faut prendre une décision au cas par cas.

[217]  En l’espèce, le facteur le plus important est le fait que je ne comprenne pas bien en quoi les gestes posés par le sergent Dhillon ont contribué au stress qu’il vivait dans sa vie personnelle. Au vu de la preuve, il a entretenu au moins trois relations extraconjugales et il est possible qu’il en ait eu plusieurs autres pendant la période pertinente. L’incident survenu chez lui le 7 août 2016 montre clairement en quoi la relation extraconjugale qu’il entretenait avec la plaignante a pu ajouter au stress qu’il vivait, tant dans sa vie personnelle que dans vie professionnelle. Selon la preuve, un incident semblable avec une autre [TRADUCTION] « petite amie » est survenu quelques mois auparavant. Le sergent Dhillon est le seul responsable de ces incidents.

[218]  Voilà les facteurs atténuants de l’espèce tels que je les comprends.

Facteurs aggravants

[219]  Je conviens avec le représentant de l’autorité disciplinaire qu’il y a plus de facteurs aggravants que de facteurs atténuants en l’espèce.

[220]  Les allégations sont très graves et ont été faites à un moment où la GRC devait composer avec des problèmes similaires. Comme l’a souligné le représentant de l’autorité disciplinaire, le comité de déontologie a indiqué dans l’affaire Commanding Officer, “H” Division v Constable Pulsifer, 2019 DARD 09 (en anglais seulement), citant le comité dans Autorité disciplinaire de la Direction générale c membre civil Calandrini, 2018 DARD 10, que le degré de gravité de l’inconduite est élevé et que la GRC a envoyé de nombreux messages à ses employés pour lui faire comprendre que le harcèlement en milieu de travail, y compris le harcèlement sexuel, et l’inconduite sexuelle non consensuelle en dehors des heures de travail sont inacceptables et que ces comportements ne passeront pas sous silence et ne seront pas tolérés.

[221]  S’agissant des voies de fait et de la violence familiale, le Guide des mesures disciplinaires précise que les voies de fait commises par un membre contre son conjoint ou ses enfants devraient être considérées comme des facteurs aggravants, étant donné la vulnérabilité des victimes. Le comité reconnaît l’objectif du Guide des mesures disciplinaires, mais il ne faut pas oublier la vulnérabilité de la victime. La catégorie de victime n’a pas à se limiter aux conjoints et aux enfants. Comme l’indique le Guide des mesures disciplinaires dans le paragraphe suivant, une personne peut aussi être vulnérable en raison de sa taille, de son âge ou de son sexe. La plaignante était manifestement vulnérable dans le cadre de sa relation avec le sergent Dhillon.

[222]  En ce qui concerne la profération de menaces, voici ce que prévoit le Guide des mesures disciplinaires :

Le fait de proférer des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles graves constitue une infraction criminelle et équivaut à juste titre à une conduite déshonorante. La gravité de l’inconduite dépend du contexte dans lequel les menaces sont proférées, de la capacité de mettre la menace à exécution et de la crainte réelle à cet égard, ainsi que de la nature explicite des mots utilisés.

[…]

Dans certains cas exceptionnels, l’ordre de démissionner a été donné pour avoir proféré des menaces, mais ces cas comportaient généralement le recours à une arme ou la menace de recourir à une arme. […]

[223]  Au moment du premier incident survenu en 2009, le sergent Dhillon était un caporal occupant un poste de supervision au sein du Détachement de Coquitlam. Quand le dernier incident s’est produit en avril 2016, il avait été promu au grade de sergent, soit un poste de sous- officier supérieur. Il est légitime de s’attendre à ce que les membres occupant un poste de supervision ou détenant un grade de sous-officier supérieur servent de modèles pour les nouveaux membres. Le sergent Dhillon était peut-être un bon modèle pour les nouveaux membres pendant ses heures de travail, mais comme le démontrent les commentaires inscrits dans ses évaluations de rendement, il n’était pas un exemple à suivre en dehors de ses heures de travail.

[224]  Les conséquences sur la victime, tant physiques qu’émotionnelles, constituent aussi un facteur aggravant. En l’espèce, la conduite du sergent Dhillon a eu un effet préjudiciable sur la plaignante. Cette dernière a affirmé qu’elle avait dû consulter un psychologue à cause de la relation qu’elle avait entretenue avec le sergent Dhillon. Elle a consulté un psychologue pour la première fois en octobre 2016, après la rupture, et elle consultait toujours au moment de l’audience disciplinaire. Dans sa déclaration à la sergente Blades, la plaignante a dit que, dès l’« incident de l’étranglement », elle était très anxieuse et elle a fini qu’à se sentir dévastée par ses émotions. Elle a précisé qu’avant de rencontrer le sergent Dhillon, elle était plus confiante et sûre d’elle [108] . Dans son témoignage, elle a clairement affirmé qu’elle avait l’impression d’être une moins bonne personne qu’avant sa rencontre avec le sergent Dhillon [109] . Elle a perdu toute estime d’elle-même ainsi que sa confiance en elle et elle a encore de la difficulté à faire confiance aux autres.

[225]  L’absence de remords est aussi un facteur aggravant. Le représentant de l’autorité disciplinaire a invoqué l’affaire L’officier compétent de la Division E c le gendarme Banman, 26 DA (3e) 185 [Banman]. Dans cette affaire, le comité d’arbitrage a souligné à la fin de la page 49 que, selon lui, les remords sont essentiels à la réadaptation. Je suis du même avis.

[226]  En l’espèce, le sergent Dhillon n’a manifesté aucun remords. En fait, il ressort de la preuve que le sergent Dhillon rejette le blâme sur tout le monde, sauf lui-même.

[227]  Il avait, affirme-t-il, demandé à la plaignante de ne pas dévoiler leur relation, et surtout de ne pas l’annoncer au travail, parce que les femmes du Détachement cherchaient [TRADUCTION] « à lui faire du tort ».

[228]  Il a accusé la direction de la GRC du Détachement de Coquitlam de le persécuter alors qu’elle traitait simplement les plaintes relatives aux allégations de harcèlement et d’autres problèmes de conduite et de rendement qui ont été légitimement soulevés. La direction était tenue de procéder ainsi en vertu de la Loi sur la GRC, des Consignes du commissaire et de la politique de la GRC.

[229]  Les propos tenus par le sergent Dhillon, à l’effet [TRADUCTION] qu’« une seule balle règlerait tous ses problèmes », indiquent clairement qu’il blâmait sa femme pour leurs difficultés conjugales et qu’il faisait abstraction de sa part de responsabilité.

[230]  Il blâme la plaignante pour ses problèmes. Il lui a dit qu’elle était stupide d’être allée chez lui et d’avoir alors provoqué l’incident du 7 août 2016, lequel a donné lieu à une enquête fondée sur le Code de déontologie.

[231]  Enfin, dans la lettre rédigée par son psychologue, le sergent Dhillon a affirmé que le traitement qu’il a subi de la part de la GRC et son implication dans diverses affaires de nature déontologique avaient non seulement freiné son rétablissement, mais avaient aussi causé davantage de traumatismes psychologiques et avaient eu pour effet d’accroître son anxiété et son sentiment de dépression.

[232]  En l’absence de remords, le sergent Dhillon ne garantit pas qu’il ne répétera pas les mêmes comportements s’il est autorisé à demeurer membre de la GRC.

[233]  Il faut également se demander si la conduite du membre est un incident isolé ou s’il s’est produit au fil du temps. La période couverte par les allégations s’étend du 1er mai 2009 au 30 avril 2016. Les incidents décrits dans les allégations sont donc survenus à divers moments durant cette période, mais le sergent Dhillon a posé des gestes violents dans le cadre de sa relation avec la plaignante et entretenu des relations extraconjugales tout au long de cette période. Ce point est d’autant plus important lorsqu’on tient compte de ses antécédents, car on remarque alors un schème comportemental assez inquiétant. Comme l’a souligné le représentant de l’autorité disciplinaire, un des facteurs aggravants les plus importants en l’espèce est la conduite antérieure du sergent Dhillon et/ou ses problèmes de rendement liés à sa conduite. Je vais examiner ces incidents en ordre chronologique, en commençant par l’incident le plus ancien.

Incident 1 — novembre 2006 — contravention au paragraphe 39(1) de la Loi sur la GRC — Mesures disciplinaires simples

[234]  Le premier incident remonte au moment où, le 15 novembre 2006, des mesures disciplinaires simples ont été imposées sous la forme de séances de consultation. Dans cette affaire, le sergent Dhillon devait répondre à deux allégations faites au titre du paragraphe 39(1) de l’ancienne Loi sur la GRC, lequel est l’équivalent de l’article 7.1 du Code de déontologie actuel.

[235]  Une des allégations se rapportait à une relation inappropriée que le sergent Dhillon aurait entretenue avec une femme victime de violence conjugale alors qu’il était l’enquêteur principal affecté à la plainte. Fait marquant, le sergent Dhillon s’est acharné à établir une relation, laquelle est finalement devenue intime, avec cette victime. Il se rendait chez elle à l’occasion. Il l’appelait cinq ou six fois par jour. Elle se doutait qu’il était marié et elle l’a confronté à ce sujet, mais il a nié. Il semble que la femme se soit sentie obligée de déménager pour l’éviter. Or, le sergent Dhillon a répondu qu’il pouvait utiliser ses pouvoirs et son influence en tant que policier pour la trouver où qu’elle aille.

[236]  La deuxième allégation se rapportait à l’utilisation inappropriée qu’il a faite du cellulaire fourni par l’État pour poursuivre la relation.

Incident 2 — octobre 2008 — problème de rendement lié à la conduite

[237]  Le deuxième incident, bien que ce soit probablement une affaire disciplinaire, a été traité comme un problème de rendement. La mauvaise utilisation qu’il aurait faite du cellulaire qui lui avait été fourni par l’État a été décelée par le sous-officier de l’administration du Détachement. La mauvaise utilisation de biens fournis par l’État enfreint l’article 4.6 du Code de déontologie. Le sous-officier de l’administration a donc rencontré le sergent Dhillon pour discuter de la situation. Cependant, pendant la rencontre, le sergent Dhillon a nié l’allégation même si des éléments de preuve justifiant les soupçons du sergent d’état-major lui ont été présentés. Lors d’une rencontre subséquente avec un autre sergent d’état-major, il a admis avoir utilisé le cellulaire pour communiquer avec un [TRADUCTION] « service de rencontre » alors qu’il était en service. Il a indiqué que cela ne se reproduirait pas. Il a été possible de résoudre la situation en produisant un formulaire 1004 – Fiche de rendement et en versant 300 $ pour couvrir la facture de téléphone. Cet incident s’est produit en octobre 2008.

Incident 3 — janvier 2009 — problème de rendement liée à la conduite

[238]  Le troisième incident est invoqué dans l’évaluation de rendement 2008-2009 du sergent Dhillon. En janvier 2009, les femmes de l’équipe de veille du sergent Dhillon se sont plaintes de son comportement harcelant. Les allégations ont fait l’objet d’une enquête préliminaire au sein de l’équipe; cependant, l’officier des opérations du Détachement a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve pour mener une enquête fondée sur le Code de déontologie. Les plaintes visaient des événements survenus entre juillet et décembre 2008. Encore une fois, il a été possible de résoudre l’affaire en produisant, le 12 janvier 2009, une fiche de rendement. Le sergent Dhillon a refusé de signer le document. À partir de ce moment-là, il n’est plus retourné dans l’équipe jusqu’à ce qu’il soit transféré au Détachement de Richmond en mai 2009.

Incident 4 — octobre 2016 — contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie — confiscation de la solde

[239]  Le quatrième incident s’est produit à la fin d’octobre 2016. Il est intéressant de souligner qu’à cette date, le sergent Dhillon faisait l’objet d’une autre enquête fondée sur le Code de déontologie parce qu’il aurait agressé son épouse à la suite de l’incident survenu chez lui le 7 août 2016.

[240]  Lors de l’incident d’octobre 2016, des membres de la GRC ont répondu à un appel au 911 d’un homme qui regardait par la fenêtre de la maison de Mme R. M, qui était une autre petite amie du sergent Dhillon. Ce dernier n’était pas là quand les membres sont arrivés. Cependant, selon un témoin, il était l’homme qui regardait par la fenêtre. Les membres se sont rendus chez le sergent Dhillon et lui ont parlé. Il a nié avoir été chez Mme R. M. Il a été clairement informé du fait que Mme R. M. ne voulait plus rien savoir de lui et il a déclaré qu’il savait que tout autre contact avec elle constituerait du harcèlement criminel. Il a assuré aux policiers présents qu’il ne communiquerait plus avec elle. Cependant, alors qu’ils faisaient un suivi avec Mme R.M., les policiers ont appris que, tout de suite après qu’ils eurent quitté la résidence du sergent Dhillon, ce dernier a appelé Mme R.M. pour lui dire qu’il n’était pas allé chez elle. Or, des images filmées par vidéo de surveillance ont permis de confirmer que le sergent Dhillon s’était présenté à maintes reprises à l’immeuble d’habitation de Mme R. M. pendant une période de 105 minutes, tant à pied qu’en voiture.

[241]  Lors de la rencontre disciplinaire liée à la seule allégation fondée sur l’article 7.1. du Code de déontologie, le sergent Dhillon a admis s’être présenté à l’immeuble où habitait Mme R. M. parce qu’il souhaitait y acheter un appartement.

[242]  La mesure disciplinaire imposée était la confiscation de 3 jours de solde. Voici quelques facteurs aggravants énumérés dans le rapport de décision :

  • a fait des déclarations mensongères aux enquêteurs;
  • a immédiatement communiqué avec Mme R. M. bien qu’un sous-officier supérieur lui avait donné l’ordre de ne pas entrer en contact avec elle;
  • ses actes ont suscité de vives inquiétudes chez Mme R. M.;
  • il n’a aucun remords.

Comportement observé ancré depuis longtemps

[243]  Le comportement qui ressort des quatre incidents est très similaire au comportement en l’espèce.

[244]  Dans deux de ces affaires, le sergent Dhillon s’est montré tenace et a entretenu des relations dans le but d’avoir des relations sexuelles. L’une de ces femmes était extrêmement vulnérable. Le sergent Dhillon s’est également montré tenace dans sa relation avec la plaignante. Il voulait maintenir sa relation avec la plaignante pour d’autres raisons que la relation (c.-à-d. il a insisté pour obtenir une copie de la déclaration qu’elle a faite en lien avec son enquête fondée sur le Code de déontologie).

[245]  Le sergent Dhillon a aussi essayé d’entretenir ces relations par des moyens trompeurs et des menaces. Son comportement avec la victime de violence conjugale est pratiquement identique à son comportement trompeur en l’espèce.

[246]  Le respect est une valeur fondamentale de la GRC qui est codifiée à l’article 2 du Code de déontologie. Le sergent Dhillon a toujours démontré un manque de respect à l’égard des femmes. En voici quelques exemples :

  • Les femmes de son équipe de veille de Coquitlam ont déposé des plaintes de harcèlement.
  • Il n’a pas respecté le fait que la victime de violence conjugale et Mme R. M. ne voulaient plus entretenir une relation avec lui.
  • Il n’a pas respecté les limites de la plaignante lors de leur relation sexuelle consensuelle, comme l’ont démontré les incidents sexuels non consensuels décrits dans le dossier.
  • En entretenant plusieurs relations extraconjugales et en menaçant de tuer son épouse ou de la blesser grièvement, il a clairement démontré qu’il n’avait aucun respect pour elle.

[247]  En l’espèce, il existe une preuve selon laquelle le sergent Dhillon a utilisé le cellulaire fourni par l’État pour poursuivre une relation avec la plaignante. Il avait aussi utilisé ce cellulaire dans deux des incidents antérieurs. Il avait été bien averti et il aurait dû connaître les utilisations acceptables de l’appareil avant cet incident. Ses actes témoignent également d’un flagrant manque de respect pour l’autorité des dirigeants de la Gendarmerie, qui lui avaient donné des directives et des conseils dans les affaires en question.

[248]  Les comportements récurrents les plus importants se rapportent à son manque manifeste d’honnêteté et d’intégrité.

[249]  Le premier incident relève de l’intégrité puisqu’il exploitait la vulnérabilité d’une femme qu’il devait protéger afin d’entretenir une relation pour son propre plaisir. Il est aussi question d’honnêteté puisque, tout au long de sa relation avec elle, il lui a menti afin de poursuivre la relation.

[250]  Dans les deuxième et quatrième incidents, il a clairement été malhonnête. Pour ce qui est de la mauvaise utilisation qu’il a faite du cellulaire fourni par l’État pour appeler le [TRADUCTION] « service de rencontre », il a d’abord menti même si une preuve du bien-fondé de l’allégation lui a été présentée. Il a par la suite avoué sa faute, mais ses aveux n’étaient pas accompagnés d’une explication ou d’un signe de remords. Pour ce qui est du quatrième incident, il a de nouveau menti aux enquêteurs et a nié s’être rendu à l’immeuble d’habitation de Mme R. M. Quand on lui a présenté la preuve qu’il mentait, il a menti à propos de la raison pour laquelle il s’y trouvait. Comme l’a dit la plaignante, [TRADUCTION] « c’était un mensonge après l’autre ».

[251]  Pour ce qui est de la question d’intégrité dans le quatrième incident, le sergent Dhillon n’a pas tenu la promesse qu’il avait faite aux enquêteurs à l’effet qu’il n’entrerait plus en contact avec Mme R. M. puisqu’il l’a appelée dès que les enquêteurs sont partis.

[252]  En l’espèce, le sergent Dhillon a tout fait pour isoler la plaignante, ce qui la rendait vulnérable. Il lui a menti à maintes reprises au cours de leur relation. Il a non seulement menti à la plaignante pendant leur relation, mais il a également menti au sergent Stovern au cours de son entrevue. Cela a d’ailleurs été démontré lors de son contre-interrogatoire. Voilà un autre exemple du comportement bien établi du sergent Dhillon.

[253]  L’honnêteté et l’intégrité sont au coeur du travail des policiers. Comme l’a indiqué le représentant de l’autorité disciplinaire, [TRADUCTION] « c’est contraire aux valeurs fondamentales de l’organisme ». Le public s’attend à ce que les policiers respectent des normes plus rigoureuses en matière d’honnêteté et d’intégrité que le citoyen moyen. Autrement, il est difficile d’imaginer, compte tenu des exigences en matière de divulgation établies par la Cour suprême dans l’arrêt R c McNeil, 2009 CSC 3 (CanLII), les tâches que pourraient efficacement accomplir les policiers. En outre, tout comme la confiance, il est très difficile de rétablir une réputation d’honnêteté et d’intégrité une fois qu’elle a été perdue.

[254]  Malgré tout ce qui précède, les efforts déployés par le sergent Dhillon pour amener ou contraindre la plaignante à modifier sa déclaration sont la [TRADUCTION] « goutte qui fait déborder le vase » en ce qui concerne son honnêteté et son intégrité. Je conviens avec la représentante du membre que la plaignante est une personne à part entière, mais dans le contexte de la relation de violence établie par le sergent Dhillon, elle n’avait manifestement pas la volonté, le courage et la capacité (peu importe le terme utilisé) de tenir tête au sergent Dhillon. C’est une chose que de personnellement faire preuve d’un manque d’honnêteté et d’intégrité, mais c’est une chose complètement différente que d’amener quelqu’un d’autre à recourir à la tromperie, jusqu’à compromettre l’emploi de cette personne. À la demande du sergent Dhillon, la plaignante a présenté une version très édulcorée de la déclaration qu’elle comptait donner à la caporale Mills. Il a clairement tenté d’entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice en dissuadant la plaignante de dire la vérité et en influençant par le fait même l’issue d’une enquête fondée sur le Code de déontologie en sa faveur. Malgré la gravité de ses actes et la solidité de la preuve, ses actes n’ont pas fait l’objet d’une allégation distincte en l’espèce alors que j’estime que ça aurait dû être le cas. En fait, il est surprenant que ses actes n’aient pas fait l’objet d’une enquête en vertu de la loi.

[255]  Les actes du sergent Dhillon démontrent un flagrant manque de respect pour le Code de déontologie de la GRC et la loi en général alors qu’il avait fait le serment de les respecter.

[256]  Ces facteurs aggravants l’emportent largement sur les facteurs atténuants.

Examen des cas liés aux mesures disciplinaires

[257]  La représentante du membre a exposé de façon crédible les décisions rendues par d’autres comités d’arbitrage et de déontologie pour appuyer sa thèse selon laquelle une sanction pécuniaire élevée est appropriée en l’espèce. Elle a indiqué que, bien que je ne sois pas lié par ces décisions, je pourrai mieux atteindre la parité des sanctions en les passant en revue. Il n’est pas nécessaire de commenter chacune de ces décisions, mais certains commentaires généraux s’imposent.

[258]  Tout d’abord, tous ces cas portaient notamment sur des allégations d’attouchements sexuels, de voies de fait ou de menaces. Tous ces incidents se sont produits dans divers contextes : ils ont parfois été commis par des membres qui étaient en service, parfois par des membres qui ne l’étaient pas, parfois lors d’une relation occasionnelle et parfois dans le cadre d’une relation conjugale plus importante. Dans plusieurs cas, le membre visé a fait l’objet d’accusations criminelles et dans certains cas, le membre visé a été déclaré coupable d’un acte criminel. Aucun de ces incidents n’a donné lieu au congédiement du membre. Parmi les mesures disciplinaires imposées, il y avait notamment la réprimande assortie d’autres mesures telles que la confiscation de la solde, l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de temps, la mutation et/ou la recommandation de séances de consultation. La solde est confisquée pour une période allant d’un à quarante-cinq jours, mais habituellement, elle est confisquée pour une période de quatre à dix jours en vertu de l’ancien régime disciplinaire, sans oublier que ce régime se limitait à une confiscation maximale de dix jours de solde alors que le nouveau régime peut imposer une confiscation maximale de 30 à 45 jours de solde.

[259]  Tous les cas relevant de l’ancien régime disciplinaire comportaient un exposé conjoint des faits et une proposition conjointe sur la sanction. Comme l’a souligné le représentant de l’autorité disciplinaire, il fallait habituellement faire certains compromis pour déterminer les sanctions qui étaient présentées dans la proposition conjointe fondée sur l’exposé conjoint des faits. Les comités d’arbitrage étaient liés par ces propositions conjointes, sauf si des circonstances exceptionnelles leur permettaient de s’en éloigner.

[260]  L’aspect le plus important des cas invoqués par la représentante du membre est le fait qu’ils font intervenir des facteurs atténuants significatifs qui justifiaient l’imposition de mesures disciplinaires autres que le congédiement. Dans tous les cas sauf un, les membres n’avaient aucun antécédent. Les membres ont manifesté des remords et accepté la responsabilité de leurs actes. Ils ont aussi fait des efforts de réadaptation et réglé des problèmes médicaux qui étaient, dans certains cas, la cause de leur comportement ou qui y avaient contribué. Dans plusieurs cas, bien qu’il puisse y avoir eu plus d’une victime, les allégations découlent des mêmes circonstances et étaient souvent attribuables à un degré extrême d’intoxication. Aucun de ces facteurs atténuants n’est invoqué en l’espèce.

[261]  Le représentant de l’autorité disciplinaire n’a invoqué que deux décisions pour appuyer la position de l’autorité disciplinaire sur les mesures disciplinaires. La première décision est l’affaire Commandant de la Division E c sergent Turner, 2018 DARD 16. Dans cette affaire, le membre s’était livré à des activités sexuelles alors qu’il était en service et le comité de déontologie avait conclu qu’il avait abusé de son pouvoir. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, cette affaire n’est guère utile dans le cadre de la présente procédure.

[262]  La deuxième décision est l’affaire Banman, laquelle a été rendue en 2005 en vertu de l’ancien régime disciplinaire. Malgré tout, elle s’applique en l’espèce puisqu’elle présente certaines similitudes avec la présente affaire. La représentante du membre a toutefois relevé plusieurs différences, mais celles-ci sont accessoires en l’espèce; par exemple, le fait qu’il y avait plusieurs victimes ou que certaines victimes étaient des enfants. Peu importe ces différences, toutes les victimes étaient des personnes vulnérables, comme c’est le cas en l’espèce.

[263]  Les ressemblances entre l’affaire Banman et la présente affaire se rapportent à des éléments essentiels. En invoquant cette décision, le représentant de l’autorité disciplinaire voulait souligner deux points bien précis, en commençant par la profération de menaces de mort. Dans l’affaire Banman, le membre visé a nié avoir proféré des menaces, mais le comité a cru le témoin et a conclu qu’il en avait proféré. Le comité a ajouté que, même si le membre visé n’avait jamais eu l’intention de mettre ses menaces à exécution, ce n’était pas pertinent. Il a tenu ces propos alors qu’il était agent de police et la victime a pensé qu’il était capable de mettre la menace à exécution. Un agent de police sait et comprend ce qui constitue une menace au sens du Code criminel, LRC 1985, c H-6. Le second point s’applique de manière plus large à l’espèce puisqu’il se rapporte à la réadaptation du membre.

[264]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a attiré mon attention sur les commentaires formulés par le CEE dans l’affaire dont la référence est 28 DA (2e) 213 :

[…] le sens moral et le potentiel de réhabilitation sont des éléments normalement déterminants quant à la peine. Les principes de discipline progressiste et positive pour un acte isolé d’inconduite exigent normalement une peine moindre que la cessation de l’emploi lorsque le sens moral et le potentiel de réhabilitation du membre sont établis. Toutefois, ce n’est pas parce que l’appelant compte ces deux qualités qu’il faut absolument lui infliger une peine moindre que le congédiement; ces facteurs doivent plutôt être évalués en fonction de la gravité de l’inconduite. Il peut y avoir des situations où ces qualités, bien que pertinentes, ne suffisent pas à compenser pour le droit de l’employeur de mettre fin à l’emploi. […] L’abus de confiance résultant de l’inconduite va au coeur même de la relation employeur-employé, ainsi que des attentes du public face aux agents de police qui doivent s’occuper des citoyens vulnérables.

[Caractères gras ajoutés.]

Mesures disciplinaires imposées

[265]  Dans les circonstances de l’espèce et à la lumière de l’analyse des facteurs atténuants et aggravants qui précède, j’estime que la présente affaire constitue une conduite déshonorante grave puisqu’elle se rapporte aux deux catégories examinées précédemment, soit voies de fait/violence familiale et profération de menaces. Pour les cas graves, les mesures disciplinaires suggérées dans les deux catégories varient entre la confiscation de 15 jours de solde et le congédiement.

[266]  Dans les décisions que la représentante du membre a invoquées pour justifier une confiscation importante de la solde, la confiscation de 10 jours de solde était la confiscation maximale en vertu de l’ancien régime disciplinaire alors qu’en vertu du nouveau régime, les confiscations de 30 [110] , 35 [111] ou 45 [112] jours de solde correspondent à la confiscation maximale recommandée ou s’en approchent. Ces décisions présentaient plusieurs facteurs atténuants importants et peu de facteurs aggravants. Le comité ne dispose donc d’aucune marge de manoeuvre sur le plan de la parité des mesures disciplinaires et ne peut donc pas imposer une confiscation de solde importante dans des cas comme celui-ci, où le nombre de facteurs atténuants est limité alors qu’il y a de nombreux facteurs aggravants significatifs.

[267]  L’inconduite du sergent Dhillon est grave. Elle touche la nature même de la relation employeur-employé et les attentes de la population à l’égard des policiers appelés à travailler auprès de personnes vulnérables. Le sergent Dhillon n’a pas démontré qu’il avait une bonne réputation ou qu’il pouvait se réadapter. Les similitudes qui ressortent des cas d’inconduite du sergent Dhillon survenus au cours des 12 dernières années, en plus de l’absence de remords de ce dernier, sont inquiétantes. De plus, bon nombre des facteurs déterminants de son comportement qui ont été présentés par la représentante du membre, comme les facteurs de stress de sa vie personnelle, sont toujours présents. Il y a donc peu d’espoir que le sergent Dhillon change ses habitudes s’il est autorisé à rester dans la Gendarmerie.

[268]  Par conséquent, j’ai ordonné que le sergent Dhillon soit congédié de la Gendarmerie en application de l’alinéa 45(4)a) de la Loi sur la GRC.

CONCLUSION

[269]  Cette décision est la décision écrite qui doit être signifiée aux parties aux termes du paragraphe 25(3) des CC (déontologie). Il est possible de faire appel de la décision devant le commissaire en déposant une déclaration d’appel dans les 14 jours suivant la signification de la décision au sergent Dhillon [article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels) DORS/2014-293].

 

3 septembre 2019

Kevin Harrison

Comité de déontologie

 

Date

 



[1] Voir McDougall, paragraphe 46.

[2] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 21, lignes 13 et 25.

[3] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 42, lignes 15 à 24.

[4] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 43, lignes 3 à 7.

[5] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, du début de la page 4, ligne 18, à la page 5, ligne 4.

[6] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 43, lignes 17 à 20.

[7] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 25, lignes 1 et 2.

[8] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, du début de la page 50, ligne 6, à la page 51, ligne 18.

[9] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 192.

[10] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 51, ligne 9.

[11] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 9, lignes 12 à 24.

[12] Les moments auxquels le sergent Dhillon et la plaignante se sont envoyé des courriels ne concordent pas, mais cela semble tenir à la façon dont les courriels ont été transférés et/ou téléchargés.

[13] Voir la pièce 3 de l’audience disciplinaire, « Déclaration du sergent Dhillon », page 10 de 22, lignes 286 à 293.

[14] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 24, lignes 1 à 5.

[15] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 565.

[16] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 10, ligne 14.

[17] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 139, à partir de la ligne 12.

[18] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 111, à partir de la ligne 7.

[19] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », pages 706 et 707.

[20] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 707.

[21] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 163.

[22] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 208.

[23] La dernière partie du point — concernant les activités sexuelles consensuelles et non consensuelles — n’est pas pertinente pour la deuxième allégation, laquelle porte strictement sur les menaces qu’aurait proférées le membre visé contre son épouse.

[24] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 6, ligne 1.

[25] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 159, lignes 283 et 284.

[26] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 187, lignes 33 à 35.

[27] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 235, lignes 4 à 23.

[28] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 232, lignes 16 à 23.

[29] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 236, ligne 10, à la page 239, ligne 35.

[30] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 15, ligne 17.

[31] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, à partir de la page 81, ligne 25, jusqu’à la page 82, ligne 1.

[32] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, à partir de la page 14, ligne 25, à la page 16, ligne 16.

[33] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 182, lignes 39 et 40.

[34] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 16, ligne 19, à la page 17, ligne 11.

[35] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 183, lignes 27 à 31.

[36] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 26 à 27, ligne 8.

[37] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 27, lignes 23 à 25.

[38] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 182, lignes 9 à 35.

[39] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 19, lignes 20 et 21.

[40] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 70, lignes 19 et 20.

[41] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 73, lignes 2 et 3.

[42] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 19, lignes 22 à 25.

[43] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 114, lignes 11 et 12.

[44] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 114, lignes 8 à 16.

[45] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 50, lignes 2 à 7.

[46] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 86, lignes 5 à 10.

[47] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 193, ligne 30, à la page 194, ligne 18.

[48] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 70, lignes 16 à 21.

[49] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 141, à partir de la ligne 7.

[50] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 183, lignes 39 et 40.

[51] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 209, lignes 11 et 12.

[52] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 166, ligne 490.

[53] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 165, lignes 456 et 457.

[54] Voir McDougall, paragraphe 80.

[55] Voir McDougall, paragraphe 86.

[56] Voir McDougall, paragraphe 72.

[57] Voir R v Morrissey, 1995 CanLII 3498 (C.A. ON)

[58] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 195, lignes 3 à 5.

[59] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 195, lignes 9 à 11.

[60] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 195, à partir de la ligne 12.

[61] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 27, lignes 23 à 25.

[62] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 63, lignes 21 à 23.

[63] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 69, ligne 13, à la page 70, ligne 21.

[64] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 192, ligne 20, à la page 193, ligne 7.

[65] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 143, lignes 16 et 17.

[66] Voir R c Cleghorn, [1995] 3 RCS 175 [Cleghorn], au paragraphe 22.

[67] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 14, ligne 11, à la page 15, ligne 7.

[68] Voir Cleghorn, au paragraphe 36.

[69] Le sergent Dhillon a indiqué qu’il préférait nettement que sa fille ne soit pas impliquée dans les procédures. Le comité reconnaît et respecte sa décision.

[70] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 5, lignes 3 à 9.

[71] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 7, lignes 8 à 18.

[72] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 16, lignes 14 à 18.

[73] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 572.

[74] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, à partir de la page 27, ligne 15, à la page 41, ligne 1.

[75] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 215, lignes 1 à 14.

[76] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 36, ligne 22, à la page 37, ligne 5.

[77] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 212, ligne 14.

[78] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 159, lignes 291 et 292.

[79] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 359.

[80] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 25, ligne 22, à la page 26, ligne 4.

[81] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 27, lignes 9 à 11.

[82] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, à partir de la page 43, ligne 8, à la page 48, ligne 1.

[83] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, à partir de la page 158, ligne 1, à la page 164, ligne 23.

[84] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 163, lignes 7 et 8.

[85] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 45, ligne 16, à la page 46, ligne 1.

[86] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 163, lignes 4 à 8.

[87] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 188, ligne 1, et page 189, ligne 37.

[88] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 47, ligne 19.

[89] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 187, lignes 26 et 27.

[90] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 50, lignes 6 à 17.

[91] Il convient de noter que seuls les messages envoyés par la plaignante par messagerie BBM sont cités. Il convient également de noter que ce message contredit l’affirmation du membre visé selon laquelle toutes les communications avaient cessé en 2009, reconnaissant alors que les communications avaient repris en 2016.

[92] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 747.

[93] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 759.

[94] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 37, ligne 25, à la page 41, ligne 11.

[95] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 792.

[96] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 40, ligne 22, à la page 41, ligne 1.

[97] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 560.

[98] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, à partir de la page 41, ligne 24, à la page 44, ligne 11.

[99] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 43, lignes 2 à 5.

[100] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 562.

[101] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 16, lignes 14 à 18.

[102] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 574.

[103] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, à partir de la page 76, ligne 16, à la page 84, ligne 24.

[104] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, page 177, ligne 22, à la page 182, ligne 5.

[105] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 89, ligne 5.

[106] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 254, ligne 20.

[107] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 29, lignes 1 à 8.

[108] Voir le « Rapport d’enquête — sergent Dhillon », page 215, ligne 16.

[109] Voir la transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, page 143, lignes 18 et 19.

[110] Voir Commandant de la Division H c gendarme Allan, 2019 DARD 10.

[111] Voir Commandant de la Division H c gendarme Pulsifer, 2019 DARD 9.

[112] Voir Commandante de la Division E c Gendarme Caram, 2017 DARD 8.

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