Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Au départ, l’avis d’audience disciplinaire énonçait six allégations d’utilisation non autorisée et non sécuritaire d’une arme à impulsions (le Taser X26). L’autorité disciplinaire a cependant retiré les allégations nos 1, 3 et 5 visant une conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC.
Le membre visé a admis les allégations nos 2, 4 et 6 d’utilisation inappropriée d’équipement et de biens fournis par l’État en contravention de l’article 4.6 du code de déontologie de la GRC. Le comité de déontologie a conclu que ces trois allégations avaient été établies selon la prépondérance des probabilités.
Le comité de déontologie a accepté la recommandation conjointe des parties quant aux mesures disciplinaires et imposé les sanctions suivantes :
a. Pour l’allégation no 2 : une réprimande et une confiscation de solde de 15 jours.
b. Pour l’allégation no 4 : une réprimande et une confiscation de solde de 5 jours.
c. Pour l’allégation no 6 : une réprimande et de la formation supplémentaire sur les armes à impulsions dispensée par un instructeur qualifié.
d. Un transfert de détachement conformément aux instructions du commandant de la Division K.

Contenu de la décision

Protégé A

2019 DARD 14

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une audience disciplinaire sous le régime de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10

ENTRE :

le commandant de la Division K

autorité disciplinaire

et

le gendarme Steven Burgess, matricule 60862

membre visé

Comité de déontologie – Compte rendu de décision

Josée Thibault

Le 4 septembre 2019

Le sergent James Rowland, pour l’autorité disciplinaire.

Mme Nicole Jedlinski, pour le membre visé.


Table des matières

SOMMAIRE  2

INTRODUCTION  4

LES ALLÉGATIONS EN L’ESPÈCE  5

LA DÉCISION À L’ÉGARD DES ALLÉGATIONS  8

LES MESURES DISCIPLINAIRES  10

Les mesures disciplinaires pouvant être imposées  10

Les facteurs aggravants  11

Les facteurs atténuants  12

La parité des sanctions  12

La décision à l’égard des mesures disciplinaires  14

CONCLUSION  14

 

 

SOMMAIRE

Au départ, l’avis d’audience disciplinaire énonçait six allégations d’utilisation non autorisée et non sécuritaire d’une arme à impulsions (le Taser X26). L’autorité disciplinaire a cependant retiré les allégations nos 1, 3 et 5 visant une conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC.

Le membre visé a admis les allégations nos 2, 4 et 6 d’utilisation inappropriée d’équipement et de biens fournis par l’État en contravention de l’article 4.6 du code de déontologie de la GRC. Le comité de déontologie a conclu que ces trois allégations avaient été établies selon la prépondérance des probabilités.

Le comité de déontologie a accepté la recommandation conjointe des parties quant aux mesures disciplinaires et imposé les sanctions suivantes :

  1. Pour l’allégation no 2 : une réprimande et une confiscation de solde de 15 jours.
  2. Pour l’allégation no 4 : une réprimande et une confiscation de solde de 5 jours.
  3. Pour l’allégation no 6 : une réprimande et de la formation supplémentaire sur les armes à impulsions dispensée par un instructeur qualifié.
  4. Un transfert de détachement conformément aux instructions du commandant de la Division K.

INTRODUCTION

[1]  Le 10 décembre 2018, le commandant de la Division K (l’« autorité disciplinaire ») a signé l’avis à l’officier désigné par lequel il demandait la tenue de l’audience disciplinaire concernant la présente affaire. Le 12 décembre 2018, j’ai été nommée pour présider le comité de déontologie constitué au titre du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 [la Loi sur la GRC].

[2]  Au départ, l’avis d’audience disciplinaire (l’avis) énonçait six allégations d’utilisation non autorisée et non sécuritaire d’une arme à impulsions, le Taser X26. Les allégations nos 1, 3 et 5 dénonçaient une conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC, tandis que les allégations nos 2, 4 et 6 dénonçaient une utilisation inappropriée d’équipement et de biens fournis par l’État en contravention de l’article 4.6 du code. L’avis a été signé par l’autorité disciplinaire le 25 janvier 2019 et signifié au membre visé avec le dossier d’enquête le 22 février 2019.

[3]  Le 30 mai 2019, les parties ont informé le comité de déontologie qu’elles avaient conclu une entente et qu’elles accepteraient un règlement sans congédiement moyennant une recommandation conjointe quant aux mesures disciplinaires.

[4]  Le 5 juillet 2019, les parties ont remis l’entente de règlement conjointe au comité de déontologie. L’autorité disciplinaire demandait le retrait des allégations nos 1, 3 et 5 visant une conduite déshonorante, puis le membre visé admettait quant à lui les allégations nos 2, 4 et 6 ainsi que l’énoncé détaillé s’y rattachant, tel que modifié, relativement à l’utilisation inappropriée d’une arme à impulsions.

[5]  Le 10 juillet 2019, les parties ont remis au comité de déontologie une recommandation conjointe quant aux mesures disciplinaires, dans laquelle elles proposaient les sanctions suivantes :

  1. Pour l’allégation no 2 : une réprimande et une confiscation de solde de 15 jours.
  2. Pour l’allégation no 4 : une réprimande et une confiscation de solde de 5 jours.
  3. Pour l’allégation no 6 : une réprimande et de la formation supplémentaire sur les armes à impulsions dispensée par un instructeur qualifié.
  4. Un transfert de détachement conformément aux instructions du commandant de la Division K.

[6]  Dans la présente décision, le comité de déontologie accepte l’énoncé détaillé modifié se rattachant aux allégations nos 2, 4 et 6 qui ont été admises par le membre visé ainsi que la recommandation conjointe des parties quant aux mesures disciplinaires.

LES ALLÉGATIONS EN L’ESPÈCE

[7]  Comme je l’ai mentionné, le comité de déontologie doit examiner trois allégations, lesquelles ont été formulées dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Allégation no 2

Le ou vers le 19 décembre 2017, à Sherwood Park ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] a manié une arme à impulsions de manière non sécuritaire ou non autorisée alors qu’il était en service, ce qui équivaut à avoir utilisé l’équipement et les biens fournis par l’État à des fins non autorisées en contravention de l’article 4.6 du code de déontologie de la GRC.

Énoncé détaillé de l’acte constituant une contravention

1. Au moment des faits, [le membre visé] était un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Strathcona County, dans la province de l’Alberta.

2. Le 19 décembre 2017, [le membre visé] était en service, vêtu de son uniforme complet, au Détachement de Strathcona County de la GRC. [Le membre visé] est entré dans l’espace de travail de [Mme X], une employée municipale affectée à l’unité des entrées vocales électroniques du Détachement.

3. [Le membre visé] a jeté une liasse de feuilles agrafées sur les mains de [Mme X] pendant qu’elle tapait au clavier. Cela a contrarié [Mme X], qui a relancé les documents dans sa direction en lui disant [TRADUCTION] « ne refais plus jamais ça ».

4. [Le membre visé] a ensuite dégainé son arme à impulsions Taser X26 et l’a pointée dans la direction de [Mme X].

5. [Mme X] a lui dit [TRADUCTION] « arrête ça » et cette utilisation inappropriée de l’arme à impulsions l’a mise en colère.

6. [Le membre visé] n’a pas immédiatement remis l’arme à impulsions dans son étui : il l’a gardé dans ses mains en continuant de discuter avec d’autres employés qui partageaient l’espace de travail de [Mme X].

7. Une autre employée municipale, [Mme Y], a vu les actes [du membre visé] et lui a fait une mise en garde en affirmant qu’il n’agirait pas de cette façon s’il s’agissait d’une arme à feu, qu’elle soit chargée ou non. [Le membre visé] a répondu à [Mme Y] qu’elle comparait [TRADUCTION] « des pommes et des oranges », une tentative maladroite visant à détendre l’atmosphère.

8. Le Taser X26 est une arme prohibée aux termes du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés, à autorisation restreinte ou sans restriction, DORS/98-462 (partie 1, article 1; partie 3, article 6).

9. Aucune raison opérationnelle ou administrative valable ne justifiait que [le membre visé] dégaine son arme à impulsions et la manipule de la façon décrite ci-dessus.

10. Les actes [du membre visé], bien qu’ils aient été posés dans le but de faire rire, étaient inappropriés et dangereux et ont mis [Mme X] en colère. Elle a par la suite déposé une plainte à ce sujet.

11. L’utilisation de l’arme à impulsions par [le membre visé] était contraire aux dispositions du chapitre 17.7 du Manuel des opérations de la GRC sur les armes à impulsions et constitue une contravention de l’article 4.6 du code de déontologie de la GRC.

12. [Le membre visé] a plaidé coupable à un chef d’accusation de possession d’une arme dans un dessein dangereux, aux termes du paragraphe 88(1) du Code criminel, puis il a obtenu une absolution sous conditions aux termes de laquelle il était tenu d’accomplir 50 heures de service communautaire, de rédiger une lettre d’excuses et de n’avoir aucun contact avec [Mme X].

Allégation no 4

Le ou vers le 9 décembre 2015, à Sherwood Park ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] a manié une arme à impulsions de manière non sécuritaire ou non autorisée alors qu’il était en service, ce qui équivaut à avoir utilisé l’équipement et les biens fournis par l’État à des fins non autorisées en contravention de l’article 4.6 du code de déontologie de la GRC.

Énoncé détaillé de l’acte constituant une contravention

1. Au moment des faits, [le membre visé] était un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Strathcona County, dans la province de l’Alberta.

2. Le 9 décembre 2015, [le membre visé] était en service, vêtu de son uniforme complet, au Détachement de Strathcona County de la GRC. Parmi ses options d’intervention, [le membre visé] avait en sa possession une arme à impulsions.

3. À un certain moment durant le quart de travail [du membre visé], [Mme X], qui occupait alors un poste de commis à la surveillance au Détachement de Strathcona County, a quitté son poste de travail pour aller aux toilettes.

4. Pendant que [Mme X] était aux toilettes, [le membre visé] s’est placé contre un mur près de la porte des toilettes de manière à se trouver derrière la personne qui en sortirait.

5. [Le membre visé] a ensuite retiré l’arme à impulsions de son étui et l’a mise sous tension, sans cartouche, puis il l’a gardée ainsi dans sa main. Sur le mur, on pouvait voir le faisceau laser rouge produit par l’arme, indiquant que celle-ci était sous tension et prête à être activée.

6. Même sans cartouche, l’arme à impulsions peut infliger de la douleur lorsqu’il y a contact physique avec l’arc électrique.

7. [Mme X] est sortie des toilettes en marchant le dos [au membre visé] et ce dernier a alors fait un pas vers elle et pointé l’arme à impulsions dans son dos, en l’activant à une distance d’environ 18 à 36 pouces.

8. L’activation a généré un arc électrique à l’extrémité avant de l’appareil. [Mme X] a tressailli en entendant le crépitement sonore particulier produit par les étincelles de l’arc électrique à la pointe de l’arme.

9. [Le membre visé] n’était pas autorisé à utiliser l’arme à impulsions de cette façon. Aucune raison opérationnelle ou administrative valable ne justifiait que [le membre visé] utilise l’arme à impulsions d’une telle façon.

10. [Le membre visé] ne prenait pas part à une activité de formation qui aurait pu justifier l’utilisation de l’arme à impulsions.

11. Le Taser X26 est une arme prohibée aux termes du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés, à autorisation restreinte ou sans restriction, DORS/98-462 (partie 1, article 1; partie 3, article 6).

12. L’utilisation de l’arme à impulsions par [le membre visé] était contraire aux dispositions du chapitre 17.7 du Manuel des opérations de la GRC sur les armes à impulsions.

13. Les actes [du membre visé] constituent une violation de l’article 4.6 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation no 6

Entre le 1er janvier et le 1er juillet 2017, à Sherwood Park ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] a manié une arme à impulsions de manière non sécuritaire ou non autorisée alors qu’il était en service, ce qui équivaut à avoir utilisé l’équipement et les biens fournis par l’État à des fins non autorisées, en contravention de l’article 4.6 du code de déontologie de la GRC.

Énoncé détaillé de l’acte constituant une contravention

1. Au moment des faits, [le membre visé] était un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Strathcona County, dans la province de l’Alberta.

2. À un certain moment au cours du printemps 2017, [le membre visé] était en service, vêtu de son uniforme complet, à l’intérieur d’un véhicule de police en bordure du Détachement de Strathcona County de la GRC.

3. Alors que le gendarme Fair marchait près du Détachement, [le membre visé] a tiré une cartouche avec son arme à impulsions, envoyant les projectiles au sol près de l’allée piétonnière.

4. Le gendarme Fair a entendu le son produit par l’arme et, en s’approchant [du membre visé], il a constaté que ce dernier tenait la cartouche expirée dans ses mains. Le gendarme Fair était mécontent qu’une arme à impulsions ait été déchargée près de lui sans qu’il en ait été averti.

5. Les membres sont autorisés à décharger les cartouches d’arme à impulsions en tirant les sondes dans le sol de manière sécuritaire. Cependant, dans le cas qui nous occupe, [le membre visé] se trouvait à l’intérieur d’un véhicule de patrouille et il a tiré une cartouche par la fenêtre du véhicule, projetant les sondes dans une allée près de l’entrée du Détachement, et ce, sans vérifier convenablement que personne ne se trouvait à proximité.

6. [Le membre visé] a intentionnellement tiré avec son arme à impulsions de manière non sécuritaire, à l’extérieur d’un environnement contrôlé, contrevenant ainsi à l’article 4.6 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

LA DÉCISION À L’ÉGARD DES ALLÉGATIONS

[8]  Voici d’abord le libellé de l’article 4.6 du code de déontologie de la GRC :

Les membres sont chargés d’utiliser une vaste gamme d’équipement et de biens dans l’exercice de leurs fonctions quotidiennes. Par conséquent, il y a une responsabilité correspondante [pour le membre] d’utiliser cet équipement et ces biens pour le travail et non pas pour des fins personnelles.

[9]  En ce qui a trait aux allégations nos 2, 4 et 6, le membre visé a admis avoir utilisé son arme à impulsions (une arme prohibée) de façon inappropriée. Pour ma part, ayant examiné la preuve présentée par les parties en l’espèce, je juge qu’il ne fait aucun doute que le membre visé a contrevenu à l’article 4.6 du code de déontologie de la GRC en manipulant son arme à impulsions de manière non sécuritaire et non autorisée, comme l’indique l’énoncé détaillé de l’avis.

[10]  Par conséquent, je conclus que les allégations nos 2, 4 et 6 sont établies selon la prépondérance des probabilités.

[11]  Il est de notoriété publique que les membres de la GRC sont tenus de respecter une norme de comportement élevée, autant lorsqu’ils sont de service que lorsqu’ils ne le sont pas, afin de maintenir la confiance du public. En l’espèce, l’utilisation inappropriée de l’arme à impulsions n’était pas un incident isolé et je suis préoccupée par le fait qu’il s’agissait d’un problème récurrent. En effet, la tendance du membre visé à utiliser son arme à impulsions de manière inappropriée a commencé en décembre 2015, lorsqu’il s’est doté d’une arme à impulsions comme option d’intervention, et elle a continué jusqu’à ce que Mme X porte plainte en décembre 2017.

[12]  Comme l’indique la preuve, le membre visé est connu pour avoir un grand sens de l’humour. Il s’agit d’un trait de personnalité pouvant être bénéfique pour l’environnement de travail; cependant, les employés ont la responsabilité de reconnaître les situations où l’humour dépasse les limites et où la conduite d’un collègue devient préjudiciable pour les autres. Toute inconduite de la sorte doit cesser avant d’entraîner des conséquences personnelles et professionnelles fâcheuses comme celles relatées par Mme X dans sa déclaration de victime.

LES MESURES DISCIPLINAIRES

[13]  Le Comité externe d’examen de la GRC a établi un critère à trois étapes pour l’imposition de mesures disciplinaires. Tout d’abord, le comité de déontologie doit examiner la gamme de mesures disciplinaires appropriées en regard de l’inconduite en question. Ensuite, le cas échéant, il doit tenir compte des facteurs aggravants et atténuants. Enfin, le comité de déontologie est tenu d’imposer des mesures disciplinaires qui soient proportionnelles à la gravité de l’inconduite reprochée, et ce, en gardant à l’esprit le principe d’harmonisation des peines.

Les mesures disciplinaires pouvant être imposées

[14]  Les parties font valoir que, conformément à l’article 4.6 du code, le paragraphe 16 du Guide des mesures disciplinaires de la GRC (le Guide), intitulé « Utilisation non sécuritaire d’une arme à feu ou d’un équipement policier », prévoit que la gamme de mesures disciplinaires graves pour avoir manié ou pointé une arme à impulsions de façon non sécuritaire ou contraire aux instructions reçues est une confiscation de solde de 5 à 15 jours. Les parties s’entendent pour dire que « [l]a sanction dans les cas graves devrait être plus sévère pour démontrer que la mauvaise utilisation intentionnelle de l’équipement policier, que ce soit sous le coup de la frustration ou pour faire une blague, est une inconduite grave », comme l’indique le Guide.

[15]  L’allégation no 2 se rapporte à l’incident de décembre 2017 ayant amené Mme X à déposer une plainte contre le membre visé. Les parties soutiennent qu’il s’agit de l’allégation la plus grave, puisqu’elle a donné lieu à des accusations criminelles contre le membre visé. Ce dernier croyait subjectivement qu’il plaisantait avec Mme X, mais il a admis avoir commis une infraction criminelle. Par conséquent, les parties conviennent que sa conduite se situe à l’extrémité la plus élevée de l’échelle des mesures disciplinaires graves, ce qui justifie une confiscation de solde de 15 jours. Elles soutiennent également qu’une telle mesure reflète la gravité objective de l’utilisation inappropriée de l’arme à impulsions, pour laquelle le membre visé s’est vu infliger une sanction criminelle, et tient compte du fait que l’appareil n’avait pas été pointé dans un accès de colère ou dans l’intention de menacer qui que ce soit.

[16]  En ce qui a trait à l’allégation no 4, la farce jouée près des toilettes au Détachement de Strathcona County en décembre 2015, les parties soutiennent qu’il s’agit d’une inconduite dont la sanction se situe parmi les mesures disciplinaires ordinaires, allant de la réprimande à une confiscation de solde de cinq jours.

[17]  L’allégation no 6 concerne quant à elle le déchargement de cartouches expirées avec l’arme à impulsions. Les parties sont d’accord pour dire qu’il s’agit de l’allégation la moins grave et elles recommandent une réprimande, mesure qui se situe dans la gamme des sanctions atténuées. En vertu d’une politique opérationnelle, le membre visé était autorisé à décharger les cartouches expirées de son arme à impulsions, mais il l’a fait sans tenir compte de son environnement immédiat, ce qui aurait pu être dangereux en fin de compte. Par ailleurs, comme l’ont indiqué les parties, l’autre gendarme concerné dans cette allégation avait dit au représentant de l’autorité disciplinaire qu’en dépit de l’incident, il n’en tenait pas rigueur au membre visé, qualifiant simplement son geste de [TRADUCTION] « chose stupide à faire ». En outre, les parties sont d’avis qu’obliger le membre visé à suivre de la formation supplémentaire sur les armes à impulsions avec un instructeur qualifié serait approprié dans les circonstances.

[18]  Je souscris à l’analyse des parties en ce qui a trait à la gamme de mesures disciplinaires pouvant être imposées en l’espèce.

Les facteurs aggravants

[19]  J’accepte les facteurs aggravants suivants présentés conjointement par les parties :

  1. Le membre visé a manifesté une tendance à utiliser son arme à impulsions (une arme prohibée) de façon inappropriée.

  2. Le membre visé a été l’objet d’accusations criminelles pour les actes décrits dans l’allégation no 2; cependant, puisqu’il a plaidé coupable et obtenu l’absolution sous conditions, cela devrait lui épargner un casier judiciaire.

  3. La victime a subi un préjudice considérable, tant sur le plan personnel que professionnel.

  4. Le membre visé avait peu d’expérience à la GRC au moment de l’inconduite alléguée et il ne peut faire valoir des années de service exemplaire pour bénéficier de mesures de sanction atténuées.

Les facteurs atténuants

[20]  J’accepte les facteurs atténuants suivants présentés conjointement par les parties :

  1. Le membre visé a admis son inconduite, ce qui évite de tenir une audience, avec les coûts qui en découlent, en plus d’épargner aux témoins le fardeau de devoir comparaître.

  2. Le membre visé n’a pas fait l’objet de mesures disciplinaires officielles antérieures.

  3. Le membre visé bénéficie de l’appui de ses pairs, de ses superviseurs et de ses gestionnaires au Détachement de Strathcona County.

  4. Le membre visé regrette ses actes et il est peu probable qu’il récidive à l’avenir, une fois qu’il aura repris ses fonctions.

  5. Le membre visé est un collègue estimé et, mis à part les incidents en l’espèce, il est considéré comme un employé très efficace.

[21]  Je tiens à mentionner que le membre visé s’est adressé par écrit au comité de déontologie et qu’il a aussi présenté des excuses par écrit à Mme X. Il a reconnu s’être conduit de façon inappropriée et affirme regretter profondément ses actes et éprouver de la honte. Il ajoute qu’être membre de la GRC est ce qui lui tient le plus à coeur et qu’il fera tout ce qu’il faut pour que sa famille et ses confrères soient fiers de lui de nouveau.

La parité des sanctions

[22]  Conformément à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires imposées doivent être adaptées à la nature et aux circonstances de la contravention au code de déontologie et, s’il y a lieu, elles doivent être éducatives et correctives plutôt que punitives.

[23]  Comme je l’ai mentionné précédemment, les parties ont fait référence au Guide pour appuyer leur position. Elles ont aussi invoqué la décision du comité d’arbitrage dans l’affaire OC de la Division E et gendarme Hamlyn, 11 DA (4e) 407, laquelle concernait l’utilisation inappropriée d’une arme à impulsions. Dans cette affaire, les parties avaient présenté au comité de déontologie une recommandation conjointe quant aux mesures disciplinaires. Le comité de déontologie a par conséquent imposé une réprimande et une confiscation de solde de 10 jours en regard de trois allégations d’inconduite, dont deux impliquant l’utilisation inappropriée d’une arme à impulsions. L’une d’elles était d’avoir permis à un civil d’effectuer un « test d’étincelles », et l’autre, d’avoir activé l’arme à impulsions sans cartouche pour aucune raison valable à proximité d’une autre personne. Il convient cependant de noter que cette affaire a été décidée sous le régime disciplinaire précédent, lequel prévoyait une sanction pécuniaire maximale de 10 jours de solde, et ensuite le congédiement.

[24]  Nonobstant cette décision antérieure, le comité de déontologie conserve le pouvoir discrétionnaire d’imposer des mesures disciplinaires plus sévères dans les situations faisant intervenir des faits similaires. Ce pouvoir est toutefois limité lorsque les parties soumettent au comité de déontologie une recommandation conjointe quant aux mesures disciplinaires, comme c’est le cas en l’espèce. En règle générale, pour écarter une recommandation conjointe, le comité de déontologie doit démontrer que celle-ci est contraire à l’intérêt public.

[25]  Le critère de l’intérêt public est très rigoureux. En 2016, dans l’arrêt R c Anthony-Cook, 2016 CSC 43, au paragraphe 34, la Cour suprême du Canada a formulé des consignes à ce sujet, lesquelles s’appliquent aussi aux tribunaux administratifs. En clair, elle a indiqué que les recommandations conjointes ne devraient pas être rejetées à la légère :

[…] Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice [le processus disciplinaire dans le cas qui nous occupe] avait cessé de bien fonctionner. […]

[26]  Le critère de l’intérêt public a été appliqué dans le contexte disciplinaire professionnel (Rault c Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 [Rault]) de même que dans la décision du commissaire dans l’affaire Gendarme Coleman et officier compétent de la Division F (2018), 18 DA (4e) 270. Selon l’arrêt Rault, lorsque les parties présentent une recommandation conjointe, le comité de déontologie est tenu d’y accorder une attention considérable, à moins qu’elle ne soit inadéquate, déraisonnable ou contraire à l’intérêt public. De plus, lorsqu’il s’écarte de la recommandation conjointe, le comité de déontologie doit fournir des motifs valables et convaincants pour expliquer en quoi elle est inappropriée.

La décision à l’égard des mesures disciplinaires

[27]  Compte tenu du dossier qui m’a été présenté, de la nature de l’inconduite, des facteurs aggravants et atténuants, de la jurisprudence invoquée et des dispositions du Guide, je ne peux conclure que la recommandation conjointe des parties en l’espèce est inadéquate, déraisonnable ou contraire à l’intérêt public. Les mesures disciplinaires qui y sont proposées font partie de la gamme des sanctions imposées pour le type d’inconduite dont il est question en l’espèce. Ces mesures serviront non seulement à dissuader toute récidive de la part du membre visé, mais aussi à mettre en garde les autres membres.

[28]  Pour les motifs qui précèdent, j’accepte la recommandation conjointe des parties quant aux mesures disciplinaires.

CONCLUSION

[29]  Ayant conclu que les allégations nos 2, 4 et 6 sont établies, j’impose les mesures disciplinaires suivantes, conformément à la recommandation conjointe des parties :

  1. Pour l’allégation no 2 : une réprimande et une confiscation de solde de 15 jours.

  2. Pour l’allégation no 4 : une réprimande et une confiscation de solde de 5 jours.

  3. Pour l’allégation no 6 : une réprimande et de la formation supplémentaire sur les armes à impulsions dispensée par un instructeur qualifié.

  4. Un transfert de détachement conformément aux instructions du commandant de la Division K.

[30]  L’objectif principal de l’intervention disciplinaire n’est pas nécessairement de punir le membre; c’est aussi de le réhabiliter. Les parties ont attiré mon attention sur le fait que le membre visé est prêt à parler de son expérience aux nouvelles recrues à des fins d’apprentissage et de formation. Selon moi, si cela pouvait se faire, ce serait une excellente occasion d’apprentissage pour tous les membres. Cela permettrait aussi au membre visé de [TRADUCTION] « rebâtir sa réputation de policer dévoué et estimé de ses collègues », comme il l’a indiqué dans sa lettre d’excuses adressée au comité de déontologie.

[31]  Les parties peuvent interjeter appel en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la date de la signification de la présente décision au membre visé, comme le prévoient l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-293.

 

 

Le 4 septembre 2019

Josée Thibault

Comité de déontologie de la GRC

 

Date

 

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