Déontologie

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Protégé A

2016 DARD 6

Dossier: 20153389

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AFFAIRE INTÉRESSANT UNE AUDIENCE

DISCIPLINAIRE EN VERTU DE LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Entre :

Commandant de la Division K

autorité disciplinaire/défenderesse

et

Gendarme Lee Brown, numéro de matricule 54267

membre visé/demandeur

Décision sur la requête pour abus de procedure

– délai déraisonnable

Article 17 des Consignes du commissaire

(déontologie)

Inspecteur Bernard Tremblay, comité de déontologie

19 octobre 2016

M. Denys Morel, représentant de l’autorité disciplinaire

Sergente d’état-major Brigitte Gauvin, représentante du membre


TABLE DES MATIÈRES

Introduction  3

Contexte factuel et procédural  3

Position des parties  4

La loi et les politiques de la GRC  5

Analyse  7

1) Est-ce que le délai est inacceptable?  8

2) Le délai a-t-il causé un préjudice important?  11

3) L’abus de procédure nécessite-t-il un arrêt des procédures?  12

Conclusion sur la requête fondée sur l’abus de procédure  12

 

Introduction

[1]  Le demandeur demande un arrêt des procédures pour abus de procédure vu le délai déraisonnable qui s’était écoulé entre le moment où il a demandé la tenue d’une audience disciplinaire et la date à laquelle l’avis d’audience disciplinaire lui a été signifié.

[2]  Les présents motifs confirment la décision que j’ai rendue le 13 octobre 2016 par courriel en faveur de l’arrêt des procédures.

Contexte factuel et procédural

[3]  Le 12 mai 2014, l’officier responsable des services de la circulation de la Division K a ordonné la tenue d’une enquête relative au Code de déontologie, conformément au paragraphe 40(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, chapitre R- 10, tel qu’il était libellé avant le 28 novembre 2014 (l’ancienne Loi sur la GRC).

[4]  Le demandeur a été suspendu avec solde le 13 mai 2014.

[5]  Une enquête criminelle a aussi été menée par l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave de l’Alberta (l’ASIRT), laquelle a transmis son rapport d’enquête au Groupe des normes professionnelles (le GNP) de la Division K le 8 décembre 2014, ainsi que des renseignements supplémentaires le 14 janvier 2015.

[6]  En date du 21 janvier 2015, le GNP avait terminé l’enquête relative au Code de déontologie et fourni son rapport d’enquête à l’officier responsable des services de la circulation de la Division K.

[7]  Le 25 février 2015, la Direction des représentants de l’autorité disciplinaire (la DRAD) a reçu le dossier.

[8]  En mars 2015, le représentant supérieur de l’autorité disciplinaire (le RAD), John Benkendorf, a rencontré la plaignante à trois reprises.

[9]  Le 2 avril 2015, la défenderesse a signé un avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire. Un comité de déontologie a été nommé le 8 avril 2015.

[10]  Le 15 avril 2015, le commandant par intérim a reçu une lettre dans laquelle l’ASIRT l’informait qu’elle avait décidé de ne pas porter d’accusations criminelles.

[11]  Le 16 juillet 2015, le dossier a été réattribué à la RAD supérieure Julie Roy.

[12]  Le 23 septembre 2015, le dossier a été réattribué au RAD supérieur Denys Morel.

[13]  Les RAD supérieurs John Benkendorf et Julie Roy ont démissionné de la GRC le 23 septembre 2015 et le 10 décembre 2015, respectivement.

[14]  Le 1er avril 2016, la défenderesse a signé un avis d’audience disciplinaire qui a été signifié au demandeur le 12 avril 2016.

[15]  L’audience disciplinaire doit commencer le 25 octobre 2016.

Position des parties

[16]  Le demandeur soutient ce qui suit :

  1. La défenderesse a omis de signifier au demandeur l’avis d’audience disciplinaire « dans les meilleurs délais » conformément au paragraphe 43(2) de la Loi sur la GRC.
  2. Ce délai est présumé déraisonnable et n’a pas été justifié par la défenderesse.
  3. La suspension de plus de deux ans et la stigmatisation liée à la plainte d’agression sexuelle ont causé un préjudice important au demandeur.
  4. Le délai déraisonnable a causé un préjudice irréparable à l’intégrité du régime déontologique de la GRC.
  5. Les actions de la défenderesse, ou plutôt son inaction, constituent un abus de procédure qui justifie un arrêt des procédures.

[17]  En revanche, la défenderesse soutient que l’exigence prévue au paragraphe 43(2) a été respectée et que le délai n’était pas déraisonnable. Elle soutient également que le délai n’a pas causé un préjudice équivalant à un abus de procédure.

La loi et les politiques de la GRC

[18]  La Loi sur la GRC a été modifiée le 28 novembre 2014. Cela marquait un nouveau départ puisque l’ancien processus disciplinaire était alors remplacé par le nouveau.

[19]  L’article 43 de Loi sur la GRC prévoit ce qui suit :

(1) Dès qu’il est avisé en vertu du paragraphe 41(1) qu’un membre aurait contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie, l’officier désigné pour l’application de ce paragraphe constitue, sous réserve des règlements, un comité de déontologie composé d’une ou de plusieurs personnes pour décider si le membre y a contrevenu.

(2) Dans les meilleurs délais après avoir constitué le comité de déontologie, l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience signifie au membre en cause un avis écrit l’informant qu’un comité de déontologie décidera s’il y a eu contravention.

(3) L’avis peut énoncer plus d’une contravention aux dispositions du code de déontologie et contient les éléments suivants :

a) un énoncé distinct de chaque contravention reprochée;

b) un énoncé détaillé de l’acte ou de l’omission constituant chaque contravention reprochée;

c) le nom des membres du comité de déontologie;

d) l’énoncé du droit d’opposition du membre à la nomination de toute personne au comité de déontologie, comme le prévoit l’article 44.

(4) L’énoncé détaillé contenu dans l’avis doit être suffisamment précis et mentionner, si possible, le lieu et la date où se serait produite chaque contravention afin que le membre qui en reçoit signification puisse connaître la nature des contraventions reprochées et préparer sa réponse en conséquence.

[Caractères gras ajoutés]

[20]  Les Consignes du commissaire (déontologie) de la GRC prévoient ce qui suit :

15. (1) Au présent article, « rapport d’enquête » s’entend de tout rapport établi suivant l’enquête prévue au paragraphe 40(1) de la Loi, y compris les documents justificatifs.

(2) Dès que possible après la constitution du comité de déontologie, l’autorité disciplinaire lui remet copie de l’avis prévu au paragraphe 43(2) de la Loi et le rapport d’enquête et elle fait signifier copie du rapport au membre visé.

(3) Dans les trente jours suivant la date de la signification au membre visé de l’avis prévu au paragraphe 43(2) ou dans le délai fixé par le comité, le membre visé remet à l’autorité disciplinaire et au comité :

a) un écrit dans lequel il admet ou nie chaque contravention alléguée au code de déontologie;

b) toute observation écrite qu’il souhaite présenter;

c) tout élément de preuve, document ou rapport, autre que le rapport d’enquête, qu’il compte présenter ou invoquer à l’audience.

[Caractères gras ajoutés]

[21]  La politique de la GRC, soit le Manuel d’administration, prévoit ce qui suit au chapitre XTI.1.3.8 :

Les comités de déontologie doivent faire tous les efforts raisonnables pour tenir une audience disciplinaire dans les quatre-vingt-dix (90) jours de leur désignation par l’officier désigné.

[Caractères gras ajoutés]

Analyse

[22]  Dans le récent arrêt en matière pénale R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), (Jordan), la Cour suprême du Canada a élaboré un nouveau cadre d’analyse applicable aux délais déraisonnables en vertu de l’alinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Le demandeur soutient que les principes de justice naturelle, tels qu’ils ont été redéfinis dans l’arrêt Jordan, s’appliquent aux tribunaux administratifs, comme un comité de déontologie de la GRC.

[23]  Je conviens avec la défenderesse que, suivant l’arrêt R. c. Wigglesworth, [1987] 2 RCS 541, l’alinéa 11b) de la Charte ne s’applique pas aux affaires disciplinaires de la GRC. Je n’appliquerais pas directement l’arrêt Jordan et son concept de « plafond présumé » en l’espèce, mais plusieurs extraits de cet arrêt sont pertinents en ce qui concerne le processus disciplinaire de la GRC :

[22] [...] les procès instruits en temps utile ont des répercussions sur les autres personnes qui interviennent dans les procès criminels et qui sont touchées par eux, de même que sur la confiance du public envers l’administration de la justice.

[23] Les victimes d’actes criminels et leurs familles peuvent être anéanties par de tels actes et avoir de ce fait un intérêt particulier à ce que les procès se déroulent rondement (R. c. Askov, [...], [1990] 2 RCS 1199, p. 1220-1221). En effet, les délais exacerbent la souffrance des victimes et les empêchent de tourner la page.

[24] En revanche, les procès instruits dans un délai raisonnable permettent aux victimes et aux témoins d’apporter la meilleure contribution possible au procès et minimisent l’« angoiss[e] et [la] frustration [qu’ils ressentent] jusqu’au témoignage lui-même » (Askov, p. 1220). Le cumul des délais interrompt pour sa part leurs activités personnelles, professionnelles ou commerciales, et crée des tracas qui peuvent les décourager de participer au procès.

[25] Dernier élément, qui n’est toutefois certainement pas le moindre, les procès instruits en temps utile sont importants pour préserver la confiance générale du public envers l’administration de la justice. [...] Le défaut « de tenir les procès criminels avec équité, rapidité et efficacité amène inévitablement la société à douter […] et, en fin de compte, à mépriser les procédures judiciaires » (p. 1221).

[26] Le prolongement des délais mine la confiance du public envers le système.[...]

[27] Les Canadiens et Canadiennes s’attendent donc à juste titre à ce que notre système puisse rendre une justice de qualité d’une manière qui soit raisonnablement efficace et rapide. [...]

[24]  L’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 RCS 307 (Blencoe), s’applique toujours aux demandes d’arrêt des procédures en raison du délai dans le processus disciplinaire de la GRC. Pour avoir gain de cause, le demandeur doit prouver selon la prépondérance des probabilités que :

  • le délai est inacceptable;

  • ce délai a causé un préjudice important;

  • l’arrêt des procédures est la réparation appropriée.

1) Est-ce que le délai est inacceptable?

[25]  Comme il est indiqué au paragraphe 122 de l’arrêt Blencoe, il faut tenir compte du contexte pour savoir si le délai est acceptable ou non :

La question de savoir si un délai est devenu excessif dépend de la nature de l’affaire et de sa complexité, des faits et des questions en litige, de l’objet et de la nature des procédures, de la question de savoir si la personne visée par les procédures a contribué ou renoncé au délai, et d’autres circonstances de l’affaire. Comme nous l’avons vu, la question de savoir si un délai est excessif et s’il est susceptible de heurter le sens de l’équité de la collectivité dépend non pas uniquement de la longueur de ce délai, mais de facteurs contextuels, dont la nature des différents droits en jeu dans les procédures.

[26]  Le demandeur soutient que la défenderesse n’a pas respecté le paragraphe 43(2) de la Loi sur la GRC, selon lequel, après avoir convoqué l’audience, l’autorité disciplinaire doit « dans les meilleurs délais » (« as soon as feasible » en anglais) signifier au membre en cause un avis écrit l’informant qu’il y aura une audience devant un comité de déontologie. Il ajoute que l’expression « dans les meilleurs délais » équivaut à « as soon as possible » en anglais. Je note également que l’on retrouve au paragraphe 15(2) des Consignes du commissaire (déontologie) les expressions « dès que possible » en français et « as soon as feasible » en anglais.

[27]  La défenderesse soutient que le remplacement du mot « dès » dans l’ancienne Loi sur la GRC avec « dans les meilleurs délais » apporte une certaine souplesse et révèle l’intention qu’avait le législateur d’enlever le sentiment d’imminence qui prévalait dans l’ancienne Loi sur la GRC. Elle affirme qu’il faut interpréter cette expression comme si elle signifiait qu’il fallait agir rapidement, en tenant compte des circonstances.

[28]  Il existe de subtiles différences entre les expressions « dans les meilleurs délais » et « dès que possible » (« as soon as feasible » et « as soon as possible » en anglais). Malgré le retrait du mot « dès », le paragraphe 43(2) oblige encore l’autorité disciplinaire à agir raisonnablement rapidement. À ce stade du processus disciplinaire, l’enquête du GNP est terminée et l’autorité disciplinaire a avisé l’officier désigné qu’une audience disciplinaire sera tenue.

[29]  Le 2 avril 2015, la défenderesse a convoqué une audience disciplinaire en avisant l’officier désigné comme le prévoit le paragraphe 41(1) de la Loi sur la GRC. Nul ne conteste que cela a été fait à l’intérieur de la période de prescription prévue au paragraphe 41(2), laquelle est d’un an à partir du moment où la contravention qui aurait été commise par le demandeur a été portée à la connaissance de la défenderesse.

[30]  Le 8 avril 2015, l’officier désigné a constitué un comité de déontologie pour décider si le demandeur a contrevenu au Code de déontologie. Aux termes du paragraphe 43(2), la défenderesse a donc dû, « dans les meilleurs délais », signifier au demandeur un avis l’informant qu’une audience serait tenue. Cet avis a été signifié au demandeur plus d’un an plus tard, soit le 12 avril 2016.

[31]  Il est important de souligner que suivant le processus disciplinaire, avant de se voir signifier l’avis d’audience disciplinaire, le membre visé n’a aucune obligation. Le membre visé n’est tenu de fournir une réponse et une liste des témoins pendant les trente jours qu’après s’être vu signifier un avis. En l’espèce, le demandeur n’est pas responsable du délai.

[32]  La défenderesse soutient que le délai est attribuable à plusieurs facteurs. La DARD a rencontré des difficultés importantes en raison d’un réalignement des ressources humaines, du transfert des dossiers, des départs de personnel et du volume de dossiers qui lui ont été transmis. Aussi, la plaignante dans cette affaire d’inconduite sexuelle avait exprimé de sérieuses préoccupations quant à sa participation au processus d’audience, ce qui a entraîné des retards supplémentaires.

[33]  La défenderesse renvoie à l’arrêt Blencoe, dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu qu’un délai de 30 mois entre le dépôt d’une plainte de discrimination sous forme de harcèlement sexuel et la tenue d’audience, en l’absence d’une preuve de préjudice important, ne constituait pas un abus de procédure. Elle souligne qu’en l’espèce, la période — du moment où l’enquête a été lancée jusqu’au moment où l’audience a été tenue — représente 29 mois.

[34]  Le processus disciplinaire de la GRC évolue maintenant dans un milieu unique, ce qui signifie qu’il faut examiner les délais de façon différente. Les principes établis dans l’arrêt Blencoe s’appliquent toujours, mais les délais qui étaient alors acceptables ou tolérés sous le régime précédent peuvent maintenant être considérés comme excessifs. La GRC, dans sa politique, a établi que l’audience disciplinaire devait avoir lieu dans les 90 jours suivant la constitution du comité de déontologie. Le délai de 90 jours n’est pas inflexible, mais les comités de déontologie doivent « faire tous les efforts raisonnables pour tenir une audience disciplinaire » dans ce délai. Voici donc ce qui se produira dans ces 90 jours:

  • l’avis d’audience disciplinaire sera signifié au membre;

  • le membre sollicitera et obtiendra des conseils juridiques;

  • le membre fournira une réponse écrite obligatoire (dans les 30 jours suivant la signification de l’avis d’audience disciplinaire);

  • la date d’audience sera alors fixée;

  • l’audience disciplinaire sera tenue.

[35]  Je ne suis pas prêt à dire que l’expression « dans les meilleurs délais » signifie que l’avis d’audience disciplinaire doit toujours être signifié assez rapidement pour permettre au processus disciplinaire de respecter l’objectif de 90 jours prévu dans la politique, mais j’estime qu’en l’espèce l’avis n’a pas été signifié « dans les meilleurs délais », comme l’exige le paragraphe 43(2) de la Loi sur la GRC.

[36]  Je reconnais que la défenderesse, ou son représentant, n’a pas fait preuve de mauvaise foi, mais le délai d’environ 370 jours qui s’est écoulé avant que l’avis d’audience disciplinaire soit signifié au demandeur est inacceptable.

2) Le délai a-t-il causé un préjudice important?

[37]  Le demandeur soutient avoir été suspendu de ses fonctions pendant plus de deux ans et qu’il a souffert de la stigmatisation liée à la plainte d’agression sexuelle, laquelle a donné lieu à une enquête criminelle et à une enquête interne. Il ajoute que le temps mis à lui signifier l’avis d’audience disciplinaire va à l’encontre de l’objectif et de la nature du nouveau processus disciplinaire et a pour effet de déconsidérer le processus.

[38]  Selon la défenderesse, le demandeur n’a pas subi de préjudice important en raison du délai et n’a pas démontré qu’il y a eu abus de procédure. Elle ajoute que le délai en soi, aussi long soit-il, ne suffit pas.

[39]  Au paragraphe 115 de l’arrêt Blencoe, la Cour suprême a déclaré ce qui suit :

[...] Dans le cas où un délai excessif a causé directement un préjudice psychologique important à une personne ou entaché sa réputation au point de déconsidérer le régime de protection des droits de la personne, le préjudice subi peut être suffisant pour constituer un abus de procédure. [...] Il faut toutefois souligner que rares sont les longs délais qui satisfont à ce critère préliminaire. Ainsi, pour constituer un abus de procédure dans les cas où il n’y a aucune atteinte à l’équité de l’audience, le délai doit être manifestement inacceptable et avoir directement causé un préjudice important. Il doit s’agir d’un délai qui, dans les circonstances de l’affaire, déconsidérerait le régime de protection des droits de la personne. [...]

[40]  Le demandeur a été suspendu avec solde le 13 mai 2014, peu après que la plaignante eut signalé les incidents. Le 21 janvier 2015, les rapports de l’enquête criminelle et de l’enquête relative au Code de déontologie ont été transmis à l’officier responsable des services de la circulation de la Division K. La DARD a reçu le dossier le 25 février 2015 et un comité de déontologie a été constitué le 8 avril 2015. À partir de ce moment-là, l’avis d’audience disciplinaire, lequel devait être signifié « dans les meilleurs délais », a été signifié plus d’un an plus tard. Pendant cette période de deux ans, le demandeur a été suspendu de ses fonctions et ne savait pas si une audience disciplinaire allait être tenue et, le cas échéant, quand elle aurait lieu.

[41]  J’estime que le demandeur a subi un préjudice important en raison du délai.

3) L’abus de procédure nécessite-t-il un arrêt des procédures?

[42]  Selon la défenderesse, ce ne serait pas dans l’intérêt du public et de la GRC de mettre fin au processus disciplinaire simplement parce que la procédure n’a pas été traitée de la manière la plus expéditive possible. Elle soutient que cela est d’autant plus vrai dans les cas d’allégations d’agression sexuelle.

[43]  Au paragraphe 68 de l’arrêt R. c. O'Connor, [1995] 4 RCS 411, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’un arrêt des procédures pour abus de procédure n’est justifié que dans les cas les plus manifestes. L’objectif de la Loi sur la GRC, des Consignes du commissaire (déontologie) et des politiques de la GRC est de faire en sorte que les questions disciplinaires sont traitées rapidement et qu’elles ne traînent pas en attendant la prise d’une décision. Il y aura certainement des cas où il sera impossible d’éviter les longs délais, mais ce n’est pas le cas en l’espèce. Le processus disciplinaire doit permettre au public et aux membres de la GRC de croire que les allégations d’inconduite seront traitées rapidement et équitablement.

[44]  Je sais qu’un arrêt des procédures fera en sorte qu’il ne sera pas possible de statuer sur le bien-fondé des allégations, mais j’estime que la meilleure façon de protéger l’intégrité du processus disciplinaire de la GRC est de suspendre les procédures plutôt que de tolérer le délai inacceptable et de permettre l’instruction de la présente affaire.

Conclusion sur la requête fondée sur l’abus de procédure

[45]  La requête du demandeur est accueillie. La procédure relative à l’avis d’audience disciplinaire daté du 1er avril 2016 est suspendue.

 

 19 octobre 2016

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

 

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