Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’Avis d’audience disciplinaire contenait deux allégations de conduite déshonorante pesant contre le membre visé en lien avec une relation sexuelle inappropriée avec Mme A, une employée municipale qui travaille dans le bloc cellulaire du détachement. La première allégation porte sur un incident en particulier impliquant un acte sexuel qui se serait produit le 10 octobre 2014, dans le bâtiment du détachement de la GRC. La deuxième allégation vise une période plus longue durant laquelle le membre visé aurait flirté avec Mme A et aurait entretenu une relation inappropriée de nature sexuelle avec elle. À la suite d’une audience contestée, le Comité de déontologie a conclu que les deux allégations étaient fondées. Le membre visé était en position d’autorité sur Mme A. Le membre visé a reçu l’ordre de démissionner de la Gendarmerie, et si ce dernier ne s’exécute pas dans les quatorze jours suivants, le membre visé sera congédié.

Contenu de la décision

Protégé A

ACMT 201533819

2018 DARD 16

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE D’UNE AUDIENCE DISCIPLINAIRE AU TITRE DE LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

Commandant de la Division E

Autorité disciplinaire

et

Sergent William Turner, numéro de matricule 47786

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Kevin L. Harrison

Le 6 décembre 2018

M. Denys Morel et caporale Chantal Le Dû, pour l’autorité disciplinaire

Sergent d’état-major Colin Miller, pour le membre


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ  5

I. INTRODUCTION  5

II. ALLÉGATIONS  6

III. REQUÊTES PRÉLIMINAIRES  7

Abus de procédure  7

Ordonnance de non-publication  8

IV. PREUVE RELATIVE AUX ALLÉGATIONS  8

Témoignage – Antécédents et expérience des principaux témoins  9

Témoignage – Climat de travail au sein de l’équipe de la veille  10

Preuve de Mme A  10

Preuve du membre visé  11

Témoignage – Relation personnelle entre le membre visé et Mme A  12

Preuve de Mme A  12

Preuve du membre visé  15

Témoignage – Relation sexuelle entre le membre visé et Mme A  17

Allégation 2 – Comportement inapproprié entre novembre 2013 et octobre 2014  17

Allégation 1 – la relation sexuelle du 10 octobre 2014  25

Autres éléments de preuve de la nature de la relation entre le membre visé et Mme A  28

Déclaration de la chef d’équipe  28

Déclaration d’un gardien de cellule faisant partie de l’équipe de veille C  31

Déclaration d’une gardienne de cellule  32

Déclaration de l’ancien gendarme de cellule 1  33

Déclaration de l’ancien gendarme de cellule 2  35

Déclaration de l’ami de Mme A  36

Preuve de l’ancien petit ami de Mme A  38

La seule série de messages texte subsistante  38

Éléments de preuve – Position d’autorité  40

Éléments de preuve de Mme A  40

Éléments de preuve du membre visé  42

Éléments de preuve du sergent d’état-major D  43

Éléments de preuve du sergent d’état-major E  45

Éléments de preuve d’anciens gendarmes de cellule  49

V. OBSERVATIONS SUR LES ALLÉGATIONS  50

Représentant de l’autorité disciplinaire  50

Représentant du membre  53

VI. CONSTATATIONS SUR LES ALLÉGATIONS  58

VII. ÉLÉMENTS DE PREUVE SUR LES MESURES DISCIPLINAIRES  60

Documentation à l’appui du membre visé  60

Témoignage oral du membre visé  63

Rapport d’enquête lié à l’affaire disciplinaire précédente  65

Plainte d’envoi excessif de messages textes à une autre gardienne  66

VIII. OBSERVATIONS SUR LES MESURES DISCIPLINAIRES  68

Représentant de l’autorité disciplinaire  68

Représentant du membre  71

IX. DÉCISION SUR LES MESURES DISCIPLINAIRES  74

Crédibilité des témoins  75

Le membre visé était-il en position d’autorité?  76

Nature de la relation entre le membre visé et Mme A  82

Facteurs atténuants  91

Facteurs aggravants  93

Recommandations du Guide des mesures disciplinaires  96

X. MESURES DISCIPLINAIRES IMPOSÉES  97

XI. CONCLUSION  98

 

RÉSUMÉ

L’Avis d’audience disciplinaire contenait deux allégations de conduite déshonorante pesant contre le membre visé en lien avec une relation sexuelle inappropriée avec Mme A, une employée municipale qui travaille dans le bloc cellulaire du détachement. La première allégation porte sur un incident en particulier impliquant un acte sexuel qui se serait produit le 10 octobre 2014, dans le bâtiment du détachement de la GRC. La deuxième allégation vise une période plus longue durant laquelle le membre visé aurait flirté avec Mme A et aurait entretenu une relation inappropriée de nature sexuelle avec elle. À la suite d’une audience contestée, le Comité de déontologie a conclu que les deux allégations étaient fondées. Le membre visé était en position d’autorité sur Mme A. Le membre visé a reçu l’ordre de démissionner de la Gendarmerie, et si ce dernier ne s’exécute pas dans les quatorze jours suivants, le membre visé sera congédié.

MOTIFS DE DÉCISION

I. INTRODUCTION

[1]  Le 7 octobre 2015, le commandant divisionnaire et l’autorité disciplinaire de la Division E (l’autorité disciplinaire) ont signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. L’officier désigné a nommé les membres du Comité de déontologie le 15 octobre 2015.

[2]  Conformément à la Partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC], l’autorité disciplinaire a émis un Avis d’audience disciplinaire (l’avis) le 28 juin 2016. L’avis, qui contenait deux allégations, a été délivré au membre visé le 4 août 2016.

[3]  Le 19 avril 2017, le représentant du membre qui avait été désigné, à l’origine, pour représenter le membre visé a été remplacé par un nouveau représentant.

[4]  En raison du transfert de membres originaux du Comité de déontologie, de nouveaux membres du Comité de déontologie ont été nommés le 26 juillet 2017, sans objection de la part du membre visé.

[5]  Le Comité de déontologie a émis un Avis indiquant le lieu, la date et l’heure d’une audience disciplinaire le 6 novembre 2017. Une audience disciplinaire a eu lieu à Surrey, en Colombie-Britannique, du 28 au 30 novembre 2017, inclusivement. Lors de cette audience, les deux allégations ont été jugées fondées.

[6]  Après l’étape des mesures disciplinaires, le Comité de déontologie a donné au membre visé l’ordre de démissionner de la Gendarmerie dans les quatorze jours suivants, à défaut de quoi il serait congédié.

[7]  À la conclusion de l’audience, les motifs de la décision ont été présentés de vive voix. Voici la version intégrale de la décision écrite, y compris les mesures disciplinaires, rédigée conformément au paragraphe 45(3) de la Loi sur la GRC.

II. ALLÉGATIONS

[8]  À la suite d’une enquête relative au Code de déontologie, le membre visé fait face aux deux allégations suivantes :

Allégation 1

Le 10 octobre 2014 ou vers cette date, à [B] ou à proximité, dans la province de la Colombie-Britannique, [le membre visé] a eu une conduire déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Vous étiez un sergent de la veille C au détachement de [B], responsable du bloc cellulaire.

3. Vos fonctions à titre de sergent incluaient : la surveillance de toutes les opérations policières du bloc cellulaire et des questions de détention, et supervision des fonctions exercées par le gendarme et des gardes du bloc cellulaire durant vos quarts de travail.

4. Vous étiez en position d’autorité sur [Mme A] qui était une gardienne de cellule au détachement de la GRC de [B].

5. À la fin de votre quart de travail, vous avez rencontré [Mme A] dans la cage d’escalier du détachement de la GRC de [B]. Vous avez été l’instigateur et avec eu un contact sexuel non désiré avec elle.

Allégation 2

Entre le 1er novembre 2013 et le 10 octobre 2014 ou vers ces dates, à [B] ou à proximité, dans la province de la Colombie-Britannique, [le membre visé] alors qu’il était en service, a eu une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et étiez affecté à la Division E, au détachement de [lieu caviardé] en Colombie-Britannique.

2. Vous étiez un sergent de la veille C au détachement de [B], responsable du bloc cellulaire.

3. Vos fonctions à titre de sergent incluaient : la surveillance de toutes les opérations policières du bloc cellulaire et des questions de détention, et supervision des fonctions exercées par le gendarme et des gardes du bloc cellulaire durant vos quarts de travail.

4. Vous étiez en position d’autorité sur [Mme A] qui était une gardienne de cellule au détachement de la GRC de [B].

5. Entre novembre 2013 et juillet 2014, à titre de sergent responsable du bloc cellulaire de la veille C, vous supervisiez les fonctions exercées par [Mme A].

6. Alors que vous étiez en service, vous avez eu un comportement inapproprié au travail envers [Mme A], y compris : attraper et tirer sa queue de cheval, tirer le devant de sa chemise, l’embrasser, exposer votre pénis, lui demander de vous faire une fellation.

7. Vous avez flirté avec [Mme A] et avez entretenu une relation inappropriée de nature sexuelle avec elle, une subalterne.

III. REQUÊTES PRÉLIMINAIRES

Abus de procédure

[9]  Le 23 novembre 2016, le membre visé a introduit une requête en vertu de l’article 17 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC (déontologie)] afin d’obtenir un arrêt des procédures raison d’un abus de procédure alléguant un délai déraisonnable entre la convocation à une audience disciplinaire par l’autorité disciplinaire et la date à laquelle le membre visé a reçu l’avis.

[10]  Même si le Comité de déontologie original a estimé que le délai était inacceptable et que cela avait causé un préjudice personnel important, la requête du membre visé a été rejetée le 6 février 2017 au motif que la tenue d’une audience disciplinaire malgré l’abus de procédure ne jetterait pas le discrédit sur le processus disciplinaire de la GRC et qu’un arrêt des procédures n’était pas justifié.

[11]  Le Comité de déontologie original a ajouté que selon l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Blencoe c. Colombie-Britannique (Commission des droits de la personne), [2000] 2 RCS 307, l’arrêt des procédures n’est pas la seule réparation possible dans le cas d’un abus de procédure en matière de droit administratif, notant que le Comité de déontologie pourrait prendre en compte le délai plus tard dans le processus disciplinaire.

Ordonnance de non-publication

[12]  À la demande du représentant de l’autorité disciplinaire et avec le consentement du représentant du membre, une ordonnance de non-publication, au titre de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC, a été émise afin d’interdire de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement permettant d’établir l’identité de Mme A.

IV. PREUVE RELATIVE AUX ALLÉGATIONS

[13]  Les deux principaux témoins dans la phase de l’audience portant sur les allégations étaient Mme A, au nom de l’autorité disciplinaire, et le membre visé, en son propre nom. Même s’ils s’entendent sur certains aspects des deux allégations, ils ont présenté des positions divergentes sur deux enjeux importants de cette audience disciplinaire, à savoir :

  1. Si le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A.
  2. Si la relation entre le membre visé et Mme A, y compris les actes sexuels, était consensuelle.

[14]  D’autres témoins ont été appelés par les deux parties pour aborder la question à savoir si le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A. Des documents, y compris les Procédures opérationnelles réglementaires du bloc cellulaire (POR du bloc cellulaire) du détachement de B et la politique de la GRC, ont été abordés par les deux témoins. Outre le témoignage des témoins lors de l’audience disciplinaire, il y a d’autres éléments de preuve au dossier, y compris des déclarations de témoins abordant les deux enjeux.

[15]  La détermination de la crédibilité des deux principaux témoins revêt une grande importance dans ma décision. Tous les éléments de preuve au dossier doivent donc faire l’objet d’un examen rigoureux pour bien comprendre la conclusion du Comité de déontologie.

Témoignage – Antécédents et expérience des principaux témoins

[16]  Mme A a été la première à témoigner. Elle a affirmé avoir été embauchée, à l’origine, par la Ville de B, à temps partiel, en tant que gardienne dans le bloc cellulaire du détachement de la GRC de B en novembre 2013. Elle a reçu de la formation pendant trois blocs de quarts de travail [1] sur la veille A, puis a fait divers quarts de travail sur d’autres veilles, y compris la veille C. Elle a obtenu un poste de gardienne de cellule à temps plein le 2 janvier 2014 et a été assignée à la veille C. En juillet 2014, elle a réussi le concours pour le poste de chef d’équipe de la veille D. À cette époque, Mme A faisait également de la transcription pour une unité d’enquête spécialisée, dont les locaux se trouvaient dans le bâtiment du quartier général de la division E à B.

[17]  Le membre visé a témoigné pour son propre compte. Il est devenu membre de la GRC le 5 septembre 2000. Après l’obtention de son diplôme de l’École de la GRC à la Division Dépot, il a été affecté au détachement de Chilliwack pour exercer des fonctions de police générale. Il a eu deux autres affectations dans des services généraux dans deux autres détachements. Il a passé une courte période de temps au sein de l’Équipe intégrée des enquêtes sur les homicides avant de demander d’être réaffecté à des services généraux. Sa demande a été accueillie et il a été transféré au détachement de B et assigné à une veille. Quelques mois plus tard, il a été promu au grade de caporal au sein des services généraux du détachement de B. Entre septembre 2011 et janvier 2012, il a assumé à titre intérimaire les fonctions de sergent du bloc cellulaire du détachement de B. Il a posé sa candidature au poste permanent de sergent du bloc cellulaire du détachement de B, un poste qu’il a éventuellement obtenu en juillet 2012 pour la veille C. Il a occupé ce poste jusqu’à sa suspension en octobre 2014.

Témoignage – Climat de travail au sein de l’équipe de la veille

Preuve de Mme A

[18]  Mme A a décrit favorablement le climat de travail au sein de l’équipe de la veille, notant que l’équipe travaillait bien ensemble. Il y a beaucoup de plaisanteries et de blagues au sein de l’équipe. Cependant, les tours n’étaient pas toujours positifs.

[19]  Mme A a décrit un incident qui s’est produit en novembre 2013, appelé dans la présente décision « l’incident du téléphone cellulaire ». Le téléphone cellulaire personnel du membre visé a disparu de son bureau durant un quart de travail. Il a accusé le gendarme travaillant alors dans les cellules et Mme A de l’avoir pris. Il était très mécontent. Mme A a aidé le membre visé à chercher le téléphone cellulaire. Il ne croyait pas qu’elle n’avait rien à voir avec la disparition et a ensuite fouillé ses poches afin de le trouver. Il a retiré un sac du casier personnel de Mme A et l’a caché. Il a également pris le téléphone cellulaire personnel du gendarme des cellules et l’a rangé sous clé dans son propre casier. Il l’a redonné plus tard au gendarme des cellules avant la fin de son quart de travail. En fin de compte, un membre qui se trouvait temporairement dans le bloc cellulaire avait pris par mégarde le téléphone cellulaire. Le membre visé a appelé Mme A pour s’excuser. Il avait apparemment obtenu le numéro de téléphone cellulaire personnel de Mme A auprès du chef d’équipe [2] de la veille.

[20]  Le membre visé taquinait beaucoup Mme A. Le reste de l’équipe a emboîté le pas. Elle était continuellement la cible des plaisanteries de l’équipe dans laquelle elle était dépeinte comme la gardienne de cellule empotée en amour avec le « soûl du village », qui se retrouvait souvent en cellule. Des membres de l’équipe ont créé des affiches à ce sujet. À une occasion, une effigie du « soûl du village » sous forme de lapin a été créée et accrochée dans la salle à manger. Mme A a été attirée dans la salle à manger et sa réaction lorsqu’elle a vu cette effigie a été enregistrée sur vidéo [3] . Plusieurs membres de l’équipe étaient présents et impliqués.

Preuve du membre visé

[21]  Le membre visé a brossé un tableau de l’équipe de veille similaire à celui de Mme A. Il a affirmé que l’équipe était plaisante et travaillait bien ensemble et que l’atmosphère était positive. Il a mentionné qu’ils organisaient à l’occasion des repas-partage lors desquels les membres de l’équipe apportaient un plat à partager avec le reste de l’équipe. Il a également affirmé que les membres jouaient des tours, mais n’a pas donné de détails à cet égard. Même si les nuits étaient très occupées, elles pouvaient être longues. Il y avait un besoin d’une certaine légèreté et les membres de l’équipe tentaient de s’amuser.

[22]  Le point de vue du membre visé en ce qui concerne l’incident du téléphone cellulaire était quelque peu différent. Il était « très préoccupé », plutôt que mécontent, de la disparition du téléphone cellulaire, car ce dernier contenait toutes les coordonnées de ses contacts et des photographies personnelles. Il a cru que des membres de l’équipe l’avaient pris. Il a reconnu avoir pris le téléphone cellulaire d’un gendarme de cellules et le sac de Mme A pour retrouver son téléphone cellulaire, mais a nié avoir fouillé les poches de Mme A ou d’avoir procéder à une fouille par palpation pour tenter de le trouver.

Témoignage – Relation personnelle entre le membre visé et Mme A

Preuve de Mme A

[23]  Mme A a décrit la progression des événements dans sa relation personnelle avec le membre visé. Lorsqu’elle a commencé son emploi au sein de l’équipe de veille A, le membre visé était affecté à la veille C. Au cours de cette période, ils ne se connaissaient que vaguement, se croisant seulement que lors des changements de quarts de travail. Elle a également fait beaucoup d’heures avec l’équipe de la veille C vers la fin de 2013. Au cours de cette période, des rénovations étaient en cours dans l’aire du bloc cellulaire et, par conséquent, le sergent du bloc cellulaire et les gardiens passaient de longues périodes de temps ensemble durant leurs quarts de travail. Elle a appris que le membre visé avait une fille et une ex-épouse. Elle a affirmé n’avoir appris que le membre visé avait une petite amie qu’au début d’août 2014.

[24]  À un certain moment, Mme A a commencé à se questionner sur son comportement au travail. Ses doutes étaient fondés sur des commentaires que lui a faits le membre visé. Il a dit que la façon dont elle le regardait et le traitait avait changé au point de lui faire croire qu’elle le désirait. Elle a donc discuté avec son chef d’équipe afin de savoir quelle était la perception des autres membres de l’équipe de veille à son égard. Le chef d’équipe lui a assuré qu’elle n’avait rien remarqué d’inapproprié dans son comportement.

[25]  Mme A a décrit le membre visé comme étant un homme très compétent qui savait ce qu’il faisait. Il dirigeait le bloc cellulaire et était toujours en contrôle. Elle a affirmé qu’il semblait être une bonne personne qui plaisantait toujours avec son personnel; mais qu’il était également intense et coléreux. Le membre visé lui a rendu la vie difficile avec ses plaisanteries ainsi que ses constantes réprimandes et critiques envers son travail. C’était si évident qu’un prisonnier en a même fait la remarque à une occasion. Elle a estimé plus facile pour elle de s’accorder avec lui.

[26]  Lors du contre-interrogatoire, Mme A a reconnu qu’elle et le membre visé se taquinaient régulièrement et que leurs actions pouvaient avoir été interprétées comme étant du flirt.

[27]  En ce qui concerne son évaluation du membre visé en tant que personne, elle a affirmé qu’elle avait des « sentiments contradictoires ». Elle respectait le membre visé en tant que sergent. Elle respectait son grade, mais pas la façon dont il la traitait. Elle ne respectait pas la façon dont il la taquinait et sa condescendance envers elle. Elle respectait ses connaissances, même s’il la harcelait et la forçait à lui faire une fellation. En fin de compte, elle ne voulait pas nuire à sa carrière. Elle voulait simplement l’éviter afin que l’abus cesse.

Messages textes

[28]  Selon Mme A, la relation personnelle avec le membre visé a commencé par un simple message texte. Elle avait acheté des biscuits de guides de lui, mais elle ne l’avait pas encore payé pour les biscuits. Le message texte du membre visé visait simplement à lui rappeler d’apporter l’argent pour les biscuits au travail. Elle n’a pas reçu d’autres messages textes de sa part pendant un certain temps. Puis, un jour, pendant une journée de congé, elle a reçu un message du membre visé simplement pour l’informer qu’il faisait des travaux dans la cour. Il s’est ensuivi un bref échange sur les travaux d’entretien de la cour.

[29]  Ces messages inoffensifs se sont transformés en messages plus explicites à connotation sexuelle en mai 2014. Les échanges de messages textes étaient sporadiques et se produisaient habituellement lorsqu’ils étaient tous deux en congé.

[30]  Mme A a reconnu avoir participé de plein gré à ces échanges de messages textes. Elle a affirmé ne pas les avoir amorcés, mais avoir simplement répondu aux demandes du membre visé. Certains des messages textes étaient très explicites et décrivaient de quelle façon dont elle lui ferait une fellation.

[31]  Même s’ils ne se sont jamais rencontrés en dehors du travail, le membre visé lui a envoyé des messages textes pour l’inviter chez lui pour avoir une relation sexuelle. Elle n’a pas consenti à ces demandes, car elle craignait de se retrouver seule avec lui dans un lieu privé. Elle a offert de le rencontrer dans des lieux publics, mais il a décliné ces offres.

[32]  Lorsque les messages textes sont devenus de plus en plus à caractère sexuel, Mme A a mentionné à quelques personnes que les messages la rendaient mal à l'aise. Elle a mentionné en avoir parlé avec une personne avec laquelle elle entretenait un lien d’amitié et avec laquelle elle travaillait.

[33]  Outre les messages textes, Mme A a envoyé trois photographies au membre visé, toutes à sa demande. Dans un cas, le membre visé s’était montré très persistant dans sa demande pour obtenir une photographie. Mme A a succombé à cette persistance et lui a envoyé une photo de ses seins avec un soutien-gorge. Le membre visé a répondu en disant que si elle ne lui envoyait pas une photo de ses seins sans soutien-gorge, il montrerait la première photo au gendarme des cellules qui faisait partie de l’équipe de veille. Elle l’a cru, car, « [le membre visé] fait habituellement se qu’il dit ». Elle ne voulait pas que quelqu’un voie les photos, alors elle s’est pliée à sa demande et a envoyé une photographie de ses seins sans soutien-gorge. Après avoir envoyé les photos, elle a supplié le membre visé de les supprimer de son téléphone cellulaire.

[34]  La troisième photographie a été envoyée à une autre occasion. Elle était au travail et a reçu un message texte du membre visé lui demandant quel soutien-gorge elle portait. Lorsqu’elle a répondu qu’elle portait un soutien-gorge de fantaisie, il lui a demandé de le prouver. Elle s’est conformée en se rendant aux toilettes pour prendre une photographie de son soutien-gorge et la lui a envoyée.

[35]  À la fin de juillet ou au début d’août 2014, elle a confronté le membre visé à propos de sa petite amie. Par la suite, les messages textes provenant de lui ont considérablement diminué et se limitaient à des messages strictement liés au travail.

[36]  Lors du contre-interrogatoire, Mme A a affirmé ne plus avoir les messages textes.

[37]  Mme A a reconnu avoir envoyé des messages textes explicites au membre visé, mais simplement en réponse à ce que le membre visé lui demandait.

[38]  Elle a indiqué qu’elle a envoyé les photographies au membre visé, car elle se sentait obligée de le faire. Il les a demandées « à maintes reprises », « sans cesse » et « avec force ». Elle s’est sentie contrainte et elle a par conséquent « cédé » et l’a fait. Lorsqu’elle s’est fait questionner sur les commentaires qu’elle a formulés dans l’une de ses déclarations selon lesquelles les photographies ne l’inquiétaient pas, car on ne voyait pas son visage dans la photo, elle a reconnu avoir fait cette affirmation, mais a insisté sur le fait que les photographies étaient « un élément important ». Elle a souligné que si les photographies n’étaient pas importantes, elle n’aurait pas autant insisté auprès du membre visé pour qu’il les supprime de son téléphone cellulaire. Elle a reconnu que si le membre visé avait montré les photographies à d’autres personnes, elle n’aurait pas pu faire grand-chose.

Preuve du membre visé

[39]  Le membre visé a témoigné pour son propre compte dans la phase de l’audience portant sur les allégations. Son témoignage est relativement simple. Il ne connaissait pas très bien Mme A pendant qu’elle était en formation et n’a pas vraiment été en contact avec elle avant son arrivée au sein de l’équipe de veille C à temps plein. Lorsqu’elle s’est jointe à l’équipe de veille, ils ont eu l’occasion de parler durant des quarts de travail. Lors de ces discussions, ils ont notamment abordé leur vie personnelle. Lors d’une conversation qui a eu lieu au début de leur relation, Mme A se dénigrait, affirmant qu’elle avait de l’embonpoint. Le membre visé a affirmé avoir réagi en lui disant de ne pas parler comme cela d’elle.

[40]  Le membre visé n’a pas décrit la progression de la relation de la même façon que Mme A. Il a plutôt décrit la relation en termes d’échanges de messages textes et d’actes de nature sexuelle.

Messages textes

[41]  Les messages textes entre le membre visé et Mme A ont débuté au milieu de juin 2014. Le membre visé s’en souvient, car il venait d’avoir un nouveau iPhone. Les messages textes ont été échangés avec ce téléphone cellulaire et non avec son ancien, un vieux BlackBerry. Le dernier échange de messages texte entre eu a eu lieu le 3 octobre 2014.

[42]  Le membre visé a témoigné que Mme A a été l’instigatrice des messages textes entre eux. Un jour, alors qu’il était en congé, il a reçu un message texte non sollicité et imprévu de sa part sur son « téléphone de travail ». Il a décrit le message comme étant « osé ». Il savait qu’il ne devrait pas avoir ce type de message sur son téléphone cellulaire du travail.

[43]  Quelques jours plus tard, possiblement le lendemain, Mme A est venue le voir à son bureau au travail et lui a donné son adresse électronique et son numéro de téléphone personnels. En retour, il lui a donné le numéro de son téléphone cellulaire personnel.

[44]  Le premier message texte a été suivi d’un autre message anodin, également durant un jour de congé. Par la suite, les messages textes ont progressé pour devenir des messages à connotation sexuelle. Après le transfert de Mme A à un quart de travail différent, certains des messages textes étaient liés au travail. Dans un cas en particulier, Mme A voulait l’avertir de faire attention, cas une personne au travail médisait de lui.

[45]  Le membre visé a admis d’emblée avoir échangé des messages textes à connotation sexuelle avec Mme A.

[46]  Des messages textes auraient également été échangés alors qu’ils étaient au travail. Mme Alui aurait envoyé des messages textes alors qu’il se trouvait dans son bureau et elle était seulement 30 pieds plus loin.

[47]  Le membre visé a reconnu avoir demandé à Mme A de lui envoyer une photo à une occasion. En réponse, il a reçu une photographie de la poitrine nue de Mme A. Il a reçu une deuxième photographie à une date ultérieure, mais il ne se souvient pas de ce qu’elle contenait. Il n’a pas conservé les photographies. Même s’il avait supprimé les photographies, Mme A lui a demandé à maintes reprises de s’assurer qu’il l’avait fait.

Témoignage – Relation sexuelle entre le membre visé et Mme A

Allégation 2 – Comportement inapproprié entre novembre 2013 et octobre 2014

Preuve de Mme A

[48]  Dans son témoignage, Mme A a décrit la progression des événements de la relation entre le membre visé et elle. La partie de leur relation non liée au travail a commencé par des messages textes, lesquels ont évolué en messages à connotation sexuelle, du « sextage », et ont abouti à l’envoi de photographies explicites par ce que le membre visé insistait. De même, l’aspect physique de la relation a suivi une progression. La relation sexuelle a commencé par des baisers, elle a ensuite touché le pénis du membre visé d’abord par-dessus ses vêtements, puis fréquemment sorti de ses vêtements. Par la suite, elle lui a fait une fellation au membre visé à cinq occasions.

[49]  L’aspect sexuel de la relation entre le membre visé et Mme A, qui est à la base de la nature inappropriée de la relation, a débuté en juin 2014. Mme A a insisté sur le fait qu’elle n’a jamais été l’instigatrice d’un contact sexuel avec le membre visé et qu’elle ne lui faisait pas des avances. Tous les incidents se sont produits à l’intérieur ou à proximité de l’aire du bloc cellulaire du détachement de B. Dans tous les cas, le membre visé portait son uniforme. Tous les contacts sexuels ont eu lieu au petit matin lors d'un quart de nuit qui était calme.

[50]  Toutes les relations sexuelles orales ont été rapides et sporadiques, durant 30 secondes ou moins. Elles se sont toutes déroulées de la même façon. Elles commençaient par un baiser, puis passaient rapidement au toucher du pénis par-dessus les vêtements et se terminaient par une fellation. Pendant tout ce temps, le membre visé implorait Mme A de « le faire ». Immédiatement après chaque incident, ils retournaient simplement au travail et reprenaient leurs fonctions.

[51]  Le premier incident de nature sexuelle s’est produit alors que Mme A marchait dans le corridor entre les vestiaires et le comptoir. Alors qu’elle passait devant l’entrée de la cuisine, le membre visé l’a agrippée par le bras, l’a tiré dans la cuisine et l’a embrassé. Elle lui a dit qu’il ne pouvait pas faire cela au travail. Un peu plus tard, un incident semblable au premier s’est produit, sauf que, cette fois-là, le membre visé a arraché un bouton de sa chemise d’uniforme. Elle a affirmé que cela l’a plutôt contrariée, alors que le membre visé a trouvé la perte du bouton « hilarante ».

[52]  Deux incidents au cours desquels Mme A a fait une fellation au membre visé se sont produits dans le coin cuisine du bloc cellulaire. Ces incidents ont eu lieu à la fin de juin ou en juillet 2014, alors que Mme A faisait toujours partie de l’équipe de veille C. À ces occasions, le membre visé lui a poussé la tête en disant : « Fais-le vite, dépêche-toi. Tu sais que tu veux le faire. »

[53]  Lorsque le membre visé a embrassé Mme A, les baisers n’étaient pas doux. Elle a décrit le membre visé comme étant très agressif, imposant, colérique et intense. Lorsqu’elle se pliait à ses exigences, son quart de travail semblait se dérouler plus facilement, car il ne la taquinait et ne la dénigrait pas autant.

[54]  Mme A a décrit la situation, lorsqu’elle faisait partie de l’équipe de veille C, comme devenant intolérable. Elle a affirmé que le membre visé sortait toujours son pénis dans la salle la manger et voulait qu’elle « fasse quelque chose ». Elle n’a réalisé à quel point la situation avait dégénéré que lorsqu’elle a été transférée à une autre veille en juillet 2014. Dans la nouvelle équipe de veille, elle ne ressentait aucune pression. Elle ne craignait pas de se rendre à la cuisine ou de voir le membre visé s’approcher.

[55]  Deux autres incidents se sont produits après le transfert de Mme A dans une autre veille en juillet 2014. Le membre visé faisait à l’occasion des heures supplémentaires la nuit durant sa veille. Le troisième incident s’est produit lors d’un quart de travail en heures supplémentaires.

[56]  Ce troisième incident a débuté sensiblement comme les deux incidents précédents, le membre visé et Mme A se trouvant seuls dans la cuisine. Ils ont commencé à s’embrasser, mais, cette fois-là, le membre visé a poussé Mme A dans la réserve se trouvant au bout de la cuisine. Il a fermé la porte. Les lumières étaient éteintes. Elle a fait une fellation au membre visé. Selon Mme A, en cinq incidents, c’est la seule fois que le membre visé a éjaculé. Lorsqu’ils ont « fini », le membre visé a allumé les lumières et ouvert la porte. Il s’est assis sur un gros rouleau de pellicule rétractable. Mme A a informé le membre visé qu’ils ne pouvaient pas « continuer à faire ça ». Elle fréquentait quelqu’un qui souhaitait une relation sérieuse et le membre visé avait une petite amie. Mme A a eu l’impression que le membre visé avait compris. Après cette discussion, ils ont parlé des candidats potentiels pour le poste de sergent pour la veille de Mme A.

[57]  Le quatrième incident s’est produit à la fin du quart de travail de Mme A. L’équipe de veille du membre visé remplaçait la sienne. Un problème est survenu durant son quart de travail en ce qui concerne le paiement d’un cautionnement pour un prisonnier. Le juge de paix traitant la libération d’un prisonnier avait demandé le reçu du paiement du cautionnement. Cependant, le paiement du cautionnement et le reçu avaient été scellés dans le sac du prisonnier avec le reste de ses effets personnels. Mme A a demandé l’aide du membre visé pour rectifier la situation, ce qu’il a accepté de faire. Elle quittait le travail à la fin de son quart. Le membre visé se rendait au bureau de liaison avec la cour, à l’étage au-dessus du bloc cellulaire. Mme A et le membre visé montaient l’escalier. Le membre visé la devançait de quelques marches lorsqu’il s’est retourné. Son pénis sorti de son pantalon, essentiellement à la hauteur du visage de Mme A, et s’attendait à ce que Mme A lui fasse une fellation. Elle s’est pliée à sa demande.

[58]  Le cinquième incident est l’objet de la première allégation et sera abordé davantage en lien avec cette allégation.

[59]  Mme A a affirmé qu’elle n’arrivait pas à convaincre le membre visé qu’il ne pouvait pas continuer à faire cela. En d’autres termes, il n’écoutait pas. Par conséquent, elle devait trouver une façon d’éviter les situations dans lesquelles les incidents se produisaient.

[60]  Lors du contre-interrogatoire, Mme A a insisté sur le fait qu’elle ne faisait pas des avances au membre visé, mais a reconnu qu’elle « jouait le jeu ». Elle a également concédé que les taquineries entre elle et le membre visé pouvaient avoir été interprétées comme du flirt. Elle était flattée de l’attention que le membre visé lui accordait, affirmant que les taquineries étaient mieux que de n’avoir aucune attention. Elle s’est pliée aux demandes du membre visé.

[61]  Mme A s’est fait questionner sur un cadeau qu’elle a donné à la fille du membre visé. Elle a dit qu’elle savait que sa fille était excitée à l’idée de partir en vacances, car le membre visé en avait parlé au travail. Elle a acheté le cadeau avant ces vacances. Elle avait rencontré la fille du membre visé à une occasion auparavant, lors d’une fête de Noël du détachement.

[62]  Mme A a appelé le membre visé une fois après son transfert à la veille D. Elle avait de la difficulté, car le sergent de la veille était faible. Elle était engagée dans une lutte de pouvoir avec les autres gardiens, en partie parce qu’elle était perçue comme ayant pris le poste de quelqu’un d’autre à titre de chef d’équipe. Elle lui a demandé des conseils. Il lui a conseillé de « choisir ses batailles » et « les obstacles qu’elle voulait surmonter ». Elle ne se plaisait pas au sein de sa nouvelle veille, mais ne voulait pas retourner à la veille C.

[63]  Mme A a admis qu’elle n’avait pas vu de problème avec quelques baisers. Cependant, quand c’est devenu plus agressif et que le membre visé est devenu plus exigeant, elle a commencé à se sentir mal à l’aise avec ce qui se passait. À son avis, ça commençait à devenir trop agressif et hors de contrôle. À ce point, elle a participé, mais pas de plein gré. Elle craignait de rencontrer le membre visé et de se trouver en sa présence. Elle ne voulait plus se retrouver seule avec lui.

[64]  Elle a affirmé que le deuxième incident ne s’est pas produit de la façon dont le membre visé l’a décrit, ajoutant que si ça s’était produit de cette façon et à l’endroit où il a dit, elle aurait été sur la surveillance, ce qui signifie qu’elle aurait eu les yeux rivés sur les moniteurs des prisonniers et n’aurait pas engagé une conversation avec le membre visé.

[65]  Lorsqu’elle a touché à l’entrejambe, c’était à sa demande. Elle n’a jamais été l’instigatrice les rencontres qui étaient de nature sexuelle. Elle a reconnu que, lorsqu’elle le faisait, elle lui a peut-être demandé si c’était bien. Lorsqu’elle a commencé à toucher son pénis par-dessus son pantalon d’uniforme, il était déjà en érection. Elle ne se rappelle pas avoir envoyé un message texte au membre visé pour lui dire qu’elle serait dans la salle à manger.

[66]  En ce qui concerne le quatrième incident, celui dans l’escalier, le membre visé était fâché, car il devait réparer son erreur.

[67]  Elle n’a pas mis un terme à la portion de nature sexuelle de relation après le premier incident, car elle avait l’impression qu’il était plus gentil avec elle durant le quart de travail une fois qu’elle s’est pliée à sa demande à l’arrière. Il ne la dénigrait pas autant. À ses yeux, c’était une question d’autopréservation, alors elle l’a simplement supporté.

[68]  Elle ne voulait pas se faire prendre, car elle ne voulait pas avoir de trouble. Elle pensait que personne ne croirait que le membre visé la forçait à faire cela. Lorsqu’elle a fourni sa déclaration, elle ressentait toujours une certaine loyauté envers le membre visé en tant que sont sergent.

[69]  Mme A a affirmé qu’elle a l’impression d’avoir permis que ça se passe. Elle avait l’impression de ne pas avoir fait assez d’efforts pour mettre un terme à ce qui se passait. Elle a souligné qu’elle a eu besoin de services de counseling pour réaliser que ce n’était pas sa faute.

[70]  Mme A ne se souvenait pas de message texte dans lequel elle aurait avisé le membre visé qu’elle l’avait défendu au travail.

[71]  Elle avait peur de se faire prendre, car elle savait que ce serait sa parole contre la sienne.

[72]  Elle a reconnu que la portion physique de la relation était agréable au début. Les baisers dans une pièce à l’arrière étaient bien, mais lorsque le comportement du membre visé est devenu « bestial », « agressif » et « intense », ce n’était plus agréable. Elle a ajouté que dès que c’est devenu « à propos de son pénis », ce n’était plus amusant. Même si elle n’a pas utilisé exactement les mêmes mots, elle lui a dit à plusieurs reprises qu’elle ne voulait plus avoir de contacts physiques avec lui. Elle s’est sentie très mal lorsque le membre visé a été arrêté.

[73]  En ce qui concerne le membre visé, elle avait l’impression qu’ils les appuyaient. Elle se sentait en protéger face aux prisonniers. Elle a affirmé qu’il prenait toujours soin du bloc cellulaire. Le fait de travailler dans les cellules n’avait rien à voir avec elle, mais était plutôt lié au travail en équipe. Il était la personne à consulter, car il avait toujours la réponse. Elle a affirmé que lorsque le membre visé a agi de la façon qu’il l’a fait dans la cuisine, il n’a pas agi à titre de sergent.

[74]  En réinterrogatoire, Mme A a nié avoir donné son numéro de téléphone cellulaire personnel au membre visé.

[75]  Elle a également nié avoir excité sexuellement le membre visé dans l’aire principale du bloc cellulaire.

[76]  En ce qui concerne le quatrième incident dans l’escalier, elle a précisé qu’elle croyait que le membre visé se rendait au bureau de liaison avec la cour afin d’obtenir une clé pour ouvrir le coffret de sûreté du prisonnier, qui contenait le sac et les effets personnels du prisonnier, y compris l’argent pour le cautionnement et le reçu.

[77]  Également en réinterrogatoire, Mme A a confirmé son témoignage original selon lequel elle a joué le jeu au début, mais le membre visé est devenu agressif. Elle a affirmé que tout est devenu « à propos de son pénis ». Il voulait toujours qu’elle le touche, l’embrasse ou le suce. La relation ne se limitait plus à des baisers, elle était beaucoup plus physique et agressive.

Preuve du membre visé

[78]  Le membre visé a affirmé qu’il y a eu, en tout, six incidents de nature sexuelle. Lors d’un incident, Mme A a simplement frotté son entrejambe alors qu’il se trouvait au terminal du Système de relavé automatisé des arrestations. Dans deux des cinq autres incidents, Mme A a également frotté son entrejambe, mais ces cinq incidents ont abouti à une fellation par Mme A. Chacun des cinq incidents se sont terminés par une éjaculation. Trois des incidents se sont produits dans la cuisine de l’aire du bloc cellulaire, et les deux autres ont eu lieu dans une cage d’escalier à proximité de l’aire du bloc cellulaire.

[79]  Le membre visé a décrit le premier incident comme étant un hasard. Selon lui, Mme et ils se sont retrouvés dans la cuisine au même moment pour des raisons différentes. Ils se sont rapprochés l’un de l’autre pendant qu’ils parlaient et ont commencé à s’embrasser. Mme A a commencé à frotter son entrejambe, puis s’est agenouillée pour lui faire une fellation. Ces actes étaient spontanés.

[80]  Le deuxième incident a débuté dans la salle des gardiens. Le membre visé était debout et lisait quelque chose sur le babillard. Mme A était assise à côté du babillard. Elle a retenu son attention. Il s’est tourné pour lui parler. Elle a étendu la main et a commencé à frotter son entrejambe. Il s’est éloigné et s’est rendu dans le bureau du sergent du bloc cellulaire. Un peu plus tard, ils se sont retrouvés dans la cuisine au même moment. Une fois dans la cuisine, les événements se sont déroulés comme dans le cas du premier incident; mais ils ont convenu d’aller dans la réserve. La lumière était allumée et la porte était entrouverte. Mme A lui a fait une fellation. Ils sont ensuite retournés dans la cuisine. Ils ont parlé de sujets liés au travail pendant un moment et sont retournés travailler.

[81]  L’incident suivant a commencé dans le bureau du sergent du bloc cellulaire. Mme A est venue chercher des registres de prisonnier (formulaire C-13) signés. Elle a commencé à frotter son entrejambe. Il est devenu paralysé et excité sexuellement. Mme A a quitté le bureau, mais il a reçu un message texte de sa part 15 minutes plus tard lui disant qu’elle se rendait à la cuisine. Il s’est rendu à la cuisine et ils ont commencé à s’embrasser de la même façon que lors des deux incidents précédents. Il n’a pas eu recours à la force contre elle. Il ne lui a pas dit quoi faire. Ils n’ont eu aucune conversation à la suite de cette rencontre et sont simplement retournés travailler.

[82]  Le quatrième incident s’est produit au début de son quart de nuit. Mme A faisait partie de la veille dont il prenait la relève. Elle terminait son quart de travail et avait déjà enlevé son uniforme. Il revenait de vacances. Il était sorti du bloc cellulaire et marchait dans le corridor lorsqu’il a rencontré Mme A. Elle a dit qu’il voulait le « laisser sur une bonne note ». Ils ont commencé à s’embrasser et elle a frotté son entrejambe. L’incident s’est déroulé sensiblement comme les autres précédents. Une fois qu’ils ont « terminé », elle est partie.

[83]  Le premier incident impliquant une fellation était un incident aléatoire et spontané. Mme A a été l’instigatrice de tous les autres incidents de nature sexuelle.

[84]  Le membre visé a tout simplement nié que l’incident auquel Mme A a fait référence durant lequel elle a perdu un bouton de son uniforme s’était produit. Il a également nié catégoriquement l’incident précédent durant lequel Mme A a allégué qu’il l’avait tirée dans la cuisine et l’avait embrassée.

[85]  Le membre visé a témoigné qu’il a tiré la queue de cheval de Mme A à une occasion. Alors qu’ils se trouvaient en groupe, Mme A s’est offusquée du fait qu’il avait ri de quelque chose. Elle a agrippé sa jambe et l’a serré fort, ce qui lui a fait mal. Il a réagi en tirant sa queue de cheval afin qu’elle le lâche. Il a nié avoir tiré la queue de cheval de Mme A pour la taquiner.

[86]  Il a insisté sur le fait que Mme A participait volontairement à la relation sexuelle et a affirmé que cette relation était mutuelle et consensuelle.

[87]  Lors du contre-interrogatoire, le membre visé a admis volontiers que la relation avec Mme A, qui a duré plusieurs mois, était inappropriée. Il a indiqué que la partie inappropriée de la relation avec Mme A a débuté en juin 2014 et s’est poursuivi jusqu’en septembre 2014.

[88]  Il a maintenu que Mme A était l’instigatrice des rencontres sexuelles, ajoutant qu’il s’est senti « invité » lorsqu’elle frottait son entrejambe dans l’aire du bloc cellulaire, ce qui, à une occasion, a été suivi d’un message texte.

[89]  En ce qui concerne l’incident au terminal du Système de relevé automatisé des arrestations, ce qui n’avait pas été abordé dans sa lettre à l’attention de l’officier responsable du détachement de B, en date du 10 décembre 2014, le membre visé a affirmé que la rencontre aurait été enregistrée sur caméra vidéo, car il y a des douzaines de caméras dans l’aire du bloc cellulaire, y compris tous les terminaux du Système de relevé automatisé des arrestations et l’ensemble du bureau de mise en détention.

[90]  Il a également indiqué que l’incident au terminal du Système de relevé automatisé des arrestations était inclus dans son témoignage et non dans la lettre à l’attention de l’officier responsable du détachement de B, car ses souvenirs étaient plus clairs à la date du témoignage qu’au moment de rédiger la lettre de l’officier responsable du détachement B. Il a affirmé que c’est parce qu’il tentait de formuler la déclaration et de la soumettre le plus rapidement possible pour expliquer ses actes et en assumer la responsabilité.

Allégation 1 – la relation sexuelle du 10 octobre 2014

Preuve de Mme A

[91]  Le 10 octobre 2014, Mme A devait faire un quart de travail de jour à compter de 6 h. Lorsqu’elle travaillait durant ce quart de travail, elle aimait descendre l’escalier pour se rendre au bloc cellulaire à 5 h 45 pour procéder au transfert et prendre la relève du chef d’équipe de la veille en cours afin que les membres de l'équipe puissent rentrer à la maison. Ce jour-là, Mme A se dépêchait, car elle était en retard de quelques minutes. Elle avait en sa possession un sac à bandoulière, une tasse à café de style thermos et sa carte d’accès au bâtiment.

[92]  Au bas de l’escalier, les mains courantes étaient placées de sorte qu’elle devait les contourner pour se placer à la gauche de la porte de sortie pour en permettre l’ouverture. La porte donne accès au corridor qui mène à l’aire du bloc cellulaire. Alors qu’elle tirait la porte pour l’ouvrir, le membre visé est arrivé dans la porte depuis l’autre côté. Elle a été surprise de le voir, car elle ne s’attendait pas à ce que quelqu’un passe par la porte en même temps qu’elle.

[93]  Le membre visé venait de terminer son quart de travail. Il portait toujours son uniforme. Il se dirigeait en haut pour se changer avant de quitter le bâtiment. Il avait également des sacs en sa possession.

[94]  Lorsque le membre visé est arrivé dans la porte, il souriait et a appelé Mme A par le sobriquet qu’il lui avait donné. Il l’a poussé avec son corps. Elle était prise au dépourvu et a reculé un peu, déséquilibrée. Le membre visé l’a simplement suivie dans le coin. Il a dit qu’elle lui manquait et voulait qu’elle lui dise qu’il lui manquait.

[95]  Elle avait les mains pleines. Il a tenté de prendre son café. Elle a résisté et a tenu son café entre eux. Ils ont échangé quelques plaisanteries. Elle lui a dit qu’elle devait s’en aller, car elle était en retard au travail.

[96]  Il avait alors déposé ses sacs et il a placé les mains sur sa tête pour la pousser vers le bas. Lorsqu’il l’a poussé vers le bas, elle a tenté désespérément de ne pas tomber. Elle s’est retrouvée les genoux au sol, tout comme la main avec laquelle elle tenait son café. Elle ne sait pas trop comment c’est arrivé, mais son pénis était déjà sorti de son pantalon. Il voulait qu’elle lui fasse une fellation.

[97]  Il a dit quelque chose comme « tu le veux », « fais-le vite » et « dépêche-toi ». Elle a résisté verbalement. Elle lui a demandé de la laisser partir. Finalement, elle lui a demandé s’il la laisserait aller si elle se pliait à sa demande. Elle croit avoir peut-être embrassé son pénis avant de pouvoir le repousser. Il a reculé, a remonté sa fermeture éclair, a ramassé ses sacs et a monté l’escalier. La dernière chose qu’il lui a dite était « Dis-moi que je te manque ».

[98]  Elle a passé la porte et a marché dans le corridor. Elle a remarqué qu’elle était dans un piètre état. Elle a épousseté ses genoux, car ils étaient sales. Elle ne se rappelle pas si elle a procédé au transfert avant ou après s’être changée pour mettre son uniforme. Elle a également dû se recoiffer.

[99]  Quand les choses se sont calmées dans le bloc cellulaire, elle s’est rendue au bureau de la sergente du bloc cellulaire pour lui parler. Il était alors environ 8 h. Au lieu de déclarer l’incident, elle a demandé à la sergente A de lui envoyer un message texte à l’avenir pour l’aviser lorsque le membre visé quittait l’aire du bloc cellulaire. Elle espérait que cela lui permettrait d’éviter toute autre rencontre avec le membre visé. Elle a dit à la sergente A que le membre visé était « un peu hors de contrôle », mais n’a pas fourni d’autres détails. Elle a décliné l’offre de la sergente A, qui proposait de parler au membre visé. Elle pensait que les choses en resteraient là pour la journée.

[100]  La discussion avec Mme A a suscité les doutes de la sergente A. Elle a fait part de ses doutes à la direction. Mme A a été convoquée à une réunion quelques heures plus tard. Elle a dit que cela l’a prise au dépourvu. Elle ne voulait pas signaler l’incident. Elle était humiliée par ce qui se passait et voulait simplement que ça cesse. Elle ne voulait pas que le membre visé soit fâché contre elle ou que le rapport « ruine les choses dans les cellules » pour elle.

[101]  Lors du contre-interrogatoire, Mme A a affirmé qu’elle n’a parlé à la sergente A qu’à 8 h, car elle et la sergente du bloc cellulaire sont habituellement occupées au début du quart de travail. Elle ne voulait pas interrompre les tâches de la sergente.

[102]  Une fois que la situation a été signalée, elle a tenté de tout interrompre, mais elle s’est sentie prise au piège et a réalisé qu’elle devait aller jusqu’au bout.

[103]  Elle n’a pas crié ou demandé d’aide de toute autre façon lors de l’incident dans l’escalier, car le membre visé était un sergent et elle, une gardienne. Même si la rencontre avec le membre visé n’était pas agréable, elle n’a pas déclaré l’incident, car elle croyait que ça serait sa parole contre la sienne.

[104]  Beaucoup d’importance a été accordée à la question à savoir si Mme A avait son téléphone cellulaire en main lorsqu’elle est sortie de la cage d’escalier où l’incident s’est produit. Elle a affirmé ne pas se souvenir avoir son téléphone cellulaire en main ou comprendre comment elle aurait pu le prendre. Elle a seulement dit qu’elle l’avait en main parce que les enquêteurs lui ont dit qu’elle l’avait. Elle a affirmé que si elle avait son téléphone cellulaire en main, ce devait être pour vérifier l’heure, car elle était en retard, ou pour voir si elle avait des courriels. Elle n’a appelé personne, car personne de son entourage n’est debout à cette heure matinale.

Preuve du membre visé

[105]  Le membre visé a présenté une version des faits assez semblable à celle de Mme A en lien avec cette allégation. Cependant, les différences dans son témoignage portaient sur des aspects importants de l’allégation.

[106]  Le membre visé a affirmé que son quart de travail était terminé. Il était en voie de quitter le bâtiment. Il a ouvert la porte de la cage d’escalier. Mme A allait passer la porte au même moment. Ils ont tous deux été surpris. Ils se sont retrouvés très près l’un de l’autre et ont eu une brève conversation. Ils ont tous deux déposé les articles qu'ils avaient en main avant de commencer à s’embrasser. Mme A a commencé à frotter son entrejambe avant de s’agenouiller devant lui. Ils ont tous deux descendu la fermeture éclair de son pantalon. Elle a sorti son pénis et a commencé à lui faire une fellation. À ce moment, il s’est rendu compte qu’ils ne devraient pas faire cela. Il a donc décidé d’y mettre un terme en s’éloignant de Mme A. Elle l’a regardé d’un air interrogateur. Il n’a rien dit. Il a remonté sa fermeture éclair. Elle s’est relevée. Ils ont ramassé leurs choses et se sont dit au revoir. Il a monté l’escalier et elle a franchi la porte. Il a rencontré un autre membre au haut de l’escalier. Ils ont eu une brève conversation. Il s’est rendu au vestiaire et a enlevé son uniforme.

[107]  Lors du contre-interrogatoire, le membre visé a présenté une version des faits similaire à celle fournie lors de l’interrogatoire, mais il a concédé que le fait qu’il avait eu une conversation avec Mme A avant la relation sexuelle, conformément à son témoignage, n’a pas été mentionné dans sa lettre à l’attention de l’officier responsable du détachement de Surrey.

Autres éléments de preuve de la nature de la relation entre le membre visé et Mme A

[108]  En plus du témoignage du membre visé et de Mme A, d’autres éléments de preuve au dossier en disent long sur la nature de la relation entre eux. En tout, 14 déclarations de témoins, outre les déclarations de Mme A, ont été remises au Comité de déontologie. Sept de ces 14 déclarations contenaient de l’information qui me semble pertinente aux fins de la présente audience. Les déclarations de ces témoins n’ont pas été contestées par le membre visé. Leur témoignage lors de l’audience n’était donc pas nécessaire ou important pour résoudre un conflit important ou grave au sujet de la preuve. Cependant, je pouvais toujours prendre ces déclarations en considération.

Déclaration de la chef d’équipe

[109]  La chef d’équipe est devenue chef d’équipe de la veille C en 2011. Elle a occupé ce poste pendant la majorité de la période pertinente. Même si elle était toujours chef d’équipe, elle ne faisait pas partie de l’équipe de veille à partir du début de septembre 2014. Sa déclaration comportait les points suivants :

  • Sa responsabilité à titre de chef d’équipe consistait à superviser deux ou trois gardiens de cellules et à assurer la liaison avec le sergent du bloc cellulaire, d’autres membres et d’autres employés municipaux. Son principal objectif consistait à assurer le bien-être des prisonniers.

  • Ils entretenaient tous des liens étroits au sein de l’équipe de veille.

  • Elle avait une bonne relation de travail avec Mme A.

  • Elle et Mme A étaient proches. Lors de leurs conversations au travail, elles ont parlé de leurs familles, de leur vie sociale et de leur vie personnelle. Mme A n’a jamais exprimé le moindre intérêt envers le membre visé. Elle aimait simplement travailler avec lui.

  • Quelques mois après s’être jointe à l’équipe de veille, elle a mentionné que le membre visé la taquinait. Elle n’était pas certaine de la date de cette conversation, mais elle est convaincue que ça s’est produit au cours des six mois suivant l’arrivée de Mme A au sein de l’équipe de veille.

  • Mme A lui a dit qu’elle avait l’impression que le membre visé exagérait un peu. Elle a offert de parler au membre visé au nom de Mme A.

  • Mme A a également mentionné que le membre visé lui avait envoyé des messages textes à divers moments la nuit et durant leurs journées de congé. Les messages textes étaient sur son téléphone cellulaire personnel. Il lui avait demandé de le rencontrer. Mme A n’est pas allée le rencontrer. La chef d’équipe ne pensait pas que c’était approprié, mais c’était durant une journée de congé.

  • À une autre occasion avant que Mme A joigne l’équipe de veille D, Mme A lui a dit qu’elle s’était trouvée une fois dans la cuisine, lorsque le membre visé est entré. Elle croit que Mme A a dit que le membre visé avait tenté de l’embrasser. Il faisait également des commentaires qui la mettaient mal à l’aise. Il lui a demandé d’aller dans la réserve pour « sucer sa queue ». Selon Mme A, le membre visé pensait que c’était ce qu’elle voulait en raison de leurs interactions.

  • Mme A avait maintenu catégoriquement qu’elle (la chef d’équipe) ne devait rien dire. Elle ne voulait pas causer de trouble à qui que ce soit.

  • Elle a eu l’impression qu'elle lui a parlé en tant qu’amie et non en tant que superviseure. • Elle n’a pas parlé de ce que Mme A lui avait dit, car Mme A avait insisté sur le fait qu’elle ne voulait rien faire. Ces révélations plaçaient la chef d’équipe dans une position délicate en tant que superviseure. Elle a trouvé la situation difficile. Elle ne voulait pas perdre la confiance qu’elles avaient établie.

  • Elle a vu le membre visé tirer la queue de cheval de Mme A pour plaisanter.

  • Elle n’a jamais eu l’impression que le membre visé ou Mme A avaient « dépassé les bornes ».

  • Elle n’a jamais vu Mme A faire « des avances » ou quoi que ce soit qui lui aurait donné l’impression qu’elle voulait une relation avec le membre visé ou que ce dernier l’intéressait. Toutes leurs interactions étaient des « échanges amicaux ». Elle savait que Mme A voyait à l’occasion d’autres hommes en dehors du travail.

  • Elle a été stupéfaite d’apprendre que le membre visé ait pu dire ce que Mme A affirmait qu’il avait dit, mais Mme A n’avait aucune raison de mentir. Elle n’avait jamais vu Mme A inventer des histoires.

  • Le membre visé était un collègue de travail fantastique. Il se préoccupait toujours de la sécurité de tout le monde. C’est pourquoi elle était stupéfaite d’apprendre ce qui s’était passé.

  • Le membre visé agaçait Mme A. En réponse, elle lui tapait la jambe ou lui donnait un léger coup de poing à l’épaule. Elle n’y a rien vu d’inapproprié. C’était davantage pour jouer et dans un bon esprit d’équipe. Elle a observé le membre visé s’approcher de Mme A par l’arrière et lui tirer les cheveux ou s’approcher très près par-dessus l’épaule. Elle sursautait. Mme A était très nerveuse. D’autres gardiens en faisaient tout autant. Certaines des réactions de Mme A incitaient les autres membres de l’équipe.

  • La chef d’équipe a décrit l’incident du téléphone cellulaire sensiblement de la même façon que les autres. Le membre visé s’est fâché. Elle pensait qu’il aurait pu gérer la situation différemment. Il a envoyé un message texte pour s’excuser de la façon dont il avait agi. Elle a pensé que c’était gentil de sa part. Elle ne se souvient pas si elle a donné le numéro de téléphone cellulaire personnel de Mme A au membre visé ou s’il l’a simplement obtenu à partir de la liste téléphonique du bureau. Si elle lui a donné le numéro, cela aurait été pour lui permettre de s’excuser.

  • Elle ne pense pas que quelque’un d’autre lui ait parlé qu’il se passait quelque chose d’inapproprié entre le membre visé et Mme A.

Déclaration d’un gardien de cellule faisant partie de l’équipe de veille C

[110]  Le gardien de cellule faisant partie de l’équipe de veille C a commencé à travailler au bloc cellulaire du détachement de B à temps partiel en octobre 2012. Il a obtenu un poste à temps plein de janvier 2014 jusqu’en septembre 2014. L’information pertinente de sa déclaration comprend les points suivants :

  • Le membre visé était toujours professionnel dans ses échanges avec lui.

  • Le membre visé et lui n’ont pas discuté de leur vie personnelle l’un avec l’autre.

  • Mme A lui a parlé d’un incident en particulier. Le membre visé n’était pas en service. Il envoyait des messages textes à Mme A. Elle a dit que ces messages la mettaient mal à l’aise.

  • Il ne se souvient pas à quel moment la conversation liée aux messages textes s’est produite. Il croit que la conversation peut avoir eu lieu environ trois mois avant qu’il quitte la veille en septembre 2014.

  • Mme A ne lui a pas montré les messages textes, mais il pensait que le membre visé lui demandait de sortir avec lui. Elle a dit que cela la mettait mal à l’aise, car elle avait un petit-ami à ce moment-là et les messages ne lui plaisaient pas.

  • Il a été surpris lorsque Mme A lui a dit que les messages la mettaient mal à l’aise en raison des interactions qu’il avait observées entre eux. Ils se taquinaient, riaient et faisaient des plaisanteries. Il n’a pas remarqué de signes l’incitant à croire que quelque chose de négatif se déroulait entre eux. La relation entre les deux, y compris les taquineries, est restée la même durant toute la période que Mme A a passé au sein de l’équipe de veille.

  • Lors d’autres conversations, Mme A a commenté que le membre visé était « génial » pour le travail et qu’il connaissait tout. Elle a également parlé de son éthique de travail en termes élogieux.

  • Mme A ne semblait pas trop « stressée », mais elle n’était pas heureuse. Il avait l’impression qu’elle était sincère. Elle ne semblait pas très fâchée et ne pleurait pas lorsqu’elle lui a parlé. Elle semblait simplement exprimer sa frustration.

  • Mme A a affirmé qu’elle ne voulait pas signaler cette situation, car elle quittait la veille et ne verrait plus le membre visé.

  • Le membre visé taquinait d’autres membres de l’équipe de veille, y compris lui.

Déclaration d’une gardienne de cellule

[111]  La déclaration que la gardienne de cellule a fournie au Comité de déontologie aux fins de la phase de l’audience portant sur les allégations était lourdement caviardée. La gardienne de cellule n’a pas travaillé avec le membre visé et Mme A sur la veille C, mais elle avait néanmoins de l’information pertinente à ce stade de la procédure. L’information comprend ce qui suit :

  • Elle n’a vu le membre visé et Mme A que lors de changements de quart. L’interaction entre le membre visé et Mme A semblait agréable et amusante. Ils semblaient flirter. Mme A ne semblait pas offusquée. Elle semblait plutôt jouer le jeu. Le membre visé appelait souvent Mme A par le sobriquet qu’il lui avait donné. Elle avait parfois l’impression qu’il se passait quelque chose entre le membre visé et Mme A. Elle n’avait pas de preuve. Son opinion était fondée sur la façon dont ils se regardaient, le fait qu’ils semblaient tous deux aimer l’interaction qu’il y avait entre eux et l’impression qu’ils lui ont donnée.

  • Mme A ne lui a jamais rien dit qu’elle n’appréciait pas la façon dont le membre visé la traitait. Elle a remarqué que Mme A riait lorsque le membre visé était présent, mais affirmait qu’il était bizarre lorsqu’il n’était pas là.

  • Elle n’aimait pas particulièrement Mme A et la trouvait hypocrite. Elle a affirmé que Mme A ne lui a pas dit la vérité à certaines occasions pour de petites choses liées au travail (p. ex., avoir eu une entrevue pour un emploi). Puisqu’elle ne travaillait pas avec Mme A, elle n’a pas vraiment eu le temps ou l’occasion de s’asseoir et de parler avec Mme A. Malgré tout, elle savait que Mme A avait un petit ami. Elle savait également qu’elle était divorcée. Elle croyait que Mme A est une personne qui semble avoir besoin d’attention.

  • Elle a indiqué qu’il y a des caméras un peu partout dans le bloc cellulaire, mais qu’il y a certains endroits où il n’y a pas de caméra, notamment dans la salle à manger, la réserve, les vestiaires et les cages d’escalier. Elle a ajouté qu’il y a toujours du monde un peu partout durant la journée et qu’elle ne voit donc pas pourquoi quelqu’un tenterait de s’adonner aux activités faisant l’objet des allégations. Elle a cependant ajouté qu’elle savait qu’il serait plus facile de s’adonner à de telles activités à certains moments. Durant la journée, il y a toujours des gens qui entrent ou sortent, mais c’est plus tranquille la nuit et la fin de semaine, car il n’y a pas autant de prisonniers et il y a moins de monde. Les quarts de nuit seraient plus propices à des liaisons.

Déclaration de l’ancien gendarme de cellule 1

[112]  L’ancien gendarme de cellule 1 a fait partie de l’équipe de veille C pour une période de trois mois, soit de février à mai 2014. Il a fourni l’information suivante dans la déclaration présentée aux enquêteurs :

  • Le membre visé et le chef d’équipe étaient très bons. Ils étaient très stricts et se tenaient au courant de tout. Tout se déroulait donc bien et l’équipe était une machine bien huilée.

  • Le climat de la veille était agréable, sain et léger. Les membres de l’équipe faisaient beaucoup de plaisanteries et se jouaient des tours. L’une des blagues ou des plaisanteries courantes étaient que Mme A était en amour avec l’un des « réguliers » du bloc cellulaire. C’en est arrivé à un point où ces plaisanteries la contrariaient, mais elle avait toujours semblé être de la partie.

  • La relation entre le membre visé et Mme A était « en général normale » et amicale. Il se moquait d’elle et elle jouait le jeu.

  • Mme A se plaignait d’autres membres qui travaillaient temporairement dans le bloc cellulaire pour remplacer le membre visé lorsqu’il était en vacances.

  • Il a vu le membre visé tirer la queue de cheval de Mme A à cinq occasions au cours des trois mois qu’il a passés dans le bloc cellulaire. Il n’a observé aucun autre contact physique entre eux.

  • Il n’a jamais eu le moindre soupçon ou l’impression que l’un ou l’autre pourrait s’intéresser à l’autre. Il n’a jamais vu de comportement qu’il pourrait considérer comme un flirt.

  • Il savait qu’ils étaient tous deux célibataires. Il savait également que Mme A venait de se divorcer et qu’elle avait quelques petits amis.

  • Lorsqu’il a appris les allégations, il était très surpris. Il n’aurait jamais pensé que le membre visé aurait pu se mettre dans la position de faire face à une enquête relative au code de déontologie, encore moins une enquête en vertu du Code criminel, compte tenu de ses connaissances du Code criminel et de la politique de la GRC. Il n’aurait pas non plus pensé que Mme A serait impliquée dans « quelque chose comme ça ».

Déclaration de l’ancien gendarme de cellule 2

[113]  L’ancien gendarme de cellule 2 s’est joint à l’équipe de veille C en mai ou juin 2014. Il a remplacé l’ancien gendarme de cellule 1. Il a fait partie de l’équipe de veille pendant environ trois mois et demi. Il a fourni deux déclarations aux enquêteurs. La deuxième déclaration a été obtenue à la suite de préoccupations soulevées par les enquêteurs. Les enquêteurs avaient l’impression qu’il avait été honnête dans sa première déclaration, mais pas très qu’il loquace. L’information ci-dessous a été tirée de l’information fournie dans les deux déclarations :

  • Tout le monde au sein de l’équipe de veille était heureux. Il y avait beaucoup de comédie et de blagues entre les membres de l’équipe.

  • Le membre visé était une source considérable de connaissances. Il était le sergent du bloc cellulaire de B ayant le plus connaissances. L’équipe de gardiens de cellule de la veille C était considérée comme la meilleure.

  • Il n’a rien remarqué d’inhabituel à propos de la relation entre le membre visé et Mme A. Ils se parlaient et ils répliquaient. Ils s’échangeaient beaucoup de plaisanteries, mais le membre visé parlait plus que Mme A. Il n’a pas remarqué de flirt dans leurs échanges. Il a vu le membre visé tirer les cheveux de Mme A, mais ils se taquinaient tous les deux. Il n’a pas prêté beaucoup d’attention à ce qu’ils faisaient intentionnellement, car il ne voulait pas être impliqué dans ce qui lui semblait être un comportement enfantin.

  • Il a parlé à Mme A tous les jours lorsqu’il se trouvait dans le bloc cellulaire. Elle n’a parlé du membre visé qu’une seule fois lors de ces conversations. Elle lui a dit que le membre visé lui envoyait sans cesse des messages textes. Elle allait lui montrer les messages textes sur son téléphone, mais il l’en a empêché. Il lui a dit que si ce qui se passait la rendait mal à l’aise, elle devait en informer un superviseur. Selon lui, cette conversation se serait déroulée à la mi-septembre (2014).

  • Il a observé deux interactions dans la cuisine entre le membre visé et Mme A. Ils se trouvaient près du réfrigérateur à une certaine distance lorsqu’il est entré dans la pièce. À ce moment-là, il n’a pas trouvé cela suspect. Il lui semblait que ce n’était que deux personnes ayant un désaccord quelconque. À ce moment-là, ses clés se trouvaient dans sa poche arrière et il n’avait donc pas fait beaucoup de bruit en entrant dans la cuisine.

  • Il était conscient qu’il y avait des caméras vidéo un peu partout dans l’aire du bloc cellulaire.

Déclaration de l’ami de Mme A

[114]  L’ami de Mme A n’a pas témoigné lors de l’audience, mais il a fourni une déclaration aux enquêteurs. Étant donné qu’il ne travaillait pas dans le bloc cellulaire du détachement de B et qu’il n’avait aucun autre lien avec ce dernier, toute l’information qu’il possède provenait, à l’origine, de Mme A. Il a fourni ce qui suit :

  • Il était au courant qu’il y avait beaucoup de jeux de mots et d’insinuations à caractère sexuel entre le personnel de la veille. Il n’y avait rien qui ne se passait pas dans un milieu de travail général.

  • Le « sergent-chef » [4] agissait de façon inappropriée envers Mme A au point où la situation la rendait mal à l’aise.

  • Elle flirtait en retour lorsqu’il faisait un commentaire à connotation sexuelle, mais les commentaires empiraient et elle ne recevait aucun soutien de ses pairs.

  • Elle a reçu des messages textes du « sergent-chef ». Elle lui a dit d’arrêter, mais il ne prenait pas un « non » comme réponse. Tout allait bien avec Mme A jusqu’à ce qu’elle commence à recevoir des messages textes du membre visé. Il croit que cela a débuté en mai 2014.

  • Elle disait toujours à quel point le « sergent-chef » était excellent dans son travail.

  • Elle lui a dit que le membre visé lui tirait les cheveux et « l’attrapait et la pelotait ». Il pense qu’elle a dit qu’il lui pelotait la poitrine.

  • Il lui a dit d’en parler à son frère (un policier).

  • Au cours de la deuxième moitié de juillet 2014, il a reçu un appel de Mme A un soir. Il a remarqué que quelque chose n’allait pas et il l’a convaincue de lui en parler. Elle a affirmé que le membre visé l’avait tirée dans une pièce, l’avait pelotée, avait défait son pantalon et « sorti ses parties privées ». Il a tenté de la forcer à baisser la tête pour lui faire une fellation, mais elle a réussi à sortir de la pièce. Elle lui a dit que quelqu’un avait peut-être été témoin de la scène.

  • Il a exhorté Mme A à signaler l’incident. Elle a dit qu’elle gérerait la situation.

  • Lorsqu’elle a obtenu le poste de chef d’équipe d’une autre veille, elle était contente, car elle ne travaillerait plus avec le « sergent-chef », mais elle était déçue, car il donnait le rythme du fonctionnement d’un quart de travail. D’un point de vue professionnel, elle l’aimait vraiment. Elle avait un sentiment « amour/haine » pour lui.

  • La nouvelle veille ne fonctionnait pas aussi bien que l’ancienne. C’était chaotique.

  • Elle lui a dit que la situation avait été signalée. Elle était très bouleversée. Elle avait également des sentiments très contradictoires. D’un côté, elle ne voulait pas nuire à la carrière du membre visé, mais d’un autre côté, ce que le membre visé faisait n’était pas bien et lui faisait du mal. Elle a réalisé que « puisque le chat était sorti du sac », elle ne pouvait plus revenir en arrière. Elle s’inquiétait également de ses pairs et des ragots. Moins les gens savaient ce qui s’était passé, mieux elle se sentait.

Preuve de l’ancien petit ami de Mme A

[115]  L’ancien petit ami de Mme A a affirmé avoir rencontré Mme A environ un an avant qu’il commence à se fréquenter. Même s’ils sont restés amis, ils ne sortaient plus ensemble depuis près de quatre mois au moment de la déclaration. Il a fourni l’information suivante :

  • Il se souvient que Mme A a dit à quelques reprises qu’elle se faisait harceler au travail.

  • Un sergent faisait pression sur elle. Il lui avait fait des commentaires inappropriés. Elle a affirmé qu’elle détestait se trouver dans la même pièce que lui.

  • Mme A lui a dit que le membre visé avait commencé par lui toucher le cou par-derrière. Elle a mentionné quelque chose à propos de ses cheveux et du fait qu’il pressait son corps contre le sien. Les choses que Mme A a mentionnées n’étaient pas subtiles.

  • Il lui a conseillé à plusieurs reprises de parler à quelqu’un afin que le membre visé arrête. La première fois, elle a affirmé que « ce n’est pas si facile ».

  • Quelque temps après la conversation initiale, Mme A lui a dit que les choses s’étaient aggravées dans la relation entre elle et le membre visé. Mme A lui a dit que le membre visé lui avait pris un sein.

  • Mme A ne voulait pas parler beaucoup de ce qui se passait.

  • Quelques semaines avant de faire cette déclaration, Mme A lui a dit que le membre visé l’avait forcé à lui faire une fellation et que la situation a été signalée quelques jours plus tard.

La seule série de messages texte subsistante

[116]  Avant l’audience disciplinaire, le Comité de déontologie croyait savoir qu’il n’existait plus aucun des messages textes échangés entre Mme A et le membre visé. Les parties n’avaient pas de messages textes au Comité de déontologie. Lors de l’audience, Mme A a affirmé avoir supprimé tous les messages textes entre elle et le membre visé. Cependant, lors du contre-interrogatoire, le membre visé a affirmé qu’il avait toujours un message texte. Le Comité de déontologie et le représentant des autorités disciplinaires ont été surpris d’apprendre cela. Ni le membre visé ni le représentant du membre n’ont pu dire pourquoi ce message n’avait pas été divulgué plus tôt.

[117]  Le message texte portait sur de nombreux sujets composant ensemble une série de messages textes. La série a débuté le 7 septembre 2014 à 18 h 50 et a pris fin le 10 octobre 2014 à 16 h 37. Les messages semblaient porter principalement sur des sujets en lien avec le travail, mais il y avait également du contenu personnel. Trois « conversations » en particulier ont retenu mon attention.

[118]  La première conversation s’est déroulée le 8 septembre 2014, à compter de 19 h 10. Le premier message de la série se lisait comme suit : « Aurais-je un jour le droit de m’amuser et de jouer? »

[119]  Le représentant du membre a suggéré que ce message, envoyé possiblement après le quatrième incident dans la cage d’escalier, indique que Mme A souhaitait davantage de réciprocité dans la relation sexuelle. Le représentant du membre a donc indiqué que cela devrait avoir une certaine importance dans mon évaluation de la nature consensuelle de la relation entre le membre visé et Mme A. Même s’il s’agit d’une interprétation possible des mots, étant donné qu’il n’y a aucun contexte à ce message, j’estime ne pas être en mesure d’adopter cette interprétation sans autre preuve de sa signification.

[120]  Dans le message initial de cette série, Mme A a avisé le membre visé qu’elle l’a défendu au travail. Elle a également conseillé au membre visé de faire attention à ce qu’il disait aux gens et à la façon dont il le disait. Lorsqu’elle s’est fait poser la question, Mme A a refusé de dire au membre visé auprès de qui elle l’avait défendu. Le membre visé a insisté pour obtenir le nom de la personne. Il a fini par taper un seul mot, « Nom », 20 fois. Mme A a cédé et donné le nom de la personne lorsque le membre visé a menacé de cesser de lui envoyer des messages textes.

[121]  Mme A s’est fait questionner sur le fait qu’elle a dit au membre visé de faire attention, mais elle ne se souvient pas avoir envoyé ce message. Je souligne que le message proprement dit ne lui a pas été transmis lorsque la question lui a été posée. Le Comité de déontologie ignorait alors l’existence du message texte, mais le représentant du membre était clairement au courant et l’avait en sa possession.

[122]  La troisième conversation a eu lieu le 3 octobre 2014, à 23 h 27. Cette communication a commencé par Mme A qui demandait au membre visé s’il était réveillé et s’il pouvait répondre à une question à propos d'un mandat. Mme A a hésité à poser sa question. Le membre visé a répondu avec de brefs messages à répétition, notamment « ???? »; « J’attends… »; « Tic tic tic » et « Tic toc ».

Éléments de preuve – Position d’autorité

[123]  Outre les éléments de preuve fournis par Mme A et le membre visé, les deux parties ont fait appel à des témoins indépendants sur la question à savoir si le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A.

[124]  Les témoins s’entendent en général pour dire que, à ce moment-là, l’équipe de veille du bloc cellulaire du détachement de la GRC de B était habituellement composée de cinq personnes, soit un sergent de la GRC, un gendarme de la GRC, un chef d’équipe et deux gardiens de cellule. Le chef d’équipe et les gardiens de cellule étaient des employés de la Ville de B. Les gardiens de cellule avaient un lien hiérarchique distinct de la GRC. Chacun des témoins avait leur propre interprétation quant au fonctionnement de la structure hiérarchique.

Éléments de preuve de Mme A

[125]  Mme A a présenté les éléments de preuve suivants en ce qui a trait aux opérations du bloc cellulaire :

  • Les gardiens de cellule relevaient du chef d’équipe.

  • Le chef d’équipe assurait la liaison avec le sergent de la GRC responsable du bloc cellulaire et mettait en oeuvre « ce que voulait le sergent de la GRC responsable du bloc cellulaire ».

  • Le chef d’équipe relevait d’un gestionnaire de la Ville de B. Le gestionnaire était chargé d’établir les horaires et d’assurer des niveaux de ressources adéquats pour chaque quart.

  • Malgré cette structure hiérarchique, les gardiens de cellule pouvaient recevoir des directives du sergent de la GRC responsable du bloc cellulaire. Le sergent de la GRC était responsable de l’ensemble du bloc cellulaire.

[126]  En ce qui concerne le membre visé, Mme A a témoigné qu’il pouvait rendre les choses difficiles et qu’elle voulait quelqu’un d’aussi puissant que lui de son côté. Le membre visé avait beaucoup d’amis. Il faisait partie du détachement et du bloc cellulaire depuis longtemps. Tout le monde le connaissait. Elle était une gardienne de cellule municipale à ses débuts. Elle ne travaillait même pas à temps plein lorsqu’elle l’a rencontré. Le sergent pouvait aider ou détruire une personne dans les cellules.

[127]  Lors du contre-interrogatoire, Mme A a affirmé que le sergent du bloc cellulaire avait le droit de donner l’ordre à un gardien de « faire une tâche ». Les gardiens de cellule relèvent du gestionnaire du bloc cellulaire de façon détournée. Le gestionnaire n’est responsable que de la paperasse associée au bloc cellulaire. Le fonctionnement du bloc cellulaire relève entièrement de la GRC et du sergent du bloc cellulaire. Le gestionnaire du bloc cellulaire procède aux évaluations du rendement et gère la discipline. Le gestionnaire du bloc cellulaire ne travaille pas avec les gardiens de cellule 12 heures par jour. Il ne délègue pas les responsabilités pour le fonctionnement du bloc cellulaire. La GRC dicte les responsabilités. Le sergent du bloc cellulaire « réglait tous les problèmes et veillait à tout ». Il dictait ce que les gardiens de cellule faisaient, conformément aux Procédures opérationnelles réglementaires (POR) relatives au bloc cellulaire de la ville. Le chef d’équipe a supervisé les deux gardiens de cellules pour s’assurer que les politiques de la ville étaient mises en oeuvre et que la paperasse était exacte. Le sergent du bloc cellulaire n’est pas le superviseur, mais il peut donner des directives.

Éléments de preuve du membre visé

[128]  Le membre visé n’a pas fourni d’éléments de preuve directs sur le déroulement des opérations du bloc cellulaire, mais il a présenté les éléments de preuve suivants lors du contre- interrogatoire :

  • À titre de sergent du bloc cellulaire, il est le seul sous-officier responsable dans le bloc cellulaire.

  • Le sergent du bloc cellulaire est responsable des opérations dans le bloc cellulaire.

  • Le sergent du bloc cellulaire a une certaine autorité sur les personnes dans le bloc cellulaire pour s’assurer que tout est fait correctement.

  • Même si le sergent du bloc cellulaire a une certaine autorité sur tout le monde au sein du bloc cellulaire, il y a une division claire des rôles des agents de police et des gardiens civils.

  • Le sergent du bloc cellulaire peut faire des suggestions en termes de directives (p. ex., les prisonniers doivent manger, une tâche accomplie exclusivement par les gardiens de cellule).

  • Malgré la division claire des rôles, le fonctionnement du bloc cellulaire nécessite un effort de collaboration au sein de l’équipe.

  • La section F.3.a. des POR relatives au bloc cellulaire de B représentent la réalité au sein du bloc cellulaire telle qu’elle est écrite.

  • Le mot « employés » dans la section F.3.d. des POR relative au bloc cellulaire de B inclut les membres réguliers et les gardiens.

Éléments de preuve du sergent d’état-major D

[129]  Le sergent d’état-major D a été appelé à témoigner par le représentant de l’autorité disciplinaire. Il est un membre régulier de la GRC ayant 32 ½ années de service. Il est devenu le sous-officier supérieur des opérations du détachement de B en septembre 2014. Il a occupé ce poste jusqu’en octobre 2017. Le bloc cellulaire du détachement de B est l’une des responsabilités de ce poste. Il était responsable des « enjeux globaux entourant le bloc cellulaire ». Ces responsabilités globales comprenaient l’éclairage du bloc cellulaire, l’élaboration des POR relatives au bloc cellulaire et la prestation d’une assistance connexe et la liaison avec d’autres organismes, y compris la Ville de B. Les sergents du bloc cellulaire avaient un lien hiérarchique indirect avec lui et un lien hiérarchique direct avec l’inspecteur de la veille.

[130]  Le sergent d’état-major D a parlé des POR relatives au bloc cellulaire du détachement de B, en particulier de certaines dispositions de la section F, portant sur les tâches liées au bloc cellulaire. Selon ce document, le sergent de la GRC du bloc cellulaire est responsable du fonctionnement quotidien du bloc cellulaire, y compris la supervision des employés de la GRC et des employés municipaux en ce qui concerne les opérations et le fonctionnement global du bloc cellulaire. Selon lui, les POR relatives au bloc cellulaire reflètent bien la façon dont le bloc cellulaire fonctionne.

[131]  Le sergent d’état-major D s’est fait demander de fournir son interprétation de la section F.3.a. des POR relatives au bloc cellulaire, qui se lit comme suit : « Le sergent du bloc cellulaire en service est responsable du bloc cellulaire en tout temps et doit s’assurer que les membres et les gardiens respectent toutes les politiques et procédures ». Il a affirmé que le sergent du bloc cellulaire était le décideur ultime en ce qui concerne la santé et la sécurité des prisonniers. Par conséquent, il a le pouvoir décisionnel ultime de faire appel aux services de santé d’urgence ou à une ambulance. Il est également responsable de la supervision pour s’assurer que tous les prisonniers jouissent des droits appropriés énoncés dans la loi. Le sergent du bloc cellulaire est également responsable de l’organisation du mouvement des prisonniers lors d’opérations secrètes.

[132]  Le chef d’équipe est chargé de s’assurer que les gardiens de cellule font et documentent leurs vérifications correctement et respectent les directives fournies par le sergent du bloc cellulaire. Le chef d’équipe est chargé de s’assurer qu’il y a des ressources suffisantes pour gérer les exigences du quart de travail. Le chef d’équipe traite directement avec les gardiens de cellule pour veiller au respect des politiques et des procédures liées au bloc cellulaire.

[133]  Le chef d’équipe relève du gestionnaire du bloc cellulaire. Le titulaire de ce poste ne travaille que durant les quarts de travail de jour. Ces quarts sont accomplis soit directement dans le bloc cellulaire soit dans la partie principale du détachement. Le gestionnaire du bloc cellulaire n’accomplit que très rarement les fonctions des gardiens et seulement s’il manque cruellement de personnel pour un quart de travail.

[134]  Le sergent d’état-major D a également indiqué que la politique énoncée dans la section I.3.2.2 du Manuel d’administration de la GRC, qui se lit comme suit : « Sauf indication contraire, l’employé en service qui possède le grade ou le niveau le plus élevé sera responsable de l’exécution d’une fonction ou d’une tâche avec d’autres employés, ou lorsque l’employé responsable d’une équipe ou d’une opération est indisposé […] », représente la pratique dans le bloc cellulaire.

[135]  Le sergent du bloc cellulaire peut traiter directement avec un gardien de cellule si la question en cause justifie l’intervention. Le chef d’équipe peut également intervenir, selon les circonstances. Les problèmes de rendement ponctuels peuvent être traités unilatéralement par le sergent du bloc cellulaire ou avec la participation du chef d’équipe. Tout problème important de rendement ou de discipline impliquant un gardien de cellule sera réglé par les gestionnaires de la ville de B.

[136]  Lors de sa contre-interrogation, le sergent d’état-major D a indiqué que même s’il n’a jamais accompli les fonctions du sergent du bloc cellulaire au détachement de B, il a accompli des fonctions équivalentes à titre de caporal au détachement de White Rock.

[137]  Le sergent d’état-major D a précisé que pour certains problèmes, par exemple des « problèmes liés aux [ressources humaines], à la santé, à l’établissement des horaires ou autres problèmes du genre », les gardiens de cellule relèvent du gestionnaire du bloc cellulaire, mais que le sergent du bloc cellulaire est responsable des activités quotidiennes et du fonctionnement du bloc cellulaire. Le chef d’équipe est responsable de la supervision directe des gardiens de cellule.

[138]  Normalement, en cas de problèmes dans le rendement d’un gardien de cellule, le sergent du bloc cellulaire aborde la situation directement avec le chef d’équipe. Les problèmes de rendement ou de discipline importants seront réglés par le gestionnaire du bloc cellulaire.

[139]  En réinterrogatoire, le sergent d’état-major D a affirmé que même si le sergent du bloc cellulaire ne participe pas directement à l’évaluation annuelle du rendement d’un gardien de cellule, l’évaluation du rendement des gardiens pourrait inclure des incidents que le sergent du bloc cellulaire a signalés au sous-officier responsable des opérations du détachement de B.

Éléments de preuve du sergent d’état-major E

[140]  Le sergent d’état-major E a été appelé à témoigner par le représentant du membre. Il a témoigné que, lorsqu’il fréquentait l’école à temps plein avant de joindre la GRC, il a travaillé pour la ville de B à titre de gardien de cellule dans le bloc cellulaire du détachement de la GRC de B. Il s’agissait d’un emploi à temps partiel pendant près de deux ans entre l’automne 1999 et septembre 2001. Après s’être joint à la GRC, il a été affecté au détachement de B. Il a fait une rotation, pendant quatre ou cinq mois, à titre de gendarme de cellule du bloc cellulaire du détachement de B, en 2003 et en 2004. En mars 2014, il a été promu au grade de sergent et a occupé le poste de sergent du bloc cellulaire pendant environ un an. Il était sergent du bloc cellulaire sur une autre veille lorsque cette situation a été découverte.

[141]  Outre son expérience directe au sein du bloc cellulaire du détachement de B, le sergent d’état-major E a également été un « sous-représentant » du détachement de B pour le programme des représentants des relations fonctionnelles de la GRC pendant près de huit ans. À ce titre, il était membre du Comité d’amélioration continue du détachement de B. Il a indiqué que les cellules du détachement étaient toujours un « sujet litigieux et une lourde responsabilité ». À la suite des enquêtes du coroner sur le décès de deux personnes en détention, il avait préconisé divers changements qui avaient été adoptés par l’officier responsable, y compris l’embauche d’une infirmière autorisée à temps plein.

[142]  En ce qui concerne les fonctions du sergent du bloc cellulaire, il a affirmé que le sergent du bloc cellulaire assurait « la supervision des opérations du bloc cellulaire » et que sa responsabilité première consistait à assurer la sécurité des prisonniers, en veillant notamment à l’exécution d’une fouille adéquate des prisonniers au moment de leur mise en cellule et l’autorisation de l’utilisation de la « chaise de contention ». En outre, le sergent du bloc cellulaire doit également s’assurer de l’existence de motifs adéquats pour l’incarcération de prisonniers, la tenue d’une enquête sur le cautionnement et l’examen des « rapports sur les détenus sous garde » remis au procureur de la Couronne.

[143]  Le rôle du gendarme de cellule consistait à aider le sergent du bloc cellulaire, en particulier pour le déplacement des prisonniers durant le processus d’enquête sur le cautionnement et autres tâches déléguées par le sergent du bloc cellulaire.

[144]  Les gardiens de cellule civils étaient responsables de la surveillance des prisonniers et consignaient leurs observations dans leurs registres, y compris de déplacement des prisonniers, et entraient les données dans le système lors de la mise en détention des prisonniers. Enfin, ils étaient chargés de mettre les effets personnels des prisonniers dans des sacs, de les étiqueter et d’en assurer la sécurité. Les gardiens de cellule civils n’avaient aucun contact direct avec les prisonniers.

[145]  Au départ, le sergent d’état-major E était d’accord avec le représentant du membre pour dire que le rôle du sergent du bloc cellulaire consistait en partie à donner des directives aux employés civils du bloc cellulaire. Cependant, il a ensuite affirmé que le sergent du bloc cellulaire ne pouvait pas donner de directives aux gardiens civils à la lumière des règles syndicales régissant leur emploi. C’est le chef d’équipe qui transmet des directives aux gardiens civils. Compte tenu des règles syndicales strictes, le sergent du bloc cellulaire ne peut que demander quelque chose aux gardiens de cellule. Tout problème lié à un gardien de cellule doit être porté à l’attention du sergent d’état-major de la GRC, qui assure ensuite la liaison avec le gestionnaire du bloc cellulaire. S’il s’agit d’une mesure de nature disciplinaire, il faut faire appel à un représentant syndical, qui contribuera au règlement de la situation.

[146]  Afin de démontrer le rôle limité du sergent du bloc cellulaire, il a donné en exemple la mise en liberté du mauvais prisonnier à la suite d’une enquête sur le cautionnement. À titre de sergent du bloc cellulaire, il a mené une enquête afin de déterminer ce qui s’était produit. Il a fait l’objet de critiques pour avoir agi ainsi, car un gardien de cellule pouvait se voir imposer des mesures disciplinaires. On lui a dit qu’un autre employé syndiqué aurait dû être présent lorsqu’il a posé des questions.

[147]  Lorsque le sergent d’état-major E a travaillé à titre de gardien de cellule avant de joindre la GRC, son superviseur immédiat était le gestionnaire du bloc cellulaire. Ce dernier travaillait du lundi au vendredi et était responsable de régler les questions liées à son rendement. Cependant, à un certain moment en 2004 ou 2005, la structure hiérarchique a changé pour inclure un chef d’équipe et un gestionnaire haut-gradé équivalent à l’officier des opérations de la GRC.

[148]  Il a affirmé que toute question litigieuse commençait essentiellement au sommet et descendait ensuite jusqu’à sa destination. Le sergent d’état-major E a clairement indiqué qu’il ne pouvait pas faire de commentaires négatifs directement à un employé municipal syndiqué, y compris les gardiens de cellule et les opérateurs en télécommunication. Les problèmes de rendement ou de nature disciplinaire avec un gardien de cellule seraient communiqués au sergent d’état-major du côté de la GRC, qui fera part des préoccupations à la direction « du côté municipal » afin que celle-ci puisse les régler. Il a affirmé que la structure hiérarchique était très claire. Les membres réguliers dans le bloc cellulaire n’ont aucun rôle à jouer dans la formation, l’établissement des horaires et la rétroaction aux gardiens de cellule.

[149]  Lors du contre-interrogatoire, le sergent d’état-major E a reconnu que les POR relatives au bloc cellulaire du détachement de B représentaient la réalité. Lorsqu’il s’est fait demander comment il conciliait sa position concernant le manque total d’autorité du sergent du bloc cellulaire sur les gardiens de cellule avec les POR relatives au bloc cellulaire du détachement de B, il a répondu : « Je suis confus … ».

[150]  Il a indiqué qu’il participait, dans une certaine mesure, à la transmission d’une rétroaction sur le rendement global d’un gardien. Le sergent d’état-major demanderait au sergent du bloc cellulaire s’il avait eu des problèmes dans le bloc cellulaire. Il n’a jamais eu de problèmes importants, seulement des problèmes mineurs, mais on posait au moins la question. Le sergent d’état-major rencontrerait le gestionnaire du bloc cellulaire pour « discuter de la liste ». Il a reconnu que le sergent du bloc cellulaire était bien placé pour observer et évaluer le rendement d’un gardien de cellule, mais on ne lui a jamais demandé de le faire.

[151]  Le sergent d’état-major E a également abordé la routine au sein du bloc cellulaire. Il a indiqué que les enquêtes sur le cautionnement depuis le bloc cellulaire n’étaient requises que lorsqu’aucun tribunal n’était disponible. Une telle situation se produisant habituellement la fin de semaine. Le bloc cellulaire du détachement de B offrait également un service à quatre autres services de police et pouvait être occupé un jour de semaine, en raison des périodes limites pour la cour durant la journée. Si les agents ne se présentaient pas devant le tribunal avant la fin de la période, le prisonnier devait subir une enquête sur le cautionnement en soirée, laquelle se tenait au bloc cellulaire. Durant la semaine, la plupart des enquêtes sur le cautionnement se déroulaient entre 18 h et 22 h. La fin de semaine, les enquêtes pouvaient débuter entre 8 h et 16 h. Le temps requis pour les enquêtes sur le cautionnement varie en fonction du nombre d’enquêtes qui doivent être effectuées. Parfois, ça pouvait prendre toute la journée.

[152]  Outre les enquêtes sur le cautionnement, la période occupée durant la semaine était entre 19 h et 9 h. C’est la période durant laquelle les prisonniers sortent des cellules, soit parce qu’ils sont mis en liberté soit parce qu’ils sont confiés à des shérifs pour être accompagnés jusqu’au tribunal. Après le départ des prisonniers, il y a une période de ralentissement de deux ou trois heures. Le personnel recommence à être occupé en après-midi en raison des arrestations tardives et de la préparation des plans de mises en liberté sous caution, qui doivent être prêts pour le quart de soir. La période la plus occupée se déroule entre 14 h et 22 h.

[153]  Les opérations secrètes ont également un impact sur la charge de travail du quart. Le sergent d’état-major E a déjà eu jusqu’à trois sorties en même temps. Ces opérations secrètes sont très difficiles à gérer, car elles nécessitent des autorisations judiciaires, du matériel spécial et autres exigences logistiques. Lorsque de telles opérations se déroulaient, tout le monde consulte le sergent du bloc cellulaire pour obtenir des réponses.

[154]  Le quart de nuit débutait à 18 h. Dès l’arrivée, il y avait des enquêtes sur le cautionnement en attente de traitement. Le quart incluait également l’examen des rapports au procureur de la Couronne et la recherche de documents et de membres. Cela se poursuivait jusqu’entre 22 h et 23 h. Certains quarts de nuit, il avait une période d’accalmie pouvant aller jusqu’à six heures. D’autres nuits, il n’y avait que deux heures d’accalmie. Habituellement, la période la plus calme du quart de nuit était entre minuit et 5 h. Il a ajouté que le bloc cellulaire était un endroit occupé ne connaissant jamais de hauts et de bas.

[155]  Le sergent d’état-major E a rencontré le membre visé, à titre de représentant des Relations fonctionnelles, lorsque l’affaire a été découverte. Il a souligné qu’il critiquait vivement la façon dont la direction a géré la situation.

Éléments de preuve d’anciens gendarmes de cellule

[156]  L’ancien gendarme de cellule 1 a indiqué, dans sa déclaration, qu’il devait y avoir un agent (membre régulier) responsable des prisonniers en tout temps. Les gardiens de cellule accomplissent beaucoup de tâches, mais ils ne sont pas autorisés à accomplir les fonctions qui relèvent d’un membre régulier, y compris toute interaction physique avec un prisonnier. Le sergent du bloc cellulaire supervise le gendarme de cellule. La gestionnaire municipale travaillait durant un quart de jour continu de 8 h à 16 h; c’est pourquoi elle n’avait aucune incidence sur les opérations quotidiennes dans le bloc cellulaire. Le chef d’équipe est responsable des gardiens.

[157]  L’ancien gendarme de cellule 2 a indiqué, dans sa déclaration, que le membre visé était son superviseur immédiat lorsqu’il faisait partie de l’équipe de veille. Le rôle du sergent du bloc cellulaire consistait à réviser et à approuver les rapports sur les prisonniers (formulaire C-13), à réviser les rapports au procureur de la Couronne, à traiter la plupart des enquêtes sur le cautionnement et à assurer la liaison avec d’autres sous-officiers. Le sergent du bloc cellulaire répondait aux questions découlant des rapports sur les prisonniers et en discutait avec le gendarme de cellule ou un gardien de cellule. Il y avait toujours un chef d’équipe sur la veille. Sa responsabilité consistait à régler les questions de dotation, en particulier en ce qui concerne les horaires.

V. OBSERVATIONS SUR LES ALLÉGATIONS

Représentant de l’autorité disciplinaire

[158]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a amorcé son observation en rappelant au Comité de déontologie que la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt F.H. c McDougall, [2008] 3 RCS 41, 2008 CSC 53 [McDougall], a confirmé que, dans une instance civile, une seule norme de preuve s’applique, celle de la prépondérance des probabilités.

[159]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a également remarqué que les faits présentés dans la Détermination des faits établis concordaient avec les éléments de preuve.

[160]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a passé beaucoup de temps à aborder la question à savoir si le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A. Il est d’avis que le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A. Pour faire cette affirmation, il s’est fortement appuyé sur le témoignage du sergent d’état-major D, qui était d’avis que le sergent du bloc cellulaire de la GRC était responsable des opérations quotidiennes du bloc cellulaire, y compris la supervision du personnel de la GRC et des employés municipaux en ce qui concerne les opérations et le fonctionnement global du bloc cellulaire.

[161]  Il a souligné que le membre visé, dans sa réponse aux allégations aux termes du paragraphe des Consignes du commissaire (déontologie), a reconnu être en position d’autorité par rapport à Mme A, quoique de façon limitée.

[162]  Il a également souligné le fait que plusieurs des témoins, y compris le sergent d’état-major D et le membre visé, ont affirmé que les POR relatives au bloc cellulaire du détachement de B reflétaient la pratique dans le bloc cellulaire. Cela inclut la disposition énoncée à la section F.3.a., qui énonce que « le sergent du bloc cellulaire en service est responsable du bloc cellulaire en tout temps et doit s’assurer que les membres et les gardiens respectent les politiques et les procédures ».

[163]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a ajouté que la politique de la GRC qui se trouve dans le Manuel d’administration, à la section I.3, étayait sa prétention selon laquelle, à titre de sous- officier supérieur dans le bloc cellulaire, le membre visé était responsable du bloc cellulaire et avait donc de l’autorité sur Mme A.

[164]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a souligné que même si le sergent d’état-major E a confirmé divers aspects de la structure hiérarchique du côté municipal, il a mis en garde le Comité de déontologie qu’il ne devrait pas trop se fier au reste de sa preuve. En faisant cette affirmation, il a souligné le point de vue négatif du sergent d’état-major E à l’égard des mesures prises par la direction dans cette affaire. De plus, ses exemples des limites de l’autorité du sergent du bloc cellulaire portaient sur des questions à un niveau plus élevé, comme la discipline et le rendement, et non sur les activités quotidiennes du bloc cellulaire. Par conséquent, sa preuve ne coïncide pas avec celle du sergent d’état-major D, du membre visé et des POR relatives au bloc cellulaire du détachement de B.

[165]  Cependant, il a ajouté que, à son avis, la question à savoir si le membre visé était le superviseur immédiat de Mme A n’est pas déterminante pour savoir s’il était ou non en position d’autorité par rapport à Mme A.

[166]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a ensuite abordé l’application de la politique de la GRC sur le Conflit d’intérêts – Relations interpersonnelles en milieu de travail, qui se trouve dans le Manuel d’administration à la section XVII.1.10., notant que, à son avis, la relation entre le membre visé et Mme A était visée par la politique relative aux relations interpersonnelles au travail à signaler. Une relation interpersonnelle au travail à signaler s’entend d’une « relation ou liaison amoureuse ou sexuelle entre une personne en position d’autorité et un autre employé ».

[167]  Selon cette même politique, une personne en position d’autorité désigne « une personne qui a la capacité, l’autorisation ou la responsabilité réelle ou apparente, que ce soit à plein temps ou de façon temporaire, de diriger, de surveiller, d’évaluer ou d’influencer le travail, le milieu de travail ou la carrière d’un employé […] ». La définition énumère un certain nombre de situations, mais aucune d’elles ne s’applique dans le cas présent.

[168]  En lien avec cette politique, le représentant de l’autorité disciplinaire a souligné que, durant son témoignage, Mme A a affirmé que, à son avis, le sergent du bloc cellulaire était « en contrôle » et, par conséquent, elle se considérait donc comme la subalterne du membre visé. Son point de vue a influencé ses actions. Même si elle a affirmé qu’elle avait beaucoup d’estime pour le membre visé, elle a fourni une explication raisonnable quant à la raison pour laquelle elle n’a pas porté plainte.

[169]  En ce qui concerne la nature de la relation entre le membre visé et Mme A, le représentant de l’autorité disciplinaire a concédé que, au début de la relation, Mme A y participait de plein gré. Cependant, lorsque la relation physique est allée au-delà de simples baisers, elle voulait que ça cesse. Le témoignage de Mme A a révélé clairement qu’elle était intimidée par le membre visé. Le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué que, même s’il y a des incohérences dans son témoignage, sa preuve sur ce point se tenait du début à la fin.

[170]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué que les déclarations des autres témoins, comme le chef d’équipe, le gendarme de cellule 1, le gardien de cellule faisant partie de l’équipe de veille C et de l’ami de Mme A ont étayé divers aspects de son témoignage, en particulier le fait que s’était le membre visé et non Mme A qui a été à l’origine des aspects sexuels de la relation.

[171]  En ce qui concerne l’allégation 1, le représentant de l’autorité disciplinaire a observé que la version des événements présentée par Mme A était plus probable que celle présentée par le membre visé. Une grande partie de ce qu’elle a dit à propos de l’incident a été confirmée par les enregistrements vidéo. De plus, si elle était en retard pour le travail, ce que les enregistrements vidéo ont confirmé, elle n’aurait pas, logiquement, pris le temps de faire une fellation au membre visé.

[172]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a souligné que le membre visé a affirmé que ses souvenirs de ce qui s’était passé étaient plus clairs lors de son témoignage qu’au moment où il a soigneusement rédigé la lettre à l’attention de l’officier responsable du détachement de B en date du 10 décembre 2014. Il a remarqué que le témoignage du membre visé a été fourni après qu’il ait eu le temps d’examiner le rapport d’enquête et les preuves matérielles. Il a ensuite mis en évidence les différentes incohérences entre la lettre et le témoignage du membre visé.

Représentant du membre

[173]  Le représentant du membre a observé qu’aucune des allégations n’était établie. Il a suggéré que toute l’affaire se résume à une question de crédibilité entre Mme A et le membre visé. Il a observé que le membre visé a admis volontiers avoir eu une conduite sexuelle inappropriée avec Mme A. Par conséquent, les seules questions que le Comité de déontologie devait trancher pour déterminer que les allégations étaient établies consistaient à savoir si le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A et si la relation sexuelle entre le membre visé et Mme A était consensuelle.

[174]  Dans son observation, le représentant du membre a passé en revue les éléments de preuve de façon méthodique. Il a ainsi effectué un travail crédible pour mettre en relief les différences entre les témoignages du membre visé et de Mme A. Il a souligné que les éléments suivants lui semblaient incohérents dans la version des faits de Mme A :

  • Mme A a affirmé n’avoir découvert que le membre visé avait une petite amie qu’en août 2014, même si elle a eu de nombreuses conversations personnelles avec le membre visé.

  • Mme A avait de la difficulté à concilier ses sentiments envers le membre visé à titre de sergent par opposition à la personne qui la forçait, selon elle, à lui faire une fellation.

  • Mme A a affirmé que durant un trajet en voiture jusqu’au quartier général de la Division E, le membre visé lui a dit : « Si tu trouves une femme qui manque de confiance en elle, tu peux lui faire faire pratiquement tout ce que tu veux ». Cependant, Mme A ne pouvait pas expliquer le contexte de cette affirmation. Le membre visé a carrément nié avoir fait cette affirmation.

  • Mme A a affirmé avoir insisté pour que le membre visé supprime les photographies qu’elle lui avait envoyées. Toutefois, dans sa déclaration, elle a affirmé que cela ne l’inquiétait pas, car on ne voyait pas son visage.

  • Mme A a affirmé avoir été soulagée de ne plus être à proximité du membre visé, mais elle a continué à lui demander des conseils sur des sujets liés au travail.

  • Mme A a affirmé qu’elle a été forcée de faire une fellation au membre visé dans la réserve, mais elle est ensuite restée pour parler avec lui pendant 10 à 15 minutes.

  • La version de Mme A en ce qui concerne la première relation sexuelle dans la cage d’escalier n’a pas de sens, car le bureau de liaison avec la cour était fermé au moment où elle affirme que l’incident s’est produit et, selon le témoignage du membre visé, la situation aurait pu être réglée sans quitter le bloc cellulaire.

  • L’affirmation de Mme A selon laquelle elle n’a pas voulu nuire à la carrière du membre visé n’est pas cohérente avec une personne qui aurait été forcée à faire une fellation.

  • L’affirmation de Mme A selon laquelle elle a été forcée à envoyer les photographies au membre visé n’est pas cohérente, car elle échangeait déjà des messages textes et flirtait déjà avec le membre visé.

  • Mme A a témoigné qu’elle était flattée de l’attention que lui accordait le membre visé, mais à d’autres occasions, elle a dit à d’autres personnes qu’elle ne l’aimait pas.

  • Mme A a affirmé qu’elle se sentait en sécurité dans le bloc cellulaire et que le membre visé les soutenait. Ces affirmations sont incohérentes et incompatibles avec une personne qui aurait été forcée de faire une fellation à cette même personne.

  • La version de Mme A à propos du cadeau qu’elle a apporté pour la fille du membre visé en vue de son voyage ne concorde pas avec la position du membre visé. Elle ne pouvait pas savoir que la fille du membre visé était excitée à l’idée de ce voyage, car il ne lui a parlé de ce voyage qu’une fois qu’ils étaient en route. De plus, Mme A n’avait rencontré sa fille qu’une fois.

  • La version de Mme A selon laquelle, la première fois, le membre visé l’a attrapé par le bras et embrassé est incohérente avec son affirmation que la relation est devenue plus agressive.

  • Mme A a affirmé avoir parlé à son petit ami de cette situation, mais il n’a pas présenté de déclaration aux enquêteurs.

  • Mme A a d’abord accepté de donner son téléphone cellulaire aux enquêteurs, mais elle a ensuite retiré son consentement.

  • Même s’il était dans un lieu public au sein du détachement, Mme A n’a jamais tenté de crier ou de demander l’aide d’une personne passant à proximité.

  • Mme A a affirmé qu’elle craignait de rencontrer le membre visé, mais lorsqu’il l’a appelé par le sobriquet qu’il lui avait donné, en passant la porte, le 10 octobre 2014, elle a souri.

  • Mme A a d’abord affirmé que le membre visé l’avait laissée se relever lors de l’incident dans la cage d’escalier, le 10 octobre 2014, mais elle a ensuite affirmé qu’elle avait poussé le membre visé pour se relever.

  • Le fait que Mme A avait son téléphone cellulaire en main lorsqu’elle est sortie de la cage d’escalier à la suite de l’incident, le 10 octobre 2014, ne concorde pas avec ses affirmations. L’enregistrement vidéo montre clairement qu’elle avait son téléphone cellulaire en main. La théorie du représentant du membre est qu’elle avait son téléphone en main au cas où quelque’un aurait entendu des voix dans la cage d’escalier. Avec le téléphone, elle pouvait feindre un appel pour éviter de se faire prendre.

  • Lorsque Mme A a quitté la cage d’escalier, elle était davantage préoccupée par son apparence que par le fait qu’elle avait, selon elle, été forcée à faire une fellation à quelqu’un.

  • Le fait de parler à sa chef d’équipe à propos de la perception des autres concernant son comportement correspondait davantage à son désir de ne pas se faire prendre qu’une simple vérification à propos de son comportement.

  • Mme A ne pouvait pas se rappeler avoir défendu le membre visé au travail. Néanmoins, le fait de le défendre est incompatible avec le fait qu’il lui donne la chair de poule.

[175]  Inversement, le représentant du membre a affirmé que le témoignage du membre était clair, direct et catégorique. Il a souligné les aspects suivants du témoignage pour étayer son affirmation :

  • Le membre visé a nié avoir eu recours à la force physique, avoir proféré des menaces ou avoir donné des ordres à Mme A pour l’obliger à lui faire une fellation. Ce point n’a pas été contesté lors du contre-interrogatoire.

  • Il a nié catégoriquement avoir arraché le bouton de la chemise de Mme A, comme l’affirme celle-ci.

  • Il a expliqué pourquoi Mme A aurait su qu’il a une petite amie avant août 2014.

  • Il a reconnu que le sergent du bloc cellulaire supervise les opérations du bloc cellulaire, mais n’était pas d’accord avec le fait qu’il avait une autorité suffisante sur Mme A pour la considérer comme une subalterne.

  • Il a attrapé la queue de cheval de Mme A à une occasion.

  • Il reconnaît que les relations sexuelles étaient inappropriées, mais affirment qu’elles étaient consensuelles.

[176]  Le représentant du membre a analysé les différences entre les témoignages du sergent d’état- major D et du sergent d’état-major E en ce qui concerne l’autorité du sergent du bloc cellulaire sur les gardiens de cellule. Il a soutenu que le témoignage du sergent d’état-major D était incohérent. Il a affirmé que le sergent du bloc cellulaire prenait les décisions liées à la sécurité des prisonniers, ce qui n’est pas cohérent son témoignage ultérieur au cours duquel il a affirmé que le sergent du bloc cellulaire ne peut pas imposer de mesures disciplinaires à un gardien de cellule et ne formule pas d’observations pour l’évaluation des gardiens de cellule. Le représentant du membre a suggéré que je devrais accorder davantage d’importance au témoignage du sergent d’état-major E en raison de la vaste expérience qu’il a acquise en occupant de nombreux postes au sein du bloc cellulaire et parce qu’il a donné des exemples à l’appui de son affirmation selon laquelle les sergents du bloc cellulaire n’ont aucune autorité sur les gardiens de cellule municipaux.

[177]  Le représentant du membre a également parlé du contenu de la seule série de messages textes qui existait toujours et a fait les observations suivantes :

  • Même s’il n’a pas affirmé que le premier message de Mme A était à connotation sexuelle, il estime qu’il caractérise la relation entre le membre visé et Mme A.
  • Les commentaires de Mme A, « … Tu vas me haïr et penser que je suis juste jalouse… » et « … Je tiens à toi… » étaient de curieux commentaires pour une personne qui était obligée de faire une fellation au membre visé.

[178]  En ce qui concerne la politique de la GRC intituler Conflits d’intérêt – Relations interpersonnelles en milieu de travail, le représentant du membre a simplement observé que la politique avait été mise à jour depuis octobre 2014. Il a souligné qu’aucun des scénarios indiqués dans le Manuel d’administration, section XVII.1.10.1.1.1.2. ne s’appliquait dans le cas présent. Enfin, il était d’avis que la politique n’était pas pertinente, car la question à savoir sur le membre visé était en position d’autorité était une question de fait que devait déterminer le Comité de déontologie.

[179]  Le représentant du membre a conclu ses observations en présentant la théorie que Mme A avait participé de plein gré à la relation sexuelle avec le membre visé. Cependant, lorsqu’il a mis un terme à la relation sexuelle dans la cage d’escalier et s’est éloigné d’elle, le 10 octobre 2014, elle s’est sentie rejetée et était embarrassée. C’est la raison pour laquelle elle voulait éviter d’avoir d’autres relations avec le membre visé.

VI. CONSTATATIONS SUR LES ALLÉGATIONS

[180]  Les deux allégations formulées contre le membre visé concernent un « comportement susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie » aux termes de l’article 7.1 du Code de déontologie. Les détails, tels qu’ils sont énoncés dans l’Avis d’audience disciplinaire, allèguent que cette conduite déshonorante était liée à une relation inappropriée de nature sexuelle avec une collègue.

[181]  Le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC a présenté son analyse sur la nature d’une conduite « de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie » [CEE C-2015-001 (C008), le 22 février 2016]. J’accepte et adopte l’approche présentée aux paragraphes 92 et 93 de cette décision, qui se lit comme suit :

L’article 7 du Code de déontologie exige que les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. L’article 7 est différent de la disposition antérieure énoncée au paragraphe 39(1) du Code de déontologie antérieur.

Le paragraphe 39(1) énonçait que le membre ne peut agir ni se comporter d’une façon scandaleuse ou désordonnée qui jetterait le discrédit sur la Gendarmerie. Le CEE et le commissaire ont indiqué que le critère prévu au paragraphe 39(1) consistait à déterminer si une personne raisonnable, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris la réalité des services de police en général et, plus particulièrement, celle de la GRC, considérerait le comportement comme a) scandaleux et b) suffisamment relié à l’emploi pour justifier l’imposition d’une mesure disciplinaire contre le membre. […] L’article 7 du Code de déontologie n’importe pas l’exigence d’une conduite scandaleuse ou désordonnée pour jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Toutefois, la version annotée du Code de déontologie de la Gendarmerie (2014) adopte en grande partie le critère du Code de déontologie pour une conduite déshonorante au titre du nouvel article 7, notant que « la conduite déshonorante repose sur un critère qui consiste à déterminer la façon dont une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris la réalité des services de police en général et, plus particulièrement, celle de la GRC, considérerait ce comportement ». Le libellé utilisé dans la version annotée du Code de déontologie (2014) est conforme aux critères adoptés dans d’autres services de police pour établir que l’inconduite « est susceptible de jeter le discrédit sur le service de police ». Comme l’a souligné P. Ceyssens dans Legal Aspects of Policing, volume 2, 2002 […] « … lorsque le langage de la loi régissant une conduite déshonorante porte sur une conduite « susceptible de jeter le discrédit sur la réputation d’un service de police », le discrédit doit être établi. Au contraire, l’ampleur du préjudice à la réputation et à l’image du service si l’acte est rendu public est la mesure utilisée pour évaluer l’inconduite. Lors de cette évaluation, la conduite doit être considérée au regard des attentes raisonnables de la communauté. » [Traduction libre]

[182]  Dans l’arrêt McBain c. Canada (Procureur général), 2016 CF 829 [McBain], au paragraphe 24, la Cour fédérale du Canada a abordé la question d’une conduite scandaleuse en lien avec des relations sexuelles qui se produisent alors que le membre porte un uniforme et exerce ses fonctions, comme suit :

En appliquant le critère relatif à la conduite scandaleuse, le commissaire a estimé qu’une personne raisonnable connaissant toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités des services de police en général, et plus particulièrement de la GRC, serait d’avis que le fait d’avoir des rapports sexuels dans l’exercice de ses fonctions et en portant un uniforme est scandaleux et suffisamment lié à la situation d’emploi pour justifier la prise de mesures disciplinaires.

[183]  Étant donné que la Cour fédérale accepte le critère relatif à la conduite scandaleuse appliqué par le commissaire et les commentaires du CEE en ce qui concerne l’application du critère pour une conduite déshonorante, même s’ils sont inclus dans les détails et, par conséquent, assujettis à une preuve, j’estime que je n’ai pas besoin de déterminer que le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A ou que les relations sexuelles entre les deux n’étaient pas consensuelles pour conclure que le membre visé n’a pas respecté le Code de déontologie en lien avec les deux allégations.

[184]  Le membre visé a admis avoir eu une relation sexuelle inappropriée avec Mme A. La relation s’est étalée sur une période de plusieurs mois. Il a également reconnu avoir eu des rapports sexuels avec Mme A à cinq occasions distinctes et ces rapports comprenaient une fellation. Lors des cinq rapports sexuels, il exerçait ses fonctions et portait l’uniforme. Les cinq rapports ont eu lieu dans le bâtiment du détachement de la GRC de B, dans des endroits où on risquait fort de les voir. Le fait qu’il était un sous-officier supérieur, détenant le grade de sergent, n’est pas contesté. À mon avis, la question à savoir si le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A ou si les relations sexuelles étaient non consensuelles vise davantage à déterminer le degré de culpabilité morale de la conduite du membre visé qu’à savoir si sa conduite était déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Le fait que le Guide des mesures disciplinaires établit deux niveaux de sanctions bien distincts en lien avec la conduite sexuelle inappropriée d’un membre appuie cette affirmation.

[185]  Comme l’a fait le commissaire dans l’arrêt McBain, j’estime qu’une personne raisonnable connaissant toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités des services de police en général, et plus particulièrement de la GRC, serait d’avis que le fait qu’un sous-officier supérieur a eu des rapports sexuels avec une collègue à plusieurs occasions dans une installation de la GRC, alors qu’il portait un uniforme et exerçait ses fonctions, est scandaleux et suffisamment lié à la situation d’emploi pour justifier la prise de mesures disciplinaires. Le fait que le membre était en position d’autorité ou que les relations sexuelles étaient non consensuelles constitue un facteur aggravant qui exigerait l’imposition de mesures disciplinaires plus significatives si la preuve est établie. J’aborderai donc ces deux enjeux ci-dessous dans la partie de la présente décision portant sur les mesures disciplinaires.

[186]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime que les deux allégations ont été établies, selon la prépondérance des probabilités.

VII. ÉLÉMENTS DE PREUVE SUR LES MESURES DISCIPLINAIRES

Documentation à l’appui du membre visé

[187]  Outre le témoignage du membre visé, le représentant du membre a présenté les documents suivants au Comité de déontologie :

  • Cinq fiches de rendement (formulaire 1004) entre octobre 2001 et juillet 2011;

  • Exposé de soutien du superviseur/officier hiérarchique en date du 27 janvier 2012, préparé en lien avec le processus de promotion de sous-officiers;

  • Évaluation du rendement pour les exercices 2011-2012 et 2013-2014;

  • Une lettre d’un membre du public, en date de février 2009;

  • Dix lettres de soutien de membres réguliers, y compris de précédents superviseurs ou pairs.

[188]  Quatre des cinq fiches de rendement portaient sur la participation du membre visé dans des affaires criminelles graves, y compris des situations de violence familiale, un vol à main armée et une collision impliquant plusieurs véhicules. Ces quatre fiches de rendement indiquaient que le membre avait de solides compétences opérationnelles. La cinquième fiche de rendement félicitait le membre visé pour ses efforts pour la formation d’un cadet dans le cadre du Programme de formation pratique.

[189]  Les exposés narratifs dans les évaluations annuelles du rendement du membre visé pour les exercices 2011-2012 et 2013-2014 et l’exposé de soutien du superviseur/officier hiérarchique en date du 27 janvier 2012, décrivent un membre ayant de solides compétences opérationnelles qui a un bon sens de l’organisation, qui peut accomplir plusieurs tâches à la fois et qui est apprécié de ses collègues.

[190]  La lettre d’un membre du public, en date du 2 février 2009, indiquait que le membre visé a fait preuve de patience d’intégrité et de respect dans la gestion d’une situation entre un propriétaire et un locataire impliquant l’auteur de la lettre.

[191]  Les dix lettres de soutien présentées par des membres réguliers décrivent un membre très compétent. Des termes tels que dévoué, respecté, admiré, capable, consciencieux, vaillant, compétent, attentif, intelligent, articulé, équilibré et respectueux ont été utilisé pour décrire le membre visé. Bon nombre des auteurs de ces lettres ont indiqué que s’ils en avaient l’occasion, ils travailleraient avec le membre visé.

[192]  Le membre visé a reçu les citations pour bravoure suivantes :

  • Mention élogieuse de l’officier responsable du détachement de B, en date du 9 juin 2013.

  • Mention élogieuse du commandant, en date du 10 mai 2012.

  • Mention pour vaillance de la province de la Colombie-Britannique, en date de 2011.

[193]  Ces trois mentions découlent d’un même incident qui s’est produit en août 2008. Cet incident impliquait un suspect armé dans une double fusillade. Le membre visé a fait preuve de courage lors de l’arrestation du suspect, mettant ainsi fin à l’affaire de façon positive.

[194]  Le représentant du membre a également remis une lettre du psychologue du membre visé. La présentation de la lettre lors de l’audience disciplinaire n’a pas respecté la période d’avis de 30 jours requise aux termes du paragraphe 19(1) des Consignes du commissaire (déontologie) et je n’ai pas pu accepter cette lettre en tant que rapport d’un expert, mais cela ne signifie pas que la lettre n’a aucune valeur dans le cadre de cette procédure. Je vais tenir compte de l’information qui semble être des faits plutôt que des opinions exprimées par le psychologue.

[195]  La lettre, en date du 20 novembre 2017, a été rédigée par le psychologue traitant le membre visé. La lettre souligne ses diverses qualifications. Elle a été rédigée à la demande du membre visé expressément à des fins d’examen par le Comité de déontologie dans cette affaire et indique que le psychologue a commencé à traiter le membre visé en août 2009. Le membre visé avait participé à 61 séances avec le psychologue après avoir eu recours aux services d’un psychologue de son propre chef, en raison de l’échec de son mariage. Le membre visé avait reçu un diagnostic pour un trouble en particulier en lien avec l’échec de son mariage. Cependant, le traitement a été réorienté lorsque le membre visé a mis le psychologue au courant d’autres problèmes qu’il éprouvait, notamment de l’insomnie, de l’anxiété, de l’irritabilité, de l’apathie et des retours en arrière. Cette réorientation s’est produite en octobre 2014, à la suite du dévoilement de cette affaire. Le psychologue a indiqué avoir évalué les différents troubles à divers degrés, de modéré à grave. Même si le membre visé était « très motivé à recevoir un traitement », le psychologue n’a pas offert de pronostic concernant son rétablissement. Il a indiqué que les problèmes du membre visé « semblaient être de nature chronique et de longue date ».

Témoignage oral du membre visé

[196]  Le membre visé a témoigné en son propre nom dans cette phase de l’audience disciplinaire. Il a affirmé que, depuis sa suspension, il a fait des efforts pour s’améliorer dans deux domaines en particulier, soit des études et une psychothérapie.

[197]  Le membre visé s’est joint à l’ASFC avec un diplôme d’études collégiales de deux ans en justice pénale. Depuis sa suspension, il a suivi plusieurs cours en ligne liés directement aux services de police à l’Université Dalhousie. Il a également suivi de nombreux cours par l’entremise du Réseau du savoir policier du Collège canadien de police et du Centre de formation de la région du Pacifique. Il a également réussi un cours de détective privé.

[198]  Le membre visé suit également une psychothérapie depuis environ huit ans. Depuis octobre 2014, il a participé à des séances régulières afin de comprendre et d’améliorer son « comportement à la suite des mauvaises décisions » qu’il a prises. Il a indiqué avoir reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT).

[199]  Il a décrit en détail l’incident qui lui a valu des citations pour bravoure ainsi que l’incident qui lui serait à l’origine de son diagnostic de TSPT. Les deux incidents impliquaient de la violence envers une personne, soit un homicide et un suicide. Les deux incidents étaient extrêmement tragiques et sans aucun doute stressants et traumatisants pour toutes les personnes concernées.

[200]  Le membre visé a exprimé des remords et des regrets pour ses actions. Il a présenté des excuses qui semblaient sincères, affirmant qu’il éprouvait de la colère, car il était déçu de lui-même et il avait déçu sa fille, sa famille, ses pairs et ses collègues de sa veille, au détachement et dans l’ensemble de la GRC.

[201]  Lors du contre-interrogatoire, le membre visé s’est fait questionner sur une précédente affaire disciplinaire pour laquelle il a reçu une réprimande le 5 janvier 2010. Il a reconnu que l’affaire était liée à l’utilisation des bases de données de la GRC pour faire des vérifications sur le petit ami d’une femme qu’il fréquentait également à l’époque.

[202]  Le membre visé a également été questionné sur une affaire qui impliquerait l’envoi excessif de messages textes à une autre gardienne de cellule. Le membre visé a nié avoir envoyé une quantité excessive de messages textes à la gardienne de cellule, affirmant que c’est elle qui lui envoyait des messages. Il a également nié que le sergent F lui a parlé de l’affaire. Il a clairement admis avoir envoyé des excuses à sergent d’état-major G à propos de sa communication avec la gardienne de cellule.

[203]  En ce qui concerne sa participation à l’enquête dans cette affaire, le membre visé a affirmé que les enquêteurs ne lui ont jamais demandé de subir une entrevue officielle; cependant, on lui a demandé de fournir une déclaration. Après avoir consulté son conseiller juridique, il a décidé de suivre ses conseils et de ne pas fournir de déclaration.

[204]  Le membre visé a reconnu ne pas avoir présenté d’excuses à Mme A, car on lui a ordonné de « garder ses distances ».

[205]  Dans ses éléments de preuve redirigés, le membre visé a nié s’être excusé auprès du sergent d’état-major G. Il a affirmé plutôt avoir présenté des excuses à l’inspecteur H, non pour avoir envoyé une quantité excessive de messages textes à la gardienne de cellule, mais plutôt au cas où son comportement espiègle et enjoué dans le bloc cellulaire aurait offensé quelqu’un ou rendu quelqu’un mal à l’aise.

[206]  Le membre visé a également fourni volontairement un compte rendu plus détaillé des circonstances entourant la réprimande. Il a affirmé que Mme I, une préposée aux télécommunications avec la GRC, un autre homme (M. J) et lui avaient été impliqués dans un « triangle toxique ». Il a affirmé que Mme I passait de l’un à l’autre entre M. J et lui. À un moment donné, Mme I lui a dit qu’elle soupçonnait que M. J était un membre ou un associé d’un groupe criminel organisé bien connu. Il a donc fait des recherches dans divers systèmes informatiques pendant une certaine période. Il a affirmé que les recherches ont été effectuées en raison de la valeur professionnelle potentielle de l’information, si les soupçons de Mme I étaient fondés. Pour une raison quelconque, la direction a été mise au courant de ces recherches. L’Unité des normes professionnelles a mené une enquête à ce sujet et des mesures disciplinaires ont été imposées.

[207]  Puisque le membre visé a abordé la question, le rapport d’enquête lié à cette autre affaire en lien avec le Code de déontologie a été admis en preuve sans que le représentant du membre n’émette d’objection afin de fournir au Comité de déontologie le contexte du témoignage du membre visé.

Rapport d’enquête lié à l’affaire disciplinaire précédente

[208]  L’affaire a débuté lorsque Mme I s’est plainte à son délégué syndical que le membre visé la harcelait. Même si la déclaration obtenue auprès de Mme I n’a pas fourni d’éléments de preuve de harcèlement, elle a fourni la preuve que la relation personnelle entre elle et le membre visé se détériorait. Mme I a formulé des commentaires qui ont suscité d’autres préoccupations quant aux actions du membre visé.

[209]  Mme I a indiqué que sa relation avec le membre visé s’est mal terminée en septembre 2008 lorsque Mme I a rencontré l’épouse du membre visé. Malgré tout, ils ont maintenu une relation, mais ils n’étaient pas « ensemble ». Elle a commencé sa relation avec M. J en novembre 2008. Peu après, le membre visé a dit à Mme I de l’information sur M. J qu’elle n’avait pas transmis à qui que ce soit.

[210]  L’enquête relative au Code de déontologie a révélé que le membre visé avait bel et bien eu recours à diverses bases de données pour faire des vérifications sur M. J. Par conséquent, sa conduite a été jugée scandaleuse aux termes du paragraphe 39(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 1988, DORS/88-361. La réprimande notée était la mesure disciplinaire imposée à la suite de cette enquête.

[211]  Même si le membre visé a été réprimandé pour la mauvaise utilisation des bases de données policières, un tout autre contexte de cette affaire a été relaté dans le rapport d’enquête. Après avoir divulgué des renseignements personnels sur le petit ami, le membre visé a commencé à envoyer, sur une période d’un mois, trois ou quatre messages textes par jour indiquant qu’il souhaitait continuer une relation avec elle. Au début, elle répondait de façon amicale, mais elle a finalement été obligée de demander au membre visé d’arrêter, car cela avait une incidence sur sa relation avec son petit ami.

[212]  Le contact entre le membre visé et Mme I n’a pas complètement cessé. Au travail le membre visé invitait Mme I à le rejoindre dans l’aire pour fumeurs du détachement. Ces invitations se produisaient deux ou trois fois par « bloc » sans incident jusqu’à ce que tout explose un jour. Le membre visé a commencé à « parler en code » et a accusé Mme I d’avoir des relations sexuelles avec deux autres membres de la GRC. Le membre visé aurait confronté la fiancée de l’un de ces membres à propos de ses soupçons. Cela a causé des problèmes. La situation a évolué au point où le membre visé a commencé à parler de suicide.

Plainte d’envoi excessif de messages textes à une autre gardienne

[213]  Les déclarations du sergent d’état-major G, du sergent F et de Mme K ont été incluses dans la documentation originale relative à l’enquête. Cependant, elles avaient été grandement caviardées, car le représentant du membre craignait la nature potentiellement préjudiciable de ces déclarations durant la phase d’allégation de la procédure. Des versions non caviardées ont été transmises au Comité de déontologie durant la phase des mesures disciplinaires de la procédure. Ces déclarations ont permis de mieux éclairer le témoignage du membre visé. Le représentant du membre n’a pas pris position sur le fait que le Comité de déontologie avait accès aux déclarations durant la phase des mesures disciplinaires de l’audience.

[214]  Il est clair que cette affaire n’a jamais fait l’objet d’une enquête relative au Code de déontologie, mais qu’elle avait plutôt été gérée de façon informelle. Le sergent d’état-major G, le sergent F et Mme K n’ont pas témoigné lors de l’audience disciplinaire. Le Comité de déontologie ne possède que leurs déclarations et les notes manuscrites du sergent d’état-major G. Même si le membre visé s’est fait poser des questions sur cet incident lors du contre-interrogatoire, il n’a pas été questionné directement sur les trois déclarations. Ces déclarations brossent un tableau fort différent de celui que le membre visé a présenté lors de son bref témoignage à cet égard et il s’en dégage une étonnante similitude avec l’affaire qui nous occupe.

[215]  Dans sa déclaration, Mme K a affirmé avoir reçu un nombre excessif de messages textes de la part du membre visé. Elle a également parlé du comportement du membre visé au travail, qu’elle a décrit comme n’étant pas professionnel. Par exemple, le membre visé l’agrippait, l’enlaçait, l’embrassait sur le dessus de la tête ou sentait ses cheveux. Il lui disait constamment qu’elle allait céder et nouer une relation avec lui. Il affirmait qu’ils allaient se marier et avoir trois enfants. Il l’appelait fréquemment par le sobriquet qu’il lui avait donné. Elle ne voulait pas lui causer des problèmes en portant plainte, mais d’autres personnes ont commencé à parler et à faire des commentaires à propos d’une relation entre eux. Cela l’a incité à parler à ses « supérieurs ». Le gestionnaire du bloc cellulaire de la Ville de B s’en est mêlé et le membre visé a soudainement cessé de lui envoyer des messages. Elle a également affirmé que si elle ne répondait pas à un message, son téléphone ne cessait de lui indiquer des messages entrants.

[216]  Dans sa déclaration, le sergent F a affirmé que Mme K lui a dit recevoir un nombre excessif de messages textes et d’appels du membre visé. Elle lui a dit qu’en raison de la fréquence des messages textes et des appels, elle avait des troubles de sommeil. En réponse, il a eu une très brève conversation avec le membre visé et lui a dit d’arrêter. Le membre visé était très brusque, mais a accepté d’arrêter. Le sergent F a fourni l’heure et la date de cette conversation (25 avril 2014 à 11 h 40). Le sergent F a signalé la situation au sergent d’état-major G.

[217]  Un élément qui a donné des frissons est le fait que le sergent F a affirmé, dans sa déclaration, que Mme K lui avait dit que le membre visé la surveillait sur les moniteurs vidéo lors des changements de quart. Elle avait cette impression, car à l’occasion, alors qu’elle arrivait au travail par la porte arrière, le membre visé se trouvait par hasard à la porte en même temps alors qu’il quittait le travail.

[218]  Dans sa déclaration, le sergent d’état-major G a indiqué que, en avril 2013 (possiblement le 25 avril 2013), le gestionnaire du bloc cellulaire de la Ville de B lui a dit qu’elle avait reçu une plainte selon laquelle le membre visé envoyait un nombre excessif de messages textes à Mme K et que ces messages textes commençaient à déranger cette dernière. Il savait que le sergent F avait eu une conversation avec le membre visé et qu’il avait demandé au membre visé d’arrêter. Il était satisfait des mesures prises par le sergent F, mais a tout de même avisé son surintendant, car il était au courant d’un incident précédent impliquant le membre visé et une personne travaillant dans la salle des radios.

[219]  Le gestionnaire du bloc cellulaire de la Ville de B l’a également informé qu’une autre gardienne de cellule avait porté une plainte similaire. Cette plainte n’avait eu aucune suite.

[220]  Le sergent d’état-major G croit avoir reçu des excuses de la part du membre visé près d’une semaine après cet incident. Il n’a pas été informé de tout autre incident par la suite.

VIII. OBSERVATIONS SUR LES MESURES DISCIPLINAIRES

Représentant de l’autorité disciplinaire

[221]  La mesure disciplinaire que souhaitait l’autorité disciplinaire, à imposer pour les deux allégations, consistait à donner au membre visé l’ordre de démissionner de la Gendarmerie.

[222]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a reconnu le bon rendement du membre visé ainsi que ses diverses citations pour bravoure, mais a indiqué que le comportement du membre visé dans ce cas en particulier ne correspond pas aux valeurs fondamentales de la GRC et son engagement à offrir un milieu de travail sécuritaire et respectueux à ses employés. Il a donc affirmé qu’un message clair devait être envoyé, soit que la GRC ne tolérera aucune inconduite en milieu de travail.

[223]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a relevé de nombreux facteurs aggravants qui lui semblent convaincants. Il s’agit notamment des éléments suivants :

  • Le membre visé est un sous-officier supérieur.

  • Il ne s’agit pas d’un simple manque de jugement, mais plutôt d’une conduite inappropriée qui s’est répétée pendant plusieurs mois.

  • Les actes du membre visé ont eu un effet néfaste sur Mme A personnellement.

  • Les actes du membre visé ont également eu un effet néfaste sur l’organisation, y compris sa relation avec la Ville de B, un partenaire contractuel et le détachement de B en ce qui concerne une perturbation de la prestation des services dans le bloc cellulaire.

  • Ces incidents se sont déroulés dans des endroits où le risque de se faire prendre en flagrant délit était élevé, ce qui démontre un manque de respect envers ses collègues de travail.

  • Le membre visé était en uniforme lors des cinq incidents.

  • Le membre visé avait déjà fait l’objet d’une mesure disciplinaire informelle sous forme de réprimande.

  • Le membre visé a été impliqué dans une autre affaire très similaire, qui avait été réglée de façon informelle.

[224]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a également mis en relief plusieurs facteurs atténuants, notamment :

  • Le membre visé a exprimé des remords et a présenté ses excuses pour ses actes.

  • Le membre visé a collaboré à l’enquête dans cette affaire en fournissant une déclaration qu’il a préparée quelques mois après le début de l’enquête. Même si cette coopération devrait être prise en considération, on ne devrait pas lui accorder autant d’importance que si le membre avait fourni un compte rendu complet de ses actes dès le début de l’enquête.

  • Même s’il était loisible au membre visé d’exercer ses droits et de contester cette affaire, le résultat n’est différent que si un membre assume simplement la responsabilité de ses actes, car, dans le cas d’une audience contestée, les aveux du membre visé sont qualifiés.

[225]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a conclu ses observations en affirmant que la gravité de l’inconduite dans le cas qui nous occupe équivaut à la résiliation du contrat de travail. Les facteurs aggravants l’emportent sur les facteurs atténuants. Par conséquent, ce cas correspond carrément à un congédiement.

[226]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a soumis les trois décisions suivantes rendues par un comité d’arbitrage de la GRC afin que le Comité de déontologie puisse les prendre en considération :

  • Officier compétent de la Division K c. Ray, 10 D.A. (4e) 237

L’affaire comportait sept allégations de conduite scandaleuse. Quatre de ces allégations impliquaient des rapports sexuels inappropriés au travail. Le degree et la durée de ces rapports variaient. Le Comité a souligné que sans une recommandation conjointe des parties, le membre visé aurait été congédié. Une grande déférence a été accordée à la recommandation conjointe et, par conséquent, les sanctions imposées incluaient une réprimande, la confiscation de dix jours de solde, une rétrogradation, une recommandation en vue d’une mutation et une recommandation pour des services de counseling continu.

  • Officier compétent de la Division K c. Cooke, 15 D.A. (4e) 475

L’avis d’audience disciplinaire inclut deux allégations de conduite scandaleuse en lien avec le membre visé qui aurait forcé une prisonnière à lui faire une fellation en allant la reconduire chez elle après sa remise en liberté. Le membre visé a reçu l’ordre de démissionner dans les 14 jours suivants la conclusion que les allégations étaient fondées.

  • Officier compétent de la Division K c. Cardinal, 17 D.A. (4e) 111

Trois allégations d’inconduite sexuelle au travail et une allégation d’inconduite sexuelle lors d’une fonction liée au travail en dehors des heures de travail étaient fondées. Les allégations ont impliqué trois collègues de sexe féminin sur une période de dix-huit mois. La récente mesure disciplinaire connexe prise à l’endroit du membre visé s’est avérée un sérieux facteur aggravant pour les sanctions. Le membre visé a reçu l’ordre de démissionner dans les 14 jours, sans quoi il serait congédié.

[227]  En réponse à la déclaration du représentant du membre, le représentant de l’autorité disciplinaire m’a averti que le fait de simplement accepter les sanctions imposées par un comité d’arbitrage dans des décisions découlant d’une recommandation conjointe au sujet des sanctions. Il a souligné que, dans les cas n’ayant pas entraîné un congédiement, la sanction découlait habituellement d’un compromis entre les deux parties. Peu d’importance devrait donc être accordée à ces cas. Il m’a également averti à propos de l’âge des certains des cas présentés par le représentant du membre, soulignant que certains d’entre eux visaient des affaires qui s’étaient produites en 1999 et en 2000.

[228]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé qu’il ne croyait pas que le Comité de déontologie devrait envisager le report de cette procédure et a fourni bon nombre des raisons présentées au Comité de déontologie original dans la requête pour abus de procédure.

[229]  Enfin, selon le représentant de l’autorité disciplinaire, les deux facteurs importants justifiant le congédiement ou l’ordre de démissionner dans ce cas étaient le rapport de force inégal entre les parties et le fait que les actes sexuels n’étaient pas désirés.

Représentant du membre

[230]  Le représentant du membre a convenu que les affaires devant le Comité de déontologie étaient sérieuses et que le congédiement faisait partie des mesures possibles. Il a toutefois affirmé que la mesure appropriée ne comprenait pas le congédiement. Il a souligné que de précédents comités d’arbitrage avaient adopté une position ferme contre un comportement sexuel inapproprié, mais leurs décisions n’ont pas toutes mené au congédiement. Selon lui, de telles mesures disciplinaires nécessitaient d’importants facteurs aggravants.

[231]  Le représentant du membre a présenté les six décisions suivantes rendues par un comité d’arbitrage de la GRC afin que le Comité de déontologie puisse les prendre en considération :

  • Officier compétent de la Division K c. Cruchley, 7 D.A. (4e) 63

Le membre visé faisait face à deux allégations pour ses activités dans un bar en dehors du travail. Il a consommé une quantité excessive d’alcool et a touché deux collègues de sexe féminin de façon inappropriée. Le membre visé a admis les deux allégations. Il a reçu deux condamnations au criminel. Le Comité lui a remis deux réprimandes écrites et a confisqué un total de 11 jours de solde.

  • Officier compétent de la Division QG c. Marquis, 9 D.A. (4e) 351

L’avis d’audience disciplinaire contenait deux allégations, une pour une relation sexuelle inappropriée avec une subalterne et une autre pour des avances inappropriées à une subalterne. Le Comité a reconnu les nombreuses années de service exemplaire du membre et le fait qu’il n’avait pas d’antécédents disciplinaires. Le facteur atténuant le plus convaincant était que, immédiatement après le deuxième incident, le membre a lui-même signalé l’incident, sans quoi la GRC n’aurait pas été mise au courant de l’incident. Les parties ont présenté une recommandation conjointe de sanctions, soit une réprimande écrite et la confiscation de trois jours de solde pour la première allégation et une réprimande écrite et la confiscation de cinq jours de solde pour la deuxième allégation.

  • Officier compétent de la Division K c. Ray, 10 D.A. (4e) 237

Il s’agit du cas abordé par le représentant de l’autorité disciplinaire.

  • Officier compétent de la Division E c. Pearson, 11 D.A. (4e) 327

L’avis d’audience disciplinaire visait, à l’origine, deux membres pour avoir eu des relations sexuelles ensemble dans un véhicule de police et pour avoir utilisé de l’équipement de la GRC de façon inappropriée. Lors de l’audience, l’avis a été séparé. Le membre visé a reconnu que la relation était inappropriée même si elle était consensuelle. Il a reçu une réprimande écrite, une confiscation de dix jours de solde et une recommandation pour des services de counseling continu.

  • Officier compétent de la Division C c. Lebrasseur, 14 D.A. (4e) 520

Trois contraventions au Code de déontologie ont été établies à l’endroit de ce membre à la suite d’une audience contestée. À trois occasions distinctes, elle a agi de façon scandaleuse à l’endroit de son superviseur immédiat. Dans un cas, elle est entrée dans le vestiaire alors qu’il prenait sa douche, a ouvert le rideau de douche et lui a touché le dos. Dans un autre cas, elle lui a touché les parties génitales lors de la prise d’une photo de groupe. Enfin, elle a agrippé ses parties génitales lors d’une fonction officielle regroupant des dignitaires étrangers, des membres d’autres services de police partenaires et des membres de la GRC. Une recommandation conjointe de sanctions a été acceptée et le Comité a imposé une réprimande et la confiscation de dix jours de solde pour chaque allégation pour une confiscation totale de dix jours de solde.

  • Officier compétent de la Division J c. Heon, 29 D.A. (3e) 1

Cette affaire impliquait trois allégations d’attouchements inappropriés de deux femmes différentes et la consommation d’alcool dans un véhicule automobile. Alors qu’il n’était pas en service, le membre visé est devenu très intoxiqué. Il a touché de façon inappropriée la femme d’un subalterne ainsi qu’une autre femme alors qu’il dansait avec elle. À la suite d’une recommandation conjointe de sanctions, le membre visé a reçu une réprimande écrite et ainsi que la confiscation de dix jours de solde pour chacune des trois allégations.

[232]  Le représentant du membre a souligné plusieurs facteurs atténuants, notamment :

  • Le temps qu’il a fallu pour rendre la décision a imposé un stress et des difficultés excessives au membre visé.

  • Le membre visé a accepté la responsabilité de ce qu’il pense avoir fait. Il s’est excusé et a exprimé des remords.

  • Le membre visé a un très bon dossier de travail et a démontré une compétence, un dévouement et un engagement envers la GRC.

  • Le membre visé souffre d’un TSPT découlant de son service. Il a exprimé son engagement à poursuivre son traitement.

  • Le membre visé a fait des efforts considérables sur le plan académique pour s’améliorer.

  • Même s’il ne s’agit pas d’un incident ponctuel, il est clair que le membre visé a fait preuve d’un grand manque de jugement. Il comprend la gravité de ses gestes et assure le Comité de déontologie que cela ne se reproduira pas.

  • Il a collaboré avec les enquêteurs en fournissant volontairement son téléphone cellulaire et son mot de passe et en présentant une déclaration.

[233]  Le représentant du membre a rappelé au Comité de déontologie que le système de déontologie se veut réhabilitant et correctif et non punitif. Il a ajouté que le but de l’effet dissuasif général et spécifique peut être accompli, dans ce cas, en prenant des mesures autres que le congédiement, y compris une pénalité financière élevée, une rétrogradation, un transfert, une recommandation pour des services de counseling continu ou une réprimande.

IX. DÉCISION SUR LES MESURES DISCIPLINAIRES

[234]  Lorsque des contraventions au Code de déontologie sont établies, je dois, aux termes du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, prendre l’une des mesures disciplinaires suivantes :

a. recommander que le membre soit congédié de la Gendarmerie, s’il est sous- commissionnaire, ou, s’il ne l’est pas, le congédier de la Gendarmerie;

b. ordonner au membre de démissionner de la Gendarmerie, et si ce dernier ne s’exécute pas dans les 14 jours suivants, recommander son congédiement de la Gendarmerie, s’il est sous-commissaire, ou, s’il ne l’est pas, le congédier de la Gendarmerie;

c. imposer une ou plusieurs des mesures disciplinaires prévues dans les règles.

[235]  Selon le paragraphe 24(2) des CC (déontologie), « le Comité de déontologie impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au Code de déontologie ».

[236]  L’annexe du chapitre XII.I du Manuel d’administration dresse une liste exhaustive des facteurs atténuants et aggravants que l’autorité disciplinaire ou le Comité de déontologie peut prendre en considération au moment d’imposer des mesures disciplinaires. Les parties ont abordé bon nombre de ces facteurs dans leurs observations.

Crédibilité des témoins

[237]  Les parties ont mis l’accent sur la fiabilité et la crédibilité de deux principaux témoins, Mme A et le membre visé, lors de la phase d’allégation de l’audience. Mais, comme je l’ai déjà mentionné, je crois qu’il s’agit d’un enjeu essentiel dans cette phase de l’audience disciplinaire. Leur témoignage porte en quelque sorte sur la question à savoir si le membre visé était en position d’autorité et est directement lié à la question à savoir si la relation sexuelle entre le membre visé et Mme A était consensuelle.

[238]  La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt McDougall, a permis de mieux comprendre l’évaluation de la crédibilité d’un témoin dans le passage suivant :

Toutefois, au civil, lorsque les témoignages sont contradictoires, le juge est appelé à se prononcer sur la véracité du fait allégué selon la prépondérance des probabilités. S’il tient compte de tous les éléments de preuve, sa conclusion que le témoignage d’une partie est crédible peut fort bien être décisive, ce témoignage étant incompatible avec celui de l’autre partie. Aussi, croire une partie suppose explicitement ou non que l’on ne croit pas l’autre sur le point important en litige. C’est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, le demandeur formule des allégations que le défendeur nie en bloc. La démarche préconisée dans l’arrêt W. (D.) ne convient pas pour évaluer la preuve au regard de la prépondérance des probabilités dans une instance civile.

[239]  Dans ce cas, les histoires des deux témoins sont plausibles. Les deux témoins semblaient présenter un témoignage franc. Je souligne que, tout au long de son témoignage, le membre visé a choisi ses mots très soigneusement. Il avait tendance à minimiser son implication lorsque la situation ne l’avantageait pas. Le récit de son implication dans les questions disciplinaires précédentes et la plainte d’une autre gardienne concernant l’envoi d’une quantité excessive de messages textes en sont de bons exemples. Même s’il y a des incohérences entre leurs déclarations et leurs témoignages oraux, ces incohérences sont relativement mineures, visent des questions accessoires ou peuvent être raisonnablement expliquées en tenant compte d’autres éléments de preuve.

[240]  J’analyserai d’abord la question à savoir si le membre visé était en position d’autorité sur Mme A, car la crédibilité des deux principaux témoins est beaucoup moins importante à cet égard.

Le membre visé était-il en position d’autorité?

Politique et procédures pertinentes

[241]  Les dispositions de trois politiques ou procédures sont pertinentes dans le cadre de cette décision. Même s’il s’agit de politiques ou procédures distinctes, les trois sont interreliées. Il s’agit des politiques ou procédures suivantes :

  1. La politique sur les conflits d’intérêts de la GRC qui se trouve dans le Manuel d’administration, section XVII.1;
  2. La section 1.3.2.2 du Manuel de l’administration de la GRC sur les « fonctions et responsabilités »;
  3. Les POR du bloc cellulaire de B.

[242]  La politique sur les conflits d’intérêts de la GRC se trouve dans le Manuel d’administration, section XVII.1. La politique énoncée dans la section XVII.1.1.10 du Manuel d’administration porte tout particulièrement sur les relations interpersonnelles au travail. La section vise à gérer les conflits d’intérêts, d’assurer la confiance du public et de l’employé en l’intégrité et la direction de la GRC, d’offrir un milieu de travail sécuritaire et respectueux, de protéger les employés contre l’abus d’autorité ou le harcèlement, et d’appuyer les activités et l’efficacité opérationnelles de la GRC.

[243]  Une relation interpersonnelle au travail à signaler est une relation ou une liaison sexuelle ou amoureuse entre un superviseur et un subalterne qui relève de ce dernier dans le cadre de l’étendue régulière, spéciale ou temporaire des responsabilités ou du contrôle du superviseur, ou une personne en position d’autorité et un autre employé.

[244]  La politique définit une personne en position d’autorité comme étant une personne qui a la capacité, l’autorisation ou la responsabilité réelle ou apparente, que ce soit à temps plein ou de façon temporaire, de diriger, de surveiller, d’évaluer ou d’influencer le travail, le milieu de travail ou la carrière d’un employé. La politique dresse une liste non exhaustive de fonctions, mais aucune d’entre elles ne s’applique en l’espèce.

[245]  La politique énonce également que les employés bénévoles, auxiliaires, provinciaux et municipaux doivent respecter l’esprit de la présente directive dans l’exercice de leurs fonctions et de leurs activités pour la GRC. Le fait que les employés municipaux doivent respecter l’esprit de la politique plutôt que de s’y conformer indique clairement qu’il existe une distinction entre les employés municipaux et ceux de la GRC en ce qui concerne la capacité de la GRC d’exiger que les employés municipaux respectent ses politiques.

[246]  La seule disposition de la politique pertinente liée aux « fonctions et responsabilités » se trouve à la section 1.3.2.2 du Manuel d’administration 1.3.2.2, qui énonce ce qui suit :

Sauf indication contraire, l’employé en service qui possède le grade ou le niveau le plus élevé sera responsable de l’exécution d’une fonction ou d’une tâche avec d’autres employés, ou lorsque l’employé responsable d’une équipe ou d’une opération est indisposé.

[247]  Les POR du bloc cellulaire du détachement de B, à la page 39, énoncent les fonctions du sergent du bloc cellulaire à la section F.3. Voici les dispositions pertinentes de ces procédures opérationnelles réglementaires :

F.3.a. Le sergent du bloc cellulaire est responsable du bloc cellulaire en tout temps et doit s’assurer que les membres et les gardiens respectent toutes les politiques et procédures.

[…]

F.3.d. Assurer la supervision de toutes les activités dans le bloc cellulaire et offrir une orientation aux employés du bloc cellulaire.

Application de la politique et des procédures pertinentes

[248]  Dans ses observations sur les allégations, le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé qu’il n’était pas nécessaire de conclure que le membre visé était le superviseur immédiat de Mme A ou que Mme A avait un lien hiérarchique direct avec le membre visé pour conclure que le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A. Je suis d’accord.

[249]  D’abord, une personne en position d’autorité doit avoir la capacité, l’autorisation ou la responsabilité, réelle ou apparente, de diriger, de surveiller, d’évaluer ou d’influencer le travail, le milieu de travail ou la carrière d’un employé. Même si l’environnement syndical dans le bloc cellulaire limite l’autorité du sergent du bloc cellulaire, ensemble, le Manuel d’administration et la section 3.F.a. des POR du bloc cellulaire de B accordent clairement au sergent du bloc cellulaire un haut degré d’autorité sur les opérations quotidiennes du bloc cellulaire.

[250]  Dans la décision que j’ai présentée de vive voix lors de l’audience disciplinaire, j’ai affirmé que les dispositions du Manuel d’administration intitulées « Fonctions et responsabilités » appuient les dispositions figurant à la section F.3.a des POR du bloc cellulaire de B. Cependant, après un examen minutieux de la documentation, j’ai un peu changé d’idée à cet égard. Je crois que l’inverse est une meilleure façon de voir l’interaction entre les deux, car la politique nationale figurant dans le Manuel d’administration l’emporterait sur les procédures opérationnelles réglementaires d’un détachement.

[251]  Tel qu’il est mentionné précédemment, la section 1.3.2.2 du Manuel d’administration indique clairement l’employé qui possède le grade ou le niveau le plus élevé est responsable de l’exécution d’une fonction ou d’une tâche avec d’autres employés. À mon avis, l’utilisation du terme « employé » plutôt que « membre » ou même « employé de la GRC » justifie une interprétation plus large de la politique pour inclure les employés municipaux qui travaillent avec la GRC en vertu d’accords contractuels.

[252]  La section F.3.a. des POR du bloc cellulaire de B correspond aux dispositions du Manuel d’administration en plaçant le sergent du bloc cellulaire, le seul sous-officier supérieur, comme étant la personne responsable du bloc cellulaire en tout temps. Ces mots sont sans équivoque. L’utilisation de l’expression « membres et gardiens » appuie l’interprétation plus large de la politique énoncée dans le Manuel d’administration que j’ai suggérée.

[253]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a demandé au sergent d’état-major E, au cours du témoignage de ce dernier, comment il a concilié le fait que le sergent du bloc cellulaire n’avait aucune autorité sur les gardiens de cellule compte tenu des « règles syndicales » avec les POR du bloc cellulaire de B qui indiquent que le sergent du bloc cellulaire est responsable du bloc cellulaire en tout temps. Le sergent d’état-major E a répondu « Je suis confus… » Très franchement, je suis également confus avec sa position. Je ne trouve pas que la position du sergent d’état-major E est convaincante. Elle n’a tout simplement pas de sens pour plusieurs raisons.

[254]  Premièrement, une grande partie de ce que le sergent d’état-major E a abordé en termes de partage des responsabilités visait des questions de nature plus administrative et non directement l’exécution des tâches opérationnelles quotidiennes dans le bloc cellulaire. Je ne suis pas en désaccord avec son point de vue sur l’attribution des différentes tâches et leur fonctionnement, mais le niveau qu’il a abordé se situe une couche au-dessus de l’équipe du bloc cellulaire en termes de hiérarchie organisationnelle.

[255]  Deuxièmement, si les règles syndicales sont aussi claires que le sergent d’état-major E le suggère, je crois sincèrement que les POR du bloc cellulaire de B refléteraient ces règles et ne laisseraient pas aux employés qui travaillent dans le bloc cellulaire le soin de régler eux-mêmes les « détails du libellé ».

[256]  Troisièmement, une grande partie du témoignage portant sur le fonctionnement du bloc cellulaire portait sur le concept « d’équipe » regroupant les membres réguliers de la GRC et les gardiens de cellule employés par la Ville de B. Je n’arrive pas à comprendre comment une « équipe » qui est opérationnelle 24 heures sur 24 pourrait fonctionner efficacement tout en étant totalement divisée par deux ensembles de règles, soit les règles de la GRC et celle du syndicat, en se reposant uniquement sur des superviseurs dont le travail est effectué presque exclusivement pendant la journée, du lundi au vendredi, pour concilier ces questions, comme l’a suggéré le sergent d’état- major E.

[257]  À mon avis, la position la plus défendable est celle offerte par le sergent d’état-major D. Il ressort clairement des témoignages des sergents d’état-major E et D que l’agent des opérations de la GRC et le gestionnaire du bloc cellulaire de B, qui travaillait durant la journée, du lundi au vendredi, géraient les questions de haut niveau liées à ce qu’on peut désigner conne des questions de ressources humaines, notamment la dotation, l’établissement des horaires, les évaluations annuelles du rendement et la gestion du rendement, y compris les problèmes de rendement graves ou récurrents et les mesures disciplinaires des employés relevant directement d’eux. C’est tout à fait logique. Cependant, quelqu’un doit être responsable du fonctionnement opérationnel quotidien du bloc cellulaire, qui fonctionne en tout temps. La section I.3.2.2 du Manuel d’administration et les POR du bloc cellulaire de B indiquent clairement que cette personne est le sergent du bloc cellulaire de la GRC.

[258]  Même s’ils ne s’entendaient pas sur le niveau d’autorité, tous les témoins, y compris les sergents d’état-major D et E, les gendarmes de cellule, Mme A et le membre visé, ont affirmé que le sergent du bloc cellulaire avait un certain degré d’autorité sur les gardiens de cellule. La plupart des témoins ont affirmé que la section F.3.a. des POR du bloc cellulaire de B représente la réalité quotidienne au sein du bloc cellulaire.

[259]  Ces dispositions sont suffisamment claires pour appuyer la position que le membre visé, en tant que sergent du bloc cellulaire, employé supérieur de la GRC et seul sous-officier travaillant directement dans le bloc cellulaire, avait la capacité, l’autorisation ou la responsabilité réelle de diriger, de surveiller, d’évaluer ou d’influencer le travail, le milieu de travail ou la carrière d’un employé. À tout le moins, une personne ayant lu ces dispositions pourrait raisonnablement penser que le sergent du bloc cellulaire avait la capacité, l’autorisation ou la responsabilité de diriger, de surveiller, d’évaluer ou d’influencer le travail, le milieu de travail ou la carrière d’un employé. Toutefois, il ressort également clairement du témoignage des témoins que la capacité, l’autorisation ou la responsabilité du sergent du bloc cellulaire de diriger, de surveiller, d’évaluer ou d’influencer le travail, le milieu de travail ou la carrière d’un employé était tempérée par le milieu syndiqué. Cependant, cela ne signifie pas que le sergent du bloc cellulaire n’était pas en position d’autorité par rapport à Mme A, car tout ce que la politique indique, c’est que la personne doit avoir, à tout le moins, la capacité d’influencer le travail, le mileu de travail ou la carrière d’un employé. Le seuil est relativement faible.

[260]  Le dossier contient un nombre important d’éléments de preuve qui démontrent que le membre visé avait une influence considérable sur le travail et le milieu de travail des gardiens de cellule. L’extrait suivant, tiré de son évaluation de rendement de 2013-2014, le démontre clairement :

[…] [Le membre visé] recherche constamment des façons d’améliorer l’efficacité de la gestion et du traitement des prisonniers afin que les membres puissent retourner sur la route le plus rapidement possible. L’une des procédures qu’il a mises en place consistait à demander aux membres d’appeler pendant leur trajet en direction du bloc cellulaire, pour transmettre l’information sur le prisonnier et le numéro de dossier. Le personnel du bloc cellulaire pouvait ainsi commencer le processus de mise en détention avant même l’arrivée du membre. [Le membre visé] est même allé jusqu’à communiquer avec les superviseurs d’autres organismes qui apportent des prisonniers au bloc cellulaire du détachement de [B] pour leur expliquer cette procédure tant verbalement que par écrit, soulignant les avantages de cette méthode et le temps gagné par leurs employés. Les organismes ont ainsi adopté cette méthode et sont satisfaits du succès obtenu, car leurs employés peuvent retourner plus rapidement sur la route. [Traduction libre]

[261]  Mme A a affirmé que, après son transfert dans la veille D, elle a communiqué avec le membre visé pour obtenir des conseils, car la veille éprouvait des difficultés. Elle a attribué ces difficultés au sergent du bloc cellulaire de cette veille, qu’elle a qualifié de faible. Le membre visé n’a démenti l’information. Le fait que l’équipe du bloc cellulaire puisse avoir de la difficulté en raison du manque d’efficacité du sergent du bloc cellulaire en dit long sur l’importance de ce poste et sur la personne qui l’occupe pour le bon fonctionnement de la veille. D’autres témoins, y compris une personne qui a remis des lettres de recommandation pour le membre visé, ont parlé de l’influence positive des compétences et des capacités du membre visé sur le fonctionnement du bloc cellulaire de sa veille. Le sergent du bloc cellulaire a donc clairement de l’influence sur la veille dans le bloc cellulaire.

[262]  Le sergent d’état-major E a affirmé que, même si on ne lui avait jamais demandé de fournir de commentaires lors de l’évaluation annuelle d’un gardien de cellule, le sergent du bloc cellulaire était très bien placé pour observer le rendement d’un gardien de cellule au quotidien. De toute évidence, si le sergent du bloc cellulaire s’était plaint à maintes reprises du rendement d’un gardien de cellule au chef d’équipe ou au sous-officier responsable des opérations de la GRC, que les plaintes soient justifiées ou non, il est fort probable que cela aurait eu une incidence sur l’évaluation du rendement d’un gardien de cellule et potentiellement sur sa carrière. Ainsi, même si le gestionnaire du bloc cellulaire de la Ville de B peut être responsable de la préparation de l’évaluation annuelle d’un gardien de cellule ou du traitement des questions disciplinaires, le sergent du bloc cellulaire a certainement de l’influence, je crois même une influence considérable, sur l’évaluation du rendement ou sur les mesures disciplinaires.

[263]  À la lumière de ce qui précède, je crois que le membre visé avait la capacité, l’autorisation ou la responsabilité réelle de diriger et d’influencer le travail, le milieu de travail ou la carrière de Mme A et qu’il était donc en position d’autorité sur elle.

Nature de la relation entre le membre visé et Mme A

[264]  Même si ma conclusion que le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A a une influence sur la nature consensuelle de la relation entre le membre visé et Mme A, elle n’est pas entièrement déterminante sur cette question. Par conséquent, c’est en lien avec cette question que la crédibilité des principaux témoins entre en jeu compte tenu des positions divergentes des parties.

[265]  Le membre visé a admis avoir eu une relation sexuelle inappropriée avec Mme A. Cependant, il affirmait que c’était Mme A qui, à l’exception de la première rencontre fortuite dans la cuisine, était l’instigatrice de toutes les actions ayant mené aux rapports sexuels faisant l’objet des deux allégations portées contre lui. Elle n’était donc pas qu’une simple partenaire pleinement consentante, mais a plutôt a poursuivi la relation avec ardeur. Il a même suggéré que la seule raison pour laquelle Mme A est allée parler au sergent C après leur rencontre dans la cage d’escalier, le 10 octobre 2014, n’était pas pour éviter tout autre incident, mais plutôt parce qu’elle était embarrassée d’avoir été rejetée par le membre visé, lorsque’il s’est simplement éloigné d’elle dans la cage d’escalier.

[266]  Le membre visé a souligné que, dans son témoignage, il a nié catégoriquement l’allégation au moment de son arrestation et que son démenti est consigné dans la transcription son arrestation, le 10 octobre 2014. La transcription reflète bien son démenti, mais celui-ci portait plutôt sur le fait qu’il avait agressé sexuellement Mme A. Il a réitéré son déni dans la déclaration qu’il a remis sous forme de lettre à l’officier responsable du détachement de B, le 10 décembre 2014.

[267]  Cette lettre est datée environ deux mois après la révélation des faits. Cette période deux mois a permis au membre visé de préparer sa déclaration, qui semble bien réfléchie et soigneusement rédigée. Le membre visé a fait certains aveux et démentis dans sa lettre. Même s’il a eu le temps de réfléchir à sa déclaration, le membre visé n’a pas mentionné certains événements faisant partie de son témoignage, notamment l’incident au terminal du Système de relevé automatisé des arrestations, affirmant que ses souvenirs au moment de son témoignage, près de trois ans après le dernier incident, étaient meilleurs que ses souvenirs seulement deux mois après le dernier incident. Il a affirmé toujours être en état de choc près de deux mois après son arrestation.

[268]  Par contre, Mme A a reconnu avoir participé de plein gré au début de la relation. Elle a affirmé qu’elle trouvait que l’attention qu’elle recevait du membre visé et d’autres membres de l’équipe, en étant le point de mire de taquineries et de blagues, était mieux que rien. Elle a admis avoir échangé des messages textes sexuellement explicites avec le membre visé. Elle a également admis que le flirt et le début de la relation physique, y compris les baisers, avaient été plaisants, mais a insisté sur le fait que c’est la persistance et le comportement agressif du membre visé qui l’ont obligée à aller bien au-delà des limites de ce qu’elle jugeait être un comportement acceptable. Elle a reconnu avoir participé aux actes sexuels, mais pas volontairement. Elle s’est pliée aux exigences du membre visé simplement pour ne pas rendre sa vie quotidienne dans le bloc cellulaire plus difficile. Lorsque la relation est devenue trop agressive ou, comme elle l’a dit, accablante, elle voulait que la relation physique cesse. Elle ne voulait pas se faire prendre ni se plaindre du comportement du membre visé, car elle pensait que personne ne la croirait. À ses yeux, elle n’était qu’une modeste gardienne de cellule municipale nouvellement embauchée qui travaillait dans un milieu de travail contrôlé par la GRC; tandis que le membre visé était un sous-officier supérieur très respecté qui semblait avoir une grande influence, tant sur le plan personnel qu’en raison de son poste, au sein de la veille et de l’ensemble du détachement.

[269]  Je crois que la position de Mme A n’est pas sans faille, mais qu’elle représente le scénario le plus plausible pour les raisons présentées ci-dessous.

[270]  Le plus grand problème que j’ai avec la preuve du membre visé est le fait que, outre sa parole, il n’y a que très peu ou pas de preuves pour corroborer sa position. En fait, dans certains cas, ses affirmations sont contredites par les éléments de preuve et, dans d’autres cas, cela n’a tout simplement aucun sens. J’ai abordé certains de ces éléments de preuve dans ma décision orale.

[271]  Le membre visé a mentionné que, à plusieurs occasions, Mme A lui avait frotté l’entrejambe pour l’exciter sexuellement ou l’inciter à commettre d’autres actes sexuels. Ces gestes, selon le membre visé, se sont produits dans des aires très publiques du bloc cellulaire. Cela comprend l’incident qui s’est produit au terminal du Système de relevé automatisé des arrestations, ce qui n’a manifestement pas été abordé dans sa lettre à l’attention de l’officier responsable du détachement de B, en date du 10 décembre 2014; un incident qui s’est produit alors qu’il lisait quelque chose sur un babillard et un incident qui s’est produit dans son bureau alors qu’il examinait des formulaires C- 13. Deux de ces incidents se seraient produits dans des aires très publiques du bloc cellulaire surveillées par des caméras. Le troisième incident se serait produit dans le bureau du membre visé.

[272]  Dans la partie de la déclaration de Mme K qui a été présentée au Comité de déontologie dans la phase de l’audience portant sur les allégations, Mme K a souligné qu’il y a de nombreuses caméras dans l’aire du bloc cellulaire. Elle a même indiqué les endroits où il n’y a pas de caméras. Dans leur témoignage oral ou leurs déclarations écrites, plusieurs autres témoins ont affirmé savoir qu’il y avait de nombreuses caméras dans le bloc cellulaire. Cependant, l’emplacement des caméras dans le bloc cellulaire crée des angles morts, et les employés travaillant au sein du bloc cellulaire sont généralement au courant de ces endroits. Le membre visé a même commenté, dans son témoignage, que l’incident qui s’est produit au terminal du Système de relevé automatisé des arrestations aurait été capté par la caméra. Il a également affirmé qu’il y a toujours un bon nombre de personnes près du bureau du sergent du bloc cellulaire.

[273]  Je pense pouvoir dire sans me tromper que ni le membre visé ni Mme A ne souhaitait que leurs rapports sexuels soient exposés. Mme A a affirmé clairement qu’elle ne voulait pas se faire prendre, car elle savait que ce serait sa parole contre celle du membre visé. Alors pourquoi Mme A prendrait-elle un tel risque de son propre chef ou sans incitation? Une telle façon d’agir ne cadre pas avec la personnalité démontrée par Mme A. Elle manquait clairement de confiance en elle. Elle a souvent fait référence à son poids et à sa taille durant son témoignage. Elle a également affirmé qu’elle manquait de coordination. Elle et le membre visé ont eu une conversation au cours de laquelle elle lui a dit qu’elle ne pensait pas qu’elle serait aussi compétente, en tant que chef d’équipe, que certains autres chefs d’équipe. Le membre visé a dû lui assurer qu’elle ferait un bon travail. Le fait qu’elle a fréquemment envoyé des messages textes au membre visé pour lui demander son avis sur des questions opérationnelles révèle son manque de confiance en elle. Cela ne cadre pas du tout avec un comportement impudent d’une personne faisant des avances dans des lieux très publics, qu’a décrit le membre visé.

[274]  Une autre partie du témoignage du membre visé qui n’a pas de sens à mes yeux est la façon dont il a décrit comment il a mis un terme au rapport sexuel et à sa relation avec Mme A le 10 octobre 2014. Il a affirmé que, alors que Mme A était agenouillée pour lui faire une fellation dans la cage d’escalier, il a tout à coup réalisé que ce qu’ils faisaient était mal et a décidé d’y mettre un terme immédiatement. Il a reculé, a remis son pénis dans son pantalon, a remonté la fermeture éclair et a monté l’escalier sans dire un mot, laissant Mme A le regarder d’un « air interrogateur ». S’il avait vraiment eu l’intention de mettre un terme à la relation, au lieu de simplement arrêter un rapport extrêmement risqué, pourquoi s’est-il simplement éloigné sans dire un mot? Pourquoi n’a-t-il pas dit à Mme A qu’ils ne pouvaient plus continuer à agir ainsi, comme affirme lui avoir dit Mme A à maintes reprises, ou qu’il souhaitait mettre un terme à leur relation? Le fait de simplement s’éloigner n’aurait pas mis un terme à leur relation ou aux rapports sexuels.

[275]  Alors qu’il y a peu ou pas de preuves pour appuyer la position du membre visé, beaucoup de preuves corroborent le témoignage de Mme A, même s’il s’agit de preuves circonstancielles et de ouï-dire. À mes yeux, la preuve la plus convaincante est que presque toutes les déclarations des témoins auxquels j’ai fait référence dans la présente décision ont mentionné que Mme A s’est plainte ou a fait des commentaires sur le fait que les messages textes la mettaient mal à l’aise, et dans certains cas, sur le comportement agressif non désiré du membre visé. Ces commentaires formulés à d’autres témoins sont conformes et cohérents avec son témoignage lors de l’audience disciplinaire en ce qui concerne le moment des différentes plaintes et les mots utilisés pour décrire les actes du membre visé.

[276]  Le représentant du membre a suggéré qu’il ne faut pas croire les éléments de preuve de Mme A en raison de la manière dont le sergent C et le gendarme L l’ont persuadée à faire sa déclaration initiale le 10 octobre 2014. Il a affirmé que les enquêteurs ont indûment influencé Mme A de sorte que cela a eu une incidence sur la façon dont elle a déclaré les événements. À l’appui de son affirmation selon laquelle Mme A a embelli la vérité, il a souligné l’affirmation suivante de Mme A aux lignes 1580/81 de sa déclaration : « Maintenant que vous m’avez convaincue d’en parler, ça semble un peu plus grave qu’avant ».

[277]  Bien que j’aie quelques difficultés avec la façon dont le sergent C et le gendarme L ont convaincu Mme A à faire sa déclaration initiale, je ne crois pas que cela a eu un impact sur la véracité de sa déclaration. Je pense plutôt que l’insistance dont ont dû faire preuve les enquêteurs pour la convaincre de fournir une déclaration indique bien que Mme A souhaitait éviter que la situation fasse l’objet d’une enquête ou de toute autre procédure ou « mettre un frein à l’enquête ». Son commentaire selon lequel la situation semblait plus grave une fois qu’on l’a convaincu d’en parler semble lié au fait qu’elle a pris conscience de la gravité de ce qui s’était passé plutôt qu’au fait d’avoir été incité à fournir une version des événements qui n’était pas exacte.

[278]  Le représentant du membre a relevé de nombreuses incohérences dans le témoignage de Mme A; mais bon nombre des incohérences qu’il a mentionnées sont simplement liées au fait que cela ne concorde pas à la version des événements relatée par le membre visé. J’estime qu’elle a été cohérente sur les parties essentielles de son témoignage et avec le contenu de ses deux déclarations.

[279]  Certains des éléments de preuve recueillis par le représentant de l’autorité disciplinaire qui corroboraient les éléments de preuve de Mme A contredisaient également les éléments de preuve du membre visé. Par exemple, le membre visé avait affirmé n’avoir tiré la queue de cheval de Mme A qu’une seule fois. Son récit était très précis sur cette occasion. Cependant, plusieurs autres témoins ont clairement indiqué qu’ils ont vu le membre visé tirer la queue de cheval de Mme A un certain nombre de fois pour la taquiner.

[280]  Mme A a affirmé qu’elle se sentait en sécurité dans le bloc cellulaire et que le membre visé a toujours assuré leurs arrières. Selon le représentant du membre, ces affirmations sont incohérentes et irréconciliables avec une personne qui aurait été forcée de faire une fellation à cette même personne. Je ne suis pas d’accord. Mme A et d’autres témoins, comme le chef d’équipe, ont affirmé qu’ils se sentaient en sécurité par rapport aux prisonniers lors que le membre visé était le sergent du bloc cellulaire. Il y a une grande différence entre le sentiment de sécurité en général et le sentiment de sécurité en particulier en ce qui concerne les interactions entre le personnel du bloc cellulaire et les clients.

[281]  Mme A s’est heurtée à des difficultés avec ses déclarations ou son témoignage lorsque d’autres personnes lui ont mis des mots dans la bouche. Par exemple, lors de ses entrevues, l’un des enquêteurs lui a dit qu’elle avait son téléphone cellulaire en main après l’incident dans la cage d’escalier le 24 octobre 2014. Elle a clairement affirmé qu’elle ne s’en souvenait pas avant qu’on le lui dise. Elle a maintenu cette affirmation dans son témoignage. Clairement, c’est correct de ne pas se souvenir de quelque chose. Cependant, Mme A semblait simplement être d’accord avec ce que d’autres personnes lui ont dit qu’elle avait fait. Je pense que c’est davantage un manque d’expérience dans ce type de situations qu’une tentative délibérée d’induire en erreur ou de ne pas dire la vérité ou un exemple d’incohérence dans sa preuve.

[282]  J’ai visionné l’enregistrement vidéo de Mme A lorsqu’elle a quitté la cage d’escalier le 10 octobre 2014 à de nombreuses reprises et je ne suis pas en mesure de dire si elle avait son téléphone cellulaire en main lorsqu’elle a passé la porte. Tout ce que je peux dire avec certitude c’est qu’elle semblait se dépêcher. Elle avait également la main gauche près de sa tête et elle pouvait peut- être tenir quelque chose. Contrairement à d’autres personnes, je ne peux pas dire avec certitude qu’elle avait son téléphone cellulaire en main, car la vidéo n’est pas très claire.

[283]  Le représentant du membre a affirmé que l’admiration de Mme A à l’endroit du membre visé, à titre de sergent du bloc cellulaire, et le fait qu’elle a affirmé qu’elle ne voulait pas nuire à sa carrière, ne concordent pas avec son affirmation que le membre visé l’agressait sexuellement. Je ne suis pas nécessairement d’accord avec cette position. Bien qu’il soit difficile de concilier cette position, Mme A a clairement fait une distinction entre le membre visé, en tant que sergent du bloc cellulaire de la GRC, et le membre visé en tant que personne. Elle a ainsi clairement cloisonné son comportement dans ces deux sphères.

[284]  Plusieurs autres témoins ont fait des observations similaires dans leurs déclarations. Ils ont clairement parlé de leur admiration à l’endroit du membre visé en tant que sergent du bloc cellulaire expérimenté et compétent. Comme Mme A, ils ont affirmé qu’ils se sentaient en sécurité face aux prisonniers lorsqu’ils travaillaient avec le membre visé. Ils avaient également l’impression qu’il assurait leur sécurité. Même si certains ont été surpris d’apprendre la plainte de Mme A, ce n’était pas le cas pour tout le monde.

[285]  Mme A a affirmé qu’elle s’est pliée aux exigences du membre visé, en raison de la persistance et de l’agressivité dont il faisait preuve pour obtenir gain de cause. Elle a maintenu cette position dans toutes ses déclarations et dans son témoignage. À mon avis, le membre visé a démontré ces caractéristiques tout au long de cette affaire. Sa persistance est démontrée dans les incidents suivants :

  • Sa menace de montrer la photographie originale au gendarme de cellule si Mme A ne lui envoyait pas une photo de ses seins sans son soutien-gorge.

  • Sa réaction lors de la disparition de son téléphone cellulaire, qui a inclus la confiscation de biens appartenant à d’autres personnes (c.-à-d. le téléphone cellulaire du gendarme de cellule et le sac de Mme A) et la fouille par palpation de Mme A.

  • Les nombreux messages textes envoyés à Mme I à la suite de leur rupture dans lesquels il cherchait à renouer leur relation.

  • La quantité excessive de messages textes envoyés à Mme K afin de nouer une relation avec elle.

[286]  Le seul message texte qui a subsisté fournit une preuve additionnelle claire de sa persistance. Le fait qu’il a tapé le seul mot « nom » 20 fois afin que Mme A lui donne le nom d’une personne et les messages comme « Tic tic tic » démontre bien son caractère persistent.

[287]  La déclaration de Mme M en lien avec la plainte de celle-ci concernant la quantité excessive de messages textes que lui a envoyés le membre visé démontre une persistance similaire dans les actions de ce dernier.

[288]  Le membre visé a également démontré une persistance similaire pour tenter de faire à sa guise lors de son témoignage, en particulier dans ses réponses aux questions du représentant de l’autorité disciplinaire. À de nombreuses occasions, il devait y mettre son grain de sel, au-delà de ce que la réponse à la question nécessitait. Sa tentative de faire le travail du représentant du membre en mettant en relief les incohérences dans le témoignage de Mme A en complément de son propre témoignage est un autre exemple évident.

[289]  Mme A a affirmé avoir dit à maintes reprises au membre visé qu’ils ne pouvaient pas continuer à agir ainsi au travail. La première fois, elle lui a simplement dit que leur façon d’agir était inappropriée au travail. À une autre occasion, elle a dit au membre visé qu’ils ne pouvaient pas poursuivre leur relation, car il avait une petite amie et elle avait un petit ami avec lequel elle souhaitait avoir une relation sérieuse. Elle ne voulait pas tromper les autres personnes dans leur vie. L’infidélité a été la cause de l’échec de son premier mariage. Le membre visé n’a pas présenté d’éléments de preuve pour réfuter ces affirmations.

[290]  À la lumière de ce qui précède, j’estime que la relation entre le membre visé et Mme A n’a pas toujours été consensuelle. Même si Mme A a volontairement participé à divers aspects de la relation au début, y compris les messages textes, le flirt et les baisers, lorsque la relation a pris une tournure plus sexuelle, même si elle y a participé, cette participation n’était pas consensuelle. Elle a clairement dit au membre visé à plusieurs reprises qu’elle voulait que les relations sexuelles cessent. Le membre visé n’a pas réfuté ces affirmations autrement qu’en affirmant qu’elle ne lui a jamais dit qu’elle ne voulait pas continuer la relation physique.

[291]  Les raisons qu’a fournies Mme A de ne pas signaler l’abus ou demander de l’aide, en particulier lors de l’incident dans la cage d’escalier, le 10 octobre 2014, sont raisonnables et logiques dans de telles circonstances.

[292]  Mme A a fourni un témoignage significatif et cohérent en ce qui concerne le fait qu’elle croyait que le membre visé avait une grande autorité dans le bloc cellulaire. Le sobriquet que Mme A a donné au membre visé, comme l’indiquait la lettre à l’attention de l’agent responsable du détachement de B que le membre visé avait rédigée était « dieu et maître des cellules ». Même s’il ne s’agissait que d’un sobriquet, cela en dit long sur sa perception du rôle du membre visé au sein du bloc cellulaire et sur sa perception du pouvoir qu’il avait dans la relation entre eux.

[293]  Je trouve que cette situation est très similaire à celle que le Comité a décrite dans l’affaire de l’Officier compétent de la Division K c. Cooke, 15 D.A. (4e) 475. En ce qui concerne ce cas, le Comité a écrit ce qui suit, au paragraphe 38, et qui peut parfaitement être adapté au cas qui nous occupe :

Mme [X] était catégorique dans son témoignage, affirmant qu’elle s’était sentie obligée de faire une fellation lorsque le membre visé lui a dit de le faire, parce qu’il était policier. Elle a affirmé avoir eu l’impression qu’elle n’avait pas le choix, sinon elle ne l’aurait pas fait. En d’autres mots, elle avait l’impression qu’elle n’avait pas le choix de le faire. Compte tenu de l’inégalité du pouvoir entre le membre visé et Mme [X] dans ce cas, je crois objectivement qu’elle pouvait raisonnablement en venir à cette conclusion. À mon avis, elle a en effet été obligée de faire ce que lui disait le membre visé. Je crois également, comme elle l’a affirmé dans son témoignage, que le membre visé lui a dit à maintes reprises de ne pas en parler à qui que ce soit.

[294]  Dans le cas qui nous occupe, Mme A s’est sentie obligée de faire une fellation au membre visé en raison de l’inégalité du pouvoir dans la relation. Mme A a affirmé qu’elle se pliait aux exigences du membre visé et lui faisait une fellation, car son quart de travail était en suite plus facile, car il ne la réprimandait pas. Compte tenu de l’inégalité du pouvoir, j’estime que Mme A a fait une évaluation objective raisonnable de la situation. Par conséquent, j’estime que les relations sexuelles entre le membre visé et Mme A n’étaient ni mutuelles ni consensuelles, contrairement à ce qu’affirme le membre visé.

Facteurs atténuants

[295]  Je reconnais pleinement que le membre visé a eu un bon dossier opérationnel tout au long de sa carrière, comme l’indiquent ses évaluations annuelles de rendement, ses fiches de rendement et nombreuses lettres de soutien qu’il a reçues. Son excellent rendement est mis en relief par diverses entités au sein de la communauté policière au moyen de diverses citations pour bravoure pour son intervention lors d’une fusillade. Il a fait des gestes représentant un risque potentiel important afin de sauver des personnes.

[296]  Je reconnais les efforts du membre visé pour s’améliorer sur le plan académique, en particulier durant sa suspension.

[297]  Je reconnais également que ses fonctions en tant que policier ont eu des répercussions sur son bien-être psychologique et qu’il a pris des mesures, au moyen des services de counseling, pour comprendre et régler ses problèmes de comportement. J’aimerais également souligner que, à l’origine, il n’a pas eu recours à des services de counseling psychologique, pour des motifs professionnels, mais plutôt en raison de l’échec de son mariage.

[298]  Le membre visé a présenté ce qui était, de toute évidence, semblait des excuses sincères à bon nombre de personnes (c.-à-d., sa famille, ses amis et ses collègues) et d’organisations (c.-à-d., la GRC et la Ville de B) pour le tort que ses actions leur ont causé. Je reconnais ces excuses. Cependant, il a omis de présenter des excuses à une personne et, à mon avis, c’était les plus importantes excuses, soit celles à Mme A. Il a affirmé qu’il n’a pas présenté d’excuses à Mme A parce qu’on lui a interdit de communiquer avec Mme A depuis le dévoilement de cette affaire. Cependant, rien ne l’empêchait de lui présenter des excuses en même temps que celles qu’il a formulées lors de l’audience. Il a choisi de ne pas le faire.

[299]  Le représentant du membre m’a demandé de tenir compte du délai dans le traitement dans le cadre des facteurs atténuants, une possibilité qui avait été suggérée par le Comité de déontologie original dans sa décision liée à la requête préliminaire pour abus de procédure. Je reconnais que le délai a été long et je souscris aux commentaires que le Comité de déontologie a formulés dans sa décision sur la requête pour abus de procédure. Même si le délai a été long, les raisons de ce délai ont été adéquatement expliquées dans les observations de l’autorité disciplinaire sur la requête et prises en considération par le Comité de déontologie original dans ce processus. Je ne crois pas que le délai constitue maintenant un facteur atténuant suffisant.

[300]  Le représentant du membre m’a également demandé de tenir compte de la collaboration du membre visé dans le cadre de l’enquête comme étant un facteur atténuant. Je crois que le membre visé a fourni ce que les enquêteurs lui ont demandé, y compris de remettre volontairement son téléphone cellulaire et son code d’accès. En ce qui concerne le délai lié à la présentation de la déclaration qu’il a préparé à l’agent responsable du détachement de B, je reconnais que le membre visé a simplement suivi les conseils de son conseiller juridique et a fourni la déclaration à la première occasion.

[301]  J’aimerais formuler d’autres commentaires en ce qui concerne la collaboration du membre visé à l’enquête. Il a définitivement remis volontairement son téléphone cellulaire aux enquêteurs, mais j’ai remarqué que la première chose qu’il a faite lorsqu’on lui a remis son téléphone cellulaire a été de supprimer les coordonnées de Mme A. Il semblait ne pas pouvoir le faire assez vite.

[302]  En ce qui concerne la déclaration, je souligne que le paragraphe 40(2) de la Loi sur la GRC énonce qu’aucun membre n’est dispensé de répondre aux questions portant sur l’objet de l’enquête, lorsque la personne menant l’enquête l’exige. Par conséquent, je n’estime pas que la présentation volontaire d’une déclaration constitue un facteur atténuant convaincant. En présentant une déclaration, il a simplement fait ce qu’il était légalement tenu de faire à la suite de la demande des enquêteurs.

Facteurs aggravants

[303]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé, dans sa déclaration, qu’il y a davantage de facteurs aggravants ou des facteurs aggravants plus importants dans ce cas. Je suis d’accord.

[304]  Les allégations sont très sérieuses. Elles visent un sous-officier supérieur qui a profité de sa position pour obtenir des faveurs sexuelles d’une personne par rapport à laquelle il était en position d’autorité.

[305]  Ses actions ont eu des conséquences sur Mme A. Elle a fait l’objet de mesures disciplinaires imposées par la ville de B pour son implication dans cet incident. Elle a dû s’absenter du travail et a reçu des services de counseling psychologique à la suite du dévoilement de la situation. Malgré ces conséquences, le membre visé ne l’a pas incluse dans les personnes à qui il a présenté des excuses sincères.

[306]  Le membre visé a reconnu que ses actes avaient eu des conséquences sur sa famille, ses amis, d’autres membres de la veille C et la GRC dans son ensemble.

[307]  Même si le dossier ne comporte pas d’éléments de preuve démontrant que les actions du membre visé a eu des conséquences sur la relation entre la GRC et son partenaire contractuel, la Ville de B, ou de quelle façon cela a eu des conséquences, j’ai de la difficulté à croire qu’il n’y en a pas eu.

[308]  La confiance du public canadien, les personnes que le membre visé avait fait le serment de servir, a été ébranlée par cette affaire et d’autres cas similaires de comportement sexuel inapproprié de membres de la GRC.

[309]  Le dossier disciplinaire antérieur du membre visé est également important. Il indique que le membre visé avait déjà pris de mauvaises décisions en ce qui concerne ses relations personnelles avec des femmes et l’intersection de ces relations avec son travail. Ses antécédents et la preuve présentée dans le cas qui nous occupe démontrent que le membre visé avait de la difficulté à comprendre les limites d’un comportement approprié, surtout en ce qui concerne les femmes au travail.

[310]  La question relative aux allégations visant des quantités excessives de messages textes avec Mme K, une autre gardienne de cellule, présente une série de circonstances qui ressemblent étonnamment aux débuts de cette affaire. Le sergent F se souvenait très bien avoir parlé au membre visé et a affirmé que ce dernier avait promis de cesser d’envoyer des messages texte à Mme K. Le sergent d’état-major G se souvenait avoir reçu un courriel de la part du membre visé pour s’excuser pour ses actions. La position du membre visé n’est pas claire; il a affirmé, à un moment donné, s’être excusé pour la quantité excessive de messages textes, et à un autre moment dans son témoignage, il a dit ne pas se souvenir d’avoir présenté des excuses au sergent d’état-major G pour ses actions. Il a affirmé que s’il s’est excusé, ce serait au cas où sa jovialité dans le bloc cellulaire aurait offensé quelqu’un. Même si j’admets que le membre s’est excusé pour ses plaisanteries dans le bloc cellulaire, il est évident, selon la preuve, qu’il n’a pas modifié son comportement, même s’il avait promis d’arrêter. Même si Mme A n’a pas affirmé explicitement que les plaisanteries à propos de la gardienne de cellule empotée et du soûl du village la dérangeaient, j’estime personnellement que c’est offensant. Le membre visé a jour un rôle important dans ses plaisanteries et les blagues connexes.

[311]  Je pense que la version du sergent d’état-major G et du sergent F est une version plus probable des événements. Lorsqu’il a parlé au sergent F, le membre visé a reconnu avoir envoyé un nombre excessif de messages textes à Mme K et a promis d’arrêter. Il a tenu sa promesse. La preuve démontre clairement qu’il a cessé d’envoyer des messages textes à Mme K. Cependant, il a commencé à envoyer des messages textes à Mme A six semaines plus tard tout au plus. Il me dit maintenant, par l’entremise du représentant du membre, qu’il n’adoptera plus un tel comportement. À la lumière du comportement qu’il a eu par le passé et de promesses similaires qu’il a faites à d’autres responsables, comment puis-je le croire maintenant?

[312]  Le représentant de l’autorité disciplinaire m’a demandé de considérer le fait que le membre visé a contesté les allégations comme étant un facteur aggravant. Je souligne que n’importe quel membre soupçonné de ne pas avoir respecté le Code de déontologie a le droit de nier l’allégation et d’exiger que l’autorité disciplinaire prouve l’allégation. Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’il s’agit d’un facteur aggravant.

[313]  Le représentant du membre a suggéré que, outre le congédiement, d’autres mesures disciplinaires pourraient être prises pour obtenir un effet dissuasif spécifique et général. Cependant, les allégations d’inconduite sexuelle visant le membre visé se sont produites au moment où la GRC faisait face à de sévères critiques publiques pour avoir omis de protéger les victimes de harcèlement, en particulier de harcèlement sexuel. L’attention retenue et prolongée du public dont a fait l’objet la GRC a terni sa réputation, et on ne peut pas revenir en arrière.

[314]  Les notions de dissuasion spécifique et générale entrent en jeu pour tous les processus disciplinaires lorsque les allégations sont fondées. Cependant, je crois que l’importance du concept de dissuasion générale refait surface dans les cas d’inconduite sexuelle au travail, en particulier alors que la GRC s’efforce de corriger les erreurs du passé pour assurer un milieu de travail sécuritaire et respectueux pour tous les employés. Le Comité de déontologie, dans la décision 2018 DARD 10, est d’accord avec mon évaluation. Au paragraphe 175, le Comité a indiqué ce qui suit :

Il y a, toutefois, un besoin bien documenté de dissuasion générale. Bien avant les dates visées par cet avis d’audience disciplinaire, les questions liées au harcèlement sexuel au sein de la GRC étaient au coeur des préoccupations du commissaire, qui a publié une série de bulletins internes à l’intention des employés et entamé des discussions avec les médias en ce qui concerne la politique de tolérance zéro. Les mesures disciplinaires imposées pour ce type de contraventions doivent renforcer cette position. Il s’agit de contraventions graves qui méritent une réponse sérieuse en termes de mesures disciplinaires. La dissuasion générale est particulièrement importante dans ce cas. [Traduction libre]

[315]  Le besoin de dissuasion prend davantage d’importance lorsque le contrevenant est une personne en position d’autorité, comme c’est le cas pour le membre visé dans ce cas. Puisque ce sont les personnes en position d’autorité qui sont les principaux responsables pour assurer un milieu de travail sécuritaire et respectueux.

[316]  L’objectif de la politique sur les conflits d’intérêts en ce qui a trait aux relations interpersonnelles, tel qu’il a été mentionné précédemment, consiste, en partie, à offrir un milieu de travail sécuritaire et respectueux, à protéger les employés contre l’abus de pouvoir ou le harcèlement et d’appuyer les activités et l’efficacité opérationnelle de la GRC. Même si Mme A était une employée municipale, elle méritait d’avoir accès à un milieu de travail sécuritaire et respectueux et d’être protégée contre l’abus de pouvoir et le harcèlement.

[317]  Des employés municipaux travaillent pour la GRC un peu partout. Ils accomplissent de nombreuses fonctions faisant partie intégrante du fonctionnement opérationnel et administratif efficace de la Gendarmerie. Le simple fait que les employés municipaux ne travaillent pas directement pour la GRC ne signifie pas qu’ils ne méritent pas le même niveau de protection contre le harcèlement que d’autres employés dans un milieu de travail dirigé par la GRC, bien au contraire. Ce message doit être transmis, entendu et compris.

Recommandations du Guide des mesures disciplinaires

[318]  Le Guide des mesures disciplinaires énonce une gamme de sanctions possibles en cas de conduite déshonorante. Le Guide des mesures disciplinaires aborde deux « catégories » de conduite déshonorante impliquant des activités sexuelles pendant les heures de service du membre visé, comme c’est le cas avec les deux allégations dans la présente affaire.

[319]  La première catégorie est décrite dans le Guide des mesures disciplinaires comme « avoir une relation préexistante ou se livrer à des activités sexuelles, intimes ou romantiques avec un partenaire consentant dans un lieu inapproprié, notamment un véhicule ou des installations de la GRC ». Les sanctions recommandées pour cette première catégorie de sanctions vont de la confiscation de 7 à 10 jours de solde dans les cas mineurs, lorsque la conduite constitue un incident isolé. Les cas ordinaires prévoient la confiscation de la solde pour une période de 11 à 15 jours. Les cas graves, ce qui comprend la possibilité d’être pris en flagrant délit en uniforme et la fréquence, pendant les heures de service, nécessitent la confiscation de la solde pour une période de 16 à 30 jours.

[320]  La deuxième catégorie vise une conduite impliquant « l’entretien ou la recherche d’une relation romantique avec un subordonné ». Les sanctions recommandées pour la deuxième catégorie prévoient la confiscation de la solde pour une période de 20 à 30 jours dans les cas mineurs, lorsqu’il s’agit d’un seul acte consensuel, et le congédiement dans les cas ordinaires ou graves.

[321]  Les allégations incluent des éléments de ces deux catégories, car toute l’activité sexuelle a eu lieu dans les installations de la GRC alors que le membre visé portait l’uniforme. Quatre des cinq rapports sexuels se sont clairement produits pendant que le membre visé était en service. Le cinquième incident, qui fait l’objet de la première allégation, s’est produit alors que le membre visé avait terminé son quart de travail et s’apprêtait à quitter l’immeuble. Techniquement, il était toujours en service. Le risque d’être pris en flagrant délit était important lors des cinq rapports sexuels. Il ne s’agissait pas d’incidents isolés, mais plutôt de plusieurs cas sur une période de quelques mois.

[322]  À mon avis, le facteur le plus important est le fait que le membre visé était en position d’autorité par rapport à Mme A ce que, comme l’a affirmé Mme A, l’a incité à consentir aux exigences du membre visé. Par conséquent, l’affaire correspond clairement à la catégorie des cas ordinaires ou graves de conduite déshonorante impliquant une activité sexuelle. Les deux catégories recommandent le congédiement du membre. Le représentant de l’autorité disciplinaire demandait de donner l’ordre au membre visé de démissionner de la Gendarmerie, ce qui est conforme aux mesures disciplinaires recommandées.

X. MESURES DISCIPLINAIRES IMPOSÉES

[323]  Le membre visé a reçu l’ordre de démissionner de la Gendarmerie et, si ce dernier ne s’exécute pas dans les quatorze jours suivants, le membre visé sera congédié.

XI. CONCLUSION

[324]  La présente décision constitue la décision écrite qui doit être présentée aux parties aux termes du paragraphe 25(3) des CC (déontologie). Elle peut faire l’objet d’un appel auprès du commissaire en remplissant une déclaration d’appel dans les 14 jours suivants la présentation de la décision sur le membre visé (article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire [griefs et appels], DORS/2014-293).

 

 

Le 6 décembre 2018

Kevin L. Harrison

Comité de déontologie

 

Date

 



[1] Un bloc de quarts de travail est une série de quarts de 12 heures comprenant deux quarts de jour et deux quarts de nuit. Les employés faisant un bloc de quarts de travail suivent une veille désignée du détachement de la GRC de B.

[2] The Team Lead is the civilian employee responsible for the Cell Guards.

[3] The same “prank” was played on another Cell Guard as well.

[4] À la fin de sa déclaration, l’ami de Mme A a indiqué ne pas être familier avec la structure des grades de la GRC et que la personne qu’il désignait comme étant un « sergent-chef » dans sa déclaration pourrait très bien être un sergent.

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