Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le membre visé devait répondre d’une allégation de conduite déshonorante touchant huit dossiers d’enquête. Ses actes ou omissions portaient sur l’intervenation à la suite d’appels de service qui lui avaient été assignés, sa prise de notes et l’entrée de données dans des dossiers électroniques ainsi que l’initiative de conclure lui-même des tâches ou des incidents, qui ne pouvaient donc pas être examinés par un superviseur. Il devait également répondre d’une allégation concernant des propos, équivalant à des menaces, relativement auxquels il a été accusé au criminel avant de signer un engagement à ne pas troubler l’ordre public.
Pour la première allégation, l’allégation d’inconduite a été établie en lien avec les huit dossiers et le membre visé s’est vu imposer une confiscation de solde pour 50 jours de travail au total.
Pour l’allégation concernant les menaces, le membre s’est vu imposer une confiscation de solde pour 15 jours de travail.
Le membre visé ayant reconnu dans son témoignage qu’il consommait des stéroïdes sans avoir reçu d’ordonnance à cet effet, le comité a ordonné un sevrage supervisé par un médecin et la remise obligatoire d’échantillons pour tout dépistage de drogue effectué par le médecin-chef. De plus, le comité a imposé : 1) l’obligation de se limiter à l’exercice de tâches administratives pendant trois mois; 2) l’évaluation par le médecin-chef de son aptitude au travail opérationnel;
3) une supervision étroite pendant une période d’un an; 4) une restriction l’empêchant d’assumer des fonctions de caporal ou de superviseur par intérim pendant un an; 5) l’inadmissibilité à toute promotion pendant trois ans. En outre, le comité a ordonné au membre de suivre des formations obligatoires sur la suite à donner aux appels au 9-1-1, les dossiers de violence conjugale et d’agression sexuelle ainsi que les normes de rendement et processus associés au Système d’incidents et de rapports de police (SIRP).

Contenu de la décision

Protégé A

2018 DARD 7

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AFFAIRE D’UNE AUDIENCE DISCIPLINAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

le commandant de la Division K

(l’autorité disciplinaire)

et

le gendarme Tyler Cull, matricule 54689

(le membre visé)

Décision du comité de déontologie (corrigée)

John A. McKinlay

Le 1er mai 2018

Me Denys Morel et serg. Julie Beaulieu, représentants de l’autorité disciplinaire

Me Gordon Campbell, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ  3

INTRODUCTION  4

Évaluation d’un neuropsychologue externe  7

Témoignage du médecin-chef  8

Témoignage de la psychologue divisionnaire  12

Témoignage du membre visé  15

« Problèmes de recevabilité » soulevés par le RM  15

ALLÉGATIONS  19

CONCLUSIONS SUR LES ALLÉGATIONS  24

Allégation 3  25

Témoignage du neuropsychologue-conseil  25

Allégation 1  26

1. Urgence médicale  26

2. Vol d’un dossier médical  27

3. AVM impliquant un piéton  29

4. Deux appels au 911 interrompus  29

5. Chauffeur de taxi menacé  30

6. Plainte d’agression sexuelle  30

7. Violence conjugale  31

8. Querelle de ménage  32

Résumé des constatations liées à l’allégation 1  33

MESURES DISCIPLINAIRES  34

Allégation 1  34

Allégation 3  47

Autres mesures disciplinaires imposées  49

Observation concernant une faille évidente dans le SIRP  51

CONCLUSION  51

 

RÉSUMÉ

Le membre visé devait répondre d’une allégation de conduite déshonorante touchant huit dossiers d’enquête. Ses actes ou omissions portaient sur l’intervenation à la suite d’appels de service qui lui avaient été assignés, sa prise de notes et l’entrée de données dans des dossiers électroniques ainsi que l’initiative de conclure lui-même des tâches ou des incidents, qui ne pouvaient donc pas être examinés par un superviseur. Il devait également répondre d’une allégation concernant des propos, équivalant à des menaces, relativement auxquels il a été accusé au criminel avant de signer un engagement à ne pas troubler l’ordre public.

Pour la première allégation, l’allégation d’inconduite a été établie en lien avec les huit dossiers et le membre visé s’est vu imposer une confiscation de solde pour 50 jours de travail au total.

Pour l’allégation concernant les menaces, le membre s’est vu imposer une confiscation de solde pour 15 jours de travail.

Le membre visé ayant reconnu dans son témoignage qu’il consommait des stéroïdes sans avoir reçu d’ordonnance à cet effet, le comité a ordonné un sevrage supervisé par un médecin et la remise obligatoire d’échantillons pour tout dépistage de drogue effectué par le médecin-chef. De plus, le comité a imposé : 1) l’obligation de se limiter à l’exercice de tâches administratives pendant trois mois; 2) l’évaluation par le médecin-chef de son aptitude au travail opérationnel;

3) une supervision étroite pendant une période d’un an; 4) une restriction l’empêchant d’assumer des fonctions de caporal ou de superviseur par intérim pendant un an; 5) l’inadmissibilité à toute promotion pendant trois ans. En outre, le comité a ordonné au membre de suivre des formations obligatoires sur la suite à donner aux appels au 9-1-1, les dossiers de violence conjugale et d’agression sexuelle ainsi que les normes de rendement et processus associés au Système d’incidents et de rapports de police (SIRP).

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

[1]  Le comité de déontologie a été nommé le 6 avril 2016. Le 4 août 2016, le greffier a reçu l’avis d’audience disciplinaire daté du 12 juillet 2016 ainsi que les premiers documents d’enquête et la liste des témoins que l’autorité disciplinaire désirait faire comparaître, conformément au paragraphe 18(1) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 (les « CC (déontologie) »).

[2]  Après s’être vu accorder une prorogation de délai, le représentant du membre (RM) a déposé les documents requis (la réponse) le 30 septembre 2016, conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie). Le membre visé avait fait une déclaration qui avait été enregistrée par un enquêteur interne le 18 mai 2015, et la réponse soumise par le RM décrivait des faits qui n’étaient ni mentionnés dans la déclaration du membre visé, ni corroborés dans une déclaration ou un document d’enquête. Le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) [1] a rejeté certaines assertions dans la réponse, les considérant non exactes. Ces assertions concernaient le manque de supervision et une série de facteurs influant sur les efforts déployés par le membre dans le cadre d’enquêtes.

[3]  Les parties ont participé à des entretiens préalables à l’audience avec le comité de déontologie les 4 novembre et 16 décembre 2016 ainsi que les 6 mars, 1er juin, 7 juin et 7 septembre 2017. À l’issue de ces entretiens préalables, le RAD a entrepris de faire questionner des membres au sujet de certains éléments évoqués dans la réponse du membre visé.

[4]  Par conséquent, deux autres séries de documents ont été déposés par le RAD le 2 décembre 2016 et le 24 mars 2017. Ces documents découlaient de mesures d’enquête supplémentaires qui avaient été prises à la suite des entretiens préalables à l’audience. Le RAD avait chargé un enquêteur de chercher à faire corroborer par certains superviseurs et collègues opérationnels du membre visé de l’information précise qui avait été exposée, de façon assez générale, dans la réponse de ce dernier. Le RAD a aussi soumis des listes de membres affectés aux différents quarts qui indiquaient qui étaient les membres de l’équipe de veille (y compris les superviseurs) qui travaillaient probablement avec le membre visé aux moments visés par les enquêtes et cités dans l’allégation 1 (voir la pièce RAD no 2, onglet 5). A également été soumise une liste des absences du membre visé (congé médical aprouvé, congé pour raisons personnelles ou autres types de congé).

[5]  En outre, le RAD a fourni une copie des différentes politiques auxquelles il était allégué que le membre avait contrevenu en lien avec chacun des huit dossiers d’enquête mentionnés dans l’allégation 1. Les politiques applicables ont d’abord été soumises par le RAD le 23 novembre 2016. Après la parution, le 22 novembre 2016, du procès-verbal de l’entretien préalable à l’audience du 4 novembre 2016, le RAD a soumis une série plus détaillée de politiques applicables le 1er décembre 2016.

[6]  Les politiques de la GRC prévoient les exigences suivantes en lien avec l’allégation 1 : que les tâches et incidents entrés dans le Système d’incidents et de rapports de police (SIRP) par le membre soient revus par un superviseur, que les entrées dans le SIRP soient complètes, exactes et effectuées en temps opportun, et qu’une priorité accrue soit accordée aux dossiers comportant des indicateurs de violence conjugale, auxquels cas une feuille de contrôle conçue spécialement pour ce type d’enquête doit être remplie (voir la pièce RAD no 2, onglets 2, 3 et 4).

[7]  Il convient de souligner que le dossier contient de nombreuses références aux difficultés auxquelles le RM a été confronté avant d’obtenir une copie du dossier médical du membre à la GRC dans son intégralité. Avec le recul, le comité de déontologie estime que ces difficultés ont représenté pour toutes les parties concernées une importante source de distraction qui a ralenti le processus disciplinaire le temps d’étudier les problèmes de santé du membre visé et qui aurait certainement pu être évitée ou rapidement écartée si le dossier médical avait été remis sans tarder.

[8]  Le 16 décembre 2016, lors du deuxième entretien préalable à l’audience, le RM a été chargé d’informer le comité de déontologie, au plus tard le 16 janvier 2017, de toute difficulté empêchant le membre visé d’obtenir une copie de son dossier médical de la GRC. Le 16 janvier 2017, le RM a déclaré que même si le membre visé avait autorisé la GRC à communiquer des documents et des renseignements médicaux, celui-ci avait dû soumettre une demande officielle d’accès à l’information en lien avec son propre dossier médical à la GRC. Lors de l’entretien préalable à l’audience du 6 mars 2017, le comité de déontologie a confirmé ce qui suit :

Particulièrement en ce qui concerne l’allégation selon laquelle le membre visé aurait proféré des menaces, [le comité de déontologie] considère que l’état de santé du membre visé au moment des faits est pertinent et probant afin de déterminer des mesures disciplinaires appropriées, et que par souci d’équité procédurale, le dossier doit être remis au RM.

[9]  À la suite de la demande d’accès à l’information concernant son dossier médical, le membre visé a reçu 327 pages de documentation. Cependant, le 30 mai 2017, le RM a déclaré qu’il semblait que le membre visé avait été l’objet, à la fin de 2013 et au début de 2014, d’évaluations psychologiques dont les rapports étaient toujours « sous scellé » et n’avaient donc pas été fournis. Le RM a soumis les autres documents le 30 mai 2017 en précisant qu’il ne ferait pas de démarches pour obtenir les rapports d’évaluation.

[10]  Le 30 mai 2017, le RM a fourni des documents qui étaient des éléments de preuve significatifs démontrant le stress psychologique et les symptômes de dépression et d’anxiété dont le membre visé souffrait à l’époque des faits ainsi que les effets secondaires de sa médication psychiatrique.

[11]  Finalement, le comité de déontologie a rendu au médecin-chef de la Division K une ordonnance de communication puis une assignation duces tecum pour avoir accès au dossier complet du membre visé.

[12]  Dans un courriel daté du 30 mai 2017, le RAD a indiqué son intention de retirer l’allégation 2. Le retrait officiel de l’allégation 2 a été confirmé le 27 septembre 2017, pendant l’audience disciplinaire à Ottawa. L’allégation 2 n’a donc pas été soumise à l’arbitrage du comité.

[13]  Le 19 septembre 2017, le RAD a soumis de l’information supplémentaire au sujet de la chronologie des événements, notamment différentes injonctions pour que le membre visé subisse des évaluations médicales et la date du décès du père du membre visé.

[14]  Une partie de l’audience s’est tenue à Ottawa du 25 au 28 septembre 2017, et le membre visé a alors témoigné en personne.

[15]  Avant que le membre visé commence son témoignage dans la partie de l’audience relative au fond, le comité de déontologie a entendu, le 25 septembre 2017, le témoignage par téléphone haut-parleur d’un neuropsychologue, le Dr P qui, à la demande du Dr H (le médecin- chef de la Division K), avait évalué le membre visé peu avant la période visée par les allégations contenues dans l’avis d’audience disciplinaire.

[16]  Le médecin-chef a envoyé le dossier médical complet du membre visé aux Services de santé, dans l’immeuble de la GRC à Ottawa où l’audience en personne avait lieu. Le dossier a été transmis au RAD l’après-midi du 25 septembre 2017, après le témoignage du Dr P. Des copies de tous les documents au dossier ont été remises au RM et au comité de déontologie pendant la matinée du 26 septembre 2017.

[17]  Par la suite, toujours le 26 septembre 2017, le médecin-chef et la Dre S (psychologue de la Division K) ont témoigné par vidéoconférence.

Évaluation d’un neuropsychologue externe

[18]  Le 12 mars 2014, le Dr P a réalisé une évaluation neuropsychologique du membre visé à la demande de la Dre S, à la suite de quoi il a produit un rapport daté du 2 avril 2014. Reconnu en tant qu’expert en psychologie, y compris en neuropsychologie, le Dr P, conformément à une assignation à comparaître, a témoigné par téléconférence le 25 et le 27 septembre 2017.

[19]  Le RM a interrogé le Dr P, entre autres au sujet des constatations du Dr P et des recommandations suivantes :

  • Que le membre visé passe un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM)
  • Que l’on prescrive des médicaments appropriés pour la santé mentale du membre visé et qu’on en détermine la posologie appropriée
  • Que le membre visé poursuive sa psychothérapie pendant six mois, avant de retourner au travail

Témoignage du médecin-chef

[20]  Le médecin-chef a d’abord témoigné par vidéoconférence le 26 septembre 2017. Il a été mis au courant du dossier du membre visé entre la fin de 2013 et le début de 2014. Les professionnels des Services de santé avaient déjà dirigé vers le Dr P, un neuropsychologue- conseil, des membres dont l’aptitude à travailler, du point de vue neurocognitif, était mise en doute. La Dre S et lui pouvaient demander une évaluation neuropsychologique lorsque la présentation clinique d’un membre n’était pas claire, qu’on soupçonnait que les capacités cognitives d’un membre étaient à l’origine de problèmes de rendement ou que les antécédents médicaux d’un membre faisaient état de blessures ou de troubles d’apprentissage.

[21]  La Dre S a vu le membre visé à la fin de décembre 2013. Le médecin-chef s’est joint à elle lors de rencontres subséquentes avec le membre visé en janvier et en février 2014. En févirier 2014, à la suite d’une évaluation de la situation, il a été déterminé que le membre visé devrait être dirigé vers le Dr P.

[22]  De l’avis du médecin-chef et de la Dre S, les antécédents du membre visé étaient compliqués parce qu’ils comprenaient plusieurs commotions cérébrales, des signes potentiels de trouble de l’attention observés lorsqu’il était plus jeune, son comportement récent qui avait été déclaré et son comportement instable lors de ses interactions avec le médecin-chef et la Dre S.

[23]  Le 7 mai 2014, le médecin-chef et le membre visé ont passé en revue le rapport du Dr P daté du 2 avril 2014. Dans son témoignage, le médecin-chef a déclaré avoir pris connaissance des résultats de l’évaluation neuropsychologique et obtenu le consentement du membre visé pour envoyer le rapport à son médecin traitant, le Dr R, ainsi qu’à son thérapeute à Fort McMurray, M. L.

[24]  Conformément à certaines recommandations dans le rapport du Dr P, le membre visé a dû fournir des échantillons adéquats pour le dépistage de drogue en laboratoire pour essayer de mettre en concordance ses mauvais résultats au test avec ses antécédents professionnels adéquats. Les résultats de l’analyse en laboratoire émis le 14 mai 2014 faisaient état de taux de testostérone indiquant la consommation de stéroïdes ou le dopage aux stéroïdes. Je tiens à souligner qu’aucune autre drogue n’a été détectée dans les échantillons.

[25]  Le Dr P a recommandé que le membre visé consulte un psychiatre. Pour le médecin-chef, cela signifiait que si la santé mentale du membre visé ne s’améliorait pas après que ce dernier eut poursuivi sa psychothérapie et sa médication, il était suggéré qu’il consulte un psychiatre.

[26]  Le Dr P a aussi recommandé que le membre visé passe un test de neuroimagerie pour écarter toute cause organique pour ses résultats au test. Le médecin-chef a indiqué que la GRC ne faisait pas de telles demandes et en a laissé le soin au médecin personnel du membre visé, qui a reçu une copie du rapport du Dr P. Le médecin-chef estimait qu’un test de neuroimagerie n’était pas nécessaire compte tenu de l’état clinique du membre visé.

[27]  Environ trois mois après son évaluation du 7 mai 2014, le membre visé a été considéré apte à reprendre ses pleines fonctions policières. Avant que le membre visé retourne au travail, le Dr H a discuté avec le sous-officier responsable du membre pour lui dire qu’il devait surveiller le rendement du membre et lui faire part de tout problème à cet égard.

[28]  La dernière fois que le médecin-chef a vu le membre visé en juillet 2014, celui-ci avait convenu qu’il était apte au travail. Le médecin-chef a déclaré qu’une consultation avec un psychiatre, telle que recommandée par le Dr P, ou une autre forme d’évaluation pourraient toujours être réalisées en cas de problème de comportement ou de rendement.

[29]  Dans le cadre de discussions avec le médecin-chef et la Dre S le 10 juillet 2014, le membre visé a indiqué qu’il poursuivait sa thérapie et qu’il avait réglé ses problèmes de consommation d’alcool, et il a été informé que la consommation de stéroïdes n’était pas compatible avec les fonctions policières. Comparativement aux rencontres précédentes où le membre visé était agité, celui-ci se comportait cette fois-là d’une façon plus appropriée : il semblait plus stable.

[30]  Il y a eu trois rencontres avec le membre visé à la suite de la réception du rapport neuropsychologique du Dr P, et compte tenu de l’information fournie par son médecin traitant et de la façon dont celui-ci s’est présenté aux rencontres, le médecin-chef, contrairement au Dr P, ne croyait pas que le membre visé aurait besoin d’un traitement de six mois avant de pouvoir reprendre ses pleines fonctions opérationnelles.

[31]  Le médecin-chef a noté que lorsque le membre visé est retourné au travail en juillet 2014, il comprenait qu’il serait capable d’assumer ses fonctions opérationnelles jusqu’en décembre 2014. Cependant, le médecin-chef n’était pas au courant des allégations d’inconduite concernant les actes et omissions du membre visé à l’automne 2014, à son retour au travail.

[32]  Le médecin-chef a confirmé que le membre visé avait été de nouveau en congé à partir de la fin de décembre 2014 (ou à partir de janvier 2015) jusqu’à avril 2015, lorsqu’il a été jugé apte à travailler après avoir rencontré différents médecins dans le bureau du médecin-chef.

[33]  Vers avril 2014, le membre visé avait des problèmes avec sa glande thyroïde qui, selon ce que le médecin-chef en comprenait, étaient gérés par le médecin traitant du membre visé. La nécessité éventuelle d’une mutation à l’extérieur de Fort McMurray pour être traité par un spécialiste a été mentionnée dans une évaluation de santé en juillet 2014.

[34]  À Fort McMurray, M. L, thérapeute, et Mme TA, psychologue, ont tous deux vu le membre visé de janvier à avril 2015.

[35]  Le médecin-chef et la Dre S ont tous deux remarqué le comportement inhabituel du membre visé lors de leurs premières rencontres, en particulier son irritabilité. Et compte tenu de ce qui semblait constituer des antécédents médicaux « confus », y compris le fait que le membre ait déclaré de nombreuses commotions cérébrales et un déficit d’attention potentiel, l’évaluation du Dr P était considérée appropriée. En outre, une note d’information du surint. M. datée du 7 avril 2014 contenait de l’information qui, combinée avec le rapport du Dr P, a amené le médecin-chef à ordonner au membre visé de passer des tests pour sa glande thyroïde et pour le dépistage de drogues, y compris les stéroïdes.

[36]  Le 10 avril 2014, le membre visé a rencontré le médecin-chef et la Dre S, une rencontre où le médecin-chef estimait que la Dre S et lui étaient parfois très francs et directs avec le membre en ce qui concernait leurs préoccupations et leur espoir de voir le membre visé en santé et productif.

[37]  Le 15 avril 2014, le médecin-chef a reçu les résultats de l’analyse des échantillons fournis par le membre visé le 9 avril 2014. Ces résultats indiquaient une hypothyroïdie nécessitant un suivi auprès du médecin traitant du membre visé. Aucune drogue « de rue » n’avait été détectée. Comme les échantillons devaient être envoyés à un autre laboratoire pour le dépistage des stéroïdes, les résultats du dépistage de stéroïdes ne sont arrivés que le 14 mai 2014. Les taux de testostérone et d’épitestostérone du membre visé indiquaient qu’il avait consommé de la testostérone.

[38]  Lors d’une rencontre subséquente avec le médecin-chef le 10 juillet 2014, ce dernier résultat a été l’objet d’une discussion au cours de laquelle le membre visé a reconnu avoir déjà consommé une sorte de stéroïdes en particulier. Tel qu’il l’a indiqué dans les notes qu’il a prises pendant la discussion, le médecin-chef se souvenait que le membre avait été avisé que la consommation de stéroïdes n’était pas compatible avec les fonctions policières et qu’il pourrait subir d’autres tests si sa consommation devait poser problème de nouveau.

[39]  Le médecin-chef a confirmé que la consommation de stéroïdes ou le dopage aux stéroïdes peut entraîner de la rage, de l’agressivité et des changements de comportement et que le sevrage de médicaments peut entraîner des sautes d’humeur, un état dépressif et la fatigue. Le médecin-chef a déclaré que la consommation de stéroïdes aurait pu contribuer au comportement du membre visé.

[40]  Dans son rapport soumis le 8 juillet 2014, le médecin traitant du membre visé a indiqué que le membre était apte à assumer des fonctions opérationnelles. Par conséquent, le médecin-chef lui a assigné un profil médical « apte à travailler » après l’avoir rencontré le 10 juillet 2014.

[41]  Puisque le test de dépistage avait révélé que le membre visé avait consommé des stéroïdes et que le médecin-chef n’avait décelé aucun trouble de comportement lors de la rencontre du 10 juillet 2014, le médecin-chef ne voyait pas la nécessité de faire passer au membre visé un test de neuroimagerie en vue de détecter des déficits neurologiques. Si le membre visé avait continué de présenter des signes de trouble du comportement, on aurait probablement demandé une évaluation psychiatrique clinique afin de déterminer si le membre était apte à travailler.

[42]  Le médecin-chef n’a jamais été consulté en lien avec des problèmes de santé qui auraient pu être associés à l’écart de conduite qui nous occupe, et il n’a plus revu le membre visé après le 10 juillet 2014.

[43]  L’inconduite du membre visé s’étend sur une période allant du 3 septembre 2014 au 15 juin 2015. Pendant cette période, on lui a prescrit des somnifères et deux différents types d’antidépresseurs.

Témoignage de la psychologue divisionnaire

[44]  Le témoignage de la Dre S, psychologue agréée, a été reçu plus tard, soit le 26 septembre 2017. Le comité de déontologie, à l’instar des deux parties, a jugé que la Dre S était qualifiée pour donner une opinion d’expert sur des questions psychologiques cliniques comme les évaluations psychologiques, les diagnostics, les traitements et les pronostics, de même que sur la santé au travail.

[45]  Le 15 janvier 2014, la Dre S a reçu du sergent JW un courriel qu’elle a jugé préoccupant. Elle avait eu des échanges avec le membre visé en 2013, mais ne savait pas qu’il n’avait pas repris ses fonctions le 26 décembre 2013. Lorsqu’elle a reçu le courriel, elle a immédiatement appelé le membre visé pour prendre de ses nouvelles. Comme le membre visé avait des problèmes connus d’hypothyroïdie et qu’il prenait des médicaments qui lui occasionnaient de la fatigue, la Dre S a considéré que la situation était complexe et méritait une rencontre clinique. Dans son courriel, le sergent JW indiquait que le membre visé avait une affectivité diminuée (il était toujours d’humeur égale) ce qui pouvait entre autres être un signe de dépression clinique.

[46]  Le membre visé n’a pas subi d’évaluation ni reçu de traitement psychiatrique à la suite du courriel du 15 janvier 2014. La Dre S croyait qu’il était suivi par son médecin de famille, qui lui prescrivait ses antidépresseurs.

[47]  Le 19 février 2014, la Dre S a envoyé au Dr P un courriel au sujet d’un aiguillage récent, intéressant et assez urgent concernant le membre visé. Il était urgent que le membre voie un spécialiste parce qu’il semblait instable et qu’il partait en congé puis revenait au travail en niant tout symptôme de dépression. Dans son courriel, la Dre S a soulevé la possibilité que le membre visé ait des problèmes cognitifs, compte tenu que celui-ci avait mentionné avoir subi plusieurs commotions cérébrales (possiblement jusqu’à 22) et s’était fait prescrire des médicaments qui indiquaient de possibles problèmes de déficit d’attention et d’hyperactivité. Le Dr P était considéré comme un expert qualifié pour étudier ces problèmes cognitifs compte tenu de son expertise en neuropsychologie et des nombreux cas semblables qui lui avaient été confiés.

[48]  La Dre S a confirmé qu’elle comprenait certains éléments du rapport rédigé par le Dr P. Ce dernier recommandait un test de neuroimagerie afin d’écarter toute étiologie organique des difficultés observées pendant le test, mais aucune suite n’a été donnée directement à cette recommandantion par le système des services de santé de la GRC. Une copie du rapport intégral du Dr P a plutôt été envoyée au médecin de famille du membre visé. Si ce médecin avait demandé une imagerie par résonance magnétique pour le membre visé, l’équipe du médecin-chef aurait pu accélérer la procédure. Le médecin-chef aurait pu demander lui-même un test de neuroimagerie pour le membre visé ou à tout le moins accélérer le processus pour qu’il puisse passer un tel test. De même, le médecin-chef aurait pu diriger le membre visé vers un psychiatre, mais une telle démarche était généralement faite par les médecins traitants des membres.

[49]  La Dre S savait qu’à partir de la date d’émission du rapport du Dr P en avril 2014, le membre visé serait encore en congé pendant trois mois, soit jusqu’en juillet 2014. Au début de juillet 2014, le membre visé a rencontré la Dre S, et le médecin-chef s’est joint à eux. Selon la Dre S, lors de cette rencontre, le médecin-chef a passé en revue avec le membre visé les résultats des analyses en laboratoire, le membre visé a confirmé qu’il était prêt à retourner au travail et celui-ci a été jugé apte à travailler. La Dre S n’est plus intervenue dans le dossier du membre visé jusqu’à la fin de l’année 2014, et au milieu de 2015, soit au moment de l’écart de conduite du membre visé, elle n’était au courant d’aucun problème de conduite. Le membre visé a insisté pour voir un autre psychologue et un autre médecin de la GRC, et sa demande a été accueillie.

[50]  Comme elle avait travaillé au dossier de santé au travail du membre visé en 2013 et 2014, la Dre S jugeait qu’elle pouvait présenter des conclusions sur les répercussions des facteurs de stress personnel avec lesquels le membre visé devait composer. Parmi ces facteurs de stress considérés comme importants dans sa vie, il y avait son divorce, les défis de la monoparentalité et la maladie en phase terminale d’un de ses parents qui vivait en Ontario. Selon elle, il essayait vraiment d’aller travailler et il n’aurait parfois pas dû y aller, mais il disait qu’il allait bien.

[51]  Interrogée par le RAD, la Dre S a confirmé qu’en ce qui concerne les évaluations de l’aptitude à travailler, elle était généralement responsable d’évaluer les problèmes psychologiques et émotionnels, tandis que le médecin-chef se chargeait des problèmes de santé d’ordre médical. Dans de nombreux cas, ces deux sphères de responsabilité se chevauchent.

[52]  La Dre S a déclaré qu’elle pouvait aider les membres qui ne recevaient ni services de consultation ni services psychologiques à trouver des spécialistes et à demander de tels services. Dans le cas du membre visé, elle comprenait que le membre visé voyait un psychologue de l’extérieur de la GRC à Fort McMurray.

[53]  À la lumière d’information transmise aux Services de santé sans qu’une demande ait été faite à cette fin, la Dre S a compris que l’on soupçonnait le membre visé de consommer de l’alcool de façon excessive et de consommer également des drogues illicites et des stéroïdes, sans toutefois avoir de preuve. Par conséquent, la Dre S a demandé au Dr P de tenir compte de ces éléments dans son évaluation du membre visé, afin que l’on détermine s’ils contribuaient à l’instabilité parfois observée chez le membre visé. Dans son rapport, le Dr P a d’ailleurs indiqué que la consommation de substances intoxicantes était une étiologie répandue et qu’il suggérait que cette avenue soit étudiée plus en profondeur.

[54]  Lors de sa dernière rencontre avec le membre visé en juillet 2014, la Dre S était convaincue que le membre visé recevait le soutien psychologique nécessaire. Rien n’indiquait que le membre visé vivait des difficultés et il semblait stable. Elle n’a pas indiqué que le membre visé devait consulter un psychiatre, tel qu’il était mentionné dans le rapport du Dr P, parce que l’état du membre visé s’était amélioré entre avril et juillet 2014. Ni le médecin de famille du membre visé ni son psychologue n’avaient indiqué le contraire.

Témoignage du membre visé

[55]  Après avoir reconnu les infractions au code de déontologie reprochées dans les allégations 1 et 3 devant le comité de déontologie le 27 septembre 2017 en matinée, le membre visé a débuté son témoignage dans le cadre de la partie de l’audience relative au fond. Il a été convenu qu’afin d’accélérer le processus, le membre visé témoignerait également en lien avec des éléments liés aux mesures disciplinaires.

[56]  Comme ni le RAD, ni le RM, ni le comité de déontologie n’avaient eu accès au dossier médical complet du membre visé au moment où le Dr P a témoigné au téléphone le 25 septembre 2017, le comité de déontologie a permis que le témoignage du Dr P, au téléphone, soit prolongé et se poursuive le 27 septembre 2017.

[57]  Avec le consentement du RM, le témoignage du membre visé a été interrompu pour que le RAD puisse poser les deux questions suivantes au Dr P :

  • Le résultat positif du test de dépistage de stéroïdes d’avril 2014 change-t-il l’interprétation du Dr P des résultats que le membre visé a obtenus aux tests normalisés?
  • Ce résultat change-t-il le prognostic du Dr P selon lequel le membre visé pouvait retourner au travail six mois plus tard?

« Problèmes de recevabilité » soulevés par le RM

[58]  Même si le RM avait admis que le dossier de l’audience disciplinaire du membre visé contenait les documents d’enquête qui accompagnaient l’avis initial d’audience disciplinaire (ce qui est inscrit dans le compte rendu de l’entretien préalable à l’audience du 4 novembre 2016), le RM a soulevé des « problèmes de recevabilité » le 27 septembre 2017, peu après que le membre visé eut reconnu de vive voix les faits qui lui étaient reprochés dans les allégations 1 et 3. Selon le RM, les documents d’enquête ne pouvaient être des pièces à conviction probantes qu’à l’une ou l’autre des conditions suivantes :

  • les documents ont été présentés au membre visé pendant son témoignage et ont été admis en preuve;
  • les documents ont été l’objet d’un affidavit produit auprès du comité de déontologie;
  • les documents ont été produits par un témoin.

[59]  Selon le RM, la « divulgation » des documents d’enquête au comité de déontologie, exigée dans les CC (déontologie), ne doit servir qu’à faciliter les conférences préparatoires et la résolution et la gestion des cas pendant la préparation aux audiences. Le RM a fait valoir que le comité de déontologie doit faire fi de toute l’information reçue avant l’audience qui n’avait pas officiellement été admise en preuve. Le RM a indiqué que l’intégralité des dossiers d’enquête ne devait pas être systématiquement versée au dossier disciplinaire, ajoutant qu’aucune jurisprudence ne le justifiait.

[60]  Plus précisément, le RM a invoqué l’alinéa 24.1(3)c) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 (la Loi sur la GRC), qui stipule qu’un comité d'arbitrage de la GRC a le pouvoir de « recevoir et [d']accepter les éléments de preuve et renseignements, fournis sous serment ou sous forme d'affidavit, qu'[il] estime indiqués, qu'ils soient ou non recevables devant un tribunal ». La seule argumentation écrite du RAD à cet égard se trouvait aux pages 1, 14, 32 et 33, et avait été tirée de la Loi sur la GRC, consultée à partir du site CanLii le 27 septembre 2017.

[61]  Sans entendre le RAD, le comité de déontologie a exposé son point de vue sur la question. Le comité de déontologie n’approuvait pas l’insistance du RM sur la preuve formelle et l’admission en preuve de l’information sur laquelle s’appuient les deux parties. Tous les documents déposés devant le comité de déontologie sont considérés comme faisant partie du dossier. Si le membre visé estimait que des documents inappropriés avaient été déposés devant le comité de déontologie, celui-ci avait la liberté de faire valoir que les documents en question devaient être écartés, à défaut de quoi tous les documents déposés faisaient partie du dossier et il appartenait au comité de déontologie d’en déterminer la pertinence et l’importance, à moins que celui-ci les exclue expressément. Pour en arriver à cette décision, le comité de déontologie s’est appuyé sur la Loi sur la GRC dans son ensemble, y compris sur les CC (déontologie), et sur l’important pouvoir discrétionnaire accordé aux comités de déontologie quant à la façon dont ils tiennent les audiences. Le comité de déontologie a aussi fait remarquer qu’une série d’entretiens préalables à l’audience avaient eu lieu, et que le RM aurait dû exprimer son opposition beaucoup plus tôt.

[62]  Tel qu’il est indiqué précédemment, le compte rendu de l’entretien préalable à l’audience du 4 novembre 2016 indique ce qui suit :

Les parties conviennent que les documents déposés devant le [comité de déontologie] ainsi que tous les autres documents qui seront présentés constitueront le dossier, et il n’est pas du tout probable qu’il soit jugé nécessaire de tenir une audience où des pièces à conviction documentaires ou autres seraient présentées aux témoins. [TRADUCTION]

[63]  Le comité de déontologie a ajouté que le fait de désigner un document comme étant une pièce à conviction servait simplement à aider le représentant et à accélérer le déroulement de l’audience puisque cela évitait d’avoir à décrire officiellement le document chaque fois qu’il était présenté à un témoin ou l’objet d’une argumentation d’un représentant. Cette désignation sert à des fins pratiques, de commodité et de repérage rapide pour les représentants appelés à interagir avec les témoins. En étant désignées comme étant des pièces à conviction, les séries de documents deviennent plus pertinentes que les documents qui sont simplement soumis au comité de déontologie. Le dossier contient donc les documents soumis au comité de déontologie, que ce dernier peut décider d’exclure officiellement.

[64]  Outre cette dernière conclusion, il convient de souligner, à des fins d’orientation, que conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), le comité de déontologie reçoit beaucoup d’information avant l’audience. Auparavant, les éléments de preuve et pièces à conviction n’étaient produits qu’à l’audience, mais maintenant, l’information est produite avant l’audience et traitée à la discrétion du comité de déontologie. Le terme « preuve produite à l’audience » dans l’ancien alinéa 45.13(1)c) de la Loi sur la GRC a été remplacé par un terme plus général , soit « renseignements transmis au comité », à l’alinéa 26c) des CC (déontologie).

[65]  Des commentaires et renseignements complémentaires sur le sujet, notamment la liste des nombreuses réformes appportées par l’actuel système de gestion des cas de déontologie, figurent dans la section portant sur les principes dans le Guide du comité de déontologie (2017) et aux paragraphes 132 à 139 de la décision de l’arbitre de niveau II concernant l’appel dans l’affaire entre le commandant de la Division J et le gend. Cormier (datée du 20 novembre 2017) (dossier 2016- 33572, C-017).

[66]  À la fin de l’audience à Ottawa, il a été prévu que l’audience se poursuivrait le 18 octobre 2017, dans le cadre d’une téléconférence qui serait enregistrée et dont le contenu serait transcrit et au cours de laquelle les parties présenteraient leurs observations finales sur le bien- fondé des allégations. Le RAD a présenté une argumentation écrite au sujet des allégations peu avant le début de cette téléconférence et a corrigé une erreur dans son argumentation dans un courriel de suivi l’après-midi du 18 octobre 2017.

[67]  Le RM a fourni des observations de vive voix lors de la téléconférence du 18 octobre 2017 et a soumis une brève argumentation écrite le 20 octobre 2017 en réponse aux principales observations écrites du RAD en lien avec les allégations. Le RM n’a soumis aucune décision (jurisprudence), mais a fait référence au Guide des mesures disciplinaires de la GRC publié en novembre 2014 (ci-après appelé le « Guide »), dont le comité de déontologie a versé une copie au dossier.

[68]  Le 20 octobre 2017, le RM a aussi déposé un courriel qu’il avait reçu le 13 octobre 2017 et dans lequel le médecin-chef indiquait qu’il avait demandé au membre visé de faire un suivi auprès de son médecin traitant étant donné que le médecin-chef ne connaissait aucun programme de sevrage ou d’abandon du dopage aux stéroïdes.

[69]  Le comité de déontologie a rendu une décision de vive voix quant au bien-fondé des allégations le 23 octobre 2017. Compte tenu de la disponibilité limitée des témoins avant que cette décision soit rendue de vive voix, le comité de déontologie a permis l’audition du sergent T relativement au sommaire de sa déposition et la suite du témoignage du membre visé, dont le comité de déontologie devait tenir compte au moment de déterminer les mesures disciplinaires à imposer au membre visé. Le RAD avait soumis un sommaire de déposition pour le sergent T le 19 octobre 2017.

[70]  Le 25 octobre 2017, le comité de déontologie a rendu sa décision de vive voix en ce qui concerne les mesures disciplinaires à imposer au membre visé.

[71]  Les décisions rendues de vive voix les 23 et 25 octobre 2017 étaient accompagnées d’un avertissement selon lequel les constatations, conclusions et motifs seraient étayés, clarifiés et expliqués avec plus de détails dans la présente décision finale écrite.

ALLÉGATIONS

[72]  Les allégations suivantes ont été formulées à l’endroit de l’appelant au début de l’audience du 25 septembre 2017 (pièce RAD no 1) :

Allégation 1

Entre le 3 septembre 2014 et le 15 décembre 2014, à Fort McMurray, dans la province de l’Alberta, ou dans les environs, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation :

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du

Canada (GRC) affecté à la Division K, dans la province de l’Alberta. Incident 2014-1112570 [1. Urgence médicale – voir la pièce RAD no 2, onglet 6]

2. Le 3 septembre 2014, la GRC à Fort McMurray a reçu un appel concernant une urgence médicale. Le numéro d’incident 2014-1112570 a été généré pour le Système des incidents et rapports de police (SIRP) et vous avez été désigné enquêteur principal au dossier.

3. Vous avez négligé de consigner dans le SIRP les mesures d’enquête que vous avez prises en lien avec cet appel de service.

4. Le 3 octobre 2014, vous avez approuvé la tâche liée à cet incident et avez fermé l’incident sans l’avoir soumis à l’examen et à l’approbation de votre superviseur.

5. Vous saviez que vous n’étiez pas autorisé à approuver votre propre tâche et à fermer votre propre incident et que vous contreveniez à la politique sur le SIRP.

6. Ce faisant, vous avez caché à votre superviseur votre défaut de consigner adéquatement l’incident 2014-1112570 dans le SIRP.

Incident 2014-1170712 [2. Vol d’un dossier médical – voir la pièce RAD no 2, onglet 7]

7. Le 16 septembre 2014, la GRC à Fort McMurray a reçu une plainte de vol déposée par l’Associated Medical Clinic. Le numéro d’incident 2014-1170712 a été généré pour le SIRP et vous avez été désigné enquêteur principal au dossier.

8. Dans le sommaire de l’incident dans le SIRP, vous avez écrit que l’article qui avait été volé avait été récupéré et remis à son propriétaire légitime. Cette information était inexacte.

9. En tant qu’enquêteur principal, vous avez négligé de prendre les mesures nécessaires pour vous assurer de l’exactitude de l’information entrée dans le SIRP.

10. Vous avez négligé d’entrer dans le SIRP l’article volé qui était sous votre responsabilité, conformément à l’article 47.2 du Manuel des opérations de la Division K, qui porte sur les rapports généraux dans le SIRP.

Incident 2014-1187572 [3. AVM impliquant un piéton – voir la pièce RAD no 2, onglet 9]

11. Le 19 septembre 2014, la GRC à Fort McMurray a reçu un appel concernant un accident de véhicule motorisé (AVM) impliquant un piéton. Le numéro d’incident 2014-1187572 a été généré pour le SIRP et vous avez été désigné enquêteur principal au dossier.

12. Vous avez omis de donner suite à cet appel de service et n’avez pas pris note de l’incident comme il se devait.

13. Le 24 septembre 2014, vous avez approuvé la tâche liée à cet incident sans l’avoir soumise à l’examen et à l’approbation de votre superviseur.

14. Vous saviez que vous n’étiez pas autorisé à approuver votre propre tâche et que vous contreveniez à la politique sur le SIRP.

15. Ce faisant, vous avez caché à votre superviseur votre défaut de donner suite à l’incident 2014-1187572 et de le consigner adéquatement dans le SIRP.

Incident 2014-1209098 [4. Deux appels au 911 interrompus – voir la pièce no 2, onglet 11]

16. Le 24 septembre 2014, la GRC à Fort McMurray a reçu deux appels interrompus au 911 provenant du même numéro de téléphone. Le numéro d’incident 2014-1209098 a été généré pour le SIRP et vous avez été désigné enquêteur principal au dossier.

17. Vous avez omis de donner suite à cet appel de service et n’avez pas pris note de l’incident comme il se devait.

18. Le 27 septembre 2014, vous avez approuvé la tâche liée à cet incident et avez fermé l’incident sans l’avoir soumis à l’examen et à l’approbation de votre superviseur.

19. Vous saviez que vous n’étiez pas autorisé à approuver votre propre tâche et à fermer votre propre incident et que vous contreveniez à la politique sur le SIRP.

20. Ce faisant, vous avez caché à votre superviseur votre défaut de donner suite à l’incident 2014-1209098 et de le consigner adéquatement dans le SIRP.

Incident 2014-1333626 [5. Chauffeur de taxi menacé – voir la pièce RAD no 2, onglet 12]

21. Le 21 octobre 2014, la GRC à Fort McMurray a reçu un appel au 911 d’un chauffeur de taxi qui se plaignait d’avoir été menacé par un autre chauffeur. Le numéro d’incident 2014-1333626 a été généré pour le SIRP et vous avez été désigné enquêteur principal au dossier.

22. Vous avez omis de donner suite à cet appel de service et n’avez pas pris note de l’incident comme il se devait.

23. Le 22 octobre 2014, vous avez approuvé la tâche liée à cet incident et avez fermé l’incident sans l’avoir soumis à l’examen et à l’approbation de votre superviseur.

24. Vous saviez que vous n’étiez pas autorisé à approuver votre propre tâche et à fermer votre propre incident et que vous conteveniez à la politique sur le SIRP.

25. Ce faisant, vous avez caché à votre superviseur votre défaut de donner suite à l’incident 2014-133626 et de le consigner adéquatement dans le SIRP.

Incident 2014-1333463 [6. Plainte d’aggression sexuelle – voir la pièce RAD no 2, onglet 13]

26. Le 21 octobre 2014, la GRC à Fort McMurray a reçu une plainte d’agression sexuelle. Le numéro d’incident 2014-1333463 a été généré pour le SIRP et vous avez été désigné enquêteur principal au dossier.

27. Vous n’avez mené aucune enquête complémentaire en lien avec cet appel de service et vous n’avez pas tenté de recueillir la déclaration du suspect.

28. Le 26 octobre 2014, vous avez repoussé la date d’agenda de la tâche même si vous n’assumiez pas un rôle actif de supervision. Vous avez ainsi contrevenu à l’article 47.2 du Manuel des opérations de la Division K, qui porte sur les rapports généraux dans le SIRP.

29. Le 27 novembre 2014, vous avez approuvé la tâche liée à cet incident et avez fermé l’incident sans l’avoir soumis à l’examen et à l’approbation de votre superviseur.

30. Vous saviez que vous n’étiez pas autorisé à approuver votre propre tâche et à fermer votre propre incident et que vous contreveniez à la politique sur le SIRP.

31. Ce faisant, vous avez caché à votre superviseur votre défaut d’enquêter adéquatement sur l’incident 2014-1333463 et de le consigner adéquatement dans le SIRP.

Incident 2014-1475177 [7. Violence conjugale – voir la pièce RAD no 2, onglets 14, 15, 17, 18 et 19]

32. Le 22 novembre 2014, la GRC à Fort McMurray a reçu un appel au sujet d’un épisode potentiel de violence conjugale. Le numéro d’incident 2014-1475177 a été généré pour le SIRP et vous avez été désigné enquêteur principal au dossier.

33. Vous avez omis de mener une enquête adéquate sur un cas de violence conjugale et de remplir une feuille de contrôle d’enquête sur la violence conjugale, tel que l’exigent la GRC et l’article 2.4 du Manuel des opérations de la Division K, qui porte sur la violence et les mauvais traitements dans les relations.

34. Vous avez omis de consigner dans le SIRP, comme il se doit, les mesures d’enquête que vous avez prises, y compris l’arrestation et la libération de la personne visée par la plainte.

35. Vous n’avez pas soumis l’incident ni la tâche connexe à l’examen de votre superviseur en temps voulu, comme l’exige l’article 47.1 du Manuel des opérations de la GRC, intitulé « Gestion du SIRP ou du SIRPP ».

Incident 2014-1540341 [8. Querelle de ménage – voir la pièce RAD no 2, onglets 16, 17, 18 et 19]

36. Le 9 décembre 2014, la GRC à Fort McMurray a reçu un appel concernant une querelle de ménage. Le numéro d’incident 2014-1540341 a été généré pour le SIRP et vous avez été désigné enquêteur principal au dossier.

37. Vous avez omis de mener une enquête adéquate sur un cas de violence conjugale et de remplir une feuille de contrôle d’enquête sur la violence conjugale, tel que l’exigent la GRC et l’article 2.4 du Manuel des opérations de la Division K, qui porte sur la violence et les mauvais traitements dans les relations.

38. Vous avez omis de prendre la déposition des personnes ayant porté plainte, de tenter d’obtenir une déposition de la personne visée par la plainte et de consigner les mesures d’enquête que vous avez prises dans le SIRP, comme il se doit.

39. Vous n’avez pas soumis l’incident ni la tâche connexe à l’examen de votre superviseur en temps voulu, comme l’exige l’article 47.1 du Manuel des opérations de la GRC, intitulé « Gestion du SIRP ou du SIRPP ».

40. Votre conduite en lien avec les huit incidents liés au SIRP susmentionnés était déshonorante.

[…]

Allégation 3

Le ou vers le 15 juin 2015, à Fort McMurray, dans la province de l’Alberta, ou dans les environs, [le membre visé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation :

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division K, dans la province de l’Alberta.

2. Le 20 avril 2015, vous avez été affecté à des fonctions administratives dans la section de la sécurité routière, sous la supervision directe du [caporal (cap.)] [MM]. En tant que [sous-officier responsable] du groupe administratif des services aux membres, [le sergent (serg.) [DT] était responsable de superviser votre affectation.

3. Le 15 juin 2015, vous avez rencontré le cap. [MM] et le gend. [PE] pour discuter de questions liées au travail.

4. Pendant la rencontre, vous êtes entré dans une grande colère et avez tenu des propos déplacés à l’égard d’autres membres de la GRC. Plus précisément, vous avez dit :

- que le cap. [IC] avait eu de la chance que votre fille ait été près de vous lorsqu’il s’est présenté chez vous, parce que si elle n’avait pas été là, vous l’auriez fait sortir de chez vous en lui donnant un coup de poing;

- que le serg. [DT] devrait faire appel au Groupe tactique d’intervention (GTI) la prochaine fois qu’il enverrait quelqu’un chez vous parce que les choses allaient mal tourner : une accusation de voies de fait sur un agent de la paix serait certainement déposée;

- que vous tueriez le serg. [DT] s’il se présentait encore une fois chez vous.

5. Vos propos et votre comportement ont amené le serg. [DT] à craindre pour sa sécurité.

6. Vous vous êtes donc comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

CONCLUSIONS SUR LES ALLÉGATIONS

[73]  Tel qu’il a été brièvement décrit précédemment, il a été approuvé que le membre visé témoigne étant donné que la réponse écrite soumise par son représentant contenait de l’information qui ne faisait pas partie de la déposition du membre visé ayant été enregistrée par un enquêteur interne de la GRC. En témoignant, le membre visé acceptait qu’il pouvait aussi être contre-interrogé au sujet d’information et d’affirmations provenant tant de sa déclaration que des observations écrites.

[74]  L’examen immédiat des document d’enquête réalisé par le comité de déontologie a révélé que la majeure partie des éléments de l’énoncé détaillé de l’allégation 1 étaient établis par les entrées dans le SIRP, les fermetures de tâches et d’incidents par le membre visé et les aveux que ce dernier a faits à un enquêteur interne dans sa déclaration initiale. Toutefois, le RM a fait valoir que, même s’il avait admis avoir commis les actes reprochés dans les allégations 1 et 3, certains de ces actes ne devraient pas être considérés comme une conduite déshonorante ou leur gravité devrait être considérablement atténuée en raison de la supervision inadéquate du membre visé, de sa charge de travail, de ses obligations conflictuelles en lien avec les affaires en cause et de ses absences approuvées liées au traitement que son père recevait en Ontario à cause d’une maladie grave.

[75]  Par conséquent, le RAD a présenté une reliure à onglets contenant les dossiers du SIRP liés à chacune des huit enquêtes en cause (pièce RAD no 2) afin de faciliter son interrogatoire du membre visé en lien avec le rejet ou l’atténuation d’allégations d’inconduite liées à l’allégation 1.

[76]  Je confirme que je dois appliquer la norme de preuve de la préponderance des probabilités afin de déterminer si les faits reprochés sont établis. Il ressort clairement des argumentations des parties que l’identité du membre visé est établie dans les allégations 1 et 3.

Allégation 3

[77]  Après avoir pris connaissance du dossier, y compris la transcription de l’audience sur l’engagement à ne pas troubler l’ordre public, les aveux contenus dans la réponse soumise en vertu du paragraphe 15(3) des CC (déontologie), les déclarations des membres ayant vu le membre visé ou ayant interagi avec lui au moment de ses déclarations litigieuses et le témoignage du membre visé, et en tenant compte de toutes les argumentations orales et écrites des représentants, je conclus que l’ensemble de l’énoncé détaillé de l’allégation 3 est établi.

[78]  L’allégation 3 est soumise en vertu de l’article 7.1 du code de déontologie, qui stipule ce qui suit : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. »

[79]  Pour déterminer si une allégation soumise en vertu de l’article 7.1 est établie, j’ai adopté la position définie dans l’analyse réalisée par le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC aux paragraphes 92 et 93 de ses recommandations du CEE C-2015-001 et C-008, citées dans la décision datée du 22 février 2016 :

Le comportement déshonorant est évalué à l’aide d’un test qui tient compte de la perception du comportement qu’aurait une personne raisonnable dans la société informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier.

Témoignage du neuropsychologue-conseil

[80]  Les interrogatoires du Dr P, de la Dre S et du médecin-chef visaient surtout à déterminer dans quelle mesure les mauvais résultats du membre visé à certains tests administrés par le Dr P pouvaient indiquer des problèmes cognitifs qui pourraient être liés aux omissions et actes litigieux décrits dans l’avis d’audience disciplinaire. En règle générale, le RM se demandait si le membre visé aurait dû reprendre ses pleines fonctions en juillet 2014 compte tenu des recommandations dans le rapport du Dr P, y compris la suggestion qu’à compter d’avril 2014, le membre visé suive une psychothérapie de six mois avant de retourner au travail. Compte tenu que deux autres recommandations du Dr P n’ont pas été appliquées (imagerie par résonnance magnétique et évaluation psychiatrique), le RM mettait en question le bien-fondé de l’allégation de conduite déshonorante dans l’avis d’audience disciplinaire.

[81]  Je ne crois pas que le fait que le médecin-chef ait approuvé le retour du membre visé au travail en juillet 2014 constitue un moyen de défense, pas plus que le fait que j’entende l’affaire ne signifie que je cautionne un abus de procédure de la part de l’autorité disciplinaire.

[82]  En outre, lors du réinterrogatoire du Dr P par le RAD, il est devenu évident que la consommation de stéroïdes du membre visé au moment où le Dr P l’a évalué en avril 2014 (seulement confirmée par les résultats d’analyse en laboratoire reçus en mai 2014) réduisait considérablement l’obligation de suivre la recommandation du Dr P selon laquelle le membre visé devait subir une imagerie par résonnance magnétique et une évaluation psychiatrique avant de reprendre ses pleines fonctions opérationnelles.

[83]  Par conséquent, j’estime que l’énoncé détaillé de l’allégation 3 est établi selon la prépondérance des probabilités et que la conduite du membre visé faisant l’objet de l’allégation 3 est contraire à l’article 7.1 du code de déontologie car ses paroles, de même que son comportement agressif alors qu’il prononçait ces paroles, amèneraient une personne raisonnable à estimer que son comprtement a jeté le discrédit sur la Gendarmerie.

Allégation 1

1. Urgence médicale

[84]  Compte tenu des notes manuscrites du membre visé, de la déclaration qu’il a faite pendant l’enquête interne, de son témoignage et de la réponse, j’estime que le membre visé a donné suite à cet appel de service, qui concernait une personne ayant besoin de soins médicaux à qui des services médicaux d’urgence avaient été offerts mais que celle-ci a refusés.

[85]  Après avoir pris connaissance des notes au dossier dans le SIRP, j’estime que les paragraphes 3, 4 et 5 de l’énoncé détaillé de l’allégation sont établis puisque le membre visé n’a tout simplement pas consigné les mesures d’enquête qu’il a prises. Dans sa déposition, le membre visé a volontairement résumé ses faiblesses lors de l’incident : « Je me suis rendu sur les lieux. Il n’y avait pas d’équipe médicale. Ils n’avaient pas besoin de la police. Je n’ai pas pris note de l’incident, tout simplement. » Comme cela est établi sur la copie papier du dossier du SIRP, il ne fait aucun doute que le membre visé a approuvé la tâche initiale et fermé l’incident dans le SIRP. Il l’a fait en sachant qu’il n’était pas autorisé à le faire et a donc contrevenu à la politique sur le SIRP.

[86]  En ce qui concerne le fait que le membre visé savait qu’il n’était pas autorisé à fermer lui- même l’incident au lieu de le faire fermer par un superviseur (paragraphe 5 de l’énoncé détaillé), la partie pertinente de la déposition du membre visé et de son témoignage lors du contre- interrogatoire permet d’établir qu’il le savait effectivement et qu’il ne s’agissait pas d’une simple erreur ou d’une série d’entrées ou d’actions incorrectes faites de bonne foi.

[87]  En ce qui concerne le paragraphe 6 de l’énoncé détaillé et d’autres paragraphes similaires, j’estime que le membre visé n’a pas pris les mesures nécessaires car il a omis d’inscrire dans le SIRP les mesures qu’il a prises, comme il se doit, et a approuvé la tâche et fermé l’incident sans qu’aucun superviseur ne soit au courant de cette contravention à la politique sur le SIRP. Comme l’a fait valoir le RAD à juste titre, il est inacceptable qu’un membre se rende sur les lieux d’un appel de service et n’inscrive rien du tout au dossier.

2. Vol d’un dossier médical

[88]  Les paragraphes 7, 8 et 9 de l’énoncé détaillé établissent clairement que le membre visé était l’enquêteur principal chargé du dossier d’un patient que le patient en question avait pris à la clinique médicale, qu’il a écrit dans le dossier du SIRP, même si c’était faux, que le dossier avait été remis à la clinique (son « propriétaire légitime », techniquement) et qu’il a omis de s’assurer que l’entrée dans le SIRP était exacte car le dossier se trouvait dans son pigeonnier au détachement.

[89]  Au paragraphe 10 de l’énoncé détaillé, il est allégué que le membre visé a négligé d’entrer dans le SIRP un article qui était sous sa responsabilité. Je remarque que la gend. T n’a inscrit ni dans son carnet ni dans le SIRP qu’elle avait laissé le dossier médical dans le pigeonnier du membre visé. Interrogée par les enquêteurs assez longtemps après les faits, la gend. T croyait avoir déposé le dossier volé dans le pigeonnier du membre visé tout de suite après être allée le récupérer chez le patient à la demande du membre visé.

[90]  Il est important de tenir compte de la réaction du membre visé lorsqu’il a été interrogé au sujet de ce dossier (à la page 18 de sa déposition) :

C’était [inaudible] et [passage caviardé] l’a pris. J’étais en contact avec la gend. [T].

Elle est allée le chercher. Elle m’a dit qu’elle l’avait. Je pensais qu’elle allait l’amener à la clinique, alors je me suis dit que l’affaire était réglée et que le dossier avait été ramené. Si j’avais su qu’il était dans mon pigeonnier, nous l’aurions retourné ou vu. Je ne savais pas qu’il était dans mon pigeonnier. C’est ça – c’est juste ça – j’ai vraiment peur à cause de ça parce que je n’ai pas – c’est comme ça qu’on fonctionne au centre-ville, d’accord, tu vas aller le chercher, d’accord, merci, je vais fermer le dossier, c’est fait. Je ne l’ai pas vue le prendre et je ne savais pas qu’il était dans mon foutu pigeonnier.

[91]  Compte tenu de l’information pertinente, y compris la réaction spontanée du membre visé lorsqu’il a été interrogé, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le membre visé savait que le dossier médical volé qui avait été récupéré se trouvait dans son pigeonnier et que la gend. T ne l’avait pas ramené directement à la clinique, comme il le croyait.

[92]  Reste le fait que le membre visé a négligé d’inscrire dans un dossier électronique un article volé qui était sous sa responsabilité. Si le dossier médical s’est retrouvé dans son pigeonnier et qu’il a été retrouvé pendant un examen de ses dossiers alors qu’il était absent, le membre visé a certainement omis de l’indiquer dans le système. Mais je ne suis pas convaincu qu’il ait noté le moment où le dossier a été déposé dans son pigeonnier. Je ne crois pas qu’au moment où le membre visé a fait l’entrée contestée au sujet du dossier médical, il savait que le dossier médical avait été récupéré et se trouvait dans son pigeonnier. Je ne suis pas convaincu qu’il savait que le dossier médical se trouvait dans son pigeonnier jusqu’à ce qu’il soit interrogé à ce sujet, puis que cela ait été porté à son attention lorsqu’il a reçu le rapport d’enquête.

[93]  Entre le moment où le membre visé a reçu cet appel de service et son départ pour l’Ontario pour aller voir son père, il a effectué 36 quarts de travail. Donc, je reconnais qu’il peut être difficile de croire que le dossier du patient ait pu être dans le pigeonnier du membre visé si longtemps, mais j’ai l’impression, comme il avait de la difficulté à tenir ses dossiers à jour, qu’il a simplement pu ne pas s’en rendre compte. Si la gend. T avait fait une entrée dans le SIRP ou qu’elle avait simplement confirmé par courriel au membre visé que le dossier volé avait été déposé dans son pigeonnier et non ramené à la clinique médicale, ma conclusion aurait pu être différente. En effet, grâce à une entrée dans le système ou à un courriel, le membre visé aurait su où le dossier se trouvait avant de fermer le dossier.

3. AVM impliquant un piéton

[94]  Pour ce qui est de la plainte liée à l’AVM impliquant un piéton, il est clair que l’ensemble de l’énoncé détaillé est établi. Compte tenu de la déposition du membre visé, de son témoignage, de la réponse ainsi que des entrées dans le SIRP (ou l’absence d’entrées dans le SIRP) à ce sujet, je suis convaincu que le membre visé a omis de répondre à cet appel de service, qu’il n’a pas consigné l’incident comme il se devait et qu’il a approuvé la tâche liée à cet incident sans la soumettre à l’examen et à l’approbation de son superviseur.

[95]  Je ne suis pas convaincu qu’un autre appel de service, à la suite duquel le membre visé aurait dû se rendre sur les lieux d’un vol de véhicule à moteur ou mettre fin à une bagarre à un casino, l’a empêché de se rendre sur les lieux de l’AVM ou du moins de communiquer avec l’équipe des télécommunications, un collègue ou un superviseur de service pour demander à ce que le dossier soit confié à un autre membre. Je suis d’accord avec le RAD lorsqu’il affirme que le fait que le plaignant ait attendu quinze minutes avant d’appeler la police et qu’il semblait n’avoir aucune blessure physique ne changeait en rien le devoir du membre visé d’intervenir.

4. Deux appels au 911 interrompus

[96]  Pour ce qui est de l’incident concernant deux appels au 911 interrompus, il est clair que l’ensemble de l’énoncé détaillé est établi puisque le membre visé a reconnu les faits qui lui étaient reprochés et que ceux-ci sont confirmés par les entrées dans le dossier du SIRP (ou l’absence de ces entrées). Je ne suis pas convaincu qu’une autre obligation légitime – participer au détachement à des tâches associées à l’exécution d’un mandat de perquisition – a empêché le membre visé de donner suite à ces appels au 911 interrompus, ou à tout le moins de s’assurer qu’un autre membre intervienne s’il était véritablement incapable de donner suite à l’appel comme il se doit.

5. Chauffeur de taxi menacé

[97]  En ce qui concerne l’incident du chauffeur de taxi menacé qui a composé le 911, l’ensemble de l’énoncé détaillé est une fois de plus établi puisque le membre visé a reconnu les faits qui lui étaient reprochés et que ceux-ci sont confirmés par les entrées dans le dossier du SIRP (ou l’absence de ces entrées). J’estime qu’il a été désigné enquêteur principal au dossier, qu’il a négligé de donner suite à cet appel de service, qu’il a omis de consigner l’incident comme il se doit, qu’il a approuvé la tâche liée à cet incident et qu’il a fermé l’incident sans le soumettre à l’examen et à l’approbation de son superviseur.

[98]  Qu’un autre membre ait donné suite à l’appel ou non, le fait demeure que le membre visé était l’enquêteur principal et qu’il n’a rien indiqué dans le dossier. Je ne suis pas convaincu que la longue entrevue qu’il a menée auprès d’une plaignante pour aggression sexuelle ait empêché le membre visé d’intervenir.

6. Plainte d’agression sexuelle

[99]  L’enquête contestée suivante porte sur une affaire d’agression sexuelle impliquant la plaignante, Mme P, et le suspect, M. W.

[100]  Le RAD admet qu’en ce qui concerne le paragraphe 27 de l’énoncé détaillé, le membre visé a interrogé Mme P et que, soit en personne comme cela pourrait être le cas, soit au téléphone comme l’affirme le RAD, le membre visé a communiqué avec le personnel de l’hôtel afin de déterminer d’une manière ou d’une autre s’il existait une vidéo de surveillance ou de sécurité. Toutefois, il est également vrai, tel qu’il est indiqué au paragraphe 27, que le membre visé n’a pas tenté d’obtenir du suspect qu’il fasse une déclaration. Par conséquent, le paragraphe 27 est établi à cet égard.

[101]  Pour ce qui est du paragraphe 28, il n’y a aucune contestation sur le fait que le membre visé a lui-même repoussé la date d’agenda de sa tâche, en contravention de la politique sur le SIRP. Et en ce qui concerne le paragraphe 29, il n’y a aucune contestation sur le fait que le membre visé a approuvé sa propre tâche et fermé l’incident. Les paragraphes 30 et 31 sont eux aussi clairement établis. Je ne suis pas convaincu que le décès du père du membre visé à Noël en 2014 a eu une grande incidence sur la décision du membre visé de fermer l’incident lui-même puisque l’incident a été fermé le 27 novembre 2014.

[102]  L’enquête a été relancée après que l’incident eut été fermé par le membre visé. Une déclaration volontaire du suspect, M. W, a été obtenue et il a été déterminé que la participation de Mme P était volontaire, ce qui ne justifiait plus pour les enquêteurs une accusation d’agression sexuelle. Toutefois, il était de la responsabilité du membre visé d’entrer l’information sur M. W dans le Système d’analyse des liens de la violence associée aux crimes (SALVAC) alors qu’il était encore responsable de l’enquête.

7. Violence conjugale

[103]  En ce qui a trait à l’appel au sujet d’un épisode potentiel de violence conjugale, j’estime que le paragraphe 32 de l’énoncé détaillé est établi.

[104]  Toutefois, il est indiqué au paragraphe 33 que le membre visé a omis de mener une enquête sur un cas de violence conjugale et de remplir une feuille de contrôle d’enquête sur la violence conjugale (pièce RAD no 3), mais je crois que, dans les circonstances, ces omissions ne représentent pas une conduite déshonorante car je pense que le membre visé a déterminé de façon raisonnable qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves de violence conjugale peu après s’être présenté sur les lieux. Cela correspond à l’information fournie par le gend. S (qui est lui aussi intervenu) et aux observations présentées de vive voix par le RAD.

[105]  Cependant, le paragraphe 34 est établi. Bien que le membre visé ait pu prendre note à la main de son intervention sur les lieux, il n’a rien inscrit dans le SIRP. De plus, aucune référence n’est faite à l’arrestation et à la remise en liberté de l’homme rencontré sur les lieux, tel qu’il est indiqué au paragraphe 34 (pièce RAD no 4). Mais il semble y avoir de l’information sur cet homme dans le dossier rempli par le gend. S. J’accepte la chronologie des événements établie par le RAD selon laquelle après s’être vu confier ce dossier, le membre visé a eu environ 13 quarts de travail pour entrer les données voulues dans le système et inscrire pourquoi il n’avait pas traité le dossier comme s’il s’agissait d’une affaire de violence conjugale.

[106]  Compte tenu que cet incident a, au moment de la répartition, été considéré comme un épisode de violence conjugale et que le dossier est demeuré ouvert pendant le long congé de maladie du membre visé, j’estime que le paragraphe 35 de l’énoncé détaillé est établi car le rapport d’enquête n’a pas été soumis en temps opportun au superviseur du membre visé.

8. Querelle de ménage

[107]  Le dernier incident contesté porte sur un appel que le répartiteur a considéré comme une « querelle de ménage ». Encore une fois, le membre visé s’est clairement rendu sur les lieux de l’incident, si l’on se fie à ses notes manuscrites. Il est indiqué d’une certaine manière dans ces notes qu’il a discuté avec des gardiens de sécurité et avec M. C et qu’il a potentiellement enlevé un morceau de bois des mains de M. C, mais rien n’indique vraiment que d’autres mesures d’enquête ont été prises. Il n’a pas inscrit dans le dossier du SIRP les mesures d’enquête qu’il a prises, une omission qui est indiquée au paragraphe 38.

[108]  Le RAD fait valoir que puisqu’il était indiqué dans les notes que M. C connaissait la « fille en rose » et que cette dernière était une petite amie (celle de M. C apparemment), l’incident aurait dû être considéré comme une querelle de ménage, ce qui aurait nécessité de suivre le processus applicable en cas d’incident de violence conjugale et de remplir une feuille de contrôle d’enquête sur la violence conjugale.

[109]  Le membre visé a certes négligé de prendre note des mesures d’enquête qu’il a prises, mais selon principalement la déclaration qu’il a faite aux enquêteurs, je suis convaincu qu’il avait raisonnablement déterminé qu’il ne s’agissait pas de violence conjugale mais plutôt d’un méfait impliquant des dommages potentiels à des biens. Si le membre visé avait adéquatement inscrit ses observations et son raisonnement dans le SIRP, le RAD n’aurait probablement fait aucune mention d’une omission déshonorante de suivre le processus applicable aux incidents de violence conjugale et de remplir une feuille de contrôle d’enquête sur la violence conjugale.

[110]  Le fait que le membre visé ait négligé de prendre adéquatement note des mesures d’enquête dans le dossier du SIRP sur une affaire d’abord considérée comme une querelle de ménage est troublant, tout comme le fait que le dossier soit demeuré ouvert car le membre visé avait omis de le faire réviser en temps opportun. J’estime que le paragraphe 39 est établi.

Résumé des constatations liées à l’allégation 1

[111]  Compte tenu de mes constatations susmentionnées concernant les enquêtes décrites dans l’énoncé détaillé de l’allégation 1, je suis convaincu que le fait que le membre visé ait négligé de répondre aux appels et d’inscrire les mesures d’enquête dans le système, qu’il ait repoussé la date d’agenda de sa propre tâche et qu’il ait lui-même approuvé des tâches et fermé des incidents constitue une conduite déshonorante.

[112]  Je confirme que pour conclure que l’allégation 1 est établie en vertu de l’article 7.1 du code de déontologie, j’ai adopté la position définie dans l’analyse du Comité externe d’examen de la GRC aux paragraphes 92 et 93 de ses recommandations C-2015-001 et C-008, citées dans la décision datée du 22 février 2016.

[113]  Tel que je l’ai expliqué dans mon analyse de l’allégation 3 ci-haut, j’estime que le retour au travail du membre visé en juillet 2014, sans que celui-ci ait subi une imagerie par résonnance magnétique, passé une évaluation psychiatrique et fait une psychothérapie tel qu’il était recommandé dans le rapport du Dr P, ne constitue pas un moyen de défense, et que le fait que j’entende l’affaire ne signifie pas que je cautionne un abus de procédure.

[114]  Il a été allégué à plusieurs reprises que le membre visé avait approuvé ses propres tâches et fermé ses propres incidents dans le SIRP et caché d’autres omissions ou actes déshonorants ou omissions commis dans le cadre de ses dossiers d’enquête. J’estime que ces allégations sont établies, mais seulement dans le sens qu’elles exposent simplement le résultat des gestes du membre visé, qui a fermé des incidents lui-même. Ses actes ou omissions n’ont pas été portés à l’attention de ses superviseurs puisqu’il a lui-même approuvé les tâches et fermé les incidents. C’est au cours de l’audience relative aux mesures disciplinaires que les parties pourront présenter les autres conclusions que je devrais tirer de ces faits.

MESURES DISCIPLINAIRES

[115]  Le 20 octobre 2017, le RAD a cité les affaires suivantes relativement aux mesures disciplinaires à imposer :

  • (2013), 13 D.A. (4e) 267 (comité d’arbitrage). Dans sa décision d’appel rendue au niveau II datée du 24 janvier 2018 [D-133], le commissaire adjoint Dubeau a remplacé la peine par le non-congédiement proposé conjointement par les parties.

  • (2006), 29 D.A. (3e) 20 (comité d’arbitrage)

  • (2005), 25 D.A. (3e) 276 (comité d’arbitrage)

  • (2017), 2017 DARD 3

[116]  Je confirme que je dois tenir compte de la nature des contraventions et des circonstances qui les entourent et trouver des mesures disciplinaires appropriées. Pour ce faire, je dois tenir compte des facteurs aggravants et atténuants. Le RAD a invoqué plusieurs facteurs aggravants que je considère importants. Dans une mesure peut-être un peu plus limitée, j’accepte certains facteurs atténuants invoqués par le RM.

Allégation 1

[117]  L’autorité disciplinaire demande que j’ordonne au membre visé, en vertu de l’alinéa 45(4)b) de la Loi sur la GRC, de démissionner de la Gendarmerie dans les quatorze jours, faute de quoi il serait congédié. Du point de vue du RAD, l’éventail des peines appropriées allait d’une confiscation de la solde pendant une période se situant dans le haut de l’échelle (de 35 à 45 jours) à un ordre de démissionner de la Gendarmerie, en passant par une réduction du salaire. Je crois que le RAD délimite avec précision les peines par lesquelles il convient de sanctionner les inconduites semblables à celles du membre visé.

[118]  Le RAD avance qu’en prenant en considération l’ensemble des circonstances, le comité de déontologie devrait conclure que les facteurs atténuants ne suffisent pas pour que le membre visé conserve son emploi à la GRC.

[119]  Pour l’allégation 1, je retiens les facteurs aggravants suivants :

  • L’enquête sur les actes et omissions s’est étendue sur une période de quatre mois.

  • L’écart de conduite n’était pas accidentel puisque le membre visé a caché le fait qu’il avait fermé ses propres incidents, ce qui allait nécessairement empêcher ses superviseurs de passer son travail en revue. Je n’accepte donc pas pleinement le fait, que je trouve trop extrême, que le RAD qualifie cet aspect de l’inconduite de tromperie intentionnelle.

  • Le membre visé a retiré un avantage personnel de son écart de conduite car il s’est soustrait à sa responsabilité d’assumer les conséquences de ses actes.

  • Certaines omissions concernaient des incidents graves, ou du moins des incidents qui, au moment de la répartition, semblaient graves et semblaient nécessiter une intervention rapide de la police.

  • À cause de certaines omissions, d’autres membres ont dû prendre des mesures d’enquête appropriées ou faire des suivis plusieurs mois plus tard, ce qui a eu une incidence négative sur la Gendarmerie.

  • Même s’il a admis les allégations dans ses observations écrites, le membre visé a donné dans son témoignage plusieurs explications incohérentes non corroborées par des éléments de preuve pour ses manquements, ce qui a nui à son intégrité et à sa crédibilité aux yeux du comité d’arbitrage. Je constate que plusieurs des incohérences dans le témoignage du membre visé semblaient attribuables à sa confusion par rapport aux dates ou à des trous de mémoire plutôt qu’à des tentatives délibérées de tromper le comité de déontologie ou de se présenter sous un jour favorable.

[120]  Pour ce qui est de l’allégation 3, j’estime que la mesure disciplinaire simple imposée au membre visé le 17 juillet 2014 (une réprimande pour un contrôle routier, visant son ancienne amie de coeur dont il était séparé, qui a été effectué à une fin non opérationnelle) ne concerne pas directement l’affaire qui nous occupe. Je ne crois pas que cette mesure disciplinaire simple soit liée de quelque façon que ce soit aux manquements du membre visé qui sont décrits dans l’allégation 1. Mais de façon plus générale, le fait que le membre visé ait reçu cette réprimande peu avant son accès de colère au détachement le 15 juin 2015 (l’objet de l’allégation 3) élimine la possibilité que cet incident où il a proféré des menaces ait pu être un écart de conduite isolé dans une carrière à la GRC par ailleurs sans tache.

[121]  Le RAD souligne un dernier facteur aggravant qui, selon lui, justifie que le membre visé perde son emploi : le fait qu’il ait reconu avoir consommé des stéroïdes.

[122]  Le RAD fait valoir que le membre visé a accepté trop tard le sevrage de stéroïdes. Le membre visé prenait des stéroïdes depuis longtemps et cela n’était pas compatible avec son statut de policier. Après avoir été averti par le médecin-chef en juillet 2014, le membre visé a continué de consommer des stéroïdes (malgré, selon son témoignage, certaines interruptions délibérées et tentatives infructueuses d’arrêter de consommer) jusqu’à son témoignage le 23 octobre 2017. Le RAD fait valoir qu’il a continué de consommer des stéroïdes jusqu’à ce qu’il soit confronté aux résultats positifs du test de dépistage de mai 2014 qui lui ont été présentés pendant cette audience du comité de déontologie. Selon le RAD, ce facteur aggravant compromet grandement l’aptitude du membre visé à exercer la profession policière.

[123]  Pour le comité de déontologie, le défi consiste à évaluer la mesure dans laquelle la consommation de stéroïdes a pu contribuer à l’écart de conduite du membre visé, mais aussi à déterminer dans quelle mesure la consommation de stéroïdes doit être considérée comme un facteur aggravant, particulièrement parce qu’elle s’est poursuivie (avec, apparemment, certaines interruptions) jusqu’au témoignage du membre visé devant le comité de déontologie. Cette tâche a été compliquée par les difficultés auxquelles le RM s’est heurté en vue d’obtenir le dossier médical intégral du membre visé et par le fait que les efforts déployés par le RM pour obtenir le dossier intégral ont entraîné la nécessité d’en divulger le contenu au comité de déontologie et au RAD. J’estime que le refus de transmettre le dossier intégral au RM, malgré l’autorisation signée du membre visé, qui a mené à l’obligation de fournir le dossier aux deux parties ainsi qu’au comité de déontologie en vertu d’une sommation, a dans une certaine mesure porté atteinte à l’équité procédurale du point de vue du membre visé. Le contenu du dossier médical du membre visé concernant la consommation de stéroïdes n’aurait peut-être pas été soumis à l’examen minutieux du comité de déontologie si le dossier avait, dès le début, été remis uniquement au RM et à son client. Habituellement, la consommation de stéroïdes est clairement un important facteur aggravant, mais dans les circonstances de l’espèce, je ne suis pas prêt à lui accorder une importance telle qu’elle doive empêcher le membre visé de conserver son emploi. Ce n’est ni un facteur isolé, ni un facteur suffisamment important pour faire pencher la balance en faveur de la nécessité de lui faire perdre son emploi.

[124]  Dans l’information soumise par le RM pour les fins précisément de l’audience sur les mesures disciplinaires, je retiens ce qui suit :

  • Les courriels échangés par la psychologue divisionnaire (la Dre S) et le sous-officier responsable des Services aux membres du Détachement de [lieu caviardé] au sujet des observations troublantes sur le membre visé ayant été faites par les membres qui se sont rendus à sa résidence le 14 janvier 2014, notamment des problèmes de léthargie, « l’effet boomerang » et le non-respect de la posologie liée aux médicaments lui ayant été prescrits en raison de sa dépression.

  • Un rapport daté du 19 septembre 2016 où M. EL (détenteur d’une maîtrise en travail social et employé des services de santé de l’Alberta) a indiqué les séances de consultation en gestion de la colère auxquelles le membre visé a participé tel qu’il lui a été ordonné le 16 avril 2016 dans le cadre des conditions assortissant son engagement de ne pas troubler l’ordre public découlant d’une accusation criminelle pour avoir proféré des menaces (mentionnée dans la section portant sur l’allégation 3). Le document contient également les constatations de M. EL selon lesquelles le membre visé réfléchissait pendant les séances de consultation et participait activement aux séances, qu’il a fait des progrès intéressants, qu’il était conscient du caractère inacceptable de son comportement passé et qu’il semblait généralement éprouver des remords. M. EL indique que le membre visé demeure dûment motivé à participer aux séances de consultation pour la gestion de la colère et que d’autres séances lui seraient bénéfiques. Il convient de souligner que le médecin-chef n’a demandé directement ni à M. EL ni à aucun autre professionnel de la santé d’aborder le problème de consommation de stéroïdes du membre visé avec ce dernier, même si le rapport du Dr P a été remis au médecin personnel du membre visé.

  • Une lettre non datée de la tante du membre visé où elle écrit ses observations et son opinion au sujet des interactions appropriées entre son neveu et elle sur une période de 15 mois, y compris les visites qu’elle lui a rendues en avril et en septembre 2015. Elle déclare que le membre visé était un excellent père pour ses deux petites filles et semblait toujours contrôler la situation. Dans une partie de cette très courte lettre, il est indiqué que le membre visé a parlé de la détresse qu’il vit à cause de certaines de ses fonctions de policier à la GRC et il est fait mention du trouble de stress post- traumatique et de ce qu’il semble être certains symptômes de ce trouble. La lettre est signée « Dr. [G.G.] C. Psych. », mais rien dans les documents soumis par le RM n’atteste quelque qualification ou expertise professionnelle que ce soit. J’estime que cette lettre a une portée fort limitée et ne sert qu’à confirmer que le membre visé bénéficie du soutien d’autres membres de sa famille, que ce soit au téléphone ou en personne.

  • Une lettre datée du 22 mars 2016 où la mère du membre visé répond à la demande de références morales pour ce dernier. Il y est indiqué qu’elle croit que l’accusation d’avoir proféré des menaces est contraire à son éthique du travail et à son tempérament. Je considère plus utile et pertinente sa description lapidaire des importantes sources de stress dans la vie de son fils au cours de la période en cause :

Cette infraction s’est produite dans une période de la vie [du membre visé] où il a vécu un stress extrême, de 2012 à 2015, en raison de l’écroulement de son mariage, de la pression d’être un co-parent qui a un emploi très exigeant, et de la maladie et du décès de son père en Ontario. [TRADUCTION]

  • Un résumé de la déposition que le sergent d’état-major JK, le chef de veille du membre visé à partir de l’automne 2014, a faite le 13 janvier 2017. La déposition porte sur plusieurs éléments, notamment le besoin pour le membre visé de prendre un congé pour raisons familiales lorsque son père était malade, les membres chargés de le superviser directement, et le fait que le s.é.-m. JK n’était pas au courant des problèmes qu’avait le membre visé à terminer les enquêtes.

  • Le rapport annuel Wood Buffalo RCMP 2014 Annual Report to our Community, qui comprend, sous forme de graphiques ou autres, des statistiques sur les taux de criminalité, les appels de service et les ressources humaines et une analyse des principaux types d’infractions qui ont été l’objet de poursuites.

  • Un rapport de Statistique Canada intitulé « Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2015 ».

  • L’évaluation du rendement et le plan d'apprentissage du membre visé pour la période du 1er avril au 31 octobre 2012, alors qu’il travaillait pour le Groupe des crimes contre les biens au Détachement de Fort McMurray.

  • Le résumé de la déposition du cap. MQ obtenue le 12 janvier 2017, où il mentionne qu’il a été superviseur par intérim pour la Veille A et qu’il n’a jamais supervisé directement le membre visé.

  • Une série de documents tirés du dossier médical du membre visé à la GRC, que le comité de déontologie a reçus le 14 juillet 2017, lors d’un contrôle de santé à la Direction générale de la GRC à Ottawa.

  • Une série de documents que la Direction des représentants des membres a envoyés par la poste au comité de déontologie et que ce dernier a reçus le 5 septembre 2017, désignés lors de l’audience à Ottawa sous le nom de la « trousse Campbell » parce qu’il y avait des documents médicaux ayant été présentés par le RM (pièce RM no 1). Notons entre autres les notes manuscrites du médecin-chef en date du 10 juillet 2014, où sont indiquées les questions qui ont été abordées ce jour-là avec le membre visé (ainsi que la Dre S). L’une de ces notes dit ce qui suit :

[…] a pris connaissance des résultats des tests de dépistage de drogues – a reconnu avor déjà consommé de l’Anavar. Avisé que la consommation de stéroïdes n’est pas compatible avec les fonctions policières et que je pourrais le soumettre à d’autres tests plus tard. [TRADUCTION]

Je prends note du dépôt de ces documents par le RM, car le processus tortueux au terme duquel le RM ainsi que le RAD et le comité d’arbitrage ont finalement reçu une copie de l’ensemble du dossier médical du membre visé ne s’est terminé que plus tard. Par conséquent, cela n’a joué aucun rôle dans la divulgation de cette référence à la consommation de stéroïdes.

  • Une autre série de documents médicaux, qui se trouvaient dans le dossier médical complet du membre visé à la GRC, dont il a été question lors de l’interrogatoire d’un témoin le 28 septembre 2017 et qui, avec l’accord des parties, ont été imprimés puis étiquetés en tant que pièces à convition afin d’en faciliter la consultation (pièce RM no 2).

[125]  J’estime que les fiches de rendement soumises par le RAD indiquent que des problèmes de rendement avaient déjà été portés à l’attention du membre visé quant à son manque d’assiduité (pièce RAD no 5) et à ses problèmes liés à la gestion des dossiers et à la rédaction des rapports d’enquête (pièce RAD no 6, une fiche de rendement que le membre visé n’a pas signée mais qui a été portée à son attention selon les dires du sergent T, ce que j’estime probable). Bien que la situation ait été abordée sous l’angle du rendement, les lacunes du membre visé constituent un facteur agravant puisque ce dernier a été avisé qu’il devait accorder une plus grande importance à la rédaction de ses rapports d’enquête. En même temps, les omissions du membre visé montrent clairement qu’il avait de la difficulté à respecter des normes de rendement raisonnables en ce qui a trait à la gestion de plusieurs de ses dossiers. Le comité d’arbitrage considère que le problème du membre visé repose dans une certaine mesure sur sa détermination continue à traiter davantage d’appels de service qu’il ne peut le faire efficacement en s’acquittant des tâches administratives connexes.

[126]  Je retiens les facteurs atténuants suivants dans les circonstances des contraventions établies en l’espèce :

  • Dans sa déclaration à l’enquêteur interne concernant l’allégation 1, sa réponse et son témoignage devant le comité de déontologie, le membre visé a reconnu les faits qui lui étaient reprochés, ou du moins a-t-il reconnu sans hésiter avoir commis les actes et omissions à plusieurs reprises, ce qui prouve (avec parfois quelques réserves) sa disposition à assumer la responsabilité de ses actes.

  • En admettant relativement tôt dans la procédure criminelle être l’auteur des actes qui lui étaient imputés et en s'engageant à ne pas troubler l'ordre public en lien avec l’allégation d’avoir proféré des menaces (allégation 3), le membre visé a montré qu’il était disposé à assumer la responsabilité de ses actes.

  • En participant aux séances de consultation pour la gestion de la colère qui lui étaient imposées dans le cadre de son engagement à ne pas troubler l’ordre public, le membre visé a montré qu’il était disposé à prendre part à ces séances et qu’il avait la capacité de tirer profit des soins de santé mentale visant sa réhabilitation et la prévention de tout autre écart de conduite de cette nature.

  • Bien qu’il soit inacceptable qu’il consomme des stéroïdes, le membre visé a affirmé sous serment qu’il en consommait toujours, ce qui indique qu’il se conforme toujours aux valeurs fondamentales de l’organisation que sont l’honnêteté et la responsabilisation. Il était clairement embarrassant pour le membre visé de faire un tel aveu, et son argument selon lequel on ne lui a pas offert de cure de désintoxication, s’il porte à croire à une déresponsabilisation, doit être considéré en tenant compte de l’état émotionnel dans lequel il se trouvait à cet instant pendant son témoignage.

[127]  En ce qui a trait à l’allégation 1, le fait que le rendement du membre visé (en fait, son piètre rendement) ait été considéré comme une conduite déshonorante doit se refléter dans la nature des infractions appelées à entraîner des mesures disciplinaires. Je ne considère tout simplement pas que la nature de l’écart de conduite décrit dans l’allégation 1 corresponde à un manque d’honnêteté et à une recherche d’intérêt personnel aussi graves que ce qui est mentionné dans les dossiers de vol et autres affaires disciplinaires citées par le RAD pour expliquer pourquoi le congédiement du membre visé serait la mesure disciplinaire qui serait proportionnelle à la nature et aux circonstances de la contravention. Le membre visé n’a pas pris certaines mesures d’enquête et administratives nécessaires et n’a pas conclu comme il se doit certaines tâches et certains dossiers en omettant de les soumettre à l’examen de son superviseur. Il n’a pas fait de fausses entrées et n’a pas tenté de falsifier de l’information ou des éléments de preuve en vue de favoriser des procédures judiciaires contre un individu.

[128]  Urgence médicale – confiscation de solde pour deux jours de travail : Le fait que le membre visé ait omis d’entrer de l’information tirée de ses notes (de consigner les mesures d’enquête qu’il a prises) peut être perçu comme un problème de rendement. Toutefois, le fait qu’il ait approuvé sa propre tâche et qu’il ait fermé l’incident était contraire à la politique et a compromis la fonction de supervision des dossiers prévue par cette politique. La frontière entre problème de rendement et problème de discipline a donc été franchie. La confiscation de solde pour deux jours de travail est imposée en raison des actes et omissions du membre visé et de l’absence de supervision qui en a découlé, autant d’éléments qui ont été mentionnés aux paragraphes 4, 5 et 6 de l’énoncé détaillé.

[129]  Vol d’un dossier médical – confiscation de solde pour un jour de travail : J’ai trouvé la décision d’arbitrage de la GRC répertoriée (2004) 21 DA (3e) 168, qui portait sur une situation semblable puisqu’un membre avait déclaré qu’une tâche inachevée était terminée. Dans cette affaire, le membre a déclaré qu’un mandat avait été annulé une certaine date, alors qu’il avait en fait été annulé plus tard. La personne visée par le mandat devait répondre au mandat jusqu’à ce qu’il soit déterminé que celui-ci était annulé. Le comité d’arbitrage a imposé au membre visé une réprimande et la confiscation de sa solde pour trois jours de travail. Dans l’affaire qui nous occupe, la Gendarmerie est en droit de s’attendre à ce que les inscriptions aux dossiers soient exactes. Par conséquent, les actes du membre visé méritent d’entraîner des mesures correctives dans le cadre du système de gestion de la déontologie. Je reviendrai plus tard sur les mesures correctives se rapportant au rendement, mais j’impose une confiscation de solde correspondant à un jour de travail pour l’entrée de données inexactes dans le SIRP. Le dossier médical a finalement été retrouvé dans le pigeonnier du membre visé. Je ne crois pas qu’il ait fait une fausse entrée en sachant que la gend. T n’avait pas livré le dossier médical à la clinique. Compte tenu de la réaction que le membre visé a eue lorsqu’il a été interrogé pour les besoins de l’enquête et dans son témoignage devant le comité de déontologie, je ne suis pas convaincu que la gend. T a immédiatement déposé le dossier dans le pigeonnier, même si c’est ce qu’elle a indiqué dans un courriel destiné à un enquêteur. Lorsque le dossier a été envoyé au superviseur du membre visé, celui-ci aurait pu signaler qu’en vertu de la politique, le dossier médical volé qui avait été récupéré aurait dû essentiellement être entré dans le SIRP en tant qu’élément de preuve au lieu d’être retourné directement à la clinique. L’absence d’intervention de son superviseur doit être prise en considération dans la détermination d’une peine appropriée.

[130]  AVM impliquant un piéton – confiscation de solde pour deux jours de travail : L’omission de donner suite à cet appel de service, qui était relativement peu prioritaire, n’est pas acceptable. Et même si cette omission témoigne d’un mauvais rendement, elle constitue un écart de conduite car rien n’a apparemment été fait pour que le dossier soit confié à un autre membre travaillant pendant ce quart qui aurait pu intervenir. J’estime approprié d’imposer une confiscation de solde pour un jour de travail pour l’omission de donner suite à l’appel de service et une confiscation de solde pour un deuxième jour de travail pour l’approbation par le membre visé de sa propre tâche. Cet incident devait être revu par un superviseur. Bien qu’en pratique, l’approbation de la tâche amènerait un superviseur à clore le dossier, un superviseur qui aurait révisé l’incident aurait pu, ou aurait peut-être dû, émettre des doutes quant à l’absence de mesures consignées par le membre visé avant de clore le dossier.

[131]  Deux appels au 911 interrompus – confiscation de solde pour quinze jours de travail : J’estime que l’omission du membre visé de donner suite aux deux appels au 911 interrompus est un manquement grave qui requiert l’imposition d’une confiscation de solde importante pour transmettre un message fort, particulièrement à lui, et pour indiquer clairement, à des fins de dissuasion générale, que dans ce type d’incident, le membre responsable du dossier doit intervenir ou s’assurer qu’un autre membre le fera. J’impose donc au membre visé une confiscation de solde pour douze jours de travail pour l’omission d’être intervenu ou d’avoir déployé des efforts suffisants pour s’assurer de l’intervention d’un autre membre. Compte tenu de la gravité de l’affaire, j’ajoute une confiscation de solde pour trois jours de travail supplémentaires parce que le membre visé a approuvé sa propre tâche et fermé l’incident. Je remarque que le dossier est demeuré ouvert du 24 septembre 2015, lors des deux appels interrompus, jusqu’au 27 septembre 2015, lorsque l’incident a été fermé. Je me serais attendu à ce que les superviseurs soient au courant d’un incident prioritaire tel que celui-ci. Je trouve préoccupant qu’aucun superviseur ne soit intervenu. L’apparente absence de contrôle des dossiers actifs peut être attribuable au manque de personnel mentionné par le sergent T dans son témoignage. J’estime que l’absence de supervision active, au-delà de la simple présence d’un ou de plusieurs superviseurs pendant un quart donné, est un facteur atténuant en l’espèce.

[132]  Chauffeur de taxi menacé – confiscation de solde pour trois jours de travail : Cet incident semble toucher davantage le rendement que la déontologie. Toutefois, le citoyen avait droit à une intervention et pour cette raison, j’estime que l’omission d’intervenir, ou peut-être dans ce cas de s’assurer qu’un autre membre communique à tout le moins avec le plaignant, justifie l’imposition d’une confiscation de solde de deux jours. Et pour le fait que le membre a approuvé la tâche et fermé l’incident, j’impose une confiscation de solde pour un jour de travail. Je crois comprendre que le chauffeur de taxi menacé n’a pas rappelé la police. Bien qu’il ait certainement eu droit à ce qu’on donne suite à son appel, cela me donne l’impression que la situation n’était pas urgente.

[133]  En outre, j’estime que la connaissance que le membre visé avait de la communauté où il travaillait, y compris certains chauffeurs de taxi qui travaillaient dans le secteur qu’il patrouillait, a pu éclairer sa perception du bien-fondé de la plainte et de l’existence d’une menace réelle pour la sécurité publique. Toutefois, cela a aussi pu le désensibiliser et l’amener à ne pas traiter la demande d’intervention policière comme il se devait.

[134]  Plainte d’agression sexuelle – confiscation de solde pour 21 jours de travail : Le membre visé a admis sans hésiter que la raison qu’il l’a conduit à clore le dossier comme il l’a fait est inacceptable. Au bout du compte, lorsque l’individu mis en cause a été interrogé par un autre enquêteur, aucune accusation d’agression sexuelle n’a été jugée appropriée. Mais le défaut d’avoir mené une enquête appropriée mérite d’être sévèrement condamné et justifie l’imposition de mesures correctives. J’impose donc au membre visé une confiscation de solde pour 15 jours de travail parce qu’il a omis de prendre les mesures nécessaires pour prendre la déclaration du suspect, pour un jour parce qu’il a repoussé la date d’agenda d’une de ses tâches, et pour cinq jours parce qu’il a approuvé sa propre tâche et clos lui-même le dossier. Je considère justifié que la confiscation de solde pour l’approbation de la tâche et la fermture du dossier soit plus importante que pour les autres contraventions au code de déontologie compte tenu de la priorité qui doit être accordée à toute plainte d’agression sexuelle. Les lacunes dans cette enquête n’ont apparemment été remarquées qu’en janvier 2016 et des mesures d’enquête supplémentaires ont été prises par la suite. Cela indique sans aucun doute que le dossier a été fermé, mais de façon générale, cela peut également témoigner de la nécessité que les dossiers prioritaires soient revus de façon plus attentive et plus opportune par des superviseurs.

[135]  Violence conjugale et querelle de ménage : Dans ces deux affaires, j’estime que l’omission du membre visé de prendre note des mesures d’enquête qu’il a prises (il a pris des notes dans son calepin, mais n’a rien entré dans le SIRP) est le principal écart de conduite dans la conduite déshonorante qui a été établie. Dans les deux cas, le membre visé a déterminé que peu importe la description qui en était faite dans les rapports sommaires des répartiteurs, aucun des incidents ne constituait une affaire de violence conjugale justifiant la tenue d’une enquête. L’omission du membre visé d’inscrire en temps opportun ses mesures d’enquête et les motifs pour lesquels il n’avait pas traité l’incident comme une affaire de violence conjugale pourrait être perçue comme un problème de rendement. Mais compte tenu de la description initiale de ces incidents, le fait qu’il n’ait pas pris ces notes en temps opportun devient un problème disciplinaire car il reflète un manque important de diligence dans l’accomplissement de ses tâches, ce qui constitue une conduite déshonorante.

[136]  Violence conjugale – confiscation de solde pour trois jour de travail : Le membre visé aurait dû noter que l’individu visé par la plainte avait été arrêté et remis en liberté dans le cadre d’un mandat non relié, mais j’estime que cette omission était attribuable en partie au fait qu’à ce moment, il n’était pas au courant de la façon dont les documents papier qu’il avait remplis en lien avec l’arrestation et la date du procès seraient traités dans les systèmes de dossiers du détachement.

[137]  Querelle de ménage – confiscation de solde pour trois jours de travail : Il est indiqué dans les notes du membre visé que ce dernier a communiqué avec un ou plusieurs plaignants – les agents de sécurité – mais le fait qu’il ait négligé de prendre note de leurs renseignements personnels et de leurs dépositions, même sommaires, indique davantage qu’un problème de rendement, tout comme le fait qu’il ait omis d’entrer les détails sur l’individu visé par la plainte et sur la « fille en rose », si cette dernière avait pu être trouvée à l’arrivée du membre visé sur les lieux.

[138]  Au total, pour l’allégation 1, la solde du membre visé est confisquée pour 50 jours de travail :

- Incident 2014-1112570 - 1. Urgence médicale

2 jours

- Incident 2014-1170712 - 2. Vol d’un dossier medical

1 jour

- Incident 2014-1187572 - 3. AVM impliquant un piéton

2 jours

- Incident 2014-1209098 - 4. Deux appels au 911 interrompus

15 jours

- Incident 2014-1333626 - 5. Chauffeur de taxi menace

3 jours

- Incident 2014-1333463 - 6. Plainte d’agression sexuelle

21 jours

- Incident 2014-1475177 - 7. Violence conjugale

3 jours

- Incident 2014-1540341 - 8. Querelle de ménage

3 jours

[139]  Donc, étant habilité à imposer une pénalité financière en vertu de l’alinéa 5(1)j) des CC (déontologie), j’impose au membre la confiscation de sa solde pour 50 jours de travail en lien avec l’allégation 1. Je lui impose également une réprimande, conformément à l’alinéa 3(1)i).

Allégation 3

[140]  J’estime que les mesures disciplinaires indiquées aux pages 56 et 57 du Guide des mesures disciplinaires pourraient s’appliquer dans les circonstances entourant cette infraction.

[141]  J’ai évalué très attentivement l’argumentation du RAD concernant les facteurs aggravants qui se rapportent à l’allégation 3. Parmi ces facteurs, je retiens les suivants :

  • Il est vrai que le membre visé remplissait des fonctions administratives au moment des faits et qu’il avait été averti qu’on attendait de lui un comportement irréprochable.

  • Il a tenu les propos qui lui sont reprochés dans son milieu de travail et ceux-cis’adressaient à d’autres employés.

  • Il a persisté à tenir ses propos, les derniers à tout le moins, même si on l’avait avisé qu’on prenait note de ce qu’il disait. Et même si cela ne faisait pas partie des actes ou omissions étant l’objet de l’allégation 3, après la réunion où il a fait les commentaires en cause, il a répété les commentaires en question à d’autres employés.

[142]  Par conséquent, je crois que l’éventail des peines prévu dans le Guide des mesures disciplinaires pour les cas graves de membres qui profèrent des menaces est le plus approprié.

[143]  Mais certains des autres facteurs aggravants permettant de conclure qu’il s’agit d’un cas grave ne s’appliquent pas en l’espèce. Aucune menace n’a été proférée directement à qui que ce soit. Le membre visé n’avait pas d’arme. Il a essentiellement dit que si quelqu’un se présentait encore chez lui, X se produirait et il ferait Y. Il n’a pas dit « Je vais » pour exprimer clairement son intention de faire du mal à quelqu’un. Il s’agissait plutôt de menaces conditionnelles à ce qu’une situation de reproduise. Les menaces proférées par le membre visé étaient certes inacceptables, mais elles n’étaient pas directes. Je présume que c’est parce que les menaces n’étaient pas directes que la Couronne a permis au membre visé de signer un engagement à ne pas troubler l’ordre public.

[144]  Je suis prêt à accepter que certains facteurs atténuants doivent être pris en considération afin de déterminer l’éventail des mesures appropriées pour l’allégation 3. Pour l’allégation 3 (et, dans une moindre mesure, l’allégation 1), il est clair que le membre visé traversait une véritable crise personnelle et familiale au début de 2015. Son père était décédé peu avant, à Noël en 2014. Tout au long de l’automne 2014, le membre visé entretenait une relation acrimonieuse avec son ex-femme. Il devait composer avec les difficultés de la vie d’un père célibataire. Et en plus de devoir composer avec la maladie de son père, il devait faire régulièrement des allers-retours en Ontario pour aider son père, qui subissait des traitements médicaux.

[145]  Même si l’inconduite visée par l’allégation 3 s’est produite quelques mois plus tard, il m’apparaît clairement dans les observations faites par le membre visé — ainsi que les lettres de membres de sa famille qui m’ont été soumises et le témoignage de la Dre S — qu’au moment des faits, le membre visé traversait encore une tempête.

[146]  Au début de l’audience disciplinaire le 25 septembre 2017, cette période tumultueuse était selon moi terminée. Le membre visé s’était remarié. Dans son témoignage, il a déclaré que sa vie personnelle était beaucoup plus stable, et je le crois. De plus, le RM a déposé un rapport où il est indiqué que non seulement le membre visé a participé aux séances de gestion de la colère tel que l’exigeait son engagement à ne pas troubler l’ordre public, mais qu’il a globalement bénéficié de ces séances. Le fait que le membre visé était disposé à poursuivre toute forme de psychothérapie indiquée constitue un facteur atténuant.

[147]  Le membre visé a prouvé qu’il était un enquêteur très efficace lors de son affectation dans l’équipe chargée des vols d’automobiles, et le fait qu’il ait été désigné superviseur intérimaire alors qu’il était gendarme témoigne du fait qu’il était compétent sur le plan opérationnel. J’en conclus que lorsqu’il est motivé et qu’il se sent appuyé par ses collègues et superviseurs, le membre visé est capable d’offrir un rendement pleinement satisfaisant. Un suivi approprié en psychothérapie pourrait permettre de surveiller l’état de santé du membre visé et de s’assurer qu’il a une vision réaliste des exigences et attentes légitimes de ses superviseurs. Tout autre commentaire non professionnel et dérangeant tel que ceux qui sont l’objet de l’allégation 3 indiquerait, à mon avis, que le membre visé est incapable de se comporter comme il se doit malgré le soutien approprié qu’il reçoit en matière de soins de santé.

[148]  Compte tenu des facteurs aggravants et atténuants liés à l’allégation 3, j’estime qu’il est approprié d’imposer au membre visé une réprimande, conformément à l’alinéa 3(1)i) des CC (déontologie), ainsi qu’une confiscation de solde pour 15 jours de travail.

[149]  Je confirme qu’au total, en lien avec toutes les allégations contenues dans l’avis d’audience disciplinaire qui ont été établies, j’impose une confiscation de solde pour 65 jours de travail. Comme je l’ai décrit dans ma décision répertoriée 2016 DARD 2 (corrigée), qui a été confirmée dans la décision d’appel rendue au niveau II, C-017, émise le 20 novembre 2017, je me suis interrogé très sérieusement à savoir si, au vu du nombre de jours où la solde sera confisquée, les mesures disciplinaires en l’espèce ne pourraient être considérées appropriées que si elles entraînaient le congédiement du membre visé. Mais je crois que la latitude qui m’est accordée en tant que comité de déontologie dans le cadre du nouveau système de gestion des affaires disciplinaires me permet d’imposer d’importantes confiscations de solde et d’autres mesures disciplinaires personnalisées qui visent non seulement à corriger, dissuader et, dans une certaine mesure, punir le membre visé, mais aussi à préserver la confiance du public en la GRC et à protéger l’intérêt public, mais qui permettront au membre visé de conserver son emploi et de continuer d’assumer ses fonctions de membre de la GRC.

Autres mesures disciplinaires imposées

[150]  En plus de la réprimande et de la confiscation de solde pour 65 jours de travail susmentionnées, j’impose les mesures suivantes en lien avec les allégations 1 et 3 :

  • Une mutation à un autre lieu de travail en vertu de l’alinéa 5(1)g) des CC (déontologie). Je crois que le membre visé connaît bien certains groupes de la communauté où il travaille, à Fort McMurray et dans les environs. La déclaration que le membre visé a faite à l’enquêteur interne (alors qu’il était très fâché et qu’il aurait pu tenir des propos qui n’auraient pas donné une bonne image de lui à différentes occasions) reflète le point de vue franc et parfois insensible et cynique du membre visé à l’époque. Par conséquent, même si j’estime que le membre a pu réellement bénéficier de ses connaissances sur certaines communautés à Fort McMurray à l’appui de certaines enquêtes, je crois également que le membre visé risque de tomber dans le piège de préjugés conscients et inconscients sur certains groupes et certains types de plaintes. Il est donc opportun et approprié qu’il soit affecté ailleurs.

  • L’obligation, en vertu de l’alinéa 3(1)e) des CC (déontologie), d’effectuer un sevrage de stéroïdes et de tout autre médicament en vente libre ou substance interdite, sous la supervision d’un médecin. Le membre visé devra s’assurer que le médecin traitant communique directement au médecin-chef les modalités du processus de sevrage et lui confirme que le membre visé a suivi le processus jusqu’à la fin.

  • L’obligation, en vertu de l’alinéa 3(1)e) des CC (déontologie), de réussir d’ici les trois prochains mois toute la formation disponible et approuvée par la GRC, que ce soit sous forme de modules en ligne, de cours ou autre, sur les politiques se rapportant aux sujets suivants :

  1. la suite à donner aux appels au 911;

  2. les enquêtes sur les dossiers de violence conjugale;

  3. les enquêtes sur les agressions sexuelles;

  4. les normes de rendement et les processus associés au SIRP.

  • Une restriction des tâches du membre visé pour les trois prochains mois, en vertu de l’alinéa 5(1)a) des CC (déontologie), de façon à ce qu’il assume uniquement des fonctions administratives, à la suite de quoi le médecin-chef déterminera s’il est apte à assumer des fonctions opérationnelles.

  • Une restriction des tâches du membre visé pour une période maximale d’un an, en vertu de l’alinéa 3(1)g) des CC (déontologie), de façon à ce que le membre visé ne puisse pas être désigné caporal ou superviseur intérimaire, et qu’il ne puisse pas approuver des tâches ou clore des incidents dans le SIRP pour un autre membre.

  • L’obligation, en vertu de l’alinéa 3(1)d) des CC (déontologie), de recevoir le traitement médical déterminé par le médecin-chef, y compris l’obligation de fournir tout échantillon d’urine, de sang ou autre demandé par le médecin-chef pour les fins du dépistage de médicaments en vente libre et de substances interdites, notamment les stéroïdes.

  • L’obligation, en vertu de l’alinéa 3(1)b) des CC (déontologie), de travailler sous étroite supervision pendant une période maximale d’un an.

  • En vertu de l’alinéa 5(1)b) des CC (déontologie), l’inadmissibilité à toute promotion pendant une période maximale de trois ans.

Observation concernant une faille évidente dans le SIRP

[151]  J’aimerais me prononcer sur la faille dans le SIRP qui semble avoir été mise au jour en l’espèce, celle-là même qui a permis au membre visé de remplir le rôle de son superviseur en approuvant les tâches et en fermant les incidents. Si aucun membre ne doit pouvoir remplir les tâches de son superviseur, le SIRP devrait être modifié de façon à empêcher tout membre d’approuver l’achèvement de ses propres tâches ou la fermeture de ses propres incidents.

CONCLUSION

[152]  Conformément au paragraphe 25(2) des CC (déontologie), la décision concernant les mesures disciplinaires à imposer au membre visé que j’ai rendue de vive voix le 25 octobre 2017 en présence du membre visé (par téléconférence) prend effet à cette même date.

[153]  La présente décision écrite, datée d’aujourd’hui le 1er mai 2018, constitue la décision écrite devant être signifiée à chacune des parties, conformément au paragraphe 25(3) des CC (déontologie). Les parties peuvent faire appel de cette décision devant le commissaire en déposant un mémoire d’appel dans les 14 jours suivant la signification de la décision au membre visé (article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-293).

CORRECTION : La numérotation séquentielle des paragraphes dans la version finale de la décision écrite datée du 1er mai 2018 est corrigée dans le présent document.

 

Corrections apportées le 7 mai 2018

John A. McKinlay

Comité de déontologie

 

 

 



[1] Note de la traduction : En français, les deux représentants de l’autorité disciplinaire (Me Denys Morel et la sergente Julie Beaulieu) seront désignés par le masculin singulier.

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