Déontologie

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Protégé A

2019 DARD 17

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre :

Le commandant de la Division K

(Autorité disciplinaire)

(Intimé(e))

et

Le gendarme Vernon Pederson, numéro de matricule 56253

(Membre visé)

(Demandeur)

Décision du comité de déontologie

Requête de sursis de l’instance pour la période excédent le délai de prescription,

conformément à l’article 17 des Consignes du commissaire (déontologie), SOR/2014-291

Inspecteur Colin Miller, Comité de déontologie

26 septembre 2019

M. Denys Morel et la sergente d’état-major Chantal Le Du, représentants de l’autorité disciplinaire

Mme Sabine Georges, représentante du membre


Table des matières

INTRODUCTION  3

CONTEXTE FACTUEL  4

MOTIFS DE DÉCISION  5

Le Comité de déontologie est-il habilité à entendre cette requête?  5

Cadre du délai de prescription  7

Analyse  7

a) Ponctualité de la demande de prorogation  8

b) Équité procédurale  10

c) Caractère raisonnable  17

DÉCISION  24

 

INTRODUCTION

[1]  Le demandeur a présenté une requête de sursis de l’instance en raison du dépassement du délai de prescription pour convoquer une audience, comme le décrit le paragraphe 41(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC].

[2]  Suivant la requête de l’intimé, le Directeur général de la Sous-direction de la responsabilisation en milieu de travail (DGSDRMT) a accordé une prorogation de 120 jours au délai de prescription prévu par la loi.

[3]  Le demandeur fait la requête de suspendre la procédure pour les quatre allégations, affirmant que les principes d’équité procédurale ont été violés et que et que la décision du DGSDRMT était clairement déraisonnable.

[4]  Pour les raisons qui suivent, la requête est accueillie et j’accorde un sursis de l’instance.

CONTEXTE FACTUEL

[5]  Le demandeur fait face à quatre allégations d’infraction au Code de déontologie de la GRC, détaillées dans un Avis d’audience disciplinaire daté du 1er avril 2019.

[6]  Les dates des incidents d’inconduite allégués s’étendent entre le 19 septembre 2011 et le 5 février 2012.

[7]  Le 6 décembre 2017, la gendarme M. a divulgué à son superviseur qu’elle avait été victime d’une série de harcèlement et d’agressions sexuelles. Elle a identifié le demandeur comme l’auteur de ces actes et a allégué que les incidents se sont produits lorsqu’il était son formateur des cadets en 2011, quand elle était affectée au détachement de Wetaskiwin.

[8]  À la suite de cette divulgation, son superviseur a rapporté l’information à ses propres supérieurs, ce qui a permis au surintendant Talbot, l’officier hiérarchique du requérant, d’être informé à ce sujet le 6 décembre 2017.

[9]  Le 27 novembre 2018, l’intimé a signifié au requérant un mémorandum intitulé « Avis de demande de prorogation de délai, conformément à l’alinéa 47.4(1) de la Loi sur la GRC », daté du 15 novembre 2018 et signé par l’intimé le 16 novembre 2018 (l’avis original). Ce document informait le demandeur que l’intimé demanderait une prorogation de quatre mois au délai prescrit par le paragraphe 42(2) de la Loi sur la GRC, et l’informait du droit du demandeur de présenter des observations au DGSDRMT, qui a le pouvoir délégué par le commissaire d’accorder une prorogation en vertu du paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC.

[10]  Le 28 novembre 2018, l’intimé a signifié au DGSDRMT un mémorandum intitulé « Demande de prorogation de délai, conformément à l’alinéa 47.4(1) de la Loi sur la GRC », daté du 27 novembre 2018 et signé par l’intimé à la même date, accompagné de l’avis original et d’un affidavit de signification. Le 29 novembre 2018, le demandeur a présenté son objection à la demande de prorogation de délai.

[11]  Le 19 décembre 2018, l’intimé a signifié au demandeur un mémorandum intitulé « Avis de demande de prorogation de délai », daté du 17 décembre 2018 et signé par l’intimé le 18 décembre 2018 (l’avis modifié). Cet avis informait le demandeur que l’intimé demanderait une prorogation de quatre mois du délai de prescription en vertu du paragraphe 41(2) (audience disciplinaire) et du paragraphe 42(2) (rencontre disciplinaire) de la Loi sur la GRC. Il informait également le demandeur de son droit de faire une présentation au DGSDRMT.

[12]  Le 21 décembre 2018, l’intimé a signifié au DGSDRMT une « Demande de prorogation » modifiée datée du 20 décembre 2019 et signée par l’intimée à la même date (la demande modifiée), accompagnée de l’avis modifié et d’un affidavit de signification.

[13]  Le 4 janvier 2019, le demandeur a informé la Section nationale de la gestion de la déontologie (SNGD) qu’il ne soumettrait pas de réfutation supplémentaire.

[14]  Le 30 janvier 2019, le DGSDRMT a approuvé la demande de l’intimé et a prorogé le délai prescrit par les paragraphes 41(2) et 42(2) de la Loi sur la GRC de 120 jours supplémentaires, du 6 décembre 2018 au 5 avril 2019.

[15]  Le 22 mars 2019, l’officier désigné a reçu un Avis à l’officier désigné de décision d’entamer une audience disciplinaire et a nommé le Comité de déontologie le 25 mars 2019.

[16]  Le 1er avril 2019, l’intimé a émis un avis d’audience disciplinaire.

MOTIFS DE DÉCISION

Le Comité de déontologie est-il habilité à entendre cette requête?

[17]  Bien que cette question n’ait pas été abordée au début de la présentation de l’une ou l’autre des parties, j’aborderai d’abord cette question, car si la réponse à cette question est non, tout ce qui suivra sera dénué de sens.

[18]  Comme l’a correctement cité le demandeur, cette question a été abordée par la décision Solesme [1] , dans laquelle le Comité de déontologie a estimé qu’il était habilité à réviser la décision du DGSDRMT. Toutefois, cette situation se distingue de la présente affaire, car le Comité de déontologie avait déjà été nommé au moment où la prorogation a été demandée.

[19]  L’intimé fait valoir qu’un comité de déontologie n’a pas le pouvoir d’entendre la décision du DGSDRMT, car elle n’est pas de son ressort. Citant le paragraphe 13(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC (déontologie)], l’intimé fait valoir qu’un comité de déontologie n’a la possibilité de remédier aux lacunes procédurales que dans le cadre des Consignes du commissaire (règlement) et que la prorogation du délai a été accordée en vertu de la Loi sur la GRC, et non du règlement.

[20]  Toutefois, l’intimé n’a pas considéré le paragraphe 13(4) des CC (déontologie), qui stipule :

(4) Par conséquent, en cas de question liée à la procédure n’étant pas par ailleurs prévue par la loi, son règlement d’application ou les présentes consignes, le Comité de déontologie peut donner toute directive considérée comme appropriée.

[21]  Comme l’a fait remarquer le Comité de déontologie dans l’affaire Solesme, il n’existe aucune disposition précisant qui peut réviser une décision de prorogation de délai dans la Loi sur la GRC, le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 2014, DORS/2014-281, et les Consignes du commissaire, et aucune politique n’a été établie à ce sujet. Ces prorogations peuvent donc être abordées par un comité de déontologie en vertu du paragraphe 13(4) des CC (déontologie).

[22]  En outre, dans le cas 2018 DARD 10, [2] le Comité de déontologie a abordé la décision du DGSDRMT de l’époque, qui avait accordé une prorogation de délai. Je suis donc convaincu d’avoir l’autorité requise pour entendre cette requête.

[23]  Enfin, je suis d’avis qu’un comité de déontologie a non seulement le pouvoir de réviser la décision du DGSDRMT, mais qu’il a aussi l’obligation de le faire lorsque des préoccupations sont soulevées. Ne pas le faire reviendrait à renoncer à sa responsabilité de veiller à la bonne administration du processus de déontologie de la GRC.

[24]  Il est impératif qu’un comité de déontologie examine le processus pour confirmer l’étendue de ses compétences et pour assurer que les principes d’équité procédurale sont respectés, au lieu d’ignorer délibérément les questions qui ont été soulevées, sachant qu’elles pourraient être soulevées en appel. Ne pas le faire entraînerait des difficultés inutiles pour les deux parties et un gaspillage de ressources humaines et financières, et surtout jetterait le discrédit sur l’administration du processus de déontologie de la GRC.

Cadre du délai de prescription

[25]  Puisque les parties sont d’accord sur le fait que le délai de prescription en vertu du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC a commencé le 6 décembre 2017 et s’est terminé le 6 décembre 2018, je n’ai pas besoin d’analyser cette question.

Analyse

[26]  Le demandeur a fait valoir que la décision d’accorder une prorogation de délai est invalide et déraisonnable. Elle est invalide, car la demande de prorogation a été présentée après le délai imparti, et elle est déraisonnable, car elle n’a pas correctement tenu compte de la politique et des faits dans les circonstances.

[27]  L’intimé a laissé entendre que le demandeur avait soulevé trois questions principales à l’appui de sa requête :

  1. Le fait que la demande de prorogation de l’intimé ait été présentée après l’expiration du délai de prescription de un an;
  2. L’existence de manquements au devoir d’équité envers le demandeur;
  3. Le caractère déraisonnable de la décision.

[28]  Après avoir examiné la requête du demandeur, je suis d’accord avec l’intimé sur le fait qu’il y a trois questions qui doivent être abordées. Je vais donc formuler mon analyse en conséquence.

a) Ponctualité de la demande de prorogation

[29]  Pour que la requête soit accueillie sur ce motif, le demandeur doit démontrer que le délai prescrit par l’article 41(2) de la Loi sur la GRC a expiré avant l’ouverture de l’audience disciplinaire.

[30]  La demande originale a été présentée au DGSDRMT le 27 novembre 2018, avant la fin du délai de prescription.

[31]  La demande modifiée a été présentée au DGSDRMT le 21 décembre 2018, après la fin du délai de prescription, qui se terminait le 6 décembre 2018. Par conséquent, le requérant a fait valoir que la demande modifiée était frappée de prescription.

[32]  L’intimé a affirmé que le contenu de la demande modifiée était essentiellement le même que celui de la demande originale. Étant donné que le DGSDRMT a pris en considération les deux documents pour prendre sa décision, la demande (les deux demandes collectivement) a été présentée avant l’expiration du délai de prescription.

[33]  À titre subsidiaire, l’intimé a suggéré que, même si la demande modifiée était présentée après la fin de la prorogation, le DGSDRMT avait toujours l’autorité légale d’accorder la prorogation. À l’appui de sa position, l’intimé a invoqué le paragraphe 68 de l’arrêt Calandrini c. Canada (Procureur général), 2018 CF 52 [Calandrini], qui stipule :

Après avoir examiné la question attentivement, je suis convaincu que le délai prescrit en vertu du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC peut être prorogé par le commissaire conformément au paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC après l’expiration de l’année prescrite.

L’intimé a fait remarquer que cette décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale. [3]

[34]  Dans sa réfutation, le requérant a réfuté la notion selon laquelle les deux avis étaient identiques, suggérant que l’objectif même de la demande modifiée était d’y ajouter une différence, soit de demander une prorogation afin que l’intimé puisse entreprendre une audience disciplinaire.

[35]  Le demandeur n’a pas contesté les conclusions de la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Calandrini. Toutefois, le demandeur m’a mis en garde contre le fait de prévoir une « autorisation illimitée » pour l’octroi de demandes de prorogation tardives, en faisant observer que l’utilisation du mot « peut » n’équivalait pas à ce que cette fonction soit automatique. Le demandeur a laissé entendre que l’utilisation généralisée de prorogations de délai rétroactives annulerait l’objectif des délais de prescription.

[36]  Le demandeur a en outre distingué cette situation de celle de Calandrini, en notant que cette dernière impliquait une prorogation demandée par l’autorité de révision.

[37]  Je suis d’accord avec le demandeur, dans la mesure où la demande modifiée ne s’est pas contentée de corriger une erreur typographique ou d’édition, elle a modifié un élément fondamental de la demande, ce qui aurait entraîné un changement important quant au risque pour le demandeur. Pour cette raison, je considère que la demande modifiée a été présentée après l’expiration du délai.

[38]  Toutefois, dans l’affaire Calandrini, le juge Mosley a clairement indiqué que le DGSDRMT était habilité à accorder des prorogations rétroactives (j’attire l’attention des parties sur la suite de l’analyse aux points 78 à 83). Il n’a pas nuancé son interprétation parce que la demande était formulée par l’autorité de révision; par conséquent, j’accepte l’argument de l’intimé et je conclus que le DGSDRMT avait le pouvoir légal d’accorder la prorogation contestée.

[39]  À la lumière de ce qui précède, je constate que la demande modifiée de l’intimé n’était pas frappée de prescription.

[40]  En ce qui concerne les autres arguments soulevés par le demandeur, ils seront traités de manière plus approfondie dans l’analyse du caractère raisonnable de la décision du DGSDRMT.

b) Équité procédurale

[41]  Les principes fondamentaux de l’équité procédurale sont le droit de se faire entendre et le droit à un décideur impartial. Le « droit de se faire entendre » exige que le demandeur soit informé de la procédure engagée contre lui et qu’il ait la possibilité d’y répondre. Pour que la requête du demandeur soit acceptée pour ce motif, il doit établir qu’au moins un de ces droits a été violé.

[42]  Au paragraphe 79 de l’arrêt Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 RCS 502 (CanLII) [Khela], la Cour suprême confirme que la norme du respect de l’équité procédurale est la « décision correcte ».

[43]  En outre, la Cour fédérale a dit dans l’affaire Kinsey c. Canada (Procureur général), 2007 CF 543 (CanLII), au paragraphe 60, que le non-respect de l’équité procédurale invalide la décision « dans les circonstances les plus exceptionnelles ».

[44]  La possibilité de demander une prorogation du délai prescrit par la loi est prévue au paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC, qui stipule :

Le commissaire, s’il est convaincu que les circonstances le justifient, peut, de sa propre initiative ou sur demande à cet effet, après en avoir dûment avisé les membres intéressés, proroger les délais prévus aux paragraphes 31(2), 41(2), 42(2) et 44(1) pour l’accomplissement d’un acte; il peut également spécifier les conditions applicables à cet égard.

[45]  Cela exige que la partie qui demande la prorogation en avise le membre concerné et, par la suite, fasse une demande justifiant la prorogation auprès du DGSDRMT. Dans le cadre de l’avis, le membre concerné doit être informé qu’il a la possibilité de s’opposer à la demande de prorogation.

[46]  Le demandeur a soulevé les questions d’équité procédurale suivantes :

  1. Une troisième demande, datée du 27 novembre 2018, a été adressée au DGSDRMT sans que le demandeur en soit avisé.
  2. L’intimé n’a pas informé le demandeur des changements importants apportés à la notification modifiée et du fait que le demandeur aurait dû avoir la possibilité d’y répondre.
  3. La décision du DGSDRMT n’indiquait pas à quelle demande il répondait.

[47]  Dans l’affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CarswellNat 1124 (CSC) [Baker], la Cour suprême a estimé que le niveau d’équité procédurale doit être évalué selon le contexte, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, notamment l’importance de la décision pour l’individu.

[48]  Le demandeur a laissé entendre que son risque était sensiblement plus élevé lorsque la demande modifiée a été demandée, car la prorogation permettrait à l’intimé de déclencher une audience disciplinaire plutôt que de tenir une réunion disciplinaire. Par conséquent, le demandeur a fait valoir qu’un niveau élevé d’équité procédurale devrait être appliqué, car sa carrière est en jeu.

[49]  Entre-temps, l’intimé a laissé entendre que la norme n’était pas atteinte, car la carrière du demandeur n’était pas en jeu lorsque la prorogation a été accordée. Il s’agissait simplement d’une procédure administrative qui permettrait la tenue d’une audience, à laquelle le demandeur bénéficierait d’un niveau d’équité procédurale plus élevé.

[50]  J’estime que, compte tenu du risque potentiel auquel le demandeur peut être confronté en cas de prorogation du délai de prescription, un niveau substantiel d’équité procédurale lui est dû, mais ce niveau n’est pas aussi élevé que celui qui peut lui être accordé dans le cadre de la procédure d’audience proprement dite lorsque son emploi est en jeu.

Droit à un avis

[51]  Dans sa requête, le demandeur a soulevé une question relative au nombre de demandes de prorogation déposées par l’intimé, suggérant qu’il y en avait eu trois mais qu’il n’en avait reçu que deux. Cependant, après avoir examiné les éclaircissements apportés par l’intimé, le demandeur a reconnu dans sa réfutation que seules deux demandes avaient été faites. Compte tenu de cela, je n’ai pas besoin d’aborder cette question.

[52]  La question suivante soulevée par le demandeur était l’incapacité de l’intimé à expliquer de manière adéquate la différence entre la demande originale et la demande modifiée.

[53]  Compte tenu du changement de risque et sachant que le demandeur n’était pas représenté à ce stade de la procédure, le demandeur a fait valoir que l’intimé avait l’obligation de s’assurer qu’il comprenait la différence entre les demandes. En outre, le demandeur a fait valoir qu’il aurait dû avoir la possibilité de répondre à cette différence.

[54]  À l’appui de ses affirmations, le demandeur a fait référence à Baker. Le demandeur a souligné l’exigence d’un niveau accru d’équité procédurale à l’égard d’un individu lorsque sa profession ou son emploi est en jeu.

[55]  De plus, le demandeur a fait valoir que le DGSDRMT n’a pas précisé à quelle demande il répondait et a de ce fait injustement laissé trop d’ambiguïté.

[56]  L’intimé a fait valoir qu’il n’y avait pas eu de violation de l’obligation d’équité procédurale due au demandeur et que la procédure qui garantit l’équité procédurale a été suivie. L’intimé a suggéré que la documentation relative à la demande de prorogation démontrait les efforts déployés pour garantir le respect des exigences en matière d’équité procédurale.

[57]  L’intimé a également réfuté l’idée que l’inspecteur qui a signifié l’avis modifié a induit le demandeur en erreur en utilisant une formulation qui ne reflétait pas précisément l’objet de la deuxième demande. L’intimé a fait remarquer que le seul rôle de l’inspecteur dans ce processus était de servir le demandeur et que son incertitude quant à la nature ou à l’objet de l’avis modifié n’avait aucune incidence sur le processus, puisqu’il n’était pas tenu d’expliquer les raisons de l’avis modifié.

[58]  L’intimé a présenté les éléments suivants :

  1. Le demandeur a été pleinement informé de la procédure engagée contre lui et du fait qu’il pourrait faire l’objet d’une enquête de déontologie.
  2. L’avis original et l’avis modifié donnaient tous deux un aperçu détaillé des allégations d’inconduite sexuelle grave.
  3. L’avis original figurant à la page 3 selon lequel il n’a pas été déterminé si l’autorité disciplinaire soumettra l’affaire à une audience ou organisera une réunion disciplinaire.
  4. L’avis modifié indiquant clairement qu’une prorogation était demandée en vertu des paragraphes 41(2) et 42(2) de la Loi sur la GRC.
  5. Bien que l’avis modifié indique qu’une réunion disciplinaire ne sera pas possible sans une prorogation, le paragraphe suivant, à la page 3, précise :

Si une prorogation n’est pas accordée, la compétence sera perdue sur cette allégation, car le délai de prescription d’un an expirera le 8 décembre 2018. Une prorogation est donc nécessaire pour compléter le processus disciplinaire en cours. [traduction]

[59]  L’intimé a affirmé que la simple lecture des deux avis aurait objectivement conduit à la conclusion qu’une audience disciplinaire était une éventualité.

[60]  L’intimé a conclu cet article en faisant valoir que l’erreur administrative d’omettre d’indiquer une prorogation conformément au paragraphe 41(2) a été corrigée par la signification de l’avis et la présentation ultérieure de la demande modifiée.

[61]  Dans sa réfutation, le demandeur a expliqué qu’il n’avait pas présenté de deuxième réponse parce qu’il voulait éviter de causer plus de retard, parce qu’il ne voulait pas demander de prorogation et, en outre, parce qu’il considérait que ses arguments relatifs à la demande originale étaient suffisants.

[62]  En outre, le demandeur a fait valoir qu’il n’a pas pleinement mesuré la différence entre les deux avis et que l’intimé n’a pas rempli son devoir de veiller à ce que le demandeur soit pleinement et correctement informé.

[63]  Avant de poursuivre mon analyse, je pense qu’il est important de noter la manière dont la demande originale et la demande modifiée ont été traitées, puisque le DGSDRMT et l’intimé les ont toutes deux citées en référence. Au moment où la demande modifiée (et les documents associés, c’est-à-dire l’avis modifié) a été reçue, la demande originale n’était plus valable. En termes généraux, l’objectif d’un document « modifié » est de remplacer l’original et non d’y ajouter des éléments.

[64]  Il était donc inapproprié de s’attendre à ce qu’on se fie au contenu de documents qui ont été « modifiés » depuis. Bien que je ne trouve pas qu’il s’agisse d’une erreur fatale étant donné la similitude des documents, il convient de le noter afin que cette pratique puisse être corrigée.

[65]  En outre, une observation importante est que, bien que la phrase « il n’a pas été déterminé si l’autorité disciplinaire soumettra l’affaire à une audience ou organisera une réunion disciplinaire » ait pu être utilisée dans l’avis original, elle ne figure ni dans l’avis modifié ni dans la demande.

[66]  Il convient également de noter que, bien que la question en litige concernant la responsabilité éventuelle du demandeur pour le retard de l’enquête ait été incluse dans l’avis original, elle ne figurait en fait dans aucune des deux demandes.

[67]  Cependant, ce qui me préoccupe le plus est l’absence de toute explication dans l’avis modifié (ou dans la demande modifiée) qui l’identifie comme un avis « modifié », ou d’une explication sur la raison pour laquelle il était nécessaire de modifier la demande originale, c’est-à-dire de noter qu’une erreur a été commise dans l’original par l’omission d’inclure le paragraphe 41(2). Peut-être existait-il un échange de courriels ou une autre correspondance qui délimitait les raisons; cependant, rien devant moi ne suggère que cela ait été fait.

[68]  Ceci est particulièrement pertinent dans la mesure où le demandeur a affirmé que l’intimé a violé l’obligation d’équité procédurale en n’expliquant pas la raison de la notification modifiée, ce qui l’a conduit à ne pas bien mesurer le changement en cause et, par conséquent, la procédure qu’il devait suivre.

[69]  Comme je l’ai noté, il aurait été très utile, tant pour le demandeur que pour le DGSDRMT, que l’avis modifié et la demande modifiée contiennent un libellé expliquant la modification; cependant, je dois évaluer si ce qui était contenu dans l’avis modifié correspondait adéquatement à ce qui est exigé de l’intimé.

[70]  L’avis modifié indiquait l’intention de l’intimé de demander une prorogation du délai de prescription en vertu des paragraphes 41(2) et 42(2), conformément au paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC, et, à la page 2, fournissait la législation pertinente, à l’exception du paragraphe 47.4(1).

[71]  L’avis modifié décrivait l’inconduite que l’intimé reprochait au demandeur et fournissait un résumé des allégations. Elle indiquait également la date à laquelle une autorité disciplinaire a eu connaissance des incidents en question.

[72]  L’intimé a ensuite expliqué les éléments sur lesquels il s’appuyait pour justifier la prorogation et la durée demandée.

[73]  Enfin, l’intimé a expliqué la procédure à suivre par le demandeur pour présenter des observations en rapport avec la demande de prorogation, y compris la demande d’un délai supplémentaire pour présenter des observations, ainsi que le nom et le numéro d’une personne à contacter s’il a des questions.

[74]  En ce qui concerne le changement de risque, je ne suis pas d’accord avec l’affirmation de l’intimé selon laquelle la simple lecture des deux avis conduirait à conclure qu’une audience disciplinaire était envisagée. Bien qu’une personne connaissant bien le processus disciplinaire puisse facilement détecter les différentes entre les avis, je ne pense pas que la personne moyenne remarquerait facilement les différences sans un examen plus approfondi. Cependant, je suis d’accord que l’avis modifié contenait les informations minimales requises.

[75]  Bien que j’aie constaté que cet avis pouvait être amélioré, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une lacune déterminante. Pour toutes les raisons susmentionnées, j’estime que l’avis modifié contient suffisamment d’informations pour permettre au demandeur de connaître les faits qui lui sont reprochés.

[76]  Le demandeur a présenté des observations concernant sa difficulté, ainsi que la difficulté de son conseiller en services en milieu de travail pour les membres (CSMTM) (identifié à tort comme faisant partie du Programme d’aide aux employés pour les membres), à comprendre l’objectif de l’avis modifié et sa capacité à y répondre correctement.

[77]  L’intimé s’est opposé à l’affirmation du demandeur selon laquelle il n’a pas eu la possibilité de répondre à l’avis modifié. Il a cité un échange de courriels entre le demandeur et la SNGD, mentionné dans la décision du DGSDRMT, qui a fourni la justification du demandeur pour ne pas soumettre une réfutation à l’avis modifié.

[78]  La réfutation de la requête du demandeur comprenait l’échange de courriels susmentionné. Dans ce fil, il a fait part de ses préoccupations concernant la procédure et de son incertitude quant à la possibilité de fournir une deuxième réfutation. La SNGD a proposé de le guider dans le cadre de la procédure, mais n’a pas pu lui indiquer s’il devait présenter une deuxième réfutation. Lorsque le demandeur a fait savoir qu’il était trop tard pour présenter une deuxième réfutation en raison du délai imposé, la SNGD l’a assuré que sa demande de prorogation de délai serait toujours acceptée puisqu’il s’était renseigné à une date antérieure.

[79]  En fin de compte, le demandeur a choisi de ne pas présenter une deuxième réfutation afin d’éviter, comme il le dit lui-même, tout retard supplémentaire. Il semblait également convaincu que sa première réfutation serait suffisante pour contrer la demande modifiée.

[80]  Pour ces raisons, j’estime que le droit du demandeur à être entendu a été respecté.

Le droit à un décideur impartial

[81]  Aucun argument n’ayant été présenté pour suggérer que le DGSDRMT a manqué d’impartialité ou n’a pas motivé sa décision, je ne m’engagerai pas dans une analyse approfondie de ces éléments.

[82]  Par conséquent, je considère qu’il n’y a pas de violation des principes d’équité procédurale.

c) Caractère raisonnable

[83]  Le demandeur soutient que la décision du DGSDRMT était déraisonnable pour les raisons suivantes :

  1. l’intimé n’a pas eu à attendre la fin de l’enquête prescrite par la loi menée par l’équipe d’intervention de l’Alberta en cas d’incident grave (ASIRT) pour mener l’enquête de déontologie;

  2. étant donné que les informations que l’intimé affirmait attendre n’avaient toujours pas été reçues au moment où l’enquête de déontologie était terminée, elles n’étaient pas nécessaires au moment où la prorogation a été demandée.

[84]  À son tour, l’intimé a affirmé que le demandeur essayait simplement de réévaluer des questions qui ont déjà été évaluées et au sujet desquelles le DGSDRMT avait pris des décisions.

[85]  L’intimé a fait valoir que le Comité de déontologie doit faire preuve d’une grande déférence à l’égard de la décision du DGSDRMT. Il a déclaré que le DGSDRMT a procédé à une analyse du test de prorogation des délais [4] et que, en conséquence, il est parvenu à une décision qui était raisonnable et se situait dans une fourchette de résultats acceptable.

[86]  L’intimé a également fait valoir que le demandeur n’avait pas saisi les aspects pratiques opérationnels inhérents aux enquêtes simultanées, et que les mesures qu’il a prises pour assurer l’achèvement de l’enquête de déontologie étaient raisonnables.

[87]  Dans sa réfutation, le demandeur a réitéré que le rapport de l’ASIRT n’a toujours pas été reçu, même si l’intimé a invoqué cette raison pour ne pas poursuivre l’enquête de déontologie, et que l’intimé a enfreint la politique en attendant l’achèvement du rapport.

La loi

[88]  Comme établi dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], je dois déterminer si la décision du DGSDRMT d’accorder la prorogation au délai prescrit par le paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC est justifiée, transparente, intelligible et inscrite dans une série de résultats possibles acceptables qui sont défendables selon les faits et selon la loi.

[89]  En déterminant la norme de contrôle appropriée, la Cour fédérale a déclaré au paragraphe 36 de l’arrêt Kalkat c. Canada (Procureur général), 2017 CF 794 (CanLII) [Kalkat] que :

En ce qui a trait à la norme de contrôle que cette Cour doit appliquer, j’estime que la norme qu’il convient d’appliquer est celle de la décision raisonnable en ce qui a trait aux questions de fait, aux questions mixtes de fait et de droit, et aux questions de droit lorsqu’il s’agit d’interpréter la loi constitutive du Délégué ou une loi intimement liée à celle-ci. La norme applicable à toute autre question de droit est celle de la décision correcte.

[90]  Par conséquent, la norme de contrôle sera la décision raisonnable.

Enquête de l’ASIRT

[91]  Je ne suis pas d’accord avec l’argument du demandeur selon lequel l’intimé n’a pas eu à attendre la fin de l’enquête de l’ASIRT avant de mener son enquête de déontologie et que, ce faisant, l’intimé n’a pas respecté la politique.

[92]  Les sections pertinentes de la politique citée par le demandeur se trouvent dans le Manuel d’administration, chapitre XII.1 « Déontologie », comme suit :

[…]

4. 2. 1. 2. Lorsqu’on croit que le membre visé a commis une infraction à une loi, il faut consulter [Manuel des Opérations (MO)], chapitre 54.3. Pour les incidents graves, il faut consulter MO, chapitre 54.1. Lorsque l’affaire a été renvoyée au service de police compétent ou qu’elle se trouve entre les mains de ce dernier, c.-à-d. un organisme extérieur ou la GRC, il faut poursuivre les procédures disciplinaires, à moins qu’il y ait une raison justifiable de ne pas le faire.

4. 2. 1. 2. 1. L’existence de procédures prescrites par la loi ne vous empêche pas de lancer un processus disciplinaire, de conclure à une inconduite selon la prépondérance des probabilités ou d’imposer des mesures disciplinaires.

4. 2. 1. 2. 2. Les procédures judiciaires et les processus disciplinaires relèvent de régimes distincts : leur fonctionnement obéit à des exigences juridiques différentes, et les conclusions rendues sous l’un et l’autre sont fondées sur des critères différents. La décision de suspendre le déroulement d’un processus disciplinaire dans l’attente du résultat d’une procédure judiciaire est prise au cas par cas, en consultation avec les conseillers national et divisionnaire en déontologie.

[…]

[L’emphase par les caractères gras n’est pas dans l’original.]

[93]  La politique indique clairement qu’une enquête de déontologie se poursuivra à moins qu’il n’y ait une raison justifiable de ne pas la poursuivre. L’intimé a expliqué qu’en raison des restrictions imposées à sa capacité de recueillir des preuves auprès de l’ASIRT et de la pratique consistant à donner la priorité aux enquêtes criminelles, il attendait que l’ASIRT termine son enquête avant de conclure la sienne.

[94]  Cette situation est différente de celle de Phillips [5] , dans laquelle l’autorité disciplinaire a attendu qu’une décision soit prise en rapport avec l’enquête légale avant d’ouvrir une enquête de déontologie. Dans le cas présent, le processus disciplinaire a été lancé immédiatement après la divulgation du gendarme M.

[95]  Enfin, la politique laisse une certaine latitude pour déterminer au cas par cas si le processus disciplinaire doit être interrompu.

[96]  Bien qu’il ne soit pas toujours préférable d’attendre la fin d’une enquête prescrite par la loi, dans les situations où la GRC attend une enquête d’un tiers, en particulier une enquête de nature sensible, cela peut être raisonnable. Compte tenu de la situation décrite par l’intimé, je ne trouve pas que sa décision de suspendre son enquête jusqu’à la fin de l’ASIRT soit clairement déraisonnable.

L’analyse du DGSDRMT pour le critère de la prorogation des délais

[97]  Après avoir examiné la décision du DGSDRMT, j’ai constaté plusieurs lacunes, notamment l’absence de justification de l’octroi d’une prorogation pour poursuivre une audience disciplinaire. Cela n’est toutefois pas surprenant, car l’intimé n’a fourni aucune justification pour sa demande.

[98]  Il est important de noter la distinction entre ma conclusion, selon laquelle le demandeur a été suffisamment informé pour connaître les allégations contre lui, et les raisons suffisantes pour permettre au DGSDRMT de fournir une explication justifiée et transparente pour l’octroi de la prorogation.

[99]  En examinant de près la demande originale et la demande modifiée, je constate que le contenu est presque identique, à une exception près. La demande modifiée comporte un seul facteur supplémentaire, soit le suivant :

[…] À ce jour, nous n’avons pas l’autorisation de diffuser les documents d’enquête actuels ni les documents d’enquête complets de l’ASIRT; […]

[100]  Dans la demande modifiée, l’intimé a fait référence aux obstacles à l’achèvement de l’enquête de déontologie, essentiellement les limitations imposées à la GRC en raison de l’enquête prescrite par la loi menée en parallèle par l’ASIRT.

[101]  Il a ensuite fourni les trois remarques suivantes :

  1. […] L’ASIRT doit fournir l’autorisation de divulguer le contenu de son enquête avant que le [demandeur] puisse recevoir un compte rendu de décision, qu’il s’agisse d’une décision de prime abord ou d’une prépondérance des probabilités […]

  2. […] Le calendrier actuel ne permettra pas au [défendeur] de se réunir, d’imposer des mesures et/ou de compléter le compte rendu de décision dans le délai de un an […].

  3. […] Si une prorogation n’est pas accordée, la compétence est perdue sur cette allégation, car le délai de prescription de un an expirera le 8 décembre 2018. Une prorogation est donc nécessaire pour compléter le processus disciplinaire en cours. […]

(Traduction; l’emphase par les caractères gras n’est pas dans l’original.)

[102]  Les facteurs fournis par l’intimé ne mentionnent pas spécifiquement les raisons pour lesquelles une audience disciplinaire n’a pas été ouverte ou pour lesquelles il a fallu plus de temps pour la tenir. Dans les deux premiers points du paragraphe précédent, l’intimé a fait référence à plusieurs actions qui sont compatibles avec une réunion disciplinaire; le seul point qui pourrait être retenu comme pertinent pour une audience disciplinaire est l’expiration du délai de prescription.

[103]  Toutefois, l’expiration du délai de prescription est, bien entendu, également applicable à une réunion disciplinaire. Il serait déraisonnable de se contenter de citer cette seule phrase, hors du contexte fourni par les points précédents. Cette phrase exacte, à l’exception du délai corrigé (le chiffre 6 a été remplacé par le chiffre 8), a en fait été incluse dans l’avis original alors que seule une prorogation en vertu de l’article 42, paragraphe 2, de la Loi sur la GRC était demandée.

[104]  Je trouve que l’absence de lien entre les raisons invoquées pour demander une prorogation et l’explication des raisons pour lesquelles il devrait être permis d’autoriser l’ouverture d’une audience disciplinaire est problématique.

[105]  Dans son analyse, le DGSDRMT a appliqué le test de Pentney pour déterminer si une prorogation devait être accordée. En ce qui concerne le premier facteur, à savoir l’intention de poursuivre une procédure, il a affirmé que l’intimé avait l’intention d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu des paragraphes 41(2) et 42(2) de la Loi sur la GRC. Toutefois, à part le simple ajout du paragraphe 41(2) au début de la demande modifiée, rien ne laisse supposer qu’une audience disciplinaire était envisagée.

[106]  Au paragraphe 29 de sa décision, le DGSDRMT a noté à juste titre qu’il incombait au défendeur de démontrer que la prorogation était justifiée dans les circonstances, ce qui est conforme à l’intention du paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC, qui stipule :

Le commissaire, s’il est convaincu que les circonstances le justifient, peut, de sa propre initiative ou sur demande à cet effet, après en avoir dûment avisé les membres intéressés, proroger les délais prévus aux paragraphes 31(2), 41(2), 42(2) et 44(1) pour l’accomplissement d’un acte; il peut également spécifier les conditions applicables à cet égard. [L’emphase par les caractères gras n’est pas dans l’original.]

[107]  Comme je l’ai fait remarquer au paragraphe 97, l’intimé n’a fourni aucune explication quant aux raisons pour lesquelles une prorogation était nécessaire pour l’ouverture d’une audience disciplinaire, de sorte que le DGSDRMT n’avait devant lui aucune circonstance pouvant justifier une prorogation. Par conséquent, le DGSDRMT n’en a pas précisé dans sa décision.

La décision du DGSDRMT était-elle clairement déraisonnable?

[108]  Comme indiqué au paragraphe 62 de Kalkat, une grande déférence est due au DGSDRMT dans l’administration de sa procédure.

62. Par conséquent, étant donné qu’il est expressément indiqué que la décision doit être « nettement déraisonnable » et prenant en compte la traduction de l’expression, je conclus que le Délégué n’a commis aucune erreur. Il est raisonnable d’interpréter la norme de la décision « nettement déraisonnable » comme si elle équivalait à la norme de la décision « manifestement déraisonnable » dans le contexte du plan législatif et sur celui des principes. Il s’ensuit que le Délégué doit faire preuve de retenue à l’égard d’une conclusion par l’autorité disciplinaire lorsqu’il estime simplement que la preuve est insuffisante pour étayer la conclusion (Fraser Health, au paragraphe 30).

[109]  De même, je dois faire preuve d’une grande déférence à l’égard du DGSDRMT. Même si j’avais pris la même décision que lui, je ne peux pas y substituer ma propre décision, à moins que je ne trouve sa décision « clairement déraisonnable ».

[110]  Si la Cour fédérale évoque l’insuffisance des preuves, [6] elle ne parle pas de l’absence de preuves, comme je l’ai constaté dans l’affaire en question. Bien que l’on puisse raisonnablement voir comment le DGSDRMT est parvenu à la décision d’accorder une prorogation pour la tenue d’une audience disciplinaire, je trouve qu’il n’y a pas de raison sur laquelle une personne raisonnable pourrait s’appuyer pour soutenir la décision d’accorder une prorogation pour l’ouverture d’une audience disciplinaire.

[111]  Au paragraphe 53 de la Kalkat, la Cour indique :

L’application de la norme de contrôle selon la décision raisonnable par la Cour signifie que celle-ci n’annulera pas la décision rendue par une instance pour autant que cette décision soit conforme aux principes selon lesquels le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[112]  Après avoir examiné attentivement la demande modifiée, je ne peux pas m’assurer que la décision prise par le DGSDRMT est justifiée, transparente et intelligible. Je ne trouve pas non plus qu’elle constitue l’une des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[113]  Par conséquent, j’estime que la décision du DGSDRMT d’accorder une prorogation de délai conformément au paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC pour permettre l’ouverture d’une audience disciplinaire est clairement déraisonnable.

DÉCISION

[114]  Bien que j’aie quelques doutes quant au caractère suffisant de l’avis modifié, je ne pense pas que ces lacunes constituent une violation des principes d’équité procédurale.

[115]  Toutefois, étant donné l’absence de toute justification d’une audience disciplinaire tant dans la demande de prorogation du délai pour une audience disciplinaire que dans la décision du DGSDRMT qui l’a accordée, je trouve sa décision clairement déraisonnable.

[116]  Je suis tout à fait conscient que l’octroi d’une suspension de procédure empêchera que le bien-fondé de ces allégations très graves soit entendu dans le cadre d’une audience publique, et que cela nuit à l’intérêt public inhérent à ce que cela soit fait; cependant, je ne peux pas maintenir une décision qui est manifestement déraisonnable. Cela jetterait le discrédit sur l’administration du processus de déontologie de la GRC.

[117]  Étant donné que j’ai trouvé la décision du DGSDRMT déraisonnable, la prorogation du délai n’a pas été accordée comme il se doit. L’intimé n’a donc pas entamé l’audience disciplinaire dans le délai de prescription prescrit en vertu du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC.

[118]  En conséquence, j’accorde par la présente la requête du demandeur et ordonne la suspension de la procédure sur toutes les allégations.

[119]  Le demandeur est informé que les décisions rendues par un comité de déontologie sont accessibles au public, et le demandeur ne sera pas informé de toute demande d’accès à cette décision.

[120]  Ce compte rendu de décision constitue la décision finale du comité de déontologie et chaque partie peut faire appel de cette décision comme le prévoit la Loi sur la GRC.

 

 

26 septembre 2019

Colin Miller, Inspecteur

Comité de déontologie

 

Rendue à : Ottawa (Ontario)

 



[1] Sergent d’état-major Bruno Solesme Décision du Comité de déontologie sur les requêtes de temps [2019] OCGA 2016-33824

[2] Commandant, Division « Administration centrale » c. le membre civil Marco Calandrini, 2018 DARD 10

[3] Calandrini c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 73

[4] Canada (Procureur général) c. Pentney, [2008] 4 RCF 265, 2008 CF 96 (CanLII)

[5] Officier compétent de la Division K c. la gendarme Michelle Phillips, 2018 DARD 10

[6] Idem.

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