Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire original de la présente affaire contient six allégations de conduite déshonorante, découlant d’une relation intime entre le membre visé et une jeune femme. L’avis d’audience disciplinaire a par la suite été modifié pour n’inclure qu’une seule allégation de conduite déshonorante qui enfreint l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Une décision à ce sujet a été rendue le 12 décembre 2018. Le Comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée. Des mesures ont été proposées conjointement, puis acceptées par le Comité de déontologie. Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : a) une sanction pécuniaire de 45 jours de solde; b) un transfert à un autre endroit de la Division E. Le Comité de déontologie a pris soin de souligner que les mesures imposées sont à la limite du congédiement. Toute infraction subséquente au Code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée, ce qui pourrait menait à un congédiement.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier 2019 DARD 02

OGCA 2018-33810

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE  D’UNE

audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

ENTRE :

Le commandant de la Division E

(Autorité disciplinaire)

et

Le gendarme Troy Bergmann

numéro de matricule 56042

(Membre visé)

Comité de déontologie de la GRC – Compte rendu de décision

Christine Sakiris

13 février 2019

Représentant de l’autorité disciplinaire : Madame Shahana Khan

Représentant du membre visé : Monsieur Gordon Campbell


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ  3

INTRODUCTION  3

ALLÉGATION  5

Décision à propos de l’allégation  7

MESURES DISCIPLINAIRES  8

Facteurs atténuants ou aggravants  10

Décision relative aux mesures disciplinaires  12

CONCLUSION  13

 

RÉSUMÉ

L’avis d’audience disciplinaire original de la présente affaire contient six allégations de conduite déshonorante, découlant d’une relation intime entre le membre visé et une jeune femme. L’avis d’audience disciplinaire a par la suite été modifié pour n’inclure qu’une seule allégation de conduite déshonorante qui enfreint l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Une décision à ce sujet a été rendue le 12 décembre 2018. Le Comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée. Des mesures ont été proposées conjointement, puis acceptées par le Comité de déontologie. Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : a) une sanction pécuniaire de 45 jours de solde; b) un transfert à un autre endroit de la Division E. Le Comité de déontologie a pris soin de souligner que les mesures imposées sont à la limite du congédiement. Toute infraction subséquente au Code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée, ce qui pourrait menait à un congédiement.

INTRODUCTION

[1]  Le 12 mars 2018, le commandant divisionnaire et l’autorité disciplinaire de la Division E (l’autorité disciplinaire) ont signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire portant sur cette affaire. J’ai été désignée Comité de déontologie le 13 mars 2018, au titre du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC].

[2]  L’avis d’audience disciplinaire original de la présente affaire contient six allégations et a été signé par l’autorité disciplinaire le 14 mai 2018. Il a été signifié au membre visé, avec la trousse d’enquête, le 31 mai 2018.

[3]  Les six allégations étaient liées aux infractions à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC et découlaient d’une relation intime entre le membre visé et une jeune femme qui sera identifiée ici en tant que « Mlle P. ».

[4]  Le membre visé a fourni sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire initial, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC (déontologie)], le 24 août 2018.

[5]  Comme le processus l’exige, j’ai examiné une copie de l’avis d’audience disciplinaire et la trousse d’enquête reçus le 7 juin 2018, ainsi que la réponse du membre visé, conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie).

[6]  Après deux conférences préparatoires, des dates ont été prévues pour l’audience. Les procédures devaient commencer par le témoignage de Mlle P. à Vancouver les 5 et 6 décembre 2018, puis se poursuivre ici, à Ottawa, du 12 au 14 décembre 2018.

[7]  Le 27 septembre 2018, le représentant des autorités disciplinaires (RAD) a indiqué que Mlle P. hésitait à livrer son témoignage. Les deux parties ont indiqué qu’elles étaient prêtes à négocier une solution dans laquelle Mlle P. n’aurait pas à témoigner.

[8]  Lors d’une troisième conférence préparatoire, le 5 novembre 2018, le RAD a annoncé que Mlle P souhaitait modifier l’allégation. Le représentant du membre (RM) a donné son accord. Une proposition conjointe de mesures disciplinaires devait suivre.

[9]  Après une quatrième conférence préparatoire, le 16 novembre 2018, le Comité de déontologie a annoncé que les allégations no 1, 3, 4, 5 et 6 avaient été retirées. L’allégation no 2 a été modifiée, et le membre visé a fourni sa réponse à l’allégation modifiée, conformément au paragraphe 15(1) des CC (déontologie) le 21 novembre 2018.

[10]  En conséquence, une seule allégation d’infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC est présentée au Comité de déontologie.

[11]  Une audience a eu lieu par vidéoconférence le 12 décembre 2018. Par décision de vive voix, le Comité de déontologie a conclu que l’allégation no 2 modifiée était fondée. Le Comité de déontologie a également accepté la proposition conjointe des deux parties en matière de mesures disciplinaires. La présente décision écrite intègre et approfondit cette décision rendue de vive voix.

ALLÉGATION

[12]  Comme il a été mentionné, une seule allégation est présentée au Comité de déontologie. L’allégation no 2 modifiée est ainsi décrite :

Allégation no 2 :

Entre le 1er janvier 2013 et le 1er octobre 2015, à [lieu omis] ou à proximité, en Colombie-Britannique, [le membre visé] a adopté une conduite déshonorante, ce qui va à l’encontre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada à la Division E, au détachement de [B.] puis au détachement de [R.M.] en Colombie-Britannique.

2. Vous avez rencontré [Mlle P.] en tant qu’instructeur civil auprès des cadets de la Marine, au moment où [Mlle P.] était cadet de la Marine. Pendant cette tâche bénévole, vous portiez un uniforme des cadets de la Marine, un uniforme de la GRC ou encore une tenue civile.

3. Le 3 avril 2013, vous étiez âgé de 28 ans, et vous avez envoyé des messages Facebook à [Mlle P.]. [Mlle P.] était alors âgée de 17 ans et elle était en 12e année à l’école secondaire.

4. [Mlle P.] a eu 18 ans le 31 mai 2013.

5. Au cours du mois de juin 2013, vous avez passé du temps seul avec [Mlle P.] dans des parcs et dans votre résidence personnelle. Votre relation est devenue intime et romantique.

6. [Mlle P.] et vous avez convenu de garder votre relation secrète, notamment en n’en parlant pas à ses parents.

7. En juillet 2013, peu de temps après le 18e anniversaire de [Mlle P.], elle et vous avez eu votre première relation sexuelle.

8. En tant qu’instructeur des cadets de la Marine, vous occupiez une position d’autorité par rapport à [Mlle P.]. Malgré ce rapport de force inégal, vous avez recherché et prolongé une relation inappropriée avec [Mlle P.] peu de temps après l’atteinte de sa majorité.

9. Pendant votre relation avec [Mlle P.], alors que vous occupiez une position de confiance en tant qu’agent de police, vous vous êtes comporté de façon possessive, manipulatrice et jalouse. Par exemple, un soir où vous vous trouviez à la résidence de votre frère, vous avez découvert des messages texte entre [Mlle P.] et sa soeur. La soeur de [Mlle P.] lui a demandé si les garçons étaient mignons à l’université, et si elle se sentait seule. [Mlle P.] a répondu : « un peu ». Une dispute s’en est suivie, ce qui a donné envie à [Mlle P.] de quitter l’appartement où vous vous trouviez. [Mlle P.] a plus tard affirmé qu’elle a eu peur à ce moment et qu’elle ne se sentait pas en sécurité.

10. Pendant toute votre relation, vous vous êtes adonnés à des séances de « chamailleries » consensuelles avec [Mlle P.]. Le contexte de ces chamailleries était de lui montrer des mouvements d’autodéfense propres à la police. Vous êtes physiquement beaucoup plus imposant que [Mlle P.]. [Mlle P.] vous décrit comme quelqu’un de plus fort qu’elle, et de plus grand physiquement. Plus d’une fois, vous avez ignoré votre avantage en termes de taille et de force physique et avez appliqué assez de force à vos mouvements pour rendre [Mlle P.] mal à l’aise, notamment quand vous avez lutté avec [Mlle P.] et l’avez retenue au sol en plaçant votre genou sur son dos. Une autre fois, vous avez pincé le bras de [Mlle P.] assez fort pour laisser une marque.

11. L’âge légal pour consommer de l’alcool en Colombie-Britannique est 19 ans. [Mlle P.] a eu 19 ans le 31 mai 2014. Au cours de votre relation avec [Mlle P.], vous lui avez parfois fourni de l’alcool quand elle n’avait pas encore l’âge légal pour en consommer.

12. Cela constitue une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la GRC.

[13]  Le membre visé admet l’allégation no 2 modifiée et tous ses détails dans sa réponse, conformément au paragraphe 15(1) des CC (déontologie), en date du 21 novembre 2018.

Décision à propos de l’allégation

[14]  À l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, il est indiqué : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. »

[15]  On évalue si la conduite enfreint l’article 7.1 du Code de déontologie de la façon suivante. L’autorité disciplinaire doit prouver les gestes posés dans le cadre de cette conduite, et prouver l’identité du membre qui a posé ces gestes. L’admission par le membre visé de l’allégation et de ses détails spécifiques m’amène à conclure que ces deux premiers éléments sont prouvés.

[16]  Je dois par la suite déterminer si le comportement du membre visé est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, et que ce comportement est suffisamment lié à ses tâches et ses fonctions pour que la Gendarmerie ait une raison légitime pour imposer des mesures disciplinaires.

[17]  Selon ce qui est décrit dans l’allégation, le comportement du membre visé est problématique de trois façons. Premièrement, le comportement du membre visé entre directement en conflit avec sa position de confiance en tant qu’agent de police. Dans ses tâches avec les cadets de la Marine, il représentait la GRC. C’est dans ce contexte qu’il a entrepris une relation personnelle avec un cadet de la Marine. Les parents envoient leurs enfants adolescents à ce programme parce qu’il s’agit d’un environnement sécuritaire où acquérir des habiletés et grandir en tant qu’êtres humains. Ils ne s’attendent pas du tout à ce qu’un instructeur cherche à développer une relation intime avec eux. Les documents indiquent que le membre visé savait pertinemment qu’agir de la sorte n’était pas approprié dans l’organisation des cadets de la Marine. Même si Mlle P. a eu 18 ans avant le début de la relation intime consensuelle, le rapport de force clairement inégal aurait dû pousser le membre visé à éviter ce comportement.

[18]  Deuxièmement, le membre visé a eu un comportement qui n’est pas illégal, mais qui suggère l’utilisation de force physique dans une relation de couple. Même si les « chamailleries » et les démonstrations de mouvements de défense étaient consensuelles, le membre visé a utilisé sa force sur Mlle P. d’une façon qui ne tenait pas compte de l’écart important entre leurs tailles. Le membre visé a également agi de façon possessive, manipulatrice et jalouse, et Mlle P. en conséquence ne s’est pas sentie en sécurité.

[19]  Troisièmement, le membre visé a donné de l’alcool à Mlle P. quand elle n’avait pas encore l’âge légal pour en consommer dans la province de la Colombie-Britannique. En tant qu’agent de police, le membre visé a le devoir d’assurer le respect de la loi.

[20]  Les agents de police, c’est bien connu, sont tenus de respecter des normes plus élevées que le reste de la population. Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie de la GRC, qu’ils soient en service ou non. L’intégrité de la Gendarmerie est menacée si les agents, qui sont appelés à faire appliquer la loi, ne respectent pas la loi eux-mêmes dans leur vie privée.

[21]  Je conclus que le comportement du membre visé décrit dans l’allégation est lié à ses responsabilités en tant que membre de la GRC, et que ce comportement est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[22]  Par conséquent, je conclus que l’allégation no 2 est fondée selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[23]  Puisque l’allégation est fondée, j’ai l’obligation, au titre du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et au Guide des mesures disciplinaires de la GRC, d’imposer « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes ». Au titre de l’alinéa 36.2(e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être « adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[24]  Le 6 décembre 2018, le RAD et le RM ont fourni une proposition conjointe de mesures disciplinaires. Les mesures suggérées consistent en une confiscation de solde de 45 jours et en un transfert à un autre endroit dans la Division E. Ces mesures correspondent à la définition de mesures disciplinaires graves à l’article 5 des CC (déontologie).

[25]  Lorsque des mesures disciplinaires sont proposées conjointement, le Comité de déontologie ne peut les refuser que dans des circonstances très précises.

[26]  La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions sur le règlement de litige ainsi que celle des motifs des politiques qui favorisent fortement la promotion de la certitude pour les parties que les propositions seront acceptées quand une entente est conclue. [1]

[27]  En général, les cours de justice et les tribunaux administratifs ne refusent pas les ententes conclues entre les parties, à moins que l’entente aille à l’encontre de l’intérêt public.

[28]  Je dois donc déterminer si les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public. Il n’est pas question ici de comparer les mesures disciplinaires proposées à celles que j’aurais imposées moi-même. Le critère du respect de l’intérêt public est beaucoup plus sévère.

[29]  L’arrêt Cook de la Cour suprême du Canada en 2016 comprend la recommandation suivante, qui s’applique aux tribunaux administratifs :

[…] il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe […]. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice [ou, dans notre cas, le processus disciplinaire] avait cessé de bien fonctionner. [2]

[30]  Les parties ont appuyé leur proposition conjointe en citant deux décisions de comités de déontologie de la GRC [3] , des extraits du Guide des mesures disciplinaires de la GRC, et les évaluations de rendement du membre visé de 2008 à 2016. J’ai étudié en profondeur les décisions des comités de déontologie de la GRC et j’en retire les principes suivants :

  1. Un comité de déontologie a la flexibilité d’imposer des mesures strictes lorsque nécessaire, mais n’allant pas jusqu’au congédiement.
  2. Il n’existe pas de limite au nombre de jours de solde qui peuvent être confisqués, mais il est généralement convenu que si un comité de déontologie envisage une mesure disciplinaire allant au-delà de 45 jours le congédiement est probablement une mesure plus appropriée. Autrement dit, une confiscation de 45 jours de solde est la mesure qui vient le plus proche du congédiement.

[31]  Pour mieux déterminer si les mesures proposées vont à l’encontre de l’intérêt public, il est utile d’avoir une idée des autres mesures qui peuvent être imposées, à l’exclusion du congédiement. À cet égard, le Guide des mesures disciplinaires de la GRC est un excellent outil. Il est toutefois important de souligner que, comme son nom l’indique, le Guide des mesures disciplinaires n’est qu’un guide. Les lignes directrices qu’il énonce ne sont pas prescriptives.

[32]  Le cas présent ne correspond pas aux exemples de conduite contestée par l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC qui figurent dans le Guide des mesures disciplinaires, mais on peut trouver certaines ressemblances avec les cas d’abus de position. Selon mon évaluation, la sanction pécuniaire pouvant être imposée devrait être d’une durée de 21 et 45 jours. Il faut par la suite tenir compte des facteurs atténuants ou aggravants.

Facteurs atténuants ou aggravants

[33]  Les parties ont décrit plusieurs facteurs atténuants ou aggravants dans ce dossier. De ces facteurs, je retiens facteurs atténuants suivants :

  1. L’admission de l’allégation modifiée et de ses détails par le membre visé a permis d’éviter une audience contestée. Il devenait ainsi possible de ne pas appeler Mlle P. à témoigner.
  2. Le membre visé n’a pas de mesures disciplinaires à son dossier.
  3. Les évaluations de rendement du membre visé ont été très positives. Elles le décrivent comme un employé consciencieux qui fait preuve de professionnalisme et d’initiative.
  4. Le membre visé a coopéré avec les enquêteurs internes, et son aveu de l’allégation montre qu’il souhaite en arriver rapidement à une résolution.

[34]  De tous les facteurs aggravants présentés, je retiens les suivants :

  1. Le membre visé a fait connaître son rôle d’agent de police pendant qu’il agissait en tant que bénévole avec les cadets de la Marine. Mlle P. savait qu’il était agent de police. Mlle P. et l’organisation des cadets de la Marine ont fait confiance au membre visé en tant qu’agent de police.

  2. Le membre visé avait déjà été prévenu d’éviter les relations inappropriées entre les instructeurs et les cadets de la Marine. Avant que le membre visé et Mlle P. entreprennent une relation, la mère de Mlle P. avait signalé à un commandant des cadets de la Marine qu’elle s’inquiétait d’une possible relation entre le membre visé et la grande soeur de Mlle P, qui avait exprimé être intéressée par lui. Le commandant des cadets de la Marine a parlé au membre visé à ce moment, et ce dernier a dit qu’il ne se placerait pas dans une telle situation.

  3. L’inconduite du membre visé comportait donc une part de dissimulation, car il a tenu à ce que la relation reste secrète, même pour les parents de Mlle P.

  4. L’inconduite s’est étendue sur une période prolongée. Il ne s’agissait pas d’un incident isolé. La relation a duré plus de deux ans et a commencé juste après le 18e anniversaire de Mlle P.

  5. Il y a eu des répercussions sur le service ambulancier de M.R., un organisme partenaire. Le membre visé a souvent travaillé à proximité de la mère de Mlle P., et son inconduite a nui à leurs activités professionnelles.

  6. Le membre visé a été le sujet d’une enquête criminelle effectuée par le service de police de Vancouver. C’est une chose qui porte atteinte à la réputation de la GRC.

  7. Les répercussions émotionnelles ont été majeures pour Mlle P. Sa relation avec le membre visé était sa première relation amoureuse sérieuse, et elle a pris forme dans un contexte de rapport de force inégal. L’aspect secret de la relation a eu des répercussions sur la relation de Mlle P. avec le reste de sa famille.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[35]  Étant donné tous ces facteurs, je ne trouve rien qui indique que les mesures disciplinaires proposées de confiscation de 45 jours de solde et du transfert ailleurs dans la Division E vont à l’encontre de l’intérêt public. Les mesures ne dépassent pas l’étendue des sanctions pécuniaires mentionnée dans le Guide, et elles sont proportionnelles aux nombreux facteurs aggravants de cette affaire. Ces mesures sont sévères, mais elles serviront à corriger le comportement du membre visé et décourageront les autres membres à agir de la sorte.

[36]  Je tiens compte des évaluations du rendement du membre visé, qui ont constamment été positives. Elles indiquent que le membre est un employé supérieur à la moyenne qui a contribué de façon positive aux activités de la GRC.

[37]  Enfin, l’emploi de Mlle P. et celui de sa mère rendent fort probables les futures interactions entre elles et le membre visé. Le transfert ailleurs dans la Division E permet de respecter le souhait de Mlle P. et de sa mère, qui ne veulent plus avoir à faire avec le membre visé. Le transfert permet aussi au commandant divisionnaire de poursuivre sa supervision du membre visé.

[38]  Pour toutes ces raisons, j’accepte la proposition conjointe de mesures disciplinaires.

CONCLUSION

[39]  Comme il a été déterminé que l’allégation no 2 modifiée est fondée, et conformément à la proposition conjointe présentée par le RAD et le RM, je prends les mesures disciplinaires suivantes :

  1. Conformément à l’alinéa 5(1)(j) des CC (déontologie), une sanction pécuniaire de 45 jours de solde sera confisquée;

  2. Conformément à l’alinéa 5(1)(g) des CC (déontologie), le membre sera transféré à un autre endroit dans la Division E.

[40]  Il est important de souligner que les mesures imposées sont à la limite du congédiement. On permet au membre visé de poursuivre sa carrière au sein de la GRC. Cependant, toute infraction subséquente au Code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée, ce qui pourrait menait à un congédiement.

[41]  Ces mesures devraient servir de message clair pour tous les membres : qu’ils soient en service ou non, leur conduite doit respecter le code de déontologie.

[42]  L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans le délai de prescription prévu au paragraphe 45.11 de la Loi sur la GRC.

 

 

13 février 2019

Christine Sakiris

Comité de déontologie de la GRC

 

Date

 



[1] Voir par exemple Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (Canlii) au paragraphe 19, et R. c. Anthony- Cook, 2016 CSC 43 [Cook].

[2] Cook, supra note 1, paragraphe 34.

[3] 2016 DARD 4 [Wyant]; et 2018 DARD 4 [Jenkins]

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