Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le Comité de déontologie a conclu que le membre visé a commis trois contraventions au Code de déontologie en omettant de réaliser une enquête appropriée sur des renseignements fournis par les Services à l’enfance et à la famille (« les SEF »), en omettant de se conformer aux directives d’un superviseur concernant la tenue d’une enquête sur les renseignements transmis par les SEF, et en produisant un rapport inexact ou trompeur relativement aux renseignements transmis par les SEF. Le Comité de déontologie a imposé les mesures disciplinaires suivantes : une réprimande, l’obligation de travailler sous étroite supervision pendant un an, ainsi qu’une confiscation de la solde pour une période de 25 jours pour avoir omis de réaliser une enquête en bonne et due forme; une réprimande et une confiscation de la solde pour une période de cinq jours pour avoir omis de se conformer aux directives d’un superviseur; et une réprimande, l’inadmissibilité à un rôle ou à un poste de supervision pour une période d’un an, l’inadmissibilité à toute promotion pour une période d’un an, ainsi qu’une confiscation de la solde pour une période de 30 jours pour avoir présenté un rapport inexact ou trompeur.

Contenu de la décision

Protégé A

2019 DARD 22

OGCA : 201833843

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Ordonnance limitant la publication

Conformément au paragraphe 45.1(7) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, chap. R-10, et au paragraphe 13(4) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, le Comité interdit la publication et la diffusion de quelque manière que ce soit de toute information permettant d’établir l’identité de l’adolescente ou d’un membre de la famille de l’adolescente dans la présente affaire, et ordonne d’inclure cette interdiction au dossier du registraire.

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT UNE PROCÉDURE DISCIPLINAIRE

EN APPLICATION DE

LA LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Entre :

Commandant

Division K

(« l’autorité disciplinaire »)

et

Gendarme D. Greenlaw

Numéro de régiment 54987

(« le membre visé »)

Compte rendu de décision

Comité de déontologie

Craig S. MacMillan

Le 24 décembre 2019

M. Brad Smallwood, représentant de l’autorité disciplinaire (« le RAD »)

Mme Sabine Georges, représentante du membre (« la RM ») (collectivement, les « représentants »)


Table des matières

Résumé  4

1. Introduction  5

2. Allégations  5

3. Contexte  7

Réponse  17

Allégations  19

Allégation 1  20

Allégation 2  23

Allégation 3  24

Allégation 4  25

Allégation 5  26

Observations du RAD  28

Réplique de la RM  33

Réfutation du RAD  41

4. Bien-fondé  43

Contexte  43

2. Principes  43

Analyse  48

Allégation 1  49

Allégation 2  53

Allégation 3  56

Allégation 4  58

Allégation 5  63

Conclusion  63

5. Mesures  63

Observations  65

Deuxième ensemble d’observations du RAD  65

Deuxième réplique de la RM  70

Deuxième réfutation du RAD  78

Analyse  81

6. Conclusion  95

 

Résumé

Le Comité de déontologie a conclu que le membre visé a commis trois contraventions au Code de déontologie en omettant de réaliser une enquête appropriée sur des renseignements fournis par les Services à l’enfance et à la famille (« les SEF »), en omettant de se conformer aux directives d’un superviseur concernant la tenue d’une enquête sur les renseignements transmis par les SEF, et en produisant un rapport inexact ou trompeur relativement aux renseignements transmis par les SEF. Le Comité de déontologie a imposé les mesures disciplinaires suivantes : une réprimande, l’obligation de travailler sous étroite supervision pendant un an, ainsi qu’une confiscation de la solde pour une période de 25 jours pour avoir omis de réaliser une enquête en bonne et due forme; une réprimande et une confiscation de la solde pour une période de cinq jours pour avoir omis de se conformer aux directives d’un superviseur; et une réprimande, l’inadmissibilité à un rôle ou à un poste de supervision pour une période d’un an, l’inadmissibilité à toute promotion pour une période d’un an, ainsi qu’une confiscation de la solde pour une période de 30 jours pour avoir présenté un rapport inexact ou trompeur.


Compte rendu de la décision

1. Introduction [1]

[1]  La présente décision est issue d’une procédure disciplinaire mettant en cause le membre visé dans le cadre de laquelle le Comité de déontologie (« le Comité ») a rendu une décision de vive voix quant au fond, le 7 octobre 2019, sans entendre aucun témoignage. La décision de vive voix a été suivie d’une décision écrite qui a fait l’objet d’une révision finale, d’une mise en page et de corrections et qui a été soumise à des exigences transitoires en vue de traiter les mesures et de parachever la décision définitive.

[2]  Après en avoir fait la demande, le membre visé a eu l’occasion de s’adresser au Comité le 3 décembre 2019, après quoi les représentants ont fourni des observations écrites concernant les mesures. Aucun témoin n’a été entendu durant l’étape de la détermination des mesures.

[3]  Ce qui suit est la décision écrite définitive qui a été rendue dans le cadre de cette procédure disciplinaire.

2. Allégations

[4]  La manière dont le membre visé a géré, entre le 2 juin 2017 et le 27 juillet 2017 alors qu’il était affecté au détachement de la Gendarmerie royale du Canada (« la GRC ») de Morinville en Alberta (« le détachement »), un signalement fait par les Services à l’enfance et à la famille (les SEF) concernant des infractions ou des actes inappropriés commis par un oncle (« l’oncle ») envers un membre de sa famille de sexe féminin âgé de 14 ans (« l’adolescente ») a donné lieu à cinq allégations de contravention au Code de déontologie, qui sont exposées et précisées dans l’avis d’audience disciplinaire du 13 décembre 2018 (« l’avis ») et que le Comité résume comme suit : [traduction]

  1. a omis de créer un dossier ou de rédiger un rapport relativement aux infractions alléguées signalées par les SEF, en contravention de l’article 8.1 (« l’allégation 1 »);

  2. a omis de réaliser une enquête appropriée sur les infractions alléguées signalées par les SEF, en contravention de l’article 4.2 [2] (« l’allégation 2 »);

  3. a désobéi à un ordre ou à une directive légitime d’un superviseur de faire enquête sur les infractions alléguées signalées par les SEF, en contravention de l’article 3.3 (« l’allégation 3 »);

  4. a présenté un faux rapport concernant les infractions alléguées signalées par les SEF, en contravention de l’article 8.1 (« l’allégation 4 »); et

  5. s’est livré à une conduite déshonorante en ne créant pas de dossier, en ne menant pas d’enquête et en présentant un faux rapport sur les infractions alléguées signalées par les SEF, en contravention de l’article 7.1 (« l’allégation 5 ») (collectivement, « les allégations »).

[5]  Pour les raisons exposées ci-après, le Comité conclut que l’allégation 1 n’est pas fondée et que les allégations 2, 3 et 4 sont fondées. L’allégation 5 a été retirée.

[6]  Le Comité a imposé comme mesures une réprimande, l’obligation de travailler sous étroite supervision pendant un an, ainsi qu’une confiscation de la solde pour une période de 25 jours pour l’allégation 2; une réprimande et une confiscation de la solde pour une période de cinq jours pour l’allégation 3; et une réprimande, l’inadmissibilité à un rôle ou à un poste de supervision pour une période d’un an, l’inadmissibilité à toute promotion pour une période d’un an, ainsi qu’une confiscation de la solde pour une période de 30 jours pour l’allégation 4.

3. Contexte

[7]  Le ou vers le 31 mai 2017, les SEF ont reçu de l’information selon laquelle l’oncle de l’adolescente avait donné à celle-ci de la cocaïne et de l’alcool et avait posé sa main sur sa cuisse en visionnant de la pornographie, ces gestes faisant suite à des conversations de nature sexuelle que l’oncle avait eues avec l’adolescente pendant plusieurs mois (B61).

[8]  Les SEF ont pris des mesures immédiates pour protéger la sécurité de l’adolescente et ont effectué une nouvelle évaluation le 1er juin 2017 (B61-2).

[9]  Conformément au protocole établi, Mme Sutherland, une employée des SEF, a par la suite téléphoné au détachement le 2 juin 2017 pour communiquer les renseignements au sujet de l’oncle et de l’adolescente afin de déterminer si la GRC souhaitait participer à une entrevue avec l’adolescente; son appel a été transmis au membre visé (« le premier appel ») (B45).

[10]  Mme Sutherland indique que pendant le premier appel, le membre visé lui a dit de procéder à l’entrevue et de l’informer s’il en ressortait quelque chose (B45).

[11]  Lorsqu’il a été interrogé, le membre visé a essentiellement corroboré l’information fournie par Mme Sutherland concernant le premier appel, bien qu’il ne se souvienne pas d’avoir discuté d’une entrevue conjointe (B99). Il a déclaré ce qui suit (B98) : [traduction]

Bien sûr. Euh, comme je l’ai dit, je travaillais de jour ce jour-là, nous étions quelques-uns au bureau, et je me souviens qu’une des employées à la réception a demandé par interphone que quelqu’un prenne la ligne 1. J’ai décroché le combiné et j’ai parlé avec une dame des SEF qui m’a dit qu’elle allait faire une entrevue avec une adolescente ayant peut-être fait l’objet d’attouchements déplacés de la part de son oncle qui, euh, lui donnait de la cocaïne, je crois, et lui faisait regarder du matériel pornographique. La conversation téléphonique n’a pas été très longue. Je me souviens juste qu’elle ait dit ça et qu’elle organiserait une rencontre avec l’adolescente. Euh, une fois l’entrevue terminée, je lui ai fourni ou je lui ai fourni mon nom et mon... le numéro de téléphone que vous aviez déjà, de toute évidence. Euh, je lui ai dit que je travaillerais de jour toute la fin de semaine et je lui ai demandé de me laisser savoir ce qu’elle apprendrait. Cela m’a ensuite sorti de l’esprit, parce que c’était clair lors de ce coup de fil, euh, qu’elle allait... comme je l’ai dit, je lui ai demandé de rappeler pour me laisser savoir ce qui se passait [Traduit tel que reproduit dans la version anglaise et points de suspension dans l’original].

[12]  Le membre visé a dit avoir « présumé » que les SEF interrogeraient l’adolescente et qu’ils informeraient la GRC si une agression avait eu lieu (B99).

[13]  L’adolescente a été interrogée par les SEF le lundi 5 juin 2017, et le lendemain, soit le mardi 6 juin 2017, Mme Sutherland a appelé au détachement.

[14]  Sachant que le membre visé ne rentrait pas au travail avant le vendredi, elle lui a laissé un message sur sa boîte vocale lui demandant de la rappeler (B46, 58, 61), ce qui est noté dans le rapport d’information sur les contacts et d’évaluation de la sécurité des SEF (« le rapport des SEF ») et a été confirmé par Mme Sutherland lors d’une entrevue.

[15]  Il n’est pas précisé, dans le rapport de déontologie et les entrevues faites ultérieurement avec Mme Sutherland et le membre visé, si le membre visé a reçu ce message vocal ou s’il a rappelé Mme Sutherland.

[16]  Quelques minutes plus tard, Mme Sutherland a rappelé au détachement et a parlé avec le caporal Gulash; elle l’a informé que les gestes inappropriés de l’oncle avaient été confirmés, et le caporal Gulash a indiqué qu’il transmettrait cette information au membre visé (B46, 58).

[17]  Le caporal Gulash confirme avoir reçu l’appel de Mme Sutherland disant que les gestes inappropriés de l’oncle avaient été confirmés et qu’elle appelait le détachement pour fournir une mise à jour comme on le lui avait demandé, ce qu’il a considéré « étrange » dans les circonstances et l’a incité à poser plusieurs questions à Mme Sutherland, dont celles visant à connaître le nom de l’adolescente ainsi que le nom de la personne à qui Mme Sutherland avait parlé au détachement, la première fois (c’est-à-dire lors du premier appel) (B69).

[18]  À la suite de sa conversation avec Mme Sutherland, le caporal Gulash a effectué une recherche dans le Système d’incidents et de rapports de police (SIRP), mais il n’a pas pu trouver de dossier correspondant, ce qu’il a jugé inapproprié compte tenu de la nature des actes décrits. Il a envoyé le courriel suivant au caporal Robb, le superviseur du membre visé (B69) : [traduction]

J’ai reçu un appel de [...] [Mme] Sutherland, une employée des SEF, aujourd’hui. Elle a dit qu’elle avait appelé la fin de semaine dernière et avait parlé à [membre visé] au sujet d’une plainte déposée par un tiers concernant une adolescente de 14 ans nommée [...] Elle a dit avoir appelé pour savoir si la GRC souhaitait participer à une entrevue/enquête conjointe relativement à l’allégation selon laquelle l’oncle, [...], aurait fourni de la cocaïne à l’adolescente et lui aurait donné 100 dollars pour regarder du matériel pornographique avec lui.

Selon l’employée des SEF, [le membre visé] a dit qu’il n’était pas nécessaire que la GRC participe à l’entrevue et il lui a demandé d’interroger l’adolescente à sa place et de lui faire savoir s’il y avait du vrai dans les allégations. L’employée des SEF s’est donc déplacée et a parlé à l’adolescente de 14 ans, qui a dit que son oncle lui avait bien fourni de la cocaïne puis avait regardé du matériel pornographique avec elle. Cependant, elle a indiqué qu’elle n’avait pas été payée ni reçu d’argent pour cela. Elle a également indiqué qu’il avait gardé sa main sur sa cuisse pendant qu’ils visionnaient le matériel pornographique. [En caractères verts dans l’original.] [« Le courriel »]

[19]  L’information contenue dans le courriel décrivant les gestes inappropriés de l’oncle correspond presque exactement à l’entrée du rapport des SEF qui fait état de ce que Mme Sutherland a dit au caporal Gulash (B58).

[20]   Le caporal Robb confirme avoir reçu le courriel et pense qu’il aurait dit au membre visé de traiter l’affaire comme « une priorité », parce qu’elle visait une personne mineure et comportait des connotations sexuelles (B83).

[21]  Cependant, le caporal Robb ne se souvient pas d’avoir demandé au membre visé pourquoi il n’avait pas créé d’emblée un dossier SIRP; il s’est plutôt employé à en faire ouvrir un (B85).

[22]  Lorsqu’on l’a questionné, le membre visé a essentiellement déclaré qu’il ne lui incombait pas de créer un dossier SIRP, ou bien qu’il ne se souvenait pas de l’avoir fait (B98) : [traduction]

Euh, je n’ai pas créé de dossier SIRP à ce moment-là parce que c’est quelque chose que je ne – c’était un appel téléphonique et ça m’est sorti de l’esprit, comme je l’ai dit. Normalement, ce sont les filles qui créent les dossiers et font ce genre de trucs de toute façon, et ceux-ci apparaissent dans la file de nos tâches. Euh, j’avais clairement oublié jusqu’à ce que je reçoive un courriel, euh probablement une semaine plus tard, je pense, et j’ai reçu ce courriel du caporal GULASH me disant qu’il avait ouvert un dossier SIRP sur l’adolescente et qu’un suivi devait être fait. Pour être honnête, je ne me souviens pas vraiment du courriel. Je n’ai aucun souvenir de ce qui était écrit dans le courriel. [Non souligné dans l’original.]

[23]  Le 13 juin 2017, un dossier SIRP a, semble-t-il, été créé par le membre visé (B29) (« le dossier »), bien que ce dernier ne se souvienne pas l’avoir fait ou pense que quelqu’un d’autre pourrait l’avoir fait (B99). On ne semble pas savoir qui, exactement, a créé le dossier, mais le membre visé reconnaît qu’il y a eu une demande en ce sens et que le dossier a finalement été créé.

[24]  Voici la première entrée faite au dossier par le membre visé (B29) : [traduction]

02-06-2017 J’étais en fonction lorsqu’une fonctionnaire a indiqué qu’une employée des SEF voulait parler à un membre. J’ai parlé avec l’employée des SEF, qui m’a dit qu’elle essayerait de se rendre dans un foyer du comté de Sturgeon, car elle avait reçu un appel d’un parent dont la fille s’était fait donner de la drogue par un autre membre de la famille. J’ai dit à l’employée des SEF qu’elle pouvait nous appeler une fois qu’elle aurait terminé son rapport, soit la même journée, soit un autre jour, si elle disposait de preuves. J’ai dit que nous pourrions réaliser une enquête criminelle si elle le jugeait pertinent. Les SEF mènent chaque jour des enquêtes dont nous ne sommes pas informés à moins qu’ils ne découvrent quelque chose de criminel. J’ai informé l’employée des SEF que je travaillais de jour toute la fin de semaine et je lui ai demandé si elle pouvait aller recueillir des déclarations. L’employée des SEF m’a demandé mon nom afin de pouvoir me rappeler au cas où elle aurait des renseignements à transmettre à la police. [Traduit tel que reproduit dans la version anglaise, non souligné dans l’original.] [« La première entrée »]

[25]  Lorsqu’on l’a questionné et qu’on lui a montré la première entrée, le membre visé a confirmé qu’il s’agissait bien de son écriture et que l’employée des SEF avait dit que l’adolescente s’était peut-être fait donner de la cocaïne et agresser par son oncle (B100).

[26]  En termes simples, le membre visé a déclaré qu’il avait informé Mme Sutherland que la GRC « pouvait réaliser une enquête criminelle si elle le jugeait pertinent » (B100).

[27]  Voici la deuxième entrée faite au dossier par le membre visé (B29) : [traduction]

12-06-2017 23 h 45 Le caporal Robb m’a informé pendant le quart de nuit que l’employée des SEF avait appelé le 6 juin et avait parlé au caporal GULASH. Je ne suis pas sûr de la teneur de cette conversation, car il n’existe aucun dossier pouvant être consulté. Lorsque j’ai parlé à l’employée des SEF, elle a seulement demandé si la police devait être mise à contribution; je lui ai dit que si elle croyait qu’une infraction criminelle avait été commise, nous examinerions certainement la situation. Le caporal GULASH a indiqué dans le courriel adressé au caporal Robb que la nièce de 14 ans s’est fait donner de la cocaïne et a regardé du matériel pornographique avec son oncle. J’ai également appris que l’oncle a posé sa main sur la cuisse de l’adolescente.

Lorsque je retournerai au quart de jour, le 19 juin, j’appellerai les SEF pour obtenir des renseignements sur l’adolescente de 14 ans et ses parents afin de les ajouter au dossier. Je recueillerai ensuite une déclaration auprès des parents et de l’adolescente afin de déterminer si une infraction criminelle donnant matière à enquête a été commise.

En cours d’enquête :

·  Déclarations

·  Information sur l’adolescente

·  Information sur les parents

·  Enquête [Non souligné dans l’original.] [« La deuxième entrée »]

[28]  Bien que la première et la deuxième entrée décrivent des événements qui se sont produits à environ 10 jours d’intervalle, il importe de savoir qu’elles ont probablement été inscrites à la date d’ouverture du dossier, soit le 13 juin 2017, et que même dans le cas contraire, la deuxième entrée confirme que le 12 juin 2017, le membre visé savait (d’après le courriel) que l’oncle avait donné de la cocaïne à l’adolescente et avait posé sa main sur la cuisse de celle-ci alors qu’ils visionnaient du matériel pornographique.

[29]  En effet, selon les commentaires qu’il a formulés lorsqu’il a été interrogé, le membre visé reconnaît qu’il savait dès le 2 juin 2017, à cause du premier appel, que l’oncle avait prétendument posé sa main sur la cuisse l’adolescente alors qu’il regardait du matériel pornographique avec elle, et qu’il lui avait donné de la cocaïne; s’il y a le moindre doute sur ce point, cela est confirmé dans le courriel.

[30]  En outre, il est clair d’après la deuxième entrée que le membre visé savait qu’une enquête plus approfondie était nécessaire, en raison de la liste des éléments en cours d’enquête (ECE) qui indiquait diverses tâches, dont celles d’appeler les SEF pour obtenir de l’information sur l’adolescente et ses parents, de recueillir des déclarations et de réaliser une enquête (« les tâches ECE »).

[31]  Le 2 juillet 2017, le caporal Robb a pris deux mesures qui sont consignées dans le dossier sous la forme de rapports complémentaires.

[32]  Tout d’abord, le caporal Robb a copié et collé dans le dossier (B30) un extrait du courriel (cité ci-dessus) du caporal Gulash qui confirmait que les SEF étaient d’avis que les agissements inappropriés de l’oncle avaient été établis, comme le membre visé le savait déjà et l’avait noté dans la deuxième entrée.

[33]  Deuxièmement, le caporal Robb a indiqué ce qui suit au membre visé (B30-1) : [traduction]

Dossier examiné. [Membre visé], à l’examen de ce dossier, je ne pense pas que nous puissions le clore.

Il est possible que ce soit une simple préoccupation visant la loi sur la protection de l’enfance, mais il peut également s’agir d’un trafic de drogue, de la corruption des moeurs d’un enfant et d’une agression sexuelle.

Ceci figurait dans votre liste de tâches ECE, que vous devriez quand même accomplir : [...] [Non souligné dans l’original; les tâches ECE copiées et collées figurant dans la deuxième entrée du membre visé ne sont pas reproduites ici. Les tâches ECE seront également désignées par le terme « directives », le cas échéant.]

[34]  Lorsqu’il a été interrogé, le caporal Robb s’est rappelé que le membre visé avait en fait voulu fermer le dossier le 2 juillet 2017 sans apparemment prendre de mesures, mais il a refusé et a dit au membre visé qu’il devait accomplir les tâches ECE, constituant les directives (B85), comme il est indiqué dans le deuxième rapport complémentaire du caporal Robb que nous venons de citer.

[35]  Une troisième entrée inscrite au dossier par le membre visé indique ce qui suit (B29) : [traduction]

27-07-2017 12 h J’ai parlé avec Angela Sutherland des SEF, qui m’a dit qu’elle allait fermer son dossier avec la famille; j’ai appris qu’il n’y avait pas eu d’agressions ni quoi que ce soit de ce genre. Elle m’a également informé qu’elle avait réglé la situation et attendait que la paperasse soit remplie, et qu’elle enverrait au gendarme HAWKINS un courriel à verser au dossier.

Ce dossier peut être fermé, car la police n’a pas besoin d’enquêter. [Soulignement ajouté] [« La troisième entrée »]

[36]  Cette trajectoire finale du membre visé apparait également dans son résumé figurant au dossier, à savoir (B27) : [traduction]

J’ai reçu un appel d’une employée des SEF m’informant qu’elle allait interroger un enfant relativement à de la drogue et qu’elle rappellerait si elle trouvait quelque chose devant faire l’objet d’une enquête – elle n’a jamais rappelé. Noms fournis dans un courriel envoyé par le caporal GULASH, qui a parlé avec l’employée des SEF il y a quelques jours / Aucune plainte n’a été déposée à ce sujet. J’ai parlé avec l’employée des SEF à propos de cette affaire; elle a dit n’avoir rien d’autre sur quoi enquêter et que la police n’a rien d’autre à examiner, car tout est réglé. AMAN/DG [aucune autre mesure additionnelle nécessaire]. Dossier examiné. Selon un suivi effectué auprès de l’employée des SEF, aucune intervention de la police n’est nécessaire et il n’y a aucun élément criminel devant faire l’objet d’une enquête. DC [Dossier clos]. [Traduit tel que reproduit dans la version anglaise, non souligné dans l’original.] [« Le résumé »]

[37]  Le résumé n’est pas compris dans l’allégation 4 ou les détails liés au fait de fournir de faux renseignements, mais il donne des indications importantes relativement aux affirmations faites ultérieurement par le membre visé quant à sa compréhension des circonstances.

[38]  Quelle que soit la façon dont on les interprète, la troisième entrée et le résumé présentent des incohérences apparentes par rapport à ce que le membre visé savait d’après la deuxième entrée et le courriel, soit que l’oncle avait donné de la cocaïne à l’adolescente et avait posé sa main sur la cuisse de celle-ci pendant qu’ils visionnaient du matériel pornographique.

[39]  Lorsqu’il a été interrogé, et selon l’examen de la troisième entrée du dossier, le membre visé a confirmé qu’il n’avait pas parlé à Mme Sutherland pendant un certain temps après le premier appel (2 juin 2017), mais qu’ils s’étaient reparlé au téléphone le 27 juillet 2017 (« le deuxième appel ») (B101) : [traduction]

... et quand j’ai parlé avec ... c’était à la fin du mois de juillet, le 27. Euh, Angela SUTHERLAND des SEF, je ne sais pas si elle m’a dit son nom ce jour-là et c’est elle à qui j’ai... probablement demandé de parler, et à qui je présume avoir parlé ce jour-là, à propos de son intention de fermer le dossier, parce qu’il n’y avait pas eu d’agression ni quoi que ce soit selon ce que j’ai appris ce jour-là. Donc, le fait que j’écrive quelque chose à ce sujet à la fin du mois de juillet a été euh, un malentendu soit de ma part, soit de la part de quelqu’un d’ici. Euh, je me souviens de la conversation que j’ai eue avec le gendarme HAWKINS, qui était assis à côté de moi. Euh, il a dit qu’il y aurait de la paperasserie ou quelque chose comme ça et que s’il y avait de la paperasserie à remplir, alors le gendarme HAWKINS en serait, il en a été informé par moi-même parce que de toute évidence, c’est moi qui avais écrit ça. [Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

[40]  Lorsqu’on lui a demandé d’où provenait l’information selon laquelle il n’y avait pas eu d’agression, le membre visé a répondu ceci (B102) : [traduction]

Eh bien, ce dont je me souviens, je peux honnêtement dire, comme il n’y avait pas eu d’agression, j’ai pensé qu’il n’y avait pas eu d’agression sexuelle. Donc, pour que nous puissions enquêter plus avant, j’ai pensé, d’accord, il n’y a rien d’autre, alors je vais attendre le rapport. Je ne me souviens pas des détails exacts de cette conversation téléphonique. Euh, mais pour que j’aie écrit quelque chose comme ça, en lisant cela maintenant, je peux dire que c’est ce que j’aurais pensé.

[41]  Au bout du compte, le membre visé n’a pas été en mesure d’expliquer pleinement au cours de son entrevue quand ou comment il a appris qu’il n’y avait pas eu d’agression, compte tenu du contenu du courriel, et il n’a parlé à Mme Sutherland qu’à la fin du mois de juillet, soit lors du deuxième appel, et ne se souvient pas d’avoir reçu de l’information au sujet de l’entrevue menée avec l’adolescente (B102-3).

[42]  En examinant le rapport de déontologie et les documents connexes, il semble possible que Mme Sutherland ait fait le deuxième appel au membre visé (B48, lignes 190-93), mais ce n’est pas vraiment clair si c’est Mme Sutherland qui a appelé le membre visé ou si c’est le membre visé qui a appelé Mme Sutherland; dans tous les cas, il semble peu important de savoir qui a fait le deuxième appel, car c’est le contenu de l’appel qui est davantage en cause.

[43]  À l’égard du contenu du courriel du caporal Gulash sur les résultats de l’entrevue avec l’adolescente, qui figurait au dossier, on a demandé au membre visé si les commentaires indiquant que l’oncle avait donné de la cocaïne et fait des commentaires de nature sexuelle à l’adolescente l’avaient préoccupé ou mené à effectuer un suivi. Voici ce qu’il a répondu (B103) : [traduction]

Euh, je ne l’ai pas fait, enfin, pas d’après mes souvenirs. Euh, je ne me souviens pas d’avoir parlé à un oncle ou une tante. Cela me préoccupe beaucoup et c’est… essentiellement, ce que j’attendais des SEF, c’est ce rapport. [Points de suspension dans l’original.]

[44]  Lorsqu’on l’a questionné sur le fait qu’il s’attendait à ce qu’un rapport quelconque lui soit envoyé par les SEF et qu’on lui a demandé s’il avait demandé ce rapport, le membre visé a répondu : « Euh. Je ne m’en souviens pas » (B103).

[45]  Lorsqu’on lui a demandé pourquoi le dossier avait été clos alors que des tâches ECE étaient toujours en suspens, le membre visé a répété que c’était à cause de la conversation qu’il avait eue avec Mme Sutherland lors du deuxième appel (le 27 juillet 2017) (B106) : [traduction]

C’est vrai, et de toute évidence c’est là que je… j’ai mal compris l’information transmise le 27 juillet, euh, voulant qu’il n’y ait pas eu d’agressions, euh, peut-être dans ma... et je veux dire, je ne peux qu’émettre des hypothèses sur ce que j’ai pu avoir pensé ce jour-là, mais je n’avais, euh, rien à gagner en disant... en disant que nous n’avions pas à réaliser un complément d’enquête. Je savais que quelqu’un d’autre pouvait continuer à enquêter là-dessus, donc je pense, ce que je comprends d’après ce que je lis ici, euh, j’ai... j’ai simplement mal com… compris ce qu’elle m’a dit. [Points de suspension dans l’original.]

[46]  Mme Sutherland est catégorique sur le fait qu’elle n’a pas dit au membre visé, pendant le deuxième appel, que rien ne s’était passé (B48, 51, 55) (entre autres parce que l’adolescente avait subi un test de dépistage de drogue qui avait révélé la présence de cocaïne) (B51), et qu’elle aurait été « choquée » qu’aucun suivi ne soit fait auprès de la famille de l’adolescente (B53).

[47]  Interrogée à ce sujet, Mme Sutherland a répété à plusieurs reprises que lorsqu’elle a parlé au membre visé au cours du deuxième appel, il lui a dit qu’aucune accusation criminelle n’était en suspens, mais qu’il allait assurer un suivi auprès de la famille (B47, 49, B51), ce qui est également consigné dans le rapport des SEF rédigé par Mme Sutherland (B62) : [traduction]

J’ai fourni de l’information au détachement de la GRC de Morinville. Le dossier a été attribué à [membre visé]. Il fera un suivi auprès de la famille. Il n’y a aucune accusation en suspens.

[48]  Le membre visé ne se souvient pas d’avoir eu une conversation avec Mme Sutherland au cours de laquelle il lui aurait dit qu’aucune accusation ne serait recommandée ou n’était en suspens (B106).

[49]  Le 3 août 2017 ou vers cette date, le dossier des SEF a été fermé, car les questions liées à la protection et la sécurité de l’adolescente avaient été traitées (B64-65).

[50]  Le 19 août 2017, le caporal Robb a examiné et fermé le dossier sur la foi des renseignements consignés par le membre visé (B2).

[51]  Lorsqu’on l’a interrogé, le caporal Robb a confirmé qu’il avait fait un suivi du dossier (B85, ligne 86), et que même si le membre visé était censé prendre des mesures à son retour au travail le 19 juin 2017, comme il était indiqué dans les tâches/directives ECE, il n’avait aucune raison de ne pas croire l’affirmation du membre visé selon laquelle rien n’était arrivé et que le dossier pouvait être fermé (B86), en dépit du contenu antérieur du courriel.

[52]  Même après coup, le caporal Robb dit qu’il n’a pas discuté avec le membre visé de ses actions et de la façon dont le dossier avait été fermé, malgré l’enquête ultérieure qui a abouti à des accusations contre l’oncle (B87, 90) environ un an plus tard.

[53]  Le membre visé, qui se préparait à une mutation pendant la période concernée, a ensuite été muté dans un autre détachement du sud de l’Alberta à la mi-août 2017, peu après avoir saisi la troisième entrée et rédigé le résumé (B104) dans le dossier.

[54]  Quelque temps plus tard, vers le 3 ou 4 mai 2018, l’adolescente a été interrogée dans le cadre d’une autre affaire et a révélé l’incident antérieur concernant l’oncle (B31), dont le récit a rappelé au caporal Gulash le dossier précédemment traité par le membre visé (B2).

[55]  Après avoir consulté les SEF, examiné le rapport des SEF et parlé à Mme Sutherland, on a su que les SEF n’avaient pas indiqué qu’il n’y avait pas eu d’agression ni que rien d’autre ne s’était passé, ce dont le commandant du détachement a été informé le 25 mai 2018 et qui a donné lieu, en bout de compte, à la convocation d’une enquête disciplinaire et à la suspension du membre visé le 12 juillet 2018 (B4, 8). L’enquête a été achevée le 6 septembre 2018 (B2-3, 4, 12).

[56]  Dans l’intervalle, le détachement a mené une enquête sur les actes commis par l’oncle à l’endroit de l’adolescente, qui a abouti à l’arrestation et à l’inculpation de l’oncle pour les motifs suivants : contacts sexuels, fourniture de matériel sexuellement explicite à un enfant, trafic de drogue et conduite pendant une interdiction (B27-36).

[57]  Il est inutile de rappeler en détail l’information fournie par l’adolescente au sujet des agissements de son oncle, si ce n’est pour dire qu’il y a eu une consommation de cocaïne et d’alcool facilitée par l’oncle, ainsi que des commentaires hautement sexualisés et inappropriés de la part de ce dernier.

[58]  L’avis à l’officier désigné a été signé par l’autorité disciplinaire le 8 novembre 2018, et le Comité a été formé le 19 novembre 2018.

[59]  L’avis a été signifié au membre visé le 7 janvier 2019, et l’avis ainsi que le rapport de déontologie ont été remis au Comité le ou vers le 11 janvier 2019; la RM a été retenue par le membre visé à la même date ou vers la même date.

Réponse

[60]  Le 15 janvier 2019, le Comité a reçu une demande de prolongation du délai pour la remise de la réponse du membre visé aux allégations, conformément aux articles 15 et 18 des Consignes du commissaire (déontologie) (« CC (déontologie) »).

[61]  Le 16 janvier 2019, le Comité a envoyé aux représentants un courriel exposant les attentes générales relatives aux procédures et les exigences en matière de réponse, ainsi que les listes de questions connexes pour les témoins et les experts conformément aux CC (déontologie).

[62]  Le Comité a accordé à la RM une prolongation jusqu’au 22 février 2019 pour la remise de la réponse et a proposé de tenir une réunion préalable le 4 février 2019, qui a finalement été fixée au 11 février 2019 (« la première réunion »), en raison de la disponibilité des représentants.

[63]  Après la première réunion, le Comité a confirmé un certain nombre de détails qui ont été abordés dans un courriel envoyé aux représentants, notamment :

  • la RM a confirmé au nom du membre visé que la procédure se déroulerait en anglais;

  • le RAD facilitera l’accès du membre visé aux installations de la GRC afin qu’il puisse revoir ses notes, le cas échéant;

  • le RAD déterminera si les notes auxquelles Mme Sutherland fait référence sont les mêmes que celles contenues dans le rapport des SEF;

  • à savoir si l’allégation 2 cite incorrectement l’article 4.1 du Code de déontologie, plutôt que l’article 4.2;

  • la RM peut fournir dans la réponse une observation sur la question de savoir si l’allégation 5 est redondante;

  • l’identité de l’adolescente doit être protégée et la DRAD transmettra au Comité un libellé à cet égard;

  • le Comité a accordé à la RM un délai jusqu’au 15 mars 2019 pour fournir une réponse, en partie en raison de l’obligation de communiquer avec les témoins potentiels et de les interroger.

[64]  La réponse du membre visé a par la suite été fournie, y compris les observations écrites du membre visé et les observations par courriel de la RM sur certains points juridiques, ainsi que quatre déclarations de divers témoins ayant exercé des fonctions administratives au sein du détachement (« la réponse »).

Allégations

[65]  Certains éléments de l’avis sont exactement les mêmes et le Comité entend les traiter ici de manière collective.

[66]  Le membre visé admet le premier détail des allégations, et le Comité conclut qu’il était membre de la GRC et affecté au détachement aux dates pertinentes.

[67]  En ce qui concerne le détail no 2, le membre visé admet que le 2 juin 2017, il a répondu au premier appel de Mme Sutherland ayant trait à une situation où une jeune fille mineure était susceptible de s’être fait donner de la drogue, d’avoir été exposée à du matériel pornographique et d’avoir subi des attouchements sexuels de la part de son oncle, mais il ne se souvient pas que Mme Sutherland ait mentionné le nom de la mineure, un camion ou quoi que ce soit en rapport avec un commentaire de nature sexuelle (p. 2 [3] ).

[68]  En ce qui concerne le détail no 3, le membre visé nie avoir informé Mme Sutherland, lors du premier appel, qu’il n’était pas nécessaire que la GRC intervienne; il se rappelle qu’elle lui a dit qu’elle allait réaliser des entrevues au sujet de l’affaire, et qu’il lui a demandé de lui faire part des conclusions des entrevues et des déclarations recueillies.

[69]  Les détails nos 5, 6 et 7 de l’allégation 1, les détails nos 6, 7 et 8 de l’allégation 2, les détails nos 10, 11 et 12 de l’allégation 3, les détails nos 11, 12 et 13 de l’allégation 4 et les détails nos 8, 9, et 10 de l’allégation 5 présentent les mêmes faits visant les questions liées à l’enquête et les accusations portées contre l’oncle par le détachement après la fermeture du dossier, et comme il est indiqué dans la réponse, ceux-ci ne sont pas pertinents pour déterminer si l’inconduite présumée mentionnée dans les allégations a bien eu lieu, mais peuvent être considérés comme des facteurs aggravants, le cas échéant. Par conséquent, ils ne seront pas pris en compte ou examinés plus avant pour évaluer le bien-fondé de l’affaire.

[70]  Enfin, le membre visé a déclaré ne pas avoir de connaissance personnelle du cinquième détail de l’allégation 3 et du cinquième détail de l’allégation 4, mais aux fins de la détermination du bien-fondé, il ne fait aucun doute que le caporal Gulash a reçu un appel téléphonique de Mme Sutherland le 6 juin 2017 et, ne trouvant aucun dossier SIRP connexe, a envoyé un courriel au caporal Robb; il s’agit là d’un fait contextuel qui n’est pas nécessairement pertinent pour conclure à l’inconduite.

Allégation 1

[71]  Le membre visé nie l’allégation 1 (omission de créer un dossier ou de rédiger un rapport), affirmant que le comportement en question constitue une question de rendement plutôt qu’un manquement au Code de déontologie.

[72]  En outre, ou à titre subsidiaire, le membre visé nie le détail no 4 voulant qu’il n’ait pas créé de dossier SIRP dans les 24 heures après avoir reçu des SEF l’information sur les actes commis par l’oncle, ce qui va à l’encontre de l’article 47.2 (SIRP – Incidents généraux) du Manuel des opérations (« le MO ») et de l’article 8.1 du Code de déontologie.

[73]  Bien que le membre visé se souvienne que le personnel de soutien lui a demandé de prendre le premier appel, et qu’il concède que l’article 1.4 du MO 47.2 exige qu’un incident soit créé tout au plus 24 heures après que la police a été avisée de l’information, le MO ne précise pas quel employé est responsable de créer le dossier SIRP.

[74]  Comme le sait le membre visé, la pratique au détachement veut « [...] que le personnel de soutien soit principalement chargé de créer le dossier SIRP et d’attribuer le dossier à un membre », ce qui est appuyé par les déclarations des membres du personnel anciens et actuels dans la réponse.

[75]  Premièrement, le caporal Robb a confirmé à la RM, dans une déclaration par courriel (datée du 4 mars 2019), que « les dossiers SIRP sont généralement créés de la manière suivante : 1) la station de transmissions opérationnelles (STO) reçoit un appel puis crée un dossier et l’attribue; 2) un dossier peut être créé par un employé de soutien ou un membre régulier, à la suite d’une plainte croisée; 3) un membre ou un employé de soutien reçoit un appel ou un courriel et génère le dossier » (non souligné dans l’original).

[76]  Deuxièmement, Mme McLaughlin (une ancienne commis du personnel de soutien qui a travaillé au détachement pendant 25 ans et a pris sa retraite en mars 2016, soit plus d’un an avant l’existence des allégations) a confirmé dans un courriel adressé à la RM (daté du 6 mars 2019) que, entre autres choses :

  • le personnel de soutien du détachement est censé créer les dossiers SIRP – il note l’information fournie au téléphone et la transmet à un membre;

  • il arrive qu’une personne qui appelle demande de faire affaire avec un membre en particulier, car il s’agit d’un petit détachement;

  • dans un tel cas, le personnel de soutien ne demande aucune information et transmet l’appel au membre. Le personnel de soutien doit en principe demander s’il s’agit d’un dossier existant ou s’il faut en créer un, mais il arrive parfois qu’il soit occupé et ne respecte pas ce protocole;

  • la personne qui répond au téléphone est celle qui est chargée de créer le dossier SIRP;

  • les quarts de jour au détachement sont très occupés, car les membres sont débordés. Parfois, un membre prend un appel sans savoir si un dossier a été créé ou non. Il est très facile d’oublier certaines tâches administratives; [...]

[77]  Troisièmement, Mme Senechal (une adjointe administrative qui a travaillé au détachement entre août 2010 et octobre 2016 et a été mutée du détachement huit mois avant les allégations) a confirmé dans un courriel adressé à la RM (daté du 22 février 2019) que, entre autres choses : [traduction]

[...]

  • lorsqu’on recueillait de l’information à la réception ou au téléphone, on demandait autant de détails que possible au plaignant et on déterminait ensuite ce qu’il convenait de faire;

  • lorsqu’il était clair qu’un dossier devait être créé, on le créait et on saisissait l’entrée SIRP, puis on attribuait le dossier à un membre;

  • lorsqu’il n’était pas clair si un dossier devait être créé, on en parlait à un membre pour avoir son avis ou on confiait le plaignant à un membre qui se trouvait au bureau et était disposé à s’en occuper; [...]

[78]  Quatrièmement, Mme Pomerleau (employée de soutien administratif au détachement depuis 1997) a confirmé dans un courriel adressé à la RM (daté du 27 février 2019) que, entre autres : [traduction]

[...]

  • Lorsque le détachement reçoit un appel, un employé du personnel de soutien y répond et pose toutes les questions pertinentes afin de déterminer s’il s’agit d’une affaire qui concerne la police. Si oui, l’employé du personnel de soutien crée un dossier SIRP et identifie un membre en demandant par radio si quelqu’un veut s’occuper du dossier. Le dossier est alors attribué à ce membre [...];

  • la plupart des appels sont documentés dans un dossier, même si ce n’est qu’à titre d’information;

  • s’il s’agit d’une situation grave, l’employé du personnel de soutien demande à un membre de prendre l’appel mais il cherche tout de même à obtenir suffisamment de renseignements pour créer un dossier SIRP, qu’il attribue ensuite au membre ayant pris l’appel;

  • le personnel de soutien répond à tous les appels et note autant de renseignements que possible, puis consigne l’information dans le SIRP;

  • ce processus est en place depuis 2005, soit depuis que le détachement est passé du SRRJ au SIRP;

  • les dossiers sont créés par le personnel de soutien ou par la STO – un membre demande parfois à un employé du personnel de soutien d’ouvrir un dossier, par exemple lorsqu’il s’agit d’un dossier qui sera utilisé uniquement à des fins d’information, et le membre du personnel de soutien ouvre le dossier s’il est en poste;

  • elle ne se souvient pas d’un cas où un membre a créé un dossier lui-même alors que du personnel de soutien était présent, et si cela s’est produit, ça a été fait rapidement;

[...]

[79]  Le membre visé a déclaré qu’il a pris le premier appel des SEF alors qu’il se tenait dans un cubicule, et qu’il a supposé que le personnel de soutien ouvrirait un dossier SIRP, ce qui ne s’est pas produit, puis qu’il a simplement oublié le dossier jusqu’à ce qu’il reçoive le courriel du caporal Gulash (p. 2).

Allégation 2

[80]  Le membre visé nie l’allégation 2 en raison du fait qu’elle cite incorrectement l’article 4.1 du Code de déontologie (qui traite du défaut de se présenter au travail), mais il consent à ce que l’allégation 2 soit modifiée afin de remplacer l’article 4.1 par l’article 4.2 (négligence) et a indiqué qu’il admettra alors avoir manqué à son devoir.

[81]  Le membre visé maintient son démenti par rapport au fait qu’il aurait déclaré à Mme Sutherland, lors du premier appel, qu’il n’était pas nécessaire que la GRC intervienne, et qu’il lui aurait plutôt conseillé de lui faire part des conclusions des entrevues et des déclarations recueillies (p. 4).

[82]  Selon le détail no 4, le membre visé n’a pris aucune mesure d’enquête concernant les renseignements fournie par les SEF, ce qu’il a reconnu avec explication en déclarant ce qui suit : [traduction]

[Le membre visé] admet n’avoir pris aucune mesure d’enquête, car il s’attendait à obtenir de la rétroaction de Mme Sutherland après l’entrevue qu’elle prévoyait de mener. Il croyait que Mme Sutherland allait transmettre son rapport à la GRC, afin qu’il puisse déterminer les mesures les plus appropriées à prendre.

[Le membre visé] ne vise pas à excuser son inaction, mais plutôt à expliquer son état d’esprit à ce moment-là. Il reconnaît en outre qu’il aurait dû être plus proactif dans le traitement de cette affaire. [p. 4]

[83]  Selon le membre visé, le détail no 5, qui allègue qu’il a omis de faire enquête sur les renseignements impliquant l’oncle, en contravention de l’article 2.1 (Infractions de nature sexuelle) et de l’article 2.6 (Mauvais traitement d’enfants et crimes contre de jeunes personnes) du MO, est trop « [...] vague, car il ne renvoie pas à un article précis des politiques mentionnées ». Le membre visé s’appuie en outre, ou à titre subsidiaire, sur l’explication fournie à l’égard du détail no 4 voulant qu’il s’attendait à ce que Mme Sutherland lui communique son rapport afin qu’il puisse déterminer les mesures appropriées à prendre (p. 6).

Allégation 3

[84]  Le membre visé nie l’allégation 3, affirmant qu’à l’instar de l’allégation 1, le comportement en question constitue une question de rendement plutôt qu’un manquement au Code de déontologie.

[85]  Le membre visé admet que le caporal Robb lui a ordonné de créer le dossier, ce qu’il a fait le 13 juin 2017 (détail no 6), et admet que le caporal Robb lui a ordonné d’appeler les SEF pour obtenir de l’information sur l’adolescente et ses parents et recueillir les déclarations des parents et de l’adolescente afin de déterminer si des infractions criminelles donnant matière à enquête avaient été commises (détail no 7) (tâches/directives toujours sous enquête) (p. 7).

[86]  Toutefois, en ce qui concerne les détails nos 8 et 9, le membre visé nie qu’il n’a pas appelé les SEF pour obtenir de l’information ou qu’il n’a pas suivi les directives à cet égard, puisqu’il a appelé les SEF le 27 juillet 2017 (le deuxième appel), expliquant qu’il attendait le rapport de Mme Sutherland.

[87]  Comme il est indiqué ci-dessus, le rapport de déontologie ainsi que les entrevues menées avec Mme Sutherland et le membre visé ne permettent pas d’établir clairement qui a initié le deuxième appel; le membre visé affirme pour la première fois dans sa réponse avoir fait le deuxième appel, mais lors de son entrevue, il ne se souvenait pas de grand-chose au sujet du deuxième appel.

[88]  Le membre visé admet ne pas avoir suivi les directives puisqu’il n’a pas recueilli les déclarations des parents ou de l’adolescente, expliquant une fois de plus qu’il attendait de recevoir le rapport de Mme Sutherland (p. 7).

Allégation 4

[89]  Bien que le membre visé admette avoir écrit, dans la troisième entrée, que le dossier pouvait être clos parce qu’il ne s’était pas produit d’agression ni quoi que ce soit de ce genre (détail no 9), il nie que la troisième entrée était fausse (détail no 10) : [traduction]

D’après ses souvenirs, [le membre visé] a eu une conversation téléphonique avec Mme Surtherland le 27 juillet 2017 [le deuxième appel], lors de laquelle elle lui a dit qu’elle allait fermer son dossier. Il ne se souvient pas des détails qu’elle a fournis quant aux raisons pour lesquelles elle fermait le dossier. Selon lui, cela signifiait que les allégations n’avaient pas été corroborées par son enquête.

[Le membre visé] l’a également informée qu’il se préparait à être muté dans un autre détachement et lui a demandé d’envoyer plutôt son rapport au gendarme Derek Hawkins, ce qu’elle a accepté de faire, puisque le dossier de la GRC ne pouvait pas être fermé sans que son rapport ne soit versé au dossier.

Comme nous l’avons déjà indiqué, [le membre visé] ne se souvient pas des détails précis de cette conversation [le deuxième appel], mais présume ce qu’il comprenait à ce moment-là lorsqu’il a saisi cette entrée dans le SIRP. [Le membre visé] a mal interprété ce que Mme Sutherland a voulu dire par « fermer le dossier ».

[Le membre visé] assume la responsabilité de ne pas avoir clarifié cette question et cherché à obtenir de l’information supplémentaire afin d’éviter ce malentendu, puisqu’il existait bel et bien des préoccupations relativement à la sécurité de cette adolescente.

[Le membre visé] convient que l’information qu’il a inscrite dans le SIRP s’est révélée inexacte. Cependant, au moment où il a rédigé cette entrée, [le membre] pensait sincèrement que les allégations n’étaient pas fondées puisque Mme Sutherland allait fermer son dossier.

[Le membre visé] souhaite également mentionner qu’il n’a aucune raison de faire une telle déclaration en la sachant fausse, ni rien à y gagner. [Le membre visé] prend ces allégations au sérieux, car il a déjà été lui-même victime de violence sexuelle et mené avec succès des enquêtes sur des cas d’agression sexuelle dans le passé. [p. 10 et 11]

Allégation 5

[90]  Le membre visé nie l’allégation 5 et affirme qu’elle chevauche les allégations 1, 2 et 4.

[91]  Par conséquent, en réponse aux détails nos 4, 5, 6 et 7, le membre visé maintient les commentaires qu’il a formulés au sujet des détails relatifs aux allégations 1, 2 et 4, qui se résument comme suit :

  • il n’a pris aucune mesure d’enquête, car il attendait une rétroaction de Mme Sutherland et une copie de son rapport afin de pouvoir déterminer les mesures à prendre;
  • la troisième entrée n’était pas fausse, car il croyait honnêtement que si Mme Sutherland fermait le dossier des SEF, cela signifiait que les allégations contre l’oncle n’étaient pas fondées;
  • bien que l’information contenue dans la troisième entrée ait pu se révéler inexacte, il n’avait aucune raison de faire une fausse déclaration, ni rien à y gagner.

[92]  S’appuyant sur l’arrêt R. c. Kienapple, [1975] 1 R.C.S. 729 (« l’arrêt Kienapple »), ainsi que sur l’arrêt Macdonald c. Institute of Chartered Accountants of British Columbia, 2010 BCCA 492 (CanLII) (« l’arrêt MacDonald »), l’arrêt K. C. c. College of Physical Therapists of Alberta, 1999 ABCA 253, l’arrêt Carruthers c. College of Nurses of Ontario, 1996 CanLII 11803 (ON SC) et l’arrêt Danyluik c. Institute of Chartered Accountants of Alberta (Complaints Inquiry Committee), 2014 ABCA 78 (« l’arrêt Danyluik »), dans le contexte de la conduite administrative et de la conduite professionnelle, la RM affirme qu’il existe des liens à la fois factuels et juridiques entre l’allégation 1, l’allégation 2, l’allégation 4 et l’allégation 5, ce qui constitue des redondances.

[93]  Sur le plan des liens factuels, la RM souligne que le détail no 4 (omission de créer un dossier SIRP), le détail no 5 (omission de réaliser une enquête) et les détails nos 6 et 7 (fausse déclaration) de l’allégation 5 (conduite déshonorante), ainsi que le détail no 4 (omission de créer un dossier SIRP) de l’allégation 1, le détail no 5 (omission de réaliser une enquête) de l’allégation 2 et les détails nos 6 et 7 (fausse déclaration) de l’allégation 4 sont identiques dans leur formulation et se rapportent à la même inconduite présumée.

[94]  Pour ce qui est des liens juridiques, la RM affirme qu’aucun élément significatif ne distingue les détails essentiels des allégations 1, 2 et 4 et que le détail no 11 de l’allégation 5 ne présente pas de caractère distinctif, car la référence à la relation endommagée entre la GRC et les SEF ne constitue pas un élément de conduite déshonorante, mais plutôt un fait contextuel qui définit le résultat de l’inconduite alléguée, bien qu’il puisse être considéré comme un facteur aggravant.

[95]  En ce qui concerne les réparations et la chronologie, la RM soutient que les procédures doivent être suspendues si les allégations 1, 2 et 4 sont fondées, et que cette suspension doit avoir lieu pendant l’examen du bien-fondé de l’affaire et avant la détermination des mesures.

[96]  En outre, selon la RM, si l’une des allégations précédentes se révélait non fondée mais que d’autres étaient établies, les allégations établies rendraient l’allégation 5 redondante, car celle-ci s’appuierait sur les mêmes détails que ceux qui formulés et étayés dans les allégations précédentes.

[97]  Enfin, ou à titre apparemment subsidiaire, le membre visé nie que la façon dont il a traité les renseignements fournis par les SEF a porté atteinte à une relation importante entre la GRC et les SEF ou qu’elle a jeté le discrédit sur la GRC.

[98]  Après avoir examiné la réponse, le Comité et les représentants ont tenu une autre réunion le 3 avril 2019 (« la deuxième réunion ») lors de laquelle le Comité a confirmé un certain nombre de détails qui ont été abordés dans un courriel (daté du 4 avril 2019), notamment : [traduction]

1. Le RAD et la RM ont confirmé par écrit que leurs clients respectifs renoncent à la signification à personne de toute décision ou tout document et que la signification peut être effectuée aux représentants respectifs par voie électronique (conclusion no 4 de la première réunion).

[...]

6.  Il a été convenu, avec le consentement de la RM et à la lumière de la réponse fournie, de modifier l’allégation 2 et le détail no 5 de l’allégation 2 en remplaçant l’article 4.1 par l’article 4.2 (conclusion no 10 de la première réunion).

7.  Il a été convenu que si les allégations 1, 2 et 4 se révèlent fondées, l’allégation 5 deviendra redondante, et que toute détermination à cet égard devrait être faite à l’étape de l’examen du bien-fondé de l’affaire et avant la détermination des mesures (conclusion no 11 de la première réunion).

[...]

18. Les représentants ont indiqué qu’ils estiment que le Comité peut s’appuyer sur le rapport de déontologie et sur la réponse pour déterminer le bien-fondé des allégations, et que des témoignages ne sont pas nécessaires; ils se sont dits d’accord pour poursuivre sur cette base.

[99]  En outre, il a été convenu lors de la deuxième réunion que les représentants soumettraient au Comité des observations sur un certain nombre de questions relatives à l’avis et aux détails, qu’il n’est pas nécessaire de rappeler ici mais qui sont exposées dans le courriel du Comité, tout comme les questions relatives aux preuves d’experts ou aux preuves médicales.

Observations du RAD

[100]  Le RAD a fourni des observations sur le bien-fondé des allégations le 17 mai 2019, après plusieurs prolongations de délai approuvées par le Comité (« les observations »).

[101]  À titre de commentaire général, il est affirmé dans les observations que bien que le membre visé nie les allégations, l’essentiel de la réponse constitue une admission des allégations, qui est appuyée par le contenu du rapport de déontologie et la déclaration du membre visé fournie au cours de l’enquête disciplinaire.

[102]  Il est en outre souligné dans les observations que le détail no 2 des allégations concerne le premier appel de Mme Sutherland, et le membre visé admet dans la réponse qu’il a été informé d’une situation « où une jeune fille mineure était susceptible de s’être fait donner de la drogue, d’avoir été exposée à du matériel pornographique et d’avoir subi des attouchements sexuels de la part de son oncle », mais le membre visé a, à toute fin pratique, délégué aux SEF sa responsabilité de traiter les aspects criminels de ces allégations.

[103]  Se fondant sur la réponse et le rapport de déontologie, les observations indiquent que les allégations ont été établies et que le Comité a l’obligation non seulement d’examiner chacune des allégations individuellement, « mais aussi d’examiner la conduite dans son ensemble pour déterminer si le membre visé n’a pas jeté le discrédit sur la Gendarmerie », ce qui découle également de l’allégation 5.

[104]  Ce qui précède laisse suggérer que chaque allégation, même lorsqu’elle n’invoque pas spécifiquement un manquement lié à une conduite déshonorante allant à l’encontre du Code de déontologie, doit inclure l’élément supplémentaire du discrédit sur la GRC. Telle ne pouvait être l’intention des observations, car cela semble constituer une interprétation clairement erronée de la loi et d’autres exigences, mais il n’est pas nécessaire de résoudre cette question aux fins de l’examen du bien-fondé.

[105]  Il est en outre affirmé dans les observations que les allégations 1 à 3 ne constituent pas des questions de rendement, compte tenu du contexte et de la gravité des allégations, de la gravité du présumé comportement criminel de l’oncle et du discrédit que l’inaction du membre visé était susceptible de jeter sur la GRC.

[106]  À titre d’exemple, il est écrit dans les observations que si le membre visé avait reçu un appel concernant un vélo volé et s’était ensuite comporté de la manière indiquée dans les allégations 1, 2 et 3, il s’agirait probablement là d’une question de rendement.

[107]  Cependant, en l’espèce, il est indiqué dans les observations que le membre visé avait l’obligation d’enquêter sur les renseignements fournis par les SEF, car il s’agissait d’une adolescente vulnérable qui, en raison de l’inaction du membre visé, a été inutilement exposée à un risque supplémentaire, ce qui justifie de soumettre les allégations 1, 2 et 3 au Comité en tant que questions disciplinaires et non en tant que questions de rendement.

[108]  Les observations n’abordent pas ou n’exposent pas le cadre juridique ou analytique qui permettrait d’analyser et de juger si les actions du membre visé soulèvent des questions de rendement ou d’inconduite.

[109]  En ce qui concerne les allégations individuelles, les observations relèvent que le membre visé ne nie pas l’allégation 1, mais qu’il explique plutôt dans sa réponse que c’est normalement le personnel de soutien qui crée ou ouvre les dossiers et qu’il avait présumé que cela avait été fait et n’y avait simplement plus repensé.

[110]  Selon les observations, l’article 8.1 du Code de déontologie impose aux membres l’obligation de fournir des comptes rendus détaillés en temps opportun, et qu’à ce titre, le membre visé avait le devoir de signaler le premier appel provenant des SEF, ce qu’il n’a pas fait.

[111]  Plus précisément, on peut lire dans les observations que l’allégation 1 affirme que le membre visé a omis de signaler les infractions supposément commises par l’oncle, et bien que le détail no 4 mentionne l’omission de créer un dossier SIRP, il s’agit simplement d’un outil qu’utilisent les membres pour s’acquitter de leurs obligations en matière de rapports; peu importe si le personnel de soutien crée ou ouvre des dossiers SIRP, cela ne déchargeait pas le membre visé de sa responsabilité de faire rapport sur le contenu du premier appel effectué par les SEF, et s’il n’avait pas failli à son devoir de rédiger un rapport, l’absence d’un dossier SIRP aurait été constatée et corrigée.

[112]  Étant donné que le membre visé n’a pas nié avoir omis de signaler les allégations criminelles faites à l’endroit de l’oncle qui lui avaient été communiquées lors du premier appel, les observations affirment que l’allégation 1 a été établie.

[113]  En ce qui concerne l’allégation 2, qui a été précédemment modifiée avec le consentement de la RM pour y alléguer une contravention à l’article 4.2 (diligence) plutôt qu’à l’article 4.1 (défaut de se présenter au travail), les observations citent les dispositions 2.1 et 2.6. du MO à l’appui de l’affirmation selon laquelle le membre visé avait le devoir et l’obligation explicites d’enquêter rapidement et de manière détaillée sur les allégations criminelles formulées contre l’oncle (en tant qu’infractions sexuelles et autres infractions visant des crimes contre une jeune personne), ce qui comprenait la prise de déclarations, la collecte d’informations et la détermination du risque.

[114]  Se fondant sur la réponse et le rapport de déontologie (c.-à-d. la déclaration du membre visé), les observations indiquent que le membre visé a admis n’avoir pris aucune mesure d’enquête et que l’allégation 2 est établie, et que toute explication offerte par le membre visé au regard de cette situation serait plus adéquatement examinée à l’étape de la détermination des mesures.

[115]  En ce qui concerne l’allégation 3 et la question de savoir si le membre visé a suivi les directives du caporal Robb mentionnées dans le dossier (sous la forme des tâches ECE), les observations précisent que celles-ci exigeaient, de façon individuelle et combinée, que le membre visé prenne certaines mesures d’enquête qui ne dépendaient pas de l’obtention d’un présumé rapport des SEF.

[116]  Il est souligné dans les observations que l’explication du membre visé pour ne pas se conformer aux directives est qu’il attendait de recevoir un rapport des SEF, ce qui revient à reconnaître expressément ou tacitement qu’il ne s’est pas conformé aux directives claires et qui démontre une approche de laissez-faire de la part du membre visé, qui a manqué à ses obligations et a mis l’adolescente en danger.

[117]  En ce qui concerne l’allégation 4, les observations indiquent que le membre visé « admet tacitement » dans la réponse l’essence de la contravention en concédant que l’information fournie dans le dossier s’est révélée inexacte, bien qu’à l’époque le membre visé ait « sincèrement » cru que les allégations contre l’oncle n’étaient pas fondées puisque les SEF fermaient le dossier.

[118]  Selon les observations : [traduction]

[...] l’article 8.1 du Code de déontologie n’exige pas que le [membre visé] sache qu’il fournit de faux renseignements. Le simple fait de fournir de faux renseignements suffit à déclencher des mesures en vertu de l’article 8.1. [Non souligné dans l’original.]

[119]  Les observations ne fournissent aucun fondement à l’appui de cette interprétation, et comme nous le verrons plus loin, elles peuvent entrer en conflit avec le cadre juridique général qui s’applique communément aux allégations de renseignements faux et trompeurs dans les affaires de conduite policière.

[120]  Par ailleurs, il est affirmé dans les observations que le membre visé « aurait dû savoir » que les renseignements fournis dans le dossier étaient faux.

[121]  Les observations s’appuient sur les déclarations de Mme Sutherland selon lesquelles celle-ci a seulement informé le membre visé que le dossier des SEF serait fermé, car les questions de protection relevant de son mandat avaient été traitées, ce qui est distinct des éléments policiers et criminels liés aux actes allégués de l’oncle qu’il revenait au membre visé de traiter dans le cadre de ses responsabilités policières.

[122]  Selon les observations, il n’est tout simplement pas raisonnable de la part du membre visé de présumer que la fermeture du dossier des SEF signifiait qu’aucun comportement criminel n’avait eu lieu.

[123]  En outre, il est souligné dans les observations qu’il est déraisonnable pour le membre visé d’affirmer que Mme Sutherland lui a dit qu’aucune agression n’avait eu lieu, comme il est indiqué dans le dossier, puisque l’information initiale alléguait également que l’oncle avait donné de la cocaïne à l’adolescente, l’avait incitée à avoir des contacts sexuels et avait visionné avec elle du matériel pornographique.

[124]  En d’autres termes, même si le membre visé croyait qu’aucune agression n’avait eu lieu, « il aurait dû savoir qu’il y avait plusieurs autres allégations de comportements criminels qui devaient faire l’objet d’une enquête », ce qui est renforcé par la nature des directives et les commentaires du caporal Robb qui figurent dans le dossier.

[125]  En résumé, on affirme dans les observations qu’en ce qui concerne l’allégation 4, le membre visé a rédigé un faux rapport recommandant la fermeture du dossier alors qu’il « savait » que les aspects criminels des allégations contre l’oncle n’avaient pas fait l’objet d’une enquête et qu’il « aurait dû savoir » que les allégations criminelles n’étaient pas résolues.

[126]  Les observations se terminent en demandant que l’allégation 5 soit retirée, car le RAD a l’intention d’invoquer les détails de l’allégation 5 à titre de facteurs aggravants à l’étape de la détermination des mesures, bien qu’il ne soit pas clair comment, puisque les détails de l’allégation 5 sont essentiellement les mêmes que ceux des allégations 1, 2, 3 et 4, la seule distinction étant que selon l’allégation 5, ceux-ci équivalent à une conduite déshonorante.

Réplique de la RM

[127]  La réplique écrite de la RM aux observations a été fournie le ou vers le 7 juin 2019, étayée par plusieurs cas (« la réplique »).

[128]  Citant l’arrêt F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, la réplique commence par la proposition voulant que l’autorité disciplinaire a l’obligation d’établir les allégations selon la prépondérance des probabilités, en se fondant sur des preuves claires et convaincantes.

[129]  Après un bref contexte factuel et procédural, la réplique aborde l’allégation 1 en indiquant que le membre visé nie l’ « essentiel » mais admet certains détails; elle s’appuie sur les déclarations fournies dans le cadre de la réponse par diverses personnes qui ont travaillé au détachement, affirmant qu’il est d’usage que le personnel de soutien ouvre les dossiers SIRP.

[130]  Le caporal Robb affirme notamment que lorsque la réception reçoit un appel, un employé du personnel de soutien ou un membre crée un dossier SIRP, tandis que Mme Pomerleau indique que même lorsque c’est un membre qui prend l’appel, l’employé du personnel de soutien demande suffisamment d’information pour être en mesure de créer le dossier SIRP.

[131]  La réplique fait valoir que le membre visé s’est fié sur cette pratique et qu’il était raisonnable de sa part de présumer que le personnel de soutien du détachement créerait un dossier SIRP et, aucun dossier SIRP n’étant apparu dans ses tâches, d’oublier cette affaire jusqu’à ce qu’il reçoive le courriel du caporal Gulash, quelques jours plus tard.

[132]  Il convient également de souligner que les observations indiquent, en lien avec le détail no 4 de l’allégation 1, que le SIRP est simplement un outil qu’utilisent les membres pour s’acquitter de leurs obligations en matière de rapports, et que l’allégation 1 renvoie essentiellement à une omission de rédiger un rapport.

[133]  Par conséquent, la réplique tient pour acquis que les observations affirment maintenant que la création d’un dossier SIRP ne constitue pas un élément essentiel de l’allégation 1, mais qu’en fournissant sa réponse, laquelle est obligatoire, le membre visé répondait aux allégations exposées dans les détails.

[134]  En s’appuyant sur la décision Officier compétent de la Division E et gendarme Ward, 15 D.A. (4e) 70 (« la décision Ward ») et sur l’alinéa 43 (2)b) de la Loi sur la GRC, on affirme dans la réplique que l’allégation 1 formulée dans l’avis porte essentiellement sur l’omission de créer un dossier SIRP telle qu’énoncée au détail no 4, et que selon les renseignements complémentaires fournis dans la réponse concernant les pratiques liées à l’ouverture des dossiers SIRP, l’autorité disciplinaire ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve ou n’a pas respecté la norme de preuve.

[135]  En outre, la réplique fait valoir que l’omission de créer un dossier SIRP constitue une question de rendement qui, en fait, a déjà été abordée et réglée au palier de supervision par suite des mesures prises par le caporal Gulash et le caporal Robb, qui ont mené à la création du dossier après qu’on ait appris qu’aucun dossier SIRP n’avait été ouvert.

[136]  Soulignant que les observations soutiennent que l’allégation 1 concerne des allégations criminelles graves impliquant l’oncle (plutôt que, par exemple, un vélo volé), et que c’est la raison pour laquelle l’omission d’ouvrir un dossier SIRP ne peut être considérée comme une question de rendement, la réplique indique que ces facteurs constituent à plus juste titre des facteurs aggravants si l’allégation 1 est établie, et qu’ils ne sont pas pertinents aux fins de la justification.

[137]  En conclusion, pour ce qui est de l’allégation 1, la réplique indique que si l’omission de créer un dossier SIRP était censée être traitée comme une question d’ordre disciplinaire, elle aurait dû l’être à l’époque, mais que les caporaux Gulash et Robb l’avaient plutôt traitée comme une question de rendement et gérée à leur palier de supervision, quoique la réplique ne présente pas de cas ni d’analyse juridique sur ce point.

[138]  Selon la réplique, le membre visé « admet l’essentiel » de l’allégation 2 et a fourni dans sa réponse une « explication contextuelle » selon laquelle il attendait de recevoir un rapport des SEF, qui « n’est pas destinée à servir de preuve disculpatoire, mais plutôt à expliquer son état d’esprit à ce moment-là ».

[139]  Assez curieusement, la réplique affirme que cette explication contextuelle découle du fait que, étant donné que « la tenue d’une audience n’est pas garantie, [le membre visé] n’aurait pas d’autre occasion d’expliquer pleinement ses actions ou omissions à l’étape de l’établissement du bien-fondé », et que pour cette raison, le fait d’admettre la véracité de l’allégation 1 et de fournir une explication supplémentaire était approprié.

[140]  Malheureusement, la réplique a clairement mal compris que l’absence de « garantie » quant à la convocation d’une audience obligeait en quelque sorte le membre visé de fournir une explication relativement à ses actions.

[141]  En fait, c’est le paragraphe 15 (3) des CC (déontologie) qui exige qu’un membre visé remette au comité de déontologie une réponse dans laquelle il admet ou nie chaque allégation, toute observation écrite qu’il souhaite présenter, ainsi que tout élément de preuve, document ou rapport qu’il compte invoquer. La raison pour laquelle une réponse renfermant de l’information aussi détaillée doit être fournie est de s’assurer que les membres visés déterminent rapidement les questions et les éléments de preuve pertinents afin d’orienter le déroulement de la procédure disciplinaire.

[142]  La réplique conclut que l’allégation 2 est établie selon la prépondérance des probabilités, vu l’admission du membre visé (d’après le contenu de sa réponse et de la déclaration qu’il a fournie au cours de l’enquête disciplinaire).

[143]  La réplique réitère que le membre visé nie l’allégation 3 mais admet certains détails, indiquant que les détails 8 et 9 sont « quasi identiques » quant à l’allégation voulant que le membre visé n’ait pas accompli les tâches ECE conformément aux directives du caporal Robb.

[144]  Le membre visé nie ne pas avoir tenu compte de la directive du caporal Robb de communiquer avec les SEF pour obtenir de l’information supplémentaire, car il a effectué un deuxième appel le 27 juillet 2017, ce que confirme le dossier et Mme Sutherland.

[145]  La réplique n’accepte pas la suggestion contenue dans les observations voulant que le membre visé ait « tacitement » admis ne pas avoir communiqué avec les SEF, car il est clairement indiqué dans la réponse qu’il a bien communiqué avec les SEF (le deuxième appel); il s’est donc conformé à cet aspect des directives.

[146]  On affirme par conséquent dans la réplique que la prétendue omission de communiquer avec les SEF conformément aux directives n’est pas établie selon la prépondérance des probabilités. Le Comité souligne qu’il n’est pas aussi évident qu’on ne l’affirme que le membre visé a initié le deuxième appel, mais il est néanmoins clair que lui et Mme Sutherland se sont parlé lors du deuxième appel.

[147]  Toutefois, en ce qui concerne le deuxième aspect des directives du caporal Robb (à savoir, recueillir des déclarations auprès des parents et de l’adolescente), la réplique admet que le membre visé n’a pas respecté cet élément, mais il s’appuie sur l’explication fournie pour l’allégation 2 qui, même si elle n’est pas mentionnée, semble être qu’il attendait de recevoir un rapport des SEF.

[148]  La réplique admet que, dans les faits, il a été établi selon la prépondérance des probabilités que le membre visé n’a pas respecté la directive de recueillir des déclarations, mais elle soutient que la question de savoir si le fait de ne pas exécuter une tâche donnée constitue une inconduite est « sujet à débat ».

[149]  Selon la réplique, l’inaction par rapport à un aspect particulier des directives (soit recueillir des déclarations) devrait être traitée comme une question de rendement au palier de supervision, car elle ne peut être considérée comme un « problème de rendement persistant » pouvant « uniquement » être traité sur le plan déontologique, bien qu’aucun cas ni aucune analyse juridique ne soient présentés sur ce point.

[150]  En outre, la réplique indique que « l’insubordination présumée » du membre visé exige « une intention précise de désobéir à son supérieur pour qu’elle déborde du cadre du rendement », et comme indiqué dans la réponse, le membre visé attendait de recevoir un rapport des SEF avant de prendre d’autres mesures, ce qui peut constituer un manque de jugement mais ne prouve pas une intention précise de désobéir aux directives du caporal Robb.

[151]  La réplique ne présente pas d’analyse juridique, de décision, ni d’autres documents permettant de déterminer si une « intention précise » doit obligatoirement être présente pour établir une omission de se conformer aux directives d’un superviseur.

[152]  À titre subsidiaire, la réplique affirme que l’omission de recueillir des déclarations au titre de l’allégation 3 peut également être considérée comme un élément essentiel de l’allégation 2, relativement à l’omission de réaliser une enquête, étant donné que cette omission est comprise dans la contravention liée à l’omission de réaliser une enquête.

[153]  En s’appuyant sur le principe Kienapple et en invoquant le paragraphe 2 de l’arrêt Garreton c. Complete Innovations Inc., 2016 ONSC 1178 (« l’arrêt Garreton »), on soutient dans la réplique que le membre visé ne peut pas être sanctionné deux fois pour la même infraction.

[154]  En ce qui concerne l’allégation 4, la réplique indique que le membre visé « nie avoir rédigé un faux rapport sciemment », et en ce qui concerne l’allégation 9 (la troisième entrée), le membre visé admet avoir écrit qu’il avait parlé avec Mme Sutherland des SEF lors du deuxième appel et qu’il avait alors appris qu’elle fermait son dossier, qu’il ne s’était pas produit d’agressions, qu’elle avait réglé l’affaire et qu’elle attendait de recevoir les documents qui seraient fournis au gendarme Hawkins.

[155]  La réplique indique ensuite que « Quant au gendarme Hawkins, il convient de souligner qu’il n’a pas été interrogé dans le cadre du processus disciplinaire; je suis d’avis qu’il aurait de l’information pertinente à fournir ».

[156]  Le Comité fait observer que si le membre visé ou la RM croyait qu’il manquait de l’information pertinente, il leur incombait soit de prendre des mesures pour obtenir cette information, soit de porter cette préoccupation à l’attention du Comité et de demander une enquête plus approfondie, plutôt que de rester les bras croisés puis de suggérer apparemment dans la réplique qu’une inférence ou une autre conclusion défavorable devrait être formée par le Comité.

[157]  Le détail no 10 allègue que la troisième entrée du dossier est fausse, mais il est indiqué dans la réplique que le membre visé a expliqué, à la fois dans sa déclaration et dans sa réponse, que Mme Sutherland fermait son dossier et que par conséquent, il avait cru que les allégations faites à l’endroit de l’oncle n’étaient pas fondées.

[158]  Cependant, la réplique ajoute que le membre visé a informé Mme Sutherland qu’il ne pouvait pas fermer le dossier sans obtenir son rapport final, et comme il s’apprêtait à être muté, il a demandé que tout rapport des SEF soit envoyé au gendarme Hawkins, qui assurerait « la suite des choses », et que le fait qu’il « croyait sincèrement qu’aucune agression n’avait eu lieu » a orienté le contenu de sa troisième entrée au dossier.

[159]  Le Comité souligne que l’affirmation ci-dessus semble être exagérée compte tenu du libellé de la troisième entrée, et que le membre visé n’a fourni aucune preuve selon laquelle le dossier ne pouvait pas être fermé sans l’obtention d’un rapport des SEF et/ou que le gendarme Hawkins assurerait la suite des choses.

[160]  Dans la réplique, on concède que l’information saisie dans la troisième entrée du dossier « s’est révélée inexacte », mais on souligne que Mme Sutherland a confirmé dans sa déclaration qu’elle avait informé le membre visé qu’elle fermerait son dossier; ce n’est qu’après une série de questions suggestives posées par l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire, pendant l’entrevue de Mme Sutherland, qu’il a été établi que le dossier des SEF portait uniquement sur des questions de protection et ne sous-entendait pas l’absence d’élément criminel. Mme Sutherland n’était pas certaine que cette dernière explication ait été fournie au membre visé.

[161]  En se fondant sur ce qui précède, on affirme dans la réplique qu’il est « raisonnable de conclure qu’il y a eu un malentendu » entre le membre visé et Mme Sutherland, et dans sa réponse, le membre visé « assume la responsabilité de ne pas avoir obtenu de précisions supplémentaires. »

[162]  La réplique attribue ensuite la faute aux SEF, ceux-ci ayant par la suite « omis de transmettre le rapport à la GRC » comme l’avait demandé le membre visé; le dossier a finalement été fermé par le caporal Robb, sans qu’un rapport n’ait été reçu des SEF (celui-ci n’a été fourni que beaucoup plus tard à la demande du caporal Gulash, lorsqu’on a entrepris une enquête plus approfondie à l’égard de l’oncle après une deuxième divulgation faite par l’adolescente).

[163]  Selon la réplique, il aurait été utile que les SEF envoient leur rapport, étant donné que celui-ci mentionnait que l’adolescente avait obtenu un résultat positif pour de la cocaïne à un test de dépistage; « les SEF ont cependant coché la case “Aucun besoin d’intervention” et la case “Fermer” relativement aux mesures prises », ce qui est confirmé par Mme Sutherland et son superviseur dans le rapport des SEF.

[164]  Le Comité souligne brièvement que compte tenu du fait que le membre visé a refusé de participer à une entrevue conjointe avec l’adolescente et qu’il a délégué aux SEF la responsabilité de déterminer la présence d’agissements criminels et n’a pris aucune mesure proactive pour enquêter sur les allégations faites contre l’oncle, il n’est pas approprié de rejeter la faute sur les SEF.

[165]  La réplique conteste l’affirmation présentée dans les observations selon laquelle l’article 8.1 du Code de déontologie n’exige pas que le membre visé ait connaissance de fournir de faux renseignements, et que le simple fait de fournir de faux renseignements suffit à établir une contravention.

[166]  Se reportant au Code de déontologie annoté de la GRC (page 23) (« le Code annoté »), la réplique indique que l’article 8.1 fournit certains exemples, dont celui où le membre ne fournit « pas sciemment » des renseignements faux, trompeurs ou inexacts, et que le caractère intentionnel d’un faux rapport doit par conséquent être établi (il peut s’agir du libellé de l’ancienne version du Code de déontologie).

[167]  La réplique s’en remet également à la décision Commandant de la Division K et gendarme Werboweski, 2019, B.C.S.C. 06, paragraphe 57 (« la décision Werboweski »), ainsi qu’au Guide des mesures disciplinaires (« le Guide des mesures »), page 62, en ce qui concerne la proposition voulant qu’un faux rapport s’accompagne obligatoirement d’une intention de tromper, qui diffère d’une déclaration inexacte fondée sur de l’information fournie par un tiers ou d’une compréhension ou perception incorrecte ou fausse d’un membre.

[168]  Sur la base des documents susmentionnés, la réplique indique que l’autorité disciplinaire doit prouver une intention de tromper pour établir une allégation de faux rapport, et que l’affirmation formulée dans les observations selon laquelle le membre visé aurait dû savoir que les renseignements qu’il a déclarés étaient faux est déraisonnable et arbitraire et « signifierait que toute erreur commise de bonne foi » constituerait une contravention, peu importe l’intention.

[169]  En résumé, la réplique affirme que l’autorité disciplinaire n’a pas réussi à fournir une preuve claire et convaincante, selon la prépondérance des probabilités, que le membre visé a « sciemment » fait un faux rapport, et que l’allégation 4 doit être rejetée.

[170]  La réplique n’aborde pas l’allégation 5 étant donné qu’elle a été retirée.

[171]  En conclusion, la réplique présente plusieurs autres observations et commence en s’objectant à l’affirmation contenue dans les observations selon laquelle le Comité a l’obligation d’examiner la conduite du membre visé dans son ensemble pour déterminer si elle a été déshonorante, puisque : 1) l’allégation 5 – la seule allégation reposant sur l’article 7.1 du Code de déontologie (conduite déshonorante) – a été retirée et que « le Comité n’a pas compétence pour examiner des questions se situant à l’extérieur des paramètres de l’avis [...] »; et 2) une allégation doit être fondée sur des preuves et des faits précis liés à l’allégation, et non sur un jugement global quant au fond de l’affaire, bien que l’approche proposée dans les observations puisse être utilisée pour déterminer les mesures appropriées, aux fins, par exemple, d’une sanction globale.

[172]  La réplique s’oppose également aux affirmations répétées dans les observations selon lesquelles la conduite du membre visé a mis l’adolescente en danger, affirmant que cette assertion n’est pas étayée par les preuves, et qu’en fait les preuves démontrent que les SEF ont fermé leur dossier parce qu’ils considéraient que l’adolescente n’était plus en danger, ce qui est confirmé dans le rapport des SEF.

[173]  Enfin, la réplique demande que le Comité ne tienne pas compte de deux éléments contenus dans les documents : premièrement, l’opinion du district du sud de l’Alberta voulant que le membre visé ait « délibérément fait des inscriptions mensongères » dans le dossier pour éviter de réaliser une enquête; et deuxièmement, les commentaires attribués à un sous-officier travaillant au nouveau détachement du membre visé, qui allègue avoir des « problèmes » continus avec le membre visé et que ce dernier « n’hésite pas à faire disparaître des choses ».

[174]  La réplique affirme que les commentaires qui précèdent sont préjudiciables, sont le reflet de préjugés, ne sont pas étayés par des preuves directes et/ou ont été inclus à tort à l’étape de l’enquête et au rapport de déontologie.

Réfutation du RAD

[175]  En réponse à la réplique, le RAD a demandé l’autorisation de fournir d’autres observations écrites qui respecteraient les principes s’appliquant dans de tels cas, tels que ceux invoqués dans la décision R. c. Krause, 2 R.C.S. 466; celles-ci ont été fournies le 19 juin 2019 (« la réfutation »).

[176]  La réfutation aborde d’abord l’affirmation contenue dans la réplique selon laquelle le détail no 4 (N’a pas créé de dossier SIRP) est le point central de l’allégation 1, en signalant que l’allégation 1 indique sans aucune ambiguïté que le membre visé n’a pas présenté un compte rendu complet, précis et en temps opportun, et que le détail ne fait que fournir une précision supplémentaire.

[177]  Dans l’affaire qui nous occupe, le détail no 4 fourni dans la réfutation donne un exemple précis de la manière dont l’article 8.1 du Code de déontologie a été enfreint, mais « ne vise pas à former l’intégralité de l’allégation », et le fait de tirer une conclusion autre réduirait indûment la portée de l’allégation 1, qui porte sur l’omission de faire rapport.

[178]  En ce qui concerne l’affirmation contenue dans la réplique selon laquelle il n’a pas été établi que le membre visé a omis d’appeler les SEF, il est souligné dans la réfutation que la directive ne consistait pas simplement à appeler les SEF, mais à obtenir des renseignements précis permettant de réaliser une enquête criminelle, ce qui, de l’aveu du membre visé, n’a pas été fait.

[179]  En outre, la réfutation indique que l’allégation 2 et le deuxième aspect des tâches ECE mentionnées dans l’allégation 3 sont distincts et ne sont pas assujettis au principe Kienapple, car l’allégation 2 porte sur un manquement au devoir (omission de réaliser une enquête et de faire rapport), et l’allégation 3, sur le non-respect de directives.

[180]  En ce qui concerne l’allégation 4, on affirme dans la réfutation que la décision rendue par le comité de déontologie dans l’affaire Werboweski est de nature différente car celle-ci traitait d’une allégation de déclarations fausses et trompeuses faites dans un affidavit, qui s’apparentait étroitement à une allégation criminelle de parjure, et que l’exigence qui en est découlée de prouver que l’accusé savait ce qu’il faisait reflétait un fardeau de preuve plus élevé compte tenu de la nature de l’allégation; cette décision est donc propre aux faits de l’affaire et n’est pas applicable en l’espèce.

[181]  La réfutation indique en outre que la page 62 du Guide des mesures cité dans la réplique s’applique à l’étape de la détermination des mesures et non à celle du bien-fondé de l’affaire.

[182]  Enfin, la réfutation conteste l’affirmation contenue dans la réplique voulant que l’omission du membre visé de réaliser une enquête n’avait entraîné aucun risque pour l’adolescente, puisque même s’il existait un plan de sécurité pour protéger l’adolescente, comme l’avaient indiqué les SEF, il incombait au membre visé d’enquêter sur les allégations criminelles visant l’oncle pour assurer la sécurité de l’adolescente et de la collectivité en général, et que dans ce cas-ci, l’adolescente était toujours susceptible d’être exposée aux agissements de l’oncle, qui avait déjà eu un comportement prédateur.

4. Bien-fondé

Contexte

[183]  Avant d’aborder le bien-fondé des allégations, le Comité souligne que le but, les objectifs et l’intention du nouveau régime de déontologie, et en particulier des réformes apportées aux procédures officielles, sont exposés dans la section intitulée « Principes » du Guide du comité de déontologie (2017) :

2. Principes

2.1 L’équipe de l’Initiative de réforme législative (IRL) a été chargée d’élaborer un processus disciplinaire modernisé. Dans ce but, elle a entamé de vastes consultations auprès d’un large éventail d’intervenants et a examiné divers rapports internes et externes concernant la GRC, ainsi que d’autres organismes policiers, sur tout ce qui a trait à la gestion des instances d’inconduite alléguée par des policiers.

2.2 Les réformes adoptées dans le cadre de l’IRL reposent expressément sur certains principes découlant d’un large consensus et d’une compréhension entre les intervenants : les procédures disciplinaires, y compris les audiences devant un comité de déontologie, doivent être opportunes et éviter d’être trop formalistes, juridiques ou contradictoires.

2.3 Ainsi, les instances devant un comité de déontologie ne doivent pas être interprétées ou comprises comme nécessitant des pratiques et des procédures hautement formelles et juridiques semblables à une instance officielle d’un tribunal. On y préférera plutôt un traitement aussi informel et rapide que le permettent les circonstances et les principes d’équité procédurale.

2.4 À bien des égards, une audience disciplinaire se déroulera comme une rencontre disciplinaire, à l’exception que le comité de déontologie détient certains pouvoirs pour exiger des preuves et donner des directives, lorsque cela est nécessaire, étant donné qu’il traite d’un dossier de congédiement. Une audience disciplinaire est un processus de nature administrative et sera menée par un comité de déontologie (et non les parties). Le comité de déontologie a un pouvoir discrétionnaire large quant à la gestion de son propre processus et l’ordonnance de directives.

2.5 À l’appui de cette approche, l’ancien droit des parties d’avoir l’occasion complète de présenter des éléments de preuve, de contre-interroger les témoins et de présenter des plaidoiries à l’audience, a été expressément retiré de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 [Loi sur la GRC] (ancien paragraphe 45.1(8)).

2.6 De plus, un comité de déontologie s’appuiera expressément sur le rapport d’enquête et les documents à l’appui pour établir ses constatations et ses conclusions. À la seule discrétion du comité de déontologie, un témoin sera généralement convoqué pour témoigner seulement lorsque le comité de déontologie considère qu’il y a un conflit grave ou important non résolu au niveau de la preuve et que le témoignage du témoin serait important et nécessaire à la résolution de ce conflit.

2.7 La responsabilité de déterminer si l’information contenue dans le rapport d’enquête et les documents à l’appui est suffisante pour permettre de déterminer si une allégation est établie réside avec le comité de déontologie.

2.8 Le comité de déontologie peut émettre une directive de faire tenir une enquête supplémentaire ou ordonner la transmission de renseignements ou de documents supplémentaires seulement si ce dernier détermine que l’enquête ou l’information supplémentaire est importante et nécessaire pour résoudre une question en suspens dans la procédure disciplinaire.

2.9 Enfin, les membres visés sont maintenant tenus d’admettre ou de nier une allégation le plus tôt possible dans la procédure disciplinaire et d’identifier les moyens de défense ou les éléments de preuve sur lesquels ils visent à s’appuyer, afin que le comité de déontologie puisse conclure une procédure disciplinaire efficacement.

[184]  Plus récemment, en réponse à une affirmation formulée par le Comité externe d’examen (« CEE ») dans le rapport C-017 (daté du 28 juin 2017), selon laquelle le rôle du comité de déontologie dans le cadre du nouveau régime ne différait pas sensiblement de celui établi dans l’ancien processus disciplinaire et décisionnel, l’arbitre au deuxième palier (appel) chargé de l’affaire Commandant de la Division J et gendarme Cormier (20 novembre 2017) (dossier 2016-33572) (« la décision Cormier ») a déclaré ce qui suit : [traduction]

[132] […] En toute déférence, c’est un point de vue que je ne partage pas. Les modifications apportées à la Loi sur la GRC et l’établissement du nouveau régime de déontologie ont modifié la nature du rôle du comité de déontologie en renforçant sa capacité à gérer activement les procédures et à rendre des décisions définitives dans un cadre plus informel et plus rapide. En bref, un comité de déontologie n’est plus tributaire de la traditionnelle présentation des preuves par les parties.

[133] Une analyse comparative de la connaissance qu’a le comité de déontologie du dossier avant l’audience, de la forme et de la présentation des preuves, ainsi que de la gestion des témoins constitue une illustration utile.

[134] Premièrement, les comités de déontologie disposent désormais d’une connaissance approfondie de l’affaire avant la tenue de l’audience. Selon le paragraphe 45.1 (4) de l’ancienne Loi sur la GRC (en vigueur avant le

28 novembre 2014), le seul document fourni au comité d’arbitrage dans le cours normal de la procédure était un simple avis d’audience contenant les allégations et les détails reprochés au membre visé. Les comités de déontologie reçoivent maintenant l’avis d’audience, le rapport d’enquête comprenant les déclarations des témoins et les preuves matérielles, l’aveu ou le démenti de chaque contravention alléguée au Code de déontologie, les observations écrites du membre visé, tout élément de preuve, document ou rapport que le membre visé compte invoquer à l’audience, ainsi qu’une liste de témoins présentée par les parties pour examen. Les dispositions qui s’appliquent dans le cadre du processus actuel sont les suivantes :

Loi sur la GRC

43 (2) Dans les meilleurs délais après avoir constitué le comité de déontologie, l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience signifie au membre en cause un avis écrit l’informant qu’un comité de déontologie décidera s’il y a eu contravention.

CC (déontologie)

15 (2) Dès que possible après la constitution du comité de déontologie, l’autorité disciplinaire lui remet copie de l’avis prévu au paragraphe 43(2) de la Loi et le rapport d’enquête et elle fait signifier copie du rapport au membre visé.

15 (3) Dans les trente jours suivant la date de la signification au membre visé de l’avis prévu au paragraphe 43(2) ou dans le délai fixé par le comité, le membre visé remet à l’autorité disciplinaire et au comité :

a) un écrit dans lequel il admet ou nie chaque contravention alléguée au code de déontologie;

b) toute observation écrite qu’il souhaite présenter;

c) c) tout élément de preuve, document ou rapport, autre que le rapport d’enquête, qu’il compte présenter ou invoquer à l’audience.

18 (1) Dans les 30 jours suivant la date de l’avis d’audience signifiée, les parties doivent soumettre au comité de déontologie une liste des témoins qu’ils veulent faire convoquer devant le comité et une liste des questions à l’égard desquels ils peuvent vouloir s’appuyer sur des témoignages d’experts.

[135] En fait, sous le régime de l’ancienne Loi sur la GRC, en l’absence d’une admission par le membre visé ou d’une preuve présentée par l’officier compétent à l’audience, un comité d’arbitrage ne pouvait établir une conclusion d’inconduite. À l’inverse, sous le régime actuel, un comité de déontologie peut rendre, en vertu du paragraphe 23 (1) des CC (déontologie), une décision entièrement fondée sur le dossier documentaire fourni avant l’audience si les parties choisissent de ne pas présenter d’autres observations :

23 (1) Lorsqu’aucun témoignage n’a été entendu relativement à une allégation, le comité de déontologie peut rendre une décision à l’égard de celle-ci en se fondant uniquement sur les éléments au dossier

[136] Deuxièmement, les règles entourant la présentation de la preuve au comité ont changé. Auparavant, la preuve était présentée lors de l’audience :

[Abrogé, 2013, ch. 18, art. 29]

45.12 (1) Le comité d’arbitrage décide si les éléments de preuve produits à l’audience établissent selon la prépondérance des probabilités chacune des contraventions alléguées au code de déontologie énoncées dans l’avis d’audience

[Abrogé, 2013, ch. 18, art. 29]

45.13 (1) Le comité d’arbitrage établit le dossier de l’audience tenue devant lui; ce dossier comprend notamment :

a) l’avis d’audience prévu au paragraphe 43(4);

b) l’avis de notification de la date, de l’heure et du lieu de l’audience signifié conformément au paragraphe 45.1(2);

c) une copie de la preuve écrite ou documentaire produite à l’audience;

d) la liste des pièces produites à l’audience;

e) l’enregistrement et la transcription de l’audience, s’il y a lieu. [Non souligné dans l’original.]

[137] Dans le cadre du régime actuel, le paragraphe 15(3) des CC (déontologie) exige que de l’information détaillée soit soumise au comité de déontologie avant la tenue de l’audience. L’article 26 des CC (déontologie) reflète ce changement. Les éléments de preuve et les pièces étaient auparavant produits à l’audience, tandis que l’information disponible et les pièces doivent maintenant être produites avant l’audience et peuvent être traitées comme des éléments preuves, à la discrétion du comité de déontologie (voir également les pouvoirs de longue date conférés au paragraphe 45(2) de la Loi sur la GRC, et auparavant à l’article 45 de l’ancienne Loi sur la GRC). Cette réalité est illustrée par le remplacement de la mention expresse de la présentation des éléments de preuve à l’audience, à l’ancien alinéa 45.13(1)c), par une mention plus générale des renseignements transmis au comité de déontologie, au paragraphe 26 (c) des CC (déontologie) :

CC (déontologie)

26 Après l’audience, le comité de déontologie établit un dossier comprenant notamment :

a) l’avis d’audience prévu au paragraphe 43(2) de la Loi;

b) l’avis des date, heure et lieu de l’audience signifié au membre visé;

c) copie des renseignements transmis au comité;

d) la liste des pièces produites à l’audience;

e) les directives, décisions, accords et engagements consignés en application du paragraphe 16(2);

f) l’enregistrement de l’audience et, le cas échéant, sa transcription;

g) copie de toute décision écrite du comité.

[Non souligné dans l’original.]

[138] Enfin, la gestion des témoins a également été transformée. Alors que le registraire de l’adjudication était auparavant tenu de délivrer une citation à comparaître à la demande d’une partie, conformément au paragraphe 6(1) des Consignes du commissaire (pratique et procédure), DORS/88-367 [CC (pratique et procédure)], le comité de déontologie doit maintenant fournir aux parties, conformément aux paragraphes 18(3) et 18(4) des CC (déontologie), une liste des témoins qu’il a l’intention d’assigner. En outre, le comité de déontologie doit motiver l’acceptation ou le refus de tout témoin demandé par les parties. Les dispositions applicables, tant dans le régime abrogé que dans le régime actuel, sont les suivantes :

CC (pratique et procédure) [Abrogé, DORS/2014-293]

6(1) La partie qui requiert la présence d’un témoin à une audience doit transmettre le nom du témoin proposé au greffier qui délivre l’assignation au nom de la commission.

CC (déontologie)

18 (3) Le comité établit la liste des témoins qu’il entend assigner, y compris l’expert visé par l’avis d’intention prévu au paragraphe 19(3), et peut demander des observations supplémentaires aux parties pour ce faire.

18 (4) Le comité remet aux parties la liste de témoins qu’il entendra et les raisons pour lesquelles il a accepté ou refusé d’entendre ceux figurant à la liste soumise par les parties.

[Non souligné dans l’original.]

[139] Au total, les modifications apportées à la Loi sur la GRC, l’abrogation des CC (pratique et procédure) et l’adoption des CC (déontologie) ont changé de manière significative la nature du rôle des comités de déontologie et, en particulier, leurs pouvoirs sur le plan de la gestion des procédures.

[185]  Les citations qui précèdent, bien qu’un peu longues, donnent une indication claire du nouveau contexte dans lequel les comités de déontologie sont censés fonctionner, qui exige que l’autorité disciplinaire et le membre visé, et tout particulièrement les représentants, examinent de façon critique les éléments de preuve et les circonstances le plus tôt possible, car le mode par défaut ou l’état d’esprit voulant que la plupart des affaires soient, ou doivent être, débattues dans le cadre d’une audience officielle devant un comité de déontologie a disparu.

[186]  Dans le cas qui nous occupe, les représentants méritent des félicitations pour avoir adopté une approche proactive, c’est-à-dire pour avoir procédé sans exiger de témoins et résolu certaines questions sans que le Comité n’ait à intervenir.

Analyse

[187]  Pour en arriver à une décision sur le bien-fondé des allégations, le Comité a examiné le rapport de déontologie et les documents à l’appui, ainsi que la réponse, les observations, la réplique et la réfutation.

[188]  Il est généralement admis que les membres de la GRC, de par les conditions de leur mission, acceptent volontairement de se conformer à une norme de conduite plus élevée que celle du citoyen ordinaire, bien que cette norme n’exige pas la perfection (La Reine c. White, [1956] R.C.S. 154 à 158 (« l’arrêt White »)). En outre, cet engagement à respecter des normes de conduite plus strictes s’applique aussi bien au comportement hors des heures de travail qu’au comportement au travail.

Allégation 1

[189]  L’allégation 1 s’articule autour de l’omission par le membre visé de fournir un compte rendu complet, exact et en temps opportun dans le cadre de ses responsabilités, celui-ci ayant omis de « signaler les infractions alléguées » portées à son attention par les SEF, comme il est précisé davantage dans deux paragraphes clés.

[190]  Selon le détail no 2, le membre visé a reçu le premier appel de Mme Sutherland l’informant que l’adolescente s’était fait donné de la cocaïne et de l’alcool par son oncle alors qu’ils visionnaient du matériel pornographique, et que l’oncle lui avait fait des attouchements sexuels tout en faisant un commentaire de nature sexuelle.

[191]  Selon le détail no 4, le membre visé a omis de créer un dossier SIRP, contrevenant ainsi à l’article 47.2 du MO et à l’article 8.1 du Code de déontologie.

[192]  L’article 1.4. du MO 47.2 stipule qu’« un incident doit être créé tout au plus 24 heures après que la police a été avisée de l’information ».

[193]  Le membre visé nie l’allégation 1.

[194]  Tout d’abord, la réponse et la réplique affirment toutes deux que bien qu’un dossier SIRP doit être créé tel qu’indiqué, il n’est pas précisé qui est responsable de le créer.

[195]  La réponse et la réplique précisent en outre que d’après l’expérience du membre visé au détachement, c’est le personnel de soutien crée les dossiers; le caporal Robb confirme qu’un dossier SIRP peut être généré par la station de transmissions opérationnelles ou par le personnel de soutien ou un membre du détachement qui reçoit l’appel téléphonique ou la plainte au comptoir (c’est-à-dire qu’une personne se présente au comptoir de réception du détachement).

[196]  Les autres déclarations fournies par des membres actuels ou anciens du personnel de soutien du détachement soutiennent des variations du thème voulant qu’ils soient responsables de la création des dossiers SIRP, mais en dernière analyse, il est faux de dire que tous les dossiers SIRP sont créés uniquement par le personnel de soutien comme semblent le suggérer la réponse et la réplique.

[197]  En l’espèce, le membre visé déclare qu’il s’est appuyé sur son expérience ou la pratique susmentionnée et qu’il a simplement oublié le premier appel des SEF jusqu’à ce qu’il reçoive le courriel du caporal Gulash, car le personnel de soutien n’avait pas créé de dossier SIRP.

[198]  En s’appuyant sur l’article 8.1 du Code de déontologie et l’article 47.2 du MO, on affirme dans les observations que le membre visé avait l’obligation de rédiger et de présenter en temps opportun un compte rendu de ses activités, notamment le premier appel des SEF.

[199]  En outre, selon les observations, même si le SIRP est l’outil qu’utilisent les membres pour consigner les incidents et s’acquitter de leurs obligations en matière de rapports, le fait qu’un dossier SIRP ait été généré ou non ne dispensait pas le membre visé de signaler le premier appel des SEF.

[200]  En d’autres termes, selon les observations, ce n’est pas le fait d’avoir omis de créer un dossier SIRP comme indiqué dans le détail no 4 qui constitue l’inconduite présumée, mais plutôt le fait de ne pas avoir rédigé de rapport sur les infractions présumées de l’oncle; cependant, on n’explique pas comment le membre visé aurait pu le faire sans ouvrir un dossier d’incident dans le SIRP.

[201]  La RM affirme dans la réplique qu’en adoptant la position susmentionnée, les observations ont renoncé à l’omission de créer un dossier SIRP (détail no 4) en tant qu’essence de l’allégation 1 et soutiennent maintenant que l’omission de rédiger un rapport sur les infractions constitue l’essence de l’inconduite, et s’appuyant sur l’arrêt Ward et le paragraphe 43(2)b) de la Loi sur la GRC, elle déclare que la réponse a réfuté les arguments formulés dans les détails.

[202]  En d’autres termes, selon la réplique, la réponse du membre visé porte sur l’inconduite exposée au détail no 4, et d’après l’information complémentaire fournie dans la réponse, l’autorité disciplinaire n’a pas réussi à établir une infraction fondée sur la prépondérance des probabilités.

[203]  La réfutation du RAD ne concerne pas la décision Ward et précise que le détail no 4 ne vise pas à former l’intégralité de l’allégation 1 et fournit simplement un exemple de la manière dont l’article 8.1 du Code de déontologie a été enfreint, car autrement la portée de l’allégation 1 serait indûment réduite puisqu’elle fait référence à l’omission de rédiger un rapport.

[204]  Deuxièmement, on affirme dans la réponse et la réplique que la conduite décrite constitue une question de rendement plutôt qu’un manquement au Code de déontologie, et qu’elle a déjà été cernée, traitée et réglée au palier de supervision par le caporal Robb, qui a géré la situation en demandant au membre visé de créer le dossier, plutôt que de prendre des mesures déontologiques.

[205]  Selon les observations du RAD, l’allégation 1 ne constitue pas une question de rendement compte tenu de la gravité du comportement criminel présumé de l’oncle.

[206]  La réplique indique que la gravité des infractions présumées de l’oncle doit être considérée comme un facteur aggravant si l’allégation 1 est établie, mais que ce n’est pas un facteur qui permet de déterminer si l’allégation 1 a été prouvée.

[207]  La réfutation du RAD n’aborde pas l’argument de la réplique selon lequel le caporal Robb a traité l’omission de créer un dossier SIRP comme une question de rendement.

[208]  La réponse, les observations, la réplique et la réfutation n’abordent ni ne fournissent aucun cadre juridique ou analytique utile permettant de déterminer si le comportement constitue une question de rendement ou de déontologie.

[209]  Le Comité conclut que le membre visé a été informé par les SEF au cours du premier appel d’agissements criminels possibles de la part de l’oncle qui auraient dû être consignés, mais que l’allégation 1 précise en fin de compte que l’inconduite présumée du membre visé est l’omission de ne pas avoir ouvert de dossier SIRP, et que l’autorité disciplinaire n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que le membre visé avait enfreint l’article 47.2 du MO ou l’article 8.1 du Code de déontologie, compte tenu des pratiques du détachement en matière d’ouverture de dossiers SIRP et du fait que la politique ne précise pas qui est responsable de l’ouverture d’un dossier.

[210]  Essentiellement, l’allégation 1 indique que le membre visé a enfreint l’article 8.1. du Code de déontologie en omettant de rédiger un rapport sur les infractions présumées de l’oncle, et le détail no 4 indique que cela s’est traduit par le fait que le membre visé n’a pas ouvert de dossier, contrairement à la politique établie dans le MO.

[211]  Toutefois, le libellé de l’allégation 1 ne fournit pas en soi suffisamment de détails pour permettre au membre visé de savoir ce qui doit être établi; en l’espèce, le détail no 4 précise qu’il s’agit de l’omission d’ouvrir un dossier, et il ne peut s’agir de quelque chose de plus générique comme le soutient le RAD.

[212]  Le but même des détails est de fournir des précisions à un membre visé afin qu’il puisse répondre à des allégations souvent formulées en termes généraux. Dans le cas qui nous occupe, le détail no 4 porte sur l’omission d’ouvrir un dossier SIRP, tandis que les autres détails ne sont pas considérés comme des éléments de l’allégation 1 qui constituent une inconduite, bien qu’ils mentionnent le premier appel et d’autres faits qui se sont produits.

[213]  Même si le Comité a certaines réserves concernant l’affirmation du membre visé selon laquelle il ne lui incombait pas d’ouvrir le dossier SIRP, l’autorité disciplinaire doit établir, selon la prépondérance des probabilités, non seulement qu’un dossier SIRP n’a pas été créé, mais qu’il incombait au membre visé d’en créer un; à la lumière des déclarations fournies par le caporal Robb et d’autres membres du personnel administratif, les dossiers sont créés de plus d’une manière et par différentes personnes. De plus, l’article 47.1 du MO ne précise pas qui a la responsabilité de créer les dossiers d’incident dans le SIRP (contrairement aux articles 2.6 et 4.1 du MO, qui indiquent clairement quelles sont les personnes qui doivent s’acquitter de ces obligations).

[214]  De plus, l’autorité disciplinaire n’a pas abordé l’argument présenté dans la réponse et la réplique selon lequel le caporal Robb, sachant qu’un dossier SIRP n’avait pas été ouvert, a apparemment traité ce manquement comme une question de rendement plutôt que comme une question de déontologie.

[215]  Compte tenu de ce qui précède, l’autorité disciplinaire n’a pas établi l’allégation 1 selon la prépondérance des probabilités.

Allégation 2

[216]  Le membre visé admet dans la réponse qu’il n’a pris « aucune mesure d’enquête » concernant les allégations faites contre l’oncle, mais il affirme qu’il « attendait de recevoir la rétroaction de Mme Sutherland à la suite des entrevues qu’elle prévoyait de mener », ce qu’il a amplifié par la suite en disant qu’il attendait un rapport des SEF.

[217]  La réponse admet que le membre visé a reçu le premier appel de Mme Sutherland (détail no 2), mais nie qu’il a déclaré qu’il n’était pas nécessaire que la police intervienne (détail no 3).

[218]  Que le membre visé ait ou non refusé de participer à une entrevue conjointe avec l’adolescente, il est clair qu’il a délégué aux SEF la responsabilité de déterminer si des agissements criminels s’étaient produits, ce qui était inapproprié et constitue essentiellement un défaut de faire enquête.

[219]  La déclaration figurant dans la première entrée selon laquelle les SEF mènent chaque jour des enquêtes dont la police n’est pas informée à moins qu’ils ne découvrent quelque chose de criminel, et que le membre visé a informé Mme Surtherland que la police « [...] réaliserait une enquête criminelle si elle le jugeait pertinent » (ou, comme indiqué dans la deuxième entrée, si Mme Sutherland « jugeait qu’une infraction criminelle avait été commise [...] »), révèle une approche troublante à l’égard de telles enquêtes, qui, étonnamment, n’a pas donné lieu à l’enregistrement d’une réprimande dans le dossier par un superviseur, à l’époque.

[220]  Bien que la réponse admette que le membre visé n’a pris aucune mesure d’enquête et qu’elle fasse valoir la justification ou l’explication selon laquelle il attendait de recevoir une « rétroaction » ou un « rapport » des SEF afin de pouvoir déterminer les mesures les plus appropriées à prendre, les éléments de preuve et le déroulement des événements ne soutiennent pas cette affirmation.

[221]  Le Comité n’accepte pas l’explication du membre visé voulant que les mesures à prendre, ou sa capacité à faire enquête sur les allégations formulées contre l’oncle, dépendaient de quelconque façon de la réception d’une rétroaction ou d’un rapport des SEF, particulièrement compte tenu du courriel transmis au membre visé, après le premier appel, qui l’informait que les agissements de l’oncle avaient été confirmés.

[222]  En d’autres termes, comme le membre visé avait reçu la rétroaction qu’il attendait de Mme Sutherland, comme indiqué dans le courriel du caporal Gulash, l’affirmation selon laquelle il devait attendre de recevoir de l’information supplémentaire pour déterminer les mesures à prendre n’est pas fondée.

[223]  Même si le membre visé ne disposait peut-être pas de suffisamment d’information pour lancer une enquête en se fondant sur le premier appel, il a certainement eu cette information et cette obligation si l’on se fie au courriel envoyé par Mme Sutherland après que celle-ci eut questionné l’adolescente.

[224]  Cet état de fait est confirmé par la deuxième entrée, et plus particulièrement par les tâches ECE, qui mentionnent de façon proactive la nécessité d’entreprendre des démarches et des mesures d’enquête (conformément aux politiques applicables), mais non l’obligation d’attendre une rétroaction ou un rapport des SEF.

[225]  Même si le membre visé a pu demander une rétroaction ou une mise à jour à l’employée des SEF lors du premier appel, cette mise à jour a été fournie sous la forme d’un courriel, et toute suggestion voulant que le membre visé attendait de recevoir un rapport des SEF, lorsqu’il a créé le dossier et inscrit la première et la deuxième entrées, y compris les tâches ECE, n’est pas étayée par la preuve et est contredite par la deuxième entrée du membre visé quant à ce qui était requis.

[226]  En fait, malgré le libellé de la deuxième entrée et des tâches ECE, et le fait qu’il avait reçu le courriel et les directives du caporal Robb, le membre visé n’a pris aucune mesure d’enquête concernant le dossier pendant une période d’environ 45 jours, ce qui, compte tenu des actes présumés de l’oncle, constituait un manquement important à ses devoirs et un manquement absolu à l’obligation, exposée aux articles 2.1 et 2.6 du MO, de mener rapidement une enquête exhaustive dans le cas de telles allégations.

[227]  Toute notion selon laquelle le membre visé attendait de recevoir un « rapport » des SEF n’est pas étayée par les preuves documentaires : en fait, la mention d’un rapport n’est apparue qu’après le deuxième appel.

[228]  En d’autres termes, l’explication du membre visé voulant qu’il « attendait de recevoir un rapport » semble n’avoir été évoquée qu’au cours de l’enquête déontologique, et elle est incompatible avec les éléments de preuve et n’a aucun sens compte tenu du libellé des tâches ECE décrites dans le dossier et/ou renforcées par les directives du caporal Robb.

[229]  Les dispositions pertinentes des politiques applicables sont parfaitement claires en ce qui concerne la priorité qui doit être accordée aux allégations d’infractions sexuelles et autres infractions visant de jeunes personnes, et la rapidité avec laquelle celles-ci doivent être traitées.

[230]  En parcourant le rapport de déontologie, la réponse, les observations, la réplique et la réfutation, il est évident pour toute personne raisonnable que le membre visé a omis d’enquêter rapidement sur les infractions graves reprochées à l’oncle et qu’il a simplement exploité l’information transmise par Mme Sutherland lors du deuxième appel, selon laquelle le dossier des SEF serait fermé, pour clore le dossier sans prendre aucune mesure d’enquête.

[231]  Cela est amplement démontré par le fait que le membre visé, face à ce qu’il savait concernant le courriel qui confirmait les infractions reprochées à l’oncle, n’a pris aucune mesure apparente pour résoudre la contradiction entre les conclusions fournies dans le courriel et son interprétation et sa compréhension de ce qu’avait dit Mme Sutherland lors du deuxième appel.

[232]  Compte tenu du contenu du rapport des SEF et des activités des SEF et de Mme Sutherland, il est inconcevable que celle-ci ait dit au membre visé, lors du deuxième appel, qu’« il ne s’était pas produit d’agression ni quoi que ce soit de ce genre ».

[233]  Même si le Comité acceptait, ce qui n’est pas le cas, l’explication du membre visé selon laquelle il aurait de quelque manière mal interprété ce que Mme Sutherland lui avait dit ou avait voulu dire lors du deuxième appel, il apparaît également inconcevable qu’un enquêteur de la police dûment formé n’ait pas posé certaines questions sur la manière dont on avait conclu qu’aucune agression ni quoi que ce soit de ce genre n’avait eu lieu et qu’aucune mesure n’était requise de la police, alors que le courriel précisait que les allégations contre l’oncle avaient été retenues.

[234]  Le Comité est d’avis que le membre visé n’attendait pas de recevoir un rapport des SEF pendant la période où il était tenu de réaliser une enquête et, pour être charitable, une telle affirmation constitue un souvenir lacunaire, voire un mensonge.

[235]  Il a été établi, selon la prépondérance des probabilités, que le membre visé n’a pas enquêté sur les infractions reprochées à l’oncle par l’adolescente et signalées par les SEF, et qu’il a ainsi fait preuve de négligence dans l’exercice de ses fonctions.

Allégation 3

[236]  L’essence de l’allégation 3 est que le membre visé a désobéi aux directives (sous la forme des tâches ECE), ce qu’il nie; toutefois, il affirme de manière quelque peu contradictoire que l’allégation 3 et les détails qui s’y rapportent constituent une question de rendement.

[237]  Le membre visé reconnaît qu’il n’a pris aucune mesure d’enquête (comme indiqué dans l’allégation 2), mais dans la réponse et la réplique, il fournit les explications suivantes par rapport aux directives : 1) il a communiqué avec les SEF en effectuant un deuxième appel, et a donc respecté la première partie des directives; et 2) bien qu’il n’ait pas recueilli de déclarations et pris d’autres mesures d’enquête, qui constituaient le deuxième aspect des directives, il explique qu’il attendait de recevoir un « rapport » de Mme Sutherland.

[238]  Le Comité a déjà rejeté la suggestion voulant que le membre visé attendait un rapport des SEF, et se fonde sur cette analyse pour conclure que cela n’explique pas son omission de recueillir des déclarations et de prendre d’autres mesures d’enquête, contrairement aux directives.

[239]  Le Comité a soigneusement examiné la preuve documentaire, et rien n’indique que le membre visé attendait de recevoir un rapport des SEF pour entreprendre l’enquête et/ou suivre les directives. Le dossier démontre en fait le contraire, c’est-à-dire que compte tenu du courriel, qui a mené à l’établissement des directives et à l’ouverture du dossier, il y avait une assise claire sur laquelle fonder une enquête.

[240]  Il est également troublant de constater que le membre visé affirme qu’il a satisfait au premier aspect des directives puisqu’il avait en fait communiqué avec les SEF, et qu’il s’est donc conformé aux exigences de cet aspect.

[241]  Le membre visé a tenté de répartir les directives en deux aspects et, ce faisant, tout en reconnaissant ne pas avoir recueilli de déclarations ou mené d’enquête, il affirme avoir respecté l’obligation de communiquer avec les SEF, le libellé exact étant le suivant : « Lorsque le [le membre visé] retournera au quart de jour, le 19 juin, [le membre visé] appellera les SEF pour obtenir des renseignements [sur] l’[adolescente] et ses parents afin de les ajouter au dossier ».

[242]  Tout d’abord, il convient de rappeler que le membre visé a été informé le 12 juin 2017, par courriel, que les allégations formulées contre l’oncle avaient été confirmées par les SEF, et lorsqu’il a saisi sa deuxième entrée, ce jour-là, il a retardé de sept autres jours l’obtention de renseignements sur l’adolescente et ses parents, soit jusqu’à son retour au quart de jour.

[243]  En d’autres termes, le dossier aurait dû être confié à un autre enquêteur pendant l’absence du membre visé afin qu’il puisse être traité conformément aux attentes énoncées dans le MO.

[244]  Deuxièmement, selon le rapport de déontologie et l’entrevue menée avec le membre visé, ce dernier n’a pas réellement communiqué avec les SEF le 19 juin 2017; en fait, il ne semble pas y avoir eu de communication avec les SEF jusqu’au deuxième appel, effectué 38 jours plus tard.

[245]  Troisièmement, même si techniquement, le membre visé a pu être en communication avec les SCF au moment du deuxième appel, les observations et la réfutation signalent que cela n’était pas conforme aux directives données ni à l’obligation simultanée énoncée dans la politique applicable du MO qui exigeait qu’il procède à une enquête complète rapidement et en temps opportun.

[246]  Le Comité a examiné l’affirmation contenue dans la réponse et la réplique selon laquelle l’omission de se conformer aux directives constitue, en fait, un élément de l’omission de réaliser une enquête indiquée à l’allégation 2, ou est redondante, mais il existe techniquement une distinction juridique et factuelle entre l’omission d’enquêter et l’omission de se conformer à des directives. Le Comité est toutefois attentif à l’argument selon lequel, aux fins de la détermination des mesures, l’autorité disciplinaire a tenté quelque peu artificiellement de distinguer la conduite dont il est ici question de l’omission plus générale de réaliser une enquête visée dans l’allégation 2.

[247]  Il a été établi selon la prépondérance des probabilités que le membre visé n’a pas suivi les directives du caporal Robb et que l’allégation 3 a été prouvée.

Allégation 4

[248]  Le membre visé nie l’allégation 4 et affirme que la troisième entrée, bien qu’elle se soit révélée inexacte, reflétait ce qu’il avait compris à ce moment-là, et qu’il croyait sincèrement, lorsqu’il l’a rédigée, que Mme Sutherland avait indiqué « [...] qu’aucune agression ni quoi que ce soit de ce genre n’a eu lieu. »

[249]  Le membre visé a indiqué dans sa réponse que lorsque Mme Sutherland l’a informé, lors du deuxième appel, qu’elle « fermait son dossier », il a cru que cela signifiait que les allégations contre l’oncle n’étaient pas fondées, bien qu’il soit « incapable de se souvenir des détails qu’elle a fournis concernant la raison pour laquelle elle fermait le dossier ».

[250]  En laissant de côté pour le moment le fait qu’il incombait au membre visé, et non aux SEF, d’enquêter et de déterminer si les allégations ou les infractions de nature criminelle étaient fondées, il n’est pas logique que le membre visé ait pu conclure d’après le deuxième appel qu’il ne s’était produit aucune agression ni rien de la sorte du fait que l’employée des SEF fermait son dossier, puisque le courriel mentionnait expressément que les allégations contre l’oncle étaient confirmées, y compris celle d’avoir fourni de la drogue.

[251]  Cependant, la troisième entrée n’indique pas simplement que l’employée des SEF s’apprêtait à fermer son dossier; elle précise que lors du deuxième appel, le membre visé a « appris qu’il n’y avait eu aucune agression ni quoi que ce soit de ce genre », ce qui va bien au-delà d’un possible malentendu sur ce que la fermeture du dossier des SEF signifiait pour lui.

[252]  En fin de compte, le Comité privilégie la déclaration de Mme Sutherland selon laquelle elle n’aurait jamais dit pendant le deuxième appel qu’il ne s’était produit aucune agression ni quoi que ce soit de ce genre (B51, lignes 299 et 300), puisque le membre visé ne se rappelle pas avec exactitude ce qui a été dit lors du deuxième appel (B102, ligne 261) et que cela contredit l’information contenue dans le courriel et aurait très certainement incité toute personne raisonnable, et encore davantage un enquêteur de police dûment formé, à clarifier ce qui pouvait être considéré comme un changement fondamental dans les circonstances.

[253]  Bien que le membre visé accepte la responsabilité de ne pas avoir clarifié l’information afin d’éviter un tel malentendu, la réalité est qu’un enquêteur compétent aurait cherché à clarifier la situation étant donné le changement fondamental dans les faits.

[254]  On affirme dans la réplique que d’après le Code annoté, le Guide des mesures et la décision Werboweski, l’article 8.1 du Code de déontologie exige que l’autorité disciplinaire établisse, selon la prépondérance des probabilités, que le membre visé a non seulement fait une déclaration fausse, trompeuse ou inexacte dans la troisième entrée, mais aussi qu’il « savait » que cette déclaration était fausse ou trompeuse et « était conscient des conséquences possibles », et que la question n’est pas de savoir si le membre visé « aurait dû savoir » (décision Werboweski, paragraphe 56).

[255]  La réfutation indique que l’affaire Werboweski se distingue du fait qu’elle traitait d’une allégation de déclarations fausses et trompeuses faites dans un affidavit qui s’apparentait étroitement à une allégation criminelle de parjure, ce qui a imposé à l’autorité disciplinaire un fardeau plus contraignant de prouver ce que le membre savait.

[256]  Contrairement à la plupart des dispositions concernant le mensonge qui existent dans d’autres régimes, le libellé de l’article 8.1 du Code de déontologie ne fait aucune référence à la connaissance de cause des membres, et l’arbitre dans l’affaire Werboweski a semblé conclure qu’il fallait s’appuyer sur la notion de « sciemment » pour interpréter de telles allégations de manière restrictive; cependant, on ne cite aucune jurisprudence, aucun précédent ni aucune analyse à l’appui de cette interprétation, qui semble être influencée par le libellé de l’article 45 de l’ancien Code de déontologie figurant dans le Règlement sur la GRC abrogé, DORS/88-361, qui stipulait que « le membre ne peut sciemment ou volontairement faire une déclaration fausse, trompeuse ou inexacte [...] ».

[257]  En clair, l’article 8.1 du Code de déontologie ne contient pas d’élément mental tel que « intentionnellement, sciemment ou délibérément », et il n’est pas clair dans la décision Werboweski comment l’arbitre en est venu à conclure que la notion de « sciemment » est un élément ou une exigence qui doit s’inscrire dans l’analyse de l’article 8.1 du Code de déontologie.

[258]  Il est généralement admis que dans les affaires de déontologie policière, les cas de déclarations fausses, trompeuses ou inexactes (du moins lorsque le régime et le code de déontologie pertinents énoncent expressément des exigences en matière de connaissance ou d’intention) sont considérés comme allant au-delà de la simple intention de tromper et se classent généralement en trois catégories, soit : 1) le policier savait que les déclarations étaient fausses, trompeuses ou inexactes; 2) le policier s’est montré négligent, imprudent ou insouciant quant à la validité des déclarations fournies; et 3) le policier a fait une déclaration de bonne foi, mais erronée, qui s’est révélée fausse, trompeuse ou inexacte.

[259]  Les deux premières catégories peuvent fonder une conclusion d’inconduite alors que la troisième catégorie ne mène généralement pas à une telle conclusion, et c’est sur cette dernière que la réponse et la réplique s’appuient explicitement ou implicitement pour exonérer le membre visé, en invoquant sa « mauvaise interprétation » du deuxième appel.

[260]  Il est également généralement admis (et il s’agit en l’espèce d’une exigence fondée sur le libellé explicite de l’article 8.1 du Code de déontologie) que les déclarations contestées doivent se rapporter à l’exercice de fonctions officielles, et il ne fait aucun doute ici que la troisième entrée se rapportait à l’exercice des fonctions et des responsabilités du membre visé et à la conduite d’une enquête, ce qui satisfait à l’exigence d’un lien entre les responsabilités professionnelles et la rédaction d’un rapport.

[261]  L’article 8.1 du Code de déontologie exige également d’établir si les déclarations sont incomplètes ou inexactes, et il ne fait aucun doute que la troisième entrée était incomplète ou inexacte, ce que le membre visé a admis.

[262]  Cela nous ramène toutefois à la question de savoir si, comme le suggère la RM, il est nécessaire d’établir que la troisième entrée du membre visé était intentionnellement inexacte, ou si, comme l’indique le RAD, il n’est pas nécessaire d’établir l’existence d’une intention, ou tout au plus, que le membre visé aurait dû savoir que la troisième entrée était inexacte.

[263]  Bien qu’il eût été préférable de présenter des arguments plus solides sur cette question, il n’est pas nécessaire, au final, que le Comité résolve la question de l’exigence de connaissance établie à l’article 8.1, car vu les circonstances de la présente affaire, il est possible de soutenir qu’il existe des preuves que le membre visé savait que la troisième entrée était inexacte, ou qu’il a fait preuve de négligence, d’imprudence ou d’insouciance grave par rapport aux affirmations formulées dans la troisième entrée.

[264]  En fin de compte, il s’agit de savoir si l’autorité disciplinaire a établi l’un ou l’autre scénario selon la prépondérance des probabilités.

[265]  Bien que la réplique souligne certaines incertitudes de la part de Mme Sutherland au sujet de ce qui a été dit lors du deuxième appel, les souvenirs du membre visé concernant cet appel sont tout aussi incertains, sinon davantage, et en bout de compte, le Comité privilégie la déclaration de Mme Sutherland selon laquelle elle n’aurait jamais dit au membre visé qu’il ne s’était produit aucune agression ni quoi que ce soit de ce genre, ce qui est conforme au rapport des SEF.

[266]  Même s’il ne semble pas faire de doute que le membre visé ait appris au cours du deuxième appel que l’employée des SEF allait fermer son dossier, il n’est pas raisonnable qu’il soutienne que cela signifiait qu’il ne s’était pas produit d’agression ou autre chose donnant matière à enquête, compte tenu des mandats différents des SEF et de la GRC dans ces affaires.

[267]  En outre, même en admettant que le membre visé ait compris d’après le deuxième appel qu’il n’y avait pas eu d’agression, il n’a pas abordé les autres agissements criminels possibles de l’oncle, comme celui d’avoir fourni de la drogue à l’adolescente.

[268]  Bien que le résumé ne fasse pas partie des détails liés à l’allégation 4, il constitue une preuve du contexte plus large permettant de comprendre la troisième entrée et l’état d’esprit du membre visé. Dans le résumé, le membre visé va même plus loin en disant que l’employée des SEF l’avait « informé » que « la police n’a rien d’autre à examiner, car tout est réglé » et qu’elle avait indiqué qu’« aucune intervention de la police n’est nécessaire et il n’y a aucun élément criminel devant faire l’objet d’une enquête ».

[269]  En définitive, le Comité conclut que le membre visé savait que la troisième entrée était inexacte ou trompeuse, mais même si le Comité fait erreur en tirant cette conclusion et/ou accepte que le membre visé n’a pas sciemment fait une déclaration trompeuse fondée sur une mauvaise interprétation du deuxième appel, le membre visé a fait preuve d’une grave négligence, imprudence ou insouciance par rapport à la troisième entrée car il n’a apparemment rien fait pour obtenir des éclaircissements, ce qui, compte tenu de l’existence du courriel, est une mesure que toute personne raisonnable, et encore davantage un agent de police qualifié, aurait prise pour concilier l’information voulant que les agissements inappropriés présumés de l’oncle aient passés de « confirmés » à « aucune agression ni quoi que ce soit de ce genre » et à « la police n’a pas besoin d’enquêter ».

[270]  En concluant que l’allégation 4 est fondée, le Comité est conscient qu’à l’instar de l’allégation 3, cette infraction est étroitement liée aux circonstances générales entourant l’allégation 2 en ce qui a trait à l’omission de réaliser une enquête.

Allégation 5

[271]  Le RAD a retiré l’allégation 5 et le Comité ne l’examinera pas plus avant, si ce n’est pour souligner qu’elle a été correctement retirée étant donné que les détails sont essentiellement les mêmes que ceux exposés dans les allégations 1, 2, 3 et 4.

Conclusion

[272]  Pour les raisons susmentionnées, le Comité conclut que l’allégation 1 n’est pas fondée et que les allégations 2, 3 et 4 sont fondées. L’allégation 5 a été retirée.

5. Mesures

[273]  Le 7 octobre 2019, une brève audience a été tenue avec les représentants et le membre visé par voie d’une conférence téléphonique.

[274]  Au cours de l’audience, le Comité a confirmé que la langue officielle choisie par le membre visé était l’anglais, que ce dernier avait renoncé à la lecture officielle des allégations, et que le membre visé et l’autorité disciplinaire avaient renoncé à l’exigence de signification à personne de toute décision ou tout document et avaient accepté une signification électronique par l’intermédiaire de leurs représentants respectifs.

[275]  Étant donné que le dossier comportait des faits de nature personnelle et des renseignements sur l’adolescente, les représentants ont accepté que le Comité émette une ordonnance de restriction de publication, qui a été intégrée à la transcription et qui figure à la première page de la présente décision.

[276]  Après avoir fourni un bref historique, le Comité a rendu une décision de vive voix limitée au bien-fondé de chacune des allégations, qui a été suivie d’une décision écrite (datée du 7 octobre 2019) qui n’a été envoyée aux représentants que le 14 octobre 2019, le retour à Ottawa du Comité ayant été retardé de façon inattendue.

[277]  La décision écrite a été rendue afin de pouvoir communiquer aux représentants les conclusions particulières du Comité pour qu’ils puissent préparer leurs observations écrites sur les mesures. Il revenait au Comité d’effectuer la révision finale, la mise en page et les corrections, d’établir les exigences transitoires en vue de traiter les mesures et de parachever la décision définitive.

[278]  Dans ses conclusions, le Comité soulignait que les allégations 2, 3 et 4 étaient étroitement liées sur le plan de la période visée et des circonstances et que les représentants devaient en tenir compte lors de la préparation de leurs observations, et qu’en plus de toute cause pertinente ayant trait à un congédiement ou à des pénalités financières, ils devaient également envisager de fournir au Comité des décisions touchant la réduction du taux de la solde ou d’autres mesures prises dans des circonstances similaires.

[279]  Le membre visé a ensuite demandé à pouvoir s’adresser au Comité, et une autre brève audience a eu lieu à cette fin le 3 décembre 2019 avec l’accord des représentants, qui avaient convenu que le membre visé ne prêterait pas serment et ne ferait pas de déclaration solennelle.

[280]  Le membre visé a présenté des excuses pour ses actions, a fait part de certaines circonstances professionnelles et personnelles au Comité et a exprimé le souhait d’avoir la possibilité de demeurer agent de police et de faire ses preuves (« les excuses »).

[281]  Les excuses étaient sincères et reconnaissaient que le membre visé avait manqué à ses obligations envers l’adolescente, le détachement, la GRC et le public, et que ses actions constituaient un manquement grave.

[282]  Le Comité a réitéré sa demande que les représentants lui transmettent toute décision pertinente en matière de congédiement et de pénalités financières et envisagent aussi de lui fournir toute décision ou information touchant la réduction du taux de la solde ou d’autres mesures prises dans des circonstances similaires.

[283]  L’échéance pour fournir les observations écrites concernant les mesures a été établie par les représentants dans des communications écrites. Les observations ont été présentées le 10 décembre 2019 et ont été acceptées par le Comité.

Observations

Deuxième ensemble d’observations du RAD

[284]  Le 4 décembre 2019, le RAD a fourni des observations écrites relativement aux mesures (« le deuxième ensemble d’observations »).

[285]  Le deuxième ensemble d’observations demande d’entrée de jeu à ce que l’on congédie le membre visé aux termes de l’alinéa 45(4)b) de la Loi sur la GRC, soit au moyen d’une ordonnance de démissionner de la GRC, et à ce qu’on « recommande que le membre soit congédié » de la GRC si ce dernier ne démissionne pas dans les quatorze jours suivants (non souligné dans l’original) (paragraphe 1).

[286]  Ce qui précède mène à deux observations, la première étant qu’un comité de déontologie ne peut « recommander » le congédiement d’un gendarme en vertu de l’alinéa b), puisque cet alinéa vise les sous-commissaires, mais peut congédier un membre régulier ayant un grade inférieur à celui de sous-commissaire, à défaut de sa démission.

[287]  La deuxième observation est qu’on ne sait pas trop pourquoi la Direction des représentants de l’autorité disciplinaire (« la DRAD ») maintient la pratique consistant à solliciter une ordonnance de démissionner aux termes de l’alinéa b) plutôt qu’un congédiement aux termes de l’alinéa a), car une personne raisonnablement informée se demanderait pourquoi, pour des raisons d’intérêt public, la GRC ne solliciterait pas un congédiement (plutôt qu’une ordonnance de démissionner) lorsqu’elle considère que l’inconduite d’un membre visé est à ce point grave qu’elle exige la tenue d’un processus disciplinaire, qui est réservé aux cas de congédiement.

[288]  On affirme dans le deuxième ensemble d’observations que les allégations 2, 3 et 4 ont toutes trait au défaut du membre visé de réaliser une enquête relativement à l’information transmise par les SEF concernant les agissements de l’oncle, qui pouvaient constituer des infractions criminelles graves à l’endroit de l’adolescente vulnérable, et que le membre visé avait le devoir de protéger l’adolescente, sous peine de « porter gravement atteinte » à la réputation de la GRC et d’encourir la « condamnation la plus sévère ».

[289]  Invoquant la décision Commandant de la Division H et gendarme Green, 2017, B.C.S.C. 5 (« la décision Greene ») relativement aux exigences relatives à l’imposition de mesures disciplinaires, le deuxième ensemble d’observations affirme que les mesures éducatives ou correctives ne sont pas appropriées dans les circonstances actuelles et que selon les principes énoncés dans l’arrêt Ennis c. The Canadian Imperial Bank of Commerce (1986) BCJ no 1742 (Q.L.) (B.C.S.C.) (« l’arrêt Ennis »), approuvés par le commissaire (au deuxième palier) dans la décision Inspecteur Lemoine et officier compétent de la Division C, 12 D.A. (4e) 192 (« la décision Lemoine »), le membre visé a répudié son contrat de travail, et une bonne réputation ou un potentiel de réhabilitation ne sont pas suffisants pour écarter la nécessité de mettre fin à l’emploi dans ce cas-ci étant donné le bris de confiance commis par le membre visé.

[290]  Le deuxième ensemble d’observations aborde ensuite de manière assez détaillée l’application du principe Kienapple, soulignant que cette question a été soulevée par le Comité et la RM « tout au long de la procédure ». »

[291]  Le Comité ne comprend pas très bien pourquoi le deuxième ensemble d’observations soulève le principe Kienapple à l’étape de la détermination des mesures, puisque l’allégation 5 a été retirée par le RAD après que cette question ait fait l’objet de discussions et que la décision relative au bien-fondé aborde déjà ces points.

[292]  Toutefois, si le deuxième ensemble d’observations visait à répondre à l’observation du Comité selon laquelle les allégations 2, 3 et 4 portent sur des comportements étroitement liés dans le temps, et dans le contexte de la norme du dossier unique, il n’est pas injuste de dire d’après les allégations formulées dans le cadre de la présente procédure et d’autres allégations formulées devant le Comité, que mis à part les arguments techniques sur les délits distincts ou les « maux » (tel que cité dans le deuxième ensemble d’observations), la DRAD a tendance à formuler des allégations multiples afin de séparer artificiellement des actes précis plutôt que de présenter ces derniers sous la forme de détails dans le cadre d’une allégation unique et plus pratique.

[293]  En se fondant sur le Guide des mesures (p. 23), le deuxième ensemble d’observations indique que d’après les conclusions du Comité, l’allégation 2 répond aux critères d’un cas grave (« l’incompétence, la paresse ou le mépris entraîne l’abandon d’accusations criminelles graves [...] ou cause des risques pour l’organisation »), qui prévoit une sanction de 9 à 30 jours.

[294]  Le deuxième ensemble d’observations indique que la négligence du membre visé a mis l’adolescente vulnérable davantage en danger et a discrédité la GRC auprès des SEF et du public.

[295]  Bien que le comité d’arbitrage chargé de l’affaire Officier compétent de la Division K et gendarme Swain (2007) 1 AD (4e) 77 (« la décision Swain ») ait imposé une réprimande et une pénalité financière équivalente à sept jours pour avoir omis de réaliser une enquête relativement à une plainte d’attouchements sexuels non désirés à l’endroit d’une jeune femme de 17 ans, on affirme dans le deuxième ensemble d’observations que la sanction ne s’applique pas en l’espèce car 1) elle résulte d’observations conjointes présentées dans le cadre de l’ancien processus disciplinaire, 2) elle ne constitue pas une sanction appropriée, 3) la jeune personne dont il s’agit ici est plus jeune et 4) les allégations ont trait à des attouchements et à de la drogue, ce qui attribue au manquement au devoir une sévérité plus grande.

[296]  Le deuxième ensemble d’observations cite également la décision Commandant de la Division E et gendarme Hedderson, 2018, B.C.S.C. 19 (« la décision Hedderson ») (cité à tort comme étant la Division K) pour justifier la désignation d’un cas grave, du fait que le comité de déontologie a conclu, en partie, que la vulnérabilité était un facteur aggravant dans le cas présent.

[297]  En ce qui concerne l’allégation 3 (défaut de suivre les directives), le deuxième ensemble d’observations invoque les mesures s’appliquant aux cas graves (de 11 jours au congédiement) prévues dans le Guide des mesures, car la conduite du membre visé a compromis une enquête portant sur des allégations criminelles graves contre l’oncle et/ou a fait courir à l’adolescente le risque de redevenir victime.

[298]  Bien que le comité de déontologie chargé de l’affaire Commandant de la Division T et caporal Jenkins, 2018, B.C.S.C. 4 (« la décision Jenkins ») ait estimé qu’une contravention à l’article 3.3 du Code de déontologie ne méritait que des mesures associées aux cas ordinaires, il a souligné que le fait de compromettre une enquête ou de mettre des personnes en danger appelait des mesures liées aux cas graves (paragraphe 20).

[299]  Le deuxième ensemble d’observations cite également la décision Commandant de la Division E et gendarme Goodyer, 2018, B.C.S.C. 13 (« la décision Goodyer ») (citée à tort comme la décision B.C.S.C. 19, 2018) à l’appui de mesures visant les cas graves, car le Comité de déontologie a conclu que l’omission de se conformer à des directives à deux reprises constitue un facteur aggravant, même si cela n’a pas eu pour effet de placer des personnes en danger ou de compromettre une enquête.

[300]  On affirme dans le deuxième ensemble d’observations que l’allégation 4 (faux rapport) justifie la prise de mesures visant les cas ordinaires (d’un retour à l’échelon le plus bas de la solde pendant 30 jours au congédiement) (paragraphe 27), en indiquant que de telles contraventions sont extrêmement graves, et y on établit des distinctions par rapport à l’exemple fourni dans le Guide des mesures selon lequel le fait de déclarer faussement qu’un membre s’est présenté sur des lieux peut présenter des facteurs atténuants qui justifient une pénalité financière plutôt qu’un congédiement, selon les circonstances (p. 67).

[301]  Selon le deuxième ensemble d’observations, les distinctions, dans le cas qui nous occupe, sont le signalement par les SEF de possibles agissements criminels, la vulnérabilité de l’adolescente ainsi que les « conséquences de l’inconduite (fermeture du dossier alors que des accusations criminelles auraient dû être portées) », ces éléments aggravant l’inconduite du membre visé.

[302]  On indique dans le deuxième ensemble d’observations que dans la décision Commandant de la Division E et gendarme Rasmussen, 2018, B.C.S.C. 14 (« la décision Rasmussen »), le comité de déontologie souligne qu’il est important que les policiers produisent des rapports exacts afin d’assurer des opérations efficaces et efficientes et que la perte de confiance dans la réputation d’un membre de dire la vérité nuit gravement à l’efficacité de la police, ce qui, dans cette affaire, a entraîné le congédiement du membre.

[303]  En ce qui a trait aux facteurs aggravants, on soutient tout d’abord dans le deuxième ensemble d’observations que les conclusions du Comité font ressortir un manque d’honnêteté et d’intégrité de la part du membre visé, indiquant que dans la décision Officier compétent de la Division H et gendarme Edwards, (2015) 15 D.A. (4e) 331 (« la décision Edwards »), le comité d’arbitrage a conclu que le membre avait enfreint les valeurs fondamentales de la GRC que sont l’honnêteté et l’intégrité en mentant à son supérieur à deux reprises, mensonges qui en ont entraîné d’autres afin de couvrir d’autres affaires, bien que le congédiement n’ait pas été imposé pour les six allégations fondées, sur la base des observations conjointes concernant la sanction.

[304]  Deuxièmement, à titre aggravant, le deuxième ensemble d’observations réitère que l’adolescente était vulnérable et était exposée au « risque d’être à nouveau victime d’actes criminels en attendant que la plainte [des SEF] fasse l’objet d’une enquête » (paragraphe 38), et que le membre visé n’a pris aucune mesure d’enquête contrairement à la politique claire concernant les enquêtes en matière d’infractions sexuelles, ce qui était « inexcusable ».

[305]  Troisièmement, le deuxième ensemble d’observations indique que l’inconduite a eu lieu sur une longue période, soit 45 jours, bien qu’on admette qu’elle « porte en grande partie sur un seul ensemble de faits » (non souligné dans l’original.), et que même si le membre visé a eu plusieurs occasions de corriger son approche, il a plutôt rédigé un faux rapport afin de fermer le dossier, ce qui a violé la confiance accordée par la GRC.

[306]  Quatrièmement, bien que le RAD reconnaisse qu’aucun élément de preuve n’a été présenté concernant le préjudice réel ou potentiel causé à la réputation de la GRC auprès des SEF, on demande dans le deuxième ensemble d’observations que le Comité prenne note du fait que les manquements au Code de déontologie « ont des répercussions négatives manifestes ».

[307]  À cet égard, le deuxième ensemble d’observations souligne la déclaration faite par le caporal Gulash, dans le rapport de déontologie, en ce qui concerne les bonnes relations de travail qui sont entretenues avec les SEF.

[308]  Cinquièmement, le deuxième ensemble d’observations indique que « le public compte incontestablement sur les membres de la GRC pour protéger les personnes les plus vulnérables de la société contre l’exploitation », et que dans le cas qui nous occupe, le membre visé a abusé de la confiance du public et que le public serait « choqué et consterné » s’il apprenait les détails de cette affaire, ce qui « nuirait grandement à la réputation » de la GRC.

[309]  Le deuxième ensemble d’observations indique en outre que la « possibilité » que le membre visé prenne part à la poursuite pénale intentée contre l’oncle a mis la réputation de la GRC encore plus en péril ou dans l’embarras, car « le membre visé aurait pu être appelé à témoigner pour expliquer le retard » (paragraphe 48).

[310]  Sixièmement, même si le membre visé a « fait allusion » à des traumatismes passés et au stress vécu au travail dans le cadre des excuses qu’il a présentées devant le Comité, on souligne dans le deuxième ensemble d’observations qu’aucun témoignage ou élément de preuve provenant d’un expert médical et « suggérant que son jugement a été compromis par un problème d’ordre médical » n’a été présenté.

[311]  Enfin, on soutient dans le deuxième ensemble d’observations que l’obligation de remettre un dossier disciplinaire au ministère public, selon l’arrêt R. c. McNeil, 2009 CSC 3 (« l’arrêt McNeil »), est un facteur aggravant compte tenu des exigences et des charges administratives qu’elle impose à la GRC.

[312]  En conclusion, le deuxième ensemble d’observations affirme que la gamme de mesures appropriées « comprend le congédiement », ce qui est appuyé par l’autorité disciplinaire, le Guide des mesures et les décisions existantes.

Deuxième réplique de la RM

[313]  Le 6 décembre 2019, la RM a présenté une réplique quant au deuxième ensemble d’observations, ainsi que des documents et renseignements à l’appui auxquels des décisions pertinentes ont été ajoutées, à la demande du Comité, le 9 décembre 2019 (collectivement, la « deuxième réplique »).

[314]  Citant le Guide des mesures, la deuxième réplique commence en indiquant que l’imposition de mesures vise à être réhabilitante plutôt que punitive et que le congédiement est réservé aux cas les plus « graves et les plus flagrants où il est certain que le membre visé ne peut être réhabilité ou que son inconduite rend intenable le maintien de son emploi », et que la prise de mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions est soulignée à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC.

[315]  La deuxième réplique traite de l’application du principe Kienapple de façon sommaire, en soulignant les trois points suivants : premièrement, le principe a été invoqué par la RM en lien avec l’allégation 5, cette allégation ayant ensuite été retirée par le RAC; deuxièmement, le Comité n’a pas accepté, dans sa décision sur le bien-fondé, que l’allégation 3 soit tirée de l’allégation 2, mais a soulevé le caractère artificiel de la distinction établie entre le non-respect de la directive d’enquêter (allégation 3) et le défaut plus général de réaliser une enquête (dans le cadre de l’allégation 2); et troisièmement, le Comité a demandé, tant verbalement que dans la décision sur le bien-fondé, que les représentants considèrent le fait que les allégations 2, 3 et 4 sont étroitement liées sur le plan de la période visée et des circonstances.

[316]  La deuxième réplique indique que ce qui précède n’a pas été interprété comme une invitation à réexaminer le principe Kienapple dans le cadre des allégations, mais plutôt comme une directive du Comité de tenir compte des points susmentionnés pour déterminer les mesures les plus appropriées à prendre par rapport aux allégations 2, 3 et 4, compte tenu du contexte.

[317]  En conséquence, la deuxième réplique soutient que les allégations 2, 3 et 4 découlent des mêmes circonstances, qui devraient être considérées comme un manquement au devoir et devraient faire l’objet d’une sanction globale.

[318]  Se reportant à la définition donnée au terme « intégrité » dans le Black’s Law Dictionary (1979, p. 727), la deuxième réplique conteste l’affirmation selon laquelle les actes du membre visé manquaient d’honnêteté et d’intégrité, car ils étaient le résultat d’une négligence plutôt que d’une tromperie délibérée (c’est-à-dire que l’inconduite était attribuable à la négligence et non à des principes moraux douteux ou à un défaut de caractère).

[319]  La deuxième réplique exprime également un désaccord avec l’affirmation selon laquelle la réputation de la GRC auprès des SEF a été ternie, puisque : 1) le deuxième ensemble d’observations concède qu’il n’y a aucune preuve d’atteinte à la réputation; 2) « il n’existe aucune preuve qui étaye cette affirmation »; et 3) selon les commentaires du caporal Gulash, les relations de travail avec les SEF demeurent bonnes, plutôt que d’avoir été entachées en raison de l’inconduite du membre visé.

[320]  Bien qu’aucune preuve médicale n’ait été présentée pour expliquer les actes du membre visé, la deuxième réplique indique que, contrairement à ce que suggère le deuxième ensemble d’observations, il ne s’agit pas d’un facteur aggravant aux fins de l’établissement des mesures, mais plutôt de l’absence d’un facteur atténuant.

[321]  En ce qui concerne l’arrêt McNeil, bien qu’on admette dans la deuxième réplique qu’il imposera une charge administrative à la GRC, ce facteur devrait se voir accorder un poids limité, comme l’a indiqué le comité dans l’affaire Goodyer (paragraphe 427).

[322]  La deuxième réplique ne conteste pas que l’adolescente était vulnérable, que la conduite s’est déroulée sur une période de 45 jours et que le fait que la réputation de la GRC auprès du public soit en jeu sont des facteurs aggravants, mais elle fait valoir que l’imposition de mesures disciplinaires appropriées autres que le congédiement peut préserver ou rétablir la confiance du public.

[323]  Bien que la deuxième réplique propose une sanction globale pour les allégations 2, 3 et 4, une orientation peut être donnée en déterminant la gamme de mesures s’appliquant à chacune des allégations fondées.

[324]  Étant donné que le manquement au devoir du membre visé était grave et a eu d’importantes répercussions, dont il a accepté l’entière responsabilité, la deuxième réplique fait valoir que la sanction liée aux cas graves (de neuf à trente jours) est appropriée étant donné que le congédiement n’est pas une mesure proposée pour les cas graves et qu’il a déjà été accepté dans des décisions antérieures qu’une pénalité financière importante pouvait avoir un effet dissuasif.

[325]  La deuxième réplique mentionne que dans l’affaire Commandant de la Division E et gendarme Cull, 2018, B.C.S.C. 7 (« la décision Cull »), le membre visé s’est vu imposer une pénalité de 50 jours de perte de salaire pour avoir mal géré huit dossiers sur une période de quatre mois, y compris pour : ne pas avoir adéquatement documenté les dossiers; avoir dissimulé la documentation inadéquate des incidents dans le SIRP; ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour garantir l’exactitude des renseignements saisis dans le SIRP; avoir approuvé ses propres tâches; ne pas avoir répondu à des appels de service et ne pas avoir enquêté sur ces appels; ne pas avoir assuré le suivi des dossiers; et ne pas avoir recueilli les déclarations des témoins.

[326]  On souligne notamment dans la deuxième réplique que l’un des dossiers de l’affaire Cull concernait l’omission de réaliser une enquête et de recueillir des déclarations relativement à une plainte d’agression sexuelle, dossier que le membre visé avait lui-même fermé.

[327]  On affirme dans la deuxième réplique qu’il y a des « ressemblances frappantes » entre les circonstances de l’affaire Cull et celles du membre visé, à l’exception que ce dernier n’a négligé qu’un seul dossier pendant 45 jours, et non plusieurs dossiers sur une période plus longue.

[328]  Dans l’affaire Hedderson, le comité a imposé une confiscation de 15 jours de solde au membre visé pour ne pas avoir rempli ses fonctions avec diligence et pris les mesures voulues pour aider une personne vulnérable victime de violence conjugale qui avait exprimé des inquiétudes pour sa sécurité. Toutefois, la deuxième réplique souligne que le comité avait indiqué que la pénalité aurait été plus importante s’il n’y avait pas eu d’ordonnance de congédiement envers le membre visé, qui signifie une pénalité financière plus élevée, mais pas un congédiement.

[329]  Dans la décision Commandant de la Division D et gendarme Poapst, (2013) 13 AD (4e) 183 (« la décision Poapst »), le comité d’arbitrage a conclu, lors d’une audience contestée tenue dans le cadre de l’ancien processus disciplinaire, que les trois jours de solde concernaient le défaut du membre de procéder à une enquête adéquate sur une plainte de violence conjugale, y compris le défaut de se présenter sur les lieux et d’obtenir des déclarations ou de recueillir des éléments de preuve (plainte qui a par la suite fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme et a conduit au dépôt d’accusations criminelles contre le suspect).

[330]  S’agissant de l’affaire Swain (réprimande et perte de sept jours de salaire pour avoir omis d’enquêter sur une plainte d’attouchements sexuels non désirés), la deuxième réplique concède qu’une valeur limitée a été accordée aux propositions conjointes, mais rejette la suggestion faite dans le deuxième ensemble d’observations selon laquelle les répercussions négatives dans la présente affaire sont plus importantes, en faisant valoir que les deux affaires mettent en cause des actes d’inconduite de même gravité.

[331]  De même, la deuxième réplique souligne que dans l’affaire Commandant de la Division H et gendarme Caldwell (2007) 1 D.A. (4e) 123, où le membre avait omis d’enquêter sur une plainte d’agression sexuelle, le comité d’arbitrage a accepté une proposition conjointe de réprimande et de confiscation de sept jours de solde.

[332]  Dans l’affaire Commandant de la Division J et gendarme Lawless (2007) 32 D.A. (3e) 292 (Comm.), la deuxième réplique souligne que le commissaire a accueilli un appel dans un dossier de manquement au devoir et de fausse déclaration et a imposé une perte de 18 jours de salaire, une formation en gestion du stress et la prise en considération d’une mutation plutôt qu’une ordonnance de démission, en concluant qu’il serait bénéfique que le membre se voit offrir une occasion de réussir.

[333]  En ce qui concerne l’allégation 3, la deuxième réplique convient que les actes du membre visé répondent aux critères d’un cas grave (mesures allant de 11 jours au congédiement) puisqu’une enquête a été touchée, mais elle souligne qu’il existe un large éventail d’issues possibles en-dessous du congédiement.

[334]  En référence à l’affaire Goodyer, la deuxième réplique indique qu’il s’agissait d’une « désobéissance flagrante aux ordres à deux reprises », alors que dans le cas qui nous occupe, le membre visé a omis de suivre la « seule directive générale d’enquêter ».

[335]  Notant que le deuxième ensemble d’observations cite la décision Jenkins, la deuxième réplique indique que dans cette affaire, le comité de déontologie avait imposé une perte de 10 jours de salaire pour le non-respect d’une directive contenue dans une lettre d’attentes ainsi qu’une perte de 10 jours de salaire pour avoir fait une déclaration fausse et trompeuse, et que ce faisant, il avait réaffirmé qu’un membre devait être inapte à demeurer policier pour justifier son congédiement, et que les mesures devaient être proportionnelles.

[336]  Tout en considérant que le Comité a conclu que le membre visé savait que la troisième entrée était inexacte et trompeuse, la deuxième réplique affirme que « le contravention s’est produite dans un contexte de négligence grave [...] où il ne tentait pas de faire preuve de tromperie ou de dissimuler un comportement ou une erreur » (paragraphe 18), ce qui est une distinction d’importance d’après la décision Commandant de la Division K et gendarme MacNeil, 2016, B.C.S.C. 5 (« la décision MacNeil »), dans laquelle le comité de déontologie a conclu que, bien que le membre visé ait « modifié sa version officielle de l’événement quelque peu mineur » pour éviter de divulguer qu’il avait fait quelque chose de répréhensible, le superviseur était déjà au courant des circonstances abordées dans le rapport.

[337]  La deuxième réplique indique que le comité de déontologie chargé de l’affaire MacNeil a accepté une proposition conjointe et a imposé une sanction de 10 jours de perte de salaire conformément aux mesures suggérées pour les cas mineurs, ce qui peut donner une valeur limitée à la décision, mais affirme toutefois que les principes demeurent pertinents.

[338]  Réaffirmant que la troisième entrée résulte d’une négligence plutôt que d’une tromperie, la deuxième réplique soutient que l’entrée devrait être traitée comme un cas mineur, et que même si le Comité « estime qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu intention pour établir l’allégation », « l’absence d’une intention malveillante ou trompeuse, en l’espèce, peut être considérée comme un élément distinctif des autres décisions rendues par un comité de déontologie qui sont mentionnées » dans le deuxième le deuxième ensemble d’observations (paragraphe 21).

[339]  Le Comité souligne brièvement que ses commentaires ont peut-être été mal interprétés dans la deuxième réplique, car il n’a pas indiqué qu’il n’était « pas nécessaire qu’il y ait eu intention » pour établir l’allégation 4; il a plutôt souligné que cet élément pourrait devoir être abordé à un certain moment, mais que l’intention n’avait pas à être déterminée en l’espèce car le membre visé savait que la troisième entrée était inexacte ou avait fait preuve d’imprudence ou de négligence flagrante quant à son contenu.

[340]  Bien que la deuxième réplique concède que les actes du membre visé étaient de nature grave puisqu’ils avaient compromis les opérations policières, elle dresse une distinction avec l’affaire Rasmussen en se fondant sur le fait que celle-ci comprenait deux faux rapports visant à dissimuler une inconduite consistant à utiliser des armes à feu à des fins personnelles.

[341]  La deuxième réplique considère que la décision Edwards est « non pertinente », car il s’agit d’un membre qui a menti à ses supérieurs à de multiples reprises, qui a fait un usage abusif d’un véhicule de la GRC, qui a menti sur les circonstances entourant un accident avec un véhicule à moteur et qui a fait d’autres fausses déclarations.

[342]  En ce qui concerne les facteurs atténuants, la deuxième réplique reconnaît, en citant le Guide des mesures, que même si ces facteurs peuvent aider à expliquer une contravention ou à en atténuer la gravité, ils ne constituent pas une justification ou une excuse méritant l’absolution d’une inconduite.

[343]  Tout d’abord, la deuxième réplique souligne que le membre visé a collaboré à l’enquête et a volontairement fourni une déclaration de sa version des faits.

[344]  Deuxièmement, le membre visé a admis l’allégation 2 dans sa réponse, ce qui a entraîné une certaine rapidité (un facteur reconnu dans la décision Goodyer), tandis que les allégations 3 et 4 ont trait à la négligence plus générale dont le membre visé a fait preuve.

[345]  Troisièmement, le membre visé a présenté « des excuses sincères » au Comité. Il éprouve « de réels remords » pour sa conduite, « a accepté la responsabilité de ses actes », n’a pas rejeté le blâme sur qui que ce soit d’autre et reconnaît ne pas s’être montré à la hauteur de la situation.

[346]  Quatrièmement, le membre a reconnu avoir tiré des leçons de cette expérience; cela démontre qu’il saisit la gravité de son inconduite et indique une faible probabilité de récidive, surtout compte tenu du peu d’éléments de preuve voulant qu’il ne puisse être réhabilité.

[347]  Cinquièmement, le membre visé n’avait aucun antécédent en matière de discipline ou d’inconduite.

[348]  Sixièmement, le membre visé compte douze années de service, est un atout pour la GRC et a travaillé, entre 2007 et 2017, dans plusieurs petits détachements de la Division D et de la Division K.

[349]  Septièmement, neuf rapports de rendement couvant la période allant de 2007-2008 à 2017-2018 (collectivement, « les rapports de rendement »), en particulier les rapports visant les années 2013-2014 et 2015-2016, démontrent que le membre visé est un travailleur assidu et respecté, est un atout précieux et ne présente aucun problème d’honnêteté ou d’intégrité.

[350]  Huitièmement, les allégations 2, 3 et 4 relèvent des mêmes circonstances, qui constituent un incident isolé et ne reflètent pas un défaut de caractère, ce qui est étayé par un rapport de rendement daté de 2007-2008 qui souligne que ses enquêtes sont bien documentées et complètes, entre autres caractéristiques positives; cela est confirmé dans les rapports de rendement de 2010-2011, 2012-2013 et 2015-2016 ainsi que dans le rapport de rendement de 2017-2018 (rédigé après les événements liés à la présente affaire et sa mutation au détachement de Raymond), qui font état des bonnes pratiques d’enquête du membre visé, y compris une enquête sur une agression sexuelle.

[351]  Neuvièmement, la deuxième réplique s’appuie sur neuf lettres de référence provenant de membres (déjà au courant des allégations et/ou des conclusions du Comité) qui étaient d’anciens collègues du membre visé, ainsi que d’un superviseur, qui attestent de la solide éthique de travail, de l’attitude positive, de l’engagement, du soutien (dans des situations personnelles ou professionnelles difficiles), du leadership et de la fiabilité du membre visé (« les lettres de référence »).

[352]  Dixièmement, le membre visé a rédigé une lettre d’excuses (incluse dans la deuxième réplique) à l’intention de l’adolescente et de sa famille (« la lettre d’excuses »), dont la communication doit être autorisée par le Comité car il est interdit au membre visé d’entrer en contact avec toute personne impliquée dans cette affaire (probablement en raison de la suspension).

[353]  Onzièmement, la deuxième réplique affirme qu’à l’époque des faits, le détachement était en sous-effectif et comptait un volume élevé d’appels, ce qui entraînait « une pression énorme sur les membres »; il s’agit d’un facteur atténuant, car une telle situation peut mener à des erreurs ou à de mauvaises prises de décision.

[354]  Enfin, il est indiqué dans la deuxième réplique que le membre visé n’avait aucune intention malveillante.

[355]  En conclusion, la deuxième réplique indique que le congédiement n’est pas approprié, car les facteurs atténuants l’emportent de loin sur les facteurs aggravants et qu’une sanction globale comprenant 1) une réprimande, 2) une pénalité financière de 35 jours, 3) l’obligation de travailler sous étroite supervision pendant un an et 4) deux ans d’inadmissibilité à la promotion est adéquate.

Deuxième réfutation du RAD

[356]  Le 10 décembre 2019, le RAD a présenté une réfutation à la deuxième réplique (ainsi que des décisions à l’appui, le 11 décembre 2019) (collectivement, la « deuxième réfutation »).

[357]  On répète dans la deuxième réfutation que le congédiement représente la mesure la plus appropriée, mais on ajoute que « l’autorité disciplinaire est également consciente du fait que le Comité de déontologie peut considérer des mesures disciplinaires autres que le congédiement », et que si le Comité détermine que le congédiement n’est pas approprié, la conduite du membre visé « mérite une condamnation énergique et une pénalité importante ».

[358]  Qu’il y ait ou non un malentendu quant à l’application du principe Kienapple à l’étape de la détermination des mesures, la deuxième réfutation affirme que les allégations 2, 3 et 4 portent sur des manquements précis au Code de déontologie qui doivent être « condamnés », et qu’à ce titre, le Comité devrait appliquer des mesures pour « chaque manquement individuel », et non des mesures globales.

[359]  Bien qu’on affirme dans la deuxième réplique qu’il n’y a aucune preuve que la relation entre la GRC et les SEF ait été endommagée, la deuxième réfutation demande que le « Comité tienne compte des répercussions négatives manifestes que la conduite du membre visé aurait eu sur cette relation », car il s’agit d’une « conséquence évidente », et soutient que la deuxième réplique (citant le paragraphe 19) ne conteste pas que la réputation de la GRC auprès du public est en jeu dans cette affaire (il s’agit plus précisément du paragraphe 19 de la partie B de la deuxième réplique, qui reprend la numérotation des paragraphes à compter de 1 dans la partie C, ce qui est quelque peu déroutant).

[360]  Dans la deuxième réfutation, on se dit en accord avec la deuxième réplique sur le fait que les mesures suggérées pour les cas graves sont appropriées dans le cas des allégations 2 et 3, mais en désaccord quant aux mesures qui sont appropriées relativement à l’allégation 4 (la deuxième réplique affirme qu’il convient d’appliquer les mesures suggérées pour les cas mineurs, soit une sanction allant de 11 à 29 jours, tandis que la deuxième réfutation demande l’imposition de mesures suggérées pour les cas ordinaires, soit une sanction allant de 30 jours au congédiement).

[361]  La deuxième réfutation soutient que la deuxième réplique a tort d’affirmer que le Comité n’a pas conclu à une intention de tromper ou d’induire en erreur et que le membre visé a simplement fait preuve de négligence, indiquant qu’au paragraphe 265 de la décision sur le bien-fondé, le Comité a conclu que le membre visé « savait » que la troisième entrée était inexacte ou trompeuse, ce qui, selon la deuxième réfutation, place l’affaire à tout le moins dans la fourchette des mesures suggérées pour les cas ordinaires.

[362]  La deuxième réfutation établit une distinction par rapport aux décisions rendues dans les affaires Cull, Hedderson et MacNeil, affirmant que le niveau de vulnérabilité de l’adolescente, les agissements criminels allégués, l’intervention des SEF ainsi que le degré de risque auquel la réputation de la GRC a été exposée sont plus importants dans la présente affaire.

[363]  Plus particulièrement, on affirme dans la deuxième réfutation que l’affaire Cull est clairement différente en ce sens que les allégations criminelles n’étaient pas fondées dans cette affaire et que la mesure mentionnée dans la deuxième réplique a été prise dans le contexte de mesures multiples visant plusieurs allégations différentes, et que le comité de déontologie, ayant conclu que le congédiement n’était pas approprié, a dû appliquer des mesures tombant « au-dessous du seuil où le congédiement est requis ».

[364]  On affirme également dans la deuxième réfutation que les décisions rendues dans le cadre de l’ancien système disciplinaire « ne reflètent pas le sérieux avec lequel la GRC traite les crimes de nature sexuelle de nos jours », et qu’elles ne reflètent pas le risque important qu’une telle négligence fait courir à la GRC.

[365]  Eu égard aux facteurs atténuants, bien que la deuxième réplique affirme que le membre visé a exprimé du repentir et a admis son inconduite, ce que la deuxième réfutation accepte dans une certaine mesure, le Comité a indiqué que le membre visé avait tenté de rejeter une partie du blâme sur les SEF (au paragraphe 160), ce qui ne témoigne pas d’une responsabilité entièrement assumée de sa part.

[366]  La deuxième réfutation rejette la lettre d’excuses comme étant « hypothétique, intéressée et n’atténuant en rien l’inconduite [...] », et bien que le RAC ne représente pas la GRC dans les litiges civils, il recommande que le Comité retire la lettre d’excuses du dossier.

[367]  Bien que la deuxième réfutation soit critique à l’égard de la décision Cull, elle la considère utile pour fournir un cadre d’application de mesures pour les cas multiples d’inconduite grave où le congédiement n’est pas imposé, en particulier en ce qui concerne l’inadmissibilité à toute promotion pour une période maximale de trois ans.

[368]  En conclusion, si le Comité choisit de ne pas imposer le congédiement, la deuxième réfutation propose les mesures suivantes en se fondant sur le bien-fondé des allégations 2, 3 et 4, les facteurs aggravants et les facteurs atténuants, le Guide des mesures et les décisions pertinentes : dans le cas de l’allégation 2, une sanction de 20 jours conformément à la décision Hedderson, plus cinq jours; dans le cas de l’allégation 3, une sanction de 15 jours plus cinq jours conformément à la décision Jenkins, moins cinq jours conformément à la décision Goodyer; dans le cas de l’allégation 4, une sanction de 30 jours, qui se situe dans la limite inférieure de la gamme des mesures suggérées pour les cas graves, compte tenu des facteurs atténuants exposés dans la deuxième réplique; et une mesure supplémentaire d’inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans.

Analyse

[369]  Le Comité a examiné attentivement le deuxième ensemble d’observations, la deuxième réplique et la deuxième réfutation, ainsi que les documents, les décisions et la jurisprudence à l’appui; comme ces documents le révèlent, plusieurs principes directeurs régissent l’imposition des mesures pour les cas d’inconduite au sein des services policiers, et de la GRC en particulier.

[370]  Premièrement, ayant établi les allégations 2, 3 et 4, le Comité doit prévoir, conformément à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC et au paragraphe 24(2) des CC (déontologie), des mesures adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du Code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives.

[371]  Deuxièmement, le cadre pour déterminer les mesures appropriées à prendre dans un cas particulier exige que le comité de déontologie examine d’abord l’éventail des mesures pouvant s’appliquer à l’inconduite établie, puis prenne en considération les facteurs aggravants et atténuants; ce n’est qu’après que le comité détermine les mesures à imposer dans l’affaire dont il est saisie.

[372]  Troisièmement, un comité de déontologie n’est pas lié par les décisions antérieures rendues par d’autres comités d’arbitrage ou de déontologie, mais lorsqu’elles sont de nature similaire, elles aident à établir l’éventail des mesures applicables à l’inconduite constatée, le principe de cohérence dans l’imposition des mesures étant de garantir l’équité et de traiter de façon similaire les types d’inconduite similaires.

[373]  Quatrièmement, le Guide des mesures offre des orientations quant aux points à prendre en considération au moment d’imposer des mesures, mais il ne s’agit que d’un guide; il n’est ni exécutoire ni déterminant, et il n’aborde pas nécessairement toutes les formes ou catégories d’inconduite possibles, ou leurs sous-groupes.

[374]  Cinquièmement, les facteurs aggravants sont généralement ceux qui se situent au-delà des éléments essentiels de l’inconduite elle-même (figurant normalement dans l’allégation ou les détails connexes ou déterminés par un comité de déontologie) (Commandant de la Division J et gendarme Cormier, 2016, B.C.S.C. 2, paragraphe 89).

[375]  Sixièmement, les policiers occupent des postes de confiance et sont tenus à des normes de comportement plus élevées (arrêt White).

[376]  En examinant le deuxième ensemble d’observations, la deuxième réplique et la deuxième réfutation, le Comité a estimé que dans certains cas, une analyse plus approfondie de l’application des décisions dans le contexte de la présente affaire aurait dû être fournie.

[377]  Le deuxième ensemble d’observations semble demander une sanction globale de congédiement, alors que la deuxième réplique soutient que certaines mesures globales, autres que le congédiement, sont suffisantes pour traiter les allégations 2, 3 et 4.

[378]  La deuxième réfutation continue de mettre l’accent sur une demande globale de congédiement, mais se conclut finalement par la proposition de mesures de rechange pour les allégations 2, 3 et 4 advenant le cas où un congédiement n’est pas imposé.

[379]  La deuxième réfutation et la deuxième réplique semblent arriver au consensus que l’allégation 2 (négligence) appelle des mesures liées aux cas graves (pénalité de 9 à 30 jours) et que l’allégation 3 (omission de se conformer à des directives) appelle également des mesures liées aux cas graves (pénalité de 11 jours au congédiement), et ce, conformément au Guide des mesures.

[380]  Comme il est brièvement mentionné plus haut, d’après l’expérience du Comité, la DRAD a tendance à essayer de décomposer les cas d’inconduite présumée d’un membre en autant de contraventions distinctes ou techniques potentielles que possible, ce qui donne lieu à des avis d’audience disciplinaire comportant de multiples allégations semées de détails répétitifs qui ne distinguent une contravention présumée d’une autre que par un seul paragraphe ou une seule tournure de phrase : les allégations figurant dans l’avis en l’espèce reflètent, dans une large mesure, cette approche.

[381]  En effet, avant d’être retirée, l’allégation 5 était une simple compilation des mêmes énoncés et détails contenus dans les allégations 1, 2, 3 et 4, avec comme distinction une conduite déshonorante.

[382]  En outre, l’allégation 1, même si elle n’a pas été établie, n’était qu’un élément de l’omission continue du membre visé de réaliser une enquête qui a été décortiquée plus avant dans les allégations 2 et 3, bien qu’elle ait formulée techniquement de manière à justifier des délits distincts, et ces allégations auraient dû être traitées comme des éléments constitutifs ou des détails de la négligence dans le cadre d’une seule allégation plutôt que de trois.

[383]  Dans le domaine pénal, cela est communément appelé « abus d’accusations », et plutôt que de chercher à établir des distinctions techniques ou artificielles pour justifier des allégations multiples, la DRAD devrait examiner la nature et les circonstances plus générales de l’inconduite et, lorsqu’elles font partie d’un événement ou d’une situation essentiellement unique, formuler les contraventions en conséquence.

[384]  En termes simples, dans le contexte de la négligence associée aux circonstances de la présente affaire, il aurait mieux valu que la DRAD établisse une seule allégation précisant les éléments de l’omission d’ouvrir un dossier, de l’omission de réaliser une enquête et de l’omission de se conformer à des directives, ce qui aurait été plus conforme à l’obligation de veiller à ce que justice soit faite, plutôt que de tenter de justifier de multiples allégations visant les mêmes circonstances, vraisemblablement pour amplifier l’affaire en vue de demander un congédiement.

[385]  Même si, pour des raisons purement techniques, le Comité n’a pas conclu dans le cadre de la détermination du bien-fondé qu’il y avait eu contravention de la règle interdisant les allégations multiples pour une même inconduite, il considère, aux fins de l’établissement des mesures, que les allégations 2 et 3 font partie des circonstances en cause dans cette affaire et que celles-ci ne justifient pas que des mesures au niveau le plus élevé soient imposées individuellement comme si elles avaient eu lieu de façon totalement isolée

[386]  L’allégation 2 est au coeur de l’inconduite liée à l’omission d’enquêter sur l’information fournie par les SEF, et comme il est souligné dans la deuxième réplique, l’allégation 3, aux fins de la détermination des mesures appropriées, est interreliée et porte sur la même période et la même situation de négligence générale exposée dans le dossier.

[387]  Quant aux facteurs aggravants, l’adolescente est considérée à juste titre comme une personne vulnérable, et le défaut du membre visé de réaliser une enquête est grave.

[388]  Cependant, on n’aborde pas dans le deuxième appel et la deuxième réfutation le fait que les SEF ont participé activement à la prise de mesures visant à protéger l’adolescente et ont, en fait, mis en place un cadre pour assurer cette protection, ce qui réduit dans une certaine mesure l’élément aggravant dans cette circonstance précise, caractéristique qui est absente de certaines décisions invoquées dans le deuxième appel relativement à l’omission de réaliser une enquête.

[389]  Le fait que l’information communiquée par les SEF concernant de possibles infractions criminelles commises par l’oncle constitue également un facteur aggravant, tout comme le fait que le membre visé n’ait pas pris de mesures concrètes pendant plus de 45 jours.

[390]  Même si la deuxième réplique a raison d’affirmer qu’il n’y a pas de preuve directe que la réputation de la GRC en général, ou sa réputation auprès des SEF en particulier, a été ternie ou entachée, le simple fait que les circonstances ne soient pas connues du grand public n’empêche pas qu’une personne raisonnable estimerait que les actes du membre visé ont porté atteinte à la réputation de la GRC, tout au moins suffisamment pour être considérés comme un facteur aggravant.

[391]  En effet, lorsqu’on a questionné Mme Sutherland, une employée des SEF, celle-ci a déclaré qu’elle aurait été « choquée » si la GRC n’avait pas assuré un suivi auprès de l’adolescente ou de sa famille (B53).

[392]  Bien que la décision McNeil présente un facteur aggravant, en l’espèce, il ne s’agit pas d’un élément de grand poids ainsi que l’a souligné le comité dans l’affaire Goodyer (au paragraphe 428), car un certain fardeau administratif accompagne en réalité l’obligation légale pour le membre visé et la GRC de divulguer l’inconduite et les mesures connexes, ce qui peut quelque peu limiter, pendant un certain temps, la possibilité d’obtenir des mutations ou certains postes.

[393]  En ce qui a trait aux facteurs atténuants, il est clair d’après les lettres de référence et les rapports de rendement que le membre visé a été un employé productif et a exercé une influence positive durant sa période de service (environ 11 ans au moment de la suspension), et qu’il n’a fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire ou mesure de déontologie par le passé.

[394]  Bien que le membre visé ait accepté dans une certaine mesure la responsabilité des événements qui se sont produits, cela est quelque peu contestable puisque, jusqu’au moment où il a présenté ses excuses, il estimait qu’il s’agissait davantage d’un malentendu ou d’une omission de sa part de poser les bonnes questions ou suffisamment de questions, ce qui ne correspond pas tout à fait aux conclusions du Comité.

[395]  En d’autres termes, bien que les excuses présentées au Comité, qui étaient sincères, constituent un facteur atténuant, le Comité n’accepte pas entièrement les explications du membre visé, car il estime que celui-ci a fait preuve d’un certain manque de conscience ou de responsabilisation.

[396]  Cependant, il ne fait aucun doute que le membre visé éprouve des remords et reconnaît ses manquements dans ce dossier, et qu’il souhaite réellement avoir la possibilité de continuer à servir la GRC et le public.

[397]  Le Comité n’accepte pas comme facteur atténuant l’affirmation contenue de la deuxième réplique selon laquelle le détachement était en sous-effectif et comptait un volume élevé d’appels, ce qui aurait entraîné une « pression énorme » et, explicitement ou implicitement, aurait conduit le membre visé à prendre de mauvaises décisions ou à commettre des erreurs.

[398]  Même si un superviseur mentionne brièvement le niveau des effectifs au détachement dans l’un des rapports de rendement, cela ne permet pas de conclure qu’il s’agit d’un facteur atténuant dans les circonstances propres au membre visé qui sont soulevées dans les allégations.

[399]  Il ne fait aucun doute que le manque de personnel et le volume d’appels peuvent être des facteurs atténuants et, bien que ces éléments aient pu être présents, il n’est pas suffisant que la deuxième réplique fasse ces affirmations sans aucune forme de preuve, laquelle ne doit pas nécessairement être très officielle, et les lient de façon raisonnable à la conduite du membre visé.

[400]  D’autre part, bien que la question n’ait pas été abordée dans les observations, le Comité estime que la supervision du dossier dans cette affaire n’a pas été très rigoureuse, et il a du mal à comprendre pourquoi le caporal Robb, sachant qu’il y avait eu des problèmes concernant l’ouverture d’un dossier SIRP dans un premier temps et que le membre visé avait apparemment tenté de fermer le dossier initialement sans mener d’enquête, ne s’est pas intéressé de plus près aux actions du membre visé pendant la période de 45 jours où ce dernier était chargé du dossier (par exemple en inscrivant de brèves notes dans son carnet ou en lui demandant des mises à jour), et a accepté, sans poser de questions, les observations faites par le membre visé dans la troisième entrée (et le résumé), malgré les renseignements précis fournis dans le courriel.

[401]  Bien qu’il ne s’agisse pas d’un facteur atténuant important dans la présente affaire, le manque de supervision est un élément qui a été pris en compte, quoique de façon limitée, par le Comité.

[402]  En ce qui concerne la lettre d’excuses, le Comité en a pris note dans le contexte des facteurs atténuants et n’est pas d’avis qu’elle devrait n’avoir aucun poids ou être rayée du dossier comme il est suggéré dans la deuxième réfutation, car le membre visé ne devrait pas être pénalisé, ni se voir accorder de crédit, pour avoir tenté de s’amender; il lui est toutefois interdit de le faire en raison des conditions qui lui ont été imposées dans le cadre de sa suspension ou d’autres mesures.

[403]  Dans la décision Swain, même si le membre avait déjà fait l’objet de mesures disciplinaires pour la même inconduite, le comité d’arbitrage a accepté une proposition conjointe et a imposé une réprimande et une pénalité financière équivalente à sept jours. Après avoir recueilli une première déclaration enregistrée de la plaignante, le membre avait omis d’enquêter sur une plainte portant sur des attouchements sexuels commis sur une jeune fille de 17 ans par un collègue dans une entreprise locale, et n’avait pas ouvert de dossier. Le dossier a ensuite fait l’objet d’une enquête et des accusations criminelles ont été déposées, mais celles-ci ont été retirées lorsque l’accusé a souscrit à un engagement de ne pas troubler l’ordre public.

[404]  En y regardant de plus près, le comité d’arbitrage chargé de l’affaire Swain s’est demandé si le comportement constituait en fait une conduite déshonorante plutôt qu’un rendement insatisfaisant, et après analyse, il a finalement conclu que le comportement était suffisamment grave pour justifier un examen disciplinaire.

[405]  Bien qu’elle découle d’une proposition conjointe, la décision Swain porte sans doute sur une conduite plus grave étant donné qu’il n’y a pas eu d’intervention d’une agence externe (comme les SEF) pour protéger la personne plaignante, dont le niveau de vulnérabilité était quelque peu atténué par le fait que l’accusé était un collègue de travail (et non un membre de la famille), et qu’il s’agissait de la deuxième contravention du membre pour la même forme d’inconduite.

[406]  Dans l’affaire Poapst, après la tenue d’une audience contestée et la présentation d’observations concernant la sanction, le comité d’arbitrage a imposé une réprimande et une pénalité financière de trois jours au membre, qui n’avait pas enquêté de façon appropriée sur une plainte de violence conjugale (qui comportait vraisemblablement un élément d’agression sexuelle compte tenu que la plaignante avait été forcée de se déshabiller et de sortir nue de la maison), plainte qui a par la suite fait l’objet d’une enquête par un autre membre et a mené au dépôt d’accusations criminelles contre le suspect.

[407]  La décision d’appel rendue par le commissaire dans l’affaire Lawless a confirmé le bien-fondé de sept allégations formulées contre le membre concernant de multiples incidents où celui-ci avait sciemment négligé des dossiers ou des tâches, ou n’y avait pas accordé une attention suffisante (dont une enquête sur un accident ayant causé des blessures graves); avait sciemment ou délibérément fait de fausses déclarations; et avait utilisé un ordinateur de façon inappropriée.

[408]  Toutefois, le commissaire a imposé une pénalité financière de 18 jours ainsi que d’autres mesures car la preuve significative de l’existence de facteurs de stress personnels dans les circonstances propres au membre l’a fortement influencé et l’a mené à conclure qu’il y avait des raisons de croire que le membre pouvait être réhabilité.

[409]  Comme en l’espèce, les affaires Lawless, Swain et Poapst visaient des enquêtes qui étaient assujetties à des politiques énonçant clairement les obligations et les exigences auxquelles les membres devaient se conformer en matière d’enquête, mais aucune d’entre elles n’a donné lieu à un congédiement.

[410]  Le deuxième ensemble d’observations s’appuie également sur la décision Hedderson pour faire valoir le facteur de vulnérabilité, mais celle-ci se distingue de l’affaire en cause pour diverses raisons, y compris le fait que la victime : 1) avait subi des actes de violence conjugale, commis dans un stationnement public; 2) avait des préoccupations pour sa sécurité, qui avaient été signalées; 3) savait que l’accusé était violent et impliqué dans le trafic de drogue; 4) vivait seule, avait des revenus modestes et se remettait d’une dépendance à la drogue; et 5) avait été l’objet d’un comportement menaçant de la part de l’accusé immédiatement après la mise en liberté de ce dernier, malgré les diverses conditions que lui avait imposées le tribunal pour protéger la victime.

[411]  Dans l’affaire Cull, en revanche, le comité de déontologie a imposé diverses pénalités financières allant de 1 à 21 jours (50 jours au total) au membre qui, en plus de s’être rendu coupable d’inconduite en proférant des menaces, a également omis, pendant plusieurs mois, d’enquêter adéquatement sur de multiples dossiers ou incidents (dont une urgence médicale, le vol d’un dossier médical, un accident de voiture impliquant un piéton, deux appels 911 dont les auteurs avaient raccroché sans avoir dit mot, des menaces impliquant un chauffeur de taxi, une plainte pour agression sexuelle et deux plaintes de violence conjugale).

[412]  Bien que les quelque huit dossiers de l’affaire Cull aient été traités dans le cadre d’une seule allégation et qu’une multitude de facteurs aggravants et atténuants étaient présents, le comité de déontologie a imposé au membre visé une perte de 21 jours de salaire pour avoir omis de traiter adéquatement une plainte d’agression sexuelle, dont 15 jours pour ne pas avoir recueilli la déclaration du suspect, 1 jour pour avoir reporté sa date d’échéance et 5 jours pour avoir approuvé ses propres tâches et fermé le dossier lui-même, même s’il avait effectué une première entrevue avec la plaignante.

[413]  Compte tenu des circonstances, des facteurs aggravants et atténuants, ainsi que du Guide des mesures et des décisions antérieures, le Comité conclut que la conduite du membre visé, en ce qui concerne l’allégation 2, s’inscrit dans le registre des cas graves et lui impose une réprimande, l’obligation de travailler sous étroite supervision pendant un an, ainsi qu’une pénalité financière consistant en une confiscation de la solde pour une période de 25 jours.

[414]  En ce qui a trait à l’allégation 3, le deuxième ensemble d’observations et la deuxième réfutation s’appuient essentiellement sur les mêmes facteurs aggravants, soit que l’adolescente était vulnérable et à risque et qu’une enquête a été compromise, et sur les décisions rendues dans les affaires Goodyer et Jenkins.

[415]  Dans l’affaire Goodyer, le comité de déontologie a imposé une pénalité financière de 20 jours (et le congédiement pour une autre allégation); cette affaire se distingue par le fait que le membre a désobéi à deux occasions à l’ordre direct de ne pas avoir de contact avec une certaine personne, et qu’il a usé de nombreux subterfuges et a menti pour cacher le fait qu’il avait contrevenu à cet ordre.

[416]  Le comité de déontologie chargé de l’affaire Jenkins, après avoir conclu que quatre allégations de conduite déshonorante de la part d’un instructeur de la Division Dépôt avaient été établies (non-respect d’une directive, conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel, fausse déclaration), a imposé un certain nombre de mesures financières et d’autres mesures, dont une pénalité financière de 10 jours pour le non-respect d’une directive figurant dans une lettre d’attentes l’enjoignant à ne pas avoir de relations personnelles avec des cadets.

[417]  Le comité de déontologie chargé de l’affaire Jenkins a finalement conclu que l’inaptitude du membre à demeurer membre de la GRC n’avait pas été établie, soulignant que les mesures correctives et de réhabilitation l’emportaient sur les mesures punitives, lorsqu’approprié.

[418]  Dans la présente affaire, bien que des directives aient été données sous la forme de tâches ECE, le superviseur savait que le membre visé n’avait accompli aucune de ces tâches pendant une période d’environ 45 jours, avant que le dossier ne soit fermé, et qu’une fois le dossier fermé, le membre visé n’avait démontré aucun intérêt manifeste ou actif à examiner d’un oeil critique la raison pour laquelle le courriel indiquant que l’oncle avait agi de manière inappropriée envers l’adolescente n’était plus exact, et que le membre visé affirmait maintenant que rien d’inapproprié ne s’était produit même si aucune enquête n’avait été menée et ce, d’après un appel téléphonique avec les SEF au cours duquel le changement de circonstances n’avait pas été abordé.

[419]  Étant donné le peu de renseignements contenus dans le dossier, et surtout dans la troisième entrée (ainsi que l’omission initiale d’ouvrir un dossier SIRP et la tentative prématurée du membre visé de fermer le dossier sans mener d’enquête, ce qui a en partie donné lieu aux directives et aux tâches ECE), un superviseur le moindrement intéressé aurait remis en question ce prétendu nouvel état des choses et n’aurait pas simplement fermé le dossier sans poser de questions, compte tenu particulièrement des circonstances.

[420]  Les observations s’entendent sur le fait que les mesures suggérées pour les cas graves (de 11 jours au congédiement) s’appliquent à l’allégation 3, mais le Comité est également disposé à considérer les mesures liées aux cas ordinaires (de 2 à 10 jours), principalement parce que les facteurs aggravants et atténuants dont il est ici question sont les mêmes que ceux examinés dans le cadre de l’allégation 2, et qu’il semble disproportionné d’augmenter le nombre de mesures ou d’imposer des mesures plus sévères pour les mêmes raisons ou facteurs mentionnés dans l’allégation 2 (ce qui ne fait que souligner davantage les difficultés de traiter plusieurs allégations découlant des mêmes circonstances).

[421]  À cet égard, le Comité a tenu compte du fait que la conduite du membre visé, bien que constituant un mépris flagrant des directives, ne concernait qu’un seul incident, ne s’était pas répétée ou n’était pas habituelle, et ne s’élevait pas au rang d’un outrage (comme dans l’affaire Goodyer).

[422]  Le Comité a également accordé un poids considérable au bon rendement et aux contributions positives du membre visé qui sont décrits dans ses lettres de référence et ses rapports de rendement, lesquels confirment les apports positifs du membre visé et le succès de ses enquêtes au cours des quelque dix dernières années, ainsi que le fait que les allégations 2 et 3 ne font pas partie d’un problème de rendement et de conduite récurrent de la part du membre visé.

[423]  Le Comité estime que les sanctions s’appliquant à l’allégation 3 vont d’une pénalité financière de deux jours au congédiement, conformément au Guide des mesures et aux décisions antérieures, et que dans la présente affaire, une réprimande et une confiscation de cinq jours de solde sont justifiées à la lumière des mesures imposées pour l’allégation 2.

[424]  Bien que l’allégation 4 fasse aussi partie du contexte factuel entourant l’omission continue du membre visé de réaliser une enquête, que le Comité a déjà abordé, elle fait à juste titre l’objet d’une allégation distincte car elle concerne le fait d’avoir fourni des renseignements faux ou trompeurs, ce qui place certains éléments et considérations au-delà de la simple négligence de réaliser une enquête, quoiqu’elle repose sur les mêmes circonstances générales du dossier.

[425]  Comme indiqué dans le deuxième ensemble d’observations, le Comité a conclu que le membre visé savait que la troisième entrée était inexacte ou trompeuse, ou encore que le membre visé avait fait preuve d’une grave négligence, imprudence ou insouciance par rapport à la troisième entrée.

[426]  Dans le deuxième ensemble d’observations, on affirme que les mesures appropriées sont celles qui s’appliquent aux cas ordinaires (de 30 jours au congédiement), tandis que dans la deuxième réplique, on affirme que ce sont celles qui s’appliquent aux cas mineurs (de 11 à 28 jours).

[427]  Selon le deuxième ensemble d’observations, les mesures appropriées sont celles qui s’appliquent aux cas ordinaires, compte tenu de la gravité des agissements présumés de l’oncle, de la vulnérabilité de l’adolescente et de la fermeture du dossier alors que des accusations criminelles auraient dû être portées, ce qui élève le niveau des mesures requises.

[428]  Le Comité est quelque peu préoccupé par l’absence d’analyse dans le deuxième ensemble d’observations concernant les circonstances de l’affaire, qui s’appuie sur la décision Rasmussen pour affirmer que le congédiement est justifié, en se fondant simplement sur une citation concernant le devoir des agents de police de produire des rapports adéquats et sur le facteur aggravant de la perte de confiance du public.

[429]  En y regardant de plus près, la décision Rasmussen comprenait l’établissement de sept allégations, notamment celles voulant que le membre ait omis de traiter une arme à feu (qu’il a gardée pour lui) dans le cadre d’un programme d’amnistie et ait fourni un rapport de police trompeur pour dissimuler ses actes, ce qui constituait également une infraction en vertu du Code criminel (possession d’une arme à feu prohibée sans certificat d’enregistrement valide) et a par ailleurs fait l’objet d’une condamnation par un tribunal provincial.

[430]  L’affaire Rasmussen comprenait également un deuxième incident de conservation d’une arme à feu pour usage personnel et de faux rapport.

[431]  Comme l’a indiqué le comité de déontologie chargé de l’affaire Rasmussen, la conduite du membre visé n’était pas isolée et ne constituait pas une erreur de jugement inhabituelle; elle relevait plutôt d’un comportement récurrent consistant à utiliser le rôle de policier pour en tirer des avantages et à dissimuler des actes professionnels et criminels inappropriés au moyen de rapports faux et trompeurs.

[432]  Le Comité estime que la décision MacNeil n’a pas d’application significative dans le cadre de la présente affaire, contrairement à ce qui est suggéré dans la deuxième réplique, car le caporal Robb ne savait pas en fait que l’information fournie par le membre visé dans la troisième entrée était inexacte ou trompeuse, et bien qu’on puisse affirmer que l’inexactitude de la troisième entrée relève d’une négligence grave, le superviseur ignorait encore que la description des circonstances était inexacte.

[433]  Dans l’affaire MacNeil, une contravention concernant la divulgation inappropriée de renseignements et une autre concernant la communication de renseignements inexacts ont été établies. En 2013, le membre visé avait déjà fait l’objet d’une sanction pour deux incidents de manquement au devoir, et le comité de déontologie avait accepté la proposition conjointe consistant à imposer une réprimande, une pénalité financière de 11 jours (1 jour pour la divulgation de renseignements et 10 jours pour la communication de renseignements inexacts) et une mutation.

[434]  Dans le deuxième ensemble d’observations, on demande au Comité d’envisager le congédiement du membre visé en raison de son manque d’honnêteté et d’intégrité. La principale décision invoquée pour appuyer ce facteur aggravant est la décision rendue dans l’affaire Edwards, dans laquelle le comité d’arbitrage a conclu que quatre allégations de conduite scandaleuse et deux allégations de déclarations fausses ou trompeuses comprenant plusieurs incidents où le membre visé avait menti et fourni de faux renseignements à divers superviseurs et agents de police ainsi que dans des documents ou rapports officiels (y compris au sujet de la conduite d’un véhicule de la GRC utilisé sans autorisation à des fins personnelles qui a été impliqué dans un accident) étaient établies, et a accepté et imposé une proposition commune de mesures consistant, entre autres, en des réprimandes et des pénalités financières (totalisant 44 jours).

[435]  En bout de compte, le Comité ne considère pas, d’après l’information fournie dans la deuxième réplique, que le membre visé a répudié son contrat de travail (décision Ennis) et que la confiance de la GRC a été à ce point minée qu’un congédiement est justifié (décision Lemoine).

[436]  Bien que s’approchant de la limite proverbiale, le Comité a déterminé, en l’espèce, que le congédiement n’est pas une mesure appropriée et que le membre visé devrait se voir accorder une deuxième chance en raison du bon rendement constant dont il a fait preuve au cours des 10 à 12 dernières années; cela correspond à une approche corrective proportionnelle et permet en outre de protéger et d’équilibrer les intérêts de l’organisation et du public.

[437]  Compte tenu des considérations qui précèdent, le Comité impose, pour l’allégation 4, une réprimande, une confiscation de la solde pour une période de 30 jours, l’inadmissibilité à un rôle ou à un poste de supervision pour une période d’un an et l’inadmissibilité à toute promotion pour une période d’un an.

[438]  Bien que la deuxième réfutation propose une période de trois ans d’inadmissibilité à toute promotion et que la deuxième réplique propose une période de deux ans, le Comité est conscient du fait que le membre visé fait l’objet d’une suspension depuis le 12 juillet 2018 ou aux alentours de cette date, période pendant laquelle il n’était pas été admissible à une promotion; tenant compte de cette période d’environ 18 mois, le Comité considère qu’une période d’inadmissibilité de 12 mois est appropriée, d’autant plus qu’elle correspond à la période de supervision étroite de 12 mois imposée pour l’allégation 2 et à l’inadmissibilité à un rôle ou à un poste de supervision pendant une période d’un an.

[439]  Dans la présente affaire, deux éléments ont préservé, au final, l’emploi du membre visé : premièrement, ce dernier a des antécédents professionnels importants et positifs, et deuxièmement, les SEF sont intervenus et ont protégé l’adolescente. En l’absence d’un de ces facteurs, le Comité aurait congédié le membre visé.

[440]  Il n’est pas certain que l’autorité disciplinaire connaissait les antécédents professionnels du membre visé, en particulier ses rapports de rendement, car ceux-ci auraient fourni de l’information précieuse qui aurait permis de déterminer si l’affaire devait être renvoyée devant un comité compte tenu du rendement positif du membre visé au sein de deux divisions et de trois détachements au cours des 10 à 12 dernières années, ce qui aurait dû être pris en considération pour traiter l’affaire, surtout étant donné le large éventail de mesures dont disposent les autorités disciplinaires, aux termes des CC (déontologie), pour traiter les cas d’inconduite.

6. Conclusion

[441]  En résumé, le Comité impose les mesures suivantes :

Allégation 2 :

Une réprimande, l’obligation de travailler sous étroite supervision pendant un an et une confiscation de la solde pour une période de 25 jours.

Allégation 3 :

Une réprimande et une confiscation de la solde pour une période de cinq jours.

Allégation 4 :

Une réprimande, l’inadmissibilité à un poste ou à un rôle de supervision pendant un an, l’inadmissibilité à toute promotion pour une période d’un an et une confiscation de la solde pour une période de 30 jours.

[442]  L’autorité disciplinaire doit faire le nécessaire pour exécuter les mesures imposées par le Comité, notamment aviser la section de la rémunération de la Division K et/ou la Caisse fiduciaire de bienfaisance.

[443]  En ce qui concerne la lettre d’excuses, le Comité n’est pas disposé à ordonner qu’elle soit transmise à l’adolescente ou à sa famille, car une telle directive nécessiterait que l’adolescente ait une compréhension claire des répercussions possibles de cette démarche. Par conséquent, le Comité demande que l’autorité disciplinaire, par l’intermédiaire du RAC et en consultation avec la RM, collabore avec le détachement pour déterminer s’il serait approprié de transmettre la lettre d’excuses à l’adolescente et à sa famille et, dans l’affirmative, que la lettre d’excuses leur soit communiquée.

[444]  Le membre visé est informé que les décisions rendues par un comité de déontologie sont accessibles au public et qu’il ne sera informé d’aucune demande relative à la présente décision.

[445]  Conformément au paragraphe 25 (2) des CC (déontologie), la présente décision prendra effet au moment où une copie de celle-ci sera signifiée au membre visé et à l’autorité disciplinaire, c’est-à-dire lorsque la RM et le RAC en auront respectivement reçu une copie électronique (chaque partie ayant renoncé à la signification à personne et ayant accepté que la décision soit signifiée aux représentants par voie électronique).

[446]  Le présent compte rendu de décision constitue la décision définitive du Comité, et le membre visé ou l’autorité disciplinaire peut faire appel de la décision ainsi que le prévoit la Loi sur la GRC.

 

24 décembre 2019

Craig S. MacMillan

Commissaire adjoint

Comité de déontologie

 

Date

 



[1] Sauf indication contraire, les numéros de page des citations et des renvois se rapportent aux éléments énumérés dans le rapport d’enquête lié au Code de déontologie daté du 6 septembre 2018 (« le rapport de déontologie ») et aux renseignements supplémentaires contenus dans un classeur daté du 6 septembre 2018, ou encore aux observations, à la décision juridique, à l’autorité disciplinaire ou aux documents soumis par les représentants et auxquels il est fait référence à cet endroit précis de la décision. Par souci de clarté, les citations tirées du rapport de déontologie seront indiquées par le numéro de page et celles tirées du classeur porteront la mention « B » suivie du numéro de page.

[2] L’allégation 2 contenue dans l’avis citait initialement l’article 4.1 (défaut de se présenter au travail), mais la RM a consenti à ce que l’allégation soit modifiée afin de remplacer l’article 4.1 par l’article 4.2 (négligence).

[3] Les numéros de page font référence à la réponse écrite du membre visé.

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