Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le gendarme Bigras faisait à une allégation en vertu de l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC. Il avait été allégué qu’il avait employé plus de force que ce qui était raisonnablement nécessaire durant l’arrestation de Monsieur M. L’arrestation a été effectuée en collaboration avec des membres du Service de police d’Edmonton après que Monsieur M. eût tenté d’échapper aux membres des deux services de police pendant plus d’une heure. Monsieur M. a subi des blessures durant son arrestation.
Le gendarme Bigras avait été initialement visé par une deuxième allégation, cette fois en vertu de l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC. Les représentants de l’autorité disciplinaire ont toutefois retiré cette allégation avant l’audience.
L’allégation 1 a été établie selon la prépondérance des probabilités. Bien que le Comité de déontologie ait déterminé que le gendarme Bigras avait employé plus de force que ce qui était raisonnablement nécessaire durant l’arrestation de Monsieur M., il n’a pas conclu que les blessures subies par Monsieur M. pouvaient être attribuables aux actions du gendarme Bigras. Le Comité de déontologie a imposé une pénalité financière de douze jours de solde à déduire de la paie du gendarme Bigras.

Contenu de la décision

Protégé A

2020 DAD 02

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une

audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre

le commandant de la Division K

l’autorité disciplinaire

et

le gendarme Simon Bigras, numéro de matricule 49566

le membre visé

Décision du Comité de déontologie

Christine Sakiris

28 février 2020

S.é.-m. Jonathan Hart et M. Jordan Levis-Leduc, représentants de l’autorité disciplinaire

Serg. Joel Welch, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRE

RÉSUMÉ 4

INTRODUCTION 5

ALLÉGATION 6

Critères applicables pour la prise d’une décision concernant l’allégation 8

PREUVE  13

Événements ayant mené à l’arrestation  13

Blessures subies par Monsieur M.  17

Opinion d’experts  18

Examen de l’incident  18

Rapports médicaux d’experts 19

DÉCISION AU SUJET DE L’ALLÉGATION  21

Identité et agissements du gendarme Bigras  21

Est-ce que le recours à la force était nécessaire dans les circonstances?  21

Le gendarme Bigras a-t-il agi dans l’exercice ou dans le cadre de ses fonctions?  22

Le gendarme Bigras a-t-il agi en s’appuyant sur des motifs raisonnables lors de l’arrestation de Monsieur M.?  22

Le gendarme Bigras a-t-il employé une force excessive durant l’arrestation de Monsieur M.?  22

Les agissements du gendarme Bigras ont-ils été la cause des blessures de Monsieur M.?  26

Conclusion  27

MESURES DISCIPLINAIRES  28

Portée des mesures disciplinaires  29

Facteurs aggravants  29

Facteurs atténuants  30

CONCLUSION  31

RÉSUMÉ

Le gendarme Bigras faisait à une allégation en vertu de l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC. Il avait été allégué qu’il avait employé plus de force que ce qui était raisonnablement nécessaire durant l’arrestation de Monsieur M. L’arrestation a été effectuée en collaboration avec des membres du Service de police d’Edmonton après que Monsieur M. eût tenté d’échapper aux membres des deux services de police pendant plus d’une heure. Monsieur M. a subi des blessures durant son arrestation.

Le gendarme Bigras avait été initialement visé par une deuxième allégation, cette fois en vertu de l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC. Les représentants de l’autorité disciplinaire ont toutefois retiré cette allégation avant l’audience.

L’allégation 1 a été établie selon la prépondérance des probabilités. Bien que le Comité de déontologie ait déterminé que le gendarme Bigras avait employé plus de force que ce qui était raisonnablement nécessaire durant l’arrestation de Monsieur M., il n’a pas conclu que les blessures subies par Monsieur M. pouvaient être attribuables aux actions du gendarme Bigras. Le Comité de déontologie a imposé une pénalité financière de douze jours de solde à déduire de la paie du gendarme Bigras.


INTRODUCTION

[1]  Le 20 juillet 2018, le commandant divisionnaire et autorité disciplinaire de la Division K (l’autorité disciplinaire) a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 30 juillet 2018, j’ai été désignée « Comité de déontologie » au titre du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC].

[2]  Le 20 janvier 2019, l’Avis d’audience disciplinaire (l’Avis) contenant deux allégations a été signifié au gendarme Bigras avec la trousse d’enquête. Selon la première allégation, le gendarme Bigras avait employé plus de force que ce qui était raisonnablement nécessaire durant l’arrestation de Monsieur M., en contravention de l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC. Selon la deuxième allégation, le gendarme Bigras avait fourni un compte rendu incomplet ou inexact de ses agissements, en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie.

[3]  Le 15 mars 2019, le gendarme Bigras a déposé sa réponse à l’Avis, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291.

[4]  Comme l’exige le processus, j’ai examiné une copie de l’Avis, le rapport d’enquête et les documents connexes, la réponse du gendarme Bigras et toute autre documentation additionnelle admise durant les conférences préparatoires. Ces documents incluent les séquences vidéo captées par le système FLIR (détecteur infrarouge à balayage frontal) de l’hélicoptère Air 1 du Service de police d’Edmonton (SPE) ainsi que les rapports médicaux d’experts obtenus par les deux parties. Tous ces documents sont appelés collectivement « le dossier ».

[5]  L’audience dans cette affaire devait avoir lieu le 7 octobre 2019, mais il a fallu la reporter en raison de circonstances urgentes et imprévisibles. Le 16 octobre 2019, j’ai fourni aux parties la Détermination des faits établis, qui présente mes conclusions de fait fondées sur mon examen du dossier. Je précise ici que je me suis appuyée sur la Détermination des faits établis pour tirer mes conclusions et pour déterminer les mesures disciplinaires à imposer. J’ai examiné la Détermination des faits établis avec le témoignage oral que j’ai entendu à l’audience.

[6]  À la conférence préparatoire du 29 octobre 2019, j’ai accueilli la demande des représentants de l’autorité disciplinaire de retirer l’allégation 2.

[7]  L’audience visant l’allégation 1 s’est déroulée du 16 au 18 décembre 2019 à Edmonton (Alberta). La décision de vive voix établissant l’allégation 1 a été rendue le 17 décembre 2019. La décision de vive voix concernant les mesures disciplinaires a été rendue par vidéoconférence le 10 janvier 2020. La présente décision écrite englobe et approfondit ces décisions rendues de vive voix.

ALLÉGATION

[8]  Comme je l’ai déjà mentionné, une seule allégation a été présentée au Comité de déontologie :

Allégation 1

Le 25 juillet 2017 ou vers cette date, à Strathcona County ou dans les environs, en Alberta, le [gendarme (gend.)] Simon Bigras, dans l’exercice de ses fonctions, a contrevenu à l’article 5.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada à l’endroit de [Monsieur M.].

Détails de l’Allégation 1

1. Au moment des faits, le gendarme Simon BIGRAS (le gend. Bigras) était membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et affecté au Détachement de Strathcona County (Alberta). Il était maître-chien aux Services cynophiles de la GRC.

2. Le soir du 25 juillet 2017, dans le cadre du dossier no 2017-972404, des membres de la GRC, en collaboration avec des membres du Service de police d’Edmonton, ont pris part à la poursuite d’un véhicule volé (le véhicule), au volant duquel se trouvait un homme qui a par la suite été identifié comme étant [Monsieur M.]. Le véhicule aurait contenu des armes à feu au moment où il a été volé.

3. Les efforts déployés par les policiers qui sont intervenus, y compris le gend. Bigras, ont donné lieu à l’arrêt complet du véhicule dans une cour privée de Strathcona County.

4. [Monsieur M.] a ouvert la portière du véhicule, est sorti avec les mains au-dessus de la tête en disant « je me rends, je me rends » ou une autre formule semblable. Ensuite, de son propre chef, il s’est étendu à plat ventre au sol et s’est mis les mains derrière le dos.

5. À ce moment-là, [Monsieur M.] n’avait aucune blessure physique.

6. Le gend. Bigras, dont le véhicule de la GRC était immobilisé à un angle à quelques pieds devant le véhicule de [Monsieur M.], est sorti dudit véhicule et s’est dirigé vers l’endroit où se trouvait [Monsieur M.] en contournant le véhicule immobilisé.

7. Dans son Rapport de cas des Services cynophiles, le gend. Bigras a écrit qu’il [TRADUCTION] « a vu la portière du côté conducteur s’ouvrir et le conducteur sortir du véhicule », ajoutant qu’il [TRADUCTION] « est lui- même sorti de [son] véhicule, a couru vers la portière ouverte de la camionnette et a alors vu que le conducteur s’était mis à plat ventre au sol, les mains derrière le dos ».

8. À ce moment-là, le gend. Bigras n’avait aucune option d’intervention en main et avait laissé son chien dans son véhicule.

9. Tandis que le gend. Bigras s’approchait de [Monsieur M.], un autre policier s’en approchait également tout en pointant son arme à feu sur [Monsieur M.] ou vers l’endroit où il se trouvait.

10. Le gend. Bigras s’est approché par la droite de [Monsieur M.], toujours étendu à plat ventre, les mains derrière le dos, ne résistant pas à l’arrestation. Il a frappé [Monsieur M.] au visage et/ou au niveau de la partie supérieure du corps avec son pied.

11. La force utilisée par le gend. Bigras était si grande que tout le corps de [Monsieur M.] a bougé vers la gauche.

12. Étant donné le comportement de [Monsieur M.] à ce moment-là, le coup asséné par le gend. Bigras n’était ni raisonnable ni nécessaire, ce qui est allé à l’encontre de la politique et des normes de formation de la GRC.

13. Le gend. Bigras a ensuite mis son genou droit sur le dos de [Monsieur M.] pour lui passer les menottes. [Monsieur M.] ne résistait pas pendant qu’on le menottait.

14. Tandis qu’on menottait [Monsieur M.], plusieurs des policiers qui participaient à l’intervention sont arrivés sur les lieux et ont tenté d’aider le gend. Bigras à menotter Monsieur M.

15. Durant ces efforts, certains policiers ont aussi frappé [Monsieur M.].

16. Pendant l’arrestation, des blessures sont devenues visibles au visage de [Monsieur M.].

17. [Monsieur M.] a subi de multiples blessures durant son arrestation. Il a été admis à l’hôpital Royal Alexandra à Edmonton pour « traumatisme contondant majeur ».

18. La force excessive employée par le gend. Bigras a grandement contribué à blesser [Monsieur M.].

19. Le degré de force employé par le gend. Bigras va à l’encontre des principes généraux établis par la GRC pour guider les policiers au moment de déterminer si une situation nécessite le recours à la force et, le cas échéant, pour choisir le niveau approprié de force à employer afin d’assurer une application et une administration appropriées de la loi.

20. Les gestes posés par le gend. Bigras pourraient équivaloir à une infraction de voies de fait et/ou de voies de fait ayant causé des lésions corporelles.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

Critères applicables pour la prise d’une décision concernant l’allégation

[9]  Il incombe à l’autorité disciplinaire d’établir l’allégation selon la prépondérance des probabilités. Concrètement, cela signifie que l’autorité disciplinaire doit établir qu’il est plus probable que le contraire que le gendarme Bigras a contrevenu à l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC.

[10]  La Cour suprême du Canada a fait observer que pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités, la preuve doit toujours être claire et convaincante [1] . Toutefois, il n’y a pas de norme objective permettant de déterminer qu’elle l’est suffisamment. Le juge des faits doit rendre une décision compte tenu de l’ensemble de la preuve dont il est saisi [2] . Dans le cadre du processus d’audience disciplinaire de la GRC, l’ensemble de la preuve dont je dispose inclut le dossier, la preuve orale et les pièces reçues durant l’audience.

[11]  Il est depuis longtemps reconnu que [TRADUCTION] « le recours à la force par les policiers fait l’objet d’un contrôle judiciaire dans des affaires dont sont saisis les tribunaux » [3] . Dans l’exercice de ce contrôle, les tribunaux ont reconnu que les policiers sont appelés à prendre rapidement des décisions dans des circonstances difficiles, dangereuses et imprévisibles [4] . C’est la raison pour laquelle « une certaine latitude est laissée aux policiers » [5] .

[12]  La fonction de contrôle s’exerce dans les affaires pénales, civiles et administratives, comme les affaires de déontologie policière [6] . Dans chaque contexte, le geste soumis au contrôle est examiné sous un angle différent. Dans le contexte pénal, le policier pourrait être accusé de voies de fait ou de séquestration. Dans le contexte civil, il pourrait devoir répondre à une accusation de négligence ou d’atteinte directe à la personne assortie d’une allégation de voies de fait et/ou de coups et blessures. Dans le contexte de la déontologie policière à la GRC, l’infraction est prévue dans le Code de déontologie de la GRC.

[13]  Selon l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC, les « membres emploient seulement la force raisonnablement nécessaire selon les circonstances ».

[14]  Afin que l’allégation 1 soit établie, l’autorité disciplinaire doit prouver chacun des éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. l’identité du membre;
  2. les gestes posés par le membre ayant constitué le recours à la force;
  3. le recours à la force n’était pas raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

[15]  Les deux premiers éléments sont faciles à établir, mais le troisième est davantage nuancé.

[16]  Le représentant du membre a cité l’arrêt Nasogaluak de la Cour suprême du Canada en tant que source des principes directeurs pour évaluer si le recours à la force d’un policier était raisonnablement nécessaire dans les circonstances. La Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit, au paragraphe 32 de l’arrêt en question :

[…] dans l’exercice de leurs fonctions, les policiers ne possèdent pas le pouvoir illimité d’infliger des blessures à une personne. Bien que, dans certaines circonstances, il leur faille recourir à la force pour arrêter un délinquant ou l’empêcher de leur échapper, le degré de force permis demeure circonscrit par les principes de proportionnalité, de nécessité et de raisonnabilité.

[Caractère gras ajouté]

[17]  La question consiste donc à déterminer les facteurs à prendre en considération pour évaluer si ces principes ont été respectés. Comme il a été reconnu dans l’arrêt Nasogaluak, les contraintes applicables à l’emploi de la force par un policier sont « fermement ancrées dans notre tradition de common law et consacrées » par l’article 25 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46 [Code criminel] [7] .

[18]  Lorsque l’emploi de la force par un policier fait l’objet d’un examen, l’article 25 du Code criminel décrit les circonstances dans lesquelles ce recours à la force est justifié. Le paragraphe 25(1) du Code criminel est libellé comme suit :

Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

[19]  Je partage le point de vue du représentant du membre lorsqu’il dit que les comités de déontologie doivent prévenir l’importation en bloc des principes de justice criminelle dans le processus disciplinaire de la GRC. Toutefois, je suis d’avis qu’il existe trois éléments d’appui pour l’application de l’article 25 du Code criminel dans l’analyse de l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC.

[20]  D’abord, au moment d’interpréter la Loi sur la GRC et son règlement, je dois me pencher sur les politiques qui en appuient l’application. Bien qu’il ne s’agisse pas de documents de politique officiels et, par conséquent, qu’ils ne soient pas contraignants, le Code de déontologie annoté et le Guide des mesures disciplinaires éclairent l’interprétation de la Loi sur la GRC et de son règlement. Ces documents contiennent, au début, un mot du commissaire et du dirigeant de la Responsabilité professionnelle qui explique que ces documents visent à aider les membres à comprendre comment appliquer le Code de déontologie de la GRC. Ces deux documents font clairement référence à l’application des principes établis à l’article 25 du Code criminel.

[21]  Ensuite, il a été établi que l’article 25 du Code criminel s’appliquait dans des affaires de déontologie policière administratives [8] . Par conséquent, un membre qui fait face à une allégation de contravention à l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC et qui cherche à déterminer si la force qu’il a employée était justifiée peut s’y reporter. Je ne suis pas d’accord avec le représentant de l’autorité disciplinaire lorsqu’il dit que l’application de l’article 25 du Code criminel exige nécessairement que je détermine s’il y a bel et bien eu agression. Comme il est expliqué au paragraphe 12 des présentes, la contravention soumise au contrôle est examinée sous un angle différent selon le contexte (pénal, civil ou administratif). « Agression » n’est pas un élément constitutif de « l’infraction » dans aucun de ces contextes. L’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC n’exige pas d’un comité de déontologie qu’il établisse qu’une agression a eu lieu. Le libellé de l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC reflète les contraintes énoncées dans l’arrêt Nasogaluak. Il n’y a pas lieu pour moi de m’étendre sur sa portée.

[22]  Enfin, comme il est indiqué dans l’ouvrage Legal Aspects of Policing, il faut examiner la jurisprudence pénale et civile pour obtenir une [TRADUCTION] « analyse unifiée des principes ayant évolué » [9] dans la surveillance du recours à la force par la police. Par conséquent, la façon dont l’article 25 du Code criminel a été interprété dans la jurisprudence éclaire mon analyse. Il importe de noter qu’un grand nombre des facteurs exposés dans la jurisprudence présentée par les deux parties sont explicitement énoncés dans le Code de déontologie annoté et le Guide des mesures disciplinaires, et qu’ils se reflètent dans l’explication du Modèle d’intervention pour la gestion d’incidents (MIGI) dans le Rapport d’examen de l’incident. Il s’agit d’une attestation additionnelle de « l’analyse unifiée » mentionnée dans l’ouvrage Legal Aspects of Policing.

[23]  Je conclus que le gendarme Bigras peut se fonder sur l’article 25 du Code criminel afin d’établir que son recours à la force était justifié dans les circonstances. Pour ce faire, le gendarme Bigras doit établir chacun des éléments suivants, selon la prépondérance des probabilités [10] :

  1. Au moment des faits, il avait l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir un acte dans l’application ou l’exécution de la loi; en d’autres mots, il a agi dans le cadre de ses fonctions légitimes.
  2. Il a agi en s’appuyant sur des motifs raisonnables lorsqu’il a accompli cet acte.
  3. Il n’a pas eu recours à une force excessive. Ce troisième élément met l’accent sur le degré de force employé.

[24]  Mon évaluation doit être fondée sur l’ensemble des circonstances qui prévalaient au moment du recours à la force [11] . Beaucoup de facteurs doivent être pris en compte pour évaluer le degré de force employé. Ces facteurs, je les décris en détail dans mon analyse ci-dessous.

PREUVE

[25]  Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai fourni le 16 octobre 2019 une Détermination des faits établis examinée en même temps que le témoignage oral que j’ai entendu à l’audience. Le seul témoin présent à l’audience pour donner un témoignage oral était le gendarme Bigras.

[26]  Au moment d’évaluer le témoignage du gendarme Bigras, j’ai examiné si celui-ci avait été sincère et si son témoignage était fiable (c.-à-d. s’il pouvait comprendre et se rappeler précisément ce qu’il avait vu). Ce faisant, j’ai tenu compte de l’ensemble de la preuve. Je devais décider si le témoignage du gendarme Bigras était sincère ou non et s’il était fiable ou non. Toutefois, il est impossible de trouver un témoignage qui est à la fois mensonger et fiable [12] .

[27]  Le gendarme Bigras a longuement parlé de sa carrière à la GRC et de l’impact qu’a son travail sur sa santé personnelle et sur sa vie familiale. Il a exposé avec franchise et sans réserve les événements du 25 juillet 2017. Il a répondu aux questions de manière directe et n’a pas tenté de minimiser les faits qui lui ont été présentés. J’ai trouvé que son récit concordait, dans l’ensemble, avec les éléments de preuve figurant au dossier. Par conséquent, j’en ai conclu que son témoignage était crédible. Sauf en ce qui concerne deux éléments, que j’expliquerai plus en détail dans les présentes, j’ai estimé que son témoignage était fiable.

Événements ayant mené à l’arrestation

[28]  La preuve a établi qu’au moment des faits, le gendarme Bigras était membre de la GRC en poste au Détachement de Strathcona. Il était maître-chien aux Services cynophiles de la GRC.

[29]  Le soir du 25 juillet 2017, dans le cadre du dossier no 2017-972404, des membres de la GRC et du Service de police d’Edmonton (SPE) ont pris part à la poursuite d’un véhicule volé.

[30]  Le véhicule en question était une camionnette Dodge Ram rouge (la camionnette). Les policiers ne connaissaient pas, au départ, l’identité du conducteur de la camionnette. Ce n’est qu’après son arrestation que le conducteur a été identifié comme étant Monsieur M.

[31]  Monsieur M. avait été vu en train de conduire le véhicule de manière dangereuse, à une vitesse excessive, mettant ainsi en danger la sécurité publique. Le SPE avait été alerté et le propriétaire de la camionnette a avisé le SPE qu’il y avait des armes à feu dans le véhicule.

[32]  Des membres du SPE prenaient part à l’intervention, y compris des membres du groupe tactique et du groupe cynophile. Ils ont suivi Monsieur M. à distance, guidés par l’hélicoptère Air 1 du SPE. L’hélicoptère du SPE a fait un suivi de la vitesse de Monsieur M., qui atteignait par moments les 180 km/h.

[33]  Lorsque Monsieur M. est sorti des limites de la ville d’Edmonton pour s’engager dans celles du comté de Strathcona, le SPE a demandé l’aide de la GRC. Le gendarme Bigras a été chargé de se joindre aux membres du SPE dans leurs efforts pour stopper la camionnette.

[34]  La « connexion » de communication entre le SPE et la GRC était mauvaise. Les membres du SPE et le gendarme Bigras ont également signalé des difficultés à recevoir et/ou à comprendre les communications de l’Air 1 du SPE.

[35]  Pendant plus d’une heure, Monsieur M. a roulé de façon dangereuse sur les autoroutes et les voies publiques et dans des fossés, défonçant au moins une clôture, avant de s’engager sur une propriété privée en tentant de fuir la police. Il y avait un risque de lésions corporelles graves ou de mort en raison de ce que faisait Monsieur M. pour tenter d’échapper à la police et en raison de la présence d’armes à feu dans la camionnette [13] .

[36]  Vers 22 h 54, après l’utilisation d’un dispositif pour dégonfler les pneus (hérisson) de la camionnette, Monsieur M. a stoppé celle-ci dans une cour privée dans le comté de Strathcona. Après l’immobilisation de la camionnette, un véhicule du SPE s’est arrêté directement derrière celle-ci, le pare-chocs avant, côté passager, du véhicule de police à proximité du pare-chocs arrière, côté conducteur, de la camionnette. Au même instant, le gendarme Bigras a stoppé son propre véhicule à un angle du côté passager de la camionnette.

[37]  La vidéo FLIR confirme la déclaration de Monsieur M. selon laquelle il a ouvert la portière et est sorti de la camionnette après avoir stoppé celle-ci. Monsieur M. a fait quelques pas vers la gauche, s’éloignant de la camionnette, les mains en l’air. Il s’est ensuite étendu au sol, les bras bien droits sur les côtés, avant de se mettre les mains au creux du dos.

[38]  Monsieur M. a indiqué dans sa déclaration qu’il a dit quelque chose comme « je me rends, je me rends » en sortant du véhicule. Cependant, aucun des policiers participant à l’intervention ne l’a entendu.

[39]  L’hélicoptère Air 1 du SPE a informé les intervenants que Monsieur M. était sorti de la camionnette, les mains en l’air, et qu’il s’était mis à plat ventre au sol, de son propre chef. Tous les policiers ayant participé à l’intervention ont déclaré que la communication avec l’hélicoptère était entrecoupée et difficile à comprendre.

[40]  L’arrestation qui a suivi a duré moins d’une minute.

[41]  Pendant que Monsieur M. s’étendait au sol, un membre du SPE est sorti de son véhicule et s’est approché de lui, son arme de service à la main. Le gendarme Bigras est sorti de son propre véhicule, sans ses outils d’intervention et sans son chien. Il a contourné le véhicule de Monsieur M. en courant. Il s’est approché de Monsieur M. par la droite et lui a donné un coup de pied au niveau de la tête. Sous l’impact, le corps de Monsieur M. a bougé vers la gauche.

[42]  Le gendarme Bigras a placé son genou droit sur le dos de Monsieur M., lui a attrapé le bras gauche et lui a plaqué le bras droit au sol avec son genou gauche. À ce moment-là, Monsieur M. ne résistait pas aux efforts du gendarme Bigras pour lui passer les menottes. Le récit de Monsieur M. et celui du gendarme Bigras concordent sur ce point.

[43]  Tandis que le gendarme Bigras passait les menottes à Monsieur M., plusieurs membres du SPE se sont approchés et ont tenté de l’aider. Durant le processus, les membres du SPE ont asséné les coups suivants à Monsieur M. :

  1. Au moins deux coups de pieds dans la région de la tête.
  2. Plusieurs coups de genou dans la région de la tête. Le membre du SPE qui a donné les coups de genou à Monsieur M. a déclaré que le premier coup avait été suffisamment fort pour le convaincre de frapper moins fort par la suite afin d’éviter de se blesser lui-même.
  3. Un coup avec la main au visage de Monsieur M.
  4. Deux coups de poing au torse/à la partie inférieure du corps de Monsieur M.
  5. Deux coups de pied au niveau de la cage thoracique et un coup de pied au niveau du biceps gauche de Monsieur M.
  6. Deux coups de poing à la taille ou dans la partie inférieure du corps de Monsieur M.

[44]  Monsieur M. a subi d’importantes blessures durant son arrestation. Ses blessures étaient très visibles. Il avait l’oeil droit enflé et du sang au visage.

Blessures subies par Monsieur M.

[45]  Les services médicaux d’urgence ont été appelés pour donner des soins à Monsieur M. Cependant, comme ils tardaient trop à arriver, les membres du SPE ont fini par transporter eux- mêmes Monsieur M. à l’hôpital.

[46]  Monsieur M. a reçu des soins à l’urgence de l’hôpital Royal Alexandra. On lui a diagnostiqué les blessures suivantes, résultant d’un « traumatisme par coup violent » :

  1. multiples lacérations au visage;
  2. enflure marquée des tissus mous dans les régions préfrontale, préseptale et prémaxillaire droites;
  3. fracture de l’os nasal;
  4. fracture du plancher orbitaire droit (avec hémorragie dans le sinus maxillaire droit);
  5. fracture de la lame papyracée antérieure droite;
  6. ecchymoses du côté gauche du visage;
  7. possible « lésion intracrânienne ».

[47]  Monsieur M. a été placé sous la garde du SPE environ cinq à six heures après sa visite à l’urgence. Il a été référé à la clinique de chirurgie orthopédique pour une éventuelle réparation chirurgicale des fractures.

[48]  Selon la preuve, Monsieur M. conduisait de manière dangereuse, franchissant des fossés et défonçant au moins une clôture. Il ne portait pas la ceinture de sécurité en conduisant. Les membres de SPE qui sont arrivés sur les lieux après l’arrestation et qui ont accompagné Monsieur M. à l’hôpital ont déclaré au personnel de l’hôpital que ses blessures pouvaient avoir été provoquées par sa conduite dangereuse. Monsieur M. a nié avec véhémence, tant à l’hôpital que dans sa déclaration subséquente recueillie par les enquêteurs [14] , avoir été blessé avant son arrestation. Les enquêteurs n’ont trouvé aucune trace de sang sur le volant du véhicule.

[49]  J’estime non fiable le témoignage des membres du SPE qui ont dit au personnel de l’hôpital que Monsieur M. avait été blessé en traversant des fossés et en heurtant une clôture avec la camionnette, puisqu’ils étaient arrivés tard sur les lieux et qu’ils n’avaient pas vu ce qui s’était passé. Les constatations des enquêteurs corroborent le témoignage de Monsieur M. sur ce point. Je conclus donc que Monsieur M. n’était pas déjà blessé à sa sortie de la camionnette.

Opinion d’experts

[50]  Les parties ont fourni quatre rapports d’opinion d’experts avant l’audience, sans objection. Tous les rapports ont été jugés admissibles.

[51]  En raison de leurs connaissances particulières ou de la formation spéciale qu’ils ont suivie, les experts peuvent soumettre des éléments susceptibles de m’aider à évaluer la preuve. Je dois cependant m’assurer que le fondement factuel de leurs opinions est cohérent avec les preuves et évaluer le poids à accorder à ces opinions. Je ne peux pas me contenter d’adopter leurs conclusions comme étant les miennes. Leurs rapports sont plutôt un aspect des éléments de preuve que je dois examiner pour trancher la question finale, à savoir si la force employée par le gendarme Bigras était raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

Examen de l’incident

[52]  La GRC a mené un examen de l’incident, réalisé par le sergent d’état-major McCoshen. L’examen par un pair, pour sa part, a été fait par l’inspecteur Fieldler. Ils ont évalué, dans le cadre de leur examen, si le gendarme Bigras avait adhéré au Modèle d’intervention pour la gestion d’incidents (MIGI) et aux politiques connexes de la GRC.

[53]  Je tiens à mentionner que le sergent d’état-major McCoshen et l’inspecteur Fieldler n’ont pas reçu toutes les déclarations des membres du SPE. J’ai eu la chance d’examiner toutes ces déclarations, je n’en suis pas arrivée à la conclusion que le fondement factuel de leur opinion respective a été compromis.

[54]  Le sergent d’état-major McCoshen et l’inspecteur Fieldler ont estimé que les agissements de Monsieur M. avaient entraîné un risque de blessures corporelles graves ou de mort. Les deux ont mentionné la conduite dangereuse de Monsieur M., ses efforts prolongés pour tenter d’échapper à la police et la présence d’armes à feu dans la camionnette pour étayer leur évaluation.

[55]  Les deux étaient d’avis que le risque avait été réduit lors du déploiement du hérisson, ce qui avait forcé Monsieur M. à stopper la camionnette. Ils croyaient aussi que la façon d’agir de Monsieur M. en sortant de la camionnette manifestait un changement de comportement qui, selon le MIGI, aurait dû mener le gendarme Bigras à évaluer à la baisse le niveau de risque. Ils ont déclaré que les agissements du gendarme Bigras lorsqu’il s’est approché de Monsieur M. sans son équipement d’intervention, se mettant potentiellement lui-même dans la ligne de tir, ne consistent pas en une pratique tactique judicieuse.

[56]  Enfin, les deux étaient d’avis que le seul coup de pied donné par le gendarme Bigras à Monsieur M. avait été [TRADUCTION] « déraisonnable et contraire aux politiques et aux normes de formation de la GRC [15] . »

Rapports médicaux d’experts

[57]  La preuve établit clairement que le gendarme Bigras a donné un coup de pied à Monsieur M., dans la région de la tête. Bien que le gendarme Bigras reconnaisse que la vidéo FLIR le montre clairement en train de frapper Monsieur M., il a soutenu n’avoir aucun souvenir de l’avoir fait. Les deux parties ont obtenu des rapports médicaux d’experts afin d’examiner l’état d’esprit du gendarme Bigras au moment de l’incident, ainsi que pour déterminer si ses souvenirs de l’événement étaient altérés.

[58]  Le premier rapport psychologique, fourni par Leslie Block, psychologue traitant du gendarme Bigras, a été présenté par le représentant du membre. Je n’entrerai pas dans le détail du diagnostic précis mentionné par M. Block dans son rapport. Je soulignerai que si le psychologue explique, de manière assez détaillée, la manière dont ces diagnostics pourraient avoir un impact sur une personne en situation de stress, je ne trouve pas que son rapport soutienne la conclusion selon laquelle le gendarme Bigras répondait aux critères permettant l’établissement de ce diagnostic avant le 25 juillet 2017. Bien que le gendarme Bigras ait pu ressentir certains symptômes, M. Block constate que les événements de cette nuit-là semblent avoir été le principal déclencheur de son diagnostic final.

[59]  Le rapport de contre-expertise fourni par les représentants de l’autorité disciplinaire contient un examen médical indépendant rédigé par la Dre Cynthia Baxter, psychologue judiciaire. Le rapport de la Dre Baxter n’appuie pas une conclusion selon laquelle le gendarme Bigras satisfaisait aux critères permettant l’établissement de son diagnostic final avant le 25 juillet 2017. Elle ne partage pas non plus l’opinion de M. Block au sujet du diagnostic actuel du gendarme Bigras. Toutefois, elle a reconnu que les résultats des tests actuels du gendarme Bigras pourraient refléter l’amélioration de ses symptômes depuis qu’il a commencé à suivre un traitement avec M. Block.

[60]  Cependant, aucun des deux rapports n’a fourni d’explication médicale disculpatoire pour le prétendu recours excessif à la force.

[61]  Les deux experts étaient d’avis que la mémoire d’un policier peut être affectée par le stress d’un incident critique. Comme l’a noté la Dre Baxter, [TRADUCTION] « les policiers soumis à un effort physiologique intense se souviennent généralement de beaucoup moins de détails exacts au sujet d’une confrontation, mais une fois que le stress devient excessif, on observe une baisse considérable du rendement de la mémoire [16] . »

DÉCISION AU SUJET DE L’ALLÉGATION

Identité et agissements du gendarme Bigras

[62]  La preuve démontre que le gendarme Bigras a asséné un coup de pied à Monsieur M., au niveau de la tête.

Est-ce que le recours à la force était nécessaire dans les circonstances?

[63]  Les circonstances ayant mené à l’arrestation de Monsieur M. ont été énoncées dans les présentes.

[64]  Mon évaluation visant à déterminer si le coup de pied asséné par le gendarme Bigras était ou non raisonnablement nécessaire dans les circonstances doit se fonder sur l’ensemble des circonstances qui prévalaient au moment de l’incident [17] .

[65]  Les représentants de l’autorité disciplinaire ont fait valoir que, bien que les actions de Monsieur M. aient initialement comporté un niveau de risque élevé, ce risque a considérablement diminué une fois que Monsieur M. est sorti du véhicule. Ils ont fait valoir qu’il n’y avait aucune raison pour le gendarme Bigras de s’approcher de Monsieur M. comme il l’a fait et qu’il a commis des erreurs tactiques en agissant de la sorte.

[66]  Le représentant du membre, pour sa part, a fait valoir que le recours à la force par le gendarme Bigras était justifié dans les circonstances. Il a remis en question la caractérisation du risque après la sortie du véhicule de Monsieur M., avancée par les représentants de l’autorité disciplinaire. Afin qu’il soit établi que les agissements du gendarme Bigras étaient justifiés selon l’article 25 du Code criminel, les trois volets du critère établi dans l’affaire Crampton doivent être remplis.

Le gendarme Bigras a-t-il agi dans l’exercice ou dans le cadre de ses fonctions?

[67]  Les représentants de l’autorité disciplinaire n’ont pas contesté le fait que le gendarme Bigras agissait dans l’exercice ou dans le cadre de ses fonctions. Il avait été dépêché pour prêter main-forte aux membres du SPE dans leurs efforts pour stopper Monsieur M.

Le gendarme Bigras a-t-il agi en s’appuyant sur des motifs raisonnables lors de l’arrestation de Monsieur M.?

[68]  Les représentants de l’autorité disciplinaire ont concédé que le gendarme Bigras avait un motif raisonnable de procéder à l’arrestation requise. La question la plus difficile consiste à déterminer si la force employée par le gendarme Bigras durant l’arrestation était raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

Le gendarme Bigras a-t-il employé une force excessive durant l’arrestation de Monsieur M.?

[69]  Comme il est noté dans l’arrêt Nasogaluak [18] , la question n’est pas simplement de savoir si un policier croyait honnêtement que la force était nécessaire et si le degré de force utilisée était une réponse mesurée par rapport à la situation. La croyance du policier doit également être objectivement raisonnable.

[70]  Le représentant du membre a fait valoir que le gendarme Bigras s’en était remis à son jugement dans une situation dynamique présentant un risque élevé. Cette position trouve un appui dans la décision DaCosta [19] , dans laquelle le juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Une circonstance contextuelle cruciale pour nombre d’arrestations est la nature dynamique et fluide de l’appréhension avec la nécessité, pour les policiers, de prendre rapidement des décisions sur-le-champ ». Cependant, cela va dans les deux sens. On s’attend à ce que les policiers soient capables d’intensifier et de désamorcer leur intervention au fur et à mesure que la situation évolue.

[71]  La jurisprudence fait ressortir un certain nombre de facteurs qu’un juge des faits doit prendre en considération au moment d’évaluer si le degré de force utilisé par un policier était raisonnable compte tenu des circonstances. Parmi ces facteurs, mentionnons les suivants (la liste n’est pas exhaustive) : les événements ayant précédé l’arrestation; le nombre de policiers participant à l’intervention et les caractéristiques personnelles de chacun, de même que leurs capacités et leurs limites; la stature physique du suspect, son état d’esprit, son intoxication réelle ou perçue et son interaction avec la police; la présence et l’utilisation d’armes; et la nature, la durée et les motifs apparents du recours à la force par la police [20] .

[72]  Les agissements de Monsieur M. ayant précédé son arrestation comportaient un risque de mort ou de blessures corporelles graves pour le public et les policiers en cause. La situation était intense et très dynamique. C’est ainsi que tous les policiers en cause ont décrit la situation. L’incident a également été décrit de cette même façon dans le Rapport d’examen de l’incident du sergent d’état-major McCoshen et dans le Rapport par un pair de l’inspecteur Fieldler.

[73]  Le gendarme Bigras n’a pas agi seul. Il savait qu’un grand nombre de véhicules du SPE poursuivaient Monsieur M., que certains des agents faisaient partie de l’équipe d’intervention tactique et qu’ils étaient appuyés par l’hélicoptère Air 1 du SPE.

[74]  Des membres du SPE faisaient partie de groupes spécialisés (équipe tactique et équipe cynophile) et étaient en excellente forme physique. Le gendarme Bigras est lui-même un policier d’expérience, il a suivi la formation offerte aux membres des Services cynophiles et est en excellente forme physique. Même si le gendarme Bigras et les membres du SPE étaient tous de taille plus imposante que Monsieur M., il convient de noter que personne ne connaissait l’identité ou les caractéristiques personnelles de Monsieur M. avant son arrestation.

[75]  La capacité du gendarme Bigras de coordonner son intervention avec celle des membres du SPE a souffert en raison de la mauvaise qualité des communications entre les deux organismes policiers et avec l’hélicoptère Air 1 du SPE. Tous les agents ayant pris part à l’intervention ont mentionné ce problème. Le gendarme Bigras n’a pas été le seul agent à dire qu’il n’avait pas entendu l’avis venant de l’hélicoptère selon lequel Monsieur M. était sorti du véhicule et s’était mis à plat ventre au sol de son propre chef.

[76]  Dans son témoignage de vive voix, le gendarme Bigras a expliqué de façon ouverte et sincère l’incidence des événements de la soirée sur lui. Il a décrit la panique ressentie lorsqu’il s’était cru piégé dans son véhicule de police tandis que la camionnette roulait vers lui, avant de s’arrêter.

[77]  Le gendarme Bigras a reconnu que sa réaction de panique l’a mené à faire des erreurs tactiques. Il a soutenu ne pas se souvenir d’avoir frappé Monsieur M. Bien que les rapports médicaux d’experts reconnaissent qu’il a pu avoir une réaction de « combat ou de fuite », qui à son tour peut avoir contribué à ses erreurs tactiques, aucun des rapports n’a fourni d’explication médicale disculpatoire quant à son recours à la force.

[78]  La peur ressentie par un policier est incontestablement l’un des facteurs qu’il faut prendre en considération lorsqu’on évalue l’ensemble des circonstances. Toutefois, il ne s’agit pas d’un facteur déterminant. L’évaluation de la menace faite par le policier doit également être objectivement raisonnable [21] .

[79]  Les facteurs exposés ci-après me portent à conclure que la conviction subjective du gendarme Bigras selon laquelle la force employée constituait une intervention nécessaire et modérée par rapport à la situation n’était pas objectivement raisonnable.

[80]  Le gendarme Bigras savait qu’un hérisson avait été déployé avec succès. Il a reconnu avoir entendu un message de l’hélicoptère Air 1 du SPE à cet égard. Même si Monsieur M. a d’abord continué d’essayer de fuir la police, le gendarme Bigras savait que les pneus du véhicule étaient endommagés et que la capacité de rouler de celui-ci était réduite. Monsieur M s’est finalement arrêté dans un secteur à découvert avant de sortir de la camionnette, les mains en l’air.

[81]  Le gendarme Bigras a reconnu que la vitesse à laquelle Monsieur M. conduisait avant de s’arrêter était plutôt lente. La vidéo filmée par l’hélicoptère du SPE montre que la camionnette roulait lentement et qu’elle n’était pas sur le point d’entrer en collision avec le véhicule du gendarme Bigras. Je conclus que les perceptions du gendarme Bigras à ce moment-là étaient perturbées par son état émotif. Je ne considère pas comme fiable le souvenir qu’il garde de la manière dont le véhicule s’est approché de lui.

[82]  Le gendarme Bigras savait qu’il y avait beaucoup de membres du SPE à proximité. Il a reconnu qu’au moment où il contournait la camionnette de Monsieur M. en courant, il a vu celui-ci à plat ventre au sol, les mains derrière le dos. Même si le gendarme Bigras ne s’en souvient pas précisément, la vidéo FLIR montre qu’un autre policier du SPE s’approchait de Monsieur M. en même temps que lui, pistolet dégainé.

[83]  Malgré cela, le gendarme Bigras a continué d’avancer vers Monsieur M. et lui a asséné un coup de pied à la tête. Il a par la suite mis un genou sur son dos et a commencé à lui passer les menottes. Le gendarme Bigras a été cohérent tout au long de son témoignage sur le fait que Monsieur M. n’avait pas résisté pendant qu’on lui passait les menottes.

[84]  Bien que le gendarme Bigras ait insisté sur le fait qu’il ne se souvenait pas d’avoir asséné le coup de pied en question, il a quand même donné, dans son témoignage, une justification possible pour le geste qui aurait été posé. Il a dit que, même si Monsieur M. était à plat ventre au sol avec les mains derrière le dos, il y avait quand même un risque qu’il dissimule une arme à la ceinture. Il a dit qu’il avait peut-être asséné un coup de pied à Monsieur M. pour le distraire avant de lui passer les menottes. Je ne considère pas comme digne de foi la justification donnée par le gendarme Bigras sur ce point. Comme il n’a aucun souvenir de l’incident, je juge spéculatif le raisonnement qu’il avance pour justifier la nécessité de donner ce coup de pied.

[85]  Enfin, après avoir examiné la vidéo FLIR, les déclarations de tous les policiers ayant participé à l’intervention et les opinions fournies par le sergent d’état-major McCoshen et l’inspecteur Fieldler, je conviens que le gendarme Bigras n’a pas respecté les politiques et les normes de formation de la GRC. Je souligne ici que la preuve selon laquelle il y a eu violation des politiques est un facteur qui permet de déterminer si le degré de force employé par le gendarme Bigras était raisonnablement nécessaire dans les circonstances, mais qu’elle n’est toutefois pas déterminante pour ce qui est de la question finale [22] .

Les agissements du gendarme Bigras ont-ils été la cause des blessures de Monsieur M.?

[86]  Il ne fait aucun doute que Monsieur M. a subi d’importantes blessures durant son arrestation. Toutefois, je suis d’avis que toutes ces blessures ne sont pas attribuables aux gestes posés par le gendarme Bigras. Monsieur M. a dit très clairement dans sa déclaration que le premier coup qu’il avait reçu avait été à la tête. Il a poursuivi en décrivant les autres coups qu’il a reçus au visage. Il a fait la distinction entre le coup initial qu’il a reçu à la tête et les coups suivants qu’il a reçus au visage et à la tête.

[87]  Les représentants de l’autorité disciplinaire ont reconnu que le gendarme Bigras ne pouvait pas être la cause de toutes les blessures subies par Monsieur M., mais ils ont tenté d’établir que le coup qu’il lui avait porté lui avait lacéré la joue droite. Le gendarme Bigras s’est bien approché de Monsieur M. par la droite, mais je ne suis pas d’accord avec les représentants de l’autorité disciplinaire lorsqu’ils disent que la vidéo FLIR montre que Monsieur M. avait le visage directement dans l’herbe, et non pas tourné d’un côté, et que le gendarme Bigras avait directement heurté le côté droit de son visage. La vidéo FLIR n’est tout simplement pas assez claire pour appuyer cette conclusion, selon la prépondérance des probabilités.

[88]  La présence ou l’absence de blessures doit être prise en considération, mais elle n’est pas déterminante. Comme il a été indiqué dans la décision Smith v. Sabben, 2009 SKQB 496, au paragraphe 95 [23] , [TRADUCTION] « une blessure ne signifie pas que le degré de force employé était raisonnable ou déraisonnable, tout comme l’absence de blessure ne signifie pas que le degré de force employé était raisonnable ».

Conclusion

[89]  Il ne fait aucun doute que les agissements de Monsieur M., lorsque celui-ci cherchait à fuir la police, ont suscité un risque de blessure corporelle grave ou de mort. Le gendarme Bigras a agi dans le cadre de ses fonctions. Il avait un motif raisonnable d’arrêter Monsieur M.

[90]  J’estime que l’ensemble de la preuve montre que, lorsque Monsieur M. est sorti de la camionnette, il avait les mains en l’air et il s’est mis à plat ventre au sol avant de se mettre les mains derrière le dos. Monsieur M. s’était calmé et était en train de se rendre à la police. Cependant, le gendarme Bigras n’a pas su apaiser son propre comportement durant l’arrestation.

[91]  Le gendarme Bigras n’a pas démontré que le coup de pied était justifié. Je considère que la preuve fournie par le gendarme Bigras de la menace posée par Monsieur M. lorsqu’il a stoppé son véhicule, de même que la justification possible du coup de pied, ne sont pas dignes de foi. Par conséquent, la conviction subjective du gendarme Bigras de la nécessité du coup de pied n’est pas objectivement raisonnable dans les circonstances.

[92]  Je conclus que les faits dans les détails nos 1 à 17 et que le détail no 19 de l’allégation sont établis. Les détails nos 18 et 20, par contre, ne le sont pas. Il n’est pas nécessaire pour moi de conclure que tous les éléments sont établis pour déterminer que l’allégation est fondée, mais seulement que l’élément essentiel de l’allégation est fondé, à savoir que le degré de force employé par le gendarme Bigras lors de l’arrestation de Monsieur M. n’était pas raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Par conséquent, l’allégation 1 est fondée.

MESURES DISCIPLINAIRES

[93]  Pour en arriver à ma décision au sujet des mesures disciplinaires à prendre, je m’appuie sur l’article 36.2 de la Loi sur la GRC, qui énonce les objectifs du processus disciplinaire, dont le suivant à l’alinéa e) :

e) […] prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives.

[94]  Par suite de ma décision rendue de vive voix relativement à l’allégation, les représentants de l’autorité disciplinaire m’ont avisée que l’autorité disciplinaire ne cherchait plus à obtenir un congédiement dans cette affaire. Par conséquent, j’ai entendu les observations des deux parties sur l’éventail des mesures disciplinaires appropriées à imposer, à l’exception du congédiement. Les représentants de l’autorité disciplinaire ont demandé que j’impose une sanction pécuniaire correspondant à 35 jours de salaire. Le représentant du membre, pour sa part, a fait valoir qu’une sanction pécuniaire correspondant à une période entre trois et six jours était appropriée.

[95]  Puisque Monsieur M. a déposé une plainte auprès de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, il me fallait, aux termes de l’article 45.57 de la Loi sur la GRC, prendre en considération les observations de Monsieur M. au sujet de l’impact sur lui de la conduite reprochée avant d’imposer des mesures disciplinaires. À cette fin, les représentants de l’autorité disciplinaire ont communiqué avec l’avocat de Monsieur M. pour lui donner l’occasion de soumettre des observations au comité de déontologie. Le 6 janvier 2020, après avoir confirmé que certains documents et que les séquences vidéo filmées par l’hélicoptère Air 1 du SPE avaient été soumis au Comité de déontologie, l’avocat de Monsieur M. a indiqué que Monsieur M. n’allait pas soumettre d’observations.

[96]  Je suis consciente qu’en appliquant le principe de proportionnalité, je dois tenir compte de l’intérêt public et de la parité des sanctions. Bien que je puisse être guidée par des décisions antérieures de comités de déontologie, je dois néanmoins me prononcer sur les faits en l’espèce.

[97]  Pour déterminer les mesures disciplinaires qui s’imposent, je dois d’abord déterminer l’éventail des mesures appropriées. Je dois ensuite tenir compte des facteurs aggravants et atténuants. Une mesure appropriée ne doit pas simplement se situer dans l’éventail accepté des mesures, mais elle doit également tenir compte des facteurs aggravants et atténuants.

Portée des mesures disciplinaires

[98]  Je ne suis pas d’accord avec les représentants de l’autorité disciplinaire lorsqu’ils disent que la présente affaire se trouve dans la catégorie des cas graves. Il ne s’agit pas d’un cas où de multiples coups ont été assénés à un suspect maîtrisé, comme dans le dossier 2018 DARD 11.

[99]  On ne m’a fourni aucune preuve de préméditation ou de représailles. J’ai plutôt déterminé que l’action répréhensible du gendarme Bigras avait été le résultat d’une incapacité à désamorcer la situation. Cela place son comportement dans l’éventail normal de 2 à 20 jours.

Facteurs aggravants

[100]  Après avoir examiné les arguments des parties, j’ai retenu les facteurs aggravants suivants :

  1. Le gendarme Bigras a déjà fait l’objet de mesures disciplinaires. En 2014, il a été reconnu coupable d’avoir contrevenu à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC pour comportement discourtois envers un collègue. Selon les représentants de l’autorité disciplinaire, il s’agit là de la preuve d’une prédisposition à la colère ou d’un manque de contrôle des émotions. Toutefois, les évaluations de rendement du gendarme Bigras ne font pas état d’un problème de cette nature.
  2. Connaissance de l’incident par le public : Je n’ai pas accordé de poids aux points de vue exprimés dans l’article soumis par les représentants de l’autorité disciplinaire. Toutefois, je suis d’accord avec eux lorsqu’ils disent que les incidents de recours inapproprié à la force minent la confiance du public envers la GRC.
  3. Je suis d’accord avec les représentants de l’autorité disciplinaire lorsqu’ils disent que le recours inapproprié à la force par des policiers mine l’intégrité du processus judiciaire, en ce qui concerne les droits d’un suspect mais aussi en ce qui a trait à la possibilité de compromettre des poursuites pénales. En l’espèce, le tribunal semble avoir conclu que les droits de Monsieur M. en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés [24] avaient été violés, et sa peine a été réduite en conséquence.

Facteurs atténuants

[101]  Je ne suis pas d’accord avec le représentant du membre lorsqu’il dit que la présente affaire permet de conclure qu’il y avait eu provocation. Toutefois, après avoir entendu les observations des parties et examiné les nombreuses pièces justificatives soumises par le représentant du membre, et j’ai retenu les facteurs atténuants suivants :

  1. Bien que les diagnostics médicaux du gendarme Bigras n’aient pas été jugés disculpatoires, ils constituent quand même un facteur atténuant.
  2. Le gendarme Bigras a cherché à obtenir un traitement médical et continue de suivre ce traitement aujourd’hui.
  3. Les évaluations de rendement du gendarme Bigras montrent qu’il est un membre efficace, motivé et respecté.
  4. Le gendarme Bigras montre du dévouement envers ses collègues et les communautés qu’il sert, par son engagement communautaire et dans le cadre de son travail. Tout juste un an et demi après son entrée en service, le gendarme Bigras a commencé à chercher activement à encadrer et à guider des membres arrivés après lui. Ses évaluations de rendement en font état avec éloges. Une lettre de soutien de la part d’un membre junior des Services cynophiles fournit un exemple plus personnel de l’incidence de ses efforts.
  5. De l’avis général, le gendarme Bigras est entièrement dévoué à son travail et il est grandement motivé à revenir. Il a de nombreux collègues et superviseurs qui, tout en sachant exactement ce qui s’est passé dans cette affaire, ont hâte de l’accueillir à nouveau. Plusieurs ont fait remarquer que le détachement et les Services cynophiles ne sont pas les mêmes sans lui.
  6. Les évaluations de rendement du gendarme Bigras montrent qu’il est capable de modérer ses réactions et de garder son calme durant des interventions très stressantes.

[102]  Le gendarme Bigras doit être tenu responsable de son usage inapproprié de la force dans cette affaire. Toutefois, je n’ai aucune preuve qu’il a des antécédents ou qu’il démontre une propension à l’usage inapproprié de la force. Au contraire, ses supérieurs hiérarchiques constatent, tant dans ses évaluations de rendement que dans les lettres de soutien, qu’il est un membre sur lequel ils peuvent compter pour faire preuve de sang-froid sous la pression et pour assurer la sécurité des membres et du public. J’estime que les preuves démontrent que ses actions étaient non conformes à son comportement habituel et qu’il est peu probable qu’elles se répètent.

[103]  Le gendarme Bigras démontre un grand potentiel de réhabilitation. Il a cherché un traitement médical pour résoudre les problèmes de santé ayant pu contribuer à ses actions et il est motivé à poursuivre ce traitement. Ses évaluations de rendement font état d’une volonté constante d’apprendre et de s’améliorer. Son dévouement à son travail et son professionnalisme sont loués dans ses évaluations de rendement et dans les nombreuses lettres de soutien qu’il a soumises.

CONCLUSION

[104]  Je ne souscris pas à la recommandation du représentant du membre à l’égard d’une pénalité financière allant de trois à six jours. Une telle pénalité ne reflète tout simplement pas les facteurs aggravants cernés. Toutefois, les facteurs atténuants en l’espèce empêchent l’imposition de mesures au sommet de l’échelle.

[105]  Ayant conclu que l’allégation 1 est établie, et en vertu de l’alinéa 45(4)c) de la Loi sur la GRC et de l’alinéa 4(1)j) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, j’impose les mesures disciplinaires suivantes : une pénalité financière de 12 jours (96 heures) de solde, à déduire de la paie du gendarme Bigras.

[106]  Comme l’a noté le Comité de déontologie dans la décision 2018 DARD 11, au paragraphe 204, la capacité d’un membre à protéger sa propre santé protège également la santé et la sécurité de ses collègues et des membres du public avec lesquels il interagit. Le gendarme Bigras, dans son témoignage, montre qu’il reconnaît ce fait. Je l’encourage dans les mesures concrètes qu’il prend pour s’assurer de pouvoir continuer à apporter une contribution positive à la GRC et aux communautés qu’elle sert.

[107]  Toute mesure provisoire mise en place doit être résolue en conformité avec les modalités de l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie Royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[108]  L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la décision au membre visé, comme le prévoient l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

28 février 2020

Christine Sakiris

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

 



[1] F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53.

[2] Ibid.

[3] Day v Woodburn, 2019 ABQB 356 [Day], au paragraphe 216 faisant référence à R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6 [Nasogaluak], au paragraphe 32.

[4] Voir Day au paragraphe 221 et Crampton v. Walton, 2005 ABCA 81 [Crampton], au paragraphe 44.

[5] R. c. Asante-Mensah, 2003 CSC 38, au paragraphe 73.

[6] Ceyssens, Paul. Legal Aspects of Policing (Scarborough, Ont. : Carswell, 1994-) aux pages 3-76 [Legal Aspects of Policing].

[7] R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, au paragraphe 33.

[8] Supra, note 5.

[9] Supra, note 5.

[10] Crampton, supra, note 4.

[11] Nasogaluak, au paragraphe 35.

[12] R. v. Morrissey, 1995 CanLII 3498 (ON CA), 97 CCC (3d) 193 (CA), à la page 205.

[13] Cette conclusion est appuyée par le Rapport d’examen de l’incident (aux pages 495 et 516 du Rapport d’enquête) et par les déclarations des membres du SPE interrogés.

[14] Comme cette affaire impliquait un membre de la GRC, l’enquête a été réalisée par l’Équipe d’intervention de l’Alberta en cas d’incident grave. Chaque fois que le mot « enquêteur » est mentionné, il est fait référence à un enquêteur de l’Équipe d’intervention de l’Alberta en cas d’incident grave.

[15] Rapport d’examen d’incident du sergent d’état-major McCoshen, à la page 496 du Rapport d’enquête; et Rapport de l’examen par un pair de l’inspecteur Fieldler, à la page 516 du Rapport d’enquête.

[16] Rapport de l’examen médical indépendant fourni par la Dre Cynthia Baxter, à la page 19.

[17] Arrêt Nasogaluak, au paragraphe 35.

[18] Arrêt Nasogaluak, au paragraphe 34. Ce paragraphe est également cité dans R. v DaCosta, 2015 ONSC 1586, 2015 CarwellOnt 3348 [DaCosta], au paragraphe 102.

[19] Ibid, DaCosta, au paragraphe 99.

[20] Une liste complète des facteurs se trouve dans la décision Day, aux pages 28 à 30.

[21] Day, aux paragraphes 239 à 241.

[22] Supra, note 6, aux pages 3-100.

[23] Tel que cité dans l’ouvrage Legal Aspects of Policing, supra, note 6, aux pages 3-101.

[24] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.

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