Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le membre civil Bamford était visé par deux allégations aux termes de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Les actions en cause étaient celles des 10 et 11 juin 2018, notamment ses interactions avec des collègues, des membres du public, des employés d’un établissement public et, enfin, avec la police.
L’audition de cette affaire devait avoir lieu durant la semaine du 13 janvier 2020. Avant l’audience, les parties en sont arrivées à une résolution. Le membre civil Bamford a reconnu les allégations et une recommandation conjointe relative aux mesures disciplinaires à prendre a été présentée au Comité de déontologie.
Une audience a eu lieu le 14 janvier 2020 par vidéoconférence, durant laquelle le Comité de déontologie a communiqué sa décision à l’égard des allégations et des mesures disciplinaires à prendre. Les deux allégations ont été établies selon la prépondérance des probabilités. Le Comité de déontologie a accepté la recommandation conjointe des parties sur les mesures à prendre et a imposé ce qui suit : (1) une pénalité financière de 20 jours de salaire, à déduire de la paie du membre civil Bamford; et (2) la perte de dix jours de congés annuels.

Contenu de la décision

Protégé A

2020 DAD 03

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une

audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre

la surintendante principale Marlene Bzdel

l’autorité disciplinaire désignée

et

le membre civil Scott Bamford, numéro de matricule C9977

le membre visé

Décision du Comité de déontologie

Christine Sakiris

25 février 2020

M. Jordan Levis-Leduc, représentant de l’autorité disciplinaire

Mme Sabine Georges et M. Dan Pinsky, représentants du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ  3

INTRODUCTION  4

ALLÉGATIONS  5

Critères applicables pour la prise d’une décision au sujet des allégations  9

Décision au sujet des allégations  10

MESURES DISCIPLINAIRES  11

 

RÉSUMÉ

Le membre civil Bamford était visé par deux allégations aux termes de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Les actions en cause étaient celles des 10 et 11 juin 2018, notamment ses interactions avec des collègues, des membres du public, des employés d’un établissement public et, enfin, avec la police.

L’audition de cette affaire devait avoir lieu durant la semaine du 13 janvier 2020. Avant l’audience, les parties en sont arrivées à une résolution. Le membre civil Bamford a reconnu les allégations et une recommandation conjointe relative aux mesures disciplinaires à prendre a été présentée au Comité de déontologie.

Une audience a eu lieu le 14 janvier 2020 par vidéoconférence, durant laquelle le Comité de déontologie a communiqué sa décision à l’égard des allégations et des mesures disciplinaires à prendre. Les deux allégations ont été établies selon la prépondérance des probabilités. Le Comité de déontologie a accepté la recommandation conjointe des parties sur les mesures à prendre et a imposé ce qui suit : (1) une pénalité financière de 20 jours de salaire, à déduire de la paie du membre civil Bamford; et (2) la perte de dix jours de congés annuels.


INTRODUCTION

[1]  Les prétendus incidents dans cette affaire ont eu lieu les 10 et 11 juin 2018, tandis que le membre civil Scott Bamford travaillait au Sommet du G-7, dans la province du Québec. Les incidents ont mis en cause plusieurs membres civils de la GRC. Une enquête sur les agissements du membre civil Bamford a été lancée le 4 décembre 2018 en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC].

[2]  Le 24 mai 2019, l’autorité disciplinaire désignée a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 4 juin 2019, j’ai été désignée « Comité de déontologie » au titre du paragraphe 43(1) de la Loi sur la GRC.

[3]  Le 18 juillet 2019, l’Avis d’audience disciplinaire original (l’Avis original), qui contenait deux allégations de contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, a été signifié au membre civil Bamford avec la trousse d’enquête. Les allégations découlaient des interactions agressives qui se sont produites les 10 et 11 juin 2018 entre le membre civil Bamford et des collègues, des membres du public, des employés d’un établissement public et, enfin, avec la police. Le membre civil Bamford aurait également tenté de faciliter une tentative, par l’un de ses collègues, de soudoyer un employé de l’établissement public.

[4]  J’ai été nommée Comité de déontologie dans la présente affaire, mais aussi dans l’affaire se rapportant à un autre membre impliqué dans les mêmes incidents. J’ai donné aux deux parties la possibilité de faire instruire les deux affaires conjointement. En cas de refus, j’ai avisé les parties que je me récuserais de la deuxième affaire puisque je n’étais pas encore engagée dans le dossier. Les parties ont choisi de faire instruire les deux affaires séparément. Par conséquent, un nouveau comité de déontologie a été désigné en septembre 2019 pour la deuxième affaire.

[5]  Le 1er octobre 2019, le membre civil Bamford a fourni sa réponse à l’Avis original, aux termes du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), (DORS/2014-291) [CC (déontologie)]. Il a admis certains détails mais a nié les deux allégations.

[6]  L’audience dans cette affaire devait avoir lieu durant la semaine du 13 janvier 2020. Lors d’une conférence préparatoire à l’audience tenue le 4 décembre 2019, le représentant de l’autorité disciplinaire et les représentants du membre ont indiqué que les parties étaient près d’en arriver à une résolution. J’ai reçu l’Avis d’audience disciplinaire modifié (l’Avis modifié) le 9 décembre 2019. L’avis modifié contenait deux allégations, toutes deux au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Les représentants du membre ont accepté, au nom du membre civil Bamford, la signification de l’Avis modifié le 9 décembre 2019.

[7]  Le 13 décembre 2019, le membre civil Bamford a fourni sa réponse à l’Avis modifié, aux termes du paragraphe 15(3) des CC (déontologie), dans laquelle il a admis les deux allégations.

[8]  Le 6 janvier 2020, j’ai reçu une recommandation conjointe sur les mesures à prendre.

[9]  Comme l’exige le présent processus, j’ai passé en revue et pris en considération l’Avis original, la trousse d’enquête, l’Avis modifié, les réponses du membre civil aux termes du paragraphe 15(3) des CC (déontologie) et la recommandation conjointe des deux parties sur les mesures disciplinaires à prendre. Cette dernière comprend la jurisprudence et les documents justificatifs présentés à l’appui des mesures proposées. Ces documents sont désignés collectivement comme étant le « Dossier ».

ALLÉGATIONS

[10]  Comme je l’ai déjà mentionné, deux allégations ont été présentées au Comité de déontologie. L’Avis modifié se lit comme suit :

Allégation 1

Le 10 juin 2018 ou vers cette date, à Sainte-Foy (Québec) ou dans les environs, le membre civil Scott Bamford a adopté un comportement susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails

1. Au moment des faits, le membre civil Scott Bamford était membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division O.

2. Le soir du 9 juin 2018, pendant son déploiement au Sommet du G7 à Québec, le [membre civil (m.c.)] Bamford est allé à [l’établissement]. D’autres membres de la GRC s’y trouvaient également, y compris [le m.c.] Gerald Patrick Rumsey, [le m.c.] Martin Labelle, [le m.c.] Marc André Régimbald et [le m.c.] Luc Carrière, de même que [A.L], un représentant d’une société privée. Il est reconnu que les m.c. Bamford, Rumsey et Carrière sont arrivés ensemble à l’établissement.

3. Le m.c. Bamford a consommé des boissons alcoolisées durant la soirée et est devenu intoxiqué.

4. Le 10 juin 2018, vers [1 h], le m.c. Bamford a commencé à se comporter de manière à déranger les clients dans l’établissement. Un membre du personnel de sécurité de l’établissement, [S.P.], est intervenu en disant au m.c. Bamford : « fais attention au monde, fais attention aux autres, autour » [en français dans l’original]. Comme le m.c. Bamford ne semblait pas comprendre, [S.P.] a demandé au m.c. Labelle de transmettre le message en anglais au m.c. Bamford. Il convient de noter que [S.P.] connaissait le m.c. Labelle puisque celui-ci était souvent venu à l’établissement auparavant.

5. Les m.c. Rumsey et Carrière se sont mêlés à la discussion. Les deux ont commencé à montrer de la frustration envers le m.c. Labelle, pensant qu’il tentait de les faire expulser de l’établissement. Les m.c. Rumsey et Carrière ont commencé à se montrer agressifs et hostiles envers le m.c. Labelle. [S.P.] a demandé aux m.c. Bamford et Rumsey de quitter l’établissement, ce qu’ils ont fait, en compagnie du m.c. Carrière.

6. Vers [2 h 15], le m.c. Labelle est sorti de l’établissement avec [A.L.] et le m.c. Régimbald. À leur sortie, ils ont été accueillis par les m.c. Rumsey et Carrière. Les deux ont accusé le m.c. Labelle d’être la raison pour laquelle on leur avait demandé de quitter l’établissement. Le m.c. Rumsey a poussé le m.c. Labelle. Le m.c. Régimbald est intervenu. Une altercation physique a éclaté entre les m.c. Rumsey et Régimbald, forçant le personnel de sécurité de l’établissement à intervenir.

7. Tandis que le personnel de sécurité commençait à maîtriser le m.c. Rumsey, le m.c. Bamford a exprimé sa frustration par rapport aux actions du personnel de sécurité, disant à celui-ci quelque chose comme « vous n’avez pas le droit de l’attraper par l'arrière ».

8. Le personnel de sécurité a fini par maîtriser la situation et à contenir physiquement les m.c. Bamford et Rumsey. Le m.c. Bamford a éventuellement été relâché. Il a alors commencé à s’approcher des m.c. Labelle et Régimbald. Le m.c. Régimbald s’est interposé entre les m.c. Bamford et Labelle en disant « ne t’approche pas plus » au m.c. Bamford, ce à quoi celui-ci a répondu « Je veux seulement parler [au m.c. Labelle] ». Le m.c. Régimbald a refusé de laisser le m.c. Bamford s’approcher du m.c. Labelle.

9. Le m.c. Bamford a ensuite répété « Je veux parler [au m.c. Labelle] » d’une voix plus forte et agressive, et a poussé le m.c. Régimbald à la poitrine. Le m.c. Régimbald a continué d’empêcher le m.c. Bamford d’avancer. Le m.c. Bamford a ensuite agressé le m.c. Régimbald en le poussant deux autres fois au niveau de la poitrine. La deuxième poussée a fait reculer le m.c. de deux ou trois pas, car le m.c. Bamford avait utilisé une plus grande force physique.

10. Le m.c. Carrière est intervenu pour stopper le m.c. Bamford. Les m.c. Bamford, Rumsey et Carrière ont quitté les lieux.

11. Vers [2 h 42], après avoir été priés de quitter l’établissement et après avoir été impliqués dans une altercation physique, les m.c. Bamford et Rumsey sont revenus à l’établissement et ont tenté d’entrer dans la section du bar. Le personnel de sécurité de l’établissement, dont [E.T.], a refusé de les laisser entrer.

12. Ils se sont mis à proférer des insultes et des propos irrespectueux au personnel de sécurité et ont refusé de quitter les lieux. Il a fallu avoir recours à la force physique pour les faire sortir de l’établissement.

13. Tandis qu’on les expulsait, le m.c. Bamford a agressé le personnel de sécurité en le poussant dans un effort visant à rester à l’intérieur de l’établissement.

14. Les m.c. Bamford et Rumsey ont finalement été amenés par la force dans le stationnement de l’établissement.

15. Le Service de police de la Ville de Québec (le SPVQ) a été appelé à intervenir en raison de l’incident. Les gendarmes du SPVQ Sébastien Lefebvre et Samuel Morissette sont arrivés sur les lieux vers [2 h 51] et ont arrêté les m.c. Bamford et Rumsey pour voies de fait.

16. Le m.c. Bamford s’est identifié auprès des agents du SPVQ en tant que membre de la GRC.

17. Vers 2 h 56, [le gendarme] Morissette a tenté d’expliquer au m.c. Bamford qu’il n’était plus accusé de voies de fait. Le m.c. Bamford a réagi en adressant des paroles inappropriées et insultantes aux gendarmes Morissette et Lefebvre. Selon le rapport de police du SPVQ, le m.c. Bamford a crié aux agents du SPVQ « vous êtes des ostie de bâtards, vous êtes des ostie d’innocents, on fait le même travail, vous êtes des retardés, vous êtes des ostie de colons! ».

18. Le rapport de police du SPVQ indique aussi que le m.c. Bamford a dit au moins dix fois aux gendarmes Morissette et Lefebvre qu’ils étaient des « innocents » ou des « retardés », et que son comportement a été observé par des clients qui sortaient de l’établissement.

19. Vers [3 h 5], le m.c. Bamford a été arrêté par l’agent Morissette pour trouble de l’ordre public.

20. Pendant que les gendarmes Morissette et Lefebvre le transportaient à nouveau au poste de police afin de le placer en cellule pour la nuit, le m.c. Bamford s’est mis à crier « j’ai envie de pisser! ». Le gendarme Morissette a informé le m.c. Bamford qu’il pourrait aller à la toilette à son arrivée au poste de police. Le m.c. Bamford s’est remis à insulter les deux agents du SPVQ et à leur dire des choses inappropriées.

21. Selon le rapport de police du SPVQ, le m.c. Bamford a repris le même langage insultant qu’auparavant, en disant à nouveau des choses comme  « vous êtes des ostie de bâtards », « vous êtes des ostie d’innocents » et « vous êtes des gros colons! »

22. Le m.c. Bamford n’a pas été accusé de voies de fait mais a été détenu toute la nuit et libéré dans la matinée après avoir reçu deux contraventions pour trouble de l’ordre public et pour avoir insulté des policiers.

23. Le m.c. Bamford, en ayant recours à la force physique directe sur des personnes sans leur consentement, en se conduisant de manière irrespectueuse et désordonnée envers le personnel de sécurité de l’établissement et par ses agissements durant son arrestation et sa détention par le SPVQ, a adopté un comportement susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation 2

Le 10 juin 2018 ou vers cette date, à Sainte-Foy (Québec) ou dans les environs, [le m.c.] Scott Bamford a adopté un comportement susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails

1. Au moment des faits, le membre civil Scott Bamford était membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division O.

2. Le soir du 9 juin 2018, pendant son déploiement au Sommet du G7 à Québec, le m.c. Bamford est allé à [l’établissement]. D’autres membres de la GRC s’y trouvaient également, y compris [le m.c.] Gerald Patrick Rumsey et [le m.c.] Martin Labelle.

3. Le m.c. Bamford et le m.c. Rumsey ont tous deux consommé des boissons alcoolisées durant la soirée et sont devenus intoxiqués.

4. Le Service de police de la Ville de Québec (le SPVQ) a été appelé à intervenir parce que les m.c. Bamford et Rumsey s’étaient engagés dans une confrontation physique avec le personnel de sécurité de l’établissement, y compris [E.T.].

5. Des agents du SPVQ sont arrivés sur les lieux vers [2 h 51] et ont mis les m.c. Bamford et Rumsey en état d’arrestation pour voies de fait. Le m.c. Rumsey a été accusé d’avoir agressé [E.T.], puis il a été libéré par le SPVQ vers [4 h 40] sur promesse de comparaître. Le m.c. Bamford n’a pas été accusé de voies de fait, mais il a été maintenu en détention pendant la nuit puis libéré dans la matinée après avoir reçu deux contraventions pour trouble de l’ordre public et pour avoir insulté des policiers.

6. Le 11 juin 2018, le m.c. Labelle était en service au centre de commandement du G7 à Québec lorsque le m.c. Bamford l’a abordé et lui a demandé s’il pouvait lui parler en privé. Une trentaine de minutes plus tard, les m.c. Bamford et Labelle se sont rencontrés en privé.

7. Le m.c. Bamford a dit au m.c. Labelle que le m.c. Rumsey paniquait et essayait de communiquer avec le m.c. Labelle. Le m.c. Bamford a dit au m.c. Labelle que le m.c. Rumsey voulait que le m.c. Labelle communique avec [E.T.] et lui dise que le m.c. Rumsey était prêt à le payer s’il acceptait de retirer l’accusation de voies de fait. Il savait que le m.c. Labelle connaissait des membres du personnel de sécurité de l’établissement.

8. Le m.c. Labelle a déclaré ne pas comprendre et/ou ne pas vouloir être mêlé à cette affaire, et a quitté le m.c. Bamford.

9. Le message du m.c. Rumsey contenait une tentative de soudoyer [E.T.] en lui offrant de l’argent en échange du retrait de la plainte criminelle qu’il avait déposée contre le m.c. Rumsey. En servant d’intermédiaire dans la transmission du message inapproprié du m.c. Rumsey, le m.c. Bamford a adopté un comportement susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

Critères applicables pour la prise d’une décision au sujet des allégations

[11]  Il incombe à l’autorité disciplinaire d’établir l’allégation selon la prépondérance des probabilités. Concrètement, cela signifie que l’autorité disciplinaire doit établir, pour chacune des allégations, qu’il est plus probable que le contraire que le membre civil Bamford a contrevenu à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

[12]  L’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC dit ce qui suit : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. »

[13]  Selon le critère de « conduite déshonorante » aux termes de l’article 7.1 du Code de déontologie, le comité de déontologie doit établir, selon la prépondérance des probabilités :

  1. les actes constituant le comportement allégué;
  2. l’identité du membre qui aurait commis ces actes;
  3. que le comportement du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC;
  4. que le comportement du membre est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

Décision au sujet des allégations

[14]  Compte tenu de l’admission du membre civil Bamford concernant les allégations et les détails de celles-ci, j’estime que les deux premiers éléments du critère sont remplis en ce qui concerne les allégations 1 et 2.

[15]  Je dois maintenant décider si les troisième et quatrième éléments du critère sont établis, à savoir si le comportement du membre civil Bamford est susceptible de discréditer la Gendarmerie et si ses actions sont suffisamment liées à ses devoirs et fonctions pour donner à la Gendarmerie un intérêt légitime à le discipliner.

[16]  En ce qui concerne l’allégation 1, les actions du membre civil Bamford, telles qu’elles sont exposées dans les détails, posent problème à plusieurs égards. Premièrement, son agressivité verbale et physique envers les membres civils Régimbald et Labelle pourrait se révéler être de la violence au travail. Deuxièmement, son agressivité verbale et physique envers le personnel de sécurité de l’établissement, qui ne faisait que son travail, était tout à fait inappropriée. Troisièmement, son langage vulgaire et offensant envers les agents du SPVQ, qui agissaient dans le cadre de leurs fonctions, est inacceptable. Qui plus est, la quasi-totalité de ses agissements se sont déroulés en public.

[17]  En ce qui concerne l’allégation 2, le membre civil Bamford a amplifié son comportement offensif en s’engageant dans une confrontation physique avec E.T., un membre du personnel de sécurité de l’établissement, ce qui a mené à son arrestation. Bien qu’il n’ait pas fait l’objet d’une accusation au criminel, il a reçu deux contraventions pour trouble de l’ordre public et conduite offensante envers la police. Il a ensuite cherché à faciliter les efforts du membre civil Rumsey visant à verser à E.T. un pot-de-vin afin qu’il retire l’accusation pour voies de fait qu’il avait portée contre lui.

[18]  Les membres de la GRC doivent se conformer au code de déontologie de la GRC aussi bien quand ils sont en fonction qu’en dehors de leurs heures de travail. Les agissements du membre civil Bamford témoignent d’un manque de respect, de professionnalisme et d’intégrité. Je suis d’avis qu’une personne raisonnable dans la société, connaissant toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et celles de la GRC en particulier, considérerait ses agissements comme étant susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[19]  Le membre civil Bamford a été envoyé à Sainte-Foy à titre de représentant de la GRC à l’occasion d’un événement international. Ses agissements ont été offensants pour ses collègues, qui étaient là au même titre que lui. Il s’est explicitement identifié en tant que membre de la GRC auprès des agents du SPVQ, puis a entrepris de les insulter. Par conséquent, j’estime que ses agissements sont suffisamment liés à ses devoirs et à ses fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[20]  Les allégations 1 et 2, telles que modifiées, sont par conséquent établies selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[21]  Ayant jugé que les allégations étaient établies, je dois, aux termes du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et le Guide des mesures disciplinaires, « imposer une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes ». Conformément à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être « adaptées à la nature et aux circonstances de la contravention aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, [elles doivent être] éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[22]  J’ai examiné la recommandation conjointe des parties sur les mesures disciplinaires ainsi que les documents à l’appui. Les parties proposent conjointement une sanction globale consistant en la confiscation de 20 jours de solde et de 10 jours de congé annuel.

[23]  Lorsqu’on me soumet une recommandation conjointe sur les mesures disciplinaires à prendre, il existe des circonstances très limitées dans lesquelles je peux, en tant que Comité de déontologie, refuser d’accueillir les mesures disciplinaires proposées.

[24]  La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions de conciliation ainsi que les solides raisons de principe qui favorisent la promotion de la certitude pour les parties lorsqu’une entente est conclue [1] .

[25]  En règle générale, les cours ou tribunaux administratifs n’annulent pas un accord convenu entre les parties, sauf si cet accord va à l’encontre de l’intérêt public.

[26]  Par conséquent, je dois déterminer si l’acceptation des mesures disciplinaires proposées irait à l’encontre de l’intérêt public. Il ne s’agit pas de savoir si les mesures disciplinaires proposées sont les mêmes que celles que j’imposerais. Au contraire, le critère de l’intérêt public impose un seuil beaucoup plus élevé.

[27]  Dans sa décision de 2016 intitulée R. c. AnthonyCook, la Cour suprême du Canada a donné les directives suivantes, qui sont applicables aux tribunaux administratifs :

[…] il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe, […]. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que [en l’espère, le processus disciplinaire] avait cessé de bien fonctionner. […] [2]

[28]  Afin de déterminer si les mesures proposées vont à l’encontre de l’intérêt public, il est utile d’avoir une idée de ce que pourraient être les mesures possibles.

[29]  Les parties ont présenté une analyse approfondie de l’éventail des mesures disciplinaires appropriées pour les différents éléments du comportement du membre civil Bamford. Après examen, j’estime que l’éventail de mesures à imposer en l’espèce se situe raisonnablement entre une pénalité financière de 29 jours de solde prise seule ou en combinaison avec d’autres mesures, et le congédiement. Il faut ensuite prendre en considération les circonstances atténuantes et aggravantes.

[30]  Les parties ont exposé plusieurs facteurs atténuants et aggravants en l’espèce. En ce qui concerne les facteurs atténuants, j’ai retenu les suivants :

  1. L’admission du membre civil Bamford concernant les allégations modifiées et les détails a permis d’éviter la tenue d’une audience contestée. Compte tenu du moment où la résolution a été adoptée, je n’accorde pas beaucoup de poids à ce facteur.
  2. L’autorité disciplinaire ne cherche plus à faire congédier le membre civil Bamford.
  3. Le membre civil Bamford n’a pas d’antécédents de mesures disciplinaires graves.
  4. Le membre civil Bamford a onze années de service assorties d’un bon dossier professionnel.
  5. Le membre civil Bamford dispose de l’appui de son supérieur hiérarchique immédiat, qui a fourni une lettre de recommandation positive.
  6. L’admission du membre civil Bamford en ce qui concerne les allégations démontre qu’il veut régler l’affaire et qu’il assume la responsabilité de ses actes.

[31]  Je n’accepte pas comme facteur atténuant distinct le fait que l’admission du membre civil Bamford démontre également qu’il a des remords. Une admission n’est pas, en soi, une indication de remords. Bien que je sois certaine qu’il regrette d’avoir eu à rendre des comptes, rien dans les documents qui m’ont été présentés ne laisse supposer une expression directe ou indirecte de remords. Son comportement durant l’audience, pour lequel je l’ai verbalement réprimandé, témoigne d’une attitude cavalière et irrespectueuse.

[32]  Les parties ont indiqué que les compétences et la formation spécialisées du membre civil Bamford font de lui un atout pour la Gendarmerie, et que cela devrait constituer une circonstance atténuante. Je ne partage pas cet avis. Accepter cet argument signifierait en fait que les personnes qui ont des « compétences ou une formation spécialisées » ont droit à une plus grande latitude que les autres membres de la Gendarmerie. Une telle approche est intenable et incompatible avec les principes du processus de déontologie énoncés à l’article 36.2 de la Loi sur la GRC. Les compétences ou la formation du membre civil Bamford ne devraient pas lui offrir de protection contre les conséquences de son inconduite.

[33]  En ce qui concerne les facteurs aggravants, j’ai retenu ce qui suit :

  1. L’inconduite s’est produite tandis que le membre civil Bamford était déployé au Sommet du G7 à Québec. Le G7 est un événement international auquel participent des leaders du monde entier.
  2. L’inconduite en question comprend de la violence au travail et met en cause plusieurs employés de la GRC.
  3. Le caractère délibéré de l’inconduite du membre civil Bamford. En effet, après son arrestation, son séjour de plusieurs heures en prison et l’obtention de deux contraventions, le membre civil Bamford a délibérément choisi de persister dans sa mauvaise conduite en tentant de transmettre un message de la part du membre civil Rumsey équivalant à un pot-de-vin. Il n’était plus sous l’influence de l’alcool lorsqu’il a choisi d’agir ainsi.
  4. Les agissements et l’arrestation du membre civil Bamford se sont produits au vu et au su de tous. Ce fait, en plus du fait que les membres du personnel de sécurité de l’établissement savaient que le membre civil Bamford travaillait pour la GRC, a eu un effet négatif sur la réputation de la Gendarmerie.
  5. Les agissements du membre civil Bamford ont nécessité une intervention du SPVQ, un autre service de police, auprès duquel il s’est identifié comme étant membre de la GRC, ce qui a eu un impact négatif additionnel sur la réputation de la GRC.

[34]  Bien que les mesures proposées ne soient pas celles que j’aurais imposées, là n’est pas le critère. Selon l’ensemble des circonstances, je ne peux pas conclure que les mesures proposées sont contraires à l’intérêt public. Les parties ont examiné les facteurs atténuants et aggravants pertinents. Les mesures proposées se situent dans l’éventail des sanctions financières possibles. Elles sont considérées comme des mesures graves et, à ce titre, elles auront un effet dissuasif sur le membre civil Bamford et serviront d’avertissement aux autres membres.

[35]  Par conséquent, j’accepte la recommandation conjointe des parties relativement aux mesures disciplinaires à prendre.

[36]  Conformément à la recommandation conjointe présentée par le représentant de l’autorité disciplinaire et les représentants du membre, j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

  1. conformément à l’alinéa 5(1)i) des CC (déontologie), la confiscation de dix jours de congé annuel; ET
  2. conformément à l’alinéa 5(1)j) des CC (déontologie), une pénalité financière de 20 jours de solde, à déduire de la paie du membre civil Bamford.

[37]  Le membre civil Bamford est autorisé à poursuivre sa carrière à la GRC. J’espère qu’à l’avenir, il se conduira avec le respect, l’intégrité et le professionnalisme que l’on attend de lui en tant que membre civil de la GRC. Toute infraction future au code de déontologie sera examinée très sérieusement par l’autorité disciplinaire compétente et pourrait entraîner son congédiement de la Gendarmerie.

[38]  Toute mesure provisoire mise en place doit être résolue en conformité avec les modalités de l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie Royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[39]  L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la décision au membre visé, comme le prévoient l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

25 février 2020

Christine Sakiris

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

 



[1] Voir par exemple Rault v Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII), au paragraphe 19, et R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[2] R. c. Anthony-Cook, supra note 1, au paragraphe 34.

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