Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire modifié contenait deux allégations de conduite déshonorante en violation de l’Article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Selon les allégations, le membre civil Rumsey aurait eu recours à la force physique et aurait employé un langage irrespectueux et agressif envers ses collègues et les employés de la sécurité d’un établissement public lorsqu’il était déployé au Sommet du G7 à Québec en juin 2018. De plus, le membre civil Rumsey a dit à plusieurs reprises à d’autres membres de la GRC qu’il était prêt à offrir un incitatif financier à l’employé de la sécurité de l’établissement public qu’il a blessé la soirée de l’incident.
Le membre civil Rumsey a admis les deux allégations, et le comité de déontologie a déterminé qu’elles étaient fondées selon la prépondérance des probabilités. Le comité de déontologie a également accepté la proposition conjointe de mesures disciplinaires des parties et a imposé la confiscation de 40 jours de solde.

Contenu de la décision

Protégé A

2020 DAD 08

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre :

Surintendante principale Marlene Bzdel

Autorité disciplinaire désignée de la Direction générale

Autorité disciplinaire

et

Membre civil Gerald Rumsey

Numéro de matricule C8039

Membre visé

Décision du comité de déontologie

Josée Thibault

29 avril 2020

M. Jordan Levis-Leduc, représentant de l’autorité disciplinaire

Mme Sara Novell, représentante du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE  3

INTRODUCTION  4

ALLÉGATIONS  5

Décision relative aux allégations  8

MESURES DISCIPLINAIRES  10

Éventail de mesures disciplinaires  11

Facteurs aggravants  14

Facteurs atténuants  15

Parité des sanctions  16

Décision relative aux mesures disciplinaires  17

CONCLUSION  18

 

SOMMAIRE

L’avis d’audience disciplinaire modifié contenait deux allégations de conduite déshonorante en violation de l’Article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Selon les allégations, le membre civil Rumsey aurait eu recours à la force physique et aurait employé un langage irrespectueux et agressif envers ses collègues et les employés de la sécurité d’un établissement public lorsqu’il était déployé au Sommet du G7 à Québec en juin 2018. De plus, le membre civil Rumsey a dit à plusieurs reprises à d’autres membres de la GRC qu’il était prêt à offrir un incitatif financier à l’employé de la sécurité de l’établissement public qu’il a blessé la soirée de l’incident.

Le membre civil Rumsey a admis les deux allégations, et le comité de déontologie a déterminé qu’elles étaient fondées selon la prépondérance des probabilités. Le comité de déontologie a également accepté la proposition conjointe de mesures disciplinaires des parties et a imposé la confiscation de 40 jours de solde.


INTRODUCTION

[1]  Le 24 mai 2019, l’autorité disciplinaire a signé un avis à l’officier désigné dans lequel elle demandait la convocation d’une audience disciplinaire en lien avec cette affaire.

[2]  L’avis d’audience disciplinaire (l’avis) initial contenait deux allégations de conduite déshonorante en violation de l’Article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. L’avis a été signé par l’autorité disciplinaire le 11 juillet 2019. Il a été signifié au membre civil (m.c.) Rumsey, avec la trousse d’enquête, le 15 juillet 2019.

[3]  Les allégations découlent de confrontations verbales et physiques du m.c. Rumsey avec ses collègues et des employés de la sécurité d’un établissement public survenues les 9 et 10 juin 2018. Un des employés de la sécurité a été blessé, et des accusations criminelles ont été portées contre le m.c. Rumsey. Le 11 juin 2018, le m.c. Rumsey aurait répété à plusieurs reprises à d’autres membres de la GRC qu’il était prêt à donner un incitatif financier à l’employé afin d’éviter les accusations criminelles. L’inconduite du m.c. Rumsey est survenue tandis qu’il représentait la GRC pendant le Sommet du G7, à Québec, à savoir un événement international regroupant des dirigeants de pays du monde entier.

[4]  Le 30 mai 2019, un comité de déontologie a été nommé pour trancher sur la question. Toutefois, en raison d’un conflit d’intérêts, j’ai été désignée comité de déontologie le 17 septembre 2019, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC].

[5]  Le 31 octobre 2019, les parties m’ont informée qu’elles prenaient part à des discussions visant à régler cette question à l’amiable. Conformément aux instructions que j’avais fournies pendant la conférence préparatoire tenue le 7 novembre 2019, l’autorité disciplinaire a signé un avis d’audience disciplinaire modifié le 21 novembre 2019, avis qui a été signifié au m.c. Rumsey ce jour-là.

[6]  Le 20 décembre 2019, le m.c. Rumsey a fourni sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire modifié, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Il a admis les deux allégations ainsi que les détails modifiés.

[7]  Le 23 janvier 2020, les parties m’ont fourni une proposition conjointe de mesures disciplinaires.

[8]  Le 20 février 2020, j’ai rendu une décision de vive voix selon laquelle les deux allégations étaient fondées selon la prépondérance des probabilités. J’ai également accepté la proposition conjointe de mesures disciplinaires fournie par les parties, à savoir la confiscation de 40 jours de solde. La présente décision écrite intègre et approfondit cette décision rendue de vive voix.

ALLÉGATIONS

[9]  Comme je l’ai déjà indiqué, deux allégations sont soumises au comité de déontologie et elles sont ainsi libellées :

Allégation 1

Le ou vers le 10 juin 2018, à ou aux environs de Sainte-Foy, dans la province de Québec, [le m.c.] Gerald Patrick Rumsey s’est conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en violation de l’Article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Précisions sur la contravention

1. À toutes les dates pertinentes, [le m.c.] Gerald Patrick Rumsey (« m.c. Rumsey ») était un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté à la Direction générale.

2. Pendant la soirée du 9 au 10 juin, lorsqu’il était déployé au Sommet du G7 à Québec et alors qu’il n’était pas de service, le m.c. Rumsey a fréquenté le Restaurant-Bar Archibald (« l’établissement ») et est devenu intoxiqué.

3. Le 10 juin 2018, à environ [1 h], le m.c. Rumsey est devenu frustré et agressif envers le m.c. Labelle et lui a dit « es-tu de mon bord ou non? Battons-nous. Réglons nos comptes avec les videurs ».

4. À environ [2 h 10], après que les employés de sécurité de l’établissement aient demandé au m.c. Rumsey de quitter les lieux, le m.c. Rumsey a commencé à envoyer des messages texte irrespectueux et vulgaires au m.c. Labelle :

« Where r U u see (où es-tu)

Asshole (trou de cul)

U screw us (tu nous as baisés)

Ur a prick (t’es un imbécile)

Get out here u cunt (viens-t’en, con)

Come here I wanna talk to u (viens ici je veux te parler)

Get the Fuck out here (amène ton cul ici tout de suite. »

5. Le m.c. Labelle n’a pas répondu aux messages du m.c. Rumsey.

6. À environ [2 h 15], le m.c. Labelle a quitté l’établissement. Le m.c. Rumsey l’attendait à l’extérieur. Il s’est montré agressif et a commencé à crier des insultes et des paroles agressives au m.c. Labelle.

7. Le m.c. Rumsey a ensuite employé la force contre le m.c. Labelle en le poussant sur l’épaule afin de le provoquer. Le m.c. Labelle n’a pas consenti à se faire pousser.

8. Le m.c. Labelle n’a pas répondu à la provocation du m.c. Rumsey. Le m.c. Labelle a baissé la tête et a tenté de quitter les lieux. Le m.c. Rumsey l’a suivi et a continué de lui crier après.

9. Le m.c. Régimbald a tenté de mettre fin à la confrontation entre les m.c. Rumsey et Labelle, car il avait l’impression que le m.c. Rumsey s’apprêtait à employer la force contre le m.c. Labelle. Le m.c. Rumsey a employé la force contre le m.c. Régimbald et a tenté de lancer le m.c. Régimbald par-dessus son épaule et de le projeter sur le sol. Le m.c. Régimbald n’a pas consenti à être projeté. Il s’en est suivi une lutte physique et les m.c. Rumsey et Régimbald sont tous deux tombés par terre. Le personnel de sécurité est intervenu et a maîtrisé la situation.

10. À environ [2 h 42], les m.c. Rumsey et Bamford sont retournés à l’établissement et ont tenté d’accéder au bar. Le personnel de sécurité a refusé de les laisser entrer et ont dû employer la force pour faire sortir les deux personnes de l’établissement. Le m.c. Rumsey a ensuite eu recours à la force contre un employé de sécurité en le poussant pour tenter de demeurer dans l’établissement. L’employé de la sécurité n’a pas consenti à se faire pousser. Les m.c. Rumsey et Bamford ont fini par être forcés à se rendre dans le stationnement extérieur de l’établissement.

11. Il s’en est suivi une lutte physique entre le m.c. Rumsey et M. E.T., un membre du personnel de la sécurité de l’établissement. Le m.c. Rumsey a ensuite agressé M. E.T. en lui assénant de multiples coups de poing au visage et/ou à la tête.

12. Le Service de Police de la Ville de Québec est intervenu, et le m.c. Rumsey a été mis en état d’arrestation et accusé de voies de fait. Pendant son arrestation, le m.c. Rumsey a déclaré qu’il était un membre de la GRC.

13. Puisque M. E.T. avait la nausée et se sentait engourdi, on l’a transporté à un hôpital local par ambulance. Selon le personnel médical, il avait subi un traumatisme crânien léger. Les blessures de M. E.T. découlaient directement des actions du m.c. Rumsey.

14. Le recours à la force physique contre des personnes sans leur consentement par le m.c. Rumsey et son utilisation de langage irrespectueux et agressif montrent que le m.c. Rumsey s’est conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en violation de l’Article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Allégation 2

Le ou vers le 10 juin 2018, à ou aux environs de Sainte-Foy, dans la province de Québec, [le m.c.] Gerald Patrick Rumsey s’est conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en violation de l’Article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Précisions sur la contravention

1. À toutes les dates pertinentes, [le m.c.] Gerald Patrick Rumsey (« m.c. Rumsey ») était un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté à la Direction générale, dans la province de l’Ontario.

2. Pendant la soirée du 9 au 10 juin, lorsqu’il était déployé au Sommet du G7 à Québec et alors qu’il n’était pas de service, le m.c. Rumsey a fréquenté le Restaurant-Bar Archibald (« l’établissement ») et est devenu intoxiqué.

3. Le m.c. Rumsey a été impliqué dans un certain nombre de confrontations physiques pendant la soirée, et pendant la dernière altercation, il a agressé M. E.T., un videur qui travaillait pour l’établissement. Le m.c. Rumsey a été mis en état d’arrestation par le Service de Police de la Ville de Québec et accusé de voies de fait.

4. Le 11 juin 2018, le m.c. Rumsey a envoyé des messages texte au m.c. Labelle qui disait : « Peux-tu parler […] J’ai besoin de parler au videur. » Le m.c. Labelle avait bloqué les coordonnées du m.c. Rumsey de son téléphone.

5. Il est reconnu que le m.c. Labelle connaissait les videurs de l’établissement personnellement.

6. Puisque le m.c. Rumsey a été incapable de rejoindre le m.c. Labelle, il a discuté avec le m.c. Bamford pour lui demander de communiquer avec le m.c. Labelle et a dit « je paierais le videur pour faire disparaître ces accusations ».

7. Le 11 juin 2018, pendant une conversation entre le m.c. Rumsey et sa gestionnaire, Mme J.B., le m.c. aurait dit « Y a-t-il quelque chose que je peux faire pour faire retirer les accusations? » et « Je paierais n’importe quel montant. »

8. Le 11 juin 2018, pendant une conversation entre le m.c. Rumsey et le m.c. Carrière, le m.c. Rumsey a dit « Je panique… je paierais ce gars-là juste pour faire disparaître ces accusations ».

9. L’indication par le m.c. Rumsey qu’il était prêt à payer pour éviter des accusations criminelles montre que le m.c. Rumsey s’est conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en violation de l’Article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

Décision relative aux allégations

[10]  Selon l’article 7.1 du Code de déontologie, les membres de la GRC, ce qui inclut un membre civil comme le m.c. Rumsey, doivent se comporter de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[11]  L’évaluation visant à déterminer si la conduite contrevient à l’article 7.1 du Code de déontologie compte les quatre volets suivants. Pour les deux premiers volets, l’autorité disciplinaire doit prouver selon la prépondérance des probabilités, les actes à l’origine du comportement allégué, ainsi que l’identité du membre qui aurait commis ces actes. L’admission par le m.c. Rumsey de l’allégation et de ses détails spécifiques m’amène à conclure que ces deux premiers éléments ont été prouvés.

[12]  Pour ce qui est des troisième et quatrième volets, je dois déterminer si le comportement du m.c. Rumsey est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, et que ce comportement est suffisamment lié à ses tâches et ses fonctions pour que la Gendarmerie ait une raison légitime pour imposer des mesures disciplinaires.

[13]  Selon la preuve disponible, je conclus que le comportement du m.c. Rumsey, tel qu’il est décrit à l’allégation 1, était entièrement inapproprié. Il a employé des paroles vulgaires, insultantes et agressives dans ses messages texte au m.c. Labelle et pendant leur confrontation à l’extérieure. Il a également incité le m.c. Labelle à se battre contre lui à l’extérieur du restaurant-bar.

[14]  En plus d’avoir employé la force contre le m.c. Labelle, le m.c. Rumsey a également eu recours à la force contre le m.c. Régimbald, ce qui a entraîné une lutte entre eux à l’extérieur du restaurant-bar.

[15]  Le manque de respect et l’inconduite du m.c. Rumsey à l’égard des m.c. Labelle et Régimbald, qui étaient ses collègues, sont semblables à de la violence en milieu de travail. Ce type de comportement est inacceptable étant donné les instructions claires des commissaires au cours des dernières années ainsi que les initiatives nationales visant à appuyer et à favoriser les milieux de travail respectueux et inclusifs.

[16]  Qui plus est, le m.c. a été agressif de manière verbale et physique à l’égard des employés de la sécurité du restaurant-bar qu’il fréquentait. Il a admis avoir agressé M. E.T., un membre du personnel de la sécurité, et de lui avoir infligé des blessures. Le m.c. a été arrêté et accusé au criminel, puis a reçu une absolution conditionnelle pour voies de fait contre M. E.T.

[17]  Enfin, le Service de police de la Ville de Québec ont mis le m.c. Rumsey en état d’arrestation et l’ont accusé de voies de fait, et à ce moment, il a précisé qu’il était membre de la GRC.

[18]  Pour ce qui est de l’allégation 2, le m.c. Rumsey a envoyé un message texte au m.c. Labelle le lendemain de l’incident, mais pas pour s’excuser pour son comportement inapproprié. Il voulait plutôt demander son aide pour communiquer avec M. E.T. Le m.c. Labelle avait bloqué le numéro de téléphone cellulaire du m.c. Rumsey. Comme le m.c. Rumsey ne pouvait pas communiquer avec le m.c. Labelle, il a demandé au m.c. Bamford de communiquer avec le m.c. Labelle à son nom. L’objectif principal du m.c. Rumsey consistait à offrir à M. E.T. un incitatif financier pour retirer les accusations criminelles de voies de fait visant le m.c. Rumsey : « Je paierais le videur pour faire disparaître les accusations ».

[19]  Les membres de la GRC, y compris les membres civils, doivent respecter le Code de déontologie de la GRC tant lorsqu’ils sont en service que lorsqu’ils ne le sont pas. Les actions du m.c. Rumsey, telles qu’elles sont décrites dans l’avis d’audience disciplinaire, étaient intéressées et contraire à six des valeurs fondamentales de la GRC : responsabilisation, respect, professionnalisme, honnêteté, compassion et intégrité.

[20]  J’estime que toute personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités de la police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait que les gestes posés par le m.c. Rumsey sont susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[21]  Le m.c. Rumsey était déployé au Sommet du G7 à Québec, un événement d’envergure internationale, à titre de représentant de la GRC. Même s’il n’était pas de service au moment de l’incident, son comportement irrespectueux visait d’autres membres de la GRC. De plus, il s’est identifié comme membre. Par conséquent, je conclus que ses actions étaient suffisamment liées à ses tâches et à ses fonctions pour que la Gendarmerie ait une raison légitime pour imposer des mesures disciplinaires.

[22]  Pour les raisons susmentionnées, les allégations 1 et 2 sont fondées selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[23]  Le Comité externe d’examen de la GRC a élaboré un test en trois parties pour l’imposition des mesures disciplinaires. D’abord, le comité de déontologie doit prendre en considération l’éventail des mesures disciplinaires appropriées pour l’inconduite en cause. Ensuite, il doit prendre en considération les facteurs aggravants et atténuants. Enfin, le comité de déontologie doit infliger des mesures disciplinaires qui reflètent avec précision et équité la gravité de l’inconduite en cause, en gardant à l’esprit le principe de la parité des sanctions.

Éventail de mesures disciplinaires

[24]  Les parties ont fourni dans leur soumission conjointe au comité de déontologie une analyse détaillée de l’éventail approprié des mesures disciplinaires applicables aux divers éléments relatifs à l’inconduite du m.c. Rumsey. L’analyse prend en considération la gravité de l’inconduite précisée à l’allégation 1, qui contient de multiples cas d’inconduite semblables. Elle traite également de la nouveauté de l’inconduite visée par l’allégation 2 concernant l’intention du m.c. Rumsey d’offrir un incitatif financier à la personne qu’il avait blessée.

[25]  Au lieu d’un congédiement, les parties ont proposé comme sanction générale la confiscation de 40 jours de solde.

[26]  À l’appui de leur position, les parties ont expliqué que l’inconduite du m.c. Rumsey au titre de l’allégation 1 correspond de manière générale à trois types de conduite déshonorante énoncés dans le Guide des mesures disciplinaires (2014) (le Guide). En ce qui concerne les précisions 3, 4, 6 et 8, les parties ont indiqué que la tentative par le m.c. Rumsey de provoquer une confrontation physique pouvait être considérée comme un comportement obscène à la vue du public. Ce type d’inconduite correspond à l’éventail des cas graves de l’article 25 (état d’ébriété en public/inconduite) du Guide. On recommande une sanction correspondant à la confiscation de 11 à 15 jours de solde.

[27]  De plus, l’inconduite du m.c. Rumsey décrite dans les précisions 7 et 9 de l’allégation 1 pourrait également correspondre à l’article 21 du Guide (voies de fait/violence familiale) puisqu’elle implique de multiples employés de la GRC et constitue de la violence en milieu de travail. Dans ces précisions, le m.c. Rumsey a poussé et a tenté d’inciter le m.c. Labelle à employer la force. Il a également en recours à la force contre le m.c. Régimbald et a tenté de le projeter par-dessus son épaule et sur le sol sans son consentement. Les parties ont soutenu que l’inconduite du m.c. Rumsey était principalement des poussées et bousculades mineures et correspondait à la partie inférieure de la fourchette normale, pour laquelle on recommande la confiscation de trois jours de solde. À la lumière des preuves disponibles, je crois que le comportement du m.c. Rumsey en lien avec ces précisions constitue à la partie supérieure de l’éventail, à savoir la confiscation de dix jours de salaire, et non à la fourchette inférieure, comme le précisent les parties. Toutefois, cette conclusion ne change pas le résultat final de la présente décision.

[28]  En ce qui concerne la précision 10 de l’allégation 1, les parties sont d’avis qu’il s’agit d’un cas semblable aux précisions 7 et 9 qui pourrait être pris en considération au titre de l’article 21 du Guide. Dans ce cas, le m.c. Rumsey a poussé l’employé de la sécurité afin d’essayer d’entrer dans l’établissement après s’être vu refuser l’accès. Cette inconduite correspond à la partie inférieure de l’éventail normal, pour lequel on recommande la confiscation de trois jours de solde.

[29]  Enfin, les parties ont indiqué que dans les précisions 11, 12 et 13 de l’allégation 1, les multiples coups de poing assénés par le m.c. Rumsey, qui visaient le visage de M. E.T. et ont causé sa blessure, devraient être considérés comme un cas grave au titre de l’article 21, où on recommande une sanction allant de 15 jours de solde au congédiement. De plus, cette inconduite a entraîné l’arrestation du m.c. Rumsey, qui a eu lieu à la vue du public.

[30]  En ce qui concerne l’allégation 2, les parties ont signalé que l’inconduite n’est pas expressément mentionnée dans le Guide ou dans la jurisprudence de la GRC. Elles ont mentionné la décision dans l’affaire Officier compétent, Division C et inspecteur Brian Redmond [1] , dans laquelle le membre a manifesté un comportement intimidateur envers un éventuel témoin pour l’empêcher de témoigner contre lui. Dans cette affaire, le comité d’arbitrage avait imposé une sanction de 10 jours de solde.

[31]  Comme je l’ai précisé dans ma décision relativement à l’affaire Commandant de la Division C c. Gendarme Kramer, 2020 DAD 04 (en français seulement), le nouvel éventail de mesures disciplinaires énoncé dans le Guide a changé considérablement et n’est plus compatible avec l’ancien processus disciplinaire de la GRC. Même si l’ancien processus limitait la sanction pécuniaire à 10 jours de solde, la nouvelle Loi sur la GRC ne comporte pas cette limite. Le Guide reconnaît que l’imposition d’une sanction pécuniaire sans limite a peu de chances de corriger la conduite d’un membre et de maintenir la confiance du public. Par conséquent, en pratique, la sanction maximale recommandée est de 45 jours de solde. Par conséquent, l’utilisation des anciennes décisions pour établir l’éventail des mesures disciplinaires applicables à un cas d’inconduite semblable a ses limites. Toutefois, je suis d’avis que les anciennes décisions continuent d’être utiles lorsque les principes articulés dans celles-ci permettent d’appuyer ou de reconnaître les cas où l’autorité disciplinaire demande le congédiement du membre visé. Ce n’est pas le cas dans la présente affaire.

[32]  Pour l’allégation 2, les parties ont également mentionné les décisions des affaires Clarke [2] et Cormier [3] , qui ont été rendues au titre du nouveau processus de déontologie de la GRC. Selon les parties, l’inconduite du m.c. Rumsey était moins grave que celle des membres visés dans ces décisions.

[33]  À l’allégation 5 de la décision Clarke, le membre visé a ordonné à un témoin de fournir des renseignements erronés concernant l’élimination de la bière saisie. Pour cette allégation précise, le comité de déontologie a imposé une réprimande et la confiscation de 13 jours de solde.

[34]  Pour ce qui est de l’allégation 3 de la décision Cormier, qui est plus ou moins comparable aux circonstances qui nous occupent, le membre visé à contrefait un courriel, à inséré un exemplaire physique du courriel contrefait dans le dossier d’enquête et a envoyé une télécopie à la Direction des véhicules à moteur du Nouveau-Brunswick contenant le courriel contrefait. Pour cette allégation précise, le comité de déontologie a imposé la confiscation de 30 jours de solde, l’inadmissibilité à une promotion pendant deux ans et une mutation vers un autre lieu de travail.

[35]  À la suite de mon examen, je suis convaincu que l’éventail concernant l’inconduite du m.c. Rumsey va d’une confiscation de la solde considérable au congédiement. Une fois cet éventail déterminé, je dois évaluer les facteurs aggravants et atténuants afin de déterminer la mesure la plus proportionnelle à prendre dans cette affaire.

Facteurs aggravants

[36]  J’accueille les facteurs aggravants suivants, qui ont été présentés conjointement par les parties :

  1. L’inconduite est survenue pendant que le m.c. Rumsey était déployé au Sommet du G7, un événement d’envergure internationale impliquant des dirigeants de pays du monde entier.
  2. L’inconduite est équivalente à de la violence en milieu de travail, puisqu’elle visait des employés de la GRC.
  3. La nature délibérée des gestes posés par le m.c. Rumsey dans l’allégation 2 concernant son intention d’offrir un incitatif financier à l’employé de la sécurité qu’il avait agressé afin de faire retirer les accusations criminelles de voies de fait portées contre lui. Le m.c. Rumsey était dans un état d’esprit conscient et n’était plus en état d’ébriété lorsqu’il a délibérément choisi d’agir de cette façon et de répéter son intention à divers collègues pendant la journée. Même s’il était peut-être en état de panique, ce que concèdent les parties, d’ailleurs, les membres demeurent responsables de leur propre conduite en tout temps.
  4. Le m.c. Rumsey s’est identifié comme membre de la GRC et, ce faisant, a entaché la réputation de la Gendarmerie.
  5. Le m.c. Rumsey a été accusé au criminel de voies de fait et a reçu une absolution conditionnelle.
  6. Les répercussions considérables des gestes posés par le m.c. Rumsey pour le m.c. Labelle, comme on le précise dans la déclaration de la victime.

Facteurs atténuants

[37]  J’accueille les facteurs atténuants suivants, qui ont été présentés conjointement par les parties :

  1. Le m.c. Rumsey a admis les allégations et les précisions modifiées, ce qui a permis d’éviter une audience publique contestée.
  2. Le m.c. Rumsey n’a aucune mesure disciplinaire antérieure à son dossier.
  3. Le m.c. Rumsey fait preuve de remords et montre qu’il comprend la gravité de ses actions. Il a présenté des excuses à son superviseur pour son comportement embarrassant et le fardeau inutile qu’il a imposé à la Gendarmerie. Il a également présenté ses excuses à M. E.T. pendant les procédures criminelles. Enfin, le m.c. Rumsey a présenté des excuses à mon égard et m’a demandé la permission de présenter des excuses aux m.c. Labelle et Régimbald. Comme je l’ai indiqué dans ma décision rendue de vive voix, j’ai fortement recommandé que des lettres soient envoyées aux m.c. Labelle et Régimbald et j’ai demandé aux conseils de travailler en collaboration pour que cela soit fait dès que possible.
  4. Le m.c. Rumsey compte 12 années de service productif au sein de la GRC. Ses évaluations du rendement sont très positives et le décrivent comme un membre professionnel et dévoué qui est toujours prêt à aider les autres. Cette information est appuyée par bon nombre de courriels d’appréciation reçus de clients de la technologie de l’information auxquels il a offert des services.
  5. Les lettres de recommandation fournies par les collègues et les superviseurs du m.c. Rumsey confirment qu’il peut toujours compter sur leur appui.

[38]  Selon les parties, le m.c. Rumsey a demandé et obtenu des soins médicaux régulièrement et continue à consulter des professionnels de la santé. Toutefois, les documents fournis n’expliquent ni le diagnostic ni le pronostic, et ils n’incluent aucune recommandation concernant son traitement. Comme il n’y a aucune preuve de lien de causalité entre le traitement reçu par le m.c. Rumsey et l’incident en cause, je ne peux pas considérer cet élément comme un facteur atténuant.

[39]  Les parties ont également indiqué qu’il est très improbable que le m.c. Rumsey récidive. Je crois qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour me permettre de conclure avec confiance que le m.c. Rumsey ne commettra pas d’autres contraventions d’une nature semblable à l’avenir. Par conséquent, je ne considère pas cet élément comme un facteur atténuant.

[40]  En fait, j’ai certaines préoccupations concernant la réponse du m.c. Rumsey aux allégations, dans laquelle il a précisé qu’il se souvient peu, ou ne se souvient pas, de certaines précisions concernant les allégations en raison de son niveau d’intoxication ce soir-là. Comme il l’a signalé dans sa lettre à mon intention, je comprends qu’il traversait une période difficile dans sa vie personnelle à ce moment-là. Toutefois, je suis d’avis que cela n’excuse pas son inconduite. Non seulement l’incident a-t-il eu un impact émotionnel considérable sur la vie du m.c. Labelle, il a également impliqué plusieurs employés de la GRC.

[41]  Enfin, il est important de souligner dans cette affaire que l’autorité disciplinaire ne demande plus le congédiement du m.c. Rumsey.

Parité des sanctions

[42]  Conformément à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être proportionnelles à la nature de la contravention au Code de déontologie et aux circonstances qui l’entourent, soit, selon le cas, des mesures éducatives et correctives plutôt que des mesures punitives.

[43]  Bien que j’eusse peut-être imposé une sanction plus sévère dans cette affaire que celle qui a été proposée par les parties, mon pouvoir discrétionnaire est limité lorsqu’une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires est présentée au comité de déontologie par les parties, comme c’était le cas dans cette affaire. En règle générale, afin de rejeter la proposition, le comité de déontologie doit démontrer que la proposition est contraire à l’intérêt public.

[44]  Le critère de l’intérêt public a un seuil très élevé. En 2016, la Cour suprême du Canada a fourni, au paragraphe 34 de la décision R. c. Anthony-Cooke, 2016 CSC 43, des conseils qui s’appliquent également aux tribunaux administratifs. Plus précisément, la Cour suprême a précisé qu’une soumission conjointe ne pouvait pas être facilement rejetée, car :

[…] Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner (dans ce cas, le processus de déontologie). […]

[45]  Le critère de l’intérêt du public a également été adopté dans le contexte de la discipline professionnelle dans l’arrêt Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 [Rault], et dans la décision du commissaire de la GRC dans l’affaire Gendarme Coleman et Officier approprié, Division F (2018) 18 D.A. (4e) 270. Selon Rault, un comité de déontologie a l’obligation de bien peser une soumission conjointe, sauf si cette dernière est inadéquate, déraisonnable ou d’une autre façon contraire à l’intérêt public. De plus, lorsqu’un rejette une soumission conjointe, un comité de déontologie doit également fournir des motifs convaincants afin de justifier de quelle façon la soumission est inadéquate.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[46]  Après avoir procédé à un examen approfondi des éléments de preuves disponibles, de la nature de l’inconduite, des facteurs atténuants et aggravants ainsi que des affaires présentées par les parties, je ne peux pas déterminer que la sanction générale proposée visant la confiscation de 40 jours de solde présentée par les parties est inadéquate, déraisonnable ou d’une autre façon contraire à l’intérêt public. En fait, la mesure proposée respecte l’éventail des sanctions imposées pour une inconduite d’une nature semblable. De plus, la sanction proposée reflète la gravité de l’inconduite. Non seulement a-t-elle un effet dissuasif pour le m.c. CM Rumsey, elle constituera également une dissuasion spécifique pour les autres membres.

[47]  Pour ces raisons, j’accepte la proposition conjointe de mesures disciplinaires présentée par les parties.

CONCLUSION

[48]  Les allégations 1 et 2 sont fondées selon la prépondérance des probabilités. Conformément à la proposition conjointe de mesures disciplinaires présentée par les parties, j’impose, conformément à l’alinéa 5(1)j) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, une sanction financière de 40 jours, à déduire de la solde du m.c. Rumsey.

[49]  Conformément à la présentation de l’autorité disciplinaire dans la proposition conjointe et comme je l’ai précisé dans ma décision rendue de vive voix sur les mesures disciplinaires, il est attendu, à l’avenir, que le m.c. Rumsey adoptera une conduite exemplaire. La proposition conjointe constitue une occasion pour le m.c. Rumsey de continuer sa carrière dans le respect des normes énoncées dans le Code de déontologie ainsi que des valeurs fondamentales de la GRC.

[50]  L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel dans les 14 jours suivant la signification de cette décision au membre civil Rumsey, conformément à l’article 45.11 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et l’article 22 des CC (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

29 avril 2020

Josée Thibault

Comité de déontologie de la GRC

 

Date

 



[1] Officier compétent, Division C et inspecteur Brian Redmond, 24 D.A. (3e) 146.

[2] Commandant de la division K c. Gendarme Clarke, 2016 DARD 3.

[3] Commandant de la division J c. Gendarme Cormier, 2016 DARD 2.

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