Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Les allégations dans ce dossier sont liées à la conduite du membre civil Gaudet lors du souper régimentaire qui a eu lieu en novembre 2018, à Miramichi, au Nouveau-Brunswick, pour célébrer le 20e anniversaire du Programme canadien des armes à feu. Le membre civil Gaudet était en état d’ébriété avancé. En plus de tenir des propos inappropriés, il a commis des gestes de nature sexuelle envers deux membres civiles qui étaient présentes.
Le membre civil Gaudet a admis les deux allégations déposées contre lui. Le Comité de déontologie a conclu qu’elles étaient établies selon la prépondérance des probabilités. Le Comité a aussi accepté la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires soumise par les parties. En résumé, les mesures suivantes ont été imposées:
a. une rétrogradation temporaire du poste de niveau CP-03 à un poste de niveau CP-02 pour une durée d’un an à compter de la date de la décision du Comité;
b. une réaffectation des tâches dans un groupe autre que le Centre canadien des armes à feu de la Division J, sans toutefois inclure une mutation physique (déménagement); et
c. une obligation de continuer à obtenir des services de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou tout autre service jugé approprié par le médecin-chef des Services de santé de la Division J.

Contenu de la décision

Protégé A

2020 DAD 10

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Audience disciplinaire

dans l’affaire intéressant la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10

Entre :

Commandant de la Division J

Autorité disciplinaire

et

Membre civil Mark Gaudet

Numéro de matricule C4869

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Josée Thibault

Le 19 mai 2020

Me Denys Morel et sergente d’état-major Chantal Le Dû, pour l’autorité disciplinaire

Me Sara Novell, pour le membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION  3

INTRODUCTION  5

ALLÉGATIONS  6

DÉCISION SUR LES ALLÉGATIONS  7

Principe de la conduite déshonorante – article 7.1 du Code de déontologie  7

MESURES DISCIPLINAIRES  9

Gamme des mesures disciplinaires  9

Facteurs aggravants  11

Facteurs atténuants  12

Parité des sanctions  13

Décision sur les mesures disciplinaires  14

CONCLUSION  15

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION

Les allégations dans ce dossier sont liées à la conduite du membre civil Gaudet lors du souper régimentaire qui a eu lieu en novembre 2018, à Miramichi, au Nouveau-Brunswick, pour célébrer le 20e anniversaire du Programme canadien des armes à feu. Le membre civil Gaudet était en état d’ébriété avancé. En plus de tenir des propos inappropriés, il a commis des gestes de nature sexuelle envers deux membres civiles qui étaient présentes.

Le membre civil Gaudet a admis les deux allégations déposées contre lui. Le Comité de déontologie a conclu qu’elles étaient établies selon la prépondérance des probabilités. Le Comité a aussi accepté la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires soumise par les parties. En résumé, les mesures suivantes ont été imposées:

  1. une rétrogradation temporaire du poste de niveau CP-03 à un poste de niveau CP-02 pour une durée d’un an à compter de la date de la décision du Comité;

  2. une réaffectation des tâches dans un groupe autre que le Centre canadien des armes à feu de la Division J, sans toutefois inclure une mutation physique (déménagement); et

  3. une obligation de continuer à obtenir des services de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou tout autre service jugé approprié par le médecin-chef des Services de santé de la Division J.


INTRODUCTION

[1]  Le 27 septembre 2019, le commandant de la Division J a demandé, par l’entremise d’un Avis à l’officier désigné, la tenue d’une audience disciplinaire dans cette affaire. Le 30 septembre 2019, j’ai été nommée au Comité de déontologie en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10 [Loi sur la GRC].

[2]  L’Avis d’audience disciplinaire (l’Avis) a été signé par le commandant de la Division J le 23 octobre 2019 et a été signifié au membre civil (MC) Gaudet le 15 novembre 2019. L’Avis contient un total de trois allégations de contravention au Code de déontologie de la GRC qui se seraient déroulées le 16 novembre 2018 lors d’un souper régimentaire organisé pour célébrer le 20e anniversaire du Programme canadien des armes à feu.

[3]  Dans l’allégation 1, il est allégué que le MC Gaudet a tenu des propos inappropriés et a commis des gestes de nature sexuelle inappropriés envers une collègue de travail, et ce, contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie. Dans l’allégation 2, il est également allégué que le MC Gaudet a commis des attouchements sexuels inappropriés envers une deuxième collègue de travail, ce qui contrevient également à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. L’allégation 3 ainsi que ses énoncés détaillés ont été retirés par l’autorité disciplinaire dans la requête conjointe des parties du 17 avril 2020.

[4]  Le 14 décembre 2019, le MC Gaudet a fourni sa réponse à l’Avis, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (Déontologie), DORS/2014-291. Il a admis les deux allégations, de même que tous les énoncés détaillés décrivant la nature des contraventions reprochées.

[5]  Le 17 avril 2020, les parties ont soumis au Comité de déontologie une requête conjointe demandant l’imposition de mesures disciplinaires autres que le congédiement.

[6]  La présente décision contient mes conclusions sur les allégations et les mesures disciplinaires imposées contre le MC Gaudet.

ALLÉGATIONS

[7]  Les deux allégations dont le Comité de déontologie était saisi se lisent comme suit :

Allégation 1

Le ou vers le 16 novembre 2018, à ou près de Miramichi, dans la province du Nouveau-Brunswick, le [MC] Mark Gaudet a eu une conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie.

Énoncés détaillés de l’allégation :

1. À toutes les époques pertinentes, vous étiez et vous êtes toujours un membre civil de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), affecté à l’unité du soutien informatique pour le Programme canadiens des armes à feu pour l’est de la province du Nouveau-Brunswick à Miramichi.

2. Au moment de l’allégation, vous étiez avec des collègues de travail à un souper du régiment organisé pour célébrer le 20e anniversaire du Programme canadien des armes à feu.

3. Vous aviez consommé des boissons alcoolisées et vous étiez en état d’ébriété.

4. Durant la soirée, juste avant le souper, vous avez approché madame P.Y., une collègue de travail. Madame P.Y. était debout et, tout en faisant les gestes avec vos mains, vous lui avez fait des commentaires à l’effet que vous vouliez « squeezer » ses seins. Votre comportement l’a incité à se croiser les bras devant la poitrine et vous dire d’arrêter. Vous lui avez donné une embrassade et l’avez embrassé sur le cou.

5. Durant la soirée, vous reveniez constamment à la table de madame P.Y. et vous vous accotiez sur son dos, lui touchant à l’occasion les cheveux et lui disant que vous l’aimiez.

6. Madame P.Y. était inconfortable et agacée par votre conduite à son endroit.

7. Vous avez tenu des propos et avez faits des gestes de nature sexuelle qui étaient inappropriés envers une collègue de travail.

Allégation 2

Le ou vers le 16 novembre 2018, à ou près de Miramichi, dans la province du Nouveau-Brunswick, le [MC] Mark Gaudet a eu une conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie.

Énoncés détaillés de l’allégation :

1. À toutes les époques pertinentes, vous étiez et vous êtes toujours un membre civil de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), affecté à l’unité du soutien informatique pour le Programme canadiens des armes à feu pour l’est de la province du Nouveau-Brunswick à Miramichi.

2. Au moment de l’allégation, vous étiez avec des collègues de travail à un souper du régiment organisé pour célébrer le 20e anniversaire du Programme canadien des armes à feu.

3. Vous aviez consommé des boissons alcoolisées et vous étiez en état d’ébriété.

4. Durant la soirée, après le repas, madame K.P., était assise avec d’autres collègues de travail lorsque vous vous êtes approché d’elle par derrière. Vous avez glissé votre main sur son côté droit, allant de son épaule au bas de son dos jusqu’à ses fesses, effleurant le côté de son sein. Madame K.P. était sous le choc.

5. Vous avez touché madame K.P. de façon sexuelle sans son consentement.

[Cité textuellement]

DÉCISION SUR LES ALLÉGATIONS

Principe de la conduite déshonorante – article 7.1 du Code de déontologie

[8]  En vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie, les membres doivent se comporter de manière à éviter de jeter le discrédit sur la GRC. Afin de déterminer si les deux allégations déposées contre le MC Gaudet sont établies selon la prépondérance des probabilités, l’autorité disciplinaire doit établir les quatre éléments suivants:

  1. les actes constituant le comportement allégué;
  2. l’identité du membre ayant commis ces actes;
  3. que la conduite déshonorante du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC; et
  4. que la conduite est suffisamment liée aux devoirs et fonctions du membre pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[9]  Compte tenu des aveux du MC Gaudet dans sa réponse aux allégations du 14 décembre 2019, je conclus que l’identité du membre a été établie. De plus, les actes constitutifs des inconduites alléguées pour les deux allégations sont également établis selon la prépondérance des probabilités.

[10]  Savoir si la conduite était déshonorante constitue une question de droit qui doit être tranchée en fonction du contexte et de toutes les circonstances de l’affaire. De plus, il faut prendre le terme « déshonorante » dans son sens naturel et courant au regard des obligations et tâches spéciales d’un professionnel (voir Hughes v Architects Registration Council of the United Kingdom, [1957] 2 All ER 436 (QB), 442, pour mieux comprendre le sens de « scandaleux »).

[11]  Selon la preuve au dossier, je trouve que la conduite du MC Gaudet décrite dans les allégations 1 et 2, alors qu’il était hors service, est complètement inappropriée. D’ailleurs, le fait qu’il ait été en état d’ébriété avancé lors d’un souper régimentaire et qu’il allègue ne pas se souvenir d’une grande partie de la soirée démontre un manque de respect, de courtoisie et de professionnalisme envers non seulement les deux membres civiles qui ont été victimes de son inconduite sexuelle, mais également envers tous ses collègues qu’il a importunés par ses actions. Selon la preuve au dossier, un collègue a dû répéter à plusieurs reprises au MC Gaudet de laisser madame P.Y. tranquille. Un autre a dû retirer la main du MC Gaudet qui touchait des parties du corps de madame K.P. sans son consentement. Enfin, plusieurs autres ont été sollicités afin de surveiller le MC Gaudet en raison de son état d’ébriété avancé et de son comportement encombrant dès son arrivée à la réception.

[12]  Ce type de comportement est inacceptable compte tenu de l’orientation claire donnée par les commissaires de la GRC ces dernières années concernant les inconduites sexuelles. Selon l’article 1.1 du Guide des mesures disciplinaires (2014), le Code de déontologie s’applique à tous les membres, incluant les membres civils, et ce, qu’ils soient en service ou non. Les membres de la GRC font constamment l’objet d’un examen minutieux de la part de la population canadienne qui s’attend qu’ils respectent de prime abord les valeurs fondamentales de la GRC : l’honnêteté, l’intégrité, le professionnalisme, la compassion, la responsabilisation et le respect.

[13]  Par conséquent, je conclus qu’une personne raisonnable dans la société informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et de la GRC en particulier, serait d’avis que le comportement du MC Gaudet dans les deux allégations est déshonorant et jette le discrédit sur la GRC. Enfin, son comportement est lié à ses devoirs et ses fonctions parce qu’il implique d’autres membres de la GRC dans un événement organisé par la GRC. Par conséquent, les allégations 1 et 2 sont établies selon la prépondérance des probabilités et des mesures disciplinaires s’imposent.

MESURES DISCIPLINAIRES

[14]  Le Comité externe d’examen de la GRC a établi que l’analyse des mesures disciplinaires par un comité de déontologie doit se faire en trois étapes. En premier, il doit établir la gamme des mesures disciplinaires appropriée. Deuxièmement, il doit tenir compte des facteurs aggravants et des facteurs atténuants afin d’évaluer la gravité de l’inconduite. Enfin, il doit imposer une mesure disciplinaire juste et équitable qui reflète la gravité de l’inconduite en question tout en tenant compte des principes de parité de la sanction et de la dissuasion.

Gamme des mesures disciplinaires

[15]  Les parties affirment que le congédiement du MC Gaudet n’est pas approprié en l’espèce. Ceux-ci s’appuient sur les principes directeurs du processus déontologique de la GRC qui recommandent que les mesures soient adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions et, s’il y a lieu, qu’elles soient éducatives et correctives plutôt que punitives.

[16]  Par conséquent, les parties recommandent plutôt une rétrogradation temporaire d’un an du poste de niveau CP-03 à CP-02, une réaffectation des tâches dans un autre groupe que le Centre canadien des armes à feu et une obligation de continuer à obtenir des services de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou tout autre service jugé approprié par le médecin-chef des Services de santé de la Division J.

[17]  De plus, les parties soutiennent que le Guide des mesures disciplinaires (2014) est d’une valeur limitée en l’espèce puisque les deux allégations établies ne correspondent à aucune des catégories prévues dans ce dernier. Les parties établissent aussi un parallèle avec quatre décisions jurisprudentielles du processus déontologique de la GRC [1] qui, selon eux, sont des exemples d’inconduites sexuelles plus sérieuses qu’en l’espèce. Dans ces décisions, les contraventions au Code de déontologie ne correspondaient pas non plus aux catégories établies dans le Guide des mesures disciplinaires (2014) et les membres n’ont pas été congédiés malgré l’établissement des allégations. Enfin, par souci de parité des sanctions entre les membres, les parties allèguent que toutes ces décisions sont pertinentes dans l’examen par le Comité de la proposition conjointe. Enfin, elles démontrent qu’un résultat qui ne mène pas au congédiement du membre est raisonnable en l’espèce et ne va pas à l’encontre de l’intérêt public.

[18]  Les parties s’appuient également sur les décisions Pulsifier [2] et Allen [3] pour établir que les faits dans ces décisions sont similaires à ceux de la présente affaire et que, malgré tout, les membres n’ont pas été congédiés.

[19]  Par exemple, dans l’affaire Pulsifer, le membre était dans un état d’ébriété avancé lors d’une activité de promotion de travail d’équipe, organisée en soirée, dans un établissement qui vendait de l’alcool. À la fin de la soirée, le membre a glissé ses mains sous le chandail de la gendarme 1 pour lui toucher les seins et celle-ci l’a repoussé. Ensuite, le membre a tenté de poser les mêmes gestes sur la gendarme 2. Après une deuxième tentative, la gendarme 2 s’est retournée et a donné au membre un coup de poing au visage. Malgré ces incidents, le membre n’a pas été congédié.

[20]  Pour ce qui est de la décision Allen, le membre visé était en état d’ébriété lors d’une fête de Noël tenue après les heures de travail. Il a glissé sa main dans le pantalon et les sous- vêtements d’une collègue qui vomissait dans une toilette parce qu’elle avait consommé trop d’alcool. Le membre lui a touché les fesses et la victime a repoussé sa main. Dans cette décision, le membre n’a pas été congédié.

[21]  Avant d’aller plus loin, je tiens à préciser que je ne suis pas contrainte par les autorités jurisprudentielles provenant des autres comités de déontologie de la GRC. D’ailleurs, malgré l’importance de ces décisions, le Comité a tout de même la discrétion d’imposer des mesures disciplinaires plus élevées pour des situations comportant des faits semblables, s’il le juge approprié. De plus, comme indiqué dans plusieurs décisions antérieures du processus déontologique de la GRC, le Guide des mesures disciplinaires (2014) fournit des directives sur les considérations relatives à l’imposition de mesures disciplinaires. Je n’en suis pas liée lors de ma prise de décision.

[22]  À la suite d’une revue de l’éventail des mesures disciplinaires retrouvé à l’article 7.1 du Code de déontologie et de la jurisprudence présentée, je suis satisfaite qu’une mesure proportionnée pour l’inconduite reprochée dans les deux allégations se situe entre une confiscation de la solde élevée allant jusqu’au congédiement.

[23]  Après avoir déterminé l’éventail approprié des mesures disciplinaires, le Comité doit tenir compte des facteurs aggravants ou atténuants pertinents.

Facteurs aggravants

[24]  Je retiens les facteurs aggravants suivants soumis par les parties :

  1. L’inconduite a eu lieu lors d’un souper régimentaire de la GRC, soit une extension du lieu de travail.
  2. Plusieurs collègues et membres de la GRC ont été témoins de l’inconduite du MC Gaudet et ceci a eu des répercussions sur eux.
  3. Le MC Gaudet a déjà été averti informellement par le passé pour un comportement similaire.

[25]  Pour ce qui est de la gravité de l’inconduite, je ne peux retenir ce facteur comme étant aggravant. Comme indiqué par le comité de déontologie dans l’affaire du Commandant de la Division H et le gendarme Greene, 2017 DARD 5, au paragraphe 142 :

[…] Certes, les contraventions établies en l’espèce sont graves, mais tenir la gravité de l’inconduite pour un facteur aggravant relève de la tautologie. Les facteurs aggravants, par définition, sont des facteurs extérieurs à l’inconduite qui forcent la prise en considération d’une peine plus sévère. La gravité de l’inconduite n’est pas un facteur aggravant.

Facteurs atténuants

[26]  Je retiens les facteurs atténuants suivants soumis par les parties :

  1. Le MC Gaudet accepte sa responsabilité et reconnaît son inconduite.
  2. Il éprouve des remords et il s’est excusé par écrit au Comité, ainsi qu’à madame P.Y. et madame K.P.
  3. Le MC Gaudet a 24 ans de carrière auprès de la GRC et ses évaluations de rendement sont très positives. Il y est décrit comme un employé dédié à son travail et à son équipe. Il est apprécié des utilisateurs informatiques qu’il dessert de même que de ses gestionnaires à la GRC.
  4. Il n’a pas fait l’objet de mesures disciplinaires antérieures formelles.
  5. Au niveau de sa consommation problématique d’alcool, le MC Gaudet a recours au Service d’aide aux employés recommandé par le médecin-chef de la Division J. Il est également suivi par un psychologue et participe activement à des séances auprès des Alcooliques Anonymes.
  6. Il a collaboré avec les Services d’enquêtes internes disciplinaires.

[27]  Les parties ont avancé que le MC Gaudet a une probabilité de récidive minimale vu sa prise de conscience quant à sa consommation excessive d’alcool, son engagement auprès des Alcooliques Anonymes et les changements apportés à son style de vie. Je reconnais tous les efforts et l’engagement du MC Gaudet pour maintenir sa sobriété. Cependant, sachant qu’il a déjà été averti informellement par le passé pour un comportement similaire et que les parties l’ont considéré comme un facteur aggravant, je ne peux conclure avec certitude que sa probabilité de récidive est minimale. Ainsi, je ne peux le considérer comme un facteur atténuant.

[28]  Un autre facteur atténuant que je ne peux accepter est que le membre n’avait aucune intention malveillante lors de l’incident. Le message de la GRC est clair quant aux inconduites sexuelles et bien compris par la plupart des membres. D’ailleurs, dans la proposition conjointe des parties, « le membre admet que des allégations d’inconduite sexuelle sont très sérieuses et qu’un comportement comme celui dont [il] a fait preuve ne peut être toléré par la GRC ». J’ajoute à ceci, et ce, peu importe l’intention initiale du membre parce qu’un tel comportement cause généralement des torts irréparables aux victimes. D’ailleurs, le membre doit en tout temps songer à l’incidence de ses actes et de son comportement afin de préserver sa crédibilité et la confiance du public.

[29]  Enfin, il est important de noter que le Commandant de la Division J ne demande plus le congédiement du MC Gaudet. Le Comité a été avisé dans la proposition conjointe des parties que le MC Gaudet sera, à la suite de ce processus, réintégré au travail selon les modalités de l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

Parité des sanctions

[30]  Afin d’imposer une sanction appropriée et une décision juste, le Comité de déontologie doit tenir compte du fait que l’objectif premier des mesures disciplinaires imposées en vertu de l’alinéa 36.2(e) de la Loi sur la GRC n’est pas nécessairement de punir. Il est plutôt recommandé que les mesures disciplinaires soient éducatives et correctives tout en étant adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions.

[31]  Bien que j’aurais possiblement imposé des mesures disciplinaires plus sévères compte tenu de la gravité de l’inconduite sexuelle, mon pouvoir discrétionnaire est limité lorsqu’une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires est soumise au Comité de déontologie par les parties. En règle générale, pour rejeter la proposition, le Comité de déontologie doit démontrer que la proposition est contraire à l’intérêt public.

[32]  Le critère de l’intérêt public a un seuil très élevé. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c Anthony-Cook, 2016 CSC 43, indique au paragraphe 34 qu’une proposition conjointe ne doit pas être rejetée trop facilement parce que :

[…] le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner.

[33]  Le critère de l’intérêt public a également été adopté dans le contexte de la discipline professionnelle dans l’arrêt Rault v Law Society (Saskatchewan), 2009 SKCA 81 [Rault], y compris dans la décision récente du commissaire de la GRC, Constable Coleman and Appropriate Officer “F” Division, (2018) 18 AD (4th) 270 (disponible en anglais seulement). Selon le paragraphe 13 dans Rault, lorsqu’une proposition conjointe est présentée au Comité de déontologie, celui-ci doit :

[TRADUCTION]

[…] envisager sérieusement une proposition conjointe sur la peine convenue par les avocats, à moins que la peine ne soit inappropriée ou déraisonnable, ou contraire à l’intérêt public; et il ne devrait pas s’en écarter, sauf s’il existe des raisons bonnes et convaincantes de le faire.

Décision sur les mesures disciplinaires

[34]  Après avoir examiné la preuve au dossier, la nature de l’inconduite du MC Gaudet, les facteurs aggravants et atténuants ainsi que les décisions à l’appui soumises par les parties, je conclus que la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires soumise par les parties n’est pas inapte, déraisonnable ou contraire à l’intérêt public.

[35]  En fait, les mesures disciplinaires proposées respectent l’éventail des mesures imposées pour une faute de nature similaire. En outre, la sanction proposée reflète la gravité de la faute, elle dissuade le MC Gaudet et favorise également la dissuasion générale et spécifique des autres membres.

[36]  Par conséquent, j’accepte la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires soumise par les parties et j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

  1. une rétrogradation temporaire du poste de niveau CP-03 à un poste de niveau CP-02 pour une durée d’un an à compter de la date de la décision du Comité de déontologie, conformément à l’alinéa 5(1)(e) des Consignes du Commissaire (déontologie), DORS/2014-291, et le paragraphe 22(1.1) de la Loi sur la GRC. Le membre réintègrera un poste de niveau CP-03 (ou CS-03 en cas de conversion des membres civils à fonctionnaires publics), au même barème de sa solde, dans la Division J, à Miramichi, à l’expiration de la période d’un an sans devoir se requalifier par le biais d’un processus formel.
  2. Une réaffectation des tâches dans un groupe autre que le Centre canadien des armes à feu de la Division J, sans toutefois inclure une mutation physique (déménagement).
  3. Une obligation de continuer à obtenir des services de counseling relativement à sa consommation excessive d’alcool ou tout autre service jugé approprié par le médecin-chef des Services de santé de la Division J.

CONCLUSION

[37]  Comme je l’ai indiqué précédemment, l’inconduite sexuelle du MC Gaudet était entièrement inacceptable. D’ailleurs, j’appuie fortement le commentaire suivant de l’autorité disciplinaire :

[…] Sous réserve de la décision du Comité sur la proposition conjointe dans cette affaire, l’Autorité disciplinaire, le Commandant de la Division “J”, s’attend à ce que le membre visé démontre une conduite exemplaire dans le futur. Cette proposition conjointe représente une opportunité pour le membre visé de continuer sa carrière tout en respectant les valeurs de la GRC et les standards de conduites imposés par le Code de déontologie. Toutes contraventions futures, s’il y a lieu, seront traitées de façon sérieuse par les superviseurs et autorités disciplinaires du membre visé et pourraient entraîner son congédiement. […]

[Cité textuellement]

[38]  Les parties peuvent faire appel de cette décision devant la commissaire en déposant une déclaration d’appel dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision écrite au MC Gaudet (article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289).

 

 

Le 19 mai 2020

Josée Thibault

Comité de déontologie

 

Date

 



[1] Commandant de la Division E et le gendarme Caram, 2017 DARD 8; Commandant de la Division K et le gendarme K. Brown, 2018 DARD 15; Commandant de la Division K et le gendarme L. Brown, 2019 DARD 12; et Commandant de la Division E et la gendarme Little, 2020 DARD 1.

[2] Commandant de la Division H et le gendarme Pulsifier, 2019 DARD 9

[3] Commandant de la Division H et le gendarme Allen, 2019 DARD 10

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