Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le caporal Chartier a initialement fait face à quatre allégations de manquement au code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). En cause était son omission d’avoir pris des mesures appropriées à titre de membre de la GRC pour aider une amie exposée à un danger potentiel, de même que les déclarations inexactes qu’il a faites au cours d’une enquête subséquente relative au code de déontologie pour tenter de minimiser ses manquements.
L’audience relative à cette affaire était prévue pour la semaine du 11 mai 2020. Avant l’audience, les parties sont arrivées à une entente et le reste de la procédure s’est déroulé sans qu’il soit nécessaire de recourir à des preuves orales ou à des plaidoiries. Le caporal Chartier a admis deux des allégations et les deux autres allégations ont été retirées par l’autorité disciplinaire. Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits ainsi qu’une proposition conjointe de mesures disciplinaires.
Aidé par les admissions du caporal Chartier, le comité de déontologie a conclu que les allégations 1 et 3 étaient établies selon la prépondérance des probabilités. Le comité de déontologie a accepté la proposition conjointe de mesures disciplinaires des parties et a imposé : 1) une pénalité financière de 10 jours, à déduire de la solde du caporal Chartier; 2) une réduction de 10 jours de la banque de congés annuels; et 3) l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans.

Contenu de la décision

Protégé A

2020 DAD 11

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre :

Surintendante principale Marlene Bzdel

Autorité disciplinaire désignée

et

Caporal Christian Chartier

Matricule 46614

Membre visé

Décision du comité de déontologie

Gerald Annetts

2 juin 2020

M. Jordan Levis-Leduc, représentant de l’autorité disciplinaire

Mme Sara Novell, représentante du membre visé


RÉSUMÉ

Le caporal Chartier a initialement fait face à quatre allégations de manquement au code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). En cause était son omission d’avoir pris des mesures appropriées à titre de membre de la GRC pour aider une amie exposée à un danger potentiel, de même que les déclarations inexactes qu’il a faites au cours d’une enquête subséquente relative au code de déontologie pour tenter de minimiser ses manquements.

L’audience relative à cette affaire était prévue pour la semaine du 11 mai 2020. Avant l’audience, les parties sont arrivées à une entente et le reste de la procédure s’est déroulé sans qu’il soit nécessaire de recourir à des preuves orales ou à des plaidoiries. Le caporal Chartier a admis deux des allégations et les deux autres allégations ont été retirées par l’autorité disciplinaire. Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits ainsi qu’une proposition conjointe de mesures disciplinaires.

Aidé par les admissions du caporal Chartier, le comité de déontologie a conclu que les allégations 1 et 3 étaient établies selon la prépondérance des probabilités. Le comité de déontologie a accepté la proposition conjointe de mesures disciplinaires des parties et a imposé : 1) une pénalité financière de 10 jours, à déduire de la solde du caporal Chartier; 2) une réduction de 10 jours de la banque de congés annuels; et 3) l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans.

INTRODUCTION

[1] L’audience disciplinaire de la présente affaire a été convoquée par l’autorité disciplinaire le 9 juillet 2019. Quatre allégations d’inconduite ont été déposées contre le caporal Chartier pour des incidents survenus entre le 1er juin 2018 et le 22 mars 2019. Le 10 juillet 2019, j’ai été nommé au comité de déontologie pour trancher l’affaire.

[2] Le 4 octobre 2019, un Avis d’audience disciplinaire contenant quatre allégations d’inconduite a été signifié au caporal Chartier. Les deux allégations que l’autorité disciplinaire a finalement examinées sont les suivantes :

Allégation 1

Entre le 1er juin et le 16 août 2018, à Langley, en Colombie-Britannique, ou à proximité de cet endroit, le caporal Christian Chartier n’a pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et dans l’exécution de ses responsabilités, dont celle de prendre des mesures appropriées pour aider toute personne exposée à une situation d’urgence réelle, imminente ou potentielle, en violation du paragraphe 4.2 du code de déontologie de la GRC.

Détails de l’allégation 1

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez membre de la GRC en poste au sein de la Division E.

2. En juin ou juillet 2018, vous avez rencontré Mme [F.W.]. Au moment de votre rencontre, Mme [F.W.] avait des blessures corporelles visibles.

3. Par le passé, vous aviez eu une relation amoureuse avec Mme [F.W.]. Bien que votre relation amoureuse ait pris fin, vous êtes restés en contact. Après la fin de votre relation amoureuse, Mme [F.W.] a entamé une relation avec M. [K.G.]. Mme [F.W.] aurait été victime de violence conjugale durant sa relation avec M. [K.G.], incluant de la violence physique et sexuelle. Au moment de votre rencontre avec Mme [F.W.], les blessures visibles de celle-ci auraient été le résultat des abus de M. [K.G.].

4. Dans la déclaration que vous avez fournie au sergent Simon Scott et au sergent d’état-major Rick Kim le 16 août 2018 (votre « déclaration initiale »), vous avez décrit les blessures corporelles visibles de Mme [F.W.] comme suit :

a. « elle était très amochée »;

b. « elle était couverte de bleus »;

c. elle avait des bleus sur les mains et le visage.

5. La GRC a mis en œuvre une politique relative à la violence conjugale. Le chapitre 2.4 du Manuel des opérations de la GRC sur la violence et l’abus dans les relations indique que :

« Les enquêtes sur les affaires de violence ou de mauvais traitement dans les relations sont hautement prioritaires et doivent être menées rigoureusement et rapidement pour assurer la sécurité des personnes touchées. »

6. Durant votre rencontre en juin ou juillet 2018, Mme [F.W.] vous a informé qu’elle avait mis fin à sa relation avec M. [K.G.] et qu’elle avait besoin d’un endroit où rester. Vous avez permis à Mme [F.W.] de rester chez vous. Vous avez également permis à Mme [F.W.] d’utiliser votre adresse comme adresse domiciliaire.

7. Après que Mme [F.W.] a emménagé chez vous, elle a commencé à divulguer des renseignements sur les abus qu’elle aurait subis aux mains de M. [K.G.]. Durant votre déclaration initiale, vous avez décrit les renseignements qu’elle a fournis comme suit :

a. M. [K.G.] était « abusif physiquement et très sexuellement envers elle »;

b. M. [K.G.] « la battait constamment »;

c. M. [K.G.] « vérifiait son téléphone chaque jour. Euh, genre, elle n’avait pas le droit de sortir. Elle n’avait pas le droit de porter certains vêtements pour sortir. Elle… un gars très contrôlant »;

d. M. [K.G.] « l’obligeait à avoir des relations sexuelles »;

e. M. [K.G.] « l’a forcée à avoir des relations sexuelles tout au long de leur relation, puis il voulait, apparemment, il aurait enregistré ou voulu enregistrer cela et diffuser cela sur Internet et faire de l’argent »;

f. L’abus de M. [K.G.] à l’endroit de Mme [F.W.] a duré « tout au long de leur relation d’un an ».

8. Vous avez observé Mme [F.W.] alors qu’elle recevait des appels téléphoniques de M. [K.G.]. Vous avez aussi observé que les appels téléphoniques de M. [K.G.] lui faisaient craindre pour sa sécurité. Durant votre déclaration initiale, vous avez expliqué que M. [K.G.] appelait Mme [F.W.] « 50 à 60 fois par jour » et que Mme [F.W.] « n’en parlait pas vraiment, mais on pouvait le deviner. Genre, elle avait des crises de panique et elle… chaque fois que son téléphone sonnait. Genre, elle laissait son téléphone en mode silencieux et on pouvait voir, par la façon qu’elle […], genre, respire et des choses comme ça, ça… c’était… ça la troublait beaucoup. Elle… je suis presque certain qu’elle a extrêmement peur pour sa vie. »

9. En raison des renseignements divulgués par Mme [F.W.] au sujet de M. [K.G.], vous avez effectué des recherches sur M. [K.G.]. Vous avez découvert que M. [K.G.] était impliqué dans des activités criminelles graves.

10. Vous avez dit à Mme [F.W.] de changer son numéro de téléphone pour éviter de recevoir des appels de M. [K.G.], et c’est ce qu’elle a fait. Environ une semaine plus tard, Mme [F.W.] a recommencé à recevoir des appels téléphoniques de M. [K.G.]. Vous n’avez pris aucune autre mesure pour assurer la sécurité de Mme [F.W.].

11. Le ou vers le 31 juillet 2019, Mme [F.W.] s’est rendue à votre résidence pour récupérer ses effets personnels. Mme [F.W.] n’habitait plus chez vous. Lorsqu’elle est arrivée à votre résidence, Mme [F.W.] était « au téléphone en mode mains libre » avec, selon vous, M. [K.G.]. Durant votre déclaration initiale, vous avez décrit la conversation téléphonique entre M. [K.G.] et Mme [F.W.] comme suit : a. « [Mme F.W.] a pris le téléphone ou est arrivée à la porte avec son téléphone dans la main […]. Ils se disputent […], ils se chicanent […], ils se crient après […], il dit, genre, t’as 10 minutes pour décrisser de là […] ».

12. Vous n’avez pas parlé à Mme [F.W.] pendant qu’elle se trouvait à votre résidence, le 31 juillet 2019, pour récupérer ses effets personnels. Vous n’avez pris aucune autre mesure pour assurer la sécurité de Mme [F.W.].

13. Bien que vous ayez été mis en présence de preuves indiquant que M. [K.G.] aurait agressé physiquement et sexuellement Mme [F.W.], vous n’avez pris aucune mesure pour veiller à ce que l’affaire soit signalée ou fasse l’objet d’une enquête en bonne et due forme.

14. Malgré le fait que les blessures physiques de Mme [F.W.] constituaient des preuves potentielles qu’une infraction criminelle avait été commise, vous n’avez pris aucune mesure pour veiller à ce que les preuves soient conservées.

15. Malgré le fait que vous avez appris que Mme [F.W.] avait peur de M. [K.G.] et que M. [K.G.] était impliqué dans des activités criminelles graves, vous avez omis de prendre les mesures appropriées afin d’assurer sa sécurité.

16. Il est par conséquent allégué que vous n’avez pas fait preuve de diligence dans l’exercice de vos fonctions et dans l’exécution de vos responsabilités.

Allégation 3

Le ou vers le 4 décembre 2018, à Langley, en Colombie-Britannique, ou à proximité de cet endroit, le caporal Christian Chartier n’a pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exercice de ses fonctions et de l’exécution de ses responsabilités, contrevenant ainsi au paragraphe 8.1 du code de déontologie de la GRC.

Détails de l’allégation 3 :

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez membre de la GRC en poste au sein de la Division E.

2. En juin ou juillet 2018, vous avez rencontré Mme [F.W.]. Au moment de la rencontre, Mme [F.W.] avait des blessures corporelles visibles.

3. Par le passé, vous aviez eu une relation amoureuse avec [F.W.] pendant plusieurs mois. Bien que votre relation amoureuse ait pris fin, vous êtes restés en contact. Après la fin de votre relation amoureuse, Mme [F.W.] a entamé une relation avec M. [K.G.]. Mme [F.W.] aurait été victime de violence conjugale durant sa relation avec M. [K.G.], incluant de la violence physique et sexuelle. Au moment de votre rencontre avec Mme [F.W.], les blessures visibles de celle-ci auraient été le résultat des abus de M. [K.G.].

4. Durant votre rencontre en juin ou juillet 2018, Mme [F.W.] vous a informé qu’elle avait mis fin à sa relation avec M. [K.G.] et qu’elle avait besoin d’un endroit où rester. Vous avez permis à Mme [F.W.] de rester chez vous. Vous avez également permis à Mme [F.W.] d’utiliser votre adresse comme adresse domiciliaire.

5. Après que Mme [F.W.] a emménagé chez vous, elle a commencé à divulguer des renseignements sur les abus qu’elle aurait subis aux mains de M. [K.G.]. En raison des renseignements divulgués par Mme [F.W.] au sujet de M. [K.G.], vous avez effectué des recherches sur M. [K.G.]. Vous avez découvert que M. [K.G.] était impliqué dans des activités criminelles graves.

6. Le 27 juillet 2018, dans le cadre d’une enquête en cours, des membres de la GRC ont tenté de s’acquitter de l’obligation de mise en garde à l’attention de Mme [F.W.] en raison de son association avec M. [K.G.]. Lorsque les membres de la GRC se sont rendus au lieu de résidence de Mme [F.W.], il a été déterminé que Mme [F.W.] résidait avec vous. Une enquête prescrite par la loi et une enquête relative au code de déontologie ont alors été entreprises.

7. Le 16 août 2018, vous avez fourni une déclaration au sergent Simon Scott et au sergent d’état-major Rick Kim dans le cadre de l’enquête prescrite par la loi (votre « déclaration initiale »).

8. Le 4 décembre 2018, vous avez fourni une déclaration à la sergente par intérim Nancy Manning et au sergent d’état-major par intérim Rafael Alvarez dans le cadre de l’enquête relative au code de déontologie de la GRC (votre « deuxième déclaration »).

9. Les renseignements que vous avez fournis au sujet de l’étendue des blessures de Mme [F.W.] durant votre déclaration initiale ne concordent pas avec les renseignements que vous avez fournis durant votre deuxième déclaration.

a. Durant votre déclaration initiale, vous avez indiqué ce qui suit :

i. « quand je l’ai vue la première fois, elle était très amochée »;

ii. « je pouvais voir qu’elle était couverte de bleus »;

iii. elle avait des bleus sur les mains et le visage;

iv. « j’ai remarqué des bleus sur ses mains, un peu sur son visage, mais pas sur son corps ».

b. Durant votre deuxième déclaration :

i. Quand on vous a demandé de quoi avait l’air Mme [F.W.] quand elle a commencé à habiter avec vous, vous avez répondu « elle avait l’air bien, il n’y a aucun problème avec elle. La seule chose qu’elle m’a montré, c’est quand je suis allé au… au, euh… au ciné-parc avec elle. Elle m’a montré que… euh… elle avait, genre… Ils avaient eu une dispute où ils s’étaient frappés l’un et l’autre et, euh… elle avait seulement des marques sur les mains, quelques bleus sur les jointures, de plusieurs semaines avant, avant qu’elle emménage avec sa sœur »;

ii. Quand on vous a demandé « alors, tout ce que vous avez remarqué ou qu’elle vous a fait remarquer était les jointures, correct? Avez-vous remarqué quoique ce soit sur son visage ou […] quoique ce soit ailleurs? », vous avez répondu « non »;

iii. Vous avez ajouté que : « la seule chose physique que j’ai vue sur elle était, euh… seulement les bleus sur sa main ».

10. Il est par conséquent allégué que vous n’avez pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de vos responsabilités et de l’exercice de vos fonctions.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

[3] Le 15 décembre 2019, après avoir reçu une prolongation de délai pour le faire, le caporal Chartier a fourni sa réponse à l’Avis d’audience disciplinaire, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [« CC (déontologie) »]. Il a admis certains détails et a fourni une explication relativement à d’autres, mais il a nié les allégations.

[4] L’audience relative à cette affaire était prévue pour la semaine du 11 mai 2020. Le 24 avril 2020, après le retrait de l’allégation 4 par l’autorité disciplinaire, les parties ont informé le comité de déontologie qu’une entente de principe avait été conclue pour résoudre la question. Le 11 mai 2020, les parties ont fourni un exposé conjoint des faits au comité de déontologie ainsi qu’une proposition conjointe de mesures disciplinaires, qui incluait également un avis à l’effet que l’autorité disciplinaire retirait l’allégation 2.

[5] L’exposé conjoint des faits relatif aux allégations 1 et 3 soumis par les parties est le suivant :

  1. À toutes les dates pertinentes, [le caporal] Chartier (le « membre visé ») était un membre de la GRC en poste au sein de la Division E.
  2. En juin ou juillet 2018, le membre visé a rencontré Mme [F.W.]. Au moment de la rencontre, Mme [F.W.] avait des blessures corporelles visibles.
  3. Par le passé, le membre visé avait eu une relation amoureuse avec Mme [F.W.]. Bien que leur relation amoureuse ait pris fin, ils sont restés en contact. Après la fin de leur relation amoureuse, Mme [F.W.] a entamé une relation avec M. [K.G.]. Mme [F.W.] aurait été victime de violence conjugale durant sa relation avec M. [K.G.], incluant de la violence physique et sexuelle. Au moment de la rencontre, certaines blessures visibles de Mme [F.W.] auraient été le résultat des abus de M. [K.G.].
  4. À un moment donné, entre juin et juillet 2018, Mme [F.W.] a informé le membre visé qu’elle avait mis fin à sa relation avec M. [K.G.] et qu’elle avait besoin d’un endroit où rester. Le membre visé était en congé et a permis à Mme [F.W.] de rester chez lui temporairement et a encouragé Mme [F.W.] à utiliser son adresse comme adresse domiciliaire.
  5. Après que [F.W.] a emménagé chez le membre visé, elle a commencé à divulguer occasionnellement des renseignements sur les abus qu’elle aurait subis aux mains de M. [K.G.]. Bien qu’elle ait indiqué au membre visé qu’elle ne [voulait] pas signaler l’affaire, elle a continué de divulguer certains abus dont elle avait été victime. Mme [F.W.] a entre autre divulgué que :
  1. M. [K.G.] était « abusif physiquement et très sexuellement envers elle »;

  2. M. [K.G.] « la battait constamment »;

  3. M. [K.G.] « vérifiait son téléphone chaque jour. Euh, genre, elle n’avait pas le droit de sortir. Elle n’avait pas le droit de porter certains vêtements pour sortir. Elle… un gars très contrôlant »;

  4. M. [K.G.] « l’obligeait à avoir des relations sexuelles »;

  5. M. [K.G.] « l’a forcée à avoir des relations sexuelles tout au long de leur relation, puis il voulait, apparemment, il aurait enregistré ou voulu enregistrer cela et diffuser cela sur Internet et faire de l’argent »;

  6. L’abus de M. [K.G.] à l’endroit de Mme [F.W.] a duré « tout au long de leur relation d’un an ».

  1. Vers la fin de son séjour chez le membre visé[,] Mme [F.W.] a informé le membre visé que M. [K.G.] avait été impliqué dans une fusillade à l’extérieur d’un restaurant de Langley. Le sujet visé a par la suite effectué une recherche sur l’incident dans Google. Il a trouvé le nom complet de M. [K.G.] et a appris que ce dernier était connu des policiers. Le membre visé n’a pas mené d’autres recherches.
  2. Le 27 juillet 2018, dans le cadre d’une enquête en cours, des membres de la GRC ont tenté de s’acquitter de l’obligation de mise en garde à l’attention de Mme [F.W.] en raison de son association avec M. [K.G.]. Il a été déterminé que l’adresse indiquée de Mme [F.W.] était la résidence du membre visé. À ce moment, elle ne résidait plus chez le membre visé, mais celui-ci a facilité la communication entre Mme [F.W.] et les membres de la GRC qui tentait de s’acquitter de l’obligation de mise en garde. Une enquête prescrite par la loi [Groupe anticorruption (GAC)] et une enquête relative au code de déontologie ont été entreprises. Le membre visé a fourni deux déclarations dans ce contexte, la première au sergent Simon Scott et au sergent d’état-major Rick Kim (ACU), le 16 août 2018; la deuxième à la sergente par intérim Nancy Manning et au sergent d’état-major par intérim Rafael Alvarez (CDC), le 4 décembre 2018.

[6] Le membre visé a ensuite fait les admissions suivantes au sujet de l’allégation 1 :

  1. Bien que le membre visé ait été mis en présence de preuves indiquant que Mme [F.W.] aurait été physiquement et sexuellement agressée, le membre visé n’a pris aucune mesure pour veiller à ce que l’affaire soit signalée ou fasse l’objet d’une enquête en bonne et due forme et n’a pas non plus encouragé Mme [F.W.] à la signaler.
  2. Durant le séjour de Mme [F.W.] chez le membre visé, celui-ci a observé Mme [F.W.] lorsqu’elle recevait des appels téléphoniques de M. [K.G.]. Le membre visé a dit à Mme [F.W.] de changer son numéro de téléphone pour éviter de recevoir des appels de M. [K.G.], et c’est ce qu’elle a fait. Il l’a aussi informée de la possibilité d’obtenir une ordonnance d’injonction si elle se sentait menacée. Environ une semaine plus tard, Mme [F.W.] a recommencé à recevoir des appels téléphoniques de M. [K.G.]. Le membre visé a observé que les appels téléphoniques de M. [K.G.] causaient des crises de panique chez Mme [F.W.] et la troublaient énormément, mais il n’a pris aucune autre mesure.
  3. Le ou vers le 31 juillet 2018, Mme [F.W.] s’est rendue à la résidence du membre visé pour récupérer ses effets personnels. Mme [F.W.] n’habitait plus chez le membre visé. Lorsqu’elle est arrivée à la résidence, Mme [F.W.] était « au téléphone en mode mains libre » avec, selon le membre visé, M. [K.G.]. Le membre visé croyait que Mme [F.W.] et M. [K.G.] se querellaient au téléphone et se criaient après. Le membre visé a entendu M. [K.G.] dire : « t’as 10 minutes pour décrisser de là ». Le membre visé n’a pas parlé à Mme [F.W.] pendant qu’elle se trouvait à sa résidence, le 31 juillet 2018, et il n’a pris aucune autre mesure pour assurer la sécurité de Mme [F.W.] à ce moment.
  4. Le membre visé a admis qu’il n’a pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et dans l’exécution de ses responsabilités.

[7] Pour déterminer que les allégations sont établies aux termes du paragraphe 4.2 du code de déontologie, je dois conclure que le caporal Chartier n’a pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et dans l’exécution de ses responsabilités. Le fait que le caporal Chartier a admis les allégations est pertinent, mais cela ne suffit pas en soi. Il incombe à l’autorité disciplinaire de prouver les allégations selon la prépondérance des probabilités.

[8] Le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC estime qu’une violation du paragraphe 4.2 du code de déontologie est établie lorsque la conduite incriminée présente un élément d’intentionnalité ou un degré de négligence qui fait passer le comportement d’une simple affaire de rendement à une affaire d’inconduite (CEE C-2015-010 [C-013], paragraphes 81 à 86; le commissaire a accepté la recommandation du CEE).

[9] La Cour divisionnaire de l’Ontario a réaffirmé ce principe dans le contexte des opérations policières provinciales dans la décision Ontario (Police provinciale) c. Ontario (Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police), [2016] OJ No 5397, paragraphe 30 :

30 Pour constituer un manquement au devoir, la conduite incriminée doit comporter un élément d’intentionnalité dans la négligence du policier ou il doit y avoir un degré de négligence qui fait passer l’affaire d’un simple problème de rendement au travail à une affaire d’inconduite.

[10] Je prends note de l’existence des parties suivantes du Manuel opérationnel, chapitre 2.4 :

[…]

2.1. Les enquêtes sur les affaires de violence ou de mauvais traitement dans les relations sont hautement prioritaires et doivent être menées rigoureusement et rapidement pour assurer la sécurité des personnes touchées.

[…]

3.1.1.7. Dès que possible, consigner dans le dossier d’enquête tous les éléments de preuve obtenus et les étapes réalisées au cours de l’enquête initiale.

3.1.1.8. Les enquêteurs doivent informer leur superviseur de tout incident de violence/abus dans les relations dans les 24 heures en soumettant le dossier dans leur Système de gestion des dossiers (SGD), p. ex. SIRP, système PRIME BC, système Versadex d’Halifax, aux fins d’examen.

[…]

3. 1. 3. 2. Aiguiller la victime vers les services aux victimes. Si le consentement n’a pas été obtenu, conformément au chapitre 37.6, Politique relative aux services d’aide aux victimes, section 4.1.3., les membres doivent envisager un aiguillage proactif.

[…]

[11] Si l’on considère les admissions du caporal Chartier mentionnées précédemment à la lumière de ces exigences de la politique, malgré le fait qu’il était en congé à ce moment-là, il est clair qu’il savait, en tant que policier expérimenté, qu’il avait le devoir de signaler le comportement agressif et de documenter ses observations. Le fait d’ignorer ces preuves et de négliger délibérément de les signaler constitue une violation du paragraphe 4.2 du code de déontologie, comme l’a allégué l’autorité disciplinaire. Par conséquent, je conclus que l’allégation 1 est établie.

[12] Le caporal Chartier a fait les admissions suivantes au sujet de l’allégation 3 :

Le membre visé a admis que les renseignements qu’il a fournis au sujet de l’étendue des blessures de Mme [F.W.] durant sa déclaration initiale étaient incomplets et incompatibles avec les renseignements qu’il a fournis durant sa deuxième déclaration.

a) Durant sa déclaration initiale, il a indiqué ce qui suit :

i. « quand je l’ai vue la première fois, elle était très amochée »;

ii. « je pouvais voir qu’elle était couverte de bleus »;

iii. elle avait des bleus sur les mains et le visage;

iv. « j’ai remarqué des bleus sur ses mains, un peu sur son visage, mais pas sur son corps ».

b) Durant sa deuxième déclaration :

i. Quand on lui a demandé de quoi avait l’air Mme [F.W.] quand elle a commencé à habiter avec lui, il a répondu : « elle avait l’air bien, il n’y a aucun problème avec elle. La seule chose qu’elle m’a montré, c’est quand je suis allé au… au, euh… au ciné-parc avec elle. Elle m’a montré que… euh… elle avait, genre… Ils avaient eu une dispute où ils s’étaient frappés l’un et l’autre et, euh… elle avait seulement des marques sur les mains, quelques bleus sur les jointures, de plusieurs semaines avant, avant qu’elle emménage avec sa sœur »;

ii. Quand on lui a demandé « alors, tout ce que vous avez remarqué ou qu’elle vous a fait remarquer était les jointures, correct? Avez-vous remarqué quoique ce soit sur son visage ou […] quoique ce soit ailleurs? », il a répondu « non »;

iii. Il a ajouté : « la seule chose physique que j’ai vue sur elle était, euh… seulement les bleus sur sa main ».

[13] L’allégation 3 est étroitement liée à l’allégation 1. Le caporal Chartier admet que, le 4 décembre 2018, durant l’enquête relative au code de déontologie, il n’a pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités et de l’exercice de ses fonctions. Il est clair, lorsqu’on examine l’exposé conjoint des faits soumis par les parties, que les réponses qu’il a fournies à cette date étaient une tentative de minimiser les preuves des abus subis par Mme [F.W.] afin de justifier son inaction par rapport à ces preuves. Cette minimisation équivaut à ne pas avoir rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités et de l’exercice de ses fonctions.

[14] Les allégations 1 et 3 sont donc établies selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[15] Ayant conclu que les allégations sont établies, je suis tenu, conformément au paragraphe 45(4) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 (« Loi sur la GRC »), et au Guide des mesures disciplinaires, d’imposer « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes ». Au titre de l’alinéa 36.2(e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être « adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[16] J’ai examiné l’exposé conjoint des faits soumis par les parties sur les mesures et la documentation à l’appui. Elles proposent conjointement une sanction globale consistant en une confiscation de 10 jours (80 heures) de solde, une réduction de 10 jours (80 heures) de la banque de congés annuels et l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans.

[17] Lorsque des mesures disciplinaires sont proposées conjointement, le comité de déontologie ne peut les refuser que dans des circonstances très précises. La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions sur le règlement de litige ainsi que celle des motifs des politiques qui favorisent fortement la promotion de la certitude pour les parties que les propositions seront acceptées quand une entente est conclue. Voir, par exemple, l’arrêt Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII), au paragraphe 19; et l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43. En général, les cours de justice et les tribunaux administratifs ne refusent pas les ententes conclues entre les parties, à moins que l’entente aille à l’encontre de l’intérêt public. Il n’est pas question ici de comparer les mesures disciplinaires proposées à celles que j’aurais imposées moi-même. Au contraire, le critère de l’intérêt public fixe un seuil beaucoup plus élevé en ce qui concerne le rejet d’une soumission conjointe sur les mesures disciplinaires et exige que je fasse preuve d’une grande déférence à cet égard.

[18] Les parties ont fourni une analyse approfondie dans la proposition conjointe soumise à mon examen, qui s’inscrit dans la lignée des affaires précédentes. Après examen, je conclus que la gamme des mesures disciplinaires dans cette affaire se situe raisonnablement entre la confiscation de 10 jours de solde et le congédiement, en fonction des circonstances atténuantes et aggravantes présentes.

[19] Les parties ont décrit plusieurs facteurs atténuants et aggravants que j’accepte comme étant applicables :

  1. Les admissions du caporal Chartier ont évité une audience contestée, ce qui a éliminé la nécessité pour de multiples témoins de se déplacer et de témoigner à grands frais pour la GRC. Ceci a également démontré sa volonté de résoudre rapidement cette affaire et d’accepter la responsabilité de ses actes.
  2. L’autorité disciplinaire ne demande plus le congédiement du caporal Chartier.
  3. Le caporal Chartier a 22 années de bons états de service. Cependant, en tant que membre d’expérience de la Gendarmerie assumant des fonctions de supervision, il n’a pas donné l’exemple qu’on attendait de lui.
  4. Le caporal Chartier a toujours le soutien de son superviseur immédiat et de ses collègues.
  5. Le caporal Chartier a déjà fait l’objet d’une mesure disciplinaire informelle. Toutefois, cette mesure disciplinaire antérieure date d’un certain temps et n’a aucun rapport avec la présente affaire, alors je lui accorde très peu d’importance.

[20] De plus, j’estime que le caporal Chartier a déployé des efforts pour aider Mme F.W. à se sortir de sa situation. Bien qu’il n’ait pas pris les mesures nécessaires attendues de lui à titre de policier, en tant qu’ami, il lui a fourni un endroit où rester et quelques bons conseils pendant qu’elle se remettait sur pied. Ce n’est pas tout le monde qui aurait fait cela et il ne faut pas l’ignorer.

[21] Dans l’ensemble des circonstances, je ne peux pas conclure que les mesures proposées vont à l’encontre de l’intérêt public. Les parties ont examiné les facteurs atténuants et aggravants et les mesures proposées se situent dans la gamme des sanctions financières possibles. Elles sont classées comme des mesures graves et, en tant que telles, elles auront un effet dissuasif sur le caporal Chartier et serviront d’avertissement pour les autres membres. Par conséquent, j’accepte la proposition conjointe des parties sur les mesures disciplinaires.

[22] Conformément à la soumission conjointe présentée par les parties, j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

  1. conformément à l’alinéa 5(1)(i) des CC (déontologie) : une réduction de 10 jours de la banque de congés annuels;

  2. conformément à l’alinéa 5(1)(j) des CC (déontologie) : une pénalité financière de 10 jours, à déduire de la solde du caporal Chartier;

  3. conformément à l’alinéa 5(1)(b) des CC (déontologie) : l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans.

[23] Le caporal Chartier est autorisé à poursuivre sa carrière à la GRC dans l’espoir qu’il se comportera avec le respect, l’intégrité et le professionnalisme que l’on attend de lui en tant que membre de la GRC. Compte tenu de l’inconduite qu’il a admise et des mesures disciplinaires graves qui lui ont été imposées, il semble évident que toute infraction subséquente au code de déontologie sera évaluée de près par une autorité disciplinaire ou un comité de déontologie et pourrait mener à son congédiement de la Gendarmerie.

[24] Toute mesure provisoire en place doit être résolue conformément à l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 2014, DORS/2014-281.

[25] L’une ou l’autre des parties peut faire appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision au caporal Chartier, comme il est indiqué à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

2 juin 2020

Gerald Annetts

Comité de déontologie

 

Edmonton, Alberta

 

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