Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

En roulant à haute vitesse avec son dispositif d’urgence activé pour se rendre sur les lieux d’un accident mettant en cause un piéton et un véhicule motorisé qui s’était produit sur une route rurale, la membre visée a heurté deux civils, dont l’un a été blessé, et l’autre, tué. Il en a résulté deux allégations de conduite déshonorante en vertu de l’article 7.1 du code de déontologie. Le comité a conclu que la procédure disciplinaire avait été engagée après l’expiration du délai d’un an et qu’elle était, par conséquent, frappée de prescription.

Contenu de la décision

Protégé A

No de dossier OGCA : 20183382

2018 DARD 20

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AFFAIRE DISCIPLINAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Entre :

la commandante de la Division K

(l’autorité disciplinaire)

et

la gendarme Michelle Phillips

matricule 61831

(la membre visée)

Rapport de décision

du comité de déontologie

Craig S. MacMillan, commissaire adjoint

le 17 décembre 2018

M. Brad Smallwood, représentant de l’autorité disciplinaire (RAD)

M. Gordon Campbell, représentant de la membre (RM)

(les représentants)


Table des matières

Résumé  3

1. Introduction  4

2. Allégations  4

3. Contexte  5

Argumentation du RM  23

Réponse du RAD  29

4. Délai de prescription  36

Contexte  36

Cadre d’examen  42

Fardeau  42

Arrêt de la procédure  43

Connaissance  44

Seuil  48

Détermination  54

Analyse  59

Résumé  77

5. Conclusion  77

Définitions  79

 

Résumé

En roulant à haute vitesse avec son dispositif d’urgence activé pour se rendre sur les lieux d’un accident mettant en cause un piéton et un véhicule motorisé qui s’était produit sur une route rurale, la membre visée a heurté deux civils, dont l’un a été blessé, et l’autre, tué. Il en a résulté deux allégations de conduite déshonorante en vertu de l’article 7.1 du code de déontologie. Le comité a conclu que la procédure disciplinaire avait été engagée après l’expiration du délai d’un an et qu’elle était, par conséquent, frappée de prescription.

Rapport de décision

1. Introduction [1]

[1]  La présente décision découle d’une procédure disciplinaire concernant la membre visée, dans le cadre de laquelle le comité de déontologie (le « comité ») a rendu une décision préliminaire sur la question de savoir si l’autorité disciplinaire avait convoqué l’audience dans le délai prescrit au paragraphe 41(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10, avec ses modifications (la « Loi sur la GRC »).

[2]  Pour les raisons exposées ci-dessous, le comité juge que le délai d’un an n’a pas été respecté et que la procédure disciplinaire est, par conséquent, frappée de prescription.

2. Allégations

[3]  Le 21 août 2016 ou vers cette date, alors qu’elle était affectée au Détachement de Wood Buffalo de la GRC à Fort McMurray, en Alberta (le « Détachement »), la membre visée a été impliquée dans un incident au cours duquel son véhicule de police a heurté deux membres du public (la « collision ») sur la route rurale 881 (la « route ») près d’Anzac, en Alberta. Elle fait par conséquent l’objet de deux allégations de conduite déshonorante en vertu de l’article 7.1 du code de déontologie, qui sont énoncées dans l’avis d’audience disciplinaire daté du 26 février 2018 (l’« avis d’audience ») et que le comité résume comme suit :

(1) avoir négligé de ralentir la course de son véhicule de police et avoir frappé un membre du public (M. J), causant ainsi sa mort (« allégation 1 »);

(2) avoir négligé de ralentir la course de son véhicule de police et avoir frappé un membre du public (M. C), lui causant ainsi des lésions corporelles graves (« allégation 2 ») (appelées collectivement ci-après les « allégations »).

3. Contexte

[4]  À 1 h 11 le 21 août 2016, la station de transmissions opérationnelles du nord de l’Alberta (la « STONA ») a attribué à la membre visée une plainte concernant une personne vêtue de noir qui marchait au centre de la route près du repère kilométrique 252 (ou 251 selon le document consulté), qui se trouve à une trentaine de kilomètres au sud d’Anzac, en Alberta (la « première demande d’intervention »).

[5]  La membre visée se trouvait au sud du lieu visé par la première demande d’intervention. Elle roulait en direction nord sur la route, au volant d’un véhicule de police identifié et entièrement équipé de marque Chevrolet Silverado, pour se rendre de Janvier à Fort McMurray (Anzac se trouve au nord de Janvier et au sud de Fort McMurray).

[6]  La membre visée affirme qu’à ce moment, elle n’avait pas activé le dispositif d’urgence de son véhicule de police et elle roulait à la limite de vitesse permise, ne souhaitant pas frapper la personne dont la présence avait été signalée au milieu de la route. La limite de vitesse permise sur la route est de 100 kilomètres à l’heure (« km/h »).

[7]  Alors qu’elle se dirigeait vers le lieu visé par la première demande d’intervention, la membre visée a reçu une autre communication de la STONA lui signalant qu’un piéton avait été heurté par un véhicule sur la route, 5 à 10 kilomètres au sud d’Anzac (la « deuxième demande d’intervention »), soit 10 à 15 kilomètres au nord du lieu mentionné dans la première demande d’intervention.

[8]  Autrement dit, le lieu mentionné dans la première demande d’intervention se trouvait à 25 ou 30 kilomètres au sud d’Anzac (repère 252), et celui mentionné dans la deuxième demande d’intervention, à 5 ou 10 kilomètres au sud d’Anzac, mais dans les faits, le lieu mentionné par l’auteur de la deuxième demande d’intervention était erroné. Il a plus tard été déterminé que le lieu en question se trouvait en fait à 30 kilomètres au sud d’Anzac (p. 316), c’est-à-dire dans les environs du lieu mentionné dans la première demande d’intervention. La membre visée n’aurait pas été consciente de cette erreur.

[9]  Il n’est cependant pas contesté que, pour plusieurs raisons, la STONA ou la membre visée ont envisagé la possibilité que les première et deuxième demandes d’intervention soient reliées, même si elles concernaient apparemment des incidents survenus dans des lieux distincts.

[10]  Après avoir évalué plusieurs facteurs, la membre visée dit avoir activé le dispositif d’urgence de son véhicule de police et avoir accéléré pour atteindre une vitesse d’environ 150 km/h, avec l’intention de ralentir à l’approche du lieu mentionné dans la deuxième demande d’intervention, au cas où le piéton serait encore sur la route ou près de celle-ci.

[11]  Alors qu’elle roulait en direction nord, la membre visée dit avoir allumé ses feux de route et avoir aperçu au loin, en franchissant la crête d’une colline, un semi-remorque et deux autres véhicules dans la voie menant vers le sud. Elle croyait que les conducteurs se rangeaient sur l’accotement parce qu’ils avaient vu ses gyrophares.

[12]  En s’approchant des trois véhicules, elle a allumé ses feux de croisement. Comme elle ne voyait personne sur la route, elle a poursuivi son chemin en direction nord à environ 150 km/h.

[13]  Au moment de doubler les trois véhicules, la membre visée a entendu un bruit sourd et a senti quelque chose heurter le dessous de son véhicule. Elle a donc immobilisé le véhicule de police au nord des autres véhicules, puis rebroussé chemin pour se garer au sud de l’endroit où ils se trouvaient. En sortant de son véhicule, elle a constaté qu’elle avait frappé la main de M. C, qui prodiguait des soins à M. J sur la route, et qu’elle avait roulé sur le corps de ce dernier, qui semblait, selon ses observations, être décédé.

[14]  Pour les besoins de la présente décision préliminaire, il n’est pas nécessaire de raconter en détail les autres actions de la membre visée. Il suffit de noter qu’elle a recueilli les informations pertinentes, demandé l’aide des services d’urgence, donné des soins d’urgence, cherché à aviser ses superviseurs et fait les démarches d’enquête préliminaires sur la collision initiale signalée dans la deuxième demande d’intervention, jusqu’à ce que d’autres personnes prennent la relève et qu’on la conduise au Détachement.

[15]  Il n’est pas nécessaire, non plus, de relater en détail les événements qui ont précédé et suivi la collision avec le véhicule de police, sauf pour mentionner que, d’après l’enquête subséquente, Mme D roulait en direction sud sur la route en compagnie de M. C lorsqu’elle a heurté M. J, qui était debout au milieu de la chaussée. Le couple a immédiatement signalé l’accident à la STONA. Pendant ce temps, M. C s’est occupé de M. J, qui gisait sur la voie menant vers le nord, en grande douleur.

[16]  La camionnette de Mme D se trouvait sur l’accotement de la voie en direction sud de la route, avec les feux de détresse allumés.

[17]  Peu de temps après, un conducteur de semi-remorque est arrivé sur les lieux. En apercevant les feux de détresse du véhicule de Mme D, il a ralenti et a vu deux personnes debout à côté d’une camionnette, puis un corps étendu sur la chaussée. Il a garé son semi-remorque en avant de la camionnette de Mme D et a activé ses feux de détresse ainsi que ses feux rotatifs, qui sont facilement visibles la nuit.

[18]  Un troisième véhicule est aussi arrivé sur les lieux, avec à son bord une famille de trois personnes. Celles-ci se sont arrêtées en voyant les feux de détresse des deux autres véhicules et le corps sur la chaussée, et ont allumé leurs propres feux de détresse. Elles ont parlé brièvement au conducteur du semi-remorque, qui portait un gilet réflecteur (p. 597) et leur avait fait signe d’arrêter au moyen d’une lampe de poche. Elles ont vu une personne debout à côté d’un corps étendu sur la route.

[19]  Au bout de quelques minutes, les personnes réunies sur le lieu de l’accident ont toutes ou presque toutes entendu ou vu arriver le véhicule de police et se sont vite rendu compte qu’il ne ralentissait pas. Le véhicule a roulé sur le corps de M. J, a frappé la main de M. C, lui causant ainsi une importante blessure, et a failli heurter le conducteur du semi-remorque, qui se tenait également sur la chaussée.

[20]  À l’endroit où la collision s’est produite, la route est droite, asphaltée et sans dénivellation. Elle comporte deux voies séparées d’une ligne jaune discontinue et bordées de lignes blanches délimitant l’accotement très étroit, au-delà duquel l’asphalte cède sa place au gravier et à l’herbe sur une pente douce se terminant dans le fossé.

[21]  Le soir en question, la chaussée était sèche et sans encombre, mais il faisait très noir, car des nuages cachaient entièrement ou partiellement la lune, et il n’y avait aucun éclairage artificiel.

[22]  Les témoins ont déclaré très explicitement que le véhicule de police roulait à vive allure et qu’il n’a pas ralenti à l’approche du lieu de la collision. Ils ont naturellement été ébranlés par les événements.

[23]  Ils s’entendent pour dire que les gyrophares du véhicule de police étaient activés, mais seulement un ou deux d’entre eux affirment avoir entendu la sirène (p. 34, 56, 172, 174, 184, 330, 516); les autres n’en parlent pas (p. 631, par. 120), et certains rapports officiels indiquent que la sirène n’était pas activée (p. 44, 539), comme il est allégué dans l’avis d’audience (paragraphe 4 de l’énoncé détaillé de l’allégation 1 et de l’allégation 2). Il n’est cependant pas nécessaire de formuler une conclusion sur ce point pour les besoins de la décision préliminaire.

[24]  Au moment de la collision, la membre visée avait environ deux ans de service, mais elle avait auparavant travaillé comme opératrice des télécommunications à la STONA.

[25]  Au cours des six mois qui ont précédé la collision, la membre visée avait eu deux autres accidents avec un véhicule de police, lesquels ont été signalés dans le Système d’intervention rapide national (et auraient été connus de ses superviseurs immédiats et de la direction du Détachement).

[26]  Bien qu’il ne soit pas nécessaire de repasser en détail les événements de la nuit en question et les étapes de l’enquête subséquente, il est évident, d’après le rapport déontologique et d’autres documents, que le chef de veille (le sergent d’état-major Horwood), l’officier des opérations du Détachement (l’inspecteur Hancock), le chef du Détachement (le surintendant McCloy, qui était apparemment aussi l’officier suppléant du District de l’est de l’Alberta [l’« ODE »] cette nuit-là [2] ), l’inspectrice (maintenant surintendante) Dicks (une officière hiérarchique [3] du Détachement qui en est par la suite devenue la chef), l’ODE (le surintendant principal Mehdizadeh), l’officier responsable des enquêtes criminelles (l’« OREC ») et la commandante divisionnaire ont pris connaissance de la collision et des détails s’y rapportant la nuit même ou tôt le lendemain matin.

[27]  En particulier, un courriel de l’ODE horodaté à 7 h 42 le 21 août 2016 (soit environ six heures après la collision) montre que les gestionnaires non seulement du Détachement, mais aussi du District et de la Division étaient au courant de la collision et notamment du fait que l’Équipe d’intervention de l’Alberta en cas d’incident grave (l’« ASIRT ») menait l’enquête puisque l’incident avait coûté la vie à M. J. À ce courriel était jointe une note d’information intitulée [Traduction] « District de l’est de l’Alberta – Collision ayant causé le décès d’un piéton », transmise par l’officier des opérations du Détachement et rédigée par le chef de veille (la « première note d’information »).

[28]  Cependant, des communications au sujet de la collision ont eu lieu entre le Détachement et des cadres supérieurs de la Division bien avant l’envoi de la première note d’information.

[29]  Par exemple, les notes rédigées par le surintendant Bennett (l’OREC suppléant) à compter de 2 h 16 révèlent qu’il avait des renseignements assez détaillés sur la collision grâce à des communications avec le chef du Détachement (qui était aussi, comme il a déjà été mentionné, l’ODE suppléant). Ces renseignements ont également été transmis à l’OREC titulaire, soit le commissaire adjoint Degrand (qui exerçait apparemment aussi le rôle de commandant divisionnaire suppléant [4] ) dès 5 h 35. Ces échanges auraient plus tard donné lieu à des communications avec les cadres supérieurs responsables des opérations nationales au sein des Services de police contractuels et autochtones à la Direction générale de la GRC.

[30]  Comme il est indiqué dans la première note d’information, la GRC a d’abord signalé à l’ASIRT que seul M. C avait été blessé lors de la collision, mais quelques heures plus tard, elle a corrigé ce signalement pour indiquer que M. J était décédé après s’être fait rouler dessus par le véhicule de police. L’ASIRT a déclaré que la collision était de son ressort et a lancé une enquête judiciaire à son égard.

[31]  Ainsi, l’ASIRT s’est chargée de l’enquête concernant l’implication de la membre visée dans la collision, tandis que la GRC conservait la responsabilité de mener l’enquête concernant l’accident initial au cours duquel le véhicule de Mme D avait heurté M. J. Les détails de cet accident initial ont été documentés de façon exhaustive dans le dossier 2016-1101148 du Système d’incidents et de rapports de police (le « dossier de la GRC »), qui figure à l’annexe E du rapport déontologique.

[32]  La membre visée s’est présentée au Détachement le matin du 22 août 2016 pour être désignée à titre de personne faisant l’objet d’une enquête judiciaire. Elle a alors informé les enquêteurs de l’ASIRT qu’elle n’était pas disposée à faire une déclaration à ce moment-là (p. 601).

[33]  Outre les enquêteurs de l’ASIRT, trois enquêteurs de la GRC (soit un enquêteur en reconstitution de collisions, un enquêteur du Service de l’identité judiciaire et un enquêteur du Groupe des crimes graves) ont assisté à l’autopsie de M. J pratiquée le 23 août 2016 (p. 502) et en ont rédigé des résumés (p. 309, 311-12, 502). (Le rapport subséquent du médecin légiste [le « rapport d’autopsie »] n’a toutefois pas été signé avant le 26 mars 2017.)

[34]  Il semble que M. J était encore en vie au moment il a été heurté par le véhicule de police. L’autopsie et les preuves médicales feront probablement l’objet d’un examen pour déterminer si l’accident initial avec la camionnette de Mme D a blessé M. J de façon mortelle, indépendamment de la collision fatale avec le véhicule de police. Il n’est pas nécessaire de faire la lumière sur cette question pour les besoins de la présente décision.

[35]  Quelques jours après la collision, les données du dispositif GPS et du poste de travail mobile ont confirmé que le véhicule de police n’avait pas ralenti au moment de croiser les trois véhicules au bord de la route et qu’il roulait à environ 156 km/h au moment de heurter MM. J et C (p. 534, voir les notes de l’inspectrice Dicks [p. 8] datées du 25 août 2016 et celles du chef du Détachement de l’époque).

[36]  Le 26 août 2016, la membre visée a fourni par écrit à l’ASIRT, en compagnie de son avocat, une déclaration détaillée et volontaire après mise en garde (la « déclaration ») (p. 602 et 606). Elle semble avoir donné son entière collaboration à l’ASIRT pendant tout le processus.

[37]  Comme il est expliqué plus loin, il semble qu’on ait plus tard indiqué ou compris à tort que la membre visée avait fait sa déclaration le 21 août 2016, qui est la date inscrite sur la déclaration (p. 90). L’ASIRT affirme cependant de façon explicite que la membre visée a refusé de faire une déclaration le 22 août 2016 et que sa déposition a plutôt été prise le 26 août suivant.

[38]  En plus de recueillir les déclarations initiales de plusieurs intervenants de première ligne et témoins de la collision, les enquêteurs de la GRC ont collaboré de façon étroite avec l’ASIRT au cours des jours qui ont suivi, alors que les deux organismes exerçaient leur compétence respective à l’égard de divers aspects de l’enquête sur les événements qui avaient précédé et suivi la collision. Un enquêteur de la GRC a notamment assisté à plusieurs interrogatoires menés par l’ASIRT (p. 406-420, 601 et 603), et les deux organismes ont échangé des renseignements.

[39]  Le 29 août 2016, l’ASIRT a transmis au Détachement un dispositif de stockage électronique contenant les déclarations de 10 témoins, y compris ceux qui étaient présents sur les lieux de la collision (les enquêteurs de la GRC qui avaient assisté aux interrogatoires de l’ASIRT connaissaient déjà la teneur de ces déclarations) (p. 416-420), ainsi que les photographies qu’elle avait rassemblées dans le cadre de son enquête initiale (p. 432-3; voir aussi les p. 2-3 du rapport déontologique complémentaire).

[40]  Le chef d’équipe responsable du dossier de la GRC, qui avait assisté à plusieurs interrogatoires menés par l’ASIRT auprès de témoins et qui avait une connaissance approfondie de la collision et du dossier de la GRC, a participé à une rencontre au sujet de l’incident avec l’inspectrice Dicks et l’équipe d’enquête le 29 août 2016 (la « réunion d’équipe ») et y a présenté un compte rendu de la situation.

[41]  Comme le confirment les notes de l’inspectrice Dicks (qui est plus tard devenue la chef du Détachement), cette dernière a joué un rôle actif dans le dossier de la GRC. Ses notes font mention de la réunion d’équipe, des mises à jour sur la collision fournies par le chef d’équipe et d’autres enquêteurs à compter du 22 août 2016 ainsi que des comptes rendus de l’ASIRT (voir les p. 1-27 des notes de l’inspectrice Dicks, qui est aujourd’hui surintendante).

[42]  Comme on s’y attendrait, des mises à jour et des comptes rendus réguliers ont également été présentés aux autres gestionnaires du Détachement, qui sont intervenus, eux aussi, dans le dossier de la GRC ainsi que dans les discussions et les rencontres avec l’ASIRT. Les notes du chef du Détachement (datées du 21 au 25 août 2016) décrivent en détail les récits que certains témoins ont faits de la collision et mentionnent d’autres facteurs (notamment la vitesse de 156 km/h). Les notes de l’officier des opérations du Détachement sont aussi assez détaillées, tout comme celles du chef de veille.

[43]  D’après la documentation versée au dossier de la GRC et les notes rédigées par le chef du Détachement, l’officier des opérations, l’inspectrice Dicks et le chef d’équipe, chacun de ces intervenants avait manifestement, au plus tard le 29 août 2016, une connaissance approfondie des faits relatifs à la collision, y compris l’information fournie par les témoins, les résultats de l’autopsie et la vitesse réelle du véhicule de police.

[44]  Le 30 août 2016, l’officier des opérations du Détachement a demandé, dans le cours normal de son travail, qu’un examen de l’incident soit effectué relativement à la collision (l’« examen de l’incident »), démarche qu’il ne faut pas confondre avec une enquête déontologique [5] et qui ne doit pas être considérée comme telle.

[45]  Il est plus tard ressorti du rapport d’enquête de l’analyste de la circulation (le « REAC ») daté du 20 octobre 2016 (p. 518) que le véhicule de police roulait peut-être à une vitesse de jusqu’à 160 km/h au moment de la collision (p. 534). Ce rapport indique aussi que même si le système vidéo du véhicule de police ne fonctionnait pas correctement la nuit en question, certaines images captées (sans son) juste avant la collision montrent l’ombre de M. J couché en travers de la voie menant vers le nord et M. C qui semble être accroupi ou à genoux près de la ligne blanche (p. 532). (Aucune preuve ou autre indication ne porte à croire que le mauvais fonctionnement du système vidéo serait attribuable à un quelconque acte de sabotage.)

[46]  Le REAC indique que la collision (c’est-à-dire le fait d’avoir roulé sur le corps de M. J et heurté M. C) était [Traduction] « inévitable », compte tenu de la vitesse à laquelle roulait le véhicule de police (de 156 à 160 km/h), entre autres facteurs.

[47]  Le REAC indique par ailleurs que l’accident initial impliquant la camionnette de Mme D était également inévitable, en présumant que celle-ci roulait à 100 km/h au moment de l’impact. (Cette conclusion semble laisser entendre, même si ce n’est pas dit explicitement, que la collision avec le véhicule de police aurait été inévitable même si la membre visée avait roulé à 100 km/h.)

[48]  Le REAC n’examine toutefois pas la question de savoir ce qui aurait pu se produire si le véhicule de police avait roulé à moins de 100 km/h. Cette question et d’autres considérations ont fait l’objet d’observations dans un rapport d’examen par des pairs que l’ASIRT a obtenu auprès d’un spécialiste en reconstitution de collisions du Service de police d’Edmonton (le « rapport des pairs ») peu de temps après la rédaction du REAC.

[49]  En somme, le rapport des pairs conclut à la présence, avant la collision, de plusieurs facteurs qui auraient dû inciter la membre visée à réduire considérablement sa vitesse, y compris la nature des première et deuxième demandes d’intervention, le fait que les incidents signalés s’étaient produits dans un secteur rural, le fait que quelques véhicules circulaient sur la route (élément confirmé par la caméra du véhicule de police), le fait que la membre visée a croisé plusieurs véhicules arrêtés au même endroit avec leurs feux de détresse ou leurs feux rotatifs activés, et la mauvaise visibilité. Le rapport des pairs souligne par ailleurs que deux civils n’ayant pas conscience de l’accident initial ont réussi à ralentir leur véhicule et à l’immobiliser en toute sécurité.

[50]  En dernière analyse, le rapport des pairs qualifie de [Traduction] « trompeuse » la conclusion du REAC selon laquelle la collision était [Traduction] « inévitable ».

[51]  On ne connaît pas la date exacte à laquelle le REAC a été fourni à la GRC, mais certaines indications portent à croire qu’il lui a été transmis tôt dans l’enquête, car il est mentionné explicitement que le REAC a été examiné le 2 février 2017 dans le cadre de l’examen de l’incident (p. 14), et l’ASIRT a affirmé qu’il faisait partie du dossier de la GRC (p. 652).

[52]  On ne sait pas quand la GRC a pris connaissance du rapport des pairs, mais c’était probablement après la fin de l’enquête de l’ASIRT.

[53]  Sauf pendant un court congé de maladie après la collision, la membre visée a continué à remplir des fonctions opérationnelles et a plus tard été mutée au Détachement de Leduc, dans le District du centre de l’Alberta.

[54]  Dans le cours normal de ses activités, l’ASIRT envoyait des mises à jour sur l’enquête à la commandante divisionnaire. Du 2 septembre au 20 décembre 2016, elle lui a fait parvenir trois mises à jour de ce genre, dont l’une portait sur la désignation de la membre visée à titre de policière faisant l’objet d’une enquête, et les deux autres indiquaient simplement que l’enquête de l’ASIRT sur la collision se poursuivait.

[55]  Une quatrième lettre de l’ASIRT, datée du 20 janvier 2017 (la « lettre de l’ASIRT »), a été reçue au bureau de la commandante divisionnaire le 27 janvier 2017 (selon le timbre dateur), puis examinée par cette dernière le 30 janvier 2017 [6] (selon la date manuscrite, le timbre du bloc- signature et la signature) (p. 504).

[56]  La lettre de l’ASIRT a par la suite été transmise à titre d’information à l’OREC (qui l’a reçue le 30 janvier 2017) et à titre de mise à jour au bureau du District de l’est de l’Alberta (qui l’a reçue le 18 février 2017) (p. 504).

[57]  La lettre de l’ASIRT informait la commandante divisionnaire que l’ASIRT avait transmis son dossier d’enquête au ministère public afin de le faire examiner et d’obtenir une opinion à son égard, et qu’après avoir pris connaissance de cette opinion, le directeur exécutif de l’ASIRT rendrait sa décision sur l’enquête judiciaire concernant la collision.

[58]  Rien n’indique que la commandante divisionnaire ou un autre intervenant ait pris des mesures ou donné des consignes en conséquence de la lettre de l’ASIRT, à part l’avoir transmise à titre d’information à l’OREC, qui a par la suite demandé qu’une copie soit envoyée à l’ODE.

[59]  Le 14 mai 2017, un rapport a été produit comme suite à l’examen de l’incident. Ce rapport comprenait un compte rendu détaillé de la collision, les déclarations des témoins, les rapports des membres concernés, le REAC, un enregistrement vidéo, les résultats de l’autopsie et d’autres informations (tirées principalement du dossier de la GRC.)

[60]  Le comité ne s’étendra pas sur l’examen de l’incident, mais le rapport qui en est issu renferme un certain nombre d’observations pertinentes, notamment quant au fait que la grande vitesse à laquelle roulait le véhicule de police avait augmenté les risques. Le rapport soulignait que [Traduction] « les politiques ne disent pas grand-chose sur la conduite de véhicules prioritaires dans un contexte autre qu’une poursuite », mais il présentait les éléments suivants comme des [Traduction] « facteurs aggravants » :

[Traduction]

Il faisait extrêmement noir la nuit en question et la vitesse à laquelle la [membre visée] roulait ne lui laissait pas le temps de réagir si elle devait faire des manœuvres pour éviter un danger.

[La membre visée] conduisait une camionnette de police. Ce type de véhicule tend à être moins stable qu’une voiture et devrait être conduit à plus basse vitesse au moment de répondre à une demande urgente.

[61]  Le rapport issu de l’examen de l’incident fait notamment état des conclusions suivantes [Traduction] :

  1. [La membre visée] a manifesté une connaissance des pratiques d’évaluation continue des risques et de la politique concernant la conduite de véhicules prioritaires. Cela dit, après son évaluation des risques, elle n’a pas su prendre une décision appropriée quant à la vitesse à laquelle elle conduisait son véhicule de police. Il semble que la [membre visée] agissait de bonne foi et exerçait ses fonctions d’une manièrequ’elle jugeait appropriée au moment des faits. Les circonstances qu’elle a dû affronter étaient singulières et n’auraient été prévisibles qu’avec le recul.

[62]  Le rapport produit à la suite de l’examen de l’incident recommande que la membre visée [Traduction] « fasse le bilan de cet incident avec un sous-officier ou un membre expérimenté afin de s’assurer d’en tirer toutes les leçons possibles » et que son dossier de conduite avant et après la collision fasse l’objet d’un examen [Traduction] « afin de vérifier qu’il n’indique aucun problème systémique ».

[63]  Le 9 juin 2017 ou vers cette date, l’ASIRT a apparemment informé l’officier responsable du Détachement de Leduc et l’officier du District du centre de l’Alberta (l’« ODC »), le surintendant principal Scott, du fait que des accusations allaient être recommandées à l’endroit de la membre visée, et qu’elles lui seraient communiquées le 15 juin 2017 (son arrestation et le traitement des accusations devant avoir lieu le lendemain). Il est mentionné explicitement dans la note d’information datée du 12 juin 2017 (la « deuxième note d’information ») que l’officier responsable du Détachement de Leduc allait consulter le Groupe consultatif de la déontologie de la Division K (le « GCDK ») afin de préparer une enquête déontologique et d’examiner les fonctions de la membre visée.

[64]  La deuxième note d’information confirme que la décision de recommander des accusations a été communiquée à l’ODC et à l’ODE, de même qu’à la nouvelle chef du Détachement (c’est-à-dire la surintendante Dicks), et que [Traduction] « l’ASIRT a avisé la commandante divisionnaire à la fin de la semaine dernière ». (Il n’est toutefois pas clair si cela signifie le 8 ou le 9 juin 2017, ou encore le 1er ou le 2 juin 2017.)

[65]  Jusqu’à ce moment, il n’y a aucune indication que quiconque à la Division K se soit penché sur la collision pour déterminer si elle constituait une inconduite. En fait, malgré certaines assertions faites dans la deuxième note d’information, les notes rédigées le 13 juin 2017 (à 14 h 5) par la surintendante Dicks (p. 21) (qui occupait alors le poste de chef du Détachement) mentionnent que l’ODC, soit le surintendant principal Mehdizadeh, a fait la remarque suivante au cours d’un appel téléphonique [Traduction] :

[Membre visée] – Son comportement au volant ne constitue pas une inconduite dans ce cas. Problème de rendement. Ne jette pas le discrédit sur la Gendarmerie. Exécution légitime des fonctions. [Soulignement ajouté]

[66]  Quoi qu’il en soit, à la suite du préavis donné par l’ASIRT (le 9 juin 2017), le GCDK et la Section nationale de la gestion de la déontologie (la « SNGD ») de la Direction générale ont échangé plusieurs courriels entre le 12 juin 2017 (11 h 46) et le 13 juin 2017 (13 h 21) au sujet de l’implication de la membre visée dans la collision, et en particulier sur le délai de prescription applicable. En voici la substance :

  • Le GCDK fournit initialement des renseignements de base sur les circonstances de la collision et l’enquête de l’ASIRT. Il confirme que [Traduction] « l’organisation est au courant de la situation » (c’est-à-dire de la collision), mais précise qu’elle vient de prendre connaissance de la décision de l’ASIRT de déposer des accusations criminelles contre la membre visée. Il demande explicitement si le délai de prescription a commencé à courir à la date de la collision ou à celle de la décision de l’ASIRT de porter des accusations.
  • Dans sa réponse, la SNGD demande des renseignements plus détaillés, cherchant notamment à savoir quelles mesures la GRC a prises entre août 2016 et juin 2017, si un examen officiel a été effectué et si quelqu’un a pris la décision de ne pas lancer une procédure disciplinaire.
  • Le GCDK répond en transmettant la deuxième note d’information et en précisant qu’aucun examen ne semble avoir été effectué après que l’ASIRT a pris en charge le dossier. Il émet l’hypothèse que cette inaction s’explique par un souci de ne pass’ingérer dans l’enquête de l’ASIRT et de ne pas entraîner de dédoublements, puis il affirmeque l’autorité disciplinaire [c’est-à-dire l’ODC] a seulement pris connaissance de l’issue de l’enquête de l’ASIRT le 9 juin 2017.
  • Dans sa réponse finale, la SNGD aborde la question du délai de prescription, soulignant qu’il peut être difficile de déterminer la date exacte à laquelle il a commencé à courir, puisque [Traduction] « cela revient essentiellement à déterminer qui savait quoi à quel moment et quelle suite a été donnée à l’information ». Elle affirme toutefois que [Traduction] « pour l’instant, le plus prudent et le plus équitable, compte tenu de tous les impondérables » serait de retenir la date de la collision, et ajoute qu’ilfaudrait probablement demander une prorogation en prenant cette date comme point de départ, ce qui serait [Traduction] « la meilleure façon de procéder du point de vue de l’équité procédurale ». [Ces échanges sont ci-après appelés collectivement les « courriels du GCDK et de la SNGD ».]

[67]  Après avoir reçu les conseils de la SNGD, le GCDK a communiqué avec le chef de la Direction des représentants de l’autorité disciplinaire (la « DRAD ») de la Direction générale le 14 juin 2017 afin de souligner que la collision suscitait [Traduction] « un intérêt considérable de la part de la haute direction ».

[68]  Malgré la position adoptée par l’ODE selon les notes consignées par la surintendante Dicks le 13 juin 2017 (c’est-à-dire que le comportement de la membre visée ne constituait pas une inconduite, mais un problème de rendement), la Division K, en la personne de l’ODC, a suspendu la membre visée avec solde et a entrepris de lancer une enquête déontologique à son égard après avoir appris de l’ASIRT qu’elle allait être arrêtée et accusée au criminel.

[69]  L’ODC a signé la note de service ordonnant le lancement de l’enquête déontologique (la « note de service ») le 16 juin 2017 (p. 4-5), apparemment à titre d’autorité disciplinaire. Il convient de noter deux points à ce sujet.

[70]  Premièrement, l’ODC affirme avoir [Traduction] « appris que [la membre visée] […] se serait conduite d’une façon qui, si cette conduite devait être établie dans les faits, constituerait une contravention au code de déontologie », mais ne précise pas sous quelle forme cette information lui est parvenue.

[71]  L’ODC indique pourtant explicitement dans l’ordonnance de suspension datée du 16 juin 2017 (l’« ordonnance de suspension ») qu’il a [Traduction] « reçu, le 9 juin 2017, de l’information au sujet d’un incident qui fait maintenant de vous [la membre visée] le sujet d’une enquête déontologique » (p. 7).

[72]  Deuxièmement, l’ODC affirme dans la note de service [Traduction] : « J’ai été informé que l’ASIRT a porté ces allégations à l’attention de la commandante divisionnaire le 20 janvier 2017. » Le rapport déontologique mentionne cependant que l’ODC a pris connaissance des allégations le 20 janvier 2017; l’auteur voulait peut-être dire la commandante divisionnaire.

[73]  L’enquête déontologique a pris fin le 4 octobre 2017 et a essentiellement consisté à rassembler la documentation déjà versée au dossier de la GRC. En effet, l’ASIRT a explicitement fait savoir à l’enquêteur chargé de l’enquête déontologique (le 29 août 2017) qu’une bonne partie de la documentation qu’il cherchait se trouvait déjà dans le dossier de la GRC (p. 643).

[74]  Le rapport déontologique a été envoyé au surintendant principal Mehdizadeh (qui était alors passé du poste d’ODE à celui d’ODC) aux fins d’examen (p. 675).

[75]  Le 8 janvier 2018, l’autorité disciplinaire (en la personne de la commandante divisionnaire) a envoyé l’avis d’audience à l’officier désigné, et le comité a été nommé le 16 janvier 2018.

[76]  Aucune information n’a été fournie quant à savoir pourquoi ou comment le rapport déontologique est passé des mains de l’ODC à celles de la commandante divisionnaire.

[77]  L’avis d’audience a été signé le 26 février 2018, et le rapport déontologique a été transmis au comité le 1er mars 2018. Le comité a demandé au RAD de lui faire une mise à jour lorsque l’avis d’audience serait signifié à la membre visée.

[78]  Le 12 mars 2018, à la demande du RAD, le comité a ordonné le report de la signification de l’avis d’audience à la membre visée, qui venait d’obtenir son congé de l’hôpital après la naissance de son enfant.

[79]  L’avis d’audience a été signifié à la membre visée le 27 mars 2018. Le 29 mars 2018, le comité a demandé que l’officier désigné lui signale toute objection déposée relativement à la nomination du comité et que le chef de la Direction des représentants des membres (la « DRM ») l’informe lorsque la membre visée aurait retenu les services d’un représentant.

[80]  Le 3 avril 2018, le chef de la DRM a informé le comité que le RM avait été chargé de représenter la membre visée, et le comité a envoyé aux représentants des deux parties un bref courriel dans lequel il abordait un certain nombre de questions de procédure, exposait ses attentes, proposait la tenue d’une rencontre préliminaire et indiquait qu’il envisageait de demander des renseignements supplémentaires après avoir lu le rapport déontologique.

[81]  Le 24 avril 2018, une rencontre préliminaire a eu lieu entre le comité et les représentants (la « rencontre préliminaire »). Le comité a résumé les points saillants de cette rencontre dans un courriel envoyé le 25 avril 2018, mais pour les besoins de la présente décision, seuls les points suivants sont pertinents :

  • Le comité a soulevé la question du délai de prescription, et le RM a fait savoir que cette question avait également été soulevée par la membre visée. Après une brèvediscussion, le comité a indiqué qu’il allait demander de plus amples renseignements sur cette question, y compris:
    • toutes les notes d’information et les mises àjour;
    • une liste indiquant les noms des personnes qui avaient occupé les postes de chef de veille, de chef du Détachement, d’officier de district et de commandant divisionnaire, ainsi que les périodes pendant lesquelles elles les avaientoccupés;
    • les notes du ou des chefs de veille, du ou des chefs du Détachement, des officiers de district, de l’officier ou des officiers des opérations et du ou des commandants divisionnaires;
    • la liste de tous les fichiers (documents, rapports, déclarations, etc.) enregistréssur la clé USB que l’ASIRT avait fournie au Détachement le 29 août 2016 ou vers cette date;
    • la liste de tous les documents versés au dossier de la GRC, y compris la date de leur versement, les noms des personnes qui avaient examiné le dossier et lesdates auxquelles ces examens avaient été effectués (les « renseignements supplémentaires »).
  • La demande du RAD de se voir accorder deux semaines pour rassembler les renseignements supplémentaires a été approuvée.
  • Le RAD ayant confirmé que la lettre de l’ASIRT était à la base de l’assertion selon laquelle la commandante divisionnaire avait pris connaissance des allégationsle 20 janvier 2017 (en tant qu’autorité disciplinaire), le comité ne demandait aucun autre renseignement sur la connaissance qu’elle avait des allégations.
  • Après discussion, le comité a décidé de ne pas demander aux représentants de présenter des observations sur le délai de prescription avant que le RAD ait fourniles renseignements supplémentaires ou que l’enquête préliminaire sur les accusations criminelles à l’endroit de la membre visée (prévue du 25 au 28 juin 2018) soit terminée.

[82]  Le 10 mai 2018, le RAD a fait savoir qu’il avait reçu les renseignements supplémentaires demandés par le comité, à l’exception des notes du surintendant principal Mehdizadeh (l’ODC/ODE) et d’un autre officier. Il s’attendait cependant à ce qu’elles lui soient fournies.

[83]  Le 3 juillet 2018, le RM a informé le comité que la membre visée avait été assignée à procès au terme de l’enquête préliminaire et a demandé si une rencontre devrait être organisée afin de fixer une date pour la présentation d’arguments sur les aspects temporels de la procédure disciplinaire.

[84]  Dans sa réponse, le comité a dit aux représentants qu’il ne croyait pas nécessaire de tenir une audience pour examiner la question du délai de prescription. À moins qu’il ne manque quelque chose de pertinent dans le rapport déontologique ou dans les renseignements supplémentaires récemment fournis par le RAD, le comité proposait de fixer d’abord une échéance pour la présentation des observations écrites des représentants sur la question du délai de prescription et de reporter à plus tard l’examen de toute autre question concernant la substance des allégations ou les aspects temporels de la procédure disciplinaire, puisqu’un procès criminel était prévu.

[85]  Comme le RM avait soulevé la question du délai de prescription, le comité a proposé que le RM présente une argumentation écrite sur le sujet, que le RAD présente ensuite sa réponse, puis que le RM prépare une réfutation au besoin, le tout devant se faire dans le respect des échéances fixées.

[86]  Dans sa réponse, le RM a invoqué plusieurs facteurs pour demander que le comité lui accorde jusqu’au 20 août 2018 pour présenter son argumentation écrite sur la question du délai de prescription.

Argumentation du RM

[87]  Le 12 juillet 2018, le RM a présenté une brève mise à jour, dans laquelle il a fait savoir que la décision sur l’appel interjeté par la membre visée quant à l’ordonnance de suspension avait été reçue. Il a inclus dans son message une citation tirée de ladite décision, consignée dans le dossier OGCA no 2017335906 et rendue le 12 juillet 2018 (la « décision d’appel »), qui semblait dire que l’ordonnance de suspension ne satisfaisait pas aux exigences de la politique applicable et de l’équité procédurale.

[88]  Le 15 août 2018, le RM a demandé une prorogation pour la présentation de son argumentation, et le comité la lui a accordée. Le 24 août 2018, le RM a présenté son argumentation écrite sur la question du délai de prescription, puis a transmis les précédents et les autres documents à l’appui le 27 août 2018 (l’« argumentation du RM »). Il demandait l’arrêt de la procédure disciplinaire pour abus de procédure.

[89]  L’argumentation du RM était accompagnée d’éléments [Traduction] « communiqués dans le cadre de la procédure relative à la suspension initiale de la [membre visée] ». Le RM croyait que ces éléments se trouvaient peut-être déjà dans le rapport déontologique, mais au moment de les examiner, le comité a remarqué que plusieurs messages clés échangés parmi les courriels du GCDK et de la SNGD en juin 2017 ne figuraient pas dans le rapport déontologique ni dans les renseignements supplémentaires. Compte tenu de la pertinence évidente de ces messages pour la question du délai de prescription, ils auraient dû faire l’objet d’une divulgation proactive par l’autorité disciplinaire.

[90]  En résumé, le RM affirme dans son argumentation que les [Traduction] « faits saillants » de la collision étaient connus à tous les échelons de la haute direction de la GRC, jusqu’à celui du commissaire, dès le jour où l’incident était survenu.

[91]  Il souligne également que la membre visée a repris ses fonctions opérationnelles après la collision et que l’incident a soulevé si peu de préoccupations [Traduction] « d’ordre déontologique ou opérationnel que la GRC a mis neuf mois à produire un rapport d’enquête interne qui a finalement blanchi la [membre visée] sur toute la ligne ».

[92]  Le RM ne précise pas de quel [Traduction] « rapport d’enquête interne » il parle dans son argumentation, mais d’après la description qu’il en fait et le moment auquel le document aurait été produit, ce doit être le rapport sur l’examen de l’incident. Cet examen n’était pas une enquête déontologique; néanmoins, il est juste d’affirmer qu’à sa conclusion, la perspective d’une intervention disciplinaire n’avait toujours pas été évoquée.

[93]  Le RM note par ailleurs dans son argumentation que la GRC n’a jamais exprimé de préoccupations importantes au sujet du rendement de la membre visée avant le dépôt des accusations faisant suite à l’enquête de l’ASIRT. Même là, l’organisation a mis huit mois de plus (à partir de la date à laquelle l’ODC dit avoir pris connaissance de l’inconduite) pour amorcer la procédure disciplinaire (avec la transmission, par la commandante divisionnaire, de l’avis à l’officier désigné).

[94]  Pour ce qui est du délai de prescription, le RM soutient que plus de 18 mois se sont écoulés depuis que l’autorité disciplinaire a pris connaissance de l’identité de la membre visée et de la [Traduction] « prétendue contravention » (c’est-à-dire la date de la collision). Par conséquent, fait-il valoir, la procédure disciplinaire est frappée de prescription.

[95]  Dans son argumentation, le RM cite la décision répertoriée Le commandant de la Division nationale et la sergente Douglas, 2018 DARD 5 (« Douglas »), dans laquelle le comité de déontologie a conclu que l’intégrité du régime disciplinaire de la GRC serait mieux protégée par une suspension d’instance qu’en tolérant un retard inacceptable et en permettant que l’affaire fasse l’objet d’une audience disciplinaire (par. 36).

[96]  Selon l’argumentation du RM, la première note d’information envoyée par l’ODE, soit le surintendant principal Mehdizadeh, montre que le chef de veille (qui avait rédigé la note d’information), l’officier des opérations du Détachement, le chef du Détachement, l’officier de district et l’OREC étaient tous au courant du fait que la collision s’était produite (renseignement par la suite incorporé à une note d’information adressée au commissaire), qu’elle avait causé une blessure à M. C et le décès de M. J, et que l’ASIRT menait l’enquête.

[97]  Le RM mentionne également les courriels du GCDK et de la SNGD pour illustrer plusieurs faits : premièrement, que les personnes compétentes faisant partie de la chaîne de commandement (c’est-à-dire les autorités disciplinaires) du Détachement, du District et de la Division étaient parfaitement au courant des circonstances de la collision; deuxièmement, que la SNGD a donné son avis sur la date à retenir comme point de départ de la prescription; troisièmement, que la SNGD a recommandé de demander une prorogation, mais que ce conseil n’a pas été suivi.

[98]  Le RM fait aussi référence à plusieurs autres communications administratives, dont la note de service et l’ordonnance de suspension, pour montrer que, même après les courriels du GCDK et de la SNGD échangés en juin 2017, l’autorité disciplinaire disposait encore de [Traduction] « deux mois complets » avant l’expiration du délai de prescription (en présumant que celui-ci a commencé à courir le jour de la collision).

[99]  S’il est injustifiable de dépasser un délai de prescription par négligence, alors le RM avance que rien ne peut justifier le non-respect du délai de prescription applicable en l’espèce [Traduction] :

[…] alors que tout le monde était au courant [de la collision], il a été décidé de ne rien faire pendant les 10 mois qui ont suivi, la situation a été réexaminée deux mois avant l’expiration du délai de prescription, puis huit autres mois se sont écoulés avant le déclenchement de la procédure…

[100]  Le RM fait valoir qu’il n’y a pas lieu de [Traduction] « récompenser » l’autorité disciplinaire d’avoir choisi de ne pas tenir compte du délai de prescription après en avoir été informée, ce qui est d’autant plus honteux qu’une demande de prorogation aurait pu être faite à tout moment, même si les faits ne justifiaient pas une telle démarche, à son avis.

[101]  Dans le fond, affirme le RM, l’autorité disciplinaire se conduit comme s’il n’y avait aucun délai de prescription, et le fait de cautionner son attitude lancerait le message que c’est effectivement le cas.

[102]  Le RM note par ailleurs qu’aucune explication n’a été donnée quant à savoir pourquoi la GRC a mis 10 mois (après la collision) avant même d’ordonner la tenue d’une enquête déontologique. Son argumentation laisse entendre qu’il était mensonger d’affirmer dans la note de service (datée du 16 juin 2017) que les allégations avaient récemment été portées à l’attention de l’ODC, car celui-ci et d’autres personnes parmi ses collègues [Traduction] « connaissaient tous les détails de cette affaire 10 mois auparavant ».

[103]  La note de service dit que la commandante divisionnaire a pris connaissance des allégations le 20 janvier 2017. Or, soutient le RM, même en admettant que cette date marque le point de départ du délai de prescription, ce qui est faux selon lui, la prescription n’a pas été respectée, car l’avis à l’officier désigné a seulement déclenché la procédure disciplinaire un mois après l’expiration du délai (en février 2018). (Il est noté que, malgré son analyse incorrecte des dates pertinentes, le RM a raison d’affirmer que la date à retenir pour déterminer le début du délai de prescription reste une question en litige.)

[104]  Le RM mentionne par ailleurs dans son argumentation le fait notable et inhabituel que l’ordonnance de suspension a déjà été annulée pour manquement à l’équité procédurale dans la décision d’appel (par. 39-40). À son avis, le déclenchement de la procédure disciplinaire contre la membre visée a seulement aggravé cette iniquité.

[105]  Le RM se montre critique à l’égard de la note de service et de l’ordonnance de suspension, dans lesquelles on a invoqué de prétendus risques pour les opérations et pour le public afin de justifier la suspension de la membre visée 10 mois après la collision, alors qu’elle remplissait des fonctions opérationnelles sans restriction depuis l’accident. Il se demande donc si l’on ne doit pas en déduire que l’enquête déontologique découlait réellement de l’annonce des accusations criminelles, étant donné que les faits étaient connus depuis des mois et qu’ils n’avaient suscité aucune inquiétude pendant tout ce temps.

[106]  L’argumentation du RM fait valoir que la SNGD a conseillé au GCDK de retenir la date de la collision comme point de départ du délai de prescription et qu’elle lui a expressément recommandé d’envisager la possibilité de demander une prorogation, ce que le GCDK n’a pas fait.

[107]  Quant aux assertions du GCDK selon lesquelles le retard était attribuable au fait que l’ASIRT tend à se montrer [Traduction] « avare d’informations » à moins d’avoir [Traduction] « un dossier en cours et d’être appelée à collaborer à une enquête connexe menée de notre côté » (c’est-à-dire une enquête déontologique), au fait que la GRC n’avait [Traduction] « lancé aucune enquête déontologique dans ce cas puisque l’ASIRT s’était chargée du dossier », et au fait que le GCDK n’aurait pas accès au rapport d’enquête de l’ASIRT tant que l’enquête déontologique ne serait pas ordonnée, le RM n’y voit que de la [Traduction] « négligence institutionnelle ».

[108]  Cette négligence est d’autant plus évidente, estime le RM, qu’en réponse aux questions directes de la SNGD au sujet du délai de prescription, le GCDK a reconnu que l’organisation était au courant de la collision, mais qu’elle venait de prendre connaissance de la décision de l’ASIRT de déposer des accusations criminelles contre la membre visée.

[109]  Le RM cite abondamment les constatations, conclusions et recommandations formulées dans le rapport sur l’examen de l’incident. Ces éléments sont toutefois sans grande importance pour la détermination du délai de prescription, car le rapport mentionne seulement que l’examen de l’incident a commencé le 30 août 2016, quelques jours après la collision.

[110]  À la lumière des conclusions et recommandations issues de l’examen de l’incident, avance le RM, il n’est pas étonnant qu’aucune enquête déontologique n’ait été déclenchée au cours des 10 mois qui ont suivi la collision. Il faut donc se demander ce qui est arrivé pour changer la situation, [Traduction] « puisqu’on ne tente nulle part dans la documentation de justifier le déclenchement de l’enquête déontologique en invoquant pour seul motif le dépôt d’accusations criminelles contre la [membre visée] ».

[111]  Dans son argumentation, le RM décrit la décision Douglas comme le précédent qui fait jurisprudence sur la question des délais de prescription applicables au nouveau processus disciplinaire. Le comité de déontologie saisi de cette affaire a conclu, en s’appuyant sur la décision Thériault c. Gendarmerie royale du Canada, 2006 CAF 61 (« Thériault »), que le délai prescrit au paragraphe 41(2) de la nouvelle [7] Loi sur la GRC vise à protéger le public et la crédibilité de la GRC ainsi qu’à assurer le traitement équitable des membres.

[112]  Afin de déterminer le délai de prescription applicable en vertu du paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC, le comité de déontologie chargé de l’affaire Douglas a établi une méthode en cinq étapes (présentée ici sous forme d’énumération numérique plutôt qu’alphabétique aux fins d’analyse et d’application) :

  1. Qui était l’AD [autorité disciplinaire] à l’égard de larequérante?
  2. L’AD a-t-elle eu connaissance d’une allégation selon laquelle un membre aurait contrevenu à une disposition du code dedéontologie?
  3. L’AD a-t-elle eu connaissance de l’identité de la membre visée par l’allégation de contravention?
  4. L’AD a-t-elle mené ou fait mener une enquête surl’allégation?
  5. Dansle casoùlesconditions[1]à[4]ontétéremplies,à quelmomentledélaiprescrit arrivait-il à échéance? [la « méthode Douglas»]

[113]  Le comité de déontologie chargé de l’affaire Douglas a noté que l’autorité disciplinaire n’a pas besoin de connaître tous les détails d’une contravention pour que le délai de prescription commence à courir; elle doit seulement disposer de suffisamment d’information pour reconnaître qu’il y a allégation de contravention au code de déontologie et pour être ainsi contrainte d’agir (par. 24). Il rejetait ainsi explicitement l’argument selon lequel le délai de prescription ne doit commencer à courir qu’après que l’autorité disciplinaire a parfait sa connaissance de l’affaire grâce aux résultats d’une enquête, car la Loi prévoit explicitement un délai d’un an pour mener l’enquête et convoquer une audience disciplinaire, ou pour demander une prorogation.

[114]  Outre les décisions Thériault et Douglas, le RM s’appuie sur les arrêts Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’Assurance sur la Vie, [2004] 3 R.C.S. 195 (« Cabiakman »), Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (« Baker ») et Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643 (« Cardinal ») pour affirmer que : (1) la loi impose aux employeurs une obligation d’équité dans leurs relations avec leurs employés, (2) les procédures de renvoi exigent l’observation d’un degré élevé d’équité procédurale, et (3) le non-respect de l’équité procédurale invalidera une décision dans les circonstances les plus exceptionnelles.

[115]  De plus, le RM se fonde sur l’arrêt Baker (p. 839) pour affirmer que la membre visée était [Traduction] « en droit de s’attendre » à ce que la procédure disciplinaire soit déclenchée dans un délai d’un an, comme l’exige la Loi sur la GRC, d’autant plus que tous les intervenants compétents de la hiérarchie étaient au courant de la collision, que [Traduction] « la preuve n’était pas nébuleuse » et qu’il n’y avait aucune [Traduction] « confusion systémique ».

[116]  Selon l’argumentation du RM, le [Traduction] « concept clé » est celui du [Traduction] « caractère raisonnable ». Puisque les autorités disciplinaires compétentes ont laissé la membre visée continuer de remplir sans restriction des fonctions opérationnelles à la suite de ce qui semble avoir été considéré, d’après le rapport sur l’examen de l’incident et d’autres documents, comme un [Traduction] « malheureux accident » (nécessitant tout au plus une formation corrective), [Traduction] « il est impossible de conclure au caractère raisonnable de la décision subite de déclencher une procédure disciplinaire 18 mois après la [collision] en l’absence de nouveaux éléments de preuve ». (Soulignement ajouté)

[117]  Le RM conclut qu’il y a eu manquement au devoir d’équité procédurale et aux principes de la justice naturelle et que, par conséquent, l’avis d’audience est invalide, et la procédure ou les allégations à l’endroit de la membre visée doivent être suspendues.

Réponse du RAD

[118]  Le 27 août 2018, le RAD a informé le comité qu’il présenterait sa réponse à l’argumentation du RM le 7 septembre 2018. Le comité a effectivement reçu à cette date la réponse écrite du RAD accompagnée de documents à l’appui qui ne faisaient pas partie du rapport déontologique, dont le rapport sur l’examen de l’incident (la « réponse du RAD »).

[119]  Dans sa réponse, le RAD soutient que les exigences de la loi en ce qui concerne le délai de prescription ont été respectées et que la requête en suspension de la procédure devrait être refusée.

[120]  Le RAD reconnaît les faits présentés dans l’argumentation du RM, mais cite les mises à jour de l’ASIRT à l’appui de sa position, soulignant que la lettre de l’ASIRT (datée du 20 janvier 2017) mentionne la transmission de son dossier d’enquête au ministère public. Le RAD cite également la note de service de l’ODC, où il est indiqué que, [Traduction] « après avoir obtenu des conseils juridiques, l’autorité disciplinaire a déterminé que le délai de prescription avait commencé à courir le 20 janvier 2017 ». (Soulignement ajouté)

[121]  La réponse du RAD souligne également que l’avis à l’officier désigné a été reçu le 9 janvier 2018 et que le comité a été nommé le 16 janvier 2018.

[122]  Afin de déterminer la connaissance d’une contravention et de l’identité de son auteur qui est requise selon le paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC pour que le délai de prescription commence à courir, le RAD s’appuie, comme le RM, sur la décision Thériault, qui décrit comme suit le critère pertinent (au par. 35) : « la personne investie du pouvoir d’engager les poursuites doit avoir suffisamment d’information crédible et convaincante quant à la contravention alléguée et quant à son auteur pour raisonnablement croire que cette contravention a été commise et que la personne à qui on l’impute en est l’auteur ».

[123]  Le RAD se fonde également sur Douglas pour l’interprétation des modalités applicables dans le cadre du nouveau processus disciplinaire. Comme l’a souligné le RM dans son argumentation, le comité de déontologie qui s’est penché sur cette affaire a essentiellement suivi le raisonnement présenté dans Thériault en concluant (au par. 24) que le délai de prescription commence à courir dès qu’on a « une connaissance suffisante de la teneur de la plainte formulée [...] pour reconnaître qu’il y [a] là une allégation de contravention au code de déontologie ». (Soulignement ajouté)

[124]  Dans son application de la méthode Douglas, le RAD affirme, en réponse à la première question, que l’autorité disciplinaire compétente est l’ODC.

[125]  Pour ce qui est de la deuxième question, le RAD avance que l’élément crucial est le moment auquel l’autorité disciplinaire avait une connaissance suffisante du fait qu’une contravention avait eu lieu. Il invoque les facteurs suivants pour rejeter la position du RM, selon laquelle ce moment correspondrait à la date de la collision :

  1. Tous les accidents de la route impliquant un membre ne découlent pas d’une contravention au code de la déontologie. Dans les situations où [Traduction] « il n’est pas immédiatement évident que le membre concerné a enfreint le code de déontologie, il convient de lui donner le bénéfice du doute ». Compte tenu du fait qu’il y a eu 2 068 collisions impliquant un véhicule de police en 2017, leRAD demande au comité [Traduction] « d’imaginer ce que ce serait si les membres concernés faisaient systématiquement l’objet d’une enquête déontologique chaque fois qu’un tel accident se produisait ».
  2. Le décès de M. J [Traduction] « ne permet pas de présumer d’emblée que [la membre visée] a enfreint le code de déontologie».
  3. Malgré l’existence de [Traduction] « données indiquant clairement que la membre visée roulait à une vitesse élevée au moment de la collision, cela ne constitue pas en soi une contravention au code de déontologie».
  4. La membre visée a [Traduction] « fourni une explication plausible » de la collision dans sa déclaration datée du 21 août2016.
  5. Après la collision, l’autorité disciplinaire [Traduction] « avait le souci de donner le bénéfice du doute à la membre visée».
  6. Avant que les résultats de l’enquête de l’ASIRT soient connus,[Traduction] « l’information dont disposait l’autorité disciplinaire n’était pas suffisante pour indiquer que la membre visée avait enfreint le code de déontologie ».
  7. L’enquête de l’ASIRT était prescrite par la loi et a été menée de façonindépendante pour faire la lumière sur le décès et la blessuregrave.
  8. [Traduction] « Pour des raisons d’ordre pratique, la GRC n’a pas entrepris sa propre enquête pendant que l’ASIRT menait la sienne.»
  9. [Traduction] « Il n’est pas efficace de mener deux enquêtes parallèles sur un même incident.»
  10. [Traduction] « La conduite d’enquêtes parallèles peut nuire à l’intégrité des informations recueillies.»
  11. Bien que des intervenants de la GRC aient participé à l’enquête de l’ASIRT (notamment à la production du REAC), les résultats de cette enquête doivent être examinés dans leur intégralité, ce que la GRC ne pouvait pas faire avant derecevoir le rapport d’enquête de l’ASIRT le 1er septembre2017.
  12. Le rapport d’enquête de l’ASIRT contenait une douzaine de déclarations detémoins, le REAC, le rapport des pairs, le rapport d’analyse des données du dispositif GPS, le rapport de vérification mécanique, le rapport d’autopsie et les dossiers médicaux pertinents. Tous ces documents devaient être examinés afin de déterminer la responsabilité de lacollision.
  13. Le REAC [Traduction] « n’était pas suffisant pour déterminer si la membre visée avait contrevenu ou non au code de déontologie » parce qu’il ne constituaitqu’un élément [Traduction] « d’une enquête beaucoup plus vaste ». Le rapport des pairs indique d’ailleurs que la conclusion présentée dans le REAC [Traduction] « quant à la non-responsabilité de la membre visée était incorrecte ».
  14. La lettre de l’ASIRT [Traduction] « était la première communication de l’ASIRT qui mentionnait que le dépôt d’accusations criminelles contre la membre visée allait être recommandé ». C’était, pour l’autorité disciplinaire, la [Traduction] « première indication » d’une possibleinconduite.
  15. Les courriels du GCDK et de la SNGD au sujet du délai de prescription[Traduction] « relevaient de la conjecture ». C’est [Traduction] « seulement après que l’autorité disciplinaire a obtenu l’avis de conseillers juridiques qualifiés que la date de prescription a été fixée au 20 janvier 2017 ». (Soulignement ajouté)

[126]  En réponse à la troisième question, le RAD affirme (au par. 27) que l’identité de la membre visée n’a jamais été en doute et que l’autorité disciplinaire savait que celle-ci [Traduction] « était l’objet d’une allégation de contravention au code de déontologie »; toutefois, il n’était pas [Traduction] « apparu » à l’autorité disciplinaire que la membre visée [Traduction] « avait contrevenu au code de déontologie avant que l’ASIRT signale » dans sa lettre son intention de recommander le dépôt d’accusations criminelles contre elle.

[127]  En réponse à la quatrième question, le RAD affirme que l’autorité disciplinaire (c’est-à- dire l’ODC) a ordonné le lancement de l’enquête déontologique le 16 juin 2017 (date de la note de service).

[128]  En réponse à la cinquième et dernière question, le RAD affirme, sur la base de ses réponses aux quatre autres questions, que le délai de prescription a pris fin le 20 janvier 2018, puisque la lettre de l’ASIRT [Traduction] « a été reçue » le 20 janvier 2017, et que l’échéance a donc été respectée, puisque l’avis à l’officier désigné a été reçu le 9 janvier 2018.

[129]  Bref, soutient le RAD (au par. 32 de sa réponse), [Traduction] « compte tenu de ce qui précède, il est évident que, avant le 20 janvier 2017 [date de la lettre de l’ASIRT], l’autorité disciplinaire n’avait pas une connaissance suffisante de la situation pour reconnaître que la membre visée pouvait avoir enfreint le code de déontologie ». Par conséquent, le délai de prescription a été respecté et la requête en suspension de la procédure devrait être refusée.

[130]  Le 10 septembre 2018, le comité a fait savoir qu’il aurait peut-être des questions au sujet de l’argumentation du RM et de la réponse du RAD. Il a alors demandé au RM s’il avait l’intention de présenter une réfutation.

[131]  Le 11 septembre 2018, le RM a répondu qu’il ne présenterait pas de réfutation à l’égard de la réponse du RAD.

[132]  Le 9 novembre 2018, le comité a informé les représentants qu’après avoir dû s’absenter du bureau à plusieurs reprises, il se penchait sur l’argumentation du RM, sur la réponse du RAD et sur les documents fournis à l’appui de leurs positions respectives. Comme il n’attendait aucune autre observation, il rendrait par la suite sa décision préliminaire sur la question du délai de prescription, à moins d’avoir besoin de poser d’autres questions ou d’obtenir de plus amples renseignements.

[133]  En examinant les renseignements supplémentaires fournis par le RAD, le comité a constaté qu’il lui manquait toujours les notes de deux officiers. Comme il les jugeait pertinentes pour la question du délai de prescription, il a adressé une demande au RAD le 13 novembre 2018 afin qu’il les obtienne et les lui transmette.

[134]  Le RAD a fourni les notes d’un des officiers le jour même et a fait un suivi dans le but d’obtenir celles de l’ancien ODE (maintenant l’ODC), soit le surintendant principal Mehdizadeh.

[135]  En attendant ces notes, le comité s’est adressé de nouveau au RAD le 19 novembre 2018 pour lui demander de confirmer le poste que le surintendant principal Mehdizadeh avait occupé à certaines dates, y compris celle de la collision, celle de la signature de la note de service et de l’ordonnance de suspension, et celle de la rédaction des notes de la surintendante Dicks (le 13 juin 2017).

[136]  Le 21 novembre 2018, le RAD a transmis la réponse du surintendant principal Mehdizadeh (datée du 19 novembre 2018), dans laquelle ce dernier indiquait n’avoir aucune note sur la collision, affirmait avoir la première note d’information (diffusée le jour de la collision), précisait les périodes pendant lesquelles il avait occupé les postes d’ODE et d’ODC, et ajoutait, sans qu’on lui ait posé la question, que pendant la période où la membre visée était affectée au Détachement dans le District de l’est de l’Alberta, [Traduction] « aucune enquête déontologique n’a été ordonnée puisque nous attendions d’autres renseignements et discutions avec l’OREC ».

[137]  Il a été confirmé, pour les besoins de la présente décision, que le surintendant principal Mehdizadeh était l’ODE le jour de la collision et qu’il a occupé ce poste jusqu’au moment de devenir l’ODC le 1er juillet 2017.

[138]  Le 7 décembre 2018, le comité a envoyé un courriel aux représentants pour demander si leurs clients respectifs acceptaient de renoncer à la signification en personne de la décision préliminaire et de laisser leurs représentants la recevoir par voie électronique.

[139]  Les deux représentants ont confirmé le jour même qu’ils recevraient la décision au nom de leurs clients respectifs, sans toutefois confirmer que l’autorité disciplinaire ou la membre visée avaient accepté de renoncer à la signification en personne de la décision. Reconnaissant vouloir suivre les modalités établies à la lettre, le comité a demandé aux représentants de confirmer que leurs clients respectifs renonçaient à la signification de la décision en personne. Le RM a fourni cette confirmation en l’espace de 45 minutes environ.

[140]  Le 10 décembre 2018, le RAD a répondu ceci [Traduction] :

En tant que représentant désigné de l’autorité disciplinaire, je suis autorisé à renoncer à la signification en personne de votre décision à l’autorité disciplinaire. Je renonce par la présente au respect de cette exigence et demande que la décision me soit signifiée par voie électronique au nom de mon client.

[141]  Le comité a répondu que le rôle du RAD n’était pas mis en question, mais qu’il serait préférable d’affirmer ou de confirmer que l’autorité disciplinaire renonçait à la signification en personne de la décision, à défaut de quoi il semblait que le RAD y renonçait, ce qui n’était pas tout à fait la même chose.

[142]  Le RAD a confirmé le 12 décembre 2018 que l’autorité disciplinaire renonçait à la signification en personne de la décision préliminaire et acceptait qu’elle soit transmise par voie électronique au RAD. Le comité a accusé réception de cette confirmation.

4. Délai de prescription

Contexte

[143]  Avant d’aborder la question du délai de prescription, le comité tient à souligner que les objectifs du nouveau régime de déontologie et, en particulier, les principes à la base des réformes apportées aux procédures visant les affaires disciplinaires graves, sont énoncés dans le Guide du comité de déontologie (2017), sous la rubrique « Principes » :

2. Principes

2.1 L’équipe de l’Initiative de réforme législative (IRL) a été chargée d’élaborer un processus disciplinaire modernisé. Dans ce but, elle a entamé de vastes consultations auprès d’un large éventail d’intervenants et a examiné divers rapports internes et externes concernant la GRC, ainsi que d’autres organismes policiers, sur tout ce qui a trait à la gestion des instances d’inconduite alléguée par des policiers.

2.2 Les réformes adoptées dans le cadre de l’IRL reposent expressément sur certains principes découlant d’un large consensus et d’une compréhension entre les intervenants : les procédures disciplinaires, y compris les audiences devant un comité de déontologie, doivent être opportunes et éviter d’être trop formalistes, juridiques ou contradictoires.

2.3 Ainsi, les instances devant un comité de déontologie ne doivent pas être interprétées ou comprises comme nécessitant des pratiques et des procédures hautement formelles et juridiques semblables à une instance officielle d’un tribunal. On y préférera plutôt un traitement aussi informel et rapide que le permettent les circonstances et les principes d’équité procédurale.

2.4 À bien des égards, une audience disciplinaire se déroulera comme une rencontre disciplinaire, à l’exception que le comité de déontologie détient certains pouvoirs pour exiger des preuves et donner des directives, lorsque cela est nécessaire, étant donné qu’il traite d’un dossier de congédiement. Une audience disciplinaire est un processus de nature administrative et sera menée par un comité de déontologie (et non les parties). Le comité de déontologie a un pouvoir discrétionnaire large quant à la gestion de son propre processus et l’ordonnance de directives.

2.5 À l’appui de cette approche, l’ancien droit des parties d’avoir l’occasion complète de présenter des éléments de preuve, de contre-interroger les témoins et de présenter des plaidoiries à l’audience, a été expressément retiré de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 [Loi sur la GRC] (ancien paragraphe 45.1(8)).

2.6 De plus, un comité de déontologie s’appuiera expressément sur le rapport d’enquête et les documents à l’appui pour établir ses constatations et ses conclusions. À la seule discrétion du comité de déontologie, un témoin sera généralement convoqué pour témoigner seulement lorsque le comité de déontologie considère qu’il y a un conflit grave ou important non résolu au niveau de la preuve et que le témoignage du témoin serait important et nécessaire à la résolution de ce conflit.

2.7 La responsabilité de déterminer si l’information contenue dans le rapport d’enquête et les documents à l’appui est suffisante pour permettre de déterminer si une allégation est établie réside avec le comité de déontologie.

2.8 Le comité de déontologie peut émettre une directive de faire tenir une enquête supplémentaire ou ordonner la transmission de renseignements ou de documents supplémentaires seulement si ce dernier détermine que l’enquête ou l’information supplémentaire est importante et nécessaire pour résoudre une question en suspens dans la procédure disciplinaire.

2.9 Enfin, les membres visés sont maintenant tenus d’admettre ou de nier une allégation le plus tôt possible dans la procédure disciplinaire et d’identifier les moyens de défense ou les éléments de preuve sur lesquels ils visent à s’appuyer, afin que le comité de déontologie puisse conclure une procédure disciplinaire efficacement.

[sic]

[144]  Plus récemment, en réponse à l’assertion faite par le Comité externe d’examen dans le rapport C-017 (daté du 28 juin 2017), comme quoi le rôle des comités de déontologie dans le nouveau régime de déontologie ne diffère pas sensiblement de celui des comités d’arbitrage dans l’ancien régime disciplinaire, l’arbitre de niveau II (appel) saisi de l’affaire Le commandant de la Division J et le gendarme Cormier (20 novembre 2017) (dossier 2016-33572) (« Cormier ») a affirmé ce qui suit :

[132] [...] En toute déférence, je ne partage pas cette opinion. Les modifications apportées à la Loi sur la GRC et la création du nouveau régime en matière de déontologie ont transformé la nature du rôle des comités de déontologie qui se voient accorder une meilleure compétence pour gérer activement les instances et trancher les affaires de manière définitive dans le cadre des procédures plus informelles et plus rapides. Bref, les comités de déontologie ne se fient plus aux échanges traditionnels des éléments de preuve entre les parties.

[133] Une analyse comparative de la connaissance des dossiers avant l’audience, de la forme et de la présentation des éléments de preuve et de la gestion des témoins illustre bien les caractéristiques propres aux comités de déontologie.

[134] Tout d’abord, ces comités de déontologie possèdent désormais une connaissance approfondie des dossiers avant la tenue de l’audience. Conformément au paragraphe 45.1(4) de l’ancienne Loi sur la GRC (en vigueur avant le 28 novembre 2014), le seul document fourni aux comités d’arbitrage dans le cadre des procédures était un simple avis d’audience faisant état de l’énoncé détaillé des allégations portées contre le membre visé. À présent, les comités de déontologie disposent de l’avis d’audience, du rapport d’enquête, y compris des déclarations des témoins et des pièces versées au dossier, de l’admission ou la négation de chacune des contraventions alléguées au code de déontologie, des observations écrites présentées par le membre visé, des éléments de preuve, documents ou rapports que le membre visé entend invoquer à l’audience, ainsi que de la liste des témoins que les parties présentent aux fins d’examen. Les dispositions applicables sous le régime actuel sont énoncées comme suit :

Loi sur la GRC

43(2) Dans les meilleurs délais après avoir constitué le comité de déontologie, l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience signifie au membre en cause un avis écrit l’informant qu’un comité de déontologie décidera s’il y a eu contravention.

CC (déontologie)

15(2) Dès que possible après la constitution du comité de déontologie, l’autorité disciplinaire lui remet copie de l’avis prévu au paragraphe 43(2) de la Loi et le rapport d’enquête et elle fait signifier copie du rapport au membre visé.

15(3) Dans les trente jours suivant la date de la signification au membre visé de l’avis prévu au paragraphe 43(2) ou dans le délai fixé par le comité, le membre visé remet à l’autorité disciplinaire et au comité :

(a) un écrit dans lequel il admet ou nie chaque contravention alléguée au code de déontologie;

(b) toute observation écrite qu’il souhaite présenter;

(c) tout élément de preuve, document ou rapport, autre que le rapport d’enquête, qu’il compte présenter ou invoquer à l’audience.

18(1) Dans les trente jours suivant la date de la signification de l’avis d’audience, les parties soumettent au comité de déontologie la liste des témoins qu’elles désirent faire comparaître devant lui et la liste des questions pour lesquelles elles voudront peut-être faire témoigner un expert.

[135] En fait, sous le régime de l’ancienne Loi sur la GRC, en l’absence de l’admission par le membre visé ou de la preuve présentée par l’officier compétent à l’audience, le comité d’arbitrage ne pouvait pas conclure à l’inconduite. À l’inverse, sous le régime actuel, en vertu du paragraphe 23(1) des CC (déontologie), le comité de déontologie peut rendre une décision en se fondant uniquement sur les éléments au dossier soumis avant l’audience si les parties choisissent de ne pas présenter d’autres observations :

23(1) Lorsqu’aucun témoignage n’a été entendu relativement à une allégation, le comité de déontologie peut rendre une décision à l’égard de celle-ci en se fondant uniquement sur les éléments au dossier.

[136] De plus, les règles régissant la présentation de la preuve devant les comités de déontologie ont fait aussi l’objet de modifications. Antérieurement, les éléments de preuve étaient présentés à l’audience :

[Abrogé, 2013, c 18, art. 29]

45.12(1) Le comité d’arbitrage décide si les éléments de preuve produits à l’audience établissent selon la prépondérance des probabilités chacune des contraventions alléguées au code de déontologie énoncées dans l’avis d’audience.

[Abrogé, 2013, c 18, art. 29]

45.13(1) Le comité d’arbitrage établit le dossier de l’audience tenue devant lui; ce dossier comprend notamment :

(a) l’avis d’audience prévu au paragraphe 43(4);

(b) l’avis de la date, de l’heure et du lieu de l’audience signifié conformément au paragraphe 45.1(2);

(c) une copie de la preuve écrite ou documentaire produite à l’audience;

(d) la liste des pièces produites à l’audience;

(e) l’enregistrement et la transcription de l’audience, s’il y a lieu. [Italiques ajoutés.]

[137] Sous le régime actuel, conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), des renseignements détaillés sont déposés avant l’audience auprès du comité de déontologie. Ce changement ressort de l’article 26 des CC (déontologie). Alors que sous l’ancien régime, les pièces et les éléments de preuve étaient produits à l’audience, à présent ils sont produits au préalable et peuvent être admis en preuve de la manière que le comité de déontologie juge indiquée (voir aussi, les pouvoirs conférés depuis longtemps par le paragraphe 45(2) de la Loi sur la GRC et par l’article 45 de la Loi sur la GRC, dans sa version antérieure). Ce changement se reflète dans le remplacement de la mention expresse à la preuve produite à l’audience, dans l’ancien alinéa 45.13(1)c), par une mention générale des renseignements transmis au comité de déontologie, à l’alinéa 26c) des Consignes du commissaire (déontologie) :

CC (déontologie)

26 Après l’audience, le comité de déontologie établit un dossier comprenant notamment :

(a) l’avis d’audience prévu au paragraphe 43(2) de la Loi;

(b) l’avis des date, heure et lieu de l’audience signifié au membre visé;

(c) copie des renseignements transmis au comité [8] ;

(d) les directives, décisions, accords et engagements consignés en application du paragraphe 16(2);

(e) l’enregistrement de l’audience et, le cas échéant, sa transcription;

(f) copie de toute décision écrite du comité.

[Italiques ajoutés.]

[138] Enfin, la gestion des témoins a fait aussi l’objet de modifications. Alors que le greffier était antérieurement tenu de convoquer les témoins par assignation à la demande d’une partie, conformément au paragraphe 6(1) des Consignes du commissaire (pratique et procédure), DORS/88 367 [CC (pratique et procédure)], suivant les paragraphes 18(3) et 18(4) des CC (déontologie), le comité de déontologie remet désormais aux parties la liste des témoins qu’il entend assigner. En outre, les comités de déontologie doivent remettre aux parties les raisons pour lesquelles il a accepté ou refusé d’entendre les témoins proposés par les parties. Les dispositions applicables sous le régime abrogé et sous le régime en vigueur sont libellées comme suit :

CC (pratique et procédure) [Abrogé, DORS/2014-293]

6(1) La partie qui requiert la présence d’un témoin à une audience doit transmettre le nom du témoin proposé au greffier qui délivre l’assignation au nom de la commission.

CC (déontologie)

18(3) Le comité établit la liste des témoins qu’il entend assigner, y compris l’expert visé par l’avis d’intention prévu au paragraphe 19(3), et peut demander des observations supplémentaires aux parties pour ce faire.

18(4) Le comité remet aux parties la liste des témoins qu’il entendra et les raisons pour lesquelles il a accepté ou refusé d’entendre ceux figurant à la liste soumise par les parties.

[Italiques ajoutés.]

[139] Dans l’ensemble, les modifications à la Loi sur la GRC, l’abrogation des CC (pratique et procédure) et l’adoption des CC (déontologie) ont permis de transformer véritablement la nature du rôle des comités de déontologie et, en particulier, leurs pouvoirs en matière de gestion de l’instance.

[sic]

[145]  Les citations qui précèdent sont un peu longues, mais elles expliquent clairement le contexte dans lequel les comités de déontologie sont censés exercer leurs fonctions. Ce contexte exige que l’autorité disciplinaire, le membre visé et, surtout, leurs représentants respectifs fassent un examen critique des éléments de preuve et des circonstances aussi tôt que possible dans le processus, car l’ancienne mentalité n’a plus cours : on ne présume plus simplement que la plupart des affaires seront débattues lors d’une audience devant un comité de déontologie ou qu’elles doivent l’être.

[146]  Malgré les directives énoncées dans le Guide du comité de déontologie et dans Cormier, il persiste une certaine confusion en ce qui concerne le rôle du comité de déontologie. Ce rôle est parfois décrit comme une fonction d’enquête dans le cadre de laquelle le comité de déontologie se charge de piloter le dossier, y compris de chercher à compléter la preuve si elle est insuffisante. Il s’agit là d’une interprétation inexacte que l’on trouve notamment dans Cormier.

[147]  Bien que les procédures disciplinaires soient maintenant dirigées par le comité de déontologie et que les parties soient assujetties à des exigences de communication proactive de l’information, ces dernières doivent tout de même recueillir les éléments d’information et de preuve pertinents afin de présenter au mieux leur argumentation. Le comité de déontologie a le pouvoir de demander des renseignements supplémentaires sur sa propre initiative ou au nom de l’une des parties (normalement le membre visé), mais il incombe en premier lieu au représentant de l’autorité disciplinaire de s’assurer que le dossier a été préparé de façon à satisfaire à tous les critères exigés par la loi (par exemple en ce qui concerne le délai de prescription) et qu’il contient des preuves importantes et pertinentes à l’égard des éléments qui constituent l’inconduite alléguée dans l’avis d’audience disciplinaire, à défaut de quoi il doit prendre les mesures nécessaires pour trouver et présenter l’information nécessaire de façon proactive, avant de faire intervenir un comité de déontologie.

[148]  Si les représentants des deux parties ont des obligations accrues quant à l’examen critique et à la présentation de leur cause dans les plus brefs délais, le Code d’éthique du représentant (annexe XII-1-22 du Manuel d’administration) impose une responsabilité supplémentaire et importante aux représentants de l’autorité disciplinaire, à savoir « ne pas chercher principalement à obtenir un verdict d’infraction au code de déontologie, mais plutôt voir à ce que justice soit rendue » [par. 1) n)].

Cadre d’examen

[149]  Après avoir lu l’argumentation du RM et la réponse du RAD ainsi que la documentation à l’appui, le comité constate qu’il doit, de toute évidence, se pencher sur un certain nombre de questions générales et sur le cadre à établir pour examiner la question du délai de prescription, puisque l’argumentation du RM et la réponse du RAD présentent toutes deux des inexactitudes d’ordre terminologique ainsi que dans l’interprétation des exigences de la loi et des faits.

Fardeau

[150]  La première question qu’il faut examiner, et qui n’est abordée ni dans l’argumentation du RM ni dans la réponse du RAD, est celle de savoir à qui incombe le fardeau de la preuve. Autrement dit, appartient-il au RAD de montrer que le délai de prescription a été respecté, ou au RM de montrer qu’il n’a pas été respecté?

[151]  On pourrait présumer que, comme le RM a présenté une requête visant à faire suspendre la procédure engagée contre la membre visée, c’est à lui que revient le fardeau d’établir le non- respect du délai de prescription selon la prépondérance des probabilités.

[152]  Or, l’une des principales obligations du RAD était de s’assurer que les exigences de la loi concernant l’engagement d’une procédure contre la membre visée étaient satisfaites au moment de la transmission de l’avis à l’officier désigné, puis de la transmission de l’avis d’audience et du rapport déontologique au comité et à la membre visée.

[153]  Selon l’ancien régime disciplinaire, avant la modification de la Loi sur la GRC en 2014, il était possible, en vertu du paragraphe 43(9), de s’appuyer sur un certificat signé par l’officier compétent pour déterminer à quel moment ce dernier avait pris conscience de la présumée contravention et de l’identité de son auteur. Ce certificat créait une présomption à moins que ne soient avancées des preuves pour la démentir.

[154]  Pour les besoins de l’espèce, on peut soutenir que si une question est soulevée quant au délai de prescription, il incombe d’abord au RAD de prouver que ce délai a été respecté avant que passe au RM le fardeau de prouver qu’il n’a pas été respecté. C’est l’un des principaux fondements de Thériault, et c’est aussi le principe adopté dans la décision répertoriée L’officier compétent de la Division H et le gend. Walker (2006), 31 D.A. (3e) 128 (par. 35-37), où le commissaire a conclu que, en l’absence d’un certificat, il n’existait aucune présomption que le délai prescrit d’un an avait été respecté, et le comité d’arbitrage aurait dû déterminer la date à laquelle l’officier compétent avait pris connaissance de la contravention et de l’identité du membre visé, au lieu d’exiger que le membre établisse la date pertinente.

[155]  Comme il deviendra évident plus loin, le comité est d’avis que, peu importe à qui le fardeau incombait en l’occurrence, le résultat aurait été le même. Il aurait cependant été préférable que les représentants se penchent sur la question dans leurs observations respectives.

Arrêt de la procédure

[156]  Une deuxième question concerne le fait que le RM demande la suspension de l’instance pour abus de procédure, mais que ni son argumentation ni la réponse du RAD n’indiquent le critère à appliquer pour déterminer s’il y a abus de procédure (voir par exemple R. c. O’Connor, [1995] 4 R.C.S. 411 (contexte pénal), Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391 (contexte administratif), Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, et Smart c. Canada (Procureur général), 2008 CF 936 (« Smart ») (contexte de la GRC).

[157]  Malgré le fait que les représentants n’ont pas mentionné le critère à appliquer pour déterminer s’il y a abus de procédure, le comité estime qu’il n’est pas nécessaire, en l’espèce, d’examiner la doctrine de l’abus de procédure reconnue en common law ni de s’appuyer sur cette doctrine, puisque la question plus fondamentale qui se pose est celle de savoir si le délai prescrit pour engager et poursuivre la procédure a été respecté, car s’il n’a pas été respecté, la procédure est frappée de prescription.

[158]  Autrement dit, invoquer un abus de procédure peut être un autre moyen de soulever la question du délai de prescription, mais il n’y a pas lieu d’examiner le présumé abus si la procédure a été engagée après l’expiration du délai de prescription, car dans ce cas, le dépassement du délai entraîne à lui seul l’invalidation de l’avis d’audience et le rejet des allégations.

Connaissance

[159]  La troisième question à examiner est plus complexe. Il s’agit du fait que le délai prescrit dans la nouvelle Loi sur la GRC diffère dans une certaine mesure de celui qui était prescrit dans l’ancienne Loi sur la GRC par sa forme, son contenu, ses exigences et ses objectifs. Comme il sera démontré ci-dessous, on ne se base plus, pour déterminer la date de déclenchement du délai de prescription, sur le moment auquel l’autorité disciplinaire qui convoque l’audience disciplinaire a eu connaissance de la présumée contravention et de l’identité de son auteur. Ni l’argumentation du RM ni la réponse du RAD ne traitent cette question à fond.

[160]  Bien que la décision Thériault présente une analyse importante de la question du délai de prescription, il est essentiel de souligner que des modifications considérables ont été apportées à la Loi sur la GRC en 2014 en ce qui touche le régime disciplinaire, y compris le traitement des cas présumés d’inconduite et l’application du délai de prescription. Le tableau suivant résume les dispositions pertinentes à cet égard.

Nouveau régime de déontologie prévu dans la Loi sur la GRC (2014)

Ancien régime disciplinaire prévu dans la Loi sur la GRC (1988)

Enquête

40 (1) Lorsqu’il apparaît à l’autorité disciplinaire d’un membre que celui-ci a contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie, elle tient ou fait tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention.

Enquête

40 (1) Lorsqu’il apparaît à un officier ou à un membre commandant un détachement qu’un membre sous ses ordres a contrevenu au code de déontologie, il tient ou fait tenir l’enquête qu’il estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention.

Avis – officier désigné

41 (1) Lorsqu’il apparaît à l’autorité disciplinaire d’un membre que celui-ci a contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie et que, eu égard à la gravité de la contravention et aux circonstances, les mesures disciplinaires prévues dans les règles ne seraient pas suffisantes, elle convoque une audience pour enquêter sur la contravention qui aurait été commise en signalant celle-ci à l’officier désigné par le commissaire pour l’application du présent article.

Convocation

43 (1) Sous réserve des paragraphes (7) et (8), lorsqu’il apparaît à un officier compétent qu’un membre a contrevenu au code de déontologie et qu’eu égard à la gravité de la contravention et aux circonstances, les mesures disciplinaires simples visées à l’article 41 ne seraient pas suffisantes si la contravention était établie, il convoque une audience pour enquêter sur la contravention présumée et fait part de sa décision à l’officier désigné par le commissaire pour l’application du présent article.

Prescription

(2) L’autorité disciplinaire ne peut convoquer une audience, relativement à une contravention au code de déontologie qui aurait été commise par un membre, plus d’un an après que la contravention et l’identité du membre en cause

ont été portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui tient ou fait tenir l’enquête.

Prescription

(8) L’officier compétent ne peut convoquer une audience en vertu du présent article relativement à une contravention au code de déontologie censément commise par un membre plus d’une année après que la contravention et l’identité de ce membre ont été portées à sa connaissance. [Soulignement ajouté partout dans le tableau]

[161]  Il est de notoriété générale que des réformes s’imposaient par suite de Thériault et d’autres décisions et rapports concernant l’ancien régime disciplinaire de la GRC, notamment pour répondre aux préoccupations relatives au délai de prescription. Premièrement, il fallait énoncer plus clairement l’obligation de la GRC de procéder rapidement à l’enquête et au règlement des cas d’inconduite, surtout dans les situations où le comportement reproché est grave. Deuxièmement, pour éviter la « dissimulation » d’information (voir Smart, par. 25, 62 et 102, ainsi que Thériault) et d’autres pratiques douteuses visant à prolonger le traitement des dossiers, il fallait que le délai de prescription commence à courir au moment où l’inconduite était portée à la connaissance d’une autorité disciplinaire (et non pas seulement à la connaissance de l’officier compétent, c’est-à-dire de l’officier le plus haut gradé de la division); autrement dit, il devait commencer à courir dès que l’organisation était saisie de l’affaire et qu’il en existait ainsi une connaissance institutionnelle. Troisièmement, il fallait prévoir la possibilité d’obtenir une prorogation du délai de prescription lorsque les circonstances le justifiaient (ce qui n’était pas possible dans le cadre de l’ancien régime disciplinaire).

[162]  Aussi importe-t-il de reconnaître que le terme « autorité disciplinaire » employé au paragraphe 40(1) de la nouvelle Loi sur la GRC s’entend sans doute dans un sens plus large que l’expression « officier ou membre commandant un détachement » employée au paragraphe 40(1) de l’ancienne Loi, pour ce qui est du déclenchement d’une procédure disciplinaire et de l’interprétation des exigences du paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC, compte tenu des catégories d’autorités disciplinaires énumérées au paragraphe 2(1) des Consignes du commissaire (déontologie) [les « CC (déontologie) »].

[163]  Essentiellement, selon le paragraphe 40(1) de la nouvelle Loi sur la GRC, lorsqu’il « apparaît » à une autorité disciplinaire (c’est-à-dire à un membre qui commande un détachement ou qui relève directement d’un officier ou d’un civil occupant un poste de direction de niveau équivalent [par exemple un chef de service relevant de l’officier des opérations d’un détachement], à un officier ou à un civil occupant un poste de direction de niveau équivalent, ou à un commandant divisionnaire) qu’un membre sous ses ordres a contrevenu au code de déontologie, l’autorité disciplinaire « tient ou fait tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention ». (Soulignement ajouté)

[164]  De même, les paragraphes 41(1) et (2) de la nouvelle Loi sur la GRC mentionnent la convocation d’une audience par l’« autorité disciplinaire », démarche qui se fait en signalant la présumée contravention à l’officier désigné dans un délai d’un an « après que la contravention et l’identité du membre en cause ont été portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui tient ou fait tenir l’enquête ». (Soulignement ajouté)

[165]  Il y a plusieurs points à souligner relativement à la formulation du paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC, qui correspond au paragraphe 43(8) de l’ancienne Loi. Tout d’abord, la Loi sur la GRC et les CC (déontologie) ne semblent pas établir de restrictions quant aux intervenants qui peuvent être une autorité disciplinaire investie du pouvoir de convoquer une audience. C’est uniquement dans la politique énoncée à l’article 11.2. du chapitre XII.1. (Déontologie) du Manuel d’administration et dans la matrice de délégation des pouvoirs applicable que l’on précise que les seules autorités disciplinaires habilitées à convoquer une audience disciplinaire en vertu du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC sont les commandants divisionnaires (et les autres personnes désignées à cette fin par le commissaire).

[166]  À supposer que la disposition susmentionnée de cette politique suffise à limiter le pouvoir de convoquer une audience disciplinaire aux commandants divisionnaires, l’élément clé à retenir du paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC est le fait que le délai de prescription commence à courir au moment où la présumée contravention a été portée à l’attention de l’autorité disciplinaire qui a déclenché l’enquête sur l’inconduite alléguée. Cette autorité disciplinaire peut être, mais n’est pas forcément, le commandant divisionnaire. Il s’agit là d’une différence fondamentale par rapport au paragraphe 43(8) de l’ancienne Loi sur la GRC, selon lequel le délai de prescription commençait seulement à courir au moment où l’officier compétent (c’est-à-dire le commandant divisionnaire) avait eu connaissance de la présumée contravention et de l’identité de son auteur.

[167]  Il ne suffit donc plus de déterminer ce que le commandant divisionnaire (en tant qu’autorité disciplinaire, précédemment appelée l’officier compétent) savait et à quel moment il le savait. Le délai prescrit au paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC commence à courir au moment où la présumée contravention et l’identité de son auteur sont portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui lance l’enquête sur l’inconduite alléguée. Celle-ci peut être le commandant divisionnaire ou un autre intervenant, qui dans bien des cas se situe à un échelon inférieur de la hiérarchie.

[168]  En conséquence, si l’on donne aux mots employés dans cette disposition leur sens ordinaire, le paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC vise expressément à garantir que le délai de prescription commence à courir au moment où la présumée contravention et l’identité de son auteur sont portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui lance l’enquête, et non pas à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui décide de convoquer l’audience. Cette disposition a notamment pour objectifs de contraindre l’organisation à donner rapidement suite aux allégations d’inconduite et d’empêcher toute « dissimulation » d’information ou autre mesure ayant pour effet, intentionnel ou non, de proroger le délai de prescription.

[169]  Bien que ces observations ne soient pas contraires à certaines conclusions importantes énoncées dans Thériault, elles exigent, pour l’examen de la conformité au délai prescrit dans la nouvelle Loi sur la GRC, que l’on se repenche sur certains aspects de l’analyse de la Cour, notamment à la lumière du fait que le délai prescrit au paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC se détermine maintenant en fonction du moment auquel la présumée contravention et l’identité de son auteur ont été portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui a lancé l’enquête en vertu du paragraphe 40(1) de la nouvelle Loi sur la GRC (et qui peut, répétons-le, être un intervenant autre que l’autorité disciplinaire ayant la responsabilité de convoquer l’audience).

Seuil

[170]  Il semble que la question d’interprétation la plus importante soit celle de savoir si le seuil de connaissance à retenir pour déterminer le point de départ du délai de prescription est encore celui qui est décrit dans Thériault ou si le seuil applicable n’est pas moins élevé désormais.

[171]  Au moment d’exposer sa décision à l’égard de l’affaire Thériault, la Cour a peut-être manqué de clarté dans son explication du fait que, selon les paragraphes 41(1) [9] et 43(1) de l’ancienne Loi sur la GRC, le critère qui doit être présent pour que soit déclenchée une enquête et que soit convoquée une audience est l’existence d’une situation où il « apparaît » qu’un membre a contrevenu au code de déontologie. Cette apparence de contravention peut revêtir une plus grande importance pour l’application des dispositions de la nouvelle Loi sur la GRC.

[172]  Tout d’abord, la Cour affirme (au par. 33) qu’« il va [...] de soi que de simples soupçons quant à l’existence d’une contravention ou quant à l’identité de son auteur, s’ils peuvent justifier la mise en branle d’une enquête, ne peuvent fonder la connaissance requise pour actionner le mécanisme de la prescription du paragraphe 43(8) ». (Soulignement ajouté)

[173]  Interprétée dans son sens ordinaire, cette affirmation de la Cour semble signifier que des « soupçons » pouvaient justifier le déclenchement d’une enquête en vertu du paragraphe 40(1) de l’ancienne Loi sur la GRC, mais ne suffisaient pas à justifier la convocation d’une audience en conformité avec le paragraphe 43(8) de ladite Loi, même si le paragraphe 43(1) de celle-ci prévoyait explicitement la convocation d’une audience dans les cas où il « apparaît » y avoir eu contravention.

[174]  La distinction tient peut-être au fait que le paragraphe 43(8) de l’ancienne Loi sur la GRC mentionne aussi la « contravention au code de déontologie censément commise » et établit l’exigence à respecter quant à la connaissance de l’identité du membre, puisque la Cour apporte la précision suivante au par. 35 de sa décision :

Dans le contexte aussi bien de poursuites disciplinaires que de poursuites pénales, la connaissance d’une contravention et de l’identité de son auteur signifie que la personne investie du pouvoir d’engager les poursuites doit avoir suffisamment d’information crédible et convaincante quant à la contravention alléguée et quant à son auteur pour raisonnablement croire que cette contravention a été commise et que la personne à qui on l’impute en est l’auteur. [Soulignement ajouté]

[175]  Dans son explication du seuil à retenir pour l’application du paragraphe 43(8) de l’ancienne Loi sur la GRC, la Cour affirme explicitement qu’il « n’est pas nécessaire [...] d’avoir en main toute la preuve qui peut s’avérer nécessaire ou être admise au procès » (par. 36), ni de connaître les informations qui doivent être communiquées au membre dans l’avis d’audience disciplinaire et dans l’énoncé détaillé selon les paragraphes 43(4) et (6) de l’ancienne Loi, puisque cette communication de la preuve est dictée par les règles de justice naturelle et d’équité procédurale au procès, mais n’a rien à voir avec le « point de départ de la prescription » (par. 37).

[176]  La Cour poursuit en soulignant l’importance de ne pas confondre les deux situations sur le plan juridique (par. 38) :

Il se peut qu’au moment où il acquiert, pour fins du déclenchement de la prescription, la connaissance de l’existence d’une contravention, l’officier compétent ne dispose pas de toute l’information lui permettant de satisfaire aux paragraphes 43(4) et (6). Mais il n’est pas obligé à ce stade de convoquer une audience disciplinaire si, au terme du paragraphe 43(1), il ne connaît pas la gravité de la contravention et si les circonstances ne lui permettent pas de savoir si des mesures disciplinaires simples sont suffisantes. Il peut poursuivre l’enquête ou demander des compléments d’enquête pour s’en satisfaire et rencontrer les obligations des paragraphes 43(4) et (6). [Soulignement ajouté] [sic]

[177]  À la lumière de ce qui précède, la Cour semble affirmer trois choses : (1) selon le paragraphe 43(8) de l’ancienne Loi, le délai de prescription commence à courir au moment où l’officier compétent prend connaissance d’une contravention alléguée; (2) pour avoir cette connaissance, il n’est pas nécessaire de posséder toute l’information requise aux termes des paragraphes 43(4) et (6) de l’ancienne Loi; (3) l’officier compétent n’est pas tenu de convoquer une audience disciplinaire en vertu du paragraphe 43(1) de l’ancienne Loi dans les cas où il ne connaît pas la gravité de la contravention et où il ne sait pas si des mesures disciplinaires simples suffiront à titre de sanction.

[178]  La Cour rejette pour trois raisons l’argument selon lequel les paragraphes 43(1) et (8) de l’ancienne Loi sur la GRC prévoient des exigences identiques en ce qui touche les questions de la connaissance et de l’information (par. 39-40), faisant valoir les points suivants au par. 40 :

Selon le paragraphe 43(1), l’officier compétent se voit imposer l’obligation de convoquer une audience disciplinaire lorsqu’il lui apparaît qu’une contravention a été commise au code de déontologie et qu’eu égard à la gravité de la contravention et aux circonstances, des mesures disciplinaires graves s’imposent. À ce moment-là, il dispose de plus d’informations que ce qui est requis pour amorcer la prescription. Il possède les informations nécessaires pour satisfaire aux principes de justice naturelle consacrés dans les paragraphes 43(4) et (6). D’où l’obligation qui lui est faite de maintenant convoquer l’audience disciplinaire. [Soulignement présent dans l’original, caractères gras ajoutés]

[179]  La Cour affirme explicitement qu’il n’est pas nécessaire, aux fins du déclenchement du délai de prescription prévu au paragraphe 43(8) de l’ancienne Loi sur la GRC, que l’officier compétent dispose d’informations suffisantes pour lui permettre de savoir que la gravité et les circonstances de la contravention exigent la tenue d’une audience disciplinaire [seuil dont l’application vise à satisfaire aux principes de justice naturelle aux termes des paragraphes 43(4) et (6)], pour les raisons suivantes (par. 44) :

C’est à cette connaissance de l’existence de la contravention que réfère la prescription du paragraphe 43(8) et non à la gravité et aux circonstances de celles-ci qui, elles, sont nécessaires pour convoquer l’audience disciplinaire. Lorsque l’officier compétent acquiert la connaissance de l’existence d’une contravention (et de l’identité de son auteur), il dispose d’un délai d’un an pour en établir les circonstances et en mesurer la gravité aux fins de recourir à des mesures disciplinaires graves plutôt que simples. [Soulignement ajouté] [sic]

[180]  Or, comme il a déjà été souligné, les paragraphes 40(1) et 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC stipulent que le délai prescrit d’un an commence à courir lorsque la contravention alléguée et l’identité de son auteur sont portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui a tenu ou fait tenir l’enquête, et non pas lorsqu’elles sont portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui doit évaluer la pertinence de convoquer une audience. À ce stade du processus, il n’est pas question de juger des mesures qui seraient suffisantes compte tenu de la gravité et des circonstances de la contravention, comme l’exige le paragraphe 41(1) de la nouvelle Loi sur la GRC.

[181]  Par souci de clarification, la Cour reprend dans Thériault (par. 45) le raisonnement exposé aux par. 60 et 61 du jugement R. v. Fingold (1999), 45 B.L.R. (2d) 261 (Ont. Gen. Div.) (« Fingold »), notant que le processus de collecte, de vérification et d’analyse des éléments de preuve pour déterminer s’ils justifient de convoquer une audience disciplinaire conformément aux exigences plus strictes du paragraphe 43(1) de l’ancienne Loi sur la GRC se déroule pendant le délai de prescription (par. 47) :

Pour conclure sur la question de la connaissance et du degré de connaissance requis par le paragraphe 43(8) de la Loi pour actionner le mécanisme de la prescription, je suis d’avis que l’officier compétent acquiert la connaissance d’une contravention et de l’identité de son auteur lorsqu’il possède suffisamment d’informations crédibles et convaincantes quant aux éléments constitutifs de la contravention alléguée et quant à l’identité de son auteur pour raisonnablement croire que cette contravention a été commise et que la personne à qui on l’impute en est l’auteur. De là, à l’intérieur du délai de prescription, une enquête de vérification et de confirmation des informations crédibles et convaincantes reçues et maintenant connues quant à la contravention et à son auteur peut se faire, si le besoin s’en fait sentir. Il n’est donc pas nécessaire, pour qu’il y ait une connaissance de ces faits aux fins de la prescription, qu’une preuve hors de tout doute raisonnable de ceux-ci ait été colligée ou que leur existence ait été confirmée par une enquête de vérification ou de certification. Comme le dit si bien le juge Keenan dans l’affaire Fingold, au paragraphe 56 [TRADUCTION] « pour avoir “connaissance” d’un fait, il n’est pas nécessaire que celui-ci soit prouvé ou vérifié ».

[182]  En résumé, dans Thériault, la Cour a conclu explicitement ou implicitement que, selon les dispositions de l’ancienne Loi sur la GRC :

  1. l’existence de « soupçons » quant à la violation du code de déontologie par un membre peut constituer la connaissance requise pour lancer une enquête en vertu du paragraphe 40(1) (par.33);
  2. la connaissance requise pour déclencher le délai de prescription établi au paragraphe 43(8) consiste en la possession desuffisamment d’informations crédibles et convaincantes quant à la contravention alléguée et à l’identité de son auteur pour avoir des motifs raisonnables de croire que la contravention a été commise par le membre en cause (seuil qui n’exige pas la possession de tous les éléments de preuve nécessaires pour montrer que la contravention a été commise, engager une procédure disciplinaire, fournir un énoncé détaillé de l’allégation ou préparer l’avis d’audience disciplinaire [par. 35-37 et 69]);
  3. la connaissance requise pour convoquer une audience disciplinaire en vertu du paragraphe 43(1) est acquise lorsqu’il apparaît à l’officier compétent qu’un membre a contrevenu au code de déontologie et qu’eu égard à la gravité et aux circonstances de la contravention, des mesures disciplinaires graves s’imposent; l’officier compétent dispose alors de plus d’informations qu’il n’en faut pour déclencher le délai de prescription aux termes du paragraphe 43(8) et d’informations suffisantes pour satisfaire aux exigences des paragraphes 43(4) et(6).

[183]  Au risque de répéter des observations faites précédemment, le problème qui se pose tient au fait que la nouvelle Loi sur la GRC change la façon d’analyser le délai de prescription, car la connaissance requise aux fins du paragraphe 41(2) est définie au paragraphe 40(1), selon lequel une enquête s’impose lorsqu’il « apparaît » à l’autorité disciplinaire qu’un membre a contrevenu au code de déontologie. C’est différent de la formulation employée dans Thériault, où la Cour conclut que pour lancer une enquête, il suffit d’avoir de « simples soupçons », contrairement, peut-être, au degré de connaissance plus élevé qu’exige le paragraphe 43(8) de l’ancienne Loi sur la GRC, c’est-à-dire la possession de suffisamment d’informations crédibles et convaincantes pour avoir des motifs raisonnables de croire que le membre en cause a contrevenu au code de déontologie.

[184]  Il s’agit là d’un point important, puisqu’il se rapporte directement aux questions à trancher en l’espèce : le seuil établi pour le déclenchement d’une enquête déontologique a-t-il été atteint? Dans l’affirmative, à quel moment le délai de prescription a-t-il commencé à courir, et a- t-il été respecté?

[185]  Si l’on interprète le paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC dans son sens ordinaire, le délai de prescription commence à courir lorsqu’il apparaît à l’autorité disciplinaire qu’un membre a contrevenu à une disposition du code de déontologie, comme le stipule le paragraphe 40(1). D’autres considérations peuvent cependant entrer en ligne de compte dans la détermination du point de départ de ce délai.

Détermination

[186]  Il faut premièrement se demander si le seuil des « simples soupçons » qui était nécessaire au déclenchement d’une enquête en vertu du paragraphe 40(1) de l’ancienne Loi sur la GRC s’applique toujours pour déterminer la connaissance de la contravention que doit avoir l’autorité disciplinaire aux fins du paragraphe 40(1) de la nouvelle Loi sur la GRC, étant donné le lien apparemment plus direct entre ce paragraphe et le paragraphe 40(2) [10] de la nouvelle Loi. Ce lien n’existait pas entre les versions précédentes de ces paragraphes dans l’ancienne Loi sur la GRC, puisque la seule connaissance évaluée était celle que possédait l’officier compétent.

[187]  Si ce seuil ne s’applique plus, faut-il plutôt retenir le seuil peut-être plus élevé établi dans Thériault pour l’application du paragraphe 43(8) de l’ancienne Loi sur la GRC (c’est-à-dire la connaissance de suffisamment d’informations crédibles et convaincantes quant à la contravention alléguée et à l’identité de son auteur pour qu’il soit raisonnable de croire qu’elle a été commise par le membre auquel on l’impute) afin de déterminer à quel moment le délai de prescription a commencé à courir?

[188]  Dans Thériault, la Cour a fait des observations qui sont utiles pour l’évaluation de la connaissance requise selon les dispositions de la nouvelle Loi sur la GRC (et que le comité reprend ici en substituant la nouvelle terminologie relative au régime de déontologie à celle qui était employée à l’époque). Premièrement, elle a souligné que la détermination du point de départ du délai de prescription se fonde sur une « norme objective » (par. 48) et non sur l’« opinion subjective » de l’autorité disciplinaire (par. 49), et que cette analyse est effectuée par un comité de déontologie à partir de la preuve qui est devant lui.

[189]  Bien que son opinion fasse partie des facteurs pertinents à prendre en considération, l’autorité disciplinaire a l’obligation de prouver que le délai de prescription a été respecté (par. 49-50).

[190]  Deuxièmement, la Cour a affirmé dans Thériault que le délai de prescription commençait à courir au moment où la contravention alléguée et l’identité de son auteur étaient portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire compétente, et non au moment où elles étaient portées à la connaissance de tierces parties au sein de la GRC, y compris de subalternes de l’autorité disciplinaire (par. 1) (à condition qu’il n’y ait eu aucune tentative pour dissimuler la contravention alléguée ou l’identité de son auteur à l’autorité disciplinaire).

[191]  Troisièmement, la Cour a souligné que la norme objective applicable est un critère de « raisonnabilité ». Il faut se demander si une personne raisonnable confrontée à l’information dont dispose l’autorité disciplinaire « ne pourrait qu’en arriver » à la même conclusion qu’elle (par. 52) (ce qui constitue peut-être une application excessivement rigide du critère de la personne raisonnable).

[192]  À la lumière de ce qui précède, quel critère faut-il utiliser pour déterminer le point de départ du délai de prescription conformément à la nouvelle Loi sur la GRC?

[193]  On doit, pour examiner cette question, tenir compte de plusieurs facteurs, notamment le fait que l’autorité disciplinaire qui a lancé l’enquête n’est peut-être pas celle qui a convoqué l’audience.

[194]  Il se peut aussi qu’une autorité disciplinaire ait eu connaissance d’une contravention, mais qu’elle n’ait pas tenu ou fait tenir une enquête pour faire la lumière sur la situation. Que faire alors?

[195]  On parle ici d’« une autorité disciplinaire » plutôt que de « l’autorité disciplinaire », car dans ce contexte, il peut y avoir plusieurs autorités disciplinaires dans la hiérarchie au sein de laquelle un membre semble avoir contrevenu au code de déontologie. Cette possibilité est reconnue dans la politique en matière de déontologie, qui prévoit ce qui suit au sujet de l’évaluation d’une allégation de contravention au code de déontologie :

4.1.1. Sur réception d’informations selon lesquelles un membre aurait enfreint une disposition du code de déontologie, l’autorité disciplinaire du niveau le plus approprié par rapport au membre visé étudie ces informations afin de déterminer quelle est la meilleure façon de procéder pour régler l’affaire; dans les cas où il est évident que la contravention alléguée, si elle devait être établie, ne saurait être adéquatement sanctionnée par l’autorité disciplinaire désignée, la meilleure façon de procéder peut consister à renvoyer l’affaire devant l’autorité disciplinaire du palier supérieur.

[196]  Le comité a examiné l’utilité de la méthode Douglas pour analyser ces questions et en est venu à la conclusion qu’elle ne permet peut-être pas d’analyser à fond tous les aspects d’une situation donnée, puisque la question 4 demande si l’autorité disciplinaire a tenu ou fait tenir une enquête sur l’inconduite alléguée, ce qui n’est pas suffisant pour l’examen des situations où une autorité disciplinaire disposant peut-être de l’information requise pour lancer une enquête n’a pas procédé à cette enquête. Le délai de prescription peut alors être prorogé de façon artificielle parce qu’aucune enquête n’a été menée ou, comme c’est le cas en l’espèce, parce que l’autorité disciplinaire à laquelle le dossier a été renvoyé affirme ne pas avoir eu connaissance de l’inconduite alléguée, alors que diverses autres autorités disciplinaires dans la hiérarchie étaient pleinement conscientes des circonstances, mais n’ont donné aucune suite au dossier, intentionnellement ou par défaut.

[197]  Autrement dit, est-il possible de proroger artificiellement le délai de prescription en faisant simplement valoir que l’autorité disciplinaire jugeait ne pas avoir suffisamment d’information pour lui permettre d’avoir le degré de connaissance requis afin de déclencher une enquête? Cette approche, adoptée par le RAD dans sa réponse (et déplorée par le RM dans son argumentation), soulève la possibilité qu’il soit parfois nécessaire, dans le cadre d’une évaluation fondée sur un critère objectif, de demander si l’autorité disciplinaire savait ou aurait dû savoir qu’une contravention nécessitant une enquête avait apparemment été commise.

[198]  L’analyse exposée par la Cour dans Thériault (par. 53-69) mentionne d’ailleurs les motifs artificiels de ce genre qui peuvent être invoqués pour empêcher le déclenchement du délai de prescription ou pour le proroger, dont la nomination d’un nouvel officier compétent. Comme le démontrent les faits de l’espèce, les modifications apportées à la Loi sur la GRC n’ont pas entièrement éliminé l’emploi de tels moyens détournés. Il faut donc en tenir compte.

[199]  Une question se pose cependant : si les autorités disciplinaires sont tenues, en vertu du paragraphe 40(1) de la nouvelle Loi sur la GRC, de lancer une enquête sur la foi de « simples soupçons » d’une contravention au code de déontologie, comme le veut la décision Thériault, est-ce qu’on fixe trop bas le seuil de la connaissance requise pour lancer une enquête et actionner le mécanisme de prescription?

[200]  Par contre, le fait d’exiger qu’une autorité disciplinaire ait « suffisamment d’information crédible et convaincante... pour raisonnablement croire » qu’une contravention a été commise (par. 35-37) constitue peut-être un seuil trop élevé qui empêcherait le lancement d’enquêtes à l’égard d’inconduites possibles.

[201]  On pourrait également soutenir qu’il est trop difficile de déterminer le déclenchement du délai de prescription en examinant la connaissance de la situation qu’avaient les diverses autorités disciplinaires de la chaîne de commandement, mais comme le souligne la Cour dans Thériault, « la protection de l’intérêt public et de l’intégrité » de la GRC exige que les autorités disciplinaires coordonnent leurs efforts afin de respecter le délai de prescription, d’autant plus que la connaissance requise pour actionner le mécanisme de prescription est une connaissance institutionnelle, c’est-à-dire rattachée au poste ou à la fonction et non à son titulaire (par. 58-59).

[202]  Il est également vrai que, dans certains cas, l’autorité disciplinaire qui a lancé l’enquête est aussi celle qui doit déterminer s’il y a lieu de convoquer une audience, ce qui simplifie l’examen du critère de la connaissance.

[203]  Comme le souligne la Cour dans Thériault, les lois expriment l’intention du législateur (par. 27, 28, 29, 43, 59 et 60). Si le législateur a précisé explicitement, au paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC, que le délai de prescription commence à courir au moment où la contravention et l’identité de son auteur sont portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui lance l’enquête (et non à celle de l’autorité disciplinaire qui convoque l’audience), c’est qu’il voulait assurer le règlement rapide des affaires disciplinaires graves en établissant un seuil qui actionnerait le mécanisme de prescription plus tôt qu’auparavant, dans le but de protéger l’intérêt public, de garder la confiance de la population et de traiter équitablement les membres.

[204]  Aux yeux du comité, il faut, pour trancher la question du seuil de déclenchement du mécanisme de prescription, appliquer le critère de la personne objective et raisonnable, en partant du principe que la connaissance requise dépasse l’existence de simples soupçons, sans toutefois aller jusqu’à la possession d’informations crédibles et convaincantes. Cette connaissance peut être considérée comme acquise lorsqu’on possède des informations à la lumière desquelles il est raisonnable de croire qu’un membre aurait contrevenu au code de déontologie et qu’une enquête s’impose.

[205]  En effet, dans Thériault, la Cour a affirmé, au sujet du seuil de déclenchement du délai de prescription prévu au paragraphe 43(8) de l’ancienne Loi sur la GRC, qu’on doit posséder (par. 35) « suffisamment d’information crédible et convaincante [...] pour raisonnablement croire » (soulignement ajouté) qu’une contravention « a été commise ». Le comité de déontologie saisi de l’affaire Douglas a pour sa part indiqué (par. 24) que l’autorité disciplinaire devait posséder « une connaissance suffisante de la teneur de la plainte [...] pour reconnaître qu’il y avait là une allégation de contravention au code de déontologie » (soulignement ajouté). Finalement, la politique en matière de déontologie (art. 4.1.1.) mentionne la « réception d’informations selon lesquelles un membre aurait enfreint une disposition du code de déontologie » (soulignement ajouté), et le paragraphe 40(2) [11] de la nouvelle Loi sur la GRC parle d’une « contravention au code de déontologie qui aurait été commise », bien que le paragraphe 40(1) ne contienne pas la même formulation.

[206]  Comme on le verra, c’est l’emploi des mots « a contrevenu » au paragraphe 40(1) de la nouvelle Loi sur la GRC (formulation également utilisée dans le paragraphe correspondant de l’ancienne Loi) qui semble compliquer l’analyse, malgré la nuance qu’y apporte le verbe « apparaît » en début de phrase, car il en découle l’interprétation, implicite ou explicite, selon laquelle le délai de prescription ne peut pas commencer à courir tant que la contravention n’est pas établie. Le RAD s’appuie d’ailleurs sur cet argument dans sa réponse.

[207]  Prétendre que le délai de prescription commence seulement à courir lorsqu’on possède suffisamment d’information pour établir qu’une contravention a été commise, c’est fermer les yeux sur la disposition énoncée au paragraphe 40(1) de la nouvelle Loi sur la GRC, qui précise explicitement que la tenue de l’enquête par l’autorité disciplinaire a pour but de « lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention » au code de déontologie.

[208]  Pour tenir compte de tous ces enjeux, facteurs et considérations, le comité propose donc de poser la question suivante, fondée sur le paragraphe 40(1) de la nouvelle Loi sur la GRC, afin d’évaluer la nécessité de tenir une enquête déontologique dont le lancement déclenchera le délai de prescription : À quel moment une autorité disciplinaire dans la chaîne de commandement du membre visé a-t-elle disposé de suffisamment d’information pour avoir des motifs raisonnables de croire qu’une contravention au code de déontologie avait apparemment été commise?

[209]  Bien entendu, dans les situations où une autorité disciplinaire n’a pas lancé d’enquête déontologique, comme c’était le cas dans la présente affaire, ou dans celles où une enquête déontologique a été menée, mais où un doute persiste quant à savoir si elle aurait dû être lancée plus tôt, il faudra examiner l’information qui était connue des autorités disciplinaires faisant partie de la chaîne de commandement du membre visé. Les représentants de l’autorité disciplinaire devront tenir compte de cette nécessité et aborder la question dans les documents qu’ils transmettent au comité de déontologie, le cas échéant.

Analyse

[210]  Pour appliquer le cadre établi ci-dessus à l’argumentation du RM et à la réponse du RAD, il faut se pencher sur plusieurs questions.

[211]  Premièrement, le RAD a tort d’affirmer dans sa réponse que le délai de prescription a commencé à courir lorsque la commandante divisionnaire a pris connaissance de la lettre de l’ASIRT, pour la simple raison que la commandante divisionnaire n’est pas l’autorité disciplinaire qui a tenu ou fait tenir l’enquête conformément au paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC.

[212]  Le RAD fait également erreur en prétendant que la commandante divisionnaire a pris connaissance de la lettre de l’ASIRT le 20 janvier 2017, c’est-à-dire à la date indiquée dans la lettre, car d’après les timbres dateurs et les notes manuscrites, son bureau ne l’a reçue que le 27 janvier 2017, et elle ne l’a lue que le 30 janvier 2017.

[213]  Dans les faits, si la date à laquelle la commandante divisionnaire a pris connaissance de la situation avait été pertinente en l’espèce, le délai de prescription aurait commencé à courir 10 jours après la date indiquée dans la réponse du RAD, ce qui fait ressortir l’importance de bien examiner les documents pertinents.

[214]  Mais un autre facteur est peut-être le plus fatal pour l’argument du RAD voulant que la lettre de l’ASIRT marque le déclenchement du délai de prescription : s’il est vrai, comme l’avance le RAD, que la commandante divisionnaire disposait d’informations suffisantes quant à l’apparente contravention au code de déontologie commise par la membre visée seulement au moment de prendre connaissance de la lettre de l’ASIRT (par. 32), rien n’indique qu’elle ait ensuite pris des mesures pour lancer une enquête. Il s’agit là d’une omission qui va à l’encontre du paragraphe 40(1) de la nouvelle Loi sur la GRC, où il est précisé que l’autorité disciplinaire « fait tenir » l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention.

[215]  Par conséquent, si la lettre de l’ASIRT fournissait des informations suffisantes comme le soutient explicitement le RAD dans sa réponse, la preuve démontre sans équivoque l’inaction de la GRC dans le dossier, plus précisément l’inaction de la commandante divisionnaire en sa qualité d’autorité disciplinaire et l’inaction de toute autre autorité disciplinaire entre le moment où la lettre de l’ASIRT a supposément fourni des informations suffisantes à la commandante divisionnaire (en janvier 2017) et celui où l’ODC est finalement intervenu (en juin 2017), seulement après avoir appris que l’ASIRT allait porter des accusations contre la membre visée.

[216]  La réponse du RAD n’aborde pas non plus le fait que, selon les notes de l’OREC suppléant, l’OREC titulaire (qui exerçait peut-être à titre de suppléant la fonction de commandant divisionnaire le jour de la collision) a été informé de la collision le jour où elle est survenue et a donné des consignes en ce qui la concernait.

[217]  Deuxièmement, le comité ne remet pas nécessairement en question l’assertion selon laquelle l’ODC a mis un certain temps à prendre connaissance des circonstances de la collision, comme l’indiquent la note de service et l’ordonnance de suspension, mais cette prise de conscience tardive n’est pas l’élément pertinent qui permet de déterminer à quelle date le délai de prescription a commencé à courir, comme il sera expliqué plus loin. Si c’était le cas, aux termes des paragraphes 40(1) et 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC, le 9 juin 2017 (jour du lancement de l’enquête par l’ODC) serait la date du déclenchement du délai de prescription, ce qui ne cadre tout simplement pas avec les faits.

[218]  Troisièmement, le RAD souligne de façon appuyée dans sa réponse que l’ODC a déterminé, en sa qualité d’autorité disciplinaire et après avoir obtenu des [Traduction] « conseils juridiques » ou [Traduction] « l’avis de conseillers juridiques qualifiés » (auprès de la DRAD), que le délai de prescription avait commencé à courir le 27 janvier 2017, date de la lettre de l’ASIRT.

[219]  La Cour fait remarquer dans Thériault que l’opinion subjective de l’autorité disciplinaire quant au délai de prescription fait partie des facteurs que doit étudier le comité de déontologie, mais ne revêt pas une importance déterminante. En l’espèce, cette opinion est tout à fait incorrecte et sans effet persuasif parce que, comme il a été mentionné précédemment, la commandante divisionnaire n’est pas l’autorité disciplinaire qui a lancé l’enquête.

[220]  On pourrait néanmoins soutenir qu’en affirmant explicitement deux fois que l’ODC s’est appuyé sur des conseils juridiques, le RAD a mis ces conseils de l’avant, renonçant du coup (explicitement ou implicitement) au secret professionnel qui s’y appliquait, ou que le devoir d’équité envers la membre visée exige maintenant la divulgation de ces conseils puisque le RAD les a mis de l’avant dans sa réponse pour prouver que le délai de prescription a été respecté. Voir à titre de références générales Nova Chemicals et al. v. CEDA-Reactor Ltd. et al., 2014 ONSC 3995; P. (C.W.) v. P. (C.D.C.), 2014 BCSC 738; Mordo v. HSBC Bank Canada, 2016 BCSC 282.

[221]  Cela dit, au lieu de demander aux représentants de transmettre d’autres observations sur la question de la renonciation au secret professionnel ou de se fonder sur les décisions susmentionnées, le comité a conclu que pour trancher la question du délai de prescription, il suffit de n’accorder aucun poids au fait que l’ODC a reçu des conseils juridiques, car le RAD avait l’obligation de déposer ces conseils en preuve s’il avait l’intention de s’appuyer sur eux pour démontrer que le délai de prescription avait été respecté. Autrement, l’affirmation concernant l’obtention de ces conseils n’a aucune valeur probante, et elle n’aurait peut-être pas dû être faite si lesdits conseils n’allaient pas être divulgués.

[222]  De plus, le RAD s’étant appuyé sur la lettre de l’ASIRT afin de déterminer la date à laquelle le délai de prescription avait commencé à courir, apparemment sans tenir compte du fait que, selon le paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC, cette interprétation du délai exigeait que la commandante divisionnaire soit l’autorité disciplinaire qui avait lancé l’enquête, il est raisonnable de conclure que les conseils juridiques fournis à l’ODC étaient peut-être erronés. Il n’est toutefois pas nécessaire de rendre une décision sur ce point.

[223]  Quatrièmement, le RAD invoque plusieurs autres aspects de la loi, des faits et de la politique pour montrer que les autres autorités disciplinaires de la chaîne de commandement n’avaient pas la connaissance requise de la situation ou ne disposaient pas d’informations suffisantes pour lancer une enquête déontologique.

[224]  Le RAD avance d’abord dans sa réponse que, dans les cas où [Traduction] « il n’est pas immédiatement évident » qu’un membre a contrevenu au code de déontologie, on doit lui donner [Traduction] « le bénéfice du doute », compte tenu, en particulier, du grand nombre d’accidents de la route impliquant un véhicule de police qui se produisent chaque année. Selon lui, on ne saurait déclencher [Traduction] « systématiquement » une enquête à l’égard du membre concerné chaque fois qu’un tel accident se produit.

[225]  Malheureusement, le RAD semble avoir mal compris ou mal énoncé le critère de déclenchement d’une enquête déontologique ou les exigences du processus décisionnel s’y rapportant.

[226]  Il n’est dit nulle part que la GRC doit systématiquement lancer une enquête déontologique après chaque accident de véhicule de police. Ce qui est exigé, c’est que l’autorité disciplinaire compétente examine les faits et les circonstances de chaque incident pour déterminer s’il y a motif à ouvrir une enquête en vertu du code de déontologie.

[227]  Il est plus troublant d’imaginer le scénario avancé dans la réponse du RAD, c’est-à-dire que la décision de déclencher ou non une enquête déontologique après une telle collision doive se prendre en fonction du devoir d’accorder le bénéfice du doute au membre concerné plutôt qu’à la lumière d’une évaluation des faits et des circonstances effectuée dans le but de déterminer s’il existe des motifs suffisants pour tenir une enquête judiciaire, une enquête déontologique ou une autre forme d’enquête administrative.

[228]  En effet, les agents et les gestionnaires de police sont appelés chaque jour à se pencher sur des circonstances qui doivent être examinées pour déterminer l’intervention nécessaire. Il ne s’agit pas là d’un exercice à éviter parce que les incidents sont trop nombreux ou qu’ils pourraient engendrer trop de travail.

[229]  Le RAD indique aussi dans sa réponse que, pris individuellement ou, peut-on présumer, collectivement, la grande vitesse à laquelle roulait la membre visée et le décès de M. J ne permettent pas de supposer ou de conclure que la membre visée a contrevenu au code de déontologie. Ce raisonnement dénote encore une fois une mauvaise compréhension des règles applicables à la prise de décisions dans les situations de ce genre.

[230]  Cette incompréhension est d’autant plus évidente que, selon la réponse du RAD, la présentation d’une [Traduction] « explication plausible » par la membre visée à l’égard de la collision éliminait toute nécessité de lancer une enquête déontologique, malgré les déclarations contraires des témoins qui se trouvaient sur les lieux de l’incident et les autres considérations qui mettaient objectivement en doute cette explication.

[231]  Le fait qu’une [Traduction] « explication plausible » soit donnée ne libère pas l’autorité disciplinaire compétente de son devoir de diligence raisonnable, c’est-à-dire de son obligation légale d’évaluer les informations ou les éléments de preuve disponibles concernant les circonstances et d’en recueillir d’autres s’il y a lieu, afin de déterminer si une enquête déontologique s’impose.

[232]  Il convient de noter que, même si la réponse du RAD (par. 18) et le rapport déontologique (p. 50) peuvent être interprétés comme indiquant que la membre visée a fait sa déclaration le 21 août 2016 (la date inscrite sur la déclaration), il est évident que cette déclaration a seulement été fournie le 26 août 2016.

[233]  Quoi qu’il en soit, ce qui n’est pas mentionné dans la réponse du RAD, c’est que les déclarations des témoins qui se trouvaient sur les lieux de la collision ont permis de connaître les faits suivants au bout de quelques heures ou, tout au plus, de quelques jours : la membre visée a eu tort de penser que les véhicules en bordure de la route s’étaient simplement écartés pour lui céder le passage; il y avait en fait au moins trois personnes sur la chaussée directement devant elle; et elle en a heurté deux en roulant sans ralentir à une vitesse de 156 km/h.

[234]  En fait, une personne raisonnable verrait dans ces éléments, auxquels s’ajoutent d’autres facteurs connus des diverses autorités disciplinaires, plus de raisons d’envisager la tenue d’une enquête déontologique, et non moins.

[235]  Le plus déconcertant cependant, c’est peut-être l’affirmation faite dans la réponse du RAD, comme quoi l’enquête menée par l’ASIRT déterminait en quelque sorte la capacité de la GRC de remplir ses propres obligations légales et administratives quant à l’évaluation de la conduite de la membre visée et à la prise de mesures pour y donner suite en vertu de la Loi sur la GRC.

[236]  Le fait que l’ASIRT soit mandatée par la loi pour enquêter sur les situations mettant en cause des policiers et ayant entraîné des blessures graves ou un décès afin de déterminer s’il y a eu infraction criminelle ne libère pas la GRC de son devoir et de son mandat légaux de déterminer s’il y a eu contravention au code de déontologie.

[237]  En fait, certains des arguments avancés dans la réponse du RAD sont carrément contraires aux décisions ou aux orientations stratégiques de la GRC quant à la façon de traiter une affaire disciplinaire qui fait en même temps l’objet d’une enquête judiciaire. Il suffit de consulter la politique en matière de déontologie pour le constater :

4. 2. 1. 2. Si un membre est soupçonné d’avoir commis une infraction à une loi, voir le MO, chap. 54.3., Responsabilité en matière de rapports. Pour ce qui est des incidents graves, voir le MO, chap. 54.1., Enquête ou examen externe de la GRC. Lorsque l’affaire a été renvoyée au service de police compétent ou qu’elle se trouve entre les mains de ce dernier (organisme externe ou GRC), l’autorité disciplinaire poursuit la conduite du processus disciplinaire, à moins qu’il existe une raison valable de ne pas le faire.

4. 2. 1. 2. 1. L’existence de procédures judiciaires n’empêche pas l’autorité disciplinaire d’enclencher un processus disciplinaire, de conclure à une inconduite selon la prépondérance des probabilités ni d’imposer des mesures disciplinaires.

4. 2. 1. 2. 2. Les procédures judiciaires et les processus disciplinaires relèvent de régimes distincts : leur fonctionnement obéit à des exigences juridiques différentes, et les conclusions rendues sous l’un et l’autre sont fondées sur des critères différents. La décision de suspendre le déroulement d’un processus disciplinaire dans l’attente du résultat d’une procédure judiciaire est prise au cas par cas en consultation avec les conseillers national et divisionnaire en déontologie. [Soulignement et caractères gras ajoutés]

[238]  De même, le Guide du comité de déontologie précise ce qui suit :

3.5 Enquête prévue par une autre loi

Il est également possible de déterminer que les contraventions alléguées doivent faire l’objet d’une enquête prévue par une autre loi. Dans cette situation, l’autorité disciplinaire doit aviser le service des enquêtes criminelles de la division, qui lancera par la suite une enquête prévue par une autre loi, conformément à la section 54.1 du manuel des opérations, et veillera à ce que le dossier soit renvoyé aux autorités policières compétentes. L’autorité disciplinaire doit confirmer le processus de la division concernant les enquêtes prévues par d’autres lois en communiquant avec ses officiers hiérarchiques ou le service des enquêtes criminelles.

De même, il se peut qu’une allégation se rapportant au code de déontologie fasse d’abord l’objet d’une enquête prévue par une autre loi réalisée à l’interne par la GRC ou par une organisation policière externe. Lorsque l’autorité disciplinaire constate que des allégations pouvant se rapporter au code de déontologie sont traitées dans une telle enquête, elle doit en aviser les officiers hiérarchiques et le service des enquêtes criminelles. L’autorité disciplinaire doit également consulter le conseiller en déontologie pour discuter de la possibilité d’amorcer un processus disciplinaire.

Note importante

Lorsqu’un membre visé est soupçonné d’avoir commis une infraction à la loi, consulter la section 54.2 du manuel des opérations. Une fois que le dossier a été renvoyé au service de police compétent ou qu’elle est entre les mains de ce service de police (organisme externe ou GRC), l’autorité disciplinaire doit poursuivre le processus disciplinaire, à moins qu’il n’existe une raison valable de ne pas le faire (Section 4.2.1.2, politique).

 Les enquêtes prévues par d’autres lois et les processus disciplinaires sont des systèmes distincts, où les conclusions sont fondées sur différents critères et qui fonctionnent selon des exigences juridiques qui leur sont propres. La décision de mettre en suspens ou non un processus disciplinaire en attendant l’issu d’une procédure criminelle sera prise au cas par cas en consultation avec les conseillers en déontologie de division et national (Section 4.2.1.2.2, politique). Par ailleurs, l’autorité disciplinaire pourrait juger nécessaire de communiquer avec le service des enquêtes criminelles ou le responsable de l’enquête pour s’assurer que le processus disciplinaire ne nuit pas à l’enquête prévue par une autre loi.

 L’échéancier des dossiers relatifs au code de déontologie doit être étroitement surveillé, et il pourrait arriver que le processus disciplinaire doive être amorcé, mené et terminé malgré l’existence d’allégations liées à une enquête prévue par une autre loi. Ici encore, une consultation régulière entre l’autorité disciplinaire et le conseiller en déontologie contribuera à réduire les risques. Enfin, l’autorité disciplinaire peut déterminer s’il est nécessaire de demander une prolongation des temps limites au commissaire, par l’entremise d’une requête au Directeur général, Sous-direction de la responsabilité en milieu de travail (Section 1.5.3 du présent guide). [Encadrement rouge et point d’exclamation présents dans l’original, soulignement ajouté]

[sic]

[239]  Compte tenu de ce qui précède, l’autorité disciplinaire a de toute évidence l’obligation formelle de déterminer s’il y a lieu de mener une enquête déontologique, peu importe si une enquête judiciaire parallèle est en cours, afin de s’assurer que la GRC remplit son obligation légale de gérer la conduite de ses membres.

[240]  Aucun élément de preuve n’a été déposé pour montrer que, dans un délai raisonnable après la collision, l’une ou l’autre des autorités disciplinaires de la chaîne de commandement a réellement examiné la nécessité de déclencher une enquête déontologique, a demandé des conseils ou a autrement pris en compte ou suivi les exigences de la politique en matière de déontologie présentée ci-dessus; ou alors, si elle l’a fait, ses démarches n’ont pas été divulguées, ce qui soulèverait une question distincte.

[241]  L’activité intense qui a suivi 10 mois plus tard en juin 2017, après que la GRC eut appris que l’ASIRT entendait déposer des accusations, y compris les consultations auprès de la SNGD et la prestation par cette dernière des conseils décrits dans son échange de courriels avec le GCDK, ne respecte ni la lettre ni l’intention de la politique en matière de déontologie. Au contraire, cette activité ne fait que mettre en relief l’apparente absence de mesures de consultation, de documentation, d’administration ou de coordination de la part des autorités disciplinaires compétentes relativement à l’aspect possiblement fautif de la collision.

[242]  L’affirmation faite récemment par l’actuel ODC (et ancien ODE) dans son courriel du 21 novembre 2018, selon laquelle aucune enquête déontologique n’avait été ordonnée à l’égard de la collision parce qu’on attendait des informations non précisées et qu’on discutait avec l’OREC, est tout à fait inadéquate et sans utilité. L’ODC n’y indique pas ce que lui et les autres autorités disciplinaires compétentes ont fait pour remplir les obligations explicites qui leur incombaient en vertu de la loi et de la politique quant à l’examen de la possibilité que la collision présentait un aspect fautif.

[243]  La politique en matière de déontologie et le Guide du comité de déontologie, entre autres ressources documentaires portant sur le processus disciplinaire, sont bien connus dans l’organisation. Ils ne constituent pas des décisions, des déclarations ou des précédents obscurs, méconnus ou récents. Les représentants auraient donc dû se pencher sur les dispositions présentées plus haut.

[244]  En dépit des dispositions établies dans la politique en matière de déontologie, le RAD soutient par ailleurs dans sa réponse que la tenue d’enquêtes parallèles [Traduction] « n’est pas efficace », ce qui révèle une profonde incompréhension des processus d’enquête en question, des obligations et exigences légales s’y rapportant, ainsi que des positions de principe de la GRC en la matière. Le RAD ne dévoile pourtant aucune des [Traduction] « raisons d’ordre pratique » qui auraient justifié la décision d’attendre que l’ASIRT termine son enquête. (Si de telles raisons existaient, elles auraient soulevé un besoin de consultation, de décision et de documentation; or, le dossier ne fait état d’aucune activité de ce genre.)

[245]  La réponse du RAD avance aussi que la tenue d’enquêtes parallèles [Traduction] « peut nuire à l’intégrité des informations recueillies ». Non seulement cette idée relève-t-elle, au mieux, de la pure conjecture, mais elle va à l’encontre de la politique en matière de déontologie. Il n’y a certainement aucune indication qu’une autorité disciplinaire ou un autre intervenant ait mentionné que la tenue d’enquêtes parallèles pourrait poser problème dans le cas particulier de la membre visée et ait procédé à des consultations à cet égard, conformément aux exigences de la politique.

[246]  Il sera question plus loin de l’affirmation du RAD voulant que l’autorité disciplinaire n’ait pas eu une connaissance suffisante de la situation pour croire que la membre visée avait contrevenu au code de déontologie, mais on peut déjà souligner que le seuil qu’il a retenu quant au degré de connaissance requis n’est pas conforme à l’analyse exposée dans Thériault, dans la mesure où le RAD soutient explicitement ou implicitement dans sa réponse que la GRC devait attendre la fin de l’enquête de l’ASIRT pour déterminer s’il y avait lieu d’amorcer une enquête déontologique, ce qui est tout simplement faux.

[247]  Il est bon de rappeler l’observation formulée dans Thériault quant au fait qu’une autorité disciplinaire n’a pas besoin d’une enquête complète ou de l’ensemble de l’information pour que la prescription commence à courir (par. 35, 36, 40 et 47). Le comité adopte lui aussi ce point de vue.

[248]  Bref, le RAD a soutenu à répétition dans sa réponse que l’autorité disciplinaire avait besoin qu’une enquête complète soit menée pour atteindre le seuil de connaissance requis afin d’ouvrir une enquête. Il s’agit là d’une position qui a été rejetée non seulement dans Thériault, mais aussi plus récemment dans Douglas (par. 33). Elle ne doit donc plus être présentée à l’avenir.

[249]  Malheureusement, au lieu de se concentrer sur les éléments de preuve et les informations que possédaient la GRC et les autorités disciplinaires compétentes au cours de la période pertinente, le RAD soutient dans sa réponse (par. 23) que le rapport et le dossier d’enquête de l’ASIRT contenaient une grande quantité d’information qui était inconnue de la GRC ou qui n’était pas en sa possession, y compris les déclarations des témoins, le REAC, le rapport des pairs et d’autres rapports, dont le rapport d’évaluation mécanique, le rapport d’autopsie et les dossiers médicaux. Selon le RAD, tous ces éléments devaient être examinés afin de [Traduction] « déterminer la responsabilité » de la collision.

[250]  Là encore, le RAD s’est mépris. L’autorité disciplinaire n’a pas à déterminer qui est responsable de l’incident au moment de décider s’il y a lieu de tenir une enquête déontologique.

[251]  En outre, il est évident qu’au bout de quelques jours ou, tout au plus, de quelques semaines, la GRC avait en sa possession une bonne partie de l’information mentionnée dans la réponse du RAD (sauf peut-être le rapport des pairs et le rapport d’autopsie), en plus de son propre dossier d’enquête et du rapport sur l’examen de l’incident; d’autre part, l’ASIRT elle- même a fourni au Détachement les déclarations des témoins et les photographies concernant la collision le 29 août 2016. (En fait, l’ASIRT a dit à l’enquêteur du Groupe de la responsabilité professionnelle que la majorité de l’information qu’il cherchait à obtenir pour les besoins de l’enquête déontologique se trouvait déjà dans le dossier de la GRC [p. 652 et 655].)

[252]  Il n’en demeure pas moins qu’il n’était nullement nécessaire d’avoir en main toute l’information recueillie par l’ASIRT, car le rapport d’autopsie, le rapport des pairs, le REAC, les rapports d’évaluation mécanique et les dossiers médicaux n’étaient pas requis afin de juger de la nécessité de lancer une enquête déontologique. La raison est simple : l’objectif même de cette enquête allait être de recueillir les informations de ce genre qui étaient nécessaires pour déterminer s’il y avait eu inconduite et pour la sanctionner, le cas échéant, par des mesures disciplinaires.

[253]  Rappelons que, dans Thériault, la Cour a clairement expliqué que le but d’une enquête déontologique est de recueillir, pendant le délai de prescription, l’information pertinente nécessaire à la prise d’une décision quant à la convocation d’une audience. Cette enquête ne doit pas servir de motif pour retarder le déclenchement de la prescription (par. 45, citant Fingold), contrairement à la position que le RAD essaie de faire valoir dans sa réponse en affirmant que l’autorité disciplinaire avait besoin du rapport complet de l’ASIRT pour déterminer s’il y avait lieu de lancer une enquête.

[254]  En ce qui concerne le REAC en particulier, le RAD affirme dans sa réponse qu’il [Traduction] « n’était pas suffisant pour déterminer si la membre visée avait contrevenu ou non au code de déontologie » (soulignement ajouté). Il s’agit là d’une autre méprise sur le seuil requis pour lancer une enquête déontologique, car il n’est pas nécessaire, à ce stade-là du processus, de formuler une conclusion quant à savoir s’il y a eu inconduite.

[255]  Bien que le RAD ait initialement soutenu dans sa réponse que la GRC n’avait pas eu connaissance du REAC ou ne l’avait pas eu en sa possession avant de recevoir le rapport d’enquête de l’ASIRT (assertion que mettent sérieusement en doute le rapport d’examen de l’incident et le rapport de l’ASIRT [p. 652]), il fait également valoir implicitement ou explicitement à titre d’argument subsidiaire que, même si la GRC avait eu le REAC en sa possession, celui-ci ne fournissait pas des motifs suffisants pour justifier le lancement d’une enquête déontologique.

[256]  Peu importe si le REAC s’inscrivait dans l’enquête [Traduction] « plus vaste » de l’ASIRT, il ne portait pas sur la cause de la collision, mais sur son évitabilité en fonction de paramètres très limités. L’autorité disciplinaire se serait intéressée aux données et aux faits généraux présentés dans le REAC pour décider s’il y avait lieu de mener une enquête déontologique et non pour déterminer la responsabilité de l’accident.

[257]  L’important n’est pas de savoir si la GRC possédait ou non toute l’information contenue dans le dossier d’enquête de l’ASIRT, ni si elle avait connaissance du REAC, du rapport des pairs et des conclusions qui y étaient énoncées, mais bien de savoir si, à un moment donné, une autorité disciplinaire avait suffisamment d’information pour avoir des motifs raisonnables de croire qu’une contravention au code de déontologie avait apparemment été commise.

[258]  Le RAD conteste la validité des conseils donnés par la SNGD dans ses courriels à l’intention du GCDK, y voyant des conjectures qu’il met apparemment de côté au profit des [Traduction] « avis de conseillers juridiques qualifiés » reçus de la DRAD mais non divulgués, alors que les observations de la SNGD sont probablement les plus éclairées et les plus équilibrées qui aient été faites sur le délai de prescription, car elles reflètent une compréhension juste des obligations et des exigences à cet égard que prévoient la loi et la politique en matière de déontologie. Pourtant, l’autorité disciplinaire n’en a tenu aucun compte, comme le soutient à juste titre le RM dans son argumentation.

[259]  Voilà qui nous amène à l’affirmation faite dans la réponse du RAD, comme quoi la lettre de l’ASIRT constituait la [Traduction] « première indication » d’une faute possible dans la conduite de la membre visée (et fournissait suffisamment d’information pour que soit déclenché le délai de prescription).

[260]  Le comité a déjà conclu que, du point de vue des exigences de la loi et de la chronologie des faits, la lettre de l’ASIRT ne constitue pas le point de départ de la prescription. Il peine cependant à comprendre qu’on prétende voir, dans le contenu de cette lettre, un changement de circonstances propre à actionner le mécanisme de prescription, d’autant plus que rien n’indique la prise de mesures quelconques pour y donner suite. C’est seulement cinq mois plus tard, au moment où est tombée la nouvelle du dépôt imminent d’accusations criminelles contre la membre visée, que des démarches ont été faites sur le plan disciplinaire.

[261]  Comme il a déjà été expliqué, la lettre de l’ASIRT informait simplement la commandante divisionnaire du fait que l’ASIRT avait [Traduction] « transmis son dossier d’enquête au ministère public afin de le faire examiner et d’obtenir une opinion à son égard », et qu’après avoir pris connaissance de cette opinion, le directeur exécutif de l’ASIRT [Traduction] « rendra[it] sa décision sur l’enquête ».

[262]  La lettre de l’ASIRT n’indiquait pas que des accusations seraient portées contre la membre visée, mais seulement que l’opinion du procureur avait été demandée, ce qui n’est pas une démarche inhabituelle selon les cadres de responsabilisation de la police. L’obtention de cette opinion n’a apporté aucun changement fondamental aux faits ni aux circonstances, et contrairement à ce que prétend le RAD dans sa réponse, elle n’a certainement pas clarifié la nécessité d’intervenir dans l’esprit de l’autorité disciplinaire (c’est-à-dire de la commandante divisionnaire), puisque cette dernière n’a pris aucune mesure pour donner suite à la lettre de l’ASIRT, si ce n’est de la transmettre à l’OREC à titre d’information.

[263]  La lettre de l’ASIRT ne fournissait donc aucune indication qui aurait permis d’atteindre le seuil de connaissance requis selon la réponse du RAD (pour déterminer la responsabilité de la collision).

[264]  Autrement dit, il est incohérent d’affirmer que la lettre de l’ASIRT donnait une [Traduction] « première indication » d’inconduite et qu’elle nécessitait par conséquent une intervention, puisque le RAD a systématiquement fait valoir dans sa réponse que l’autorité disciplinaire ne pouvait pas ordonner la tenue d’une enquête avant de disposer des résultats de l’enquête complète ou d’informations suffisantes pour établir la contravention au code de déontologie.

[265]  Même si l’on admet que la lettre de l’ASIRT fournissait suffisamment d’information pour justifier la prise de mesures, comme l’affirme le RAD, et que les diverses autorités disciplinaires étaient de ce fait conscientes du déclenchement de la prescription, rien n’indique une quelconque démarche de leur part pour amorcer une enquête déontologique au cours des cinq mois qui ont suivi. En fait, à peine quelques jours avant l’arrestation de la membre visée et en toute connaissance de l’intervention prochaine de l’ASIRT, l’autorité disciplinaire qui a finalement examiné le rapport déontologique (soit l’actuel ODC, qui était l’ODE la nuit de la collision) a dit lors de sa conversation téléphonique du 13 juin 2018 [12] avec la surintendante Dicks, maintenant chef du Détachement (qui était une officière hiérarchique à l’époque des faits), que le comportement de la membre visée au volant ne constituait pas une inconduite, mais un problème de rendement. (Cette affirmation semble contredire les propos tenus par l’ODC le 19 novembre 2018, comme quoi il n’était pas intervenu parce qu’il attendait d’autres informations et directives.)

[266]  Il est déroutant de constater qu’au moment même où l’ODE disait à la chef du Détachement qu’il n’y avait pas eu d’inconduite (le 13 juin 2017), le GCDK et la SNGD discutaient activement des circonstances de la collision, du délai de prescription et de la possibilité de devoir en demander la prorogation (12-13 juin 2018 [13] ) en vue de l’engagement de la procédure disciplinaire. Quand il a fait signifier la note de service et l’ordonnance de suspension le 16 juin 2017, l’ODC a pourtant affirmé avoir pris connaissance de la contravention le 9 juin 2018 [14] .

[267]  Après avoir avancé les divers arguments analysés ci-dessus relativement aux faits, aux exigences de la loi et aux dispositions de la politique pour prouver le respect du délai de prescription, et après avoir interprété incorrectement le seuil de connaissance applicable, le RAD a affirmé, concernant la troisième question de la méthode Douglas, qu’il n’était pas [Traduction] « apparu », avant réception de la lettre de l’ASIRT, que la membre visée avait contrevenu au code de déontologie, car cette lettre était la [Traduction] « première communication » de l’ASIRT mentionnant son intention de [Traduction] « recommander le dépôt d’accusations criminelles contre elle ».

[268]  Contrairement à ce que le RAD soutient dans sa réponse, la lettre de l’ASIRT ne disait pas que celle-ci allait recommander le dépôt d’accusations criminelles. L’assertion selon laquelle il n’apparaissait pas y avoir eu contravention jusqu’à ce moment se rapproche davantage d’une interprétation correcte du seuil de connaissance applicable, mais elle ne cadre pas avec le seuil que le RAD a fait valoir plus tôt dans sa réponse, c’est-à-dire la possession d’informations suffisantes pour permettre de déterminer la responsabilité de la collision ou de conclure qu’il y avait bel et bien eu inconduite.

[269]  Compte tenu de ce qui précède, le comité ne considère pas que la commandante divisionnaire ou l’ODC sont les autorités disciplinaires dont il faut examiner les actions pour déterminer le point de départ de la prescription dans les circonstances de l’espèce.

[270]  D’après l’information au dossier, les CC (déontologie) et la politique en matière de déontologie, il est évident que, aux fins de la détermination du délai de prescription, les intervenants suivants pouvaient être des autorités disciplinaires par rapport à la membre visée : le chef de veille (qui relevait d’un officier), l’inspectrice Dicks (en tant qu’officière hiérarchique du Détachement et, par la suite, chef du Détachement), l’officier des opérations du Détachement (l’inspecteur Hancock), le chef du Détachement à l’époque de la collision (le surintendant McCloy, qui a aussi exercé brièvement le rôle d’ODE à titre de suppléant pendant la période visée), l’ODE (le surintendant principal Mehdizadeh), l’OREC suppléant (le surintendant Bennett) et l’OREC titlaire (le commissaire adjoint Degrand, qui a peut-être aussi exercé le rôle de commandant divisionnaire à titre de suppléant, bien qu’aucune conclusion ne soit rendue à cet égard).

[271]  Plus précisément, aux fins de la détermination du délai de prescription, les preuves documentaires, à savoir la première note d’information et les notes du chef du Détachement, de l’officier des opérations du Détachement, de l’inspectrice Dicks et de l’OREC suppléant, suffisent amplement à montrer que tous ces intervenants avaient connaissance des faits suivants au plus tard le 29 août 2018 [15] : au moment de répondre à la deuxième demande d’intervention (concernant un piéton qui avait été heurté sur la route), la membre visée roulait (avec [Traduction] « le dispositif d’urgence de son véhicule activé ») à une vitesse de 156 km/h en pleine nuit dans un secteur rural sans éclairage artificiel; elle a alors aperçu trois véhicules (garés en bordure de la route, dont deux avaient leurs feux de détresse allumés, et le troisième, un semi- remorque, avait ses feux de détresse et ses feux rotatifs allumés); il y avait trois ou quatre personnes sur la route ou l’accotement (dont une était étendue sur la chaussée); sans réduire le moindrement sa vitesse, la membre visée a roulé sur le corps de M. J et heurté M. C.

[272]  À la lumière de ces seules circonstances, il est difficile de concevoir que l’inspectrice Dicks, l’officier des opérations et, surtout, le chef du Détachement n’aient pas compris, à titre d’autorités disciplinaires, qu’ils avaient suffisamment d’information pour avoir des motifs raisonnables de croire qu’il y avait apparemment eu une contravention au code de déontologique nécessitant la tenue d’une enquête.

[273]  On pourrait soutenir que l’information dont avaient connaissance l’officier des opérations du Détachement, l’inspectrice Dicks, le chef du Détachement (et ODE suppléant), l’OREC suppléant et l’OREC titulaire le jour de la collision, soit le 21 août 2016, était suffisante pour atteindre le seuil de connaissance requis afin de lancer une enquête déontologique et de déclencher le délai de prescription. Par contre, si l’on retient plutôt la date du 29 août 2016, on élimine tout doute quant au fait que la GRC avait pleinement connaissance de la vitesse confirmée à laquelle roulait le véhicule de police et des déclarations des témoins de la collision. Ces informations étaient alors connues du Détachement, comme en font foi les notes des différentes autorités disciplinaires à ce niveau de la hiérarchie et les notes de l’OREC suppléant.

[274]  Ainsi, sans égard à une quelconque [Traduction] « explication plausible » donnée par la membre visée, il y avait dans l’information disponible d’autres éléments qui auraient amené une personne raisonnable, et à plus forte raison des policiers d’expérience, à conclure que les circonstances exigeaient la tenue d’une enquête en vertu du code de déontologie, ne serait-ce que sur la base du fait que la membre visée avait roulé à 156 km/h en pleine nuit et qu’elle n’avait pas ralenti en apercevant, au bord de la route à deux voies, trois véhicules dont les feux de détresse étaient allumés.

[275]  Même si l’on appliquait les critères énoncés dans Thériault, à savoir l’existence de « simples soupçons » ou la possession de « suffisamment d’information crédible et convaincante [...] pour raisonnablement croire » qu’une infraction a été commise, une personne raisonnable jugerait qu’il y avait suffisamment d’information pour croire que la membre visée avait apparemment commis une contravention au code de déontologie qui nécessitait la tenue d’une enquête.

[276]  Il n’était pas nécessaire que ces autorités disciplinaires potentielles possèdent chaque élément d’information ou de preuve, ni les résultats de l’enquête complète de l’ASIRT, pour décider si une enquête s’imposait en vertu du code de déontologie, comme le soutient le RAD dans sa réponse, car le but d’une enquête déontologique est de recueillir l’information pertinente et nécessaire afin qu’on puisse déterminer plus tard s’il y a eu inconduite et, le cas échéant, s’il convient de convoquer une rencontre disciplinaire ou une audience disciplinaire.

[277]  D’autre part, même si le dossier indiquait que l’une des autorités disciplinaires potentielles avait réellement examiné la possibilité d’amorcer une enquête déontologique, ce qui n’est pas le cas, la question de savoir si une contravention avait été commise aurait été soumise à un comité de déontologie. C’est pourquoi les autorités disciplinaires et les conseillers en déontologie doivent prendre soin de documenter correctement les décisions ou les mesures qu’exige la politique en matière de déontologie et que dicte l’expérience, et les représentants de l’autorité disciplinaire doivent s’assurer d’avoir réuni au préalable l’information pertinente concernant le délai de prescription lorsqu’ils envoient des documents au comité de déontologie saisi de l’affaire, en particulier si ce délai peut poser problème.

[278]  Il est également difficile de comprendre qu’on ait pu négliger si complètement de reconnaître l’importance du délai de prescription dans toute la chaîne de commandement de la Division et au sein des services consultatifs. On semble avoir présumé tout bonnement que l’ASIRT démêlerait l’affaire (ou, possibilité encore plus déconcertante, que l’incident ne présentait aucun aspect fautif nécessitant la tenue d’une enquête), et quand on a sollicité l’avis de la SNGD, on l’a complètement mis de côté, même s’il était tout à fait judicieux, car même en juin 2017, il aurait encore été temps de demander une prorogation.

[279]  Mise à part la question du délai de prescription, les courriels du GCDK et de la SNGD révèlent un certain nombre de sérieux problèmes institutionnels sur lesquels il semble nécessaire de se pencher, à commencer par le besoin de s’assurer que les autorités disciplinaires et les conseillers en déontologie prennent les mesures nécessaires pour suivre, documenter, consigner et coordonner adéquatement les affaires disciplinaires et les décisions connexes en conformité avec la politique en matière de déontologie, les CC (déontologie) et la Loi sur la GRC.

Résumé

[280]  Compte tenu de ce qui précède, le comité juge que la date pertinente pour déterminer le point de départ de la prescription est le 29 août 2016, d’après l’information qui était connue du chef du Détachement, de l’officier des opérations du Détachement ou de l’inspectrice Dicks, ou de tous ces intervenants. Comme l’avis à l’officier désigné a seulement été envoyé en janvier 2017 [16] , le comité conclut de plus que le délai prescrit d’un an n’a pas été respecté.

[281]  La réponse du RAD n’a pas établi le respect du délai de prescription selon la prépondérance des probabilités; subsidiairement, l’argumentation du RM a établi le non-respect du délai de prescription selon la prépondérance des probabilités.

[282]  Le comité tient à réitérer que la présente décision porte sur la question préliminaire du respect du délai de prescription et qu’elle ne renferme aucune conclusion de fait, de droit ou autre quant à l’allégation de contravention au code de déontologie formulée contre la membre visée. Le comité s’est plutôt penché sur la question de savoir si les renseignements disponibles auraient amené une personne raisonnablement informée à exiger le lancement d’une enquête relative au code de déontologie en vertu des dispositions pertinentes de la Loi sur la GRC, des CC (déontologie) et de la politique en matière de déontologie.

5. Conclusion

[283]  Le comité conclut que la procédure à l’endroit de la membre visée n’a pas été engagée dans le délai prescrit au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC et qu’elle est donc frappée de prescription.

[284]  Avis est donné à la membre visée que les décisions des comités de déontologie sont accessibles au public et qu’elle ne sera pas informée dans le cas où une demande serait présentée en vue d’obtenir copie de la présente décision.

[285]  Conformément au paragraphe 25(2) des CC (déontologie), la présente décision prend effet au moment où copie de la décision est signifiée à la membre visée.

[286]  Le présent rapport de décision constitue la décision définitive du comité, qui peut être portée en appel par la membre visée ou par l’autorité disciplinaire selon les dispositions établies dans la Loi sur la GRC.

Digital Signature

 

Le 17 décembre 2018

Craig S. MacMillan

Comité de déontologie

 

Date


Définitions

allégation 1

Avoir négligé de ralentir la course de son véhicule de police et avoir frappé un membre du public (M. J), causant ainsi sa mort

allégation 2

Avoir négligé de ralentir la course de son véhicule de police et avoir frappé un membre du public (M. C), lui causant ainsi des lésions corporelles graves

allégations

Allégations 1 et 2, désignées collectivement

argumentation du RM

Argumentation du RM sur la question du délai de prescription, présentée au nom de la membre visée et reçue le 24 août 2018

ASIRT

Alberta Serious Incident Response Team (Équipe d’intervention de l’Alberta en cas d’incident grave)

avis d’audience

Avis d’audience disciplinaire daté du 26 février 2018

Baker

Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1999] 2 R.C.S. 817

Cabiakman

Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’Assurance sur la Vie, [2004] 3 R.C.S. 195

Cardinal

Cardinal c. Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643

CC (déontologie)

Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291

collision

Incident au cours duquel le véhicule de police de la membre visée a heurté deux membres du public sur la route

comité

Comité de déontologie désigné pour donner suite à l’avis d’audience disciplinaire

Cormier

Le commandant de la Division J et le gendarme Cormier, 2016 DARD 2

courriels du GCDK et de la SNGD

Courriels échangés entre le Groupe consultatif de la déontologie de la Division K et la Section nationale de la gestion de la déontologie

décision d’appel

Décision rendue le 12 juillet 2018 sur l’appel interjeté par la membre visée quant à l’ordonnance de suspension

déclaration

Déclaration écrite de la membre visée

Détachement

Détachement de Wood Buffalo de la GRC, Fort McMurray (Alberta)

deuxième demande d’intervention

Signalement d’un piéton heurté par un véhicule sur la route, environ 5 à 10 kilomètres au sud d’Anzac (Alberta)

deuxième note d’information

Note d’information datée du 12 juin 2017

dossier de la GRC

Dossier créé dans le Système d’incidents et de rapports de police relativement à l’enquête sur l’accident initial au cours duquel le véhicule de Mme D a heurté M. J

Douglas

Le commandant de la Division nationale et la sergente Douglas, 2018 DARD 5

DRAD

Direction des représentants de l’autorité disciplinaire

DRM

Direction des représentants des membres

examen de l’incident

Examen de l’incident demandé par l’officier des opérations du Détachement le 30 août 2016

Fingold

R. v. Fingold (1999), 45 B.L.R. (2d) 261 (Ont. Gen. Div.)

GCDK

Groupe consultatif de la déontologie de la Division K

km/h

Kilomètres à l’heure

lettre de l’ASIRT

Lettre de l’ASIRT datée du 20 janvier 2017, reçue au bureau de la commandante divisionnaire le 27 janvier 2017 et lue par celle-ci le 30 janvier 2017

Loi sur la GRC

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 (avec ses modifications)

M. C

Membre du public (blessé)

méthode Douglas

Méthode établie par le comité de déontologie saisi de l’affaire Douglas pour la détermination du délai prescrit au paragraphe 41(2) de la nouvelle Loi sur la GRC

M. J

Membre du public (décédé)

note de service

Note de service ordonnant le lancement de l’enquête déontologique, signée par l’ODC le 16 juin 2017

ODC

Officier du District du centre de l’Alberta

ODE

Officier du District de l’est de l’Alberta

ordonnance de suspension

Ordonnance de suspension datée du 16 juin 2017, délivrée par l’ODC

OREC

Officier responsable des enquêtes criminelles

politique en matière de déontologie

Chapitre XII.1. du Manuel d’administration de la GRC

première demande d’intervention

Plainte concernant une personne vêtue de noir qui marchait au centre de la route près du repère kilométrique 252 (ou 251 selon le document consulté)

première note d’information

Note d’information que l’ODE a envoyée à la direction du Détachement ainsi qu’aux équipes de gestion du District et de la Division le 21 août 2016

RAD

M. Brad Smallwood, représentant de l’autorité disciplinaire

rapport d’autopsie

Rapport du médecin légiste sur l’autopsie de M. J

rapport déontologique

Rapport d’enquête déontologique

rapport des pairs

Rapport d’examen par des pairs portant sur le REAC, fourni à l’ASIRT par un spécialiste en reconstitution de collisions du Service de police d’Edmonton

REAC

Rapport d’enquête de l’analyste de la circulation daté du 20 octobre 2016

rencontre préliminaire

Rencontre du 24 avril 2018 entre le comité et les représentants

renseignements supplémentaires

Renseignements supplémentaires demandés par le comité relativement à la question du délai de prescription

réponse du RAD

Réponse que le RAD a présentée au nom de l’autorité disciplinaire le 7 septembre 2018

réunion d’équipe

Réunion tenue le 29 août 2016 entre le chef d’équipe chargé de l’enquête, l’inspectrice Dicks et l’équipe d’enquête

RM

M. Gordon Campbell, représentant de la membre

route

Route 881 près d’Anzac, en Alberta

Smart

Smart c. Canada (Procureur général), 2008 CF 936

SNGD

Section nationale de la gestion de la déontologie à la Direction générale de la GRC

STONA

Station de transmissions opérationnelles du nord de l’Alberta

Thériault

Thériault c. Gendarmerie royale du Canada, 2006 CAF 61

 



[1] Sauf indication contraire, les numéros de page cités en référence correspondent à la numérotation établie dans le rapport d’enquête déontologique et ses annexes (le « rapport déontologique ») ou dans l’argumentation, la décision judiciaire, le texte faisant autorité ou le document pertinent qui a été présenté par les représentants et qui est mentionné dans la décision.

[2] Selon les notes du surintendant Bennett, qui était l’OREC suppléant, le chef du Détachement était également l’ODE suppléant. Les notes en question ont été enregistrées à 5 h 18 (p. 3) le jour de la collision.

[3] Le rôle de l’inspectrice Dicks en tant qu’officière hiérarchique n’est pas clairement indiqué ou n’a pas été trouvé dans le rapport déontologique, mais pour les besoins de la présente décision, il est évident qu’elle était une officière hiérarchique du Détachement et qu’elle en est plus tard devenue la chef, poste auquel elle aurait apporté toutes les connaissances acquises dans son rôle antérieur.

[4] Le rapport déontologique complémentaire fourni à la demande du comité (voir ci-dessous) semble indiquer, à la page 1, que l’OREC était aussi le commandant divisionnaire suppléant, mais aucune importance particulière n’est accordée à cette possibilité puisqu’elle n’a pas été confirmée.

[5] Voir les dispositions générales énoncées au chapitre 25.100. du Manuel des opérations de la Division K (« Operational Reviews, Incident Reviews and Administrative Reviews »), qui existe uniquement en version anglaise.

[6] Le mois n’est pas entièrement lisible dans la note manuscrite de la commandante divisionnaire, mais le jour  l’est,  et il correspond à la date indiquée par  le timbre dateur de l’OREC,  soit le  30 janvier 2017.

[7] Dans la présente décision, par souci de simplicité, l’expression « nouvelle Loi sur la GRC » désigne la version de la Loi qui comprend les modifications apportées en novembre 2014, et « ancienne Loi sur la GRC » désigne la version d’avant novembre 2014.

[8] NDT : Dans la version française de Cormier, il manque, dans la citation de l’art. 26, l’alinéa suivant : « (d) la liste des pièces produites à l’audience ». Les articles présentés après l’article (d) devraient donc suivre l’ordre alphabétique suivant : (e), (f), (g).

[9] NDT : Le paragraphe indiqué dans la décision originale anglaise semble être erroné; il s’agirait plutôt du paragraphe 40(1).

[10] NDT : Le paragraphe indiqué dans la version originale anglaise de la décision semble être erroné. Il s’agirait plutôt du paragraphe 41(2).

[11] NDT : Le paragraphe indiqué dans la décision originale anglaise semble être erroné. Il s’agirait plutôt du paragraphe 41(2).

[12] NDT : La date indiquée dans la décision originale anglaise semble erronée. Il s’agirait plutôt du 13 juin 2017.

[13] NDT : Les dates indiquées dans la décision originale anglaise semblent erronées. Il s’agirait plutôt des 12-13 juin 2017.

[14] NDT : La date indiquée dans la décision originale anglaise semble erronée. Il s’agirait plutôt du 9 juin 2017.

[15] La date indiquée dans la décision originale anglaise semble erronée. Il s’agirait plutôt du 29 août 2016.

[16] Le mois indiqué dans la décision originale anglaise semble erroné. Il  s’agirait  plutôt  de janvier 2018.

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