Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire contenait une seule allégation d’infraction à l’article 7.1 du code de déontologie : le caporal Weatherdon aurait commis une inconduite sexuelle en se livrant à un acte non consensuel avec une collègue de son unité d’attache au cours de leur détachement lors du Sommet du G7, au Québec.

L’audience disciplinaire devait commencer le 27 juillet 2020, mais avant la tenue de l’audience, les parties ont convenu d’un règlement. L’audience s’est déroulée par vidéoconférence le 29 juillet 2020, sans que le Comité de déontologie n’ait à entendre la preuve orale. Le caporal Weatherdon a admis l’allégation. Le Comité de déontologie s’est vu présenter un exposé conjoint des faits, qui s’ajoutait à la propre détermination des faits établis du Comité de déontologie. À la lumière du dossier, le Comité de déontologie a conclu que l’unique allégation était fondée.

Le Comité de déontologie a accepté une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées :

a. Rétrogradation au grade de gendarme pour une période de deux ans;

b. Transfert à un poste au sein des Services de police généraux, à la discrétion du commandant de la Division K.

Contenu de la décision

Protégé A

2020 DAD 16

Ordonnance de non-publication : Interdiction de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la plaignante.

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

dans l’affaire d’une

audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre :

Le commandant de la Division K

Autorité disciplinaire

et

le caporal William Weatherdon

Numéro de matricule 53731

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Kevin Harrison

Le 8 septembre 2020

M. Denys Morel, représentant de l’autorité disciplinaire

M. John Benkendorf, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS  3

INTRODUCTION  4

Ordonnance de non-publication  5

ALLÉGATION  5

Détermination des faits établis  6

Exposé conjoint des faits  11

Décision relative à l’allégation  12

MESURES DISCIPLINAIRES  13

Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires  13

Common law en matière de propositions conjointes  13

Décision relative aux mesures disciplinaires  15

Éventail approprié des mesures disciplinaires  15

Facteurs atténuants et aggravants  16

CONCLUSION  18

 

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS

L’avis d’audience disciplinaire contenait une seule allégation d’infraction à l’article 7.1 du code de déontologie : le caporal Weatherdon aurait commis une inconduite sexuelle en se livrant à un acte non consensuel avec une collègue de son unité d’attache au cours de leur détachement lors du Sommet du G7, au Québec.

L’audience disciplinaire devait commencer le 27 juillet 2020, mais avant la tenue de l’audience, les parties ont convenu d’un règlement. L’audience s’est déroulée par vidéoconférence le 29 juillet 2020, sans que le Comité de déontologie n’ait à entendre la preuve orale. Le caporal Weatherdon a admis l’allégation. Le Comité de déontologie s’est vu présenter un exposé conjoint des faits, qui s’ajoutait à la propre détermination des faits établis du Comité de déontologie. À la lumière du dossier, le Comité de déontologie a conclu que l’unique allégation était fondée.

Le Comité de déontologie a accepté une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées :

  1. Rétrogradation au grade de gendarme pour une période de deuxans;
  2. Transfert à un poste au sein des Services de police généraux, à la discrétion du commandant de la DivisionK.

INTRODUCTION

[1]  Le 18 juillet 2019, le commandant divisionnaire et l’autorité disciplinaire de la Division K (l’autorité disciplinaire) a signé un avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire relativement à la présente affaire. Le 25 juillet 2019, j’ai été désigné Comité de déontologie en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC].

[2]  Le 13 septembre 2019, l’autorité disciplinaire a signé l’avis d’audience disciplinaire, qui comprend une allégation au titre de l’article 7.1 du code de déontologie. Dans cet avis, il est allégué que le caporal Weatherdon a commis une inconduite sexuelle en se livrant à un acte non consensuel avec une collègue de son unité d’attache au cours de leur détachement lors du Sommet du G7, au Québec, en juin 2018.

[3]  Le 23 mars 2020, le caporal Weatherdon a fourni par écrit sa réponse à l’allégation, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC (déontologie)].

[4]  Une audience disciplinaire a eu lieu par vidéoconférence, le 29 juillet 2020. Dans ma décision rendue de vive voix, j’ai conclu que l’unique allégation était fondée. J’ai également accepté les observations conjointes des parties sur les mesures disciplinaires, lesquelles incluaient une rétrogradation au grade de gendarme pour une période de deux ans et un transfert à un poste au sein des Services de police généraux, à un lieu laissé à la discrétion du commandant de la Division K. La présente décision écrite intègre et approfondit la décision que j’ai rendue de vive voix.

Ordonnance de non-publication

[5]  À la demande du représentant de l’autorité disciplinaire et avec le consentement du caporal Weatherdon, une ordonnance de non-publication, au titre de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC, a été émise afin d’interdire de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement permettant d’établir l’identité de la plaignante.

ALLÉGATION

[6]  L’unique allégation est libellée ainsi dans l’avis d’audience disciplinaire :

Allégation 1

Le 10 juin ou entre le 10 et le 11 juin 2018, à Saint-Siméon ou à proximité, dans la province de Québec, le caporal William Weatherdon s’est comporté d’une manière déshonorante, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division K, [unité spécialisée en civil] à Edmonton, en Alberta.

2. Vous êtes caporal (« cap. ») au sein de [l’unité spécialisée en civil] depuis 2017. Au moment où l’incident allégué a eu lieu, [la plaignante] était une gendarme qui avait été récemment détachée à votre unité.

3. En juin 2018, vous avez été déployé pour la tenue du G7, qui avait lieu dans la province de Québec, et vous logiez au Motel Cofotel, dans la ville de Saint-Siméon.

4. Vers [22 h 30], le 10 juin 2018, vous avez rencontré [la plaignante] lors d’une activité sociale réunissant d’autres membres de la GRC. L’activité avait lieu au bout de la rue du Festival, au bord de la plage, dans la ville de Saint-Siméon.

5. [La plaignante] avait froid et a décidé de rentrer à son établissement d’hébergement. Vous lui avez offert de la raccompagner à pied et avez insisté pour vous arrêter à votre chambre pour lui donner des chauffe-mains et des chauffe-pieds. Vous êtes tous les deux entrés dans votre chambre, au Motel Cofotel. Vous avez donné des chauffe-pieds à [la plaignante] et elle s’est assise sur un lit. Vous vous êtes assis sur l’autre lit, devant elle, et avez parlé du travail. À un moment donné, vous avez saisi les jambes de [la plaignante] et placé ses pieds sur votre cuisse; elle ne s’y est pas opposée.

6. Vous avez ensuite fait à [la plaignante] des avances sexuelles inopportunes et des attouchements sexuels non désirés. Vous avez notamment :

i. Tiré sur les jambes de [la plaignante], la faisant ainsi tomber entre les deux lits;

ii. Attiré [la plaignante] vers vous avant de la renverser sur le dos et de vous placer sur elle;

iii. Tiré sur le pantalon de [la plaignante] pour le baisser en lui disant « montre-moi cette chose-là »;

iv. Passé un commentaire indiquant que vous vouliez voir les seins de [la plaignante];

v. Frotté l’intérieur des jambes de [la plaignante], touché son vagin et dit à [la plaignante] de « simplement se détendre ».

7. [La plaignante] a résisté à vos avances et vous a dit « non » de façon répétitive jusqu’à ce qu’éventuellement vous arrêtiez.

8. Vos actes ont rendu [la plaignante] mal à l’aise et étaient déshonorants.

[Sic]

Détermination des faits établis

[7]  Le 8 mai 2020, j’ai présenté aux parties la détermination des faits établis, conformément au chapitre XII.1.11.10.3 du Manuel d’administration Le document, daté du 7 mai 2020, comprend 79 paragraphes [1] et compte 11 pages. Les parties ne se sont opposées à aucune de mes conclusions. Je ne suis pas tenu de retranscrire ma détermination au complet, mais je dois en présenter certaines parties afin de mettre en perspective les circonstances entourant l’affaire en cause. À cette fin, voici deux conclusions que je juge importantes :

1. À toutes les dates pertinentes, le caporal William Weatherdon (« le caporal Weatherdon ») était un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la division K, [unité spécialisée en civil] à Edmonton, en Alberta. [Énoncé détaillé 1 – Admis par le membre]

2. Le caporal Weatherdon est caporal au sein de [l’unité spécialisée en civil] depuis 2017. [Énoncé détaillé 2 – Admis par le membre]

3. Au moment où s’est produit l’incident allégué, [la plaignante] était gendarme et avait été détachée à [l’unité spécialisée en civil] depuis peu. Elle venait d’une [autre unité spécialisée en civil de la Division K]. [Énoncé détaillé 2 – Admis par le membre]

4. Le caporal Weatherdon et [la plaignante] ont été déployés au Québec pour la tenue du G7, en juin 2018. [Énoncé détaillé 3 – Admis par le membre]

[…]

6. Le caporal Weatherdon logeait au Motel Cofotel, dans la ville de Saint-Siméon. [Énoncé détaillé 3 – Admis par le membre]

7. [La plaignante] logeait au Motel Bo Fleuve, dans la ville de Saint-Siméon.

[…]

10. Bien qu’il était prévu que [la plaignante] travaille jusqu’au 12 juin 2018, son dernier quart de travail dans le cadre du déploiement s’est terminé à 1 h (heure de l’Est), le 10 juin 2018, lors de son arrivée à son établissement d’hébergement, à Saint-Siméon. Elle a été en congé tout le reste de la journée du 10 juin 2018 et attendait son transport de retour à la Division K.

[…]

12. Le plan initial de [la plaignante] était de retourner à la Ville de Québec avec deux collègues de la Division K, mais elle s’est réveillée en retard et a manqué le départ.

13. [La plaignante] a décidé d’aller à l’épicerie pour s’acheter de quoi manger. […]

14. Pendant qu’elle était à l’épicerie [la plaignante] a rencontré le sergent [B.B.] et la sergente [H.V.].

[…]

17. Le sergent [B.B.] et la sergente [H.V.] ont invité [la plaignante] à se joindre à eux lors d’une rencontre improvisée réunissant quelques membres déployés pour la tenue du G7 qui logeaient dans le secteur.

18. La rencontre avait lieu au Motel Vue Belvédère.

19. [La plaignante] est retournée au Motel Bo Fleuve pour y laisser ses achats et se mettre des vêtements chauds.

20. [La plaignante] estime être arrivée à l’activité au Motel Vue Belvédère un peu après 17 h (heure de l’Est).

21. Bon nombre de membres étaient déjà présents lorsque [la plaignante] est arrivée.

22. [La plaignante] ne connaissait pas beaucoup de personnes à l’activité.

[Nota : La plaignante affirme que le sergent B.B. et la sergente H.V. étaient les deux seuls membres qu’elle connaissait.]

23. Pendant l’activité, [la plaignante] a mangé de la pizza et bu une boisson alcoolisée (un Caesar prémélangé, offert par la sergente [H.V.]). Il est possible que [la plaignante] ait bu toute la boisson.

24. [La plaignante] n’avait pas apporté ses propres boissons alcoolisées puisqu’elle n’avait pas l’intention de consommer de l’alcool.

25. [La plaignante] ne boit pas fréquemment ou régulièrement de l’alcool.

26. Quelqu’un a suggéré qu’ils (les membres) se rendent sur la plage pour faire un feu de camp.

[…]

28. Le feu de camp a été allumé sur la plage au bout de la rue du Festival, dans la ville de Saint-Siméon. [Partie de l’énoncé détaillé 4 – Admis par le membre]

29. [La plaignante] était à la plage avant 20 h 11 (heure de l’Est).

30. Au début, il y avait environ 8 ou 10 membres sur la plage. Au fil du temps, le nombre de membres a augmenté.

[…]

33. Lorsqu’elle était à la plage, [la plaignante] s’est vu offrir deux verres de Caesar prémélangé par la sergente [H.V.]. [La plaignante] a bu ces deux verres de boisson en entier.

34. Un homme (peut-être un des chauffeurs d’autobus) est venu sur la plage et a crié aux membres qu’ils partiraient tôt le lendemain matin.

35. Les membres qui se trouvaient sur la plage n’étaient pas heureux d’apprendre à ce moment-là que le départ aurait lieu tôt le lendemain matin.

36. [La plaignante] a quitté la plage en compagnie du sergent [B.B.], de la sergente [H.V.] et de [autre membre] pour rentrer à leur établissement d’hébergement respectif et faire leurs bagages en vue du départ le lendemain matin. [La plaignante] avait aussi très froid à ce moment-là.

37. À un moment donné, [la plaignante] a laissé le sergent [B.B.], la sergente [H.V.] et [l’autre membre] puisque les établissements où ils logeaient étaient situés dans des directions différentes.

38. Peu de temps après avoir quitté le sergent [B.B.] et la sergente [H.V.], [la plaignante] a décidé de retourner à la plage.

39. [La plaignante] est retournée au feu de camp et a rencontré le caporal Weatherdon à 22 h 30. [Partie de l’énoncé détaillé 4 – Admis par le membre]

[…]

41. [La plaignante] était à la plage depuis à peine 10 ou 20 minutes lorsqu’elle a décidé de partir parce qu’elle avait froid et voulait aller faire ses bagages. [Partie de l’énoncé détaillé 5]

42. Durant les 10 à 20 minutes qu’elle était à la plage avec le caporal Weatherdon, [la plaignante] lui a raconté une histoire au sujet de sa chirurgie/son augmentation mammaire.

[Nota : La plaignante affirme qu’elle a soulevé le sujet parce que le caporal Weatherdon la taquinait et elle voulait donner sa version des faits plutôt que de laisser un ami commun, D.M., donner la sienne. Le caporal Weatherdon a simplement dit que la plaignante voulait lui dire un secret.]

43. L’histoire est la suivante : le caporal Weatherdon et [la plaignante] ont un ami commun qui se nomme [D.M.].

44. [La plaignante] et son époux ont assisté à la réception de mariage de D.M.].

45. Le chirurgien plastique qui a réalisé l’augmentation mammaire de [la plaignante] était également présent à la réception.

46. Le chirurgien plastique est un membre de la famille de [D.M.].

[Nota : La plaignante affirme que le caporal Weatherdon et elle ont discuté de la « taille de bonnet » qu’elle avait choisi lorsqu’ils étaient à la plage, tandis que le caporal Weatherdon affirme que ce sujet n’a pas été mentionné avant que la plaignante parle de nouveau de son augmentation mammaire lorsqu’ils étaient dans la chambre de motel.]

[…]

48. Le caporal Weatherdon et [la plaignante] ont quitté la plage ensemble.

49. Le caporal Weatherdon a offert de donner à [la plaignante] des chauffe-mains et des chauffe-pieds qu’il avait dans sa chambre de motel.

50. Le caporal Weatherdon et [la plaignante] se sont tenus par la main en marchant vers le Motel Cofotel.

[Nota : On n’a pas établi quelle personne a initié ce contact.]

51. Le caporal Weatherdon et [la plaignante] sont entrés dans la chambre du caporal Weatherdon, au Motel Cofotel, en passant par la porte panoramique coulissante. [Partie de l’énoncé détaillé 5]

52. Le caporal Weatherdon a donné des chauffe-pieds à [la plaignante]. [Partie de l’énoncé détaillé 5]

53. Il y avait deux lits dans la chambre de motel.

54. [La plaignante] s’est assise sur l’un des deux lits. [Partie de l’énoncé détaillé 5]

55. Le caporal Weatherdon est allé à la salle de bains.

[Nota : La plaignante affirme que le caporal Weatherdon est en fait allé aux toilettes (pour uriner), alors que le caporal Weatherdon affirme qu’il est uniquement allé chercher des serviettes pour réchauffer les pieds de la plaignante.]

56. [La plaignante] a enlevé ses sandales de plage.

57. [La plaignante] a utilisé les chauffe-pieds.

58. Le caporal Weatherdon est sorti de la salle de bains et s’est assis sur l’autre lit, devant [la plaignante]. Ils ont discuté du travail. [Partie de l’énoncé détaillé 5]

59. Le caporal Weatherdon a demandé à voir les seins de [la plaignante]. [Énoncé détaillé 6 iv]

[Nota : Le caporal Weatherdon affirme qu’il a d’abord demandé à voir les seins de la plaignante lorsqu’ils étaient à la plage. La plaignante ne fait pas mention de cette demande. Elle affirme plutôt que ce n’est qu’une fois dans la chambre de motel du caporal Weatherdon que celui-ci a demandé à voir ses seins.]

60. [La plaignante] s’est retrouvée sur un lit, couchée sur le dos. Le caporal Weatherdon était sur elle.

61. Le caporal Weatherdon a embrassé [la plaignante].

62. Le caporal Weatherdon a essayé de baisser le pantalon de [la plaignante]. [Première moitié de l’énoncé détaillé 6 iii]

63. [La plaignante] a dit au caporal Weatherdon d’arrêter parce que ce serait gênant au travail.

64. [La plaignante] a dit au caporal Weatherdon qu’elle « avait ses règles ».

65. Le rapport physique entre le caporal Weatherdon et [la plaignante] a pris fin abruptement après que [la plaignante] a dit au caporal Weatherdon d’arrêter. [Dernière partie de l’énoncé détaillé 7]

66. Le caporal Weatherdon a offert à la [la plaignante] de passer la nuit dans sa chambre, dans des lits séparés. [La plaignante] a refusé l’invitation.

67. Le caporal Weatherdon a raccompagné à pied [la plaignante] au Motel Bo Fleuve.

68. [La plaignante] était dans sa chambre, au Motel Bo Fleuve, à 1 h 47 (heure de l’Est) (le 11 juin 2018).

69. Le caporal Weatherdon et [la plaignante] ne se sont pas vus jusqu’à leur arrivée au centre d’accueil, le matin du 11 juin 2018.

70. La sergente [H.V.] et le [caporal] Weatherdon, [la plaignante] et [J.T.] (collègue du [caporal] Weatherdon et de la plaignante) se sont rendus en autobus à un hôtel dans la Ville de Québec, où ils ont passé la nuit avant de retourner en Alberta le lendemain.

71. Dans l’autobus, le caporal Weatherdon et [la plaignante] se sont assis ensemble, derrière la sergente [H.V.] et [J.T.].

72. La sergente [H.V.], le [caporal] Weatherdon, [la plaignante] et [J.T.] sont allés souper ensemble ce soir-là.

[…]

75. Le matin du 12 juin 2018, les membres ont pris le service de navette pour se rendre à l’aéroport de la Ville de Québec, où ils se sont assis au détachement de la GRC avant d’être conduits à un avion pour leur vol de retour à la maison.

[…]

Exposé conjoint des faits

[8]  Les parties m’ont présenté un exposé conjoint des faits le 24 juillet 2020. Selon les parties, l’exposé conjoint des faits ne se voulait pas un exposé exhaustif des faits convenus par les parties, mais bien un complément à ma détermination des faits établis. Les faits admis sont les suivants :

5. [2] [La plaignante] avait froid et a décidé de retourner à son établissement d’hébergement. Le cap. Weatherdon lui a offert de la raccompagner à pied et a insisté pour arrêter à sa chambre pour ramasser des chauffe-mains et des chauffe-pieds pour [la plaignante]. Les deux sont entrés dans la cambre du cap. Weatherdon, au Motel Cofotel. Le cap. Weatherdon a donné les chauffe-pieds à [la plaignante] et elle s’est assise sur un lit. Le cap. Weatherdon s’est assis sur l’autre lit, devant elle, et ils ont discuté du travail. À un moment donné, le cap. Weatherdon a saisi les jambes de [la plaignante] et a placé ses pieds sur sa cuisse; elle ne s’y est pas opposée.

6. Le cap. Weatherdon a initié un contact sexuel sans chercher à obtenir le consentement de [la plaignante] et a commencé à la toucher sans d’abord s’assurer qu’elle était d’accord.

7. Les avances sexuelles inopportunes du cap. Weatherdon et les attouchements sexuels non désirés incluaient les actes suivants :

i) se placer sur [la plaignante];

ii) tirer sur le pantalon de [la plaignante] pour le baisser en lui disant « montre-moi cette chose-là », sans chercher à obtenir son consentement explicite;

iii) passer un commentaire à l’effet qu’il voulait voir les seins de [la plaignante], auquel cette dernière a répondu non à plusieurs reprises, et frotter l’intérieur des jambes de [la plaignante] en lui disant de « simplement se détendre », ou des mots à cet effet.

8. Les deux membres étaient sous l’effet de l’alcool au moment de l’incident. Le cap. Weatherdon a embrassé [la plaignante] et elle l’a laissé faire. [La plaignante] a essayé de dissuader le cap. Weatherdon de poursuivre ses avances en lui disant que ça serait gênant au travail et qu’elle avait ses règles. À un moment donné, elle s’est notamment contorsionnée pour éloigner son corps de celui du cap. Weatherdon. Elle a dit « non » lorsque ce dernier a tenté de lui retirer son pantalon. Le cap. Weatherdon a cessé d’essayer de se livrer à une activité sexuelle lorsqu’il a compris que [la plaignante] n’était pas consentante.

9. Les gestes du cap. Weatherdon ont mis [la plaignante] mal à l’aise, et l’incident l’a portée à croire qu’elle ne serait pas promue au poste de caporale au sein de [l’unité spécialisée en civil], ce qui était son objectif depuis le début de sa carrière. Cependant, en août 2018, [la plaignante] a été promue caporale et s’est jointe de façon permanente à [l’unité spécialisée en civil].

10. Le cap. Weatherdon reconnaît qu’en tant que caporal supérieur, il n’était pas approprié de chercher à nouer une relation avec un membre subalterne de [l’unité spécialisée en civil]; il a également reconnu que [la plaignante] pourrait avoir cru qu’il avait la capacité d’influer sur sa sélection et sa promotion au sein de [l’unité spécialisée en civil].

11. Le cap. Weatherdon reconnaît que sa conduite était déshonorante.

[Sic]

Décision relative à l’allégation

[9]  Le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC a présenté son analyse de la nature d’une conduite « susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie » dans sa recommandation C-2015-001 (C-008), datée du 22 février 2016. J’accepte et adopte l’approche présentée aux paragraphes 92 et 93 de la recommandation du CEE. En fait, le critère servant à établir si un membre a enfreint l’article 7.1 du code de déontologie consiste à déterminer si une personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier, jugerait que la conduite du membre est déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. C’est ce que doit déterminer l’autorité disciplinaire, selon la prépondérance des probabilités.

[10]  À la lumière de l’aveu général du caporal Weatherdon en ce qui concerne l’unique allégation, de ses aveux au sujet des divers énoncés détaillés inclus dans sa réponse à l’allégation déposée conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), de mes constatations énoncées dans la détermination des faits établis et des faits présentés dans l’exposé conjoint des faits, je conclus que l’unique allégation contre le caporal Weatherdon est fondée.

MESURES DISCIPLINAIRES

[11]  Comme j’ai conclu que l’allégation était fondée, je suis tenu, en vertu du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, d’imposer au moins l’une des mesures disciplinaires qui y sont énoncées. Ces mesures disciplinaires incluent le congédiement, l’ordre de démissionner ou « l’imposition d’une ou de plusieurs mesures disciplinaires prévues dans les règles ». Les mesures disciplinaires « prévues dans les règles » se trouvent aux articles 3, 4 et 5 des CC (déontologie).

Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires

[12]  Lors d’une conférence préparatoire qui s’est tenue le 20 juillet 2020, les parties m’ont informé qu’elles me présenteraient une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Celle-ci incluait les mesures disciplinaires suivantes :

  • Rétrogradation au grade de gendarme pour une période de deuxans;
  • Transfert à un poste au sein des Services de police généraux, à un lieu laissé à la discrétion du commandant de la DivisionK.

Common law en matière de propositions conjointes

[13]  La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 [Anthony-Cook], au paragraphe 25, a reconnu que des propositions conjointes visant des sanctions criminelles ne constituent pas seulement une pratique acceptée et tout à fait souhaitable; elles sont « essentielles au bon fonctionnement de notre système de justice pénale et de notre système de justice en général ». La Cour a ajouté que la plupart de ces ententes n’ont rien « d’exceptionnel » et sont facilement approuvées d’emblée par les juges. Cependant, pour diverses raisons, les juges ne sont pas tenus de donner suite à ces ententes conjointes. Ces notions sont également applicables aux arbitres en matière de déontologie sous le régime disciplinaire de la GRC [3] .

[14]  Dans l’arrêt Anthony-Cook, la Cour suprême a également énoncé le critère applicable lorsqu’un juge envisage de ne pas donner suite à une proposition conjointe dans un cas en particulier. Après l’examen des critères adoptés par d’autres cours, la Cour suprême a déclaré que le critère à appliquer était le critère de « l’intérêt public ». La question à laquelle il faut répondre consiste à savoir si la peine proposée jetterait le discrédit sur l’administration de la justice ou si elle porterait atteinte à l’intérêt public. La Cour suprême a précisé que ce critère reflétait le mieux les nombreux avantages qu’apportent les propositions conjointes au système judiciaire et le besoin correspondant d’avoir dans celles-ci un niveau de certitude élevé.

[15]  Pour déterminer si une présentation conjointe jettera le discrédit sur l’administration de la justice ou si elle porte atteinte à l’intérêt public, la Cour suprême a relevé les énoncés suivants formulés par la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador dans deux causes distinctes qui saisissent l’essence du critère de « l’intérêt public ». Les énoncés sont les suivants :

[…] malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, celle-ci « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient [rupture] au bon fonctionnement du système de justice pénale » [4] […].

Et :

[…] les juges du procès devraient « éviter de rendre une décision qui ferait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux » [5] […]. [Je souligne]

[16]  Pour appliquer la directive de la Cour suprême à la présente décision, je dois déterminer si la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires jettera le discrédit sur l’administration de la justice ou si elle porte atteinte à l’intérêt public. Ce faisant, je dois déterminer si la proposition conjointe correspond si peu aux attentes d’une personne raisonnable informée des circonstances de l’affaire que cette dernière estimerait que la proposition fait échec au bon fonctionnement du système de déontologie de la GRC.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[17]  Le CEE a établi un cadre d’analyse en fonction de l’ancien régime disciplinaire de la GRC, qui demeure pertinent lors de procédures disciplinaires mises en œuvre aux termes de la version modifiée de la Loi sur la GRC. En vertu de ce cadre, les comités de déontologie doivent d’abord examiner l’éventail des mesures disciplinaires appropriées et passer ensuite en revue les facteurs atténuants et aggravants afin de déterminer les mesures disciplinaires appropriées dans le cas en particulier. Cette démarche est conforme aux dispositions énoncées au chapitre XII.1.11.15 du Manuel d’administration.

Éventail approprié des mesures disciplinaires

[18]  Le Guide des mesures disciplinaires énonce un éventail de sanctions possibles en cas de conduite déshonorante. Il inclut divers articles relatifs à l’inconduite sexuelle, mais ne comprend aucun article précis sur les cas d’inconduite associée à un acte sexuel non consensuel avec une collègue. Puisque le caporal Weatherdon a admis qu’il y avait un déséquilibre de pouvoir dans sa relation avec la plaignante, l’article du Guide des mesures disciplinaires qui convient le mieux pour traiter du cas présent aborde la question de « relation inappropriée », qui se définit par « l’entretien ou la recherche d’une relation romantique avec un subordonné ».

[19]  Dans cette catégorie, les cas mineurs incluent les incidents isolés, ce qui est le cas ici. Les mesures disciplinaires recommandées lorsqu’il s’agit de cas mineurs sont la confiscation de 20 à 30 jours de solde. Les cas ordinaires prévoient le congédiement. Les cas graves, qui comprennent plusieurs exemples de facteurs précis, dont aucun ne correspond à la présente affaire, prévoient également le congédiement.

[20]  L’affaire dont je suis saisi est de toute évidence très sérieuse puisqu’elle porte sur une inconduite sexuelle commise par un membre à l’endroit d’un autre membre, même si les deux membres n’étaient pas en service au moment de l’incident. D’autres comités de déontologie, y compris moi-même, avons fait remarquer que le degré de gravité d’une inconduite sexuelle est élevé et que la GRC a communiqué, en envoyant de nombreux messages à ses employés, que le harcèlement en milieu de travail, y compris le harcèlement sexuel ainsi que l’inconduite sexuelle associée à un acte non consensuel en dehors des heures de travail, sont tous inacceptables, ne seront pas passés sous silence ni tolérés.

[21]  Avant l’audience disciplinaire, on m’a présenté trois décisions [6] rendues par des comités de déontologie dans lesquelles les mesures disciplinaires imposées incluaient une rétrogradation ou un transfert, parfois accompagné d’une sanction pécuniaire.

[22]  Compte tenu de ce qui précède, le congédiement de la Gendarmerie constituait une réelle possibilité dans le cas présent, mais d’autres mesures sauf le congédiement peuvent également constituer une issue acceptable.

Facteurs atténuants et aggravants

[23]  Avant la tenue de l’audience disciplinaire, on m’a remis huit lettres appuyant le caporal Weatherdon. En général, les propos contenus dans ces lettres indiquent qu’il est un membre « solide ». Les thèmes qui reviennent systématiquement sont son dévouement, sa compassion et son travail assidu. Les évaluations annuelles de rendement du caporal Weatherdon que l’on m’a présentées et qui couvrent l’ensemble de la carrière de ce dernier correspondent au contenu des lettres d’appui.

[24]  Les parties ont présenté plusieurs facteurs atténuants. Je comprends tous ces facteurs et je les accepte. Les facteurs atténuants incluent :

  • Le caporal Weatherdon a assumé la responsabilité de ses actes, ce qui a permis d’éviter une audiencecontestée.
  • Le caporal Weatherdon a affiché un excellent rendement tout au long de sacarrière.
  • Il s’agit d’un cas de croyance sincère, mais erronée, au consentement. Dès que le caporal Weatherdon a constaté que la plaignante n’était pas consentante, il s’est arrêté.
  • Le caporal Weatherdon a fait preuve de coopération tout au long du processus d’enquête.

[25]  Les parties ont présenté plusieurs facteurs aggravants. Je comprends tous ces facteurs et je les accepte. Les facteurs aggravants incluent :

  • L’inconduite d’un membre impliquant un acte sexuel non consensuel estgrave.
  • Le caporal Weatherdon était un caporalsupérieur.
  • L’incident a eu des répercussions graves sur laplaignante.
  • La suspension du caporal Weatherdon a eu des conséquences négatives sur les activités quotidiennes de la Gendarmerie et sur les activités particulières des membres de l’unité en civil hautementspécialisée.
  • Il y a un élément d’abus de pouvoir dans la présenteaffaire.

[26]  Pendant l’audience disciplinaire, le caporal Weatherdon s’est sincèrement excusé de ses actes et a dit qu’il les regrettait et qu’il était conscient de l’incidence de ceux-ci sur la GRC.

[27]  Après avoir examiné le dossier dont je dispose, la nature de l’inconduite, les facteurs atténuants et aggravants, ainsi que les observations des parties, je ne peux conclure que la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires soumise par les parties jetterait le discrédit sur l’administration de la justice ou qu’elle est contraire à l’intérêt public. Par conséquent, j’accepte la proposition conjointe des parties sur les mesures disciplinaires.

CONCLUSION

[28]  Ayant conclu que l’unique allégation est fondée et conformément à la proposition conjointe présentée par les parties, j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

  1. Rétrogradation au grade de gendarme pour une période de deuxans;
  2. Transfert à un poste au sein des Services de police généraux, à un lieu laissé à la discrétion du commandant de la DivisionK.

[29]  Il est important de souligner que les mesures disciplinaires imposées sont à la limite du congédiement. On permet au caporal Weatherdon de poursuivre sa carrière au sein de la GRC. Cependant, toute infraction subséquente au code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée et pourrait mener au congédiement.

[30]  La présente décision constitue ma décision écrite qui doit être présentée aux parties aux termes du paragraphe 25(3) des CC (déontologie). Les parties peuvent faire appel de cette décision devant la commissaire en déposant un mémoire d’appel dans les 14 jours suivant la signification de la décision au caporal Weatherdon (article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289).

 

Le 8 septembre 2020

Kevin L. Harrison

Comité de déontologie

 

 

 



[1] Les numéros de paragraphe indiqués ci-dessous sont les numéros initiaux des paragraphes figurant dans la détermination des faits établis.

[2] L’exposé conjoint des faits commençait au paragraphe 5, ce qui correspond au numéro de l’énoncé détaillé figurant dans l’avis d’audience disciplinaire.

[3] Voir l’arrêt Rault v Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81, et la décision de la GRC Constable Coleman v Appropriate Officer, “F” Division, (2018) 18 A.D. (4th) 270.

[4] Arrêt R c. Druken, 2006 NLCA 67, 261 Nfld & P.E.I.R. 271, au paragraphe 29.

[5] Arrêt R c. B.O.2, 2010 NLCA 19 (CanLII), au paragraphe 56.

[6] Voir l’arrêt Commanding Officer, “T” Division v Corporal Mark Jenkins, 2018 RCAD 4; l’arrêt Commanding Officer, “K” Division v Constable Lee Brown, 2019 RCAD 12, et l’arrêt Commandant de la Division J et Membre civil Mark Gaudet, 2020 DAD 10.

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