Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le commandant de la Division E, soit l’autorité disciplinaire (l’appelant), a présenté un appel pour contester les mesures disciplinaires qu’a imposées un comité de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) après avoir conclu que trois allégations de conduite déshonorante à l’endroit du membre visé (l’intimé) étaient fondées. Ces allégations découlent d’un cas d’utilisation non autorisée d’équipement et d’information et de la divulgation non autorisée de cette information par l’intimé. Le Comité de déontologie a imposé, pour chacune des trois allégations, une réprimande, la confiscation de cinq jours de solde et une réduction de la banque de congés annuels de cinq jours. L’appelant a interjeté appel de la décision du Comité de déontologie au motif que celle-ci repose sur une erreur de droit et est manifestement déraisonnable.

Le Comité externe d’examen (CEE) a recommandé que l’appel soit rejeté, puisqu’il n’a relevé aucune erreur manifeste ou déterminante dans la décision du Comité de déontologie.

La commissaire a accepté la recommandation du CEE. L’appelant n’a pas établi que le Comité de déontologie avait commis des erreurs donnant lieu à révision. La commissaire a rejeté l’appel et confirmé les mesures disciplinaires imposées par le Comité de déontologie.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier 2017335221 (C-037)

2020 DAD 19

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE D’UN

appel lié à une d’une décision d’un comité disciplinaire au titre du paragraphe 45.11(1)

de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10.

ENTRE :

Le commandant de la Division E

Autorité disciplinaire

(appelant)

et

le gendarme Curtis Genest

Numéro de matricule 58600

(intimé)

Décision de la commissaire

Gendarmerie royale du Canada

9 septembre 2020


RÉSUMÉ

Le commandant de la Division E, soit l’autorité disciplinaire (l’appelant), a présenté un appel pour contester les mesures disciplinaires qu’a imposées un comité de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) après avoir conclu que trois allégations de conduite déshonorante à l’endroit du membre visé (l’intimé) étaient fondées. Ces allégations découlent d’un cas d’utilisation non autorisée d’équipement et d’information et de la divulgation non autorisée de cette information par l’intimé. Le Comité de déontologie a imposé, pour chacune des trois allégations, une réprimande, la confiscation de cinq jours de solde et une réduction de la banque de congés annuels de cinq jours. L’appelant a interjeté appel de la décision du Comité de déontologie au motif que celle-ci repose sur une erreur de droit et est manifestement déraisonnable.

Le Comité externe d’examen (CEE) a recommandé que l’appel soit rejeté, puisqu’il n’a relevé aucune erreur manifeste ou déterminante dans la décision du Comité de déontologie.

La commissaire a accepté la recommandation du CEE. L’appelant n’a pas établi que le Comité de déontologie avait commis des erreurs donnant lieu à révision. La commissaire a rejeté l’appel et confirmé les mesures disciplinaires imposées par le Comité de déontologie.

INTRODUCTION

[1]  Le commandant de la Division E, soit l’autorité disciplinaire (l’appelant), présente un appel au titre du paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10., version modifiée [Loi sur la GRC], pour contester les mesures disciplinaires imposées par un comité de déontologie de la GRC (le Comité) au gendarme Curtis Genest, numéro de matricule 58600 (l’intimé). Ces mesures disciplinaires ont été imposées après que le Comité a jugé que les trois allégations de conduite déshonorante en violation de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC (une annexe dans la Loi sur la GRC et le Règlement de la GRC, 2014, DORS/2014-281) qui pesaient contre l’intimé étaient fondées.

[2]  L’appelant interjette appel de la décision du Comité au motif que celle-ci repose sur une erreur de droit et est manifestement déraisonnable.

[3]  L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen de la GRC (CEE) pour examen en application du paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la GRC. Dans le rapport faisant état des conclusions et des recommandations qui a été publié le 23 juin 2020 (CEE no de dossier C-2017-006 (C-037)) (le rapport), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, a recommandé que la commissaire rejette l’appel et confirme les mesures disciplinaires imposées au titre de l’alinéa 45.16(3)a) de la Loi sur la GRC.

[4]  Pour rendre ma décision, j’ai tenu compte des documents dont disposait le Comité (le matériel), du dossier d’appel (l’appel) et du rapport. Sauf indication contraire, je ferai référence aux documents constituant le matériel et l’appel en indiquant le numéro de page.

[5]  Pour les motifs exposés ci-après, l’appel est rejeté.

CONTEXTE

[6]  Le CEE a énoncé succinctement les faits entourant la présente affaire (rapport, paragraphes 5 à 13) :

[5] Les faits dans cette affaire concernent deux autres personnes : 1) A.A., un ancien membre de la GRC et ancien collègue de l’intimé et 2) A.C., un civil. A.A., au moment des événements, travaillait dans une banque en tant que gestionnaire financier. En juin 2012, A.C. s’est rendu à son institution financière pour y retirer de l’argent afin de payer ses frais juridiques liés à une accusation pour conduite avec les facultés affaiblies. Le conseiller financier a présenté A.C. à A.A. en pensant que ce dernier, un ancien membre de la GRC, pourrait peut-être aider A.C. A.A. a demandé à A.C. de lui apporter le lendemain tous ses documents concernant l’accusation portée contre lui par la GRC pour conduite avec les facultés affaiblies et lui a dit qu’il les examinerait. Le lendemain, A.A. a donc examiné les documents fournis par A.C. Il aurait ensuite fait quelques appels avant de dire à A.C. qu’il lui en coûterait 5 000 dollars pour [Traduction] « faire disparaître l’affaire ». A.C. a négocié le prix à 3 500 dollars. Il a expliqué que dans son pays d’origine, il était possible de verser un pot-de-vin à un policier pour ce type d’accusation et de mettre fin ainsi à des accusations (matériel, pages 17 et 18). A.C. a accepté de payer le montant à A.A. en trois versements, dont le premier a été effectué le 18 juin 2012 (matériel, pages 18, 20 et 402). Le dossier indique qu’A.C. a fait les trois paiements au cours de l’été 2012.

[6] Le 28 juin 2012 ou vers cette date, A.A. et A.C. se sont rencontrés dans un centre d’achats. A.A. a appelé l’intimé, qui travaillait ce jour-là et qui était stationné près du centre d’achats, et lui a demandé s’il pouvait rencontrer A.C. A.A. avait indiqué qu’un de ses amis avait été arrêté et que ce dernier était prêt à payer pour faire disparaître les accusations (matériel, pages 202, 255 et 256). L’intimé a accepté de rencontrer A.C. À leur arrivée, A.A. s’est assis sur le siège passager du véhicule de police (matériel, pages 123, 198 et 199). A.A. a demandé à l’intimé de [Traduction] « faire des recherches sur le gars pour voir si on peut avoir de l’argent » (matériel, pages 199 et 213). L’intimé a interrogé le Centre d’information de la police canadienne (CIPC) et le système PRIME sur son poste de travail mobile en vue d’obtenir des renseignements sur A.C. (matériel, pages 183, 198 et 199). Les résultats indiquaient qu’A.C. avait été arrêté pour conduite avec les facultés affaiblies. L’intimé a indiqué à A.A. qu’il ne pouvait rien faire et a dit à A.C., qui s’était approché du véhicule de police, de retenir les services d’un avocat pour répondre aux accusations de conduite avec facultés affaiblies (matériel, pages 183, 198, 199, 211, 214, 223 et 237).

[7] Plus tard à une date non précisée, l’intimé a envoyé un message texte à A.A. pour lui demander [Traduction] « qu’est-ce qui se passe avec l’argent? » (matériel, page 215).

[8] En novembre 2012, dans le cadre de procédures criminelles, A.C. a plaidé coupable d’une infraction moindre et s’est vu imposer une peine de probation d’un an. Ainsi, A.C. ne pouvait pas consommer d’alcool et pouvait uniquement conduire son véhicule pour se rendre à son lieu de travail et en revenir.

[9] En mars 2013, A.A. a de nouveau communiqué avec A.C. et lui a demandé s’ils pouvaient se rencontrer. Lorsqu’ils se sont rencontrés dans le véhicule d’A.A., ce dernier a dit à A.C. que les policiers l’arrêteraient d’un jour à l’autre, car ils avaient des preuves indiquant qu’il ne respectait pas les conditions que lui avait imposées le tribunal. A.A. a demandé à A.C. de lui donner 7 000 dollars pour qu’il ne soit pas arrêté. Cette fois, A.C. était sceptique et a communiqué avec deux membres de la GRC de son quartier qu’il connaissait. Ces agents ont expliqué à A.C. que ce que faisait A.A. était illégal. Ils ont ensuite informé leurs superviseurs respectifs de la situation. Cette information a mené le Groupe anticorruption de la GRC à lancer une enquête criminelle sur A.A.

[10] Une partie de l’enquête consistait à embaucher A.C. en tant qu’agent de la police afin qu’il exécute des scénarios d’infiltration. Dans le premier scénario, A.C. devait présenter à A.A. un de ses amis (un agent d’infiltration) qui voulait de l’aide pour régler une contravention. A.A. a refusé d’aider l’ami d’A.C. et lui a conseillé de consulter un avocat. Dans un autre scénario, A.C. a informé A.A., au cours d’une conversation téléphonique, que son ami avait dit à un voisin, un policier, qu’A.A. avait aidé A.C. dans le passé en échange d’un montant d’argent. A.C. a ensuite dit à A.A. que des enquêteurs souhaitaient maintenant lui parler et qu’il ne savait que répondre (matériel, pages 434, 435, 450 à 454 et 873). Au cours de la conversation, A.A. a indiqué à A.C. que l’intimé était la personne qui l’avait aidé et reçu l’argent. A.A. a mentionné qu’il n’avait rien à voir avec l’échange d’argent.

[11] Le 29 juillet 2014, pendant l’une des opérations d’infiltration où A.C. agissait de nouveau en tant qu’agent de la police, A.A. et A.C. se sont rencontrés dans un stationnement. A.A. a alors remis à A.C. les 3 500 dollars que ce dernier lui avait donnés. A.A. a indiqué que l’argent provenait en fait de son ami « Curtis », soit l’intimé, en rappelant à A.C. qu’il avait rencontré ce dernier en juin 2012. Il a impliqué davantage l’intimé en répétant que ce dernier avait reçu tout l’argent et que lui-même n’avait « rien à voir avec ça » (matériel, pages 402, 460, 461, 464, 873 à 880).

[12] Le 15 novembre 2014, A.A. a été arrêté pour fraude et extorsion ainsi que pour avoir prétendu faussement être un policier (matériel, page 404). Un dernier scénario a été mis en oeuvre ce jour-là, c’est-à-dire qu’un agent d’infiltration a fait semblant d’être A.C. et a rencontré l’intimé (matériel, pages 1145 à 1149). « A.C. » a dit à l’intimé que des enquêteurs voulaient lui parler au sujet de leur rencontre à l’été 2012. « A.C. » a dit à l’intimé : « qu’est-ce qui se passe avec l’argent? » L’intimé a expliqué qu’il ne savait rien au sujet de l’entente entre A.C. et A.A. concernant un échange d’argent et qu’il n’avait jamais reçu de montant d’argent. L’intimé a dit à « A.C. » qu’A.A. lui avait demandé de tout simplement lui faire peur en se fâchant contre lui pour avoir conduit avec les facultés affaiblies, dans le but qu’il fasse face aux accusations qui pesaient contre lui et qu’il évite les problèmes. Il a rappelé à « A.C. » qu’il lui avait dit d’embaucher un avocat pour régler son accusation de conduite avec les facultés affaiblies. Il a conseillé à « A.C. » de rencontrer les enquêteurs le plus tôt possible et de répondre à leurs questions.

[13] Plus tard au cours de la journée, l’intimé a été arrêté pour fraude et abus de confiance (matériel, page 404). Lors de son arrestation, l’intimé a fourni une déclaration volontaire après mise en garde dans laquelle il a admis avoir fait les recherches sur A.C. sur son poste de travail mobile. Il a toutefois nié avoir reçu de l’argent pour les recherches effectuées et déclaré qu’il ne savait pas qu’A.C. avait déjà payé A.A. lorsqu’il a été mêlé à l’affaire (matériel, pages 183, 198, 199, 210 et 235). La déclaration de l’intimé sera examinée de façon plus détaillée ci-dessous.

PROCÉDURES DISCIPLINAIRES

Enquête relative au code de déontologie

[7]  Le 24 novembre 2014, une enquête relative au code de déontologie a été lancée sur la conduite alléguée de l’intimé (matériel, pages 12 et 13). Bien que le premier mandat d’enquête comprenait quatre allégations, une ordonnance de suspension a été émise le 3 décembre 2014 énonçant les trois allégations suivantes (matériel, pages 1603 à 1605) :

  1. Entre le 28 juin 2012 et le 31 mai 2013 inclusivement, à [ville caviardée], ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, alors que vous exécutiez vos fonctions, vous avez accédé de façon inappropriée aux banques de données électroniques de la GRC pour une raison non liée à vos fonctions, en contravention de l’article 4.6 du code de déontologie.
  2. Entre le 28 juin 2012 et le 31 mai 2013 inclusivement, à [ville caviardée], ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, alors que vous exécutiez vos fonctions, vous avez utilisé de façon non appropriée un véhicule de police pour une raison non liée à vos fonctions, en contravention de l’article 4.6 du code de déontologie.
  3. Entre le 28 juin 2012 et le 31 mai 2013 inclusivement, à [ville caviardée], ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, alors que vous exécutiez vos fonctions, vous avez divulgué de l’information de la GRC à une personne non autorisée ne travaillant pas dans le milieu policier, en contravention de l’article 9.1 du code de déontologie.

[8]  Le 16 décembre 2014, le Programme des services améliorés de la circulation de la Division E a présenté un rapport d’enquête sur la conduite alléguée de l’intimé. Ce rapport d’enquête, qui a été examiné par le Groupe des normes professionnelles, s’appuie sur l’information et les éléments de preuve inclus dans les documents d’information figurant dans le dossier d’enquête du Groupe anticorruption.

Avis d’audience disciplinaire

[9]  Un avis d’audience disciplinaire (l’avis) a été signifié le 13 août 2015 pour informer l’intimé qu’un Comité avait été désigné afin de déterminer s’il avait enfreint au code de déontologie. Comme l’a fait remarquer le CEE, l’autorité disciplinaire a modifié la deuxième allégation, passant d’une violation à l’article 4.6 (utilisation non autorisée d’équipement fourni par le gouvernement) à une violation à l’article 7.1 (conduite déshonorante). L’avis établit les allégations et les énoncés détaillés comme suit (matériel, pages 1779 à 1782) :

Allégation 1 Le ou entre le 1er juin 2012 et le 31 mai 2013, à [ville caviardée], ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’intimé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention :

1. À l’époque des faits de cette affaire, vous étiez un membre de la GRC affecté à la Division E, dans la province de la Colombie-Britannique.

2. Entre le 15 mai 2012 et le 28 juin 2012, [A.A.] a communiqué avec vous pour vous informer qu’un individu contre qui pesaient des accusations criminelles voulait savoir si vous pouviez faire quoi que ce soit pour lui, ou quelque chose à cet effet. [A.A.] vous a informé que l’individu était « prêt à payer ».

3. Le 28 juin 2012, alors que vous étiez en service, vous avez rencontré [A.A.] et [A.C.] dans le secteur du [lieu caviardé], à [ville caviardée], en Colombie-Britannique. Vous étiez au volant d’un véhicule de police, en uniforme.

4. [A.A.] s’est assis dans votre véhicule de police et vous a demandé de faire une recherche sur [A.C.] au moyen de votre poste de travail mobile. [A.A.] vous a dit de [Traduction] « faire une recherche pour voir si on peut soutirer de l’argent » à [A.C.].

5. De votre véhicule de police, vous avez cherché et obtenu de l’information sur [A.C.] au moyen des systèmes d’information électroniques de la GRC, pour une raison non liée à vos fonctions.

Allégation 2 Le ou entre le 1er juin 2012 et le 31 mai 2013, à [ville caviardée] ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’intimé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la GRC.

Énoncé détaillé de la contravention :

1. À l’époque des faits de cette affaire, vous étiez un membre de la GRC affecté à la Division E, dans la province de la Colombie-Britannique.

2. Entre le 1er mai 2012 et le 28 juin 2012, [A.A.] a communiqué avec vous pour vous informer qu’un individu contre qui pesaient des accusations criminelles voulait savoir si vous pouviez faire quoi que ce soit pour lui, ou quelque chose à cet effet. [A.A.] vous a informé que l’individu était « prêt à payer ».

3. Le 28 juin 2012, alors que vous étiez en service, vous avez rencontré [A.A.] et [A.C.] dans le secteur du [lieu caviardé], à [ville caviardée], en Colombie-Britannique. Vous étiez au volant d’un véhicule de police, en uniforme.

4. [A.A.] s’est assis dans votre véhicule de police et vous a demandé de faire une recherche sur [A.C.] au moyen de votre poste de travail mobile. [A.A.] vous a demandé de [Traduction] « faire une cherche pour voir si on peut soutirer de l’argent » à [A.C.], ou quelque chose à cet effet.

5. Vous avez effectué une recherche au moyen de votre poste de travail mobile et obtenu de l’information sur [A.C.].

6. Vous avez transmis l’information obtenue dans les systèmes d’information électroniques de la GRC à une personne non autorisée, à savoir [A.A.], pour une raison non liée à vos fonctions.

7. Après avoir pris connaissance de l’information obtenue à partir de votre poste de travail mobile, [A.A.] vous a dit qu’il parlerait à [A.C.] pour voir [Traduction] « s’il pourrait lui soutirer de l’argent », ou quelque chose à cet effet.

8. Vous avez plus tard communiqué avec [A.A.] pour savoir ce [Traduction] « qui s’était passé avec l’argent ».

Allégation 3 Le ou entre le 1er juin 2012 et le 31 mai 2013, à [ville caviardée], ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’intimé] s’est comporté d’une manière déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie de la GRC.

Énoncé détaillé de la contravention :

1. À l’époque des faits de cette affaire, vous étiez un membre de la GRC affecté à la Division E, dans la province de la Colombie-Britannique.

2. Le 28 juin 2012, alors que vous étiez en service, vous vous êtes servi d’un véhicule de police pour rencontrer [A.A.] et [A.C.] près du [lieu caviardé], à [ville caviardée], en Colombie-Britannique.

3. Pendant la rencontre, vous avez transmis à [A.A.] des renseignements personnels au sujet d’[A.C.]. Vous étiez au courant de l’intention d’[A.A.] de soutirer illégalement de l’argent à [A.C.].

4. Vous avez utilisé un véhicule de police pour une raison non liée à vos fonctions.

Procédure devant le Comité

a) Décision relative aux allégations

[10]  Le 6 juillet 2016, le Comité a rendu une décision de vive voix sur les allégations à la suite d’une conférence préparatoire et a présenté sa décision écrite le 8 juillet 2016 (l’appel, pages 17 à 19). Le Comité a appliqué le critère de la personne raisonnable et a conclu qu’en fonction des éléments de preuve clairs, convaincants et solides inclus dans les aveux de l’intimé concernant les allégations, les trois allégations étaient fondées, selon la prépondérance des probabilités. Le Comité a cependant souligné l’absence des mots « complot », « extorsion » ou « chantage » dans les deux allégations et dans les aveux de l’intimé. Selon le Comité, même si on s’inquiétait du fait que l’intimé ait pu être impliqué dans un échange d’argent, cela n’a jamais été allégué ni prouvé, et une conclusion sur cet aspect de l’affaire serait moralement inacceptable et pure spéculation. Ainsi, le Comité a indiqué qu’il limitait délibérément ses conclusions d’inconduite à l’utilisation non autorisée d’équipement et d’information et à la divulgation non autorisée de cette information, dans un contexte où l’intimé était au courant de l’intention d’A.A. d’utiliser cette information pour tenter de soutirer de l’argent à A.C.

b) Observation du représentant de l’autorité disciplinaire sur les mesures disciplinaires

[11]  Le 6 décembre 2016, une audience a eu lieu sur les mesures disciplinaires (l’appel, page 19). Lors de cette audience, le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) a fait valoir que les circonstances de l’affaire justifiaient la sanction de congédiement (l’appel, pages 515 à 357). Pour appuyer la mesure de congédiement, le RAD a produit une pièce en preuve d’un antécédent de mesure disciplinaire simple datant de 2013. L’intimé avait alors sciemment fait une déclaration fausse, trompeuse ou inexacte concernant un formulaire rempli par son médecin à l’intention de son supérieur. Le RAD a ensuite invoqué neuf cas de déontologie de la GRC, en faisant valoir qu’on avait imposé le congédiement aux membres qui avaient commis un abus de confiance délibéré semblable. De plus, ayant prévu que l’intimé invoquerait son bon sens moral et son rendement comme facteurs atténuants, le RAD a fait valoir qu’un bon sens moral comprend la capacité de faire face aux difficultés de la vie, et que l’intimé affichait, en fait, un faible rendement. Les facteurs aggravants mentionnés par le RAD sont les suivants :

  1. l’intervention d’un autre service de police;
  2. le manque de confiance de la part du commandant;
  3. l’incident qui a donné lieu à une mesure disciplinaire simple, ce qui indique un sens moral déficient;
  4. la motivation de l’intimé, soit la loyauté envers son ami plutôt qu’envers la Gendarmerie;
  5. le caractère répété des recherches (ce n’était pas un acte isolé);
  6. le fait que l’intimé a sciemment aidé A.A. à frauder A.C.

[12]  Le Comité a mentionné que ce dernier facteur aggravant n’avait pas été détaillé dans l’avis, et l’imposition de mesures disciplinaires pour une inconduite n’ayant fait l’objet d’aucune allégation contreviendrait au principe énoncé par la Cour fédérale du Canada dans l’affaire Gill c. Procureur général du Canada [2006] CF 1106 [Gill], selon lequel un comité d’arbitrage devait respecter la portée des allégations incluses dans l’avis pour rendre ses conclusions. En réponse, le RAD a indiqué qu’il n’était pas d’accord avec cette décision, et a affirmé qu’en tout état de cause, l’intimé était au courant des faits qui lui étaient reprochés et qu’il savait que l’information tirée d’une banque de données qu’il transmettrait à A.A. servirait à soutirer de l’argent à A.C.

c) Observations de la représentante du membre sur les mesures disciplinaires

[13]  La représentante du membre (RM) a soulevé plusieurs arguments relatifs aux facteurs aggravants mentionnés par le RAD (l’appel, pages 358 à 406). La RM a d’abord abordé le dernier facteur aggravant, soit que l’intimé savait qu’il aidait une personne à commettre une fraude. Elle a soutenu que la divulgation non autorisée d’information tirée de banques de données relevait davantage d’une erreur de jugement que d’un abus de confiance, et que la décision sur les allégations limite clairement l’inconduite en cause. Aucune activité criminelle sous-jacente comme la fraude, l’extorsion ou le chantage n’a été alléguée et ne peut donc constituer de fondement pour l’imposition de mesures disciplinaires. La RM a ensuite soutenu que l’intervention d’un autre service de police était minime, que le dossier sur une mesure disciplinaire simple était survenu après les allégations qui font l’objet de la présente procédure et que la perte de confiance du commandant envers l’intimé ne peut être considérée comme un facteur aggravant aux termes du nouveau régime de déontologie puisqu’elle est implicite lorsque le congédiement du membre est demandé.

[14]  La RM a ensuite critiqué la jurisprudence de la GRC soumise par le RAD, indiquant que presque toutes ces affaires remontaient à très loin et portaient sur des inconduites beaucoup plus graves que celle alléguée contre l’intimé.

[15]  Ensuite, tout en reconnaissant le rendement moyen de l’intimé, la RM a mis en évidence que l’intimé avait le potentiel nécessaire pour réussir et a indiqué que son évaluation de rendement découlait d’un retour au travail hâtif après une grave blessure invalidante liée au travail.

[16]  Pour ce qui est des mesures disciplinaires, la RM a laissé entendre que malgré les conclusions du Comité voulant que l’intimé ait adopté une conduite déshonorante, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie, les mesures disciplinaires applicables à une infraction au titre de l’article 4.6 (utilisation non autorisée d’équipement policier) convenaient davantage aux présentes circonstances. Tandis que la sanction imposée dans les cas graves d’utilisation non autorisée d’un véhicule de police est une confiscation d’un à dix jours de solde, l’éventail de mesures disciplinaires pour l’utilisation non autorisée de banques de données policières est quant à lui très large et prévoit la confiscation de la solde si les recherches n’ont pas été effectuées à des fins illégales. La RM a ensuite analysé des cas de la GRC visant des membres qui ont effectué des recherches non autorisées dans les banques de données et divulgué les résultats de ces recherches à des personnes sans lien avec la GRC. La RM a constaté que ces inconduites n’ont pas mené au congédiement de la Gendarmerie. La RM a insisté sur le fait que le congédiement survient habituellement uniquement dans les cas où le membre cherchait à obtenir ou a obtenu un gain personnel. En plus d’insister sur le fait que l’intimé n’a pas cherché à obtenir ni obtenu un gain personnel, la MR a soutenu que les importants facteurs atténuants ci-dessous méritaient d’être pris en considération par le Comité :

  1. L’état psychologique de l’intimé au moment des événements, causé par son accident de la route lié au travail et sa séparation d’avec son épouse.
  2. Le degré de coopération de l’intimé durant l’enquête et les procédures en matière de déontologie, comme en témoigne ses aveux offerts à la première occasion.
  3. Le fait que le dossier de l’intimé ne contient aucun antécédent de mesures disciplinaires.
  4. L’intimé a demandé et reçu des traitements pour son problème.
  5. La lettre de recommandation soulignant le désir de l’intimé d’aider les autres, confirmant qu’il est un membre précieux au sein de la collectivité.
  6. L’inconduite n’est pas représentative de son comportement habituel et les risques qu’il récidive sont très peu probables.

[17]  Selon la RM, les mesures disciplinaires à imposer à l’intimé devraient consister en un avertissement doublé d’une confiscation de solde de 15 jours de travail et d’une confiscation de 15 jours de congé annuel. La RM a expliqué qu’elle a suggéré que la confiscation vise les congés annuels de façon à réduire au minimum les répercussions financières sur l’intimé, qui doit verser une pension alimentaire chaque mois.

d) La réfutation des mesures disciplinaires par le RAD

[18]  Dans sa réfutation, le RAD a expliqué que même si les cas qu’il a présentés mettaient en cause des inconduites plus graves que celle alléguée contre l’intimé, ils sont tout de même pertinents puisqu’ils démontrent comment la perte de confiance du commandant divisionnaire mène à la répudiation du contrat de travail (l’appel, pages 407 à 413). De plus, le RAD a indiqué que même si les cas sont désuets, les principes qu’ils comprennent sont toujours valides. À la suite d’un échange avec la RM au sujet de la participation d’un autre service de police dans l’affaire en cause, le RAD a admis qu’il s’était trompé quant au degré de participation de ce service.

[19]  Le RAD a également soulevé plusieurs arguments pour contrer les observations de la RM sur les mesures disciplinaires. Premièrement, le RAD a affirmé que peu d’importance devait être accordée aux cas que la RM a présentés puisque les mesures disciplinaires découlaient d’une proposition conjointe sur la sanction. Deuxièmement, le RAD a soutenu que contrairement à l’assertion de la RM, l’intimé cherchait à obtenir un gain personnel, soit le maintien d’une amitié avec A.A. Troisièmement, le RAD a soulevé la question du rapport médical de l’intimé, qui manquerait d’explication ou d’éléments probants sur l’amélioration constatée de son état. Selon le RAD, l’information dans le rapport médical est intéressée et profite à l’intimé pour tenter de justifier la nature de son comportement.

e) Décision sur les mesures disciplinaires

[20]  Dans une décision écrite rendue le 27 février 2017 (l’appel, pages 13 à 32), le Comité a d’abord examiné le cadre en trois étapes utilisé pour l’analyse des mesures disciplinaires appropriées. La première étape consiste à déterminer l’éventail des mesures appropriées. La deuxième étape consiste à tenir compte des facteurs aggravants et atténuants, et la troisième étape consiste à sélectionner des mesures disciplinaires justes et équitables, qui correspondent à la gravité de l’inconduite en cause. Le Comité a examiné les différences entre l’ancien régime disciplinaire et le régime de déontologie actuel, et a fait remarquer que le régime actuel accorde aux comités disciplinaires une autorité accrue et plus de flexibilité pour imposer des conséquences financières importantes. Le Comité a toutefois indiqué que, selon le Guide des mesures disciplinaires, si l’on envisage la confiscation de la solde pour environ 45 jours de travail, il faudrait envisager sérieusement le congédiement.

[21]  Le Comité a ensuite étudié la jurisprudence soumise par les deux parties et a fait remarquer que tandis que le RAD soumettait des cas largement désuets qui ne mettaient pas en évidence une sensibilité institutionnelle actuelle à l’égard de la protection de la vie privée, la RM présentait des cas incluant une proposition conjointe sur une sanction pour laquelle le congédiement n’était de toute évidence pas demandé. Par conséquent, le Comité a remis en question la valeur jurisprudentielle de ces cas. Malgré cela, lors de son examen de jurisprudence, le Comité a conclu que le congédiement semblait être une possibilité uniquement dans les cas les plus sérieux et extrêmes. Le Comité a reconnu que les actes de l’intimé étaient irresponsables et négligents, et qu’ils équivalaient à une inconduite grave, mais qu’en raison de l’absence d’allégations de chantage, de fraude et d’extorsion et du fait que l’intimé n’a pas cherché à obtenir ou obtenu un gain personnel, l’éventail des sanctions applicables pour ce type d’inconduite ne mène pas au congédiement.

[22]  Compte tenu des facteurs aggravants et atténuants dans cette affaire, le Comité a conclu que le facteur aggravant le plus important était le fait que l’intimé avait effectué plus d’une recherche. Cependant, le Comité a soutenu que les autres facteurs aggravants invoqués par le RAD n’avaient pas la même incidence pour diverses raisons. Le Comité a d’abord expliqué que la participation d’un autre service de police était très limitée puisque ce service n’était qu’indirectement au courant de la tenue d’une enquête interne de la GRC. Par conséquent, selon le Comité, ce facteur seul ne suffisait pas à conclure que l’intimé a terni la réputation de la GRC. Ensuite, le Comité a jugé que le facteur aggravant associé à la perte de confiance du commandant divisionnaire envers l’intimé constituait une tautologie, puisque cela était déjà sous-entendu. En effet, conformément au régime de déontologie actuel, les procédures en matière de déontologie ne s’appliquent qu’aux cas où le congédiement est demandé. Finalement, le Comité a déterminé que la mesure disciplinaire simple prise à l’endroit de l’intimé pouvait uniquement être considérée comme une réfutation de son bon sens moral et qu’elle ne pouvait constituer un facteur aggravant puisque l’incident est survenu après les événements en cause dans la présente affaire. Le Comité a conclu que les facteurs atténuants ci-dessous étaient importants :

  1. Les circonstances sous-jacentes au comportement de l’intimé au moment des événements : le grave accident de la route de l’intimé lors de sa première année de service au sein de la Gendarmerie, qui lui a causé des blessures psychologiques et physiologiques importantes ainsi que la dissolution de son mariage et la perte de son domicile.
  2. L’intimé a fait plusieurs recherches, mais celles-ci ne s’inscrivaient pas dans un plan d’activités.
  3. L’intimé a assumé la responsabilité de ses actes et a collaboré avec les enquêteurs internes pour accélérer le processus en matière de déontologie.
  4. L’intimé éprouvait des remords et s’est excusé.
  5. L’intimé a demandé et reçu un traitement pour son problème qui a contribué à son manque de jugement.

[23]  Après avoir examiné les contraventions établies, le matériel et les observations, la jurisprudence pertinente, les facteurs aggravants et atténuants ainsi que le Guide des mesures disciplinaires, le Comité a expliqué dans ses observations finales que de nombreux changements d’attitude sont survenus en matière de discipline au sein de la Gendarmerie depuis le temps où les questions disciplinaires étaient jugées devant le Tribunal de service. Le Comité prend soin de souligner que la Gendarmerie est effectivement une institution qui favorise la réinsertion et que lorsque les membres assument la responsabilité de leurs actes et que leur inconduite n’est pas suffisamment grave pour justifier le congédiement, [Traduction] « la Gendarmerie est prête à en faire beaucoup pour les aider dans leur démarche de réinsertion » (l’appel, p 31). Cela dit, le Comité a imposé les mesures disciplinaires suivantes :

  1. Pour chacune des allégations, un avertissement.
  2. Pour chacune des allégations, la confiscation de cinq jours de solde et de cinq jours de congé annuel.

APPEL

[24]  Le 7 mars 2017, l’appelant a présenté une déclaration d’appel (formulaire 6437f) au Bureau de la coordination des griefs et des appels, alléguant que la décision du Comité sur la sanction avait été prise d’une façon qui contrevenait aux principes de l’équité procédurale et qu’elle reposait sur une erreur de droit et était manifestement déraisonnable (l’appel, pages 3 et 4). L’appelant demande le congédiement de l’intimé ou que l’intimé reçoive l’ordre de démissionner de la Gendarmerie dans un délai de 14 jours.

[25]  L’appelant a soulevé trois motifs d’appel (l’appel, pages 10 à 12) :

  1. Le Comité n’a pas correctement évalué la nature flagrante des allégations étant donné que l’intimé était au courant de l’intention d’A.A. lorsque ce dernier lui a demandé de l’information;
  2. Le Comité s’est contredit dans sa décision et n’a manifestement pas accepté ses propres conclusions sur les allégations;
  3. Le Comité n’a pas tenu compte de la perception qu’aurait une personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier.

COMITÉ EXTERNE D’EXAMEN

[26]  Le premier motif d’appel remettait en question l’incapacité du Comité d’évaluer adéquatement la nature flagrante des allégations concernant la connaissance dont avait l’intimé de l’intention d’A.A. lorsqu’il lui a demandé de l’information. À ce sujet, le CEE n’a relevé aucune erreur manifeste ou déterminante. Le CEE a soutenu que le Comité a manifestement tenu compte de la nature flagrante de l’inconduite et a indiqué que bien que celle-ci était grave, le manque de preuve présentée sur la mesure des connaissances de l’intimé quant aux intentions d’A.A. et sur toute allégation relative à un complot limitait sa capacité de tirer une conclusion allant au-delà de la portée des allégations décrites dans l’avis. Après avoir appliqué la norme de contrôle appropriée, le CEE a conclu que le désaccord de l’appelant avec la conclusion du Comité ne suffisait pas à démontrer l’existence d’une erreur manifeste ou dominante.

[27]  Le deuxième motif d’appel de l’appelant concernait l’application des conclusions du Comité sur les allégations pour prendre une décision sur les mesures disciplinaires à imposer. Le CEE a conclu que, contrairement à la position de l’appelant, le Comité ne s’est pas contredit. Selon le CEE, bien que le Comité ait conclu à l’étape des allégations que l’intimé savait qu’A.A. comptait soutirer de l’argent à A.C., la mesure de ce savoir n’a jamais été détaillée. Par conséquent, le CEE a jugé que la conclusion du Comité à l’étape des mesures disciplinaires, à savoir que l’intimé n’était pas au courant de ce qu’A.A. comptait faire de l’information obtenue, n’est pas incompatible avec la conclusion que l’intimé savait qu’A.A. voulait soutirer de l’argent à A.C.

[28]  En ce qui concerne le troisième motif d’appel visant la détermination des mesures disciplinaires par le Comité, le CEE partage l’avis de l’intimé. Le cadre juridique soumis par l’appelant est celui utilisé pour décider si une allégation au titre de l’article 7.1 du code de déontologie est fondée. Ce cadre ne s’applique pas à la détermination des mesures disciplinaires. Le CEE a conclu que le Comité a appliqué le bon processus en trois parties pour examiner les mesures disciplinaires.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Norme de contrôle applicable

[29]  Pour traiter correctement les motifs d’appel soulevés par l’appelant, il faut d’abord définir la ou les normes en fonction desquelles les motifs doivent être évalués.

[30]  Le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289 [CC (griefs et appels)] fournissent les principes directeurs à respecter lors d’appels en matière de déontologie :

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[31]  La présente affaire concerne un appel interjeté contre les mesures disciplinaires imposées à l’intimé par le Comité. Je reconnais qu’une décision sur une sanction doit être traitée avec une grande déférence en raison de la position avantageuse dont profite un comité de déontologie pour évaluer tous les éléments de preuve en tant que tribunal de première instance. Un ancien commissaire a affirmé lorsque l’ancien régime disciplinaire était en vigueur qu’il modifierait une peine en appel si celle-ci ((2011), 8 D.A. (4e); D-115) :

[44] […] ne tenait pas compte de tous les éléments pertinents (dont d’importants facteurs atténuants), si elle prenait en considération des facteurs aggravants non pertinents, si elle mettait en évidence une erreur manifeste de principe, si elle s’avérait manifestement disproportionnée par rapport au comportement et à la peine imposée dans d’autres cas de même nature ou si elle créait une injustice.

[32]  Dans le cas présent, la question consiste à savoir si le Comité a commis une erreur dans son évaluation de la nature flagrante des allégations lorsqu’il a examiné les mesures disciplinaires, et s’il a omis d’appliquer ses propres conclusions sur les allégations ou s’il a appliqué le mauvais cadre juridique. À l’instar du CEE, je suis d’avis que les deux premiers motifs d’appel mettent en cause des conclusions de fait ou des conclusions mixtes de fait et de droit, et que le troisième motif concerne une erreur de droit. Je remarque également qu’en fin de compte, l’appelant n’a pas présenté des arguments concernant la question de l’équité procédurale, comme il l’avait initialement indiqué dans le formulaire 6437f (l’appel, page 3). Étant donné le manque d’arguments, auquel s’ajoute, selon moi, l’absence de tout élément dans le dossier portant à croire que la décision du Comité a été prise d’une façon qui contrevenait aux principes applicables d’équité procédurale, mon analyse portera sur les arguments invoqués par l’appelant.

[33]  La Cour suprême du Canada a renouvelé l’examen de la norme de contrôle dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov). Pour les besoins de la présente affaire, je constate que la Cour a confirmé que les normes de contrôle établies par voie législative doivent être respectées (Vavilov, paragraphes 34 et 35), et que la majorité d’entre elles faisaient la distinction entre les démarches à adopter dans le cadre d’un appel prévu par la loi et lors d’un contrôle judiciaire des décisions administratives (Vavilov, paragraphes 36 à 45).

[34]  Le terme « manifestement déraisonnable » employé au paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels) décrit la norme de contrôle qu’il faut appliquer aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit. Dans l’arrêt Kalkat c. Canada (Procureur général), 2017 CF 794, la Cour fédérale a considéré comme suit le terme « nettement déraisonnable » :

[62] Par conséquent, étant donné qu’il est expressément indiqué que la décision doit être « nettement déraisonnable » et prenant en compte la traduction de l’expression, je conclus que le Délégué n’a commis aucune erreur. Il est raisonnable d’interpréter la norme de la décision « nettement déraisonnable » comme si elle équivalait à la norme de la décision « manifestement déraisonnable » dans le contexte du plan législatif et sur celui des principes. Il s’ensuit que le Délégué doit faire preuve de retenue à l’égard d’une conclusion par l’autorité disciplinaire lorsqu’il estime simplement que la preuve est insuffisante pour étayer la conclusion (Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal) c. Fraser Health Authority, 2016 CSC 25).

[35]  Dans l’affaire Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 RCS 748, au paragraphe 57, la Cour suprême a expliqué que la différence entre «déraisonnable» et «manifestement déraisonnable» réside dans le « caractère flagrant ou évident du défaut » et que bien qu’une décision soit manifestement déraisonnable « si le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal », un « examen ou une analyse en profondeur » pouvait être requis pour déceler un défaut dans une décision déraisonnable. Je dois ainsi faire preuve d’un degré élevé de déférence lors de l’examen des deux premiers motifs d’appel de l’appelant, et seule une erreur manifeste ou déterminante justifierait que je modifie la décision du Comité.

[36]  Dans le contexte du régime d’appel de la GRC en matière de déontologie, j’admets qu’une erreur de droit est contrôlée selon la norme de la décision correcte, ce qui ne nécessite aucune déférence. (Vavilov, au paragraphe 37; Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 RCS, au paragraphe 8).

ANALYSE

1. Le Comité a-t-il mal évalué la nature flagrante des allégations?

[37]  L’appelant soutient que le Comité a omis d’accorder suffisamment d’importance au fait que l’intimé était au courant de l’intention d’A.A. d’extorquer A.C. (l’appel, page 10). L’appelant insiste sur les circonstances de l’interaction entre l’intimé et A.A., et plus particulièrement sur le fait qu’A.A. a clairement donné la directive à l’intimé de faire une recherche sur A.C. pour voir s’ils pouvaient lui soutirer de l’argent. L’appelant est d’avis que cette demande aurait dû alerter l’intimé, un policier d’expérience, et que ce dernier aurait dû savoir qu’il contribuait à extorquer A.C. Selon l’appelant, la question du gain personnel n’est pas pertinente puisque même si l’intimé était conscient du but de la recherche, il a obtenu et divulgué de l’information qu’il était tenu de protéger (l’appel, page 11). Sur ce point, l’appelant mentionne les serments que l’intimé a prêtés et les documents qu’il a signés lorsqu’il est devenu membre de la Gendarmerie.

[38]  L’intimé soutient que l’appelant tente de réitérer les arguments présentés durant l’audience disciplinaire et précise que puisque le présent appel n’est pas une audience de novo, ces arguments devraient être écartés (l’appel, page 93). Selon l’intimé, le Comité a tenu compte de la nature flagrante de l’inconduite, mais a conclu que bien que celle-ci était grave, elle ne justifiait pas le congédiement (l’appel, page 94). L’intimé a également fait valoir que l’affirmation de l’appelant quant à sa connaissance de l’intention d’A.A. d’extorquer illégalement A.C. n’a pas été corroborée par les éléments de preuve testimoniaux et que, par conséquent, cette affirmation demeure hypothétique (l’appel, page 95). L’intimé souligne que les allégations sont de nature disciplinaire et ne sont ni illégales ni contraires à la loi.

[39]  Lorsqu’il a évalué les allégations, le Comité a adéquatement établi les critères applicables pour conclure qu’il y avait bien infraction au titre de l’article 7.1 du code de déontologie. Le premier critère consistait à confirmer l’identité du membre. Le deuxième critère consistait à déterminer au moyen d’une preuve claire, convaincante et solide, selon la prépondérance des probabilités, si les faits allégués avaient réellement eu lieu. Le troisième critère consistait à appliquer le critère de la personne raisonnable, à savoir comment une personne raisonnable dans la société, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités du travail policier en général et du travail à la GRC en particulier, jugerait la conduite du membre. À cet égard, le Comité a conclu qu’une personne raisonnable jugerait que l’utilisation non autorisée des banques de données policières et des véhicules de police constitue une conduite déshonorante (l’appel, page 18).

[40]  En ce qui concerne la raison qui a motivé l’intimé à utiliser l’information de façon inappropriée, le Comité reconnaît qu’il était mentionné dans chacune des trois allégations, que l’intimé était au courant, dans une certaine mesure, du but de l’information cherchée, et qu’on s’inquiétait du fait que l’intimé ait pu être impliqué dans un complot avec A.A. afin de soumettre A.C. à une forme de chantage ou d’extorsion. Le Comité a cependant précisé qu’il « n’existait aucun détail sur la façon dont A.A. comptait soutirer de l’argent à A.C. ni comment [l’intimé] a pris connaissance de cette information » (l’appel, page 18). Dans le même ordre d’idée, le Comité a remarqué que les termes « complot », « extorsion » et « chantage » ne sont jamais allégués, prouvés ou admis et que les allusions contenues dans les allégations, en plus des aveux de l’intimé, ne pourraient être le fondement d’une spéculation (l’appel, page 19). Bien que le Comité ait reconnu la gravité de l’inconduite, la conclusion se limitait aux allégations telles qu’elles étaient formulées, soit l’utilisation non autorisée d’équipement et d’information et la divulgation non autorisée de cette information, « et ce dans le contexte où [l’intimé] était au courant de l’intention d’A.A. d’utiliser cette information pour soutirer de l’argent à A.C. » (l’appel, page 19).

[41]  À l’étape des mesures disciplinaires, le Comité a interrogé le RAD sur le facteur aggravant énoncé voulant que l’intimé ait sciemment aidé A.A. à commettre une fraude à l’endroit d’A.C., malgré le manque de détails sur cette fin illégale (l’appel, pages 23 et 349). À l’instar du CEE, je relève qu’en réponse à cette question, le RAD a souligné que l’intimé s’est montré loyal envers son ami plutôt qu’envers la Gendarmerie en donnant à son ami de l’information qui, comme il le savait, serait utilisée pour soutirer de l’argent (l’appel, page 356) (sic) :

Faites appel à un avocat, a dit [l’intimé]. Retenez les services d’un bon avocat. Il savait malgré tout que l’argent serait remis à son ami. Que ce soit fait illégalement ou que son ami ait été un parajuriste qui allait se présenter en cour et qu’il voulait l’aider, le point à retenir est qu’il n’aurait pas dû se montrer loyal envers son ami, A.A., un collègue, même si ce dernier l’a aidé à traverser des moments difficiles, des moments qui, d’après ce que j’en comprends, ont pu être difficiles, et qu’il avait besoin de soutien et vivait avec lui. [Traduction]

[42]  Dans ses observations en appel, l’appelant soutient que le Comité n’a pas accordé suffisamment d’importance au fait que l’intimé était au courant des intentions d’A.A. d’extorquer illégalement A.C. À mon avis, la décision du Comité et la transcription d’audience démontrent clairement que la question a été examinée et évaluée attentivement. Une vérification a également été faite auprès du RAD. Le Comité a conclu qu’il serait illégal et contraire aux principes énoncés par la Cour fédérale dans la décision Gill d’imposer des mesures disciplinaires pour une inconduite qui n’a été ni alléguée, ni prouvée. Le Comité a également indiqué que le congédiement n’est envisagé que pour les cas les plus sérieux et extrêmes et qu’étant donné l’absence d’éléments de preuve clairs, convaincants et solides de l’existence d’un complot pour faire du chantage ou de l’extorsion ou pour commettre une fraude, le cas présent ne correspondait pas à cette catégorie (l’appel, page 29). Après avoir examiné l’information sur laquelle le Comité a fondé sa décision, je suis convaincue que le dossier soutient la conclusion du Comité, à savoir que la mesure de la connaissance de l’intimé au sujet de la tentative d’A.A. de soutirer de l’argent à A.C. n’a simplement pas été établie. Par conséquent, à l’instar du CEE, je conclus que le Comité n’a commis aucune erreur manifeste ou déterminante pour arriver à sa conclusion.

2. Le Comité s’est-il contredit dans sa décision et a-t-il manifestement omis de tenir compte de ses propres conclusions sur les allégations lorsqu’il a délibéré de la sanction?

[43]  L’appelant maintient que le Comité s’est contredit à l’étape des mesures disciplinaires en ne tenant pas compte de ses propres conclusions sur les allégations afin d’imposer une sanction moindre (l’appel, pages 11 et 12). L’appelant explique que même si le Comité a conclu, dans les allégations, que l’intimé savait qu’il était impliqué dans une activité illégale avec A.A., il a conclu à l’étape des mesures disciplinaires qu’il n’existait aucune preuve que l’intimé savait ce qu’A.A. ferait de l’information fournie. Les extraits contestés de la décision du Comité sont les suivants :

Étape des allégations :

[15] En fait, il est fait allusion du véritable motif de l’utilisation non autorisée de l’équipement et de l’information dans les trois allégations : dans l’allégation 1, « faire des recherches sur le gars pour voir si on peut avoir de l’argent », dans l’allégation 2, « ce qui s’était passé avec l’argent » et dans l’allégation 3, [l’intimé] admet qu’il était au courant de l’intention d’A.A. de soutirer illégalement de l’argent à A.C., mais rien n’indique de quelle façon A.A. prévoyait s’y prendre pour soutirer de l’argent à A.C. ou de quelle façon [l’intimé] a été mis au courant de ce projet. Malgré cela, une personne raisonnable n’hésiterait pas à conclure que le contexte sous-jacent de l’utilisation non autorisée des banques de données et du véhicule par [l’intimé] est scandaleux et jette le discrédit sur la GRC.

[19] Je limite délibérément l’inconduite à l’utilisation non autorisée d’équipement et d’information et à la divulgation non autorisée de cette information dans un contexte où [l’intimé] était au courant de l’intention d’A.A. d’utiliser cette information pour tenter de soutirer de l’argent à A.C.

Étape des mesures disciplinaires :

[75] [L’intimé], tout au long de l’enquête et de la procédure en matière de déontologie, a toujours affirmé ne pas savoir ce qu’A.A. prévoyait faire avec l’information qu’il lui a fournie. Rien ne prouve le contraire. Au pire, alors, j’estime que [l’intimé] a été irresponsable ou négligent avec l’information tirée des banques de données, ce qui confère un caractère grave à l’inconduite. La protection de la vie privée est de plus en plus importante, et il est dans l’intérêt de la Gendarmerie de prendre fermement position sur l’administration de l’information contenue dans ses banques de données.

[44]  L’intimé soutient que l’appelant essaie encore de réitérer les arguments qui ont été présentés au Comité (l’appel, page 95). L’intimé est en désaccord avec l’interprétation de l’appelant et prétend qu’il n’y a pas de contradiction entre la conclusion du Comité sur la connaissance de l’intimé au sujet de l’intention d’A.A. d’utiliser l’information pour essayer de soutirer de l’argent à A.C. et son incapacité à conclure que l’intimé était sciemment impliqué dans une activité illégale (l’appel, page 96).

[45]  À l’instar du CEE, je conclus que les deux conclusions du Comité ne sont pas inconciliables (rapport, paragraphe 91). À l’étape des allégations, le Comité a reconnu que chacune des trois allégations faisait allusion à la « véritable raison motivant l’utilisation inappropriée de l’équipement et de l’information », plus précisément à la connaissance qu’avait l’intimé de l’intention d’A.A. d’utiliser l’information fournie pour essayer de soutirer de l’argent à A.C. (l’appel, pages 18 et 19). Cependant, le Comité a également mentionné les limites claires établies entourant l’inconduite dont il fallait tenir compte pour imposer les mesures disciplinaires. Le Comité a expliqué que même si on s’inquiétait du fait que l’intimé ait pu être impliqué dans un complot avec A.A. afin de soumettre A.C. à une forme de chantage ou d’extorsion grâce à l’information obtenue, les allégations ne donnaient pas les détails nécessaires à cet effet pour tirer une telle conclusion (l’appel, page 19) :

[18] Il est crucial que les mots « complot », « extorsion » ou « chantage » n’apparaissent nulle part dans les allégations ni dans les aveux de [l’intimé]. Les détails des interactions entre A.A. et A.C. ne sont jamais expliqués, ni la mesure dans laquelle [l’intimé] connaissait ces détails. Les aveux de [l’intimé] ne peuvent pas être le fondement d’une spéculation. Si on allègue une inconduite extrêmement grave, il faut expliquer clairement la nature précise de cette inconduite dans l’avis. Tout membre nommé dans un avis doit être informé de l’affaire qui le concerne. Il serait mal venu, moralement et légalement, de sanctionner une inconduite qui n’a jamais été alléguée.

[46]  À l’étape des mesures disciplinaires, le Comité a réitéré l’absence de détails et a confirmé qu’il serait contraire à Gill d’imposer des mesures disciplinaires pour une inconduite ni alléguée ni prouvée (l’appel, page 23). Le Comité a reconnu que l’intimé était cohérent lorsqu’il affirmait ne pas savoir ce qu’A.A. comptait faire de l’information et qu’il ne disposait d’aucune preuve indiquant le contraire. Je reconnais que la différence est importante entre le fait de savoir que l’information sera utilisée pour soutirer de l’argent et de connaître les détails sur la façon dont cet argent sera soutiré. Aucune preuve n’a été présentée pour corroborer cette deuxième mesure de connaissance des détails. Reconnaissant l’importance de la déférence dont il faut faire preuve lors de l’examen, je conclus que le Comité n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante lorsqu’il a appliqué ses conclusions sur les allégations à son raisonnement sur l’imposition des mesures disciplinaires.

3. Le Comité devait-il tenir compte du critère de la personne raisonnable lorsqu’il a examiné les mesures disciplinaires?

[47]  L’appelant affirme qu’une personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et du travail à la GRC en particulier, jugerait que la conduite de l’intimé n’est pas la conduite attendue d’un membre de la Gendarmerie (l’appel, page 12). L’appelant prétend que le Comité n’a pas respecté la norme professionnelle élevée que les membres sont tenus de respecter. Il ajoute que puisqu’il a été déterminé que l’intimé manquait d’intégrité, ce dernier n’était pas apte à demeurer membre.

[48]  En réponse, l’intimé soutient que le critère de la personne raisonnable invoqué par l’appelant est la norme applicable pour établir une allégation au titre de l’article 7.1 du code de déontologie, et non la norme pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées (l’appel, page 96). Selon l’intimé, si l’argument concerne les allégations, il est sans importance puisque les allégations ont déjà été établies. Toutefois, l’intimé précise que si l’argument concerne l’imposition des mesures disciplinaires, rien n’étaye l’assertion de l’appelant voulant qu’il ait été établi que l’intimé « manquait d’intégrité et n’était pas apte à demeurer membre » (l’appel, page 96).

[49]  À l’instar du CEE, je conviens qu’il est difficile de savoir si l’appelant fait valoir que le Comité a omis de tenir compte du critère de la personne raisonnable en tant que facteur aggravant ou s’il prétend que le Comité n’a pas appliqué le bon cadre pour examiner les mesures disciplinaires appropriées (rapport, paragraphe 96). Puisqu’il s’agit d’un appel de la décision relative aux mesures disciplinaires et que l’appelant ne mentionne pas explicitement que ce motif d’appel vise l’évaluation des facteurs aggravants par le Comité, je supposerai, comme l’a fait le CEE, que cet argument concerne les mesures disciplinaires.

[50]  Le Comité a expliqué que le processus approprié pour déterminer les mesures disciplinaires à imposer comprend les trois étapes suivantes : premièrement, il faut établir l’éventail des mesures disciplinaires à examiner; deuxièmement, il faut définir les facteurs aggravants et atténuants, et troisièmement, il faut choisir des mesures disciplinaires qui sont justes et équitables et qui reflètent de façon appropriée la gravité de l’inconduite (l’appel, page 27). Après avoir établi le cadre juridique adéquat, le Comité a comparé l’ancienne Loi sur la GRC avec la législation actuelle et a examiné le Guide des mesures disciplinaires. Le Comité a reconnu que, bien que dans l’ancien régime disciplinaire de la GRC la confiscation maximale possible pour un avis simple était de dix jours de solde, une telle restriction quant au nombre total de jours de confiscation de solde pouvant être imposés par un comité de déontologie n’existe plus. Ensuite, le Comité a examiné la jurisprudence soumise par les parties et a jugé que le congédiement était une possibilité, mais uniquement dans les cas les plus graves et extrêmes (l’appel, page 29). Le Comité a ensuite défini les facteurs aggravants et atténuants et imposé les mesures disciplinaires qu’il jugeait appropriées pour chacune des allégations. Je conclus que le Comité a appliqué le bon cadre juridique.

[51]  Je suis également d’accord avec l’intimé et le CEE en ce qui a trait au critère de la personne raisonnable. Ce critère, tel qu’il est décrit par l’appelant, est le critère qui permet de déterminer si une allégation au titre de l’article 7.1 du code de déontologie est fondée. Comme le CEE l’a expliqué, ce critère exige que la conduite, et non la mesure disciplinaire, soit évaluée en fonction des attentes raisonnables de la collectivité (rapport, paragraphe 97). Le Comité a appliqué ce critère pour examiner si les allégations étaient fondées (l’appel, pages 17 et 18).

[52]  En résumé, le Comité n’a pas commis d’erreur de droit en n’appliquant pas le critère de la personne raisonnable pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées.

DÉCISION

[53]  L’appelant n’a pas établi que le Comité a commis quelque erreur que ce soit donnant lieu à examen lors de l’imposition des mesures disciplinaires dans cette affaire.

[54]  Je rejette l’appel et je confirme la décision du Comité.

 

 

9 septembre 2020

Brenda Lucki

Commissaire

 

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