Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

La gendarme Roesler a reçu un Avis d’audience disciplinaire contenant une allégation d’infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC pour avoir pointé son arme en direction d’un autre membre de la GRC pendant qu’elle était à son détachement.
L’audience disciplinaire dans cette affaire a été entreprise par des demandes écrites quand le Comité de déontologie a déterminé que le dossier suffisait à démontrer les constatations sur l’allégation.
Le 17 avril 2020, le Comité de déontologie a annoncé de vive voix une décision dans laquelle il a été déterminé que l’allégation était fondée. Le 18 juin 2020, après avoir reçu les demandes écrites des deux parties, le Comité de déontologie a annoncé sa décision sur les mesures disciplinaires. Le Comité de déontologie impose les mesures disciplinaires suivantes :
a. Une sanction financière consistant en la confiscation de 15 jours de la solde de la gendarme Roesler
b. Une mutation à un autre lieu de travail, à effectuer en respect des besoins opérationnels de la Division
c. Une obligation à travailler sous une surveillance étroite pour une période d’au plus une année
d. Recevoir des services de thérapie dans le cadre d’un plan de soins approuvé par le médecin-chef de sa division

Contenu de la décision

Protégé A

2020 DAD 13

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

dans l’affaire d’une

audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre

la surintendante principale Marlene Bzdel

Autorité disciplinaire désignée, Division E

Autorité disciplinaire

et

la gendarme Kristine Roesler

numéro de matricule 62627

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

l’inspecteur Colin Miller

27 juillet 2020

le sergent d’état-major Jonathon Hart, représentant de l’autorité disciplinaire

M. Daniel Pinsky et Mme Sabine Georges, représentants du membre visé (étape de l’allégation)

M. David Butcher, représentant du membre visé (étape des mesures disciplinaires)


Table des matières

RÉSUMÉ  3

INTRODUCTION  4

Objection du représentant de l’autorité disciplinaire quant à la tenue de l’audience par le biais de demandes écrites seulement  6

ALLÉGATION  8

Décision à propos de l’allégation  9

Est-ce que les gestes sont prouvés?  9

Est-ce que l’identité du membre a été bien établie?  14

Est-ce que la conduite de la gendarme Roesler était déshonorante?  14

Est-ce que la conduite de la gendarme Roesler est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour que la GRC ait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit?  15

Conclusion  16

MESURES DISCIPLINAIRES  16

Facteurs aggravants  19

Facteurs atténuants  21

Conclusions  22

 

RÉSUMÉ

La gendarme Roesler a reçu un Avis d’audience disciplinaire contenant une allégation d’infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC pour avoir pointé son arme en direction d’un autre membre de la GRC pendant qu’elle était à son détachement.

L’audience disciplinaire dans cette affaire a été entreprise par des demandes écrites quand le Comité de déontologie a déterminé que le dossier suffisait à démontrer les constatations sur l’allégation.

Le 17 avril 2020, le Comité de déontologie a annoncé de vive voix une décision dans laquelle il a été déterminé que l’allégation était fondée. Le 18 juin 2020, après avoir reçu les demandes écrites des deux parties, le Comité de déontologie a annoncé sa décision sur les mesures disciplinaires. Le Comité de déontologie impose les mesures disciplinaires suivantes :

  1. Une sanction financière consistant en la confiscation de 15 jours de la solde de la gendarme Roesler
  2. Une mutation à un autre lieu de travail, à effectuer en respect des besoins opérationnels de la Division
  3. Une obligation à travailler sous une surveillance étroite pour une période d’au plus une année
  4. Recevoir des services de thérapie dans le cadre d’un plan de soins approuvé par le médecin-chef de sa division

INTRODUCTION

[1]  L’incident allégué dans cette affaire s’est déroulé dans les environs du 6 mars 2019quand la gendarme Kristine Roesler travaillait à titre de membre aux services généraux au détachement de Kelowna, en Colombie-Britannique. Conformément au paragraphe 40(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC], une enquête sur les agissements de la gendarme Roesler a été lancée le 21 mars 2019.

[2]  Le 5 novembre 2019, l’autorité disciplinaire désignée pour la Division E a signé l’avis à l’officier désigné, dans lequel elle demande que soit amorcée une audience disciplinaire dans cette affaire. J’ai été désignée Comité de déontologie le 12 novembre 2019, au titre du paragraphe 43(1) de la Loi sur la GRC.

[3]  L’avis d’audience disciplinaire a été signé par l’autorité disciplinaire le 19 novembre 2019. L’avis a été signifié à la gendarme Roesler le 27 novembre 2019, et le dossier d’enquête lui a été remis au même moment.

[4]  La gendarme Roesler a fourni sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, le 24 janvier 2020. Elle reconnaît l’allégation, mais conteste certains des détails. Sa réponse était accompagnée d’un document intitulé « ANNEXE “A” Déclaration de la gendarme Kristine Roesler ».

[5]  Le 29 janvier 2020, à la suite d’une conférence préparatoire à l’audience, j’ai remis un compte-rendu de la rencontre aux parties. Le compte-rendu comprenait une entente que l’audience disciplinaire aurait lieu à Kelowna, en Colombie-Britannique, à partir du 7 avril 2020.

[6]  Le 4 février 2020, après avoir examiné le dossier plus en détail, j’ai informé les parties que j’aurais besoin de présentations écrites de leur part. J’ai invité les parties à suggérer des dates d’échéance pour la remise de leurs présentations.

[7]  Le 16 mars 2020, j’ai reçu les observations sur l’allégation de la part du représentant de l’autorité disciplinaire. Le 31 mars 2020, j’ai reçu la réponse du représentant du membre visé aux observations du représentant de l’autorité disciplinaire. Le 7 avril 2020, j’ai reçu la réfutation du représentant de l’autorité disciplinaire.

[8]  Le 17 avril 2020, j’ai annoncé de vive voix une décision dans laquelle j’ai déterminé que l’allégation était fondée.

[9]  Le 23 avril 2020, on m’a informé que la gendarme Roesler changeait son représentant pour la phase de l’audience axée sur les mesures disciplinaires.

[10]  Le 4 juin 2020, j’ai reçu les observations écrites sur les mesures disciplinaires de la part du représentant de l’autorité disciplinaire. Le 9 juin 2020, j’ai reçu les observations sur les mesures disciplinaires de la part du représentant du membre visé. Le 12 juin 2020, j’ai reçu la réfutation du représentant de l’autorité disciplinaire.

[11]  Le 18 juin 2020, j’ai rendu ma décision de vive voix à propos des mesures disciplinaires. La présente décision écrite intègre et approfondit cette décision rendue de vive voix.

Objection du représentant de l’autorité disciplinaire quant à la tenue de l’audience par le biais de demandes écrites seulement

[12]  Le 31 janvier 2020, après avoir informé les parties par courriel que je jugeais être en mesure de régler cette affaire au moyen de demandes écrites, tant pour l’allégation que pour les mesures disciplinaires, j’ai reçu une objection de la part du représentant de l’autorité disciplinaire.

[13]  Il affirmait que les preuves que j’avais reçues étaient contradictoires quant à l’orientation de l’arme à feu de la gendarme Roesler par rapport au gendarme Hess. Le représentant de l’autorité disciplinaire estimait que les faits concrets dans cette affaire ne pouvaient pas être décrits adéquatement si on se limitait à des présentations écrites. Il disait que l’affaire ne pouvait être réglée que par une audience formelle dans laquelle les deux participants sont appelés à témoigner et peuvent être soumis à un contre-interrogatoire devant un comité de déontologie.

[14]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a aussi des objections sur l’interprétation faite par le représentant du membre visé de mes commentaires au début de la conférence préparatoire à l’audience, exprimée par courriel. Le représentant de l’autorité disciplinaire croit que l’interprétation du commentaire laisse entendre que le représentant du membre visé suggérait une sanction préétablie.

[15]  Plus tard le même jour, le représentant du membre visé a affirmé ne pas s’opposer à ce que l’affaire soit réglée par présentations écrites.

[16]  Le 4 février 2020, j’ai répondu par courriel aux inquiétudes du représentant de l’autorité disciplinaire. J’ai déclaré aux deux parties ce qui suit :

[…] J’ai réfléchi à vos commentaires et je suis conscient que les preuves se contredisent quant à la façon à laquelle l’arme à feu a été maniée. Je suis cependant d’avis que cette contradiction peut être résolue sans l’intervention de témoins, car les faits que j’ai reçus suffisent à corriger les principales contradictions présentes dans les éléments de preuve.

Mon compte-rendu modifié de la conférence préparatoire à l’audience comprenait d’ailleurs un commentaire que j’ai fait au début de la conférence. Le fait que le représentant du membre visé ait fait une erreur dans son interprétation n’a donc pas d’importance. […]

[17]  Dans ses observations écrites sur l’allégation, le représentant de l’autorité disciplinaire a abordé le sujet à nouveau et a affirmé que ma décision de laisser la gendarme Roesler présenter des éléments de preuve non vérifiés dans un affidavit constituait un manquement à l’équité procédurale. Le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué que, dans les faits, le 4 février 2020, j’ai émis un « jugement préliminaire » en ce qui a trait au droit de procéder à un contre-interrogatoire des témoins. Le représentant de l’autorité disciplinaire affirme que, avant que cette décision soit rendue, il s’attendait à ce qu’une audience ait lieu pendant la semaine du 7 avril 2020.

[18]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a ajouté qu’un enjeu légitime restait à être réglé lors d’une audience, soit les contradictions sur le positionnement de l’arme à feu. Le représentant de l’autorité disciplinaire soutient que les faits concernés par cette affaire ne peuvent être connus avec précision que par les gendarmes Hess et Roesler, et que ma décision du 4 février 2020 était prématurée.

[19]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a cité Wells v General Motors of Canada Company, 2019 SKCA 29, au paragraphe 24, qui soutient qu’il serait erroné de restreindre les cas pour lesquels un contre-interrogatoire serait indiqué dans le contexte d’un jugement sommaire :

[Traduction :] Je suis d’avis que le juge a commis une erreur de principe en arrivant à la conclusion qu’un contre-interrogatoire est seulement permis lorsque le tribunal a reçu des éléments de preuve contradictoires ou lorsqu’il est nécessaire de clarifier des informations présentées par le déposant qui ne peuvent être connues avec certitude que par le déposant. Dans le cas Ter Keurs Bros. Inc., un contre-interrogatoire a été ordonné en grande partie parce que les faits pertinents aux questions en litige ne pouvaient être connus que par la partie qui avait présenté un affidavit pour appuyer sa demande de jugement sommaire.

[20]  Le représentant de l’autorité disciplinaire soutient que des éléments de preuve sont contradictoires et qu’il y a en plus un réel besoin d’éclaircir les deux déclarations fournies par la gendarme Roesler. Il a toutefois reconnu que ma décision était définitive et obligatoire.

[21]  Dans sa réponse, le représentant du membre visé a affirmé que ma décision de procéder par déclarations écrites était conforme à la conclusion selon laquelle le décideur administratif a le dernier mot sur ses propres procédures, et il cite l’affaire Prassad c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 SCR 560. Il soutient donc qu’il en revient à moi de déterminer la meilleure façon de procéder à l’audience disciplinaire et que l’autorité disciplinaire a le droit de porter ma décision finale en appel et de contester ma décision de procéder au moyen de déclarations écrites.

[22]  Comme le fait remarquer le représentant de l’autorité disciplinaire, ma décision de procéder par déclarations écrites est définitive et obligatoire. Je suis d’accord avec le représentant du membre visé que l’autorité disciplinaire a la possibilité de porter ma décision finale en appel si elle veut contester cette décision.

ALLÉGATION

[23]  L’avis d’audience disciplinaire comprenait l’allégation suivante :

Allégation 1 : Le 6 mars 2019 ou vers cette date, à Kelowna, en Colombie- Britannique, ou à proximité de cet endroit, la gendarme Kristine Roesler s’est comportée de manière susceptible de jeter un discrédit sur la Gendarmerie, ce qui va à l’encontre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez une membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affectée à la Division E, au détachement de Kelowna, en Colombie-Britannique.

2. Pendant toute la période pertinente, vous étiez en service.

3. À environ 3 h du matin, vous remplissiez des documents à votre poste de travail. Vous étiez visiblement contrariée parce que votre superviseur avait révisé un rapport au procureur de la Couronne que vous aviez rédigé et avait jugé qu’il contenait trop d’erreurs. Le gendarme Kevin Hess (« Hess ») s’est approché de vous et s’est mis à vous taquiner en faisant semblant d’être un superviseur qui passait des commentaires négatifs sur votre travail. Vous êtes devenue exaspérée par les taquineries soutenues du gendarme Hess, qui n’a pas cessé ses blagues malgré le fait que vous lui ayez dit de dégager et que vous n’étiez pas d’humeur pour ses blagues.

4. Sans justification valable, et en restant en position assise, vous avez retiré de son étui votre pistolet réglementaire 9 mm Smith and Wesson remis par la GRC (le « pistolet réglementaire ») et vous l’avez pointé en direction du gendarme Hess. Pendant que vous teniez ainsi le pistolet réglementaire, vous avez dit au gendarme Hess de s’éloigner de vous.

5. Dans sa déclaration, le gendarme décrit ainsi votre façon de tenir votre pistolet réglementaire : « Elle le pointait un peu vers moi. Si elle avait fait feu, je ne saurais pas dire avec certitude si elle m’aurait atteint ou non. Mais je me souviens avoir vu le cercle du bout du canon… » et « Je me souviens qu’elle a dégainé, puis elle a tenu le pistolet comme ça, et je me souviens avoir vu le bout du canon. »

[24]  Il incombe au représentant de l’autorité disciplinaire d’établir le bien-fondé de l’allégation selon la prépondérance des probabilités. En pratique, cela signifie que je dois déterminer si l’autorité disciplinaire a trouvé qu’il est probable que la gendarme Roesler a enfreint l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. À l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, il est indiqué : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. »

Décision à propos de l’allégation

[25]  Le critère d’une conduite déshonorante selon le paragraphe 7.1 du Code de déontologie est que l’autorité disciplinaire arrive à prouver ce qui suit selon la prépondérance des probabilités :

  1. les gestes qui constituent le comportement allégué;
  2. l’identité du membre qui a commis les gestes visés par les allégations;
  3. le fait que le comportement du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC;
  4. le fait que le comportement est suffisamment lié aux devoirs et fonctions du membre pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

Est-ce que les gestes sont prouvés?

[26]  Je conclus que les faits suivants ne sont pas disputés :

  1. Le 16 mars 2019 ou environ à cette date, les gendarmes Hess et Roesler étaient en service et en uniformes au détachement de Kelowna.
  2. À environ 3 h du matin, la gendarme Roesler était assise à son bureau et exprimait sa frustration d’avoir à apporter des corrections à son rapport au procureur de la Couronne (RPC) avant que son supérieur accepte de le réviser à nouveau.
  3. Le gendarme Hess, qui était un proche ami personnel de la gendarme Roesler, s’est approché de son bureau pour la taquiner. Il a fait semblant d’être son superviseur et a fait des commentaires sur son rapport et sur les corrections qu’elle devait y apporter.
  4. Le gendarme Hess a continué de taquiner la gendarme Roesler, malgré qu’elle lui ait demandé d’arrêter. Après un certain temps, la gendarme Roesler a dégainé son arme de service et a dit au gendarme Hess de s’éloigner d’elle.
  5. Après quelques secondes, la gendarme Roesler a remis son arme à feu dans son étui. Le gendarme Hess a fait quelques commentaires sur la taille de l’arme à feu de la gendarme Roesler et sur ses talents au tir de précision.

[27]  Les détails 1, 2 et 3 de l’allégation ne sont pas contestés. Mon examen des documents au dossier, y compris la déclaration de la gendarme Roesler, m’amène à déterminer que ces détails sont établis. Les détails 4 et 5 sont quant à eux contestés. Mon examen du détail 5 me fait remarquer qu’il est directement tiré des déclarations du constable Hess. Par conséquent, même si la gendarme Roesler peut contester le contenu de la déclaration, l’établissement du détail 5 n’en fait pas forcément un élément constituant de l’allégation.

[28]  En fait, c’est le détail 4 qui contient les deux questions en litige :

  1. La gendarme Roesler était-elle assise ou debout?
  2. Dans quelle direction était pointée l’arme à feu de la gendarme Roesler?

a) La gendarme Roesler était-elle assise ou debout?

[29]  Dans les déclarations du gendarme Hess, dont sa reconstitution des faits, il a affirmé que la gendarme Roesler est restée assise pendant toute la durée de leur échange. Il a décrit qu’elle s’est peut-être appuyée en plaçant son avant-bras ou son coude sur son bureau ou sur l’accoudoir de sa chaise en pointant son arme dans sa direction.

[30]  À l’inverse, la gendarme Roesler a affirmé que, après avoir passé plusieurs minutes à se faire taquiner par le gendarme Hess et avoir demandé qu’on la laisse tranquille, elle s’est levée debout et a sorti son arme à feu de son étui.

[31]  Plusieurs autres membres du détachement étaient sur place avec les gendarmes Hess et Roesler au moment de l’incident. La gendarme N.D., qui était assise à proximité de la gendarme Roesler, a assisté à une partie de l’incident, tandis que les autres, dont le caporal B.D., ont entendu l’échange entre le gendarme Hess et la gendarme Roesler. Des déclarations de ces personnes ont été obtenues et font partie du dossier.

[32]  La gendarme N.D. n’a pas témoigné de façon particulièrement assurée, peut-être en partie à cause de son manque d’expérience et certainement à cause de son lien d’amitié avec la gendarme Roesler, mais elle a fourni un témoignage qui concorde avec la déclaration de la gendarme Roesler. En particulier aux lignes 23 à 26 et 157 à 158 de sa déclaration, elle a affirmé ceci :

[…] À un moment donné, je ne sais pas trop ce qu’elle a dit, mais je l’ai vue, elle était assise et elle s’est levée et a sorti son arme de son étui. Je n’ai pas vu si elle a pointé l’arme vers le gendarme HESS ou non. Mais je sais que l’arme n’était pas dans son étui quand je l’ai vue.

[…] …elle s’est levée et [elle mime quelqu’un qui se lève debout et qui enlève son arme de son étui], c’est ce que j’ai vu.

[33]  En donnant sa déclaration, la gendarme N.D. a été invitée à faire une démonstration de ce qu’elle a vu. Dans sa description, la gendarme N.D. a dit que la gendarme Roesler était assise devant son ordinateur et que le gendarme Hess était à côté d’elle, à sa droite À 10 min 2 s de la vidéo de sa déclaration, la gendarme se lève debout, en continuant de faire face à l’endroit où se trouverait l’ordinateur, et fait sembler de retirer une arme à feu de son étui. Sa démonstration montre que l’arme est levée à la hauteur du centre du torse, et que le canon est pointé vers le sol.

[34]  J’estime que la version des faits de la gendarme N.D. est entièrement crédible. Sa version des faits ne change nulle part dans sa déclaration. Même si elle affirme être l’amie de la gendarme Roesler et même si elle semble être réticente à dire quelque chose qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour son ami, elle présente une version des faits qui n’est pas bénéfique pour la gendarme Roesler.

[35]  De plus, les témoignages des gendarmes Roesler et N.D. correspondent aux mouvements associés au retrait d’une arme à feu de son étui, surtout si on se fie à la formation reçue par les membres de la GRC. Il est inconfortable de tenter de retirer son arme de son étui lorsqu’on est assis dans une chaise dotée d’accoudoirs comme l’a décrit le gendarme Hess dans sa déclaration.

[36]  Pour ces raisons, j’estime que la gendarme Roesler était debout quand elle a retiré son arme à feu de son étui.

[37]  Cela dit, cette conclusion a peu d’importance. Elle a une utilité uniquement pour régler une question factuelle, mais il n’est pas important que la gendarme Roesler ait été debout ou assise quand elle a retiré son arme de son étui.

[38]  En bref, il n’y a aucun avantage à arriver à convaincre quelqu’un qu’elle était debout plutôt qu’assise au moment de l’incident. Les seuls enjeux importants ici sont le retrait de l’arme de son étui et ce qui s’est passé par la suite.

b) Dans quelle direction était pointée l’arme à feu de la gendarme Roesler?

[39]  Dans sa reconstitution des faits, le gendarme Hess semble appuyer son avant-bras sur l’accoudoir de la chaise tout en pointant une arme devant lui. Il y a eu quelques incohérences dans la description par le gendarme Hess de la façon à laquelle la gendarme Roesler a manié son arme, mais il est cohérent dans ses affirmations au sujet de ce qui a suivi et sur le fait que l’arme était pointée dans sa direction. Il ne peut pas affirmer avec certitude qu’il aurait été atteint si la gendarme Roesler avait fait feu, mais il a répété plusieurs fois qu’il pouvait clairement voir le bout du canon de l’arme.

[40]  La gendarme Roesler affirme quant à elle qu’elle a tenu l’arme de façon sécuritaire, sans placer un doigt sur la gâchette, et en gardant l’arme à la hauteur de sa ceinture. Elle affirme qu’elle a ponté l’arme en direction d’un bureau vide en face du sien, à un angle de 45 degrés d’où se trouvait le gendarme Hess. Elle a répété qu’elle voulait qu’on la laisse tranquille, puis elle a rangé son arme dans son étui.

[41]  La gendarme N.D. a admis ne pas avoir vu dans quelle direction la gendarme Roesler a pointé son arme, mais il y a tout de même des renseignements utiles à tirer de son témoignage. La gendarme N.D. a affirmé et démontré que la gendarme Roesler s’est levée debout en restant face à son ordinateur. Le gendarme Hess est quant à lui resté à sa droite pendant qu’elle retirait son arme de son étui. La gendarme N.D. a démontré que l’arme a été retirée de son étui par un mouvement vers le centre du torse, et que le canon pointait vers le sol.

[42]  Même si je n’ai pas accepté la version des faits du gendarme Hess quant à la posture assise ou debout, ce qu’il a dit à propos de l’orientation de l’arme est confirmé au moins en partie par la gendarme N.D.

[43]  La gendarme Roesler a affirmé que, quand elle a retiré son arme de son étui, le gendarme Hess se trouvait à sa gauche, car elle s’est retrouvée à faire face au bureau vide en face du sien. Cela signifie qu’elle aurait eu à se tourner de 90 degrés vers sa droite juste avant d’avoir dégainé, soit pendant qu’elle était assise ou en se levant. Cette version est contredite par les deux autres témoins.

[44]  Je suis donc d’accord avec le représentant de l’autorité disciplinaire, qui affirme que le témoignage de la gendarme Roesler est intéressé et me semble manquer de réalisme. Quand elle suggère qu’elle n’était pas en colère et que le geste a été fait dans un esprit par « humour noir », ce n’est pas plausible. Elle admet elle-même qu’elle était contrariée par les corrections qu’elle devait apporter à son rapport au procureur de la Couronne, qu’elle n’était pas d’humeur pour les taquineries, et qu’elle a dit à multiples reprises au gendarme Hess de la laisser tranquille.

[45]  De plus, les autres témoins qui ont entendu l’échange entre les gendarmes Roesler et Hess ont confirmé que la gendarme Roesler était déjà contrariée et se plaignait à propos de son rapport au procureur de la Couronne quand le gendarme Hess a commencé à la taquiner. Les taquineries semblaient la rendre de plus en plus contrariée. Plus elle était contrariée, plus cela faisait rire les gens à proximité, ce qui poussait le gendarme Hess à continuer. Il est raisonnable de croire que la gendarme Roesler a été exaspérée par les taquineries et, par frustration et manque de jugement, a réagi en dégainant son arme à feu.

[46]  En outre, si la gendarme Roesler était vraiment, comme elle l’affirme, dans un état d’esprit qui lui permettait de s’assurer qu’elle maniait son arme de façon sécuritaire, elle aurait eu assez de jugement pour ne pas dégainer son arme.

[47]  J’estime que la gendarme Roesler a pointé son arme directement ou non dans la direction du gendarme Hess, et la réaction de ce dernier a été de passer un commentaire sur la taille de l’arme et les talents au tir de la gendarme Roesler, comme le caporal B.D. l’affirme avoir entendu.

[48]  En ce qui a trait au second enjeu, je tiens à préciser que, bien que le fait de pointer une arme vers quelqu’un soit un facteur aggravant, c’est le fait de dégainer son arme dans l’aire de travail qui constitue l’essentiel de l’allégation, peu importe dans quelle direction on la pointe.

[49]  Pour ces raisons, je conclus que le détail 4 est prouvé.

Est-ce que l’identité du membre a été bien établie?

[50]  Compte tenu de l’aveu de la gendarme Roesler et de mon examen des documents au dossier, je conclus que l’identité du membre est établie et qu’il s’agissait bien de la gendarme Roesler.

Est-ce que la conduite de la gendarme Roesler était déshonorante?

[51]  La gendarme Roesler reconnaît qu’il était inapproprié de retirer son arme de son étui à ce moment et elle admet que ce comportement contrevient au Code de déontologie, mais je suis surtout troublé par son affirmation selon laquelle elle a manié l’arme d’une façon sécuritaire. La moindre erreur de sa part aurait pu causer des blessures graves au gendarme Hess ou à tout autre membre présent dans l’aire de travail. Qui plus est, l’information provenant de la déclaration du caporal B.D. indique qu’il était assis dans le cubicule directement en face de celui de la gendarme Roesler.

[52]  Je suis d’accord avec le représentant du membre visé quand il affirme que le représentant de l’autorité disciplinaire n’a pas fourni beaucoup de détail sur le devoir de diligence, mais il a été clair à propos des formations reçues par les membres de la GRC en ce qui concerne le maniement des armes à feu. Je ne reconnaîtrai pas d’infractions provenant du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, mais je retiens la définition de négligence qui y est énoncée.

[53]  Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie de la GRC, qu’ils soient en service ou non. En maniant son arme comme elle l’a fait, dans un état de frustration, et en mettant en danger d’autres membres du détachement, la gendarme Roesler s’est conduite d’une façon qui diffère nettement de la norme attendue d’un membre de la GRC. J’estime qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités de la police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait que les gestes posés par la gendarme Roesler sont susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

Est-ce que la conduite de la gendarme Roesler est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour que la GRC ait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit?

[54]  La gendarme Roesler était en service, portait l’uniforme complet et se trouvait dans le détachement de la GRC de Kelowna quand l’incident a eu lieu. Sa conduite impliquait le maniement d’un pistolet réglementaire remis par la GRC et a eu des conséquences sur d’autres membres de la GRC. J’estime donc que la conduite de la gendarme Roesler est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour que la GRC ait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit

Conclusion

[55]  Pour les raisons susmentionnées, je conclus que la gendarme Roesler, sans justification et dans un état d’exaspération causé par les blagues soutenues du gendarme Hess, s’est levée debout, a retiré son arme réglementaire de son étui et l’a pointée approximativement en direction du gendarme Hess. Les gestes de la gendarme Roesler ont mis en danger le gendarme Hess et les autres personnes présentes dans le détachement. Je conclus donc que sa conduite était déshonorante et que l’allégation est prouvée selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[56]  Après avoir conclu que l’allégation est prouvée, j’ai maintenant l’obligation, au titre de l’alinéa 36.2(e) de la Loi sur la GRC, d’imposer des mesures disciplinaires qui doivent être : « adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives. »

[57]  Le congédiement est la sanction la plus sévère qui peut être imposée pour un processus disciplinaire comme celui-ci. Avant de déterminer quelle sanction est appropriée, je dois d’abord prendre en considération l’éventail approprié des mesures possibles ainsi que les facteurs aggravants et atténuants.

[58]  Quand j’ai annoncé de vive voix ma décision à propos de l’allégation, j’ai insisté sur la gravité de l’inconduite de la gendarme Roesler, car elle a non seulement exposé le gendarme Hess à de graves blessures, mais aussi d’autres personnes qui se trouvaient sur les lieux. La moindre erreur aurait pu avoir des conséquences de longue durée.

[59]  En tant que policiers, nous détenons des pouvoirs considérables accordés par les divers paliers de gouvernement du Canada et, indirectement, par les citoyens du Canada. Ces pouvoirs comprennent la capacité de limiter les droits des personnes, de les priver de leur liberté et d’utiliser une force raisonnable pouvant aller jusqu’à la force létale. Nous avons prêté serment de faire respecter la loi, et nous sommes autorisés pour ce faire à porter sur nous des armes à feu. Ce pouvoir est accompagné d’une responsabilité d’utiliser ces armes de façon appropriée. Brandir une arme parce qu’un collègue nous a taquiné ne constitue pas une utilisation appropriée de l’arme à feu.

[60]  Relativement aux affaires citées par le représentant de l’autorité disciplinaire, je suis d’accord avec le représentant du membre visé, qui estime que tous ces cas comportaient un élément de préméditation. En outre, les affaires Thanancheyan [1] et Valade, [2] comportaient des coups de feu, et l’affaire Serdyuk [3] comportait une situation beaucoup plus grave que dans l’affaire qui nous concerne, car l’incident s’apparentait à une violation de domicile.

[61]  Je suis du même avis que le représentant de l’autorité disciplinaire en ce qui a trait au besoin de dénoncer et de décourager l’utilisation négligente des armes à feu, mais je ne crois pas que le congédiement soit le seul moyen d’atteindre ces objectifs. Bien que les accusés dans chacune des affaires citées aient été condamnés, la Couronne dans la présente affaire a choisi de ne pas donner suite aux accusations.

[62]  Néanmoins, l’autorité disciplinaire a présenté de solides arguments en faveur du licenciement de la gendarme Roesler. Les décisions arbitrales qu’il a fournies puissent être différenciées de la situation dans la présente affaire, mais je suis du même avis que le représentant de l’autorité disciplinaire à savoir que la GRC a la responsabilité d’assurer un lieu de travail sûr et que la conduite de la gendarme Roesler a porté atteinte à cette responsabilité.

[63]  Dans chacun des cas soumis par le représentant de l’autorité disciplinaire, l’employé fautif a vu son emploi prendre fin. En particulier, je note que l’arbitre dans l’affaire Viceroy [4] a déclaré que menacer la vie d’un autre être humain, ou le mettre en danger simplement pour faire passer un message, n’est pas acceptable au sein d’une société normale.

[64]  Inversement, le représentant du membre visé a fait valoir que le licenciement serait une sanction démesurée pour la mauvaise conduite de la gendarme Roesler.

[65]  Le représentant du membre visé, citant Florkow [5] , soutient qu’il est plus approprié d’examiner les décisions en matière de discipline policière et a soumis cinq cas de ce type, dont quatre sont des décisions du comité d’arbitrage de la GRC. Sur les cinq décisions présentées par le représentant du membre visé, aucune n’a abouti à un licenciement, la confiscation de la solde ayant été imposée à la place. Il a également fait référence à un certain nombre de résumés de discipline policière provenant de la Colombie-Britannique qui ont abouti à l’imposition de mesures disciplinaires.

[66]  Cependant, toutes les décisions du comité d’arbitrage de la GRC auxquelles il a fait référence ont été résolues dans le cadre de l’ancien processus de déontologie de la GRC, dont trois ont été résolues par des présentations conjointes sur les mesures, ce qui les rend difficilement applicables dans le processus actuel.

[67]  Pour déterminer la mesure appropriée pour l’inconduite qui nous concerne, je me fie au Guide des mesures disciplinaires. Il y a eu une allégation, qui a été prouvée, que la gendarme Roesler s’était conduite d’une façon qui contrevenait à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, mais je crois que la directive la plus pertinente sur les mesures disciplinaires possibles pour ce type d’inconduite se trouve à partir de la page 40, dans une section intitulée « Utilisation non sécuritaire d’une arme à feu ou d’un équipement policier ».

[68]  Dans le tableau contenant les mesures possibles, on donne la description d’infraction suivante :

Manier, pointer ou décharger une arme de service, une arme à impulsions ou toute autre pièce d’équipement de façon non sécuritaire ou contraire à la formation reçue. Inclut les décharges accidentelles et les violations délibérées de la sécurité, mais exclut l’utilisation d’une arme à feu pour commettre un acte criminel. [L’emphase par les caractères gras est dans l’original.]

[69]  On trouve à la page 42 du Guide la directive suivante pour déterminer à quel type de mesure correspond une inconduite :

Ainsi, les mesures disciplinaires demeurent de 2 à 5 jours pour les infractions ordinaires mettant en cause de la négligence ou lorsque des blessures ont été causées accidentellement.

La sanction dans les cas graves devrait être plus sévère pour montrer que la mauvaise utilisation intentionnelle de l’équipement policier, que ce soit sous le coup de la frustration ou pour faire une blague, est une inconduite grave. La sanction dans les cas graves est de 5 à 15 jours. Les cas où l’équipement policier est utilisé de manière excessive contre un suspect (voir la section sur le recours excessif à la force) ou pour menacer une personne dans le contexte d’une dispute (conduite criminelle en dehors des heures de service) ne sont pas inclus.

La sanction dans les cas mineurs varie de l’application de mesures correctives à la confiscation de la solde pour un jour dans les cas d’utilisation non sécuritaire sans blessure, de la manipulation sans précaution d’une arme sans décharge ou de la manipulation non sécuritaire d’une arme sans circonstances aggravantes.

[L’emphase par caractères gras n’est pas dans l’original.]

[70]  Compte tenu des événements qui se sont produits lors de cet incident, des cas présentés par les parties et des instructions fournies dans le Guide des mesures disciplinaires, j’estime que la mesure appropriée est celle de la catégorie moyenne à grave, soit la confiscation d’entre 2 et 15 jours de salaire.

[71]  L’étendue des mesures possibles étant établie, je dois maintenant examiner les facteurs aggravants et atténuants pertinents pour déterminer la ou les mesures appropriées à imposer.

Facteurs aggravants

[72]  J’ai examiné les observations des deux parties et je considère les éléments suivants comme des facteurs aggravants :

  1. La gravité de la faute et la possibilité de mettre en danger d’autres membres.
    1. Le gendarme Roesler a retiré de son étui son pistolet réglementaire, un pistolet semi-automatique, et l’a pointé dans la direction du gendarme Hess.
    2. Sa conduite a mis le gendarme Hess en danger, ainsi que tous les autres occupants du détachement.
  2. Les conséquences pour la victime.
    1. Je reconnais que cet incident a eu des répercussions graves pour la victime et je rejette l’argument du représentant du membre visé selon lequel le récit du gendarme Hess ne devrait pas avoir beaucoup de poids ou être considéré avec scepticisme.
    2. Bien que le gendarme Hess ait pu minimiser l’importance de l’incident sur le coup, il a eu du temps par la suite pour réfléchir à ce qui s’est passé, et il a déclaré plus tard que cet incident l’avait affecté. Bien qu’il n’explique pas exactement comment il a été affecté, il a déclaré que c’était des répercussions à la fois personnelles et professionnelles.
    3. Il est largement admis qu’un même événement sera perçu différemment par tout le monde et que, en fait, il peut falloir un certain temps à une personne pour assimiler un incident.
    4. Je ne tire donc aucune conclusion négative du fait que sa perspective de l’incident ait changé.
  3. Le fait que la gendarme Roesler ait eu du mal à contrôler ses émotions et qu’elle ait eu recours à son arme à feu dans un état de colère ou de frustration, en réaction aux taquineries du gendarme Hess.
  4. Implications de McNeil [6] .
    1. Bien que cette question n’ait pas été soulevée par le représentant de l’autorité disciplinaire, et bien que l’on ignore les conséquences de l’inconduite de la gendarme Roesler, le maintien en poste de la gendarme Roesler pourrait imposer un fardeau administratif à la Gendarmerie.

Facteurs atténuants

[73]  Je prends les facteurs atténuants suivants en considération :

  1. Même s’il est apprécié que la gendarme Roesler ait admis l’allégation, elle l’a fait quand l’affaire n’avait pas encore été jugée afin d’établir les faits de l’incident. Compte tenu de cela, je ne lui accorde pas le fait d’avoir assumé l’entière responsabilité de ses actes. Ce n’est donc pas un facteur atténuant d’une grande valeur.
  2. La gendarme Roesler a exprimé des remords et a présenté des excuses écrites au gendarme Hess, à ses collègues présents, aux membres du détachement de Kelowna, à l’autorité disciplinaire, au Conseil de déontologie, à la GRC dans son ensemble et à la collectivité de Kelowna.
  3. La gendarme Roesler n’a aucun antécédent disciplinaire.
  4. Je reconnais que la gendarme Roesler travaille assidûment et qu’elle progresse de façon conforme à son service, mais cela n’apporte qu’une atténuation modérée. Selon l’unique évaluation de son rendement dont je dispose, l’historique de son rendement n’est pas supérieur à la moyenne, notamment en raison de la courte durée de son service.
  5. Il s’agit d’un incident isolé et d’une erreur de jugement momentanée.
  6. La gendarme Roesler avait à l’époque des facteurs de stress personnels importants dans sa vie, compte tenu de la dissolution de son mariage, de ses préoccupations financières, de son éloignement de sa famille et du fait qu’elle commençait une nouvelle carrière.
  7. De son propre chef, elle a cherché et reçoit un traitement psychologique. Je considère qu’il est positif qu’elle reçoive de l’aide, ce qui pourrait l’aider à mieux gérer les facteurs de stress dans sa vie.
  8. D’après son évaluation de rendement et les lettres de recommandation, il est évident que la gendarme Roesler a un bon esprit d’équipe.
  9. Les dix lettres de recommandation - une provenant de la collectivité, quatre provenant de collègues et cinq provenant de ses supérieurs - fournies pour appuyer la gendarme Roesler étaient très positives. Elles la décrivent comme une gendarme assidue, fiable, professionnelle, et elles expriment surtout leur appui et leur volonté de travailler à nouveau avec elle.
  10. La gendarme Roesler a suivi deux formations pour améliorer ses connaissances sur le maniement et l’utilisation des armes à feu.
  11. La gendarme Roesler a coopéré à l’enquête interne.

Conclusions

[74]  Après avoir examiné l’ensemble des circonstances, je trouve que la mesure demandée par l’autorité disciplinaire est disproportionnée par rapport à la gravité de la faute commise par la gendarme Roesler.

[75]  Bien que de nature très grave, ce type d’inconduite, à savoir le fait de pointer une arme de service de manière dangereuse et injustifiée, faisait clairement partie des réflexions derrière le nouveau processus de déontologie, et le Guide des mesures disciplinaires est très convaincant en ce qui a trait à l’établissement des mesures appropriées. Bien qu’il puisse y avoir des cas, comme l’indique le Guide, où cette gamme de mesures peut ne pas être suffisante, je ne pense pas que la présente affaire correspond à ces circonstances.

[76]  Après avoir examiné les lettres de recommandation, en particulier celle de l’inspecteur D.S., l’officier responsable des opérations du détachement, je pense que la gendarme Roesler présente un important potentiel de réhabilitation et j’espère qu’elle ne répétera pas la même erreur à l’avenir et qu’elle se comportera selon les normes élevées exigées d’un employé de la GRC dans l’exercice de ses fonctions.

[77]  Toutefois, je ne veux pas que l’on minimise la gravité de la conduite de la gendarme Roesler. Je trouve extrêmement aggravant que la gendarme Roesler, en réaction à des taquineries, ait dégainé son arme à feu réglementaire, mettant ainsi en danger tous les occupants de l’aire de travail et des environs. Par conséquent, tout en tenant compte de l’intention plus éducative et réhabilitante que punitive du processus de déontologie, je dois m’assurer que les mesures imposées soient dissuasives, à la fois dans les détails et de façon plus générale.

[78]  Compte tenu du principe de la parité des sanctions et des gammes de mesures suggérées par le Guide des mesures disciplinaires, j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

  1. Une sanction financière consistant en la confiscation de 15 jours de la solde de la gendarme Roesler.
  2. Une mutation à un autre lieu de travail, à effectuer en respect des besoins opérationnels de la Division.
  3. Une obligation à travailler sous une surveillance étroite pour une période d’au plus une année.
  4. Recevoir des services de thérapie dans le cadre d’un plan de soins approuvé par le médecin-chef de sa division.

[79]  On donne à la gendarme Roesler l’occasion de poursuivre sa carrière au sein de la GRC. Cependant, toute infraction subséquente au Code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée, ce qui pourrait menait à un congédiement.

[80]  Toute mesure disciplinaire provisoire en place devrait être réglée, conformément à l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[81]  L’une ou l’autre des parties peut faire appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision à la membre visée, comme il est indiqué à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

27 juillet 2020

Inspecteur Colin Miller

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

 



[1] R. v Thanancheyan, 2012 ONCJ 487

[2] R. v Valade, 2018 ONSC 5539

[3] R. v Serdyuk, 2011 ABPC 81

[4] Viceroy Homes Ltd. v Retail Wholesale Union, Local 580, 2006 CarswellBC 4370

[5] Florkow v British Columbia (Police Complaint Commissioner), 2013 BCCA 92.

[6] R. c. McNeil, 2009 SCC 3 (CanLII), [2009] 1 RCS 66

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