Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Après la fusion officielle des audiences disciplinaires concernant deux avis distincts, une seule audience a eu lieu. Le premier ensemble d’allégations concernait le transfert physique non autorisé et non documenté d’un vieux pistolet semi-automatique, mais pleinement fonctionnel (remis par un parent du propriétaire du pistolet décédé, aux fins de destruction) à un employé municipal. L’inconduite alléguée du membre visé est la suivante : le membre visé aurait permis à l’employé municipal de prendre possession du pistolet, l’aidant ainsi à obtenir l’enregistrement de l’arme à feu. Ce n’est qu’après que le personnel du Registre des armes à feu a remarqué l’enregistrement associé au propriétaire décédé, qui n’avait pas été trouvé par le membre visé au cours de ses recherches électroniques, que ce dernier a créé un dossier dans le système PRIME pour consigner le statut du pistolet en tant que pièce à conviction entreposée aux fins de destruction. Les allégations qui ont découlé de cette inconduite incluent :

1. la dissimulation et l’altération du pistolet et une reddition de compte inadéquate concernant le pistolet dans le dossier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC);
2. la saisie incomplète et en temps inopportun de l’information dans le dossier du système PRIME et l’absence de notes de police concernant le pistolet;
3. la communication d’informations fausses ou trompeuses, ou l’omission de communiquer de l’information, lorsque son superviseur l’a interrogé au sujet du statut « privatisé » du dossier dans le système PRIME qu’il a finalement créé sur le pistolet;
4. le vol et l’abus de confiance relativement au transfert illégal du pistolet à l’employé municipal;
5. la réalisation d’une tâche en dehors des tâches du membre visé, soit une requête effectuée dans le Centre d'information de la police canadienne (CIPC) et le registre des armes à feu, et la communication des résultats obtenus à l’employé municipal pour l’aider à prendre possession illégalement du pistolet et à s’en servir.

Le deuxième ensemble d’allégations concernait les mesures prises par le membre visé relativement à des biens trouvés qui lui ont été remis directement au comptoir d’accueil du détachement satellite ou qui ont d’abord été remis à un collègue de bureau.

L’allégation concernant le transfert physique du pistolet par le membre visé à un employé municipal (un caporal de la GRC récemment retraité) n’a pas été établie, mais les quatre autres allégations énoncées dans le premier avis ont été établies. Aucune allégation énoncée dans le deuxième avis concernant la manipulation de biens trouvés n’a été établie.

Une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, qui vise la confiscation de 26 jours de solde, a été acceptée. La participation à une formation appropriée sur la manipulation des pièces à conviction a également été imposée au membre visé, ainsi que l’examen des politiques de la GRC sur la manipulation de biens cédés aux fins de destruction.

Contenu de la décision

Protégé A

2018 DARD 8

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AFFAIRE INTÉRESSANT

UNE AUDIENCE DISCIPLINAIRE AU TITRE DE LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

Le commandant de la Division E

Autorité disciplinaire

et

le gendarme Chris Rerup, numéro de matricule 58776

Membre visé

Comité de déontologie – Décision relative à l’étape des allégations

John R. McKinlay

Le 7 mai 2018

Sergent d’état-major Jonathan Hart, pour l’autorité disciplinaire

M. Steven Rogers et caporal Joel Welch, pour le membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ  4

INTRODUCTION  5

AVIS No 1  7

Questions de procédure  7

Analyse des allégations redondantes potentielles  7

Allégations nos 1 et 2  8

Allégations nos 1 et 4  10

Principal différend d’ordre factuel dans l’avis no 1  11

Renseignements inculpatoires  13

Renseignements disculpatoires  17

Norme de preuve applicable  28

Évaluation de la crédibilité des témoins  28

CONCLUSIONS AU SUJET DES ALLÉGATIONS ÉNONCÉES DANS L’AVIS NO 1  33

Allégation no 1  33

Déclarations de M. J. A. père  33

Déclaration de M. J. A. fils  33

Témoignage du sergent R. et du sergent d’état-major C.  36

Témoignage de M. J. et description écrite de la poignée-pistolet  37

Témoignage et description écrite du membre visé au sujet de la poignée-pistolet  38

Allégation no 2  41

Allégation no 3  43

Allégation no 4  45

Allégation no 5  46

AVIS NO 2  46

Allégation no 2  47

Allégation no 3  47

Allégation no 4  48

Allégation no 6  48

Allégation no 7  49

Allégation no 8  50

MESURES DISCIPLINAIRES  51

CONCLUSION  56

 

RÉSUMÉ

Après la fusion officielle des audiences disciplinaires concernant deux avis distincts, une seule audience a eu lieu. Le premier ensemble d’allégations concernait le transfert physique non autorisé et non documenté d’un vieux pistolet semi-automatique, mais pleinement fonctionnel (remis par un parent du propriétaire du pistolet décédé, aux fins de destruction) à un employé municipal. L’inconduite alléguée du membre visé est la suivante : le membre visé aurait permis à l’employé municipal de prendre possession du pistolet, l’aidant ainsi à obtenir l’enregistrement de l’arme à feu. Ce n’est qu’après que le personnel du Registre des armes à feu a remarqué l’enregistrement associé au propriétaire décédé, qui n’avait pas été trouvé par le membre visé au cours de ses recherches électroniques, que ce dernier a créé un dossier dans le système PRIME pour consigner le statut du pistolet en tant que pièce à conviction entreposée aux fins de destruction. Les allégations qui ont découlé de cette inconduite incluent :

  1. la dissimulation et l’altération du pistolet et une reddition de compte inadéquate concernant le pistolet dans le dossier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC);
  2. la saisie incomplète et en temps inopportun de l’information dans le dossier du système PRIME et l’absence de notes de police concernant le pistolet;
  3. la communication d’informations fausses ou trompeuses, ou l’omission de communiquer de l’information, lorsque son superviseur l’a interrogé au sujet du statut « privatisé » du dossier dans le système PRIME qu’il a finalement créé sur le pistolet;
  4. le vol et l’abus de confiance relativement au transfert illégal du pistolet à l’employé municipal;
  5. la réalisation d’une tâche en dehors des tâches du membre visé, soit une requête effectuée dans le Centre d'information de la police canadienne (CIPC) et le registre des armes à feu, et la communication des résultats obtenus à l’employé municipal pour l’aider à prendre possession illégalement du pistolet et à s’en servir.

Le deuxième ensemble d’allégations concernait les mesures prises par le membre visé relativement à des biens trouvés qui lui ont été remis directement au comptoir d’accueil du détachement satellite ou qui ont d’abord été remis à un collègue de bureau.

L’allégation concernant le transfert physique du pistolet par le membre visé à un employé municipal (un caporal de la GRC récemment retraité) n’a pas été établie, mais les quatre autres allégations énoncées dans le premier avis ont été établies. Aucune allégation énoncée dans le deuxième avis concernant la manipulation de biens trouvés n’a été établie.

Une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, qui vise la confiscation de 26 jours de solde, a été acceptée. La participation à une formation appropriée sur la manipulation des pièces à conviction a également été imposée au membre visé, ainsi que l’examen des politiques de la GRC sur la manipulation de biens cédés aux fins de destruction.

MOTIFS DE DÉCISION

INTRODUCTION

[1]  À la suite de la fusion des deux avis d’audience disciplinaire, datés du 20 décembre 2016 (avis no 1, pièce no 1 du RAD), et du 24 avril 2017 (avis no 2, pièce no 2 du RAD) respectivement, l’unique audience sur l’« étape des allégations » a eu lieu à Vancouver, du 29 janvier au 1er février 2018, inclusivement, et comprenait le témoignage de témoins approuvés, dont le membre visé.

[2]  Dans une lettre datée du 3 octobre 2017, la Couronne a fait savoir qu’elle ordonnerait la suspension des procédures concernant les accusations au criminel parallèles déposées contre le membre visé. En conséquence, les restrictions visant l’accès, la distribution et la publication qui s’appliquaient aux réponses du membre visé aux termes des Consignes du commissaire (déontologie), SOR/2014-291 [CC (déontologie)] relativement à l’avis no 1 ont été annulées, et la requête de « mise en suspens » du membre visé a été déclarée sans objet. Toutes les allégations ont été niées dans les réponses écrites déposées pour chacun des avis au titre du paragraphe 15(3) des CC (déontologie).

[3]  Dès le début de l’audience, à Vancouver, le conseiller juridique du membre visé a formellement renoncé à la lecture des allégations. Après avoir entendu les observations du conseiller juridique sur le bien-fondé des allégations énoncées dans les deux avis et reçu des parties les cas de jurisprudence à l’appui, le présent comité de déontologie a décidé, le 1er février 2018, de différer sa décision.

[4]  Le 9 avril 2018, j’ai rendu de vive voix ma décision sur le bien-fondé des allégations, sous réserve que mes conclusions, mes décisions et mon raisonnement puissent être développés, clarifiés et expliqués plus en détail dans la présente décision écrite définitive.

[5]  Le membre visé n’a pas contesté un grand nombre de faits contextuels ou circonstanciels, lesquels ont été clairement établis dans le dossier documentaire au moyen d’éléments recueillis lors de l’enquête initiale (incluant des photographies numériques et des enregistrements sur bande vidéo et audio de déclarations obtenues lors d’entrevues) ainsi que dans les observations et les éléments présentés ultérieurement par les parties.

[6]  On n’a pas remis en question la fiabilité des copies ou des imprimés de courriels, de dossiers électroniques d’enregistrement d’armes à feu, de recherches effectuées dans les banques de données de la police et les banques de données sur les armes à feu, d’entrées dans les dossiers du système PRIME de la GRC et d’autres éléments en particulier, même si la signification, l’importance ou la valeur probante à accorder à certains de ces éléments a quant à elle été contestée.

AVIS No 1

Questions de procédure

[7]  J’aborderai d’abord certaines questions de procédure qui découlent des allégations formulées dans l’avis no 1.

[8]  En ce qui concerne la nature de l’inconduite alléguée, la décision relative à chaque allégation exige l’examen de l’article du code de déontologie de la GRC (code) auquel le membre visé aurait contrevenu, ainsi que l’examen des actes et des omissions du membre visé indiqués aux précisions qui constituent la contravention. Il pourrait ne pas être nécessaire d’établir toutes les précisions d’une allégation en particulier. Certaines précisions offrent un contexte ou un exposé des faits; elles ne visent donc pas à définir des actes ou des omissions reprochés. Une seule allégation peut englober plus d’un acte ou d’une omission à l’appui d’une conclusion générale quant à une contravention. Il est également entendu que de multiples allégations peuvent inclure un certain nombre de précisions similaires ou identiques, mais les allégations elles-mêmes ne doivent pas être redondantes en ce sens que le même élément principal de l’inconduite est soulevé dans plus d’une allégation.

Analyse des allégations redondantes potentielles

[9]  Dans ses observations finales, M. Rogers (le représentant du membre visé, soit le RM pour l’avis no 1) a soulevé la question de possibles aspects redondants (« chevauchement ») dans certaines allégations. Pour dire les choses simplement, le libellé de la précision no 2 de l’allégation no 1 se répète à la précision no 2 de toutes les autres allégations, avec un ajout mineur apporté à la précision no 2 de l’allégation no 4. Je n’estime pas que cet élément en soi soulève une question de redondance des allégations.

[10]  De plus, après l’examen de l’élément précis découlant des observations du RM, je suis convaincu que la précision no 7 de l’allégation no 4, ne soulève aucune question de redondance des allégations, car j’estime que l’élément principal de l’inconduite alléguée dans l’allégation no 4 ne porte pas uniquement sur une violation de la politique de la GRC quant à la manipulation, à l’entreposage et au transfert d’armes à feu, mais concerne également le transfert illégal du pistolet, du membre visé à M. J., ce qui a permis à ce dernier d’avoir accès à une arme à autorisation restreinte, d’en prendre possession illégalement et de la transporter, compromettant ainsi inutilement la sécurité du public.

[11]  Une autre question de redondance potentielle d’allégations doit être clarifiée en ce qui concerne les allégations nos 1 et 2. La question pourrait avoir peu d’importance dans la décision globale portant sur l’avis no 1 et elle n’a pas été soulevée par les RM. Toutefois, je suis d’avis qu’il est nécessaire d’apporter des éclaircissements.

Allégations nos 1 et 2

[12]  L’allégation no 1 est fondée sur l’article 4.4 du code, qui stipule ce qui suit : « Les membres rendent compte dûment des biens, de l’argent ou des documents qui leur sont confiés dans l’exercice de leurs fonctions et s’abstiennent de les altérer, de les dissimuler ou de les détruire sans excuse légitime. » Sommairement, la nature de l’inconduite visée par l’article 4.4. concerne un membre qui rend compte de façon inadéquate de certains types de bien qui lui sont confiés pendant qu’il est en service et qui omet de conserver ces biens, sauf autorisation contraire.

[13]  Il est indiqué en partie dans l’allégation no 1 que le membre visé a [traduction] « omis de rendre compte dûment d’un bien qui lui a été confié ».

[14]  Il est indiqué en partie dans la précision no 2 de l’allégation no 1 que le pistolet a été confié au membre visé et que ce dernier [traduction] « n’a pas consigné la saisie de l’arme à feu ».

[15]  Il est indiqué dans la précision no 6 de l’allégation no 1 que le membre visé a [traduction] « omis de rendre compte dûment de [ses] agissements en ce qui concerne cette pièce à conviction [je souligne] », mais on précise ensuite que le membre visé [traduction] « a omis de conserver en lieu sûr et de traiter adéquatement l’arme à feu saisie, conformément au Manuel des opérations de la GRC et à [sa] formation policière ».

[16]  L’allégation no 2 est fondée sur l’article 8.1 du code, qui stipule ce qui suit : « Les membres rendent compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de leurs responsabilités, de l’exercice de leurs fonctions, du déroulement d’enquêtes, des agissements des autres employés et de l’administration et du fonctionnement de la Gendarmerie. »

[17]  Dans les grandes lignes, on indique à l’allégation no 2 que le membre visé a omis de « rendre compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée » de ses agissements en ce qui a trait au pistolet.

[18]  Encore une fois, il est indiqué en partie dans la précision no 2 de l’allégation no 2 que le pistolet a été confié au membre et que ce dernier [traduction] « n’a pas consigné la saisie de l’arme à feu ». Cette phrase ne soulève aucune question quant à la redondance des allégations, puisqu’il s’agit simplement d’un élément commun aux contraventions individuelles alléguées par l’autorité disciplinaire.

[19]  Cependant, il est allégué à la précision no 4 que le membre visé a omis [traduction] « de rendre compte de [ses] agissements en ce qui a trait au [pistolet] dans le dossier d’enquête approprié dans le système PRIME en temps opportun et de manière détaillée [je souligne] ».

[20]  Un membre faisant l’objet d’un processus d’audience disciplinaire ne devrait pas faire face à des conclusions potentielles de contravention au code, même si celles-ci relèvent de dispositions différentes du code, lorsqu’il est question non seulement du même acte ou de la même omission, mais également d’une inconduite essentiellement de même nature.

[21]  Je dois donc résoudre le problème que j’ai relevé concernant la précision no 6 de l’allégation no 1 et la précision no 4 de l’allégation no 2. Dans les circonstances actuelles, je ne peux différencier de façon marquée le défaut d’avoir consigné les mesures prises en temps opportun et de manière détaillée du défaut d’avoir rendu compte dûment des agissements en ce qui a trait à une pièce à conviction.

[22]  Ainsi, la précision no 6 de l’allégation no 1 est limitée par la présente de façon à comprendre uniquement la phrase précise suivante : [traduction] « Plus précisément, vous avez a omis de conserver en lieu sûr et de traiter dûment cette arme à feu saisie, conformément au Manuel des opérations de la GRC et à votre formation policière ». J’estime que la phrase qui précède à la précision no 6 de l’allégation no 1 ([traduction] « Vous avez omis de rendre compte dûment de vos agissements en ce qui a trait à cette pièce à conviction ») est une redondance de la précision no 4 de l’allégation no 2. C’est pourquoi cette première phrase ne doit pas être considérée comme faisant partie de la précision no 6 lors de la prise de décision au sujet de cette allégation.

[23]  Je reconnais que l’allégation no 1 se rapporte à la contravention alléguée de l’article 4.4 du code, qui englobe le défaut précis d’un membre de rendre compte dûment d’un bien qui lui a été confié; par conséquent, la preuve de la première phrase contestée de la précision no 6 pourrait même ne pas être pertinente pour établir l’allégation. Je préfère exclure complètement l’élément redondant de la précision no 6 de l’allégation no 1.

Allégations nos 1 et 4

[24]  J’ai également remarqué que deux allégations distinctes soulèvent des éléments de vol et d’abus de confiance de la part du membre visé.

[25]  Il est indiqué à la précision no 7 de l’allégation no 1 que le membre visé a commis un vol et un abus de confiance, et on cite ensuite les deux accusations criminelles correspondantes qui ont ensuite été suspendues par la Couronne.

[26]  À la précision no 5 de l’allégation no 4, on allègue de nouveau la perpétration d’un vol et on cite la même accusation criminelle de vol. Plus loin, à la précision no 8 de l’allégation no 4, un abus de confiance est allégué et la même accusation criminelle correspondante est citée.

[27]  Comme il a été souligné précédemment, l’allégation no 1 se rapporte à une contravention de l’article 4.4 du code, et les précisions énoncent non seulement le défaut de rendre compte dûment du pistolet, mais également la dissimulation de son existence et de son emplacement, de même que son altération physique entre le moment où le membre visé a reçu le pistolet et celui où il l’a désigné et consigné en tant que pièce à conviction dans un dossier du système PRIME.

[28]  L’allégation no 4 s’appuie sur une infraction liée à une conduite déshonorante au titre de l’article 7.1 du code ainsi que sur le transfert illégal du pistolet à M. J., ce qui constitue une infraction au Code criminel, RSC 1985, c C-46 [Code criminel], et la compromission inutile de la sécurité du public lorsque le membre visé a permis à M. J. d’avoir accès au pistolet, d’en prendre possession et de le transporter.

[29]  Comme l’élément principal de l’inconduite énoncée aux allégations nos 1 et 4 est suffisamment distinct, je suis disposé à prendre une décision sur ces deux allégations sans modifier ou limiter les précisions qui se rapportent au vol ou à l’abus de confiance commis par le membre visé. En outre, l’imposition, par la Couronne, de la suspension de deux accusations criminelles ne m’empêche pas, à mon avis, d’évaluer si ces précisions sont établies après l’examen des informations pertinentes du dossier et du droit applicable. Il faut étudier de manière distincte la question de savoir si, à l’étape des allégations, il est nécessaire de décider si une précision se rapportant à une infraction criminelle est établie, lorsque d’autres précisions suffisent pour établir le bien-fondé d’une allégation.

Principal différend d’ordre factuel dans l’avis no 1

[30]  À la suite d’une enquête initiale en matière de déontologie, cinq allégations concernant le membre visé ont été énoncées dans l’avis no 1, dont une copie constitue la pièce no 1 du représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) et est annexée à la présente décision.

[31]  Comme il est indiqué précédemment, chaque allégation comprend une précision no 2 qui inclue un libellé identique commençant par l’affirmation qu’en septembre 2015, un citoyen nommé J. A. (J. A. père ) s’est rendu au bureau du District 2 (D2) pour remettre une arme à autorisation restreinte, soit un pistolet Colt semi-automatique sur lequel figurait des numéros de modèle et de série particuliers (le pistolet). Il n’est pas contesté que J. A. père a apporté le pistolet pour qu’il soit détruit par la GRC.

[32]  D’après une déclaration de J. A. père fournie aux enquêteurs de la GRC, il est évident que l’homme n’a pas remis le pistolet directement au membre visé, mais plutôt à un autre membre de la GRC en uniforme. Par conséquent, le libellé commun de la précision no 2 indique que le pistolet : [traduction] « a plus tard été confié au [membre visé] »; le membre visé n’a pas consigné la saisie de l’arme à feu et il a donné l’arme à M. J., un collègue du détachement, pour son usage personnel.

[33]  Le principal différend d’ordre factuel entre les parties au sujet de l’avis no 1 porte sur le pistolet (illustré dans la pièce no 5 du RAD) cédé par J. A. père, le 23 septembre 2015 ou autour de cette date. La question consiste à savoir si le membre visé, après avoir montré à M. J. le pistolet le 24 septembre 2015 ou autour de cette date, dans la salle des casiers temporaires à pièces à conviction du bureau satellite du D2 de la GRC, a permis à M. J. d’avoir le pistolet en sa possession à l’extérieur du D2, dans le but d’aider ce dernier à essayer d’obtenir un enregistrement d’arme à feu pour le pistolet.

[34]  L’autorité disciplinaire soutient que le membre visé a illégalement permis à M. J. d’avoir en sa possession le pistolet et de le transporter à l’extérieur du D2. L’autorité disciplinaire soutient également que ce n’est que parce que M. J. a échoué dans sa tentative d’enregistrer personnellement le pistolet que ce dernier l’a redonné au membre visé, au D2, le 23 octobre 2015 ou autour de cette date, afin qu’il le place en lieu sûr dans un casier temporaire à pièces à conviction du D2 et le traite officiellement en tant que pièce à conviction en créant un dossier dans le système PRIME.

[35]  Le membre visé soutient qu’il a uniquement montré le pistolet à M. J. à l’intérieur de la salle des casiers temporaires à pièces à conviction du D2, assurément le 24 septembre 2015 ou autour de cette date, et peut-être à une deuxième occasion par la suite. Entre le moment où le membre visé a reçu le pistolet et le moment où il l’a remis à la salle d’entreposage principale des pièces à conviction du bâtiment principal du détachement, le pistolet a été entreposé sous clé dans un casier temporaire à pièces à conviction du D2, sous le contrôle du membre visé, qui a conservé la clé du casier de façon ininterrompue.

Renseignements inculpatoires

[36]  Les renseignements contenus dans les documents d’enquête présentés au comité de déontologie étayent la position de l’autorité disciplinaire voulant que puisque le membre visé a permis le transfert physique du pistolet à M. J. au plus tard le 8 octobre 2015 (et peut-être même dès le 1er octobre 2015), M. J. a pris possession du pistolet à l’extérieur du bâtiment du D2 et l’a par la suite redonné au membre visé.

[37]  Les renseignements inculpatoires sur lesquels s’est appuyée l’autorité disciplinaire sont tirés de plusieurs sources différentes. Les voici :

  • les dossiers du Registre canadien des armes à feu (Registre) sur la demande d’enregistrement du pistolet présentée par M. J., fournis comme pièce à l’affidavit de Mme A. M., souscrite sous serment le 16 décembre 2015 (pièce no 6 du RAD);
  • la transcription de l’entrevue téléphonique du 22 décembre 2015, menée par un enquêteur des normes professionnelles de la GRC auprès de Mme V. M., une employée du Registre, qui relate ses souvenirs de ses discussions téléphoniques avec M. J. (pièce no 7 du RAD);
  • des courriels échangés au début de novembre 2015 entre M. J. et la sergente (serg.) W. M., membre du Groupe des normes professionnelles (GNP) responsable d’enquêter sur des questions liées au pistolet (pièce no 8 du RAD);
  • des courriels échangés en septembre et en octobre 2015 entre le membre visé et M. J. au sujet du pistolet (pièce no 3 du RAD).

[38]  En ce qui concerne le dossier de « demande du client » sur le pistolet (pièce no 6 du RAD), une copie papier du premier dossier électronique que M. J. a envoyé au Registre contient l’entrée suivante (traduit tel que reproduit dans la version anglaise) :

[Traduction]

Je suis un membre de la GRC à la retraite (2 juin 2015) et je me trouvais près du comptoir d’accueil [X] lorsqu’une dame âgée est entrée pour faire éliminer une arme à feu qui appartenait à son époux décédé. Je ne crois pas que cette arme à feu avait été enregistrée auparavant. Aucun dossier de la GRC n’avait été créé. Le CIPC indique 10-10. Il s’agissait probablement d’une arme datant de la Seconde Guerre mondiale. Elle est légèrement rouillée et la plaquette de poignée du côté gauche est brisée. Le chargeur contient 7 cartouches.

[39]  De plus, à la deuxième page de la même copie papier, on peut lire ce qui suit :

Emplacement de l’arme à feu

Lieu d’enregistrement

Emplacement actuel

Même que l’adresse personnelle

[Adresse caviardée]

[40]  Lors de son témoignage devant le comité de déontologie, M. J. a déclaré que [traduction] « sur le formulaire, il y a un endroit où il faut inscrire l’emplacement de l’arme à feu » et qu’il a [traduction] « écrit [son] adresse à cet endroit » (transcription, vol. I, 29 janvier 2018, page 108).

[41]  À la suite des discussions tenues lors de la conférence préparatoire, aucune des parties n’a demandé à ce que Mme V. M. soit interrogée sous serment; le comité de déontologie n’a pas considéré son témoignage comme étant nécessaire.

[42]  Dans d’autres documents du Registre (également inclus à la pièce no 6 du RAD), les entrées au dossier créées par Mme V. M. ont été reproduites, y compris l’entrée ci-dessous, datant du 22 octobre 2015, concernant une conversation téléphonique avec M. J. qui a eu lieu à cette même date (traduit tel que reproduit dans la version anglaise) :

[Traduction]

Appel du client. Il ne savait pas qui a apporté l’arme à feu. Cette arme à feu a été remise au comptoir [X] de la GRC pour destruction, et l’agent responsable l’a donnée au client pour qu’il l’enregistre. Le client a été informé qu’il devait demander à la police de venir chercher l’arme à feu pour la rapporter au [X] de la GRC puisqu’il n’a pas de permis l’autorisant à posséder cette arme à feu et qu’il ne peut pas et qu’il n’aurait pas dû transporter l’arme à feu où que ce soit. Je n’ai pas pu aborder la question de la différence quant à la longueur du canon dans le Système d'enregistrement des armes à autorisation restreinte. Recommandation : refus.

[43]  Dans sa déclaration téléphonique enregistrée le 22 décembre 2015 (pièce no 7 du RAD), Mme V. M. confirme qu’elle a directement soulevé auprès de M. J. la question de l’emplacement du pistolet lors de leur conversation du 22 octobre 2015, et que M. J. lui a confirmé qu’il avait le pistolet chez lui. Mme V. M. s’est également souvenue des réactions et de l’attitude générale de M. J. et a jugé qu’il semblait être une personne [traduction] « très amicale », « très aimable » et « très agréable ».

[44]  Dans un courriel envoyé par M. J. à la serg. W. M. le 3 novembre 2015, à 9 h 5, M. Jones déclare, en partie (pièce no 8 du RAD) :

[Traduction]

  • Aucun vol n’a été commis puisque je n’avais pas l’intention de voler quoi que ce soit et j’ai été honnête dès le début avec le Centre canadien des armes à feu quant à la façon dont j’ai obtenu l’arme à feu.
  • [Le membre visé] m’a alors donné l’arme à feu. À ce moment-là, aucun dossier n’avait été créé par [le membre visé].
  • […] Elle m’a dit de rapporter l’arme à feu au [X] pour qu’elle soit détruite. Je l’ai rapportée le lendemain et j’ai dit au [membre visé] qu’il fallait créer un dossier et que l’arme à feu devait être éliminée.

[45]  Dans un autre courriel que M. J. a envoyé à la serg. W. M. le 6 novembre 2015, à 9 h 4, M. J. affirme, en partie (pièce no 8 du RAD) :

  • J’aurais dû écouter ma petite voix et redonner le pistolet au [membre visé].

[46]  Finalement, certains courriels échangés entre le membre visé et M. J. (pièce no 3 du RAD), qui ont été présentés dans les observations du RAD, ont servi à établir ce qui suit :

  • Le membre visé a pris possession du pistolet puisqu’il affirme en partie, dans un courriel envoyé le 23 septembre 2015 (courriel ouvert par [M. J.] à 9 h 12 le lendemain) : [traduction] « Communique avec moi… j’ai peut- être quelque chose pour toi. »

[L’échange d’informations transcrit ci-dessous entre le RAD et M. J. a eu lieu lors du témoignage de ce dernier (transcription, vol. 1, 29 janvier 2018, à la page 53) :

[Traduction]

RAD : D’accord. Maintenant, il y a l’autre partie qui dit : « J’ai peut-être quelque chose pour toi. » Vous souvenez-vous de ce que [le membre visé] aurait pu avoir pour vous?

JONES : Je ne me souviens pas. C’était probablement le .45 auquel il voulait que je jette un coup d’oeil.]

  • Le membre visé a mis le pistolet dans le sac de [M. J.] dans le bureau du D2 puisqu’il écrit dans un courriel le 24 septembre 2015, à 10 h 38 : [traduction] « enveloppe dans ton sac. 10-10 et le propriétaire voulait seulement qu’on l’élimine. »
  • Le niveau extraordinaire de soulagement exprimé par [M. J.] le 29 octobre 2015, à l’intention du membre visé (« Merci mon Dieu… toujours au principal »), lorsque ce dernier l’a informé que le statut « privatisé » que le GNP avait associé au dossier sur le pistolet dans le système PRIME ne concernait que le besoin d’avoir un meilleur système pour saisir l’information sur les pièces à conviction au comptoir d’accueil du D2.
  • Même si le membre visé l’a de nouveau rassuré au sujet du GNP, [M. J.] a malgré tout affirmé dans un courriel subséquent le 29 octobre 2015 : [traduction] « Je te dois un repas complet… je pourrais par contre encore avoir des ennuis avec le personnel des armes à feu ».

Renseignements disculpatoires

Témoignage de M. J. sur les déplacements du pistolet

[47]  Avant l’audience, le comité de déontologie jugeait que le témoignage de M. J. était nécessaire pour les raisons suivantes : la participation de M. J. à la création de certains documents du dossier directement liés au pistolet; le compte rendu de Mme V. M. sur sa conversation téléphonique avec M. J., le 22 octobre 2015, et le manque d’une déclaration de M. J. relativement à une quelconque enquête criminelle ou interne. En l’absence d’une déclaration ou d’observations provenant de M. J. concernant sa possession apparente du pistolet lorsqu’il traitait avec le Registre, on ignorait quelle serait sa position devant le comité de déontologie.

[48]  M. J. a dû témoigner en vertu d’une citation à comparaître, et immédiatement après avoir fait son affirmation solennelle, il a déclaré ce qui suit (transcription, vol. I, 29 janvier 2018), page 28) :

[Traduction]

Et je veux également m’opposer à l’idée d’être cité à comparaître aujourd’hui en tant que témoin parce que j’ai fait face à des accusations criminelles à l’instar du [membre visé]. L’affaire a été suspendue. La Couronne dispose d’un délai pouvant aller jusqu’à un an pour rouvrir l’affaire. Je voudrais également invoquer l’article 13 de la Charte canadienne des droits et libertés, à savoir que toute information révélée au cours de la présente audience ne peut être utilisée contre moi à l’avenir.

[49]  Le comité de déontologie a ensuite cité, à l’intention de M. J., le libellé du paragraphe 50(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, RSC, 1985, c R-10 [Loi sur la GRC], qui stipule que toute personne qui comparaît devant un comité et qui refuse de répondre à une question commet une infraction. Dans le même ordre d’idée, le paragraphe 45.1(5) de la Loi sur la GRC a été lu à l’intention de M. J. Ce paragraphe stipule qu’un témoin n’est pas dispensé de répondre aux questions portant sur l’affaire au motif que sa réponse peut l’incriminer ou l’exposer à une procédure ou action pénale, civile ou administrative. Finalement, le comité de déontologie a lu à M. J. le paragraphe 5(2) de la Loi sur la preuve au Canada, RSC, 1985, c C-5 [Loi sur la preuve au Canada] et en a confirmé la mise en application. Ce paragraphe limite l’invocation et l’admissibilité en preuve des réponses que le témoin a été forcé de donner lors de poursuites contre le témoin pour parjure ou pour témoignage contradictoire.

[50]  Après une carrière de 35 ans en tant que membre de la GRC, M. J. a pris sa retraite en juin 2015 alors qu’il était caporal. En raison d’une blessure au dos, ses dernières fonctions en tant que membre consistaient à étalonner et à réparer les appareils permettant d’effectuer sur place des alcootests dans les cinq bureaux du district/détachement X. Après son départ à la retraite, M. J. a été embauché comme employé municipal X et a continué de s’acquitter des mêmes responsabilités en matière d’étalonnage et de réparation. Même s’il était retraité, il a conservé sa carte d’accès aux divers bâtiments protégés de la GRC du district, et il pouvait toujours l’utiliser pour entrer dans la salle des casiers temporaires à pièces à conviction du bâtiment du D2.

[51]  L’heure et la date de l’utilisation, par M. J., de sa carte d’accès ont été enregistrées dans un système informatique qui consignait également l’emplacement de la porte que la carte permettait d’ouvrir. Les données sur l’utilisation, par M. J., de sa carte d’accès pour entrer dans l’immeuble du D2 (« DIST 2B, Entrée – Porte extérieure de la cuisine ») et dans la salle des casiers temporaires à pièces à conviction (« DIST 2B, Entrée – Pièces temp. 127) ont donc été enregistrées avec exactitude. Lors de l’audience, on a fait référence à un document imprimé comprenant les données couvrant la période du 1er septembre au 15 octobre 2015 (pièce no 4 du RAD). On a également fait référence à un document semblable sur l’utilisation, par le membre visé, de sa carte d’accès (pièce no 2 du RM, période du 1er septembre au 23 octobre 2015).

[52]  Sans minimiser les efforts déployés par le conseiller juridique pour relever les fois où le membre visé et M. J. ont chacun utilisé leur carte d’accès respective, à quelques minutes d’intervalle, pour entrer dans la salle des casiers temporaires à pièces à conviction, je dois signaler qu’après qu’une personne s’est servie de sa carte d’accès pour ouvrir la porte de cette salle, une autre personne peut simplement la suivre sans utiliser sa propre carte. Pour mieux exclure la possibilité que le membre visé ait rencontré M. J., il faut trouver un moment où chacun s’est récemment rendu dans un bâtiment différent de la GRC. Je fais part de cette observation pour souligner que malgré l’analyse minutieuse présentée dans la pièce no 4 du RAD et la pièce no 2 du RM, il est possible que les deux hommes se soient rencontrés sans que le système informatique indique que les deux sont récemment entrés dans une salle dont l’accès est réservé aux personnes autorisées.

[53]  Lors de ses interactions avec le RAD pendant son témoignage, M. J. a plusieurs fois nié avoir reçu le pistolet du membre visé (voir les extraits pertinents dans la transcription, vol. I, 29 janvier 2018, aux pages indiquées) :

[Traduction]

Page 60

Q. [Le membre visé] vous a-t-il donné l’arme à feu?

R. Non.

Q. Non?

R. Non.

Q. Alors, si [le membre visé] ne vous a pas donné l’arme à feu, pourquoi essayez-vous de l’enregistrer?

R. Je voulais savoir si je pouvais l’enregistrer. Je ne l’avais pas.

Q. D’accord. Alors, disons que vous réussissez à l’enregistrer, que se passe-t-il ensuite?

R. Je la prendrais, j’imagine.

Q. Est-ce que [le membre visé] vous l’a offerte?

R. Il me l’a montrée.

Page 62

Q. [….] il semble que [le membre visé] vous a répondu à 10 h 38, et le message dit : [traduction] « enveloppe dans ton sac ». Vous souvenez-vous ce à quoi il fait référence?

R. Le numéro de série de l’arme à feu, je crois.

Q. L’enveloppe dans votre sac fait référence au numéro de série?

R. C’est ma meilleure hypothèse.

[…]

Q. Et si je disais qu’il vous a remis l’arme à feu dans un sac, que diriez-vous?

R. Non.

[…]

Page 68

Q. […] Et si je disais, monsieur, que la raison pour laquelle vous vous êtes rendu au casier à pièces à conviction à ce moment-là était pour récupérer l’arme à feu, que diriez-vous?

R. Non.

Pages 74-75

Q. […] Pour quelle raison voudriez-vous remercier Dieu dans un courriel, monsieur?

R. Je ne sais pas.

Q. Si je disais que c’est parce que [le membre visé] vous explique maintenant que [B. K.] est au courant de la présence du pistolet chez vous, que répondriez-vous à cela, monsieur?

R. Cela serait incorrect.

Q. Et pourquoi cela?

R. Parce que cela ne s’est jamais produit. Je ne sais rien de la conversation que [le membre visé] a eue avec [B. K.].

Page 77

Q. […] Et vous avez commenté que vous lui deviez un repas complet et que vous aviez peut-être des ennuis avec le personnel des armes à feu. Pour quelle raison devriez-vous au [membre visé] un repas complet, monsieur?

R. Parce qu’il s’occupe de toute cette affaire.

Q. De quelle façon [le membre visé] s’occupe-t-il l’affaire si c’est vous qui avez fait une demande d’enregistrement de l’arme à feu?

R. Parce qu’il avait le contrôle de la pièce.

Q. Alors vous lui devez un repas parce qu’il a le contrôle de la pièce?

R. Non, parce qu’il s’occupe de l’affaire.

Q. Et pourquoi auriez-vous eu des ennuis avec le personnel des armes à feu, monsieur?

R. Parce que je n’ai pas présenté une demande exacte d’enregistrement d’arme à feu.

Page 78

Q. […] Mais je suppose -- bien que je vous l’aie demandé plusieurs fois, vous soutenez que [le membre visé] ne vous a jamais donné l’arme à feu. Est-ce exact?

R. Il en avait toujours le contrôle.

Q. Alors la seule façon que vous lui causez des ennuis concerne votre demande auprès du personnel des armes à feu, parce qu’il a gardé le contrôle de l’arme en tout temps. Est-ce exact?

R. Oui.

Pages 86-87

Q. Êtes-vous d’accord avec moi que l’histoire que vous racontez au sujet de la dame âgée qui est venue remettre l’arme de son époux décédé est plutôt précise?

R. Oui.

Q. Croyiez-vous qu’il s’agissait d’une déclaration exacte, monsieur?

R. Non, je ne crois pas.

Q. Elle n’était pas exacte?

R. Non, elle n’est pas exacte.

Q. Et pourquoi cela, monsieur?

R. Parce que c’est des conneries. C’est une histoire inventée.

Q. Alors vous présentez une demande d’enregistrement d’une arme à feu, et vous dites que l’histoire -- ou pardon, que c’est des conneries? Votre témoignage, excusez-moi, c’est que c’est des conneries?

R. Oui.

Q. Pourquoi est-ce que c’est des conneries, monsieur?

R. Parce que ce n’est pas ce qui s’est produit.

Q. D’accord. Que s’est-il produit?

R. Bien, comme je l’ai expliqué plus tôt, [le membre visé] m’a montré l’arme à feu et je me suis dit que j’allais essayer de l’enregistrer. J’ai inventé l’histoire pour essayer de l’enregistrer.

Page 89

Q. D’accord. Mais vous ne vous souvenez pas pourquoi vous vous êtes rendu au casier à pièces à conviction le 1er octobre 2015?

R. Probablement juste pour obtenir de l’information sur l’arme à feu avec [le membre visé].

Q. Donc, s’il s’agit d’une pièce à conviction, comment avez-vous accès à un article qui se trouve dans le casier à pièces à conviction?

R. Je n’avais pas accès à l’article. [Le membre visé] avait la clé.

Q. Alors, si [le membre visé] a le contrôle de l’arme à feu, pourquoi vous laisse-t-il y jeter un coup d’oeil?

R. Juste pour obtenir de l’information sur l’arme.

Q. Et si je disais que vous avez pris l’arme à feu à ce moment-là?

R. Non.

Pages 101-102

Q. Vous souvenez-vous de ce que vous lui avez dit?

R. Pas exactement, non.

Q. Si je disais que dans sa déclaration, elle a dit que vous avez indiqué être en possession de l’arme à feu, que diriez-vous? Je peux vous montrer sa déclaration.

R. J’ai peut-être dit ça, oui.

Q. Vous lui avez peut-être dit que vous aviez l’arme à feu en votre possession?

R. Oui.

Q. Et si je disais qu’elle s’est avancée au point de dire que vous l’avez informée que vous l’aviez chez vous, que diriez-vous?

R. C’est possible, oui.

Q. Aviez-vous l’arme à feu chez vous?

R. Non.

Q. Alors pourquoi auriez-vous dit à [Mme V. M.] au téléphone que l’arme à feu était chez vous si vous ne l’aviez pas chez vous?

R. Je crois que c’est ce que j’avais inscrit sur le formulaire lorsque j’ai fait une demande pour enregistrer l’arme à feu.

Q. À quel endroit, monsieur?

R. Sur le formulaire original, il fallait inscrire l’endroit où se trouvait l’arme à feu.

Q. Alors pourquoi inscrire sur le formulaire que vous aviez l’arme à feu chez vous si elle n’était pas chez vous?

R. Je pensais qu’il fallait être en possession de l’arme à feu pour pouvoir l’enregistrer.

Q. Alors vous avez menti lorsque vous avez inscrit sur la demande que vous l’aviez chez vous? Est-ce bien votre témoignage?

R. Oui.

Q. Est-ce un oui?

R. Oui.

Q. Et vous avez induit Mme [V. M.] en erreur lorsque vous lui avez dit au téléphone que vous l’aviez chez vous?

R. Oui.

Q. Mais aujourd’hui, tandis que vous témoignez lors de l’audience disciplinaire du [membre visé], vous dites la vérité?

R. Oui.

Q. Et si je disais que vous faites cela uniquement pour protéger [le membre visé], que diriez-vous?

R. Non, je -- il est déjà assez dans la merde. Pourquoi est-ce que j’aggraverais la situation?

Q. Bien, vous admettez avoir menti sur une demande et vous admettez avoir menti lors d’un appel téléphonique avec une employée des armes à feu -- désolé, je veux utiliser le mot exact -- du Registre canadien des armes à feu.

R. Oui, à ce moment-là, parce que je répétais ce que j’avais écrit sur la demande d’enregistrement.

Page 105

Q. Pour posséder un permis, est-ce que tout doit être en règle, monsieur?

R. Oui.

Q. Si vous faites une fausse demande au bureau du Registre canadien des armes à feu, croyez-vous que tout est en règle?

R. Non.

Page 107

Q. Et vous parlez de vol et dites que vous n’aviez pas l’intention de commettre un vol. Que vouliez-vous dire, monsieur?

R. Je n’ai rien volé.

Q. [Traduction] « Aucun vol n’a été commis puisque je n’avais pas l’intention de voler quoi que ce soit et j’ai été honnête dès le début avec le Centre canadien des armes à feu quant à la façon dont j’ai obtenu l’arme à feu. »

R. Oui, je répétais ce que j’avais inscrit sur le formulaire que je leur avais envoyé.

Q. Pourquoi avoir dit que vous aviez obtenu l’arme si vous ne possédiez pas l’arme à feu, monsieur?

R. Parce que je leur ai dit que je l’avais déjà.

Q. La serg. [W. M.], travaille-t-elle pour les armes à feu?

R. Non.

Q. Alors pourquoi devez-vous continuer de mentir lorsque vous lui parlez, monsieur?

R. Parce que c’est ce que j’avais déjà indiqué sur le formulaire, alors je me suis dit que j’avais des ennuis pour avoir menti sur le formulaire.

Pages 109-110

Q. Et ensuite, vous dites précisément à la troisième phrase du deuxième paragraphe que : [traduction] « [Le membre visé] m’a ensuite donné l’arme à feu. »

R. Oui. Ce n’était pas vrai.

Q. Alors lorsque vous avez parlé à la serg. [W. M.], vous mentiez, et maintenant, vous dites la vérité?

R. C’est exact.

Q. Vous reconnaissez, monsieur, que cela se rapporte à ce que j’ai décrit plus tôt au sujet d’une bonne réputation. Êtes-vous d’accord?

R. Oui.

Page 113

Q. Alors que devez-vous décrire à la serg. [W. M.], qui ne travaille même pas au bureau du Registre canadien des armes à feu, pour que vous rapportiez l’arme à feu le lendemain? Pourquoi devez-vous l’informer de cela?

R. Je répétais l’histoire que j’avais inscrite sur le formulaire. Elle a accès à tout.

Page 114

Q. Alors il y a une demande sur laquelle vous admettez avoir fourni de fausses informations, et vous sentiez quand même que vous lui deviez quelque chose en lui donnant le numéro du dossier?

R. J’essayais seulement de m’en sortir avec le moins de dommage possible.

Page 115-116

Q. Pourquoi lui avez-vous dit que vous vous inquiétiez maintenant de ce qui allait arriver au [membre visé]?

R. Parce que je savais que la politique n’était pas respectée exactement, pas du tout.

Q. Que voulez-vous dire par la politique n’était pas respectée du tout?

R. Je savais que je n’aurais jamais dû essayer de l’enregistrer.

Q. D’accord. Alors, pourquoi [le membre visé] aurait-il des ennuis s’il a toujours gardé l’arme à feu sous clé dans la salle à pièces à conviction?

R. Bien, parce que je l’entraînais dans ce bourbier.

Q. Et encore une fois, monsieur, si je disais que votre témoignage vise à protéger [le membre visé], que diriez-vous?

R. Non, il a déjà assez d’ennuis.

Q. Mais il vous a donné l’arme à feu?

R. Non, il la gardait pour moi.

Q. Et pourquoi avez-vous dit [traduction] « Nous n’avons jamais essayé de cacher quoi que ce soit ou de voler quoi que ce soit » si [le membre visé] est continuellement en possession de l’arme à feu? Que volez-vous si elle n’a jamais quitté le bureau [X] du District 2?

R. Bien, il était indiqué dans la demande initiale que je l’avais.

Q. Mais vous avez déjà admis que cela n’était pas exact, que c’était faux.

R. Oui.

Q. Alors pourquoi avez-vous besoin de revenir là-dessus; vous n’avez rien volé si vous le l’avez jamais eue en votre possession?

R. Je ne sais pas. J’essayais simplement de rester fidèle à l’histoire initiale.

Page 117

Q. Puis vous dites : [traduction] « J’aurais dû écouter ma petite voix. » Et vous dites de nouveau [traduction] « et redonner le pistolet au [membre visé]. » Pourquoi avez-vous écrit cela, monsieur?

R. Lorsqu’il me l’a montré dans la salle à pièces à conviction, je n’aurais même jamais dû le regarder.

Page 119

Q. Est-ce que cela vous préoccuperait qu’une arme à feu à autorisation restreinte entièrement fonctionnelle ne soit pas manipulée adéquatement par [le membre visé]?

R. Elle était manipulée adéquatement, d’autant que je sache.

Q. Parce qu’elle n’a jamais été sortie du casier à pièces à conviction, c’est exact?

R. Oui.

Q. Et chaque fois que je vous ai indiqué dans votre témoignage que vous aviez dit avoir le pistolet en votre possession, il s’agissait d’une fausse déclaration?

R. C’est exact.

[54]  M. J. a répété qu’il n’avait pas reçu le pistolet du membre visé dans ses réponses à un ensemble de questions posées par le RM (transcription, vol. I, 29 janvier 2018, aux pages indiquées) :

[Traduction]

Pages 128-129

Q. Et vous avez témoigné plus tôt que votre demande d’enregistrement d’arme à feu était inexacte, n’est-ce pas?

R. Oui.

Q. Et vous avez témoigné avoir dit à [Mme V. M.] que l’arme à feu était chez vous parce que c’est ce qui était inscrit sur le formulaire. Est-ce exact?

R. Oui.

Q. Et vous avez témoigné que lorsque vous avez écrit un courriel à la [serg. W. M.] indiquant que [le membre visé] vous avait donné le pistolet ou que vous aviez pris le pistolet et le lui aviez redonné, cela n’était que pour poursuivre -- je paraphrase, mais ce n’était que pour poursuivre l’histoire initiale?

R. C’est exact.

Q. Il serait donc juste de dire que vous avez menti sur la demande initiale?

R. Oui.

Q. Et que vous avez continué de mentir afin de rester cohérent avec votre mensonge initial?

R. C’est exact.

Q. Et à ce moment-là vous n’aviez pas prêté serment; est-ce exact?

R. C’est exact.

Q. Et maintenant vous témoignez sous serment?

R. Oui.

Q. Et comprenez-vous que -- et le comité de déontologie a mentionné à votre intention les dispositions de la Loi sur la preuve au Canada qui vous permettent de témoigner sans vous incriminer, sauf en ce qui concerne le parjure. Est-ce exact?

R. C’est exact.

Q. Et ainsi, vous avez grandement intérêt, dans ce contexte, à dire la vérité. Est-ce exact?

R. Oui.

Q. Et êtes-vous au courant que le fait de mentir sur un formulaire concernant les armes à feu constitue une infraction?

R. Je le suis maintenant, oui, après avoir fait quelques recherches plus poussées.

Q. Et savez-vous en quoi consiste la pénalité -- ce qu’est la peine potentielle pour ---

R. C’est maintenant une infraction punissable par mise en accusation, cinq ans.

Témoignage du membre visé sur les déplacements du pistolet

[55]  Dans son témoignage devant le comité, le membre visé a donné les réponses suivantes aux questions visant à déterminer s’il avait donné le pistolet à M. J. (transcription, vol. 3, 31 janvier 2018, aux pages indiquées) :

[Traduction]

Page 71

Q. Et avez-vous donné le pistolet à [M. J.] à ce moment-là?

R. Non.

Q. Avez-vous donné le pistolet à [M. J.] à quelque moment que ce soit?

R. Non.

Q. Avez-vous déjà vu [M. J.] avec le pistolet à l’extérieur du casier à pièces à conviction?

R. Non.

Q. Avez-vous donné le pistolet à une autre personne, à quelque moment que ce soit, avant de l’apporter à la salle d’entreposage principale [X]?

R. Non.

Page 228-229

Q. Et vous témoignez que vous avez toujours eu le pistolet en votre possession. Il a toujours été dans le casier temporaire à pièces à conviction, est-ce exact?

R. C’est exact.

Page 236-237 – Contre-interrogatoire du RAD

Q. […] Alors cela serait -- même s’il est énoncé ici, vous contestez cela parce qu’en fait, vous ne lui avez jamais donné le pistolet pour son usage personnel, est-ce exact?

R. C’est exact.

Norme de preuve applicable

[56]  Comme le prescrit le paragraphe 44(1) de la Loi sur la GRC, mon rôle en tant que comité de déontologie est de décider si chacune des allégations de contravention à une disposition du code est établie ou non, selon la prépondérance des probabilités. Je confirme que je me fonde sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt F.H. c. McDougall, [2008] RCS 41, aux paragraphes 44 à 46, où la Cour déclare :

[44] […] À mon avis, la seule façon possible d’arriver à une conclusion de fait dans une instance civile consiste à déterminer si, selon toute vraisemblance, l’événement a eu lieu.

[45] Laisser entendre que lorsqu’une allégation formulée dans une affaire civile est grave, la preuve offerte doit être examinée plus attentivement suppose que l’examen peut être moins rigoureux dans le cas d’une allégation moins grave. Je crois qu’il est erroné de dire que notre régime juridique admet différents degrés d’examen de la preuve selon la gravité de l’affaire. Il n’existe qu’une seule règle de droit : le juge du procès doit examiner la preuve attentivement.

[46] De même, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Mais, je le répète, aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment […]

Évaluation de la crédibilité des témoins

[57]  Je confirme que, pour évaluer la crédibilité des témoins, la démarche décrite dans l’arrêt Faryna c. Chorny, [1952] 2 DLR 354, aux pages 357 et 358, devrait être prise en considération et appliquée :

[Traduction] On ne peut évaluer la crédibilité d’un témoin intéressé, en particulier dans les cas de témoignages contradictoires, en se fondant exclusivement sur le point de savoir si son comportement personnel inspire la conviction qu’il dit la vérité. Il faut soumettre la version qu’il propose des faits à un examen raisonnable de sa compatibilité avec les probabilités afférentes à la situation considérée. Bref, le critère de véracité à appliquer à la version du témoin dans un tel cas est sa conformité à la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et bien informée estimerait d’emblée raisonnables dans le lieu et la situation en question.

[58]  L’arrêt Bradshaw c. Stenner, 2010 BCSC 1398, (confirmé 2012 BCCA 296), au paragraphe 186, indique que l’évaluation de la crédibilité des témoins peut se fonder sur un certain nombre de facteurs, notamment :

  • la capacité du témoin de résister à la tendance de modifier ses souvenirs;
  • la concordance des éléments de preuve présentés par le témoin avec un élément de preuve indépendant admis;
  • le caractère déraisonnable, impossible ou improbable du témoignage du témoin;
  • le motif que pourrait avoir un témoin de mentir et l’attitude d’un témoin.

[59]  Les communications inculpatoires de M. J., dans lesquelles il dit avoir le pistolet en sa possession constituent l’élément principal de l’autorité disciplinaire dans le cas en l’espèce.

[60]  Cependant, devant le comité de déontologie, M. J. a insisté en résumé que chaque fois qu’il a indiqué, admis ou mentionné (même de façon spontanée) qu’il avait le pistolet en sa possession, il s’agissait d’un mensonge.

[61]  M. J. a insisté sur le fait qu’après avoir faussement indiqué, dans sa demande d’enregistrement en ligne, que le pistolet se trouvait à son adresse personnelle, il a choisi de répéter ou de perpétuer ce mensonge non seulement dans ses communications avec le personnel du Registre, mais également auprès d’une sergente de la GRC affectée au GNP X, responsable d’enquêter sur la manipulation du pistolet.

[62]  J’estime qu’il est plutôt improbable en soi que M. J. continue de mentir en disant qu’il possède une arme à feu non enregistrée plutôt que de chercher à corriger, en s’excusant, la fausse adresse inscrite, une seule fois, sur un formulaire de demande en ligne.

[63]  Je constate que M. J. lui-même n’est pas un témoin indépendant dans cette affaire. Je suis d’avis que son témoignage au sujet de ce qu’il décrit comme ayant été un appel téléphonique matinal perturbateur de la part de Mme V. M. semblait avoir été répété. En dépit de ses activités de tir à la cible et de tir actif, il a tenu à indiquer de façon volontaire au début de son interrogatoire le nombre de comprimés de Tylenol qu’il avait dû prendre au moment de la discussion qui aurait prétendument eu lieu tôt le matin. Cela m’a incité à évaluer s’il essayait de créer un doute quant à son bon fonctionnement mental lorsqu’il a confirmé à plusieurs reprises à V. M. qu’il avait le pistolet chez lui.

[64]  Puisque les accusations criminelles auxquelles il faisait face ont été suspendues au même moment que celles du membre visé, il est raisonnable de penser que M. J. est fortement motivé à éviter le relancement de la poursuite criminelle engagée contre lui. Par conséquent, le fait de nier avoir été en possession du pistolet est une stratégie simple et efficace qui lui évite de devoir se fier à la protection juridique peu connue de la Loi sur la preuve au Canada. D’un autre côté, ce déni fait en sorte qu’en principe, M. J. s’expose à une nouvelle accusation criminelle pour parjure ou pour témoignage contradictoire, ce qui constitue une conséquence sérieuse que tout témoin rationnel évaluerait attentivement avant de présenter un faux témoignage.

[65]  J’estime que ce qui incite maintenant M. J. à nier qu’il a déjà eu le pistolet chez lui est en partie qu’il veut aider le membre visé à se défendre contre les allégations d’inconduite très sérieuses qui pèsent contre lui. Dans son témoignage, M. J. a dit regretter que sa tentative visant à enregistrer le pistolet ait causé des ennuis au membre visé, et le fait de nier avoir eu le pistolet en sa possession serait clairement à l’avantage du membre visé. Je n’ai toutefois pas senti qu’il existait un lien solide ou une amitié profonde entre le membre visé et M. J., ce qui aurait pu constituer un motif pour mentir.

[66]  Devant le comité de déontologie, M. J. semblait, en grande partie, être un témoin expérimenté et discipliné, ce qui n’est pas surprenant étant donné sa longue carrière au sein de la GRC. Son refus d’accepter certaines suggestions formulées par le RAD a été communiqué de façon mesurée, voire un peu bourrue.

[67]  Si l’on met de côté le désaveu actuel de M J. concernant l’« emplacement de l’arme à feu » faussement inscrit dans sa demande d’enregistrement du pistolet, il ne faut pas oublier qu’en octobre 2015, il a inventé un récit selon lequel il se [traduction] « trouvait près du comptoir d’accueil [X] lorsqu’une dame âgée est entrée pour faire éliminer une arme à feu qui appartenait à son époux décédé ». C’est une tâche complexe que d’analyser si la facilité apparente avec laquelle M. J. a présenté ce faux récit soutient ou affaiblit son désaveu actuel concernant sa possession du pistolet. D’une certaine manière, sa crédibilité en tant que témoin doit être ébranlée par sa facilité apparente à utiliser de fausses informations pour servir ses propres intérêts.

[68]  Dans mon évaluation de l’ensemble du dossier contenant l’information pertinente, j’ai évalué attentivement la crédibilité de M. J. en tant que témoin. Quels que soient les doutes que pourrait soulever son attitude prise en compte de façon isolée, je conclus qu’en fonction de l’ensemble du dossier, son témoignage indiquant qu’il n’a jamais eu le pistolet en sa possession n’est contredit par aucun élément d’information autre que les informations qu’il a communiquées avant de déclarer sous serment qu’il s’agissait de mensonges.

[69]  Le RAD a fait mention des courriels échangés entre M. J. et le membre visé qui concernaient très certainement des questions relatives au pistolet, mais aucune communication par courriel ne permet, même un tant soit peu, d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, M. J. avait le pistolet en sa possession. De même, la chronologie des entrées du membre visé et de M. J. au D2 et dans la salle des casiers temporaires à pièces à conviction peut, dans certains cas, correspondre à certaines autres activités du membre visé et de M. J., mais elle ne suffit pas du tout pour établir que M. J. avait le pistolet en sa possession.

[70]  J’ai examiné la réaction de M. J. quand Mme V. M. lui a indiqué qu’il devait demander à un policier de venir chez lui récupérer le pistolet. M. J. ne demande pas l’aide d’un policier, et étant donné les personnes du milieu policier qu’il a rencontrées tout au long de sa carrière, j’aurais pensé que cela aurait été une tâche facile pour lui. Cela étaye la position actuelle de M. J. selon laquelle il n’y avait, en fait, aucun pistolet à récupérer chez lui.

[71]  En ce qui concerne la concordance entre la position actuelle de M. J. et l’essentiel de l’information, le RM a soulevé un point convaincant. Pour quelle raison M. J. aurait-il besoin d’avoir le pistolet chez lui lorsque le numéro de série, le numéro du modèle et les détails requis et autres informations du genre semblent avoir été notés au moment où le membre visé a effectué sa première recherche au D2 pour déterminer si le pistolet correspondait à un code « 10-10 »?

[72]  M. J. avait-il une raison valable d’avoir le pistolet chez lui? Je suis disposé à déclarer maintenant à quel point le membre visé a fait preuve d’un manque de jugement extraordinaire en acceptant d’une façon ou d’une autre que M. J. essaie d’enregistrer légalement le pistolet ou en l’appuyant dans sa tentative d’enregistrer le pistolet. Par contre, si M. J. avait vraiment l’intention de voler le pistolet en l’apportant chez lui, pourquoi se serait-il donné la peine de remplir un formulaire d’enregistrement en ligne et d’indiquer que le pistolet avait été apporté à un lieu de la GRC alors qu’il avait été remis pour destruction? J’estime que le point avancé selon lequel M. J. a apporté chez lui le pistolet en vue de le garder, qu’il soit enregistré ou non, ne correspond pas à l’essentiel des faits.

[73]  Je traiterai maintenant de la crédibilité du membre visé en ce qui concerne la question de la possession du pistolet par M. J, et de sa crédibilité de manière générale. Quelles que soient les lacunes du membre visé quant à ses souvenirs des détails concernant ses activités en septembre et en octobre 2015 et des dossiers individuels auxquels fait référence l’avis no 2, il demeure que lorsqu’il a témoigné sous serment et lors de son contre-interrogatoire, le membre visé a systématiquement nié avoir permis à quelque moment que ce soit à M. J. de prendre possession du pistolet. Dans sa réponse en application du paragraphe 15(3) des CC (déontologie), le membre visé a catégoriquement nié tout transfert du pistolet à M. J. Évidemment, le membre visé n’est pas un témoin désintéressé ou indépendant et le fait de nier que M. J. a eu le pistolet en sa possession est tout à son avantage, mais il n’existe simplement pas de communications au dossier entre le membre visé et M. J. qui fait référence à M. J. qui a le pistolet en sa possession.

[74]  En conséquence, bien que j’aie quelques doutes quant à la crédibilité de M. J. en tant que témoin et à la véracité de son témoignage dans lequel il a nié avoir eu le pistolet en sa possession, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le dossier ne contient pas suffisamment d’informations pour établir que le membre visé a donné à M. J. le pistolet pour son usage personnel, pour possession illégale ou pour toutes autres fins.

[75]  Par conséquent, en ce qui concerne la précision no 2 de chacune des allégations, je conclus que le membre visé n’a jamais permis à M. J. de prendre possession du pistolet.

CONCLUSIONS AU SUJET DES ALLÉGATIONS ÉNONCÉES DANS L’AVIS NO 1

Allégation no 1

Déclarations de M. J. A. père

[76]  M. J. A. père a fourni une déclaration enregistrée de type KGB le 10 mai 2016 (qui s’est terminée à 14 h 14). J’ai soigneusement comparé la transcription avec l’enregistrement pour déterminer ce que M. J. A. père disait aux endroits transcrits comme étant « inaudibles ». Je ne peux déterminer avec quelque degré de clarté que ce soit la nature ou l’état des plaquettes de poignée du pistolet, dont l’une a été décrite comme étant « ébréchée », au moment où M. J. A. père a apporté le pistolet.

[77]  M. J. A. père a fourni une autre déclaration, plus tard le 10 mai 2016, de 14 h 20 à 14 h 30, qui ne contenait aucune information sur les plaquettes de poignée du pistolet.

[78]  Le 19 mai 2016, M. J. A. père a participé à une reconstitution enregistrée, qui a permis de confirmer que le pistolet avait été remis au bâtiment du D2. Aucune information n’a été fournie sur les plaquettes de poignée du pistolet.

Déclaration de M. J. A. fils

[79]  Le 12 mai 2016, le fils de M. J. A. père, M. J. A. fils, a fourni une déclaration. Son souvenir du pistolet peut être constitué à partir des extraits suivants recueillis dans sa déclaration :

[Traduction]

M : Mm-hum. D’accord. Pouvez-vous décrire le pis (ph) – le pistolet, d’après vos souvenirs?

A : Je me souviens – il était noir.

M : Mm-hum.

A : La poignée semblait être un – les – les – les deux poignées étaient comme deux petits morceaux qui s’enlèvent.

M : Deux poignées?

A : Pas des poignées, mais des morceaux sur le côté du pistolet où il y a la poignée, où on la tient ici …

M : Mm-hum. Mm-hum.

A : ... comme ça.

M : Mm-hum.

A : Les deux morceaux là étaient – je ne sais pas. On aurait dit qu’ils étaient ...

M : Mm-hum.

A : ... (inaudible) – d’après mes souvenirs, une couleur un peu différente.

M : Mm-hum.

A : Mais un côté était brisé. C’était comme si un côté était entier et l’autre était ...

M : Mm-hum.

A : ... une moitié.

M : D’accord. Alors un côté était brisé.

A : Oui. 210 Et l’autre était encore entier, je pense.

M : Et l’autre côté était – vous avez dit que vous pouviez –

A : Tout y était.

M : Entier.

A : Oui.

[…]

M : Maintenant, qu’est-ce qui aurait – avez-vous reconnu l’arme de poing comme étant la même que celle de votre enfance?

A : La ...

M : Et de votre vie d’adulte –

A : ... le style, mais on aurait dit que les poignées n’étaient plus là. Comme si elles avaient été enlevées.

M : Ah (ph) –

A : Les deux morceaux des poignées n’étaient pas là ...

[…]

A : Oui, oui, oui. À cause de ça, elle n’était pas exactement pareille. Et les poignées n’étaient pas là.

[…]

A : ... Je pense qu’elle était complète. Mais de l’autre côté, il y avait juste la moitié.

M : Mm-hum.

A : La moitié du bas, je me souviens.

M : Alors d’un côté du pistolet, il y a avait, hum, une poignée je supp (ph) – A : Oui.

M : (Inaudible). Et ...

A : Oui. Comme c’était là d’un côté, et l’autre côté était –

M : Mm-hum.

A : Je – Je suis presque certain que c’était la moitié du haut qui était brisée. […]

M : Alors de quoi – de quoi vous souvenez-vous au sujet du pistolet vous – vous – vous vous souvenez?

A : Oui, je me souviens de ça. Que ...

M : (inaudible) –

A : ... que c’était là.

M : Et l’autre côté?

A : Et ce côté – un côté était brisé.

M : D’accord.

A : (Inaudible). Pour autant que je me rappelle, c’était cela.

M : Mm-hum. Cette poi (ph) – il y avait une poignée – comme – quelque chose était là –

A : Oui. Oui.

M : Une poignée sur un côté.

A : Oui.

[…]

M : Et de l’autre côté, qu’est-ce qu’il y avait déjà?

A : C’était à moitié brisé. Comme –

M : Mm-hum.

A : Comme juste, euh, je pense qu’il y avait seulement le bas. Je pense que c’était comme–

M : Mm-hum.

A : Mais je suis pas mal certain que ce n’était que le bas uniquement.

M : Seulement le bas était ...

A : Oui.

M : ... était là?

A : Soit cela – oui. Seulement le bas. Je suis presque certain que seulement la moitié ...

M : Mm-hum.

A : ... était là.

M : D’accord.

A : Soit cela ou c’était – kuh (ph) – vous savez, je suis pas mal certain qu’il manquait seulement la moitié.

[80]  Il est difficile d’attribuer de l’importance à la description du pistolet fournie par M. J. A. fils puisqu’il semble, d’après sa déclaration, que la dernière fois qu’il a vu le pistolet remonte à son enfance et il ne peut fournir aucune information sur l’état du pistolet au moment où son père âgé, M. J. A. père, s’en est départi. Au moment de la tenue de l’audience, M. J. A. père était décédé.

Témoignage du sergent R. et du sergent d’état-major C.

[81]  Ni le serg. R. (transcription, vol. I, 29 janvier 2018, page 216) ni le serg. d’état-major C. (transcription, vol. 2, 30 janvier 2018, page 83) ne se souvient d’avoir reçu le pistolet remis par M. J. R. père à un sergent en uniforme au comptoir d’accueil du bureau du D2. Par conséquent, aucun d’eux ne pouvait fournir des observations sur l’apparence du pistolet, et plus particulièrement sur l’existence et l’état des plaquettes de poignée.

Témoignage de M. J. et description écrite de la poignée-pistolet

[82]  M. J. a fourni une description écrite de l’état du pistolet dans sa demande auprès du Registre (pièce no 6 du RAD), qui a rapidement été déposée après que M. J. a vu et, selon moi, probablement brièvement manipulé, le pistolet pour la première fois, dans la salle des casiers temporaires à pièces à conviction, en présence du membre visé : [traduction] « Il est légèrement rouillé et la plaquette de poignée du côté gauche est brisée. »

[83]  Pour faciliter la consultation, j’ai reproduit des extraits de l’interrogatoire que le RAD a fait subir à M. J. sur les observations de M. J. concernant la poignée-pistolet (transcription, vol. I, 29 janvier 2018, aux pages indiquées) :

[Traduction]

Page 70

Q. Combien de fois avez-vous vu le pistolet, monsieur?

R. Une seule fois, à ma connaissance, et à nouveau lorsque j’ai été interrogé au quartier général plus tard, ou j’ai vu des photos du pistolet plus tard lorsque j’ai été interrogé au quartier général.

Pages 70-71

R. Elle ressemble à l’arme à feu que j’ai vue. Je ne sais pas s’il s’agit de la même ou non.

Q. Bien ---

R. Celle que j’ai vue avait un petit coin d’un bout de plastique sur la plaquette de poignée qui ne semble pas être là maintenant.

Q. Merci monsieur. Alors l’arme à feu que vous avez d’abord vue avait quelque chose sur la poignée ou la plaquette de poignée?

R. Il y avait une partie de la plaquette de poignée qui était à peine retenue par la vis.

Q. Mais il y avait quelque chose?

R. Oui.

Q. Est-ce que c’était d’un seul côté seulement que c’était à peine retenu, disons, ou est-ce que c’était des deux côtés?

R. D’un seul côté, à ma connaissance.

Q. Alors qu’est-ce qu’il y avait de l’autre côté?

R. Il n’y avait pas de plaquette de poignée.

Q. Alors il n’y avait pas de plaquette de poignée d’un côté et de l’autre côté, il y avait seulement un petit morceau qui était retenu?

R. Oui, à ma connaissance.

Page 90

Q. Maintenant, on peut lire : [traduction] « C’est probablement [traduit tel que reproduit dans la version anglaise] rouillé avec la plaquette de poignée du côté gauche brisée. » Maintenant, vous avez témoigné plus tôt que vous aviez vu ou que l’arme à feu, d’après vous, avait une plaquette de poignée sur un côté. Vous en souvenez-vous?

R. Oui.

Q. Et la photographie que je vous montre ici ne semble avoir aucune poignée. Êtes-vous d’accord?

R. Oui, c’est exact.

Q. Alors lorsque vous avez vu l’arme à feu, avait-elle une poignée?

R. Bien, il y avait un tout petit morceau de la plaquette qui était retenu par l’une des vis là, oui.

Page 91

Q. Avez-vous enlevé la plaquette de poignée gauche?

R. Non.

Q. Alors où est la plaquette gauche, monsieur?

R. Comme je l’ai dit, elle semblait à peine attachée. Elle aurait pu tomber.

Témoignage et description écrite du membre visé au sujet de la poignée-pistolet

[84]  Dans la première entrée au dossier du système PRIME créée sur le pistolet le 23 octobre 2015 (pièce no 1 du RAD), le membre visé a inscrit que [traduction] « Le pistolet est rouillé et la poignée est brisée; muni d’un chargeur. »

[Traduction]

Page 137-138

Q. Je vais vous soumettre un autre document qui constitue déjà un élément de preuve, je crois qu’il s’agit de la pièce no 5 du RAD, la photographie du pistolet. Premièrement, vous souvenez-vous de ce à quoi le pistolet ressemblait quand vous l’avez obtenu, précisément?

R. Il était brisé et il ressemblait à un bout de ferraille et il sentait mauvais. Il s’agit là de mon souvenir le plus vif de l’objet. Il puait.

Q. Dans sa déclaration, M. [J. A. fils], a dit qu’il se souvient qu’il avait une – les deux [messieurs J. A. père et fils] ont parlé d’une plaquette de poignée en acajou, ou d’une plaquette en acajou sur la poignée. Vous souvenez-vous si le pistolet qu’on vous a remis avait une plaquette en acajou sur la poignée lorsque vous l’avez reçu?

R. Non. Ce dont je me souviens, c’est qu’il était brisé, comme ça.

Q. Et M. [J.] a témoigné que d’un côté, il y avait un petit morceau de la plaquette de poignée qui était retenu par une vis. Vous souvenez-vous si -- avez-vous un souvenir de cela?

R. Non.

Q. Alors lorsque vous dites non, vous n’avez pas souvenir de cela, vous rappelez-vous qu’aucun morceau de plaquette ne pendait de la poignée? Vous souvenez-vous exactement de ce à quoi il ressemblait, ou dites-vous que ---

R. Je ne me souviens pas s’il y avait ou non un morceau de plaquette sur la poignée. Je ne me souviens pas. Mais je me souviens qu’il était brisé comme ça, comme…

Page 138-139

Q. Avez-vous fait quoi que ce soit pour modifier le pistolet à quelque moment que ce soit après l’avoir reçu?

R. Non.

Q. Avez-vous nettoyé le pistolet ou quoi que ce soit?

R. Non.

Q. Avez-vous enlevé un morceau du pistolet?

R. Non.

Page 228

Q. Mais votre témoignage est que le pistolet est tel qu’il apparaît sur la pièce no 5 du RAC sans aucune poignée, n’est-ce pas?

R. C’est ce à quoi il ressemblait à mes yeux.

Page 229

Q. Alors comment cela se fait-il que M. [J.], bien qu’il ait peut-être menti à certains égards, persiste à dire qu’il y avait une poignée sur l’arme à feu, et pourtant, l’arme à feu que vous avez toujours en votre possession n’a pas de poignée?

R. J’ai également été surpris quand il a dit ça.

[85]  Après l’examen de toutes les informations au dossier concernant les plaquettes de poignée du pistolet, j’estime que les informations sont insuffisantes pour me permettre de déterminer, selon la prépondérance des probabilités, l’état du pistolet au moment où le membre visé l’a reçu. Un autre élément qui a compliqué ma tâche pour déterminer l’état de toute plaquette de poignée est le fait que M. J. A. père a très clairement exprimé qu’il a d’abord remis le pistolet à un sergent en uniforme, qui a pris la lame-chargeur et l’a vigoureusement insérée dans la poignée du pistolet. C’est plus tard que le membre visé a pris le contrôle du pistolet, soit lorsque, selon ses dires, il a l’a trouvé sur son bureau, accompagné d’une seule feuille comprenant certaines notes. En conséquence, je conclus que le membre visé n’a ni altéré ni détruit les plaquettes de poignée et qu’il n’a pas omis de les conserver telles que M. J. A. fils les a décrites, selon ses souvenirs d’enfance. Le RAD cherche à établir le bien-fondé de l’allégation en comparant les descriptions de la poignée du pistolet et de toute plaquette de poignée fournies par le membre visé avec celles fournies par M. J. J’estime qu’il soit possible qu’un morceau relativement petit et sans importance de la plaquette de poignée fût [traduction] « retenu » par l’une des vis de la plaquette de poignée, comme M. J. le laisse croire d’après ses souvenirs du pistolet qu’il a vu dans la salle des casiers temporaires à pièces à conviction en septembre 2015. Selon le souvenir du membre visé, le pistolet ressemblait au pistolet illustré sur la photographie qui constitue la pièce no 5 du RAD.

[86]  J’estime que la perte d’un petit morceau de plaquette de poignée qui pendait au bout de la poignée ne signifie pas que l’arme à feu a été altérée, le mot utilisé dans la précision no 5. Je conclus que la précision no 5 n’a pas été établie.

[87]  Manifestement, la précision no 4 n’est pas établie.

[88]  Malgré la conclusion que j’ai rendue concernant la précision no 2, à savoir que le membre visé n’a pas permis à M. Jones de prendre possession du pistolet pendant une certaine période avant le 23 octobre 2015, je conclus que le membre visé a manqué a son obligation de ranger le pistolet de façon sûre et de consigner adéquatement l’information sur le pistolet, comme l’exigent les politiques et la formation suivie par tous les membres de la GRC sur la manipulation des pièces à conviction (formation qui a été confirmée lors du témoignage du serg. R. et d’autres sous-officiers). Je n’estime pas qu’il soit possible, en se basant sur les actes du membre visé, de conclure que l’existence et l’emplacement du pistolet ont été dissimulés. J’ai été convaincu par le point de vue du membre visé selon lequel le fait qu’il n’ait [traduction] « pas ouvert immédiatement un dossier et consigné l’information » ne signifie pas qu’il dissimulait l’emplacement du pistolet (transcription, vol. 3, 31 janvier 2018, page 238).

[89]  Ainsi, je conclus que les précisions nos 1 et 2 (à l’exception de la partie [traduction] « et donné l’arme à [M. J.], un collègue employé du détachement [X], pour son usage personnel ») et que la deuxième phrase de la précision no 6 sont établis et qu’une contravention de l’article 4.4 du code énoncée dans l’allégation no 1 est établie.

[90]  La précision no 7 se rapporte au vol et à l’abus de confiance commis par le membre visé, qui sont des violations au titre du Code criminel. Cependant, compte tenu de la nature de l’allégation no 1, je ne considère pas que la précision no 7, même si elle est établie, constitue un élément qui prouve ou appuie de quelque façon que ce soit que la contravention de l’article 4.4. du code a été établie. En tout état de cause, je ne considère pas que la précision no 7 est établie.

Allégation no 2

[91]  Je n’accepte pas que le membre n’ait pas été en mesure de créer le dossier dans le système PRIME avant le 23 octobre 2015 en raison d’une charge de travail écrasante ou des très nombreuses interruptions de travail afin de régler des questions au comptoir d’accueil. Je n’accepte pas que le dossier n’ait pas été créé en temps opportun en raison des directives ou des mesures correctives manquantes ou inadéquates de la part de superviseurs concernant certains autres dossiers du membre visé (qui nécessitaient plus de temps que le temps requis pour créer le dossier sur le pistolet dans le système PRIME) ou que le retard dans la création du dossier est attribuable à autre chose qu’une inconduite.

[92]  Je n’accepte pas que le membre visé ait simplement oublié de consigner rapidement dans un dossier sur le pistolet dans le système PRIME la recherche effectuée dans le CIPC le 26 septembre 2015. Je n’accepte pas non plus que la disparition de toute recherche ou d’autres documents sur le pistolet du bureau du membre visé ait mené aux lacunes signalées dans la précision no 4. Je n’accepte pas que tout défaut du membre en uniforme qui a reçu le pistolet des mains de M. J. A. père de bien consigner les détails fournis par ce dernier ait contribué au retard dans la création du dossier dans le système PRIME. Il aurait été possible d’éviter une conclusion d’infraction relative à cette allégation si le membre visé avait dûment consigné dans ses notes de police les mesures appropriées prises pour ranger le pistolet en lieu sûr et faciliter le processus de destruction du bien.

[93]  D’après l’ensemble des circonstances, je suis d’avis que le membre visé a intentionnellement omis de créer un dossier dans le système PRIME puisqu’il attendait d’avoir des nouvelles de M. J. au sujet de la possibilité d’enregistrer le pistolet. J’estime que le dossier a été créé uniquement à la suite de la conversation téléphonique entre M. J. et Mme V. M., car presque immédiatement après cette conversation, le membre visé a donné suite au besoin de créer un dossier sur le pistolet au D2.

[94]  Je conclus que les précisions nos 1, 2 et 3 (deuxième phrase uniquement) et la précision no 4 (dans son ensemble) sont établies. Par conséquent, je conclus que l’allégation no 2 est établie, car le dossier créé par le membre visé le 23 octobre 2015 n’était pas complet ni exact et le compte rendu de ses agissements relativement au pistolet était inopportun, ce qui constitue une contravention de l’article 8.1 du code.

[95]  En ce qui concerne les précisions nos 5a et b, je trouve suspect que le membre visé ait utilisé la date du 23 octobre 2015 au tout début de la première phrase de son sommaire et qu’il n’ait fait aucun effort pour indiquer que le pistolet avait été remis quelques semaines auparavant, en septembre 2015. D’après les informations inscrites au début du sommaire dans d’autres dossiers (par exemple, dans d’autres dossiers dans le système PRIME saisis en vertu de l’avis no 2), le membre visé a généralement cité la date à laquelle le premier événement est survenu, et il n’a pas simplement répété la date à laquelle l’information était inscrite au dossier.

[96]  Nonobstant mes réserves concernant l’omission du membre visé à faire référence aux événements de septembre 2015, la précision no 5 exige une preuve que des « informations fausses et trompeuses » ont été communiquées et non seulement que des comptes rendus sont incomplets et inexacts. En conséquence, je considère que la précision no 5 n’est pas établie, même si l’utilisation de la date d’octobre peut sembler trompeuse : il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve qui permettent de conclure que l’utilisation de cette date était intentionnellement fausse ou trompeuse. Même si le membre visé n’avait pas le document papier qui, selon ses dires, accompagnait le pistolet lorsqu’il l’a reçu, il aurait quand même su, le 23 octobre 2015, qu’il avait effectué une recherche dans le CIPC sur l’identité du propriétaire potentiel du pistolet en septembre 2015. Pour cette raison, l’information dans le sommaire n’est pas complète, mais je n’arrive pas conclure que la référence à un [traduction] « membre inconnu du public » est fausse ou trompeuse. J’estime que les précisions no 5a et no 5b ne sont pas établies.

Allégation no 3

[97]  Dans son témoignage devant le comité de déontologie, le caporal (cap.) K. a relaté ses souvenirs de la conversation que le membre visé avait amorcée le 29 octobre 2015 (transcription, vol. I, 29 janvier 2018, pages 150 et 151, 154 et 165) :

[Traduction]

Il a mentionné avoir trouvé une arme à feu qui avait été déposée sur son bureau au comptoir d’accueil et qu'il n’y avait aucun document; il ne savait donc pas qui l’avait déposée ni d’où elle venait. Il a mentionné qu’il avait eu des problèmes dans le passé avec des objets déposés sur son bureau et qu’il avait dû envoyer des courriels et essayer de trouver qui les avait déposés là et de trouver un moyen de les -- de s’assurer que le membre, peu importe qui les avait déposés là, assume ses responsabilités. Il a dit avoir pris l’objet et -- et je suppose qu’il l’a placé dans le casier temporaire. Je ne sais pas où il se trouvait, ni la chronologie, ni rien de tout cela. Et qu’il a demandé l’aide d’un membre à la retraite [M. J.] pour faire une recherche sur l’arme à feu parce qu’il le considérait un peu comme un expert dans le domaine des armes à feu. Il a dit qu’après avoir compris – s’être rendu compte, j’imagine, d’où elle venait, il a créé un dossier. Je ne sais pas s’il a compris, ou quoi que ce soit, mais il a finalement créé un dossier et l’objet a été déplacé au détachement principal.

[…]

R : [Il] m’a dit qu’il l’avait trouvée sur le bureau. Il a essayé de découvrir à qui elle appartenait et il a demandé l’aide de [M. J.] pour essayer de trouver qui en était le propriétaire et il lui a demandé de faire une recherche. C’est tout.

Q. Vous dites qu’il l’a trouvée sur son bureau; vous a-t-il fourni la date à laquelle il l’a trouvée sur le bureau?

R. Il a simplement dit qu’il l’avait conservée pendant une brève période.

[…]

Q. Et vous avez témoigné que [le membre visé] vous a informé que l’arme à feu avait été conservée dans le casier temporaire à pièces à conviction pendant une certaine période?

R. Oui. Je ne lui ai pas demandé de préciser pendant combien de temps il l’a conservée. Il a seulement dit [traduction] « une certaine période ».

[98]  En ce qui concerne la conversation mise en cause, j’estime que le membre visé a induit son superviseur en erreur au sujet de la saisie et de la manipulation du pistolet en ne divulguant pas que M. J. a essayé d’enregistrer le pistolet sous son nom. Je conclus qu’au moment de sa conversation avec le cap. K, le membre visé savait manifestement que M. J. avait présenté une demande d’enregistrement et qu’il n’avait pas uniquement fait des demandes par téléphone auprès du Registre. En raison du témoignage du cap. K, je considère que l’inconduite du membre visé est fondée et qu’il a induit le cap. K. en erreur en omettant de communiquer de l’information, et non en lui transmettant de façon délibérée de l’information fausse ou inexacte. Par conséquent, je conclus que seules les précisions nos 1, 2 (à l’exception de [traduction] « a donné l’arme à [M. J.] pour son usage personnel » et de [traduction] « M. [J.] vous a plus tard redonné l’arme puisqu’il n’a pas été en mesure de l’enregistrer »), 3 et 5b sont établies. Comme l’inconduite découle des informations importantes que le membre visé n’a manifestement pas fournies, j’estime que la précision no 4 n’est pas établie.

[99]  Je suis d’avis que l’allégation no 3 est établie simplement parce que le membre visé n’a pas mentionné que M. J. a essayé d’enregistrer l’arme comme il est indiqué dans la précision no 5b : un fait central concernant la gestion du dossier par le membre visé. Omettre de mentionner ce fait central au cap. K. constitue, selon moi, une conduite déshonorante dans les circonstances.

[100]  Je conclus que les actes ou les omissions établis du membre visé lors de cette interaction en particulier avec le cap. K. constituent une conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du code. J’estime que l’allégation no 3 est établie. Je confirme que pour arriver à cette conclusion, j’ai appliqué l’interprétation de l’article 7.1 du code telle qu’elle est énoncée dans la 2017 DARD 17, où l’on cite le Comité externe d’examen de la GRC (C-2015-001, C-008, 22 février 2016, paragraphes 92 et 93).

Allégation no 4

[101]  Manifestement, M. J. n’a pas obtenu le pistolet sans « apparence de droit » et n’a jamais possédé un enregistrement valide pour celui-ci. Ainsi, les précisions nos 1, 2 (à l’exception de [traduction] « a donné l’arme à [M. J.] pour son usage personnel ») et 3 sont établies. Par contre, étant donné ma constatation au sujet de la précision no 2 (dans toutes les allégations formulées dans l’avis no 1) indiquant que le membre visé n’a pas permis à M. J. d’avoir le pistolet en sa possession à l’extérieur du bâtiment du D2, je conclus qu’aucun transfert physique du pistolet sans autorisation légale et qu’aucune contravention de l’article 101 du Code criminel n’ont eu lieu. En conséquence, la précision no 4 est jugée non établie.

[102]  Dans la mesure où M. J. aurait pu rejoindre le membre visé dans la salle des casiers temporaires à pièces à conviction du D2, et qu’il a touché ou tenu le pistolet la première fois le 24 septembre 2015 ou autour de cette date, je ne considère pas qu’il existait un risque appréciable pour la sécurité publique parce que M. J. était désormais un citoyen, ayant pris sa retraite en tant que membre de la GRC en juin 2015. Je conviens que M. J. est bien connu au sein du bureau du D2 comme ancien membre qui a mené une longue carrière, amateur d’activités de tir et collectionneur d’armes à feu lorsqu’il n’est pas en service, et toute brève manipulation du pistolet par M. J. en présence du membre visé ne constituerait pas une conduite déshonorante de la part du membre visé.

[103]  Je conclus que le membre visé n’a pas eu une conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du code. Je conclus donc que l’allégation no 4 n’est pas établie. Je confirme que pour arriver à cette conclusion, j’ai appliqué l’interprétation du code 7.1 du code telle qu’elle est décrite par le Comité externe d’examen de la GRC dans l’analyse susmentionnée.

Allégation no 5

[104]  Le membre visé a admis lors de son contre-interrogatoire qu’il n’avait aucune raison opérationnelle de fournir à M. J. les résultats négatifs de ses recherches dans le CIPC indiquées aux précisions nos 3 et 4. Le membre visé a communiqué à M. J. ces résultats négatifs lorsqu’il lui a dit que le pistolet était « 10-10 », ce qui signifie principalement que le pistolet n’était mentionné dans aucun dossier d’enquête, établissant ainsi la précision no 5.

[105]  Le RM a fait valoir que les recherches effectuées par le membre visé (citées aux précisions nos 3 et 4) étaient néanmoins des recherches légitimes (même si elles ont été mal effectuées), qui seraient effectuées par tout enquêteur désigné dans toute affaire d’abandon d’une arme à feu. Je suis disposé à conclure que la démarche du membre visé afin d’« avoir accès » à l’information obtenue n’était pas hors du cadre de ses fonctions.

[106]  Néanmoins, j’estime que les précisions nos 1, 2 (à l’exception de [traduction] « a donné l’arme à [M. J.] pour son usage personnel »), 3, 4, 5 et 6 (à l’exception de [traduction] « garder illégalement la possession de l’arme à feu saisie ») sont établies en raison de l’utilisation, par le membre visé, de l’information et de la divulgation de celle-ci à M. J., ce qui constitue une violation du serment qu’il a prêté quant à la protection de la confidentialité de son travail policier. Par conséquent, j’estime que le membre visé a contrevenu à l’article 9.1 du code. Ainsi, je conclus que l’allégation no 5 est établie.

AVIS NO 2

[107]  À la suite d’une deuxième enquête en matière de déontologie, le membre visé a fait face à six allégations d’inconduite énoncées dans l’avis no 2, dont une copie constitue la pièce no 2 du RAD, qui est annexée à la présente décision. Ces allégations ont toutes été portées au titre de l’article 7.1 du code. En conséquence, j’ai de nouveau appliqué l’interprétation de l’article 7.1 du code telle qu’elle est décrite par le Comité externe d’examen de la GRC (C-2015-001, C-008, 22 février 2016, paragraphes 92 et 93). Je confirme que même si l’on n’a pas donné suite, dans l’avis no 2, aux allégations nos 1 et 5 décrites dans l’Avis à l’officier désigné, l’autorité disciplinaire n’a pas modifié le numéro des allégations restantes.

Allégation no 2

[108]  J’ai étudié attentivement le dossier créé par le membre visé dans le système PRIME (pièce no 12 du RAD) sur les trois cartes d’assurance-maladie de la Colombie-Britannique remises au bureau du D2, le 13 janvier 2015. Dans son sommaire du 14 janvier 2015, le membre visé indique qu’il a [traduction] « vérifié dans le système PRIME et dans le CIPC et aucune n’avait été déclarée manquante ». Les cartes ont donc été saisies et envoyées à la salle des pièces à conviction du détachement principal X [traduction] « pour qu’on les retourne à l’organisme ». L’allégation visant la prise de mesures d’enquête sommaires et inadéquates, qui manquaient de rigueur, et le non-respect de la politique applicable semble reposer sur le fait que le 3 février 2016, un caporal a effectué une requête sur le nom des trois détenteurs de carte dans le système PRIME et a réussi à trouver l’adresse de chacun d’entre eux.

[109]  Il s’agit clairement, et tout au plus, d’un problème de rendement relativement mineur et les actes et les omissions du membre visé ne peuvent pas constituer une conduite déshonorante. Par ailleurs, dans son témoignage, le membre visé a reconnu qu’il avait peut-être négligé de relever des coordonnées pertinentes si celles-ci figuraient dans des parties relativement obscures d’un long rapport dans le système PRIME, ce qui laisse supposer que le membre visé n’avait peut-être pas suffisamment d’expérience pour trouver l’information qui a été repérée par un caporal qui s’y connaissait davantage en matière de dossiers. Je conclus que l’allégation no 2 n’est pas établie.

Allégation no 3

[110]  Mon avis sur la présente allégation et les actes et les omissions du membre visé relativement à ses efforts pour trouver les propriétaires des biens indiqués au dossier dans le système PRIME (pièce no 13 du RAD), reflète étroitement ce que j’ai exprimé au sujet de l’allégation no 2. Il s’agit clairement, et tout au plus, d’un problème de rendement relativement mineur associé à un manque de respect rigoureux des politiques applicables. L’autorité disciplinaire a choisi de présenter cette affaire comme étant une contravention de l’article 7.1 du code (et non, par exemple, le défaut de faire preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et de ses responsabilités, conformément à l’article 4.2 du code). Les actes du membre visé n’atteignent pas le niveau d’une conduite déshonorante et je conclus que l’allégation no 3 n’est pas établie.

Allégation no 4

[111]  Il a clairement été établi qu’il n’était pas possible d’entreposer, dans les casiers temporaires à pièces à conviction du bâtiment du D2, des biens surdimensionnés tels que les bicyclettes et des téléviseurs trouvés, récupérés ou abandonnés. Des biens ont été placés contre les murs ou sur des étagères ouvertes ou d’autres surfaces non sécurisées. Dans ces circonstances, je ne crois pas que la disparition d’un support mural de télévision, que le membre visé a indiqué avoir saisi lorsqu’il a consigné l’information sur la télévision trouvée, constitue une conduite déshonorante. Le fait qu’il n’a pas été possible de trouver le support mural dans la salle d’entreposage principale des pièces à conviction du détachement X peut refléter un manque de soin ou de souci du détail de la part du membre visé, mais dans les circonstances présentes au bureau du D2, toute violation de la politique concernant la manipulation de cet objet trouvé qui ne présente aucun danger constitue un problème de rendement relativement mineur. Je considère que l’allégation no 4 n’est pas établie.

Allégation no 6

[112]  Après un examen minutieux de la déclaration de M. D. B. fournie aux enquêteurs de la GRC et du témoignage franc qu’il a présenté devant le comité de déontologie (transcription, vol. 2, 30 janvier 2018, pages 45 à 57), j’estime qu’il n’a pas été établi que le portefeuille que M. D. B. a remis au comptoir d’accueil du bureau du D2 a d’abord été manipulé par le membre visé.

[113]  M. D. B. se souvenait clairement que c’est d’abord une femme ne portant pas l’uniforme de police qui a manipulé le portefeuille au comptoir d’accueil avant de le remettre à un agent en uniforme. Bien que M. D. B. ait vu cet agent examiner le portefeuille, lorsqu’on lui a demandé s’il le reconnaissait parmi les personnes présentes dans la salle d’audience, il n’a pas identifié le membre visé ni aucune autre personne.

[114]  Je suis convaincu que lorsque M. D. B. a apporté le portefeuille au comptoir d’accueil du bureau du D2, l’objet contenait toujours un petit sac transparent en plastique Ziploc dans lequel se trouvait de la poudre blanche, que M. D. B. a décrit comme ressemblant à un [traduction] « petit sachet ».

[115]  Je ne suis toutefois pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que lorsque le membre visé a reçu le portefeuille, le petit sac s’y trouvait toujours. Le sac aurait pu tomber lorsque la femme a manipulé le portefeuille que lui avait remis M. D. B. Il aurait pu tomber ou avoir été jeté délibérément par l’autre agent en uniforme qui l’a examiné en premier.

[116]  Pour arriver à cette décision, j’ai examiné attentivement le compte rendu très détaillé fourni par le membre visé dans le dossier du système PRIME sur le portefeuille qui a été remis (pièce no 15 du RAD, « Description – SOMMAIRE – 1 ») et son témoignage sur la question de savoir s’il a simplement jeté le petit sac pour éviter le processus de traitement nécessaire.

[117]  En me fondant sur l’ensemble des informations pertinentes, j’estime que le membre visé n’a pas omis de prendre les mesures requises pour déterminer la composition de la poudre blanche, et j’estime qu’il n’a pas non plus omis d’admettre qu’il a pris possession du petit sac et de la poudre blanche; en conséquence, je juge que l’allégation no 6 n’est pas établie.

Allégation no 7

[118]  Après un examen minutieux de la déclaration de Mme M. L. fournie aux enquêteurs de la GRC le 13 mai 2016, du témoignage de Mme M. L. devant le comité de déontologie (transcription, vol. 2, 30 janvier 2018, pages 58 à 72), du dossier du membre visé dans le système PRIME concernant des [traduction] « cartes d’identité et des cartes de fidélité sans nom » que Mme M. L. a remises le 11 septembre 2015 (pièce no 16 du RAD, « Description : SOMMAIRE – 1 ») et du témoignage du membre visé sur le traitement de ce dossier, je conclus que l’allégation no 7 n’est pas établie. Il n’y a pas suffisamment d’informations fiables pour établir que le membre visé a gardé pour lui-même ou a délibérément détruit sur place des pièces à conviction qui constituaient des [traduction] « titres négociables » comme [traduction] « des cartes-cadeaux et VISA prépayées d’une valeur de 50 $ ». L’information fournie par Mme M. L. n’a pas permis d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’aurait pas été possible de confondre l’une ou l’autre des cartes détruites sur place avec des « cartes de fidélité » sans valeur monétaire, ou des cartes de crédit VISA ou Mastercard qui ne pourraient être utilisées sans le numéro d’identification personnel requis. Par conséquent, dans les circonstances, je ne suis pas d’avis que l’omission, par le membre, de détruire en présence d’un témoin indépendant l’une ou l’autre de ces cartes trouvées constitue une conduite déshonorante. Je conclus que l’allégation no 7 n’est pas établie.

[119]  À titre d’observation, presque tous les membres en uniforme reçoivent maintenant un téléphone cellulaire de la GRC, muni d’une caméra numérique quelconque. Pour éviter tout problème quant au type de cartes détruites sans la présence d’un témoin indépendant, un enquêteur rigoureux pourrait rapidement photographier en groupes les cartes saisies, et associer ensuite les photos au dossier.

Allégation no 8

[120]  Mon avis sur cette allégation reflète l’avis que j’ai exprimé concernant l’allégation no 2. Toute omission ou tout manque de diligence de la part du membre visé dans ses efforts afin de trouver le propriétaire du portefeuille et des cartes de crédit, du permis de conduire et des autres cartes indiqués au dossier du système PRIME (pièce no 17 du RAD) correspond manifestement à un problème de rendement puisque les politiques applicables ne sont pas respectées rigoureusement. L’autorité disciplinaire a choisi de traiter cette affaire comme étant une contravention de l’article 7.1 du code (et non, par exemple, le défaut de faire preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et de ses responsabilités, conformément à l’article 4.2 du code). Les actes du membre visé n’atteignent pas le niveau d’une conduite déshonorante et je conclus que l’allégation no 8 n’est pas établie.

MESURES DISCIPLINAIRES

[121]  Le lundi 9 avril 2018, après avoir rendu ma décision de vive voix sur les allégations, j’ai invité les parties à discuter, après l’audience par vidéoconférence, de toute proposition conjointe concernant les mesures disciplinaires appropriées qu’elles pourraient souhaiter présenter avant le début de la présente étape de l’audience prévu le 10 avril 2018. J’ai demandé à ce que les parties m’avisent avant la fin de la journée, le 9 avril 2018, si elles comptaient présenter une proposition conjointe sur les allégations nos 1, 2, 3, et 5 énoncées dans l’avis no 1.

[122]  Dans un courriel reçu le 9 avril 2018, le RM a communiqué les modalités de la proposition conjointe des parties concernant les mesures disciplinaires. La proposition se lit comme suit (traduit tel que reproduit dans la version anglaise) :

[Traduction]

À la suite de votre décision rendue de vive voix sur les allégations dans cette affaire, les parties ont convenu de présenter des propositions conjointes concernant la peine. Plus précisément, les parties ont convenu que ce qui suit est une peine appropriée en fonction de la fourchette établie par la jurisprudence qui s’applique aux faits particuliers de la présente affaire :

Allégation no 1 – confiscation de 3 jours de solde

Allégation no 2 – confiscation de 6 jours de solde

Allégation no 3 – confiscation de 15 jours de solde

Allégation no 5 – confiscation de 2 jours de solde

Les parties soutiennent conjointement que cette peine s’inscrit dans la fourchette des peines appropriées en fonction des constatations de fait du comité de déontologie rendues à l’étape des allégations. Nous soutenons que le comité de déontologie devrait accepter la peine présentée conjointement, à moins que ce dernier ne détermine que cette peine serait « susceptible de jeter le discrédit sur l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public. » 2017 DARD 9 (O’Brien) et R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

L’autorité disciplinaire a relevé quatre décisions pouvant fournir une orientation quant à la fourchette des peines appropriées. Nous enverrons par courriel ces décisions séparément, dans un format PDF, ainsi que l’arrêt R. c. Anthony-Cook, de la CSC :

(1) Les décisions 2016 DARD 3 (Clarke) et 2017 DARD 4 (Prettie) traitent toutes deux de la manipulation inappropriée de pièces à conviction et de la question de l’honnêteté. Dans la décision Clarke, la peine pour avoir saisi des informations trompeuses dans le SIRP fut la confiscation de 8 jours de solde, alors que la peine pour une manipulation inappropriée de pièces à conviction en violation de la politique de la GRC a entraîné la confiscation de 3 jours de solde.

(2) La décision 2016 DARD 2 (Cormier) traite d’un cas de malhonnêteté dans la présentation de rapports à un superviseur. Dans cette affaire, un rapport malhonnête présenté à un superviseur a mené à la confiscation de 10 jours de solde, et la présentation d’un autre rapport malhonnête a entraîné la confiscation de 20 jours de solde.

(3) La décision 2017 DARD 9 (O’Brien) traite de l’utilisation abusive du CIPC. Dans cette affaire, le comité de déontologie a approuvé une proposition conjointe des parties sur la peine, qui a entraîné une suspension de deux jours pour avoir utilisé ou divulgué des résultats de recherches effectuées dans le système de fichiers électroniques de la GRC à des fins non autorisées.

Étant donné que chacune des peines proposées par les parties a déjà été prescrite par des comités de déontologie lors d’affaires récentes relatives à des constatations d’infractions au code de déontologie semblables, nous estimons que le comité de déontologie devrait imposer une peine similaire dans la présente affaire.

[123]  Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 [Anthony-Cook], lors de l’examen d’une proposition conjointe sur la peine, le critère de l’intérêt public doit être appliqué, à savoir : la peine proposée est-elle susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou est-elle par ailleurs contraire à l’intérêt public? (paragraphe 32)

[124]  Pour déterminer si l’intérêt public exige qu’une proposition conjointe soit rejetée ou non, la Cour a adopté un seuil élevé dans l’arrêt Anthony-Cook en stipulant ce qui suit (paragraphe 34) :

Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner.

[125]  Bien que l’arrêt Anthony-Cook portait sur une proposition conjointe dans le contexte pénal, le critère de l’intérêt public a déjà été exposé et adopté dans le domaine de la déontologie (voir l’arrêt Rault c. Law Society (Saskatchewan), 2009 SKCA 81), y compris dans l’ancien système disciplinaire de la GRC (voir 17 D.A. (4e) 88).

[126]  Puisque j’ai conclu que les allégations d’inconduite nos 1, 2, 3 et 5 de l’avis no 1 étaient établies, je dois examiner des mesures disciplinaires proportionnées relativement à ces allégations.

[127]  L’allégation no 1 concerne une contravention de l’article 4.4 du code, pour omission de rendre compte dûment des biens. L’allégation no 2, découle d’une contravention de l’article 8.1, pour omission de rendre compte en temps opportun et de manière exacte et détaillée. L’allégation no 3 vise une contravention de l’article 7.1 du code, pour non-divulgation d’information au cours d’une conversation que le membre visé a eue avec son superviseur, le cap. K. Finalement, l’allégation no 5 concerne une contravention de l’article 9.1 du code pour divulgation inappropriée d’informations recherchées à un citoyen, M. J., alors que le membre visé n’avait aucune raison légitime d’ordre opérationnel de le faire.

[128]  La précision no 6 de l’allégation no 5 indique que l’objectif de la recherche et de la divulgation de l’information par le membre visé était d’aider M. J. Cette allégation est établie. Je n’estime pas, cependant, que l’objectif était d’aider M. J. à garder illégalement en sa possession l’arme à feu saisie. Par conséquent, cette partie de la précision no 6 n’a pas été établie.

[129]  Les parties ont soumis un certain nombre de cas qui comprennent une fourchette appropriée de mesures disciplinaires pour des infractions de même nature que celles établies dans l’affaire impliquant le membre visé. J’accepte les observations du RM en ce qui concerne la retenue dont devrait faire preuve un tribunal lorsqu’il reçoit une proposition conjointe indiquant une peine ou des mesures disciplinaires, comme l’indique l’arrêt Anthony-Cook.

[130]  Les décisions soumises soutiennent certainement un éventail d’options en ce qui a trait à la confiscation de la solde auquel correspondent les quatre propositions de confiscation de la solde du membre visé.

[131]  Le comité de déontologie est tenu de décerner des mesures disciplinaires qui sont proportionnelles à la nature des contraventions et, ce faisant, il doit tenir compte de tout facteur aggravant ou atténuant. Aucune des parties n’a présenté des observations formelles concernant ces facteurs au cours de cette étape, et le RM a seulement rappelé certains documents déposés précédemment à l’appui du membre visé ainsi que des arguments détaillés qui ont été présentés au cours de l’étape des allégations quant aux circonstances entourant les actes du membre visé.

[132]  Je crois qu’il est approprié que je documente ma compréhension du fondement sur lequel s’est appuyé le RAD pour accepter la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Le RAD a déclaré en partie (transcription, vol. 6, 10 avril 2018, pages 6 et 7) :

[Traduction]

COMITÉ : Pour ce qui est maintenant de mes observations sur la proposition conjointe que j’accepte, [RAD], avez-vous des observations à présenter?

RAD : S’il s’agit de –- ce n’est pas concernant la proposition conjointe, alors oui, certainement, mais je préférerais que jusqu’à ce -- je veux dire que je ne veux pas me montrer évasif. C’est que mon ami et moi avons eu plusieurs discussions et mon ami est conscient que j’ai des reçus des instructions pour interjeter appel. Cependant, il s’agit ici d’une proposition conjointe et je ne veux pas contourner la question, mais je voulais que cela soit consigné au dossier, l’autre point. Mon ami et moi prenons simplement part à une discussion fructueuse.

COMITÉ : Je ne suis pas tout à fait sûr de comprendre en quoi la mention de la possibilité que vous interjetiez appel est pertinente quant à ma décision d’accepter ou non la proposition conjointe que les parties ont présentée sur les mesures disciplinaires, mais est-ce là la portée de vos observations [RAD]?

RAD : Oui.

[133]  J’ai eu le loisir d’examiner les cas soumis par les parties, y compris les documents déposés à l’avance et cités en référence par le RM, qui se rapportent aux circonstances du membre visé. J’ai eu l’occasion non seulement de déterminer si les précisions étaient établies ou non, mais également d’examiner la gravité de l’inconduite en fonction de ce qui a été établi ou non.

[134]  J’estime qu’il n’est pas contraire à l’administration de la justice, ni déraisonnable ou contraire à l’intérêt public, d’accepter la proposition conjointe en ce qui concerne les confiscations de solde précises établies par les parties.

[135]  Ainsi, concernant l’avis no 1, j’impose les confiscations de solde suivantes :

  • Allégation no 1 : 3 jours
  • Allégation no 2 : 6 jours
  • Allégation no 3 : 15 jours
  • Allégation no 5 : 2 jours

[136]  En tenant compte de la fourchette appropriée pour chaque infraction, je suis d’avis que chacune de ces confiscations de solde se situe à l’intérieur de cette fourchette. Je ne trouve rien dans la proposition qui justifierait que je modifie le nombre de jours de confiscation de solde.

[137]  Dans les cas soumis, je constate que souvent, le membre visé reçoit également une réprimande pour les infractions. Par conséquent, en acceptant la proposition conjointe des parties, j’impose également une réprimande formelle, ce que constitue la présente décision écrite.

[138]  J’ajouterai deux autres mesures qui, selon moi, ne sont pas punitives. Ainsi, leur ajout ne modifie pas ni n’enfreint mon obligation de faire preuve de retenue en acceptant les aspects punitifs ou correctifs des mesures disciplinaires proposées par les parties.

[139]  Ces deux mesures ont pour objet d’aider le membre visé dans sa réadaptation et de remédier à toute lacune quant à sa formation ou à son niveau de connaissances en ce qui a trait à certaines exigences administratives liées à ses fonctions policières.

[140]  J’ordonne au membre visé de suivre dans les six mois suivant son retour à ses pleines fonctions opérationnelles toute formation pertinente de la GRC, qu’il s’agisse de modules offerts en ligne ou d’un cours qu’il doit suivre en personne sur la manipulation des pièces à conviction.

[141]  En outre, j’ordonne au membre membre visé d’examiner dans les 90 jours suivant son retour à ses pleines fonctions opérationnelles, toutes les politiques nationales et divisionnaires de la GRC sur la manipulation des biens qui sont remis à la GRC pour destruction.

[142]  Le membre visé doit fournir à l’autorité disciplinaire des preuves indiquant qu’il a donné suite à ces ordres, et ce, dans les six mois en ce qui concerne la formation sur la manipulation des pièces à conviction, et dans les 90 jours en ce qui concerne son examen des politiques nationales et divisionnaires pertinentes.

[143]  D’après les évaluations de rendement examinées dans le cadre de l’audience, il est évident qu’un certain nombre de membres supérieurs de la GRC sont d’avis que le membre visé a des talents et des compétences qui seraient utiles à la Gendarmerie et qui serviraient les citoyens des collectivités qui reçoivent les services policiers de la GRC de la Division E.

[144]  J’espère néanmoins que le membre visé aura à coeur de corriger ses écarts de conduite cernés lors de la présente audience.

[145]  Bien que j’accepte la proposition conjointe des parties, le membre visé doit comprendre que s’il devait de nouveau faire face à des allégations de nature similaire, les conséquences sur son emploi pourraient être beaucoup plus graves.

[146]  De plus, bien qu’aucune directive officielle n’ait été donnée pour donner suite à l’élément de l’inconduite du membre visé se rapportant au fait qu’il a induit en erreur le cap. K., le présent comité de déontologie s’attend à ce que le membre visé offre, par écrit ou selon les recommandations de son conseiller juridique, des excuses au cap. K. pour son inconduite qui a eu pour conséquences d’impliquer le cap. K dans cette affaire.

CONCLUSION

[147]  La présente décision écrite, rendue en date d’aujourd’hui, soit le 7 mai 2018, constitue la décision écrite qui doit être signifiée à chacune des parties en vertu du paragraphe 25(3) des CC (déontologie). Il est possible d’interjeter appel de la présente décision auprès de la commissaire, en déposant une déclaration d’appel dans les 14 jours suivant la signification de la décision au membre visé (article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-293).

 

 

Le 7 mai 2018

John R. McKinlay

Comité de déontologie

 

Date

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.