Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le comité de déontologie a conclu que le membre visé s’est comporté de manière déshonorante en montrant une photo révélatrice de lui-même et en échangeant des messages texte inappropriés de nature sexuelle et personnelle avec Mme W, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie, et qu’il a omis d’exercer les fonctions qui lui incombaient de façon diligente et de prendre les mesures appropriées afin de prêter assistance à Mme W, contrevenant ainsi à l’art. 4.2 du code de déontologie. L’allégation selon laquelle le membre visé a créé un conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel entre ses responsabilités professionnelles et ses intérêts personnels fondé sur des échanges inappropriés de nature sexuelle et personnelle avec Mme W, en contravention de l’art. 6.1 du code de déontologie, n’a pas été établie, mais certains éléments de cette allégation constituaient des facteurs aggravants pertinents relativement à la première infraction de conduite déshonorante. Le comité a congédié le membre visé pour l’infraction de conduite déshonorante et lui a imposé une confiscation de solde équivalant à 15 jours de travail relativement à la deuxième infraction.

Contenu de la décision

Protégé A

Numéro de dossier OGCA : 201733836

2018 DARD 19

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AUDIENCE DISCIPLINAIRE DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Entre :

la commandante de la Division E

(l’« officière compétente »)

et

le gendarme Andrew Scott Hedderson

Matricule 61436

(le « membre visé »)

Rapport de décision

Comité de déontologie

Craig S. MacMillan

Le 17 décembre 2018

Me France Saint-Denis, pour l’autorité disciplinaire

Me Nicole Jedlinski, pour le membre visé

(collectivement, les « représentantes »)


Table des matières

Résumé  4

1. Introduction  4

2. Allégations  5

3. Contexte  6

4. Examen sur le fond  29

Contexte  29

Questions préliminaires  34

Témoignage de vive voix  34

Personne vulnérable  34

Analyse  36

Allégation 1  36

Allégation 2  39

Allégation 3  41

Conclusion  43

5. Mesures  43

Contexte  43

Argumentation de la RAD  50

Argumentation de la RM  56

Réfutation de la RAD  71

Analyse  79

Allégation 1  80

Allégation 3  101

6. Conclusion  103

Liste de termes et définitions  105

 

Résumé

Le comité de déontologie a conclu que le membre visé s’est comporté de manière déshonorante en montrant une photo révélatrice de lui-même et en échangeant des messages texte inappropriés de nature sexuelle et personnelle avec Mme W, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du code de déontologie, et qu’il a omis d’exercer les fonctions qui lui incombaient de façon diligente et de prendre les mesures appropriées afin de prêter assistance à Mme W, contrevenant ainsi à l’art. 4.2 du code de déontologie. L’allégation selon laquelle le membre visé a créé un conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel entre ses responsabilités professionnelles et ses intérêts personnels fondé sur des échanges inappropriés de nature sexuelle et personnelle avec Mme W, en contravention de l’art. 6.1 du code de déontologie, n’a pas été établie, mais certains éléments de cette allégation constituaient des facteurs aggravants pertinents relativement à la première infraction de conduite déshonorante. Le comité a congédié le membre visé pour l’infraction de conduite déshonorante et lui a imposé une confiscation de solde équivalant à 15 jours de travail relativement à la deuxième infraction.

Rapport de décision

1. Introduction [1]

[1]  La présente décision découle d’une audience disciplinaire au cours de laquelle le comité de déontologie (le « comité ») a rendu une décision écrite et de vive voix fondée sur le mérite sans avoir entendu aucun témoignage (sous réserve de la révision, de la mise en forme et des corrections finales ainsi que des exigences transitoires pour le traitement des mesures et la prise d’une décision définitive).

[2]  Par la suite, les représentantes ont eu l’occasion de présenter leurs argumentations sur les mesures qui devaient être imposées au membre visé, à la suite de quoi le comité de déontologie a rendu sa décision sur ces mesures, n’ayant pas jugé nécessaire d’entendre des témoignages.

2. Allégations

[3]  Approximativement entre le 28 mars et le 7 juin inclusivement, alors qu’il était affecté au détachement de la GRC à Surrey (le « détachement »), en Colombie-Britannique, le membre visé a eu des interactions avec une personne du public (« Mme W »), et selon les circonstances entourant ces interactions et par suite d’événements ultérieurs qui y sont liés, le membre visé fait l’objet de trois allégations, qui sont formulées dans un avis d’audience contenant un énoncé détaillé (daté du 21 décembre 2017) (« l’avis »), selon lesquelles il a contrevenu au code de déontologie et que le comité a résumées ainsi :

  1. avoir une conduite déshonorante en ayant montré à Mme W une photo révélatrice de lui- même et en ayant échangé avec elle des messages textes inappropriés de nature personnelle et sexuelle, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie (« allégation 1 »);
  2. créer des conflits d’intérêts réels, apparents ou potentiels entre ses responsabilités professionnelles et ses intérêts personnels en ayant des échanges inappropriés de nature sexuelle et personnelle avec Mme W, contrevenant ainsi à l’article 6.1 du code de déontologie (« allégation 2 »);
  3. négliger d’exercer ses fonctions avec diligence et de prendre les mesures appropriées pour venir en aide à Mme W, contrevenant ainsi à l’article 4.2 du code de déontologie (« allégation 3 ») (collectivement les « allégations »).

[4]  Pour les raisons exposées plus bas, le comité conclut que les allégations 1 et 3 sont établies. Le comité juge que l’allégation 2 n’est pas établie.

[5]  Relativement à l’allégation 1, le comité ordonne que le membre visé soit congédié, et relativement à l’allégation 3, il lui impose une confiscation de solde correspondant à 15 jours de travail.

3. Contexte

[6]  Le membre visé a terminé sa formation à la Division Dépôt en mars 2015, puis il a été affecté au détachement; il comptait donc environ deux années de service au moment des événements ayant mené aux allégations. Le rapport déontologique n’indique pas si le membre visé était toujours en période d’essai pendant la période visée par les allégations.

[7]  Le ou vers le 27 mars 2017, vers 13 h 13, Mme W a été agressée par son petit ami (« M. P ») dans le stationnement du Safeway situé sur la rue 152 à Surrey, en Colombie- Britannique. L’agression a été signalée au détachement et a mené à l’arrestation de M. P (page 50).

[8]  Comme il a été signalé dans le dossier d’incident opérationnel lié à l’agression (« dossier de l’agression »), Mme W a informé les membres qui ont procédé à l’arrestation qu’elle craignait pour sa sécurité en raison d’autres agressions survenues par le passé qui n’ont pas été signalées, des activités de M. P et de ses associés liées au trafic de drogue et du fait qu’elle l’avait dénoncé à la police (page 40).

[9]  M. P a été transporté au détachement, où il a été placé en cellule. Il a été remis en liberté le lendemain (28 mars 2017) à 16 h 11 après avoir signé un engagement de caution émis par un juge de la cour provinciale, qui lui a imposé neuf conditions (« les conditions ») (page 235), dont celle interdisant à M. P. d’entrer en contact ou de communiquer directement ou indirectement avec Mme W (« condition de non-communication ») (page 159).

[10]  Vingt-trois minutes plus tard, soit à 16 h 34, M. P a violé la condition de non- communication en envoyant un message texte à Mme W (pages 159-160), ce que Mme W a signalé au détachement à 16 h 55 (page 159).

[11]  Le rapport de déontologie contient des versions divergentes : selon la première, le membre visé se serait rendu à la résidence de Mme W pour l’aviser de la mise en liberté de M. P et des conditions dont il faisait l’objet (page 5), et selon la seconde, on lui aurait confié le dossier de violation de la condition de non-communication (« dossier de violation »), ce qui l’aurait amené à se rendre à la résidence de Mme W (page 273). Au bout du compte, cette divergence ne semble changer en rien les circonstances de l’espèce.

[12]  Le membre visé et Mme W ont fait des déclarations [2] sur ce qui s’est passé lorsque le membre visé s’est rendu à la résidence de Mme W relativement au dossier de violation et par la suite, et bon nombre d’éléments de ces déclarations sont corroborés par des messages textes échangés entre les deux.

[13]  Le membre visé a déclaré que vers 16 h 50, il est arrivé à la résidence de Mme W, mais qu’elle n’était pas chez elle, et qu’il a communiqué avec elle au moyen de son téléphone cellulaire. Elle lui aurait répondu qu’elle y serait dans quelques minutes, car elle rentrait chez elle après être allée faire des courses (page 273).

[14]  Il semblerait que le membre visé s’est servi de son téléphone personnel pour communiquer avec Mme W étant donné que la pile de son téléphone opérationnel ne se rechargeait pas (page 273).

[15]  Pendant qu’il attendait, le membre visé a lu le rapport d’incident portant sur l’agression (« dossier de l’agression ») produit la veille et a fait une recherche sur M. P, laquelle a révélé qu’il avait des antécédents de trafic de drogue et de violence (page 173).

[16]  Mme W affirme que le membre visé l’a appelée et que pendant leur conversation, il l’a vue en train de marcher dans la rue et l’a invitée à monter à bord de son véhicule de police. Ils seraient ensuite retournés ensemble à sa résidence (page 209). Les divergences dans les comptes rendus ne semblent changer en rien les circonstances de l’espèce.

[17]  Le membre visé est allé à la rencontre de Mme W, puis il est entré dans sa résidence. Ayant remarqué qu’elle était réticente à faire confiance à la police, du fait que M. P avait déjà communiqué avec elle, le membre visé dit avoir pris quelques instants pour tenter d’établir un bon contact avec elle. Il a alors appris qu’elle avait des enfants, qu’elle était aux prises avec une dépendance et qu’elle avait vraiment peur de M. P (pages 274-275).

[18]  Se décrivant comme « un gars assez charmant », et voulant obtenir une déclaration de la part de Mme W afin de pouvoir porter des accusations contre M. P, le membre visé a continué de discuter avec elle. Comme il sentait qu’elle flirtait un peu avec lui, il en a profité pour la mettre plus à l’aise afin qu’elle fasse une déclaration pour le dossier de violation (page 275).

[19]  Étant donné qu’il y avait peu de meubles dans l’appartement, le membre visé était assis à côté de Mme W, sur le bord du matelas de son lit. Plutôt que de se tenir debout et de lui parler dans une position de supériorité, il voulait mettre Mme W à l’aise, conformément à ce qu’on lui avait enseigné pendant sa formation à la Division Dépôt (page 276).

[20]  Se souvenant que le dossier de la première agression ne contenait pas de photos des blessures subies par Mme W pendant l’agression, le membre visé lui a demandé si elle avait des photos de ses blessures. Alors qu’il s’attendait à voir des photographies d’ecchymoses, elle lui aurait montré des photos d’elle nue, ce qui, selon ses dires, l’aurait fait rougir (p. 276).

[21]  Mme W confirme qu’une fois à l’intérieur de sa résidence, le membre visé lui a demandé si elle avait des photos des blessures subies pendant l’agression, et qu’elle lui a montré une photo d’elle avant qu’elle prenne une douche, mais qu’elle ne s’était pas rendu compte qu’on pouvait voir ses seins. Elle affirme que le membre visé a fait des remarques sur ses seins (pages 209- 210).

[22]  Mme W a dit qu’elle s’est sentie gênée et que le membre visé lui a dit de ne pas s’en faire, mais qu’il sentait qu’il devait lui montrer quelque chose à son tour. Il aurait alors sorti son téléphone et lui aurait montré une photo de son pénis alors qu’il portait son uniforme complet (pages 210 et 213).

[23]  Mme W raconte qu’elle est alors allée dans la salle de bains pour se changer et que lorsqu’elle est ressortie, le membre visé lui a montré une autre photo de lui nu, ses parties génitales exhibées (pages 210 et 213).

[24]  Mme W a affirmé que le membre visé flirtait avec elle (page 210) et qu’elle avait été choquée par les photographies qu’il lui avait montrées (page 214).

[25]  Selon le membre visé, Mme W et lui ont continué de discuter et celle-ci a continué de flirter avec lui, lui disant que ce n’était pas juste qu’il l’ait vue, mais qu’elle ne l’ait pas vu. Le membre visé n’a pas mis un terme à ces échanges; le flirt ne le dérangeait pas étant donné qu’il venait tout juste de rompre avec sa petite amie et qu’il allait rentrer chez lui, dans un appartement vide (page 276).

[26]  C’est là où, pour employer les mots du membre visé, [TRADUCTION] « tout a dérapé », au moment où il enregistrait une brève déclaration de Mme W au sujet de la violation par M. P de la condition de non-communication et où il discutait avec elle des dispositions à prendre pour assurer sa sécurité, ainsi que d’un plan de sécurité (pages 276-277). Au moment où il se préparait à partir, il s’est tourné vers Mme W, qui avait commencé à se changer. Quand le membre visé lui a demandé s’il devait quitter la pièce, elle est allée dans la salle de bains pour finir de se changer (page 277).

[27]  Le membre visé affirme qu’après avoir discuté du plan de sécurité avec Mme W, celle-ci a demandé une fois de plus si elle pouvait voir une photo. Le membre lui a ensuite montré une photo, prise à la Division Dépôt, sur laquelle il posait en montrant ses muscles devant un miroir (page 278) [TRADUCTION] :

…Je portais des caleçons très, très serrés qui étaient… si ce n’était du tissu, c’était essentiellement une photo de pénis, on pouvait voir pas mal tout… ce n’était pas une photo décente… Je ne la lui ai pas envoyée, je la lui ai montrée. J’étais là et elle a m’a dit quelque chose comme « Oh, tu… tu sais que c’est pas pire ce que tu as en bas ». Alors je, euh, je lui ai montré la photo… c’était une grosse gaffe de ma part… et c’est là que les choses sont devenues vraiment… j’ai complètement… les choses ont dérapé. [ellipses indiquées par des points doubles dans l’original]

[28]  Pendant l’entrevue, le membre visé a dit qu’il n’avait plus la photographie originale qu’il avait montrée à Mme W dans son téléphone, et il a nié catégoriquement qu’il était nu sur la photo et que celle-ci montrait son pénis ou le montrait vêtu d’un uniforme en train d’exhiber son pénis (page 282). Le membre visé a déclaré qu’il ne garde pas de photos « cochonnes » ou de personnes nues dans son téléphone (page 282).

[29]  Mme W se souvient qu’après avoir fait sa déclaration enregistrée et être allée se changer dans la salle de bains, le membre visé a continué d’insister pour lui montrer une photo de lui (page 212).

[30]  Le membre visé affirme qu’il n’a eu aucun contact physique avec Mme W et qu’il lui a seulement serré la main avant de quitter sa résidence, qu’il l’a amenée en voiture jusqu’à l’arrêt d’autobus situé à proximité et qu’il ne l’a pas revue depuis (page 277).

[31]  Mme W affirme que pendant qu’il enregistrait sa déclaration et qu’ils étaient assis sur le lit, le membre visé avait la main sur sa jambe (page 216).

[32]  Le membre visé a dit qu’après son départ, il a fait quelques recherches afin de trouver M. P dans les bases de données, sans succès (page 157), et qu’il a tenté d’appeler Mme W, mais qu’il n’a pas eu de réponse. Il lui a donc envoyé un message texte, puis a rédigé le rapport au procureur de la Couronne au sujet du dossier de violation (page 278).

[33]  Le membre visé n’avait pas les messages textes échangés avec Mme W puisqu’il les avait effacés et qu’ils avaient été échangés plusieurs mois avant qu’il ait fait sa déclaration pendant l’entrevue.

[34]  Au sujet des messages textes inappropriés, le membre visé a dit [TRADUCTION] : « ce que je sais, c’est que je suis presque certain que c’est moi qui ai commencé… » (page 278), ce qui comprend le commentaire sur la taille de son pénis, et que les échanges, qui étaient « définitivement de nature sexuelle », se sont poursuivis le lendemain (page 279).

[35]  Mme W a déclaré que le membre visé lui a envoyé des messages textes qui faisaient référence à des relations sexuelles et dans lesquels il a écrit être « dur » et qu’il voulait « l’examiner de façon très approfondie », et où il a fait référence à son « paquet » ou son pénis (pages 210 et 217).

[36]  Mme W a affirmé avoir senti qu’on mettait la pression sur elle et qu’on l’intimidait afin qu’elle dénonce M. P pour que le membre visé puisse aller chez elle afin d’avoir une relation sexuelle avec elle (page 210).

[37]  Le rapport de déontologie contient le compte rendu d’un examen effectué par Cellebrite (pages 238-259) visant le téléphone de Mme W, qui présente des renseignements détaillés en ordre numérique et chronologique sur le contenu des 323 messages textes échangés entre elle et le membre visé entre le 28 mars et le 7 avril 2017 (201 messages de Mme W et 122 messages du membre visé) (« examen »), dont 30 ont été inclus (du message 15 au message 45) dans le rapport de déontologie dans le même ordre numérique et chronologique que celui utilisé pour les allégations (pages 10 à 13) (« matrice »).

[38]  Malheureusement, dans l’avis, on n’adopte ni n’applique le système numérique utilisé dans l’examen ou la matrice. On a plutôt choisi de reproduire seulement les messages textes qui faisaient référence à la photographie que le membre visé a montrée à Mme W (« matrice de l’avis »), ce qui est d’autant plus compliqué par le fait que certains énoncés détaillés figurant dans l’avis font aussi référence au numéro attribué à un certain message texte dans l’examen.

[39]  Selon la matrice, 40 minutes après que le membre visé eut quitté la résidence de Mme W, celle-ci a envoyé un message texte au membre visé pour lui dire que M. P se cachait peut-être chez ses parents (page 20). Dans l’échange qui a suivi, le membre visé a promis à Mme W que les policiers allaient trouver M. P et qu’ils s’assureraient que rien ne lui arrive à elle (page 238).

[40]  Toujours selon la matrice, 15 minutes après avoir reçu ce premier message texte de Mme W, le membre visé est le premier à avoir fait des commentaires déplacés et de nature sexuelle en lui demandant si elle avait aimé ce qu’elle avait vu, en faisant référence à la photographie qu’il lui avait montrée après qu’elle lui eut montré accidentellement ses seins sur une photographie. Il lui a écrit qu’il avait un « assez gros paquet » et que son « pénis mesure 12 pouces » et fait des allusions au fait que des rapports sexuels auraient pu avoir lieu à sa résidence, pendant qu’il s’y trouvait, qu’il avait une érection et qu’il retournerait chez elle pour « l’examiner de façon très approfondie ».

[41]  Dans un message texte en particulier (messages 52 et 55 dans l’examen), lorsqu’il a appris par Mme W que M. P avait été remis en liberté, le membre visé a écrit (page 241) [TRADUCTION] :

Hostie de crisse. Hostie de tribunaux. Malheureusement, je n’ai aucun contrôle là-dessus. ….

Y a rien à faire avec les tribunaux. Tu peux comprendre ma frustration maintenant.

[42]  Un ou deux jours plus tard, autour du 30 mars 2017, le membre visé déclare qu’il a fini par se rendre compte qu’il avait agi de manière inappropriée et que les messages textes le montrent [TRADUCTION] : « J’ai commencé à faire marche arrière et, euh, à essayer de réparer… ou au moins de diminuer le beau gâchis que j’avais fait » (ellipses indiquées par des points doubles dans l’original) (page 279).

[43]  Le membre visé affirme qu’il a commencé à paniquer et a tenté d’étouffer l’affaire de différentes façons afin d’éviter de compromettre le dossier de violation, mais [TRADUCTION] « en rétrospective, j’avais déjà… foiré » (page 279).

[44]  Le membre visé se souvient qu’au cours des jours suivants, Mme W a communiqué avec lui par message texte ou par téléphone de nombreuses fois, souvent alors qu’il n’était pas de service, se plaignant de M. P et invitant le membre visé à aller rester chez elle. Il lui a répondu qu’elle devait appeler le 9-1-1.

[45]  Le membre visé a fini par inventer une excuse et dire à Mme W qu’il avait un rendez-vous avec une autre femme, et c’est alors que Mme W est devenue « terriblement fâchée » et qu’elle lui a envoyé des messages textes où elle a écrit qu’elle ne pouvait pas faire confiance à la police. Mme W a envoyé au membre des messages textes de plus en plus agressifs, allant jusqu’à le menacer de mettre fin à sa carrière. Après quelques appels « pas très courtois », le membre visé a bloqué son numéro le 1er avril 2017 (page 280).

[46]  Mme W confirme qu’au fil des échanges, elle a commencé à être grossière, à le traiter de cochon et à lui dire qu’il agissait de manière dégoûtante et non professionnelle. Le membre visé a fait référence au fait qu’il pourrait perdre son emploi, et elle l’a accusé de l’avoir utilisée à un moment où elle était vulnérable (page 210).

[47]  Mme W signale aussi avoir senti que le membre visé lui mettait de la pression pour qu’elle viole la condition imposée à M. P afin qu’il puisse aller chez elle (page 218).

[48]  Mme W confirme que le membre visé lui a dit d’appeler la police lorsqu’elle s’est plainte au membre au sujet de M. P, et que la raison pour laquelle elle communiquait avec le membre visé pour lui parler des activités menaçantes de M. P est qu’elle s’attendait à ce que le membre lui apporte son aide (page 223). Le membre visé lui avait dit de communiquer avec lui, c’est pour cette raison qu’elle n’a pas appelé le 9-1-1 (page 227).

[49]  L’examen révèle de nombreux messages textes dans lesquels Mme W fait part de ses inquiétudes au sujet de M. P et de ses violations de conditions, et où le membre visé lui demande d’appeler la police ou de se rendre en lieu sûr (voir le résumé à la page 22).

[50]  Mme W, bien qu’elle ait d’abord déclaré que le membre visé ne lui avait jamais envoyé de photographies (page 218), a plus tard déclaré qu’il lui a envoyé une dizaine de photos inappropriées et de nature sexuelle au moyen de Snapchat (page 224).

[51]  Le membre visé a déclaré que Mme W ne faisait pas partie de ses contacts Snapchat et qu’il ne se rappelait pas lui avoir envoyé quoi que ce soit au moyen de cette application (page 289), et que même s’ils avaient discuté de la possibilité de s’ajouter l’un l’autre, il ne se souvenait pas qu’ils l’aient fait (page 290).

[52]  Le membre visé a donné comme explication qu’il venait de sortir d’une relation de plusieurs années et qu’il se sentait seul, qu’ils flirtaient tous les deux et que c’était une relation consensuelle même si elle était terriblement inappropriée et non professionnelle (page 283).

[53]  Mme W a raconté qu’elle s’est sentie violée et que le membre visé a abusé de sa vulnérabilité, elle qui venait de perdre M. P, qui avait été son petit ami pendant plus d’un an (page 222).

[54]  Quand on lui a montré les messages textes récupérés pendant l’examen, le membre visé a confirmé leur exactitude (page 285).

[55]  En ce qui concerne les autres bris de condition de M. P que Mme W a signalés au membre visé par téléphone ou message texte, le membre visé a reconnu que ces violations étaient graves et qu’il s’inquiétait pour la sécurité de Mme W (page 286). Il a ajouté qu’en rétrospective, il aurait dû appeler le 9-1-1 ou la ligne non urgente, mais qu’il n’a pas pris cette initiative (page 287), bien qu’il ait soulevé une ambiguïté en faisant remarquer qu’il n’était pas de service dans la plupart des cas, voire tous les cas.

[56]  Environ le 9 ou le 10 mai 2017, le procureur de la Couronne (« MB ») chargé de faire venir les affaires devant le tribunal spécialisé dans la violence familiale à la cour provinciale de Surrey a été approché par Mme W, qui était extrêmement bouleversée, respirait rapidement et sanglotait. Elle devait récupérer les clés de sa résidence que M. P avait en sa possession; celui-ci était détenu après avoir été arrêté en vertu d’un mandat. Mme W a dit au procureur qu’elle devait récupérer son téléphone qui se trouvait dans l’appartement, car il contenait la preuve qu’un policier lui avait envoyé des messages textes au sujet de la possibilité d’avoir des rapports sexuels avec elle et que c’était la raison pour laquelle M. P était en détention (page 204).

[57]  Selon la nature de la conversation, MB a soumis le cas au procureur de la Couronne chargé de la violence familiale (« PCVF ») du bureau des procureurs de la Couronne de Surrey. Le PCVF s’est entretenu avec Mme W, qui était, semble-t-il, en détresse et souhaitait le retrait des accusations contre M. P étant donné qu’elle était enceinte de quatre mois et qu’elle voulait que ce dernier soit dans la vie du bébé (page 6). Quand le PCVF a rencontré Mme W, elle lui a dit avoir reçu des messages textes déplacés de la part d’un policier, mais elle n’avait pas son téléphone avec elle à ce moment.

[58]  Mme W devait se rendre au palais de justice le lendemain, et elle y a apporté son téléphone cellulaire, puis a montré au PCVF les messages textes en question, qui contenaient des références et des connotations à caractère sexuel ainsi que des commentaires sur les procédures judiciaires. Mme W lui a également dit que le policier lui a montré plusieurs photographies de ses parties génitales sur son cellulaire, puis elle lui a remis la carte professionnelle du membre visé (page 7).

[59]  Le 12 mai 2017, l’avocat régional substitut de la Couronne (« ARSC ») du bureau des procureurs de la Couronne de Surrey a envoyé une note de service à l’officier responsable (« off. resp. ») du détachement dans laquelle il confirmait la tenue d’une conversation téléphonique qu’ils avaient eue le 10 mai 2017 pour signaler l’inconduite professionnelle ou l’infraction criminelle du membre visé relativement à des photographies et à des messages textes déplacés échangés avec Mme W (page 35). L’ARSC signale également que Mme W a exprimé des craintes à l’égard du membre visé et de la police.

[60]  L’off. resp. a reçu la note de service le 15 mai 2017 (page 3). Entre le 18 et le 24 mai 2017, les déclarations de MB, du PCVF et de Mme W ont été recueillies (pages 4 et 209), et le 7 juin 2017, l’officier des opérations a lancé l’enquête relative au code de déontologie concernant le membre visé, et ce dernier a été suspendu de ses fonctions le même jour (pages 28 et 31).

[61]  Le 24 mai 2017, l’ARSC a été informé qu’une enquête relative au code de déontologie avait été ordonnée, et le 6 juin 2017, le procureur de la Couronne de Surrey a suspendu l’accusation contre M. P découlant du dossier de bris de condition en fonction des exigences en matière de divulgation relatives à l’inconduite policière, ce qui exigerait de fournir de l’information sur les activités du membre visé à l’avocat de la défense (page 10).

[62]  Également le 7 juin 2017, Mme W a consenti à un examen de son téléphone et des messages textes qu’il contenait.

[63]  Le membre visé a été interrogé par le Groupe des normes professionnelles de Surrey le 27 juin 2017, et à la suite de l’entretien, le membre a fourni un rapport d’admissibilité (daté du 26 juin 2017) (pages 295 à 297) qui décrit la thérapie qu’il a entreprise de son propre chef le 13 mai 2016 pour l’aider à gérer divers troubles anxieux, émotifs et d’humeur, ainsi que les méthodes et objectifs de traitement et les services de psychoéducation qu’il a reçus à cet égard. Le rapport d’admissibilité ne présente aucune restriction professionnelle et aucune raison de santé mentale pouvant justifier l’imposition de restrictions à l’égard de ses fonctions.

[64]  Le rapport de déontologie a été rédigé le 29 juin 2017, et le 8 décembre 2017, soit environ cinq mois plus tard, l’avis à l’officier désigné dans lequel on demande la constitution d’un comité de déontologie a été signé par l’autorité disciplinaire, et cet avis a été reçu par l’officier désigné le 13 décembre 2017.

[65]  Le comité a été constitué le 21 décembre 2017, l’avis a été signifié au membre visé le 9 janvier 2018, et le membre visé a retenu les services de la RM le 11 janvier 2018.

[66]  Le 19 janvier 2018, deux jours après la période de sept jours allouée au membre visé pour s’opposer à la constitution du comité, la RM a demandé à ce dernier une prolongation du délai accordé au membre visé pour qu’il puisse répondre aux allégations formulées à son endroit (« réponse ») conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 (« CC [déontologie] »).

[67]  Le 21 janvier 2018, le comité a écrit aux représentantes pour leur proposer qu’une réunion préliminaire ait lieu avant la soumission de la réponse, et cette réunion s’est tenue le 29 janvier 2018 (« réunion 1 »).

[68]  Pendant la réunion 1, plusieurs questions de procédures ont été abordées, y compris des observations préliminaires faites par le comité relativement aux allégations, à l’avis et aux énoncés détaillés, et le membre visé s’est vu accorder une prolongation jusqu’au 22 février 2018 pour donner sa réponse.

[69]  Le membre visé a fourni sa réponse à la date indiquée, et dans cette réponse, il invoque et répète explicitement la déclaration qu’il a faite pendant l’entrevue.

[70]  Le membre visé reconnaît les faits qui lui sont reprochés dans l’allégation 1, et il reconnaît ou explique les faits figurant dans l’énoncé détaillé tels qu’ils sont énumérés dans l’avis comme suit :

  1. Il reconnaît être affecté au détachement.
  2. Il explique que même s’il n’était pas présent au moment de l’arrestation de M. P, il reconnaît avoir lu le dossier de l’agression sur son poste de travail mobile avant sa rencontre avec Mme W.
  3. Il reconnaît que le premier contact qu’il a eu avec Mme W a eu lieu pour les besoins du dossier de violation.
  4. Il reconnaît qu’il était l’enquêteur principal dans le dossier de violation.
  5. Il reconnaît que dans le dossier de l’agression se trouvait une description des antécédents de M. P notamment en matière de consommation et de trafic de drogue et de liens avec des organisations criminelles, les circonstances entourant l’agression et d’autres comportements agressifs allégués, de même que les raisons pour lesquelles Mme W en est arrivée à craindre pour sa sécurité.
  6. Il reconnaît qu’il est demeuré à la résidence de Mme W pendant un peu moins d’une heure.
  7. Il reconnaît qu’il s’est assis sur le lit pendant qu’il parlait avec Mme W parce qu’il n’y avait pas de chaises, il précise qu’il l’a fait avec la permission de Mme W afin qu’il puisse poser son calepin sur ses genoux, prendre des notes et tenir l’enregistreur, et il reconnaît qu’il n’était pas assis sur le lit pendant tout le temps où il se trouvait à la résidence.
  8. Il reconnaît que Mme W l’a informé au sujet de la violation par M. P de la condition de non-communication et qu’il a recueilli une déclaration enregistrée de la part de Mme W.
  9. Il reconnaît avoir appris que Mme W avait des enfants, qu’elle était aux prises avec une dépendance, qu’elle n’avait rien consommé depuis quelques mois et qu’elle avait vraiment peur de M. P.
  10. Il reconnaît que le dossier de l’agression ne contenait pas de photographies des blessures subies par Mme W et qu’il lui a demandé si elle en avait.
  11. Il reconnaît qu’au moment où Mme W lui a montré les photographies, en faisant défiler les photos que contenait son téléphone, elle s’est arrêtée sur un égoportrait d’elle nue et exhibant ses seins, qu’elle lui a montré la photo, qu’il y avait deux ou trois photos du même genre et que les photos de ses blessures suivaient celles où on la voyait nue.
  12. Il reconnaît qu’il a montré à Mme W une photo de lui qui se trouvait sur son téléphone personnel et sur laquelle il portait des caleçons serrés de style boxer, mais qu’il n’était pas nu et que ses parties génitales n’étaient pas exposées, et qu’il n’a pas montré à Mme W cette photo immédiatement après qu’elle lui a montré les photos d’elle nue, mais qu’il la lui a montrée après avoir enregistré sa déclaration, devant son insistance.
  13. Il reconnaît que la photographie qu’il a montrée à Mme W le montrait faisant face à un miroir et portant des caleçons très serrés, et que si ce n’était du tissu, il s’agissait essentiellement d’une photo de son pénis.
  14. Il reconnaît que Mme W a dit qu’il exhibait son pénis et qu’il était en uniforme sur la photographie, mais il explique qu’elle n’a pas bien décrit la photo qu’il lui avait montrée, car il n’exhibait pas son pénis et qu’il n’était pas en uniforme sur ladite photo.
  15. Il nie avoir donné son numéro de cellulaire personnel à Mme W et explique qu’elle l’avait sur son téléphone cellulaire personnel étant donné qu’il l’avait appelé au moment où il est arrivé à sa résidence.
  16. Il reconnaît avoir envoyé à Mme W des messages déplacés à caractère sexuel et personnel dans l’heure qui a suivi son départ de son appartement et qu’il a fait référence dans ses messages à la photographie révélatrice qu’il lui avait montrée.
  17. Il reconnaît avoir envoyé à Mme W des messages déplacés à caractère sexuel et personnel entre le 28 et le 31 mars 2017 et avoir parlé avec elle au téléphone à plusieurs reprises, mais il explique qu’il a tenté de mettre un terme aux échanges de nature sexuelle avec elle le 30 mars 2017.
  18. Il reconnaît avoir écrit par messagerie texte à Mme W qu’il s’intéressait à elle, mais qu’il ne pouvait rien faire pour l’instant, qu’il devait attendre que le dossier de violation soit réglé, ce qui prendrait quelques mois.
  19. Il reconnaît que la conduite qu’il a adoptée à l’égard de Mme W était déplacée et qu’elle pouvait mener à son congédiement, comme il le lui a écrit dans un message texte.
  20. Il reconnaît que le 31 mars 2017, il a bloqué le numéro de téléphone de Mme W sans le lui dire, mais il explique qu’il a agi ainsi parce qu’elle le menaçait.
  21. Il reconnaît s’être comporté d’une manière déshonorante en lui montrant une photographie déplacée de lui sur son cellulaire personnel.
  22. Il reconnaît qu’il s’est comporté d’une manière déshonorante en échangeant avec Mme W des messages textes déplacés et de nature sexuelle et personnelle, mais il affirme que le fait qu’il était l’enquêteur principal dans le dossier de violation, que Mme W était la victime dans une affaire de violence conjugale et qu’elle essayait de se sortir d’une dépendance à la drogue et que le fait que ses actes allaient compromettre l’accusation dans le dossier de violation constituent des facteurs aggravants qui doivent être pris en considération à l’étape des mesures à imposer et non à l’étape de l’examen sur le fond.
  23. Il reconnaît qu’il y a un déséquilibre des pouvoirs entre Mme W et lui en raison du poste qu’il occupe, mais il explique qu’il n’était pas enquêteur dans le dossier de l’agression comme il a été allégué, qu’il l’était seulement dans le dossier de violation et que son rôle était d’informer Mme W de la remise en liberté de M. P.
  24. Il reconnaît qu’il était au courant de la situation de Mme W, mais il n’est pas d’accord avec le fait qu’elle soit une personne vulnérable étant donné qu’elle a été victime de violence conjugale sous la forme d’une agression, que son appartement était vide et qu’elle essayait de se sortir d’une dépendance, et il dit souhaiter que sa représentante présente d’autres observations juridiques sur la question.

[71]  Bien que le membre visé reconnaisse certains des faits qui lui sont reprochés dans l’énoncé détaillé, il nie les faits qui lui sont reprochés dans l’allégation 2 et estime que les 20 premiers éléments de l’énoncé détaillé sont exactement les mêmes que ceux faisant partie de l’allégation 1, et que les éléments 21 à 28 de l’énoncé peuvent être considérés comme des facteurs aggravants relatifs à l’allégation 1.

[72]  De plus, le membre visé soutient dans sa réponse que l’élément de fond de l’allégation 2 repose sur les échanges déplacés entre Mme W et lui, qu’il a reconnus dans l’allégation 1, et qu’il ne peut être inculpé deux fois pour la même inconduite, et il dit souhaiter que sa représentante présente d’autres justifications légales sur la question.

[73]  En ce qui touche les éléments 21 à 28 de l’énoncé détaillé de l’allégation 2, le membre visé reconnaît les faits qui lui sont reprochés, donne des explications ou demande des précisions sur les éléments énumérés dans l’avis comme suit :

  1. Il reconnaît qu’il était l’enquêteur principal dans le dossier de violation et qu’il avait des échanges inappropriés de nature sexuelle et personnelle avec Mme W, mais il n’aborde pas la question de savoir si cette situation le place en conflit d’intérêts.
  2. Il reconnaît qu’il ne s’est pas retiré du dossier de violation en tant qu’enquêteur principal.
  3. Il demande à l’autorité disciplinaire de préciser la politique et la section de la Directive sur les conflits d’intérêts (DCI) qui portent sur l’omission de signaler un conflit d’intérêts à son superviseur.
  4. Il demande plus de précisions sur les personnes à qui il aurait caché les communications déplacées d’ordre sexuel et personnel et sur la façon dont il les aurait cachées [cet élément porte le mauvais numéro, soit le 25, dans la réponse].
  5. Il nie que la relation avec Mme W a duré plus d’un mois, car il dit s’être rapidement rendu compte de son manque de jugement et du risque de compromission du dossier de violation, et affirme avoir tenté de mettre un terme aux échanges déplacés avec Mme W, qui s’est mise en colère, et que c’est pour cette raison qu’il a tenté d’atténuer la situation.
  6. Il reconnaît a) qu’il a envoyé à Mme W des messages textes dans lesquels il a critiqué les instances judiciaires et il a qualifié M. P de « trou de cul » (messages 52, 55 et 56), et b) que bien qu’il admette ne pas avoir consigné toutes les conversations qu’il a eues avec Mme W dans son calepin ou le dossier de violation, il soutient que les conversations n’étaient pas toutes liées au dossier et que certaines d’entre elles ont eu lieu alors qu’il n’était pas de service.
  7. Il soutient qu’il ne peut répondre à l’affirmation selon laquelle le conflit d’intérêts a eu des effets négatifs sur l’apparence d’indépendance policière, car il ne s’agit pas d’un élément de l’énoncé détaillé, mais plutôt d’un argument présenté, et il demande que sa représentante puisse présenter d’autres justifications légales sur la question.
  8. Il fait remarquer qu’il n’est pas au courant que le procureur de la Couronne a suspendu l’accusation dans le dossier de violation en raison de l’exigence de divulgation de son inconduite alléguée, mais il reconnaît qu’il y a une note dans la divulgation (rapport de déontologie) à cet effet.

[74]  Le membre visé nie l’allégation 3, mais fait des aveux ou donne des explications ou des précisions relativement aux éléments 21 à 29 de l’énoncé détaillé, et il invoque ses réponses aux éléments 1 à 20 de l’énoncé détaillé formulées relativement à l’allégation 1 étant donné qu’il s’agit des 20 mêmes éléments de l’énoncé détaillé.

[75]  En ce qui concerne les éléments 21 à 29 de l’énoncé détaillé de l’allégation 3, le membre visé présente ce qui suit, chaque réponse correspondant à chacun des éléments énumérés dans l’énoncé détaillé de l’avis :

  1. Il explique que comme il est écrit dans les messages textes, les nouvelles menaces pour la sécurité de Mme W et ses inquiétudes à cet égard ont été soulevées le 29 mars 2017 et non le 28 mars comme il a été allégué, ce qui permet d’établir implicitement que des menaces et des craintes provenaient des messages textes de Mme W.
  2. Il explique que le message texte dans lequel Mme W écrit que M. P se moque d’elle et qu’il gâche sa vie a été envoyé le 29 mars 2017, et non le 28 mars, ce qui établit implicitement le contenu du message texte de Mme W.
  3. Il reconnaît que Mme W a envoyé de multiples messages textes dans lesquels elle demandait de l’aide et décrivait comment M. P enfreignait ses conditions de remise en liberté.
  4. Il reconnaît avoir conseillé à Mme W de signaler les violations des conditions à la police en lui expliquant qu’il n’était pas de service et qu’il ne résidait pas à Surrey.
  5. Il reconnaît l’existence des trois messages textes mentionnés dans l’énoncé détaillé (8, 56 et 145), mais il estime que le troisième message texte (145), dans lequel il a écrit à Mme W de lui envoyer un message si elle avait besoin d’aide, a été envoyé au moment où il tentait de mettre fin aux échanges déplacés et où Mme W était fâchée contre lui.
  6. Il reconnaît que lorsqu’il a bloqué le numéro de téléphone de Mme W, il ne lui a pas dit qu’il ne recevrait plus ses appels ou ses messages textes, mais il explique qu’à ce moment, Mme W et ses relations le menaçaient et que même si le numéro de téléphone était bloqué, ses messages apparaissaient quand même et portaient la mention « message bloqué ».
  7. Il reconnaît qu’avant d’être suspendu de ses fonctions, il n’a pas fait enquête ou fait de signalement sur les nouvelles violations alléguées des conditions par M. P qui avait été signalées par Mme W, mais il explique qu’il n’était pas de service au moment où Mme W a signalé les violations, qu’il lui avait conseillé de signaler les violations et qu’elle lui a répondu à trois reprises au moins qu’elle avait signalé une violation comme il est indiqué dans les messages textes mis en évidence.
  8. Il nie avoir manqué à son devoir d’agir conformément au chapitre 2.4., « Violence et mauvais traitements dans les relations » (« politique sur la violence dans les relations » du Manuel des opérations de la Division E, plus particulièrement à l’article 1.6 (qui exige que tous les cas de violation de conditions de protection émanant d’ordonnances pénales ou civiles fassent l’objet d’une intervention et d’une enquête immédiates) ou à l’article 1.7 (qui stipule que toutes les plaintes liées à des actes criminels signalés doivent faire l’objet d’une enquête) puisqu’il n’a reçu aucun signalement de violation en sa capacité de policier et dans l’exercice de ses fonctions, qu’il ne disposait d’aucun élément probant à cet égard et qu’il a conseillé à Mme W de signaler les violations ou les infractions criminelles en suivant les procédures appropriées.
  9. Il nie avoir omis de prendre les mesures appropriées pour aider Mme W en raison d’un danger réel, imminent ou potentiel et fait valoir qu’il lui a donné les meilleurs conseils possibles pour l’aider à demeurer en sécurité, qu’il l’a encouragée à faire part de ses inquiétudes aux policiers, faisant remarquer que si elle avait le temps de lui envoyer des messages textes, elle avait aussi le temps de communiquer avec la police, qu’il ne croyait franchement pas qu’elle se trouvait en situation de danger imminent et que, selon le contexte des messages, Mme W tentait de l’inciter à se rendre à sa résidence à titre personnel.

[76]  Après avoir examiné la réponse, le 1er mars 2018, le comité a envoyé un courriel aux représentantes pour leur proposer la tenue d’une autre réunion, qui a eu lieu le 8 mars 2018 (« réunion 2 ») et qui a permis aux parties d’obtenir des précisions et de s’entendre sur plusieurs questions procédurales, dont les suivantes :

  • En ce qui concerne l’explication donnée dans la réponse relativement à l’élément 17 de l’énoncé détaillé de l’allégation 1 (date de la tentative de mettre un terme aux échanges), la RM a confirmé que la date était simplement en cours de clarification et que les représentantes s’entendaient pour dire qu’elle n’avait pas d’incidence sur les questions de fond.
  • En ce qui concerne l’explication donnée dans la réponse relativement à l’élément 22 de l’énoncé détaillé de l’allégation 1, la RM a confirmé que le membre visé souhaitait présenter des observations sur cet élément à l’étape des mesures à imposer, relativement aux facteurs aggravants, s’il y a lieu.
  • En ce qui concerne l’explication donnée dans la réponse relativement à l’élément 24 de l’énoncé détaillé de l’allégation 1, il a été confirmé que la RAD présenterait une argumentation concernant les mesures disciplinaires dans laquelle Mme W était une « personne vulnérable » au sens de la loi, suivie d’une argumentation présentée par la RM.
  • En ce qui concerne les précisions demandées dans la réponse relativement à l’élément 23 de l’énoncé détaillé de l’allégation 2, il a été confirmé que la RAD s’appuie sur l’article 4.2.3. de la Directive sur les conflits d’intérêts (chap. XVII.1 du Manuel d’administration).
  • En ce qui concerne la demande d’obtention de précisions supplémentaires dans la réponse relativement à l’élément 24 [portant le numéro 25] de l’énoncé détaillé de l’allégation 2, il a été convenu que la RAD présenterait une brève argumentation concernant les personnes à qui il a dissimulé ses échanges et la manière dont il s’y est pris pour les dissimuler.
  • En ce qui concerne le commentaire dans la réponse relativement à l’élément 27 de l’énoncé détaillé de l’allégation 2 (qui comprenait l’élément 28 de l’énoncé faisant l’objet de discussions), les représentantes étaient d’accord pour inclure ces éléments dans les facteurs aggravants à l’étape des mesures à imposer, s’il y a lieu.
  • Il a été convenu que la RAD présenterait une argumentation sur la question de savoir s’il est nécessaire d’obliger Mme W à témoigner.

[77]  Le comité a fait remarquer que l’argumentation de la RAD sera présentée d’ici le 15 mars 2018 et que si une argumentation est requise de la part de la RM et toute autre observation de la RM sur l’état de vulnérabilité de Mme W, le comité en fera part.

[78]  La RAD a demandé une prolongation du délai imparti pour présenter son argumentation, demande qui a été reçue le 19 mars 2018, et s’est penchée sur trois questions soulevées à la réunion 2 : premièrement, la question de savoir si Mme W était une personne vulnérable; deuxièmement, la façon dont le membre visé a dissimulé les échanges; et troisièmement, la nécessité d’obliger Mme W à témoigner.

[79]  En ce qui touche la première question, la RAD fait valoir que, si on se fie aux définitions du mot « vulnérable » dans les dictionnaires, Mme W était vulnérable parce qu’elle risquait de subir de l’influence, des attaques ou un préjudice de la part de M. P, et qu’elle était susceptible d’être influencée par un policier.

[80]  De plus, la RAD affirme qu’une personne vulnérable est protégée par des mesures législatives visant à prévenir les blessures physiques, mentales ou émotionnelles, et elle se réfère à la politique sur la violence dans les relations, plus particulièrement à l’article 5.3.1. de celle-ci, selon laquelle on doit désigner la personne la plus vulnérable dans les cas de violence, de même qu’aux conditions imposées à M. P, notamment la condition de non-communication.

[81]  Il est également suggéré que le terme « personne vulnérable » a un sens propre dans le domaine policier, mais qu’il a également un sens plus large, faisant remarquer que dans certaines décisions, les comités de déontologie ont retenu ce terme dans le cas où une personne est une plaignante, est intoxiquée ou ne se sent pas bien (2015 DARD 1, paragr. 105, et 2017 DARD 8, paragr. 68).

[82]  Dans le cas précis de Mme W, la RAD fait remarquer qu’elle consommait de la méthadone pour se sortir d’une dépendance à la drogue (page 56), que son appartement était vide et ne contenait pas de chaises (on y trouvait seulement un matelas, ce qui témoignait d’une certaine pauvreté) et qu’elle avait dit se sentir vulnérable dans sa déclaration (pages 210 et 222).

[83]  La RAD affirme également que les circonstances dans lesquelles Mme W se trouvait concordaient avec le fait qu’elle était une personne vulnérable comme il est défini aux articles 2.3. et 2.4. du Manuel des opérations (vérification du casier et des antécédents judiciaires) et aux articles 1.10 et 2.7. du chap. 37.6 (« Assistance aux victimes [3] ») du Manuel des opérations (« politique sur les victimes »), qui font référence à des personnes qui, en raison de diverses circonstances, risquent de subir des préjudices physiques, mentaux ou émotionnels.

[84]  En ce qui concerne la deuxième question, la RAD affirme que le membre visé a caché à son superviseur et à la GRC les messages déplacés à caractère sexuel et personnel qu’il a échangés avec Mme W en omettant de signaler un conflit d’intérêts l’impliquant.

[85]  Troisièmement, la RAD affirme que Mme W doit témoigner vu les contradictions et les incohérences entre sa déclaration et celle du membre visé, ce qui est nécessaire au maintien de la crédibilité de Mme W, et que le comité doit entendre ce témoignage afin de pouvoir évaluer la crédibilité du témoin ainsi que son état émotionnel et son comportement, ce qui pourrait accroître sa crédibilité étant donné qu’un témoignage verbal peut avoir plus de poids que des mots écrits (citant la décision 2017 DARD 8).

[86]  La RAD donne cinq exemples de différences entre la déclaration de Mme W et celle du membre visé, plus particulièrement en ce qui concerne les photos montrées à l’une et à l’autre, la personne qui a insisté pour voir les photos et les questions de savoir si lesdites photos ont été échangées au moyen de l’application Snapchat et si des contacts physiques ont eu lieu à la résidence de Mme W.

[87]  On estime que le témoignage de Mme W servira à renforcer sa crédibilité, ce qui diminuera celle du membre visé, et que la conduite décrite par Mme W donnerait lieu à une peine plus sévère que la conduite décrite par le membre visé.

[88]  Le 20 mars 2018, le comité a envoyé un courriel à la RM afin de déterminer si une réponse serait fournie à la suite de l’argumentation présentée par la RAD, et le 22 mars 2018, la RM a signalé qu’une réponse serait fournie en ce qui concerne la première question seulement, soit celle de savoir si Mme W était une personne vulnérable, réponse qui a été reçue le 27 mars 2018.

[89]  La RM argue qu’il y a une distinction entre le sens large du mot « vulnérable » et le sens juridique du terme « personne vulnérable », et que bien que le membre visé reconnaisse que Mme W puisse s’être sentie vulnérable, comme il est défini dans les dictionnaires, cela ne fait pas d’elle une personne vulnérable au sens de la loi.

[90]  Le membre visé reconnaît que les victimes de violence conjugale se trouvent dans des situations de vulnérabilité et peuvent être blessées ou influencées physiquement, mentalement ou émotionnellement; cela dit, la politique sur la violence dans les relations ne définit pas les victimes de violence conjugale comme des « personnes vulnérables », elle oriente plutôt l’enquêteur pour l’aider à déterminer quelle personne est la plus vulnérable dans la situation.

[91]  La RM affirme que la première décision du comité de déontologie citée et sur laquelle la RAD s’est appuyée n’est pas éclairante en l’espèce, car il a été déterminé que la plaignante se trouvait dans une « position d’une certaine vulnérabilité » et non qu’elle était « quelque peu vulnérable », ce qui ne correspond pas à la définition juridique de « personne vulnérable ».

[92]  De même, la deuxième décision du comité d’arbitrage sur laquelle la RAD s’est appuyée n’est pas non plus éclairante, puisqu’elle portait sur les témoins et leur vulnérabilité liée à une intoxication, ce qui ne correspond pas à la définition juridique de « personne vulnérable » et que rien n’indique que Mme W était intoxiquée.

[93]  La RM précise qu’au sens de la loi, une « personne vulnérable » est une [TRADUCTION] « personne qui, selon les conditions physiques, émotionnelles ou psychologiques dans lesquelles elle se trouve, dépend de l’aide d’autres personnes sur une base quotidienne », et qu’elle accepte la définition de « personnes vulnérables » figurant dans le Manuel de la sécurité de la GRC, qui fait référence à des personnes qui, en raison de circonstances temporaires ou permanentes, sont en position de dépendance par rapport à d’autres personnes.

[94]  La RM se réfère ensuite à diverses sources qui définissent une personne vulnérable comme une personne qui dépend d’autres personnes pour avoir de l’aide, et selon ces sources, il peut s’agir de personnes ayant un trouble mental, de personnes âgées ou de victimes de torture, mais ces caractéristiques ne sont pas présentes chez Mme W.

[95]  Ainsi, bien que le traitement à la méthadone que suit Mme W pour se défaire d’une dépendance soit reconnu, la RM fait remarquer que ce fait est seulement mentionné brièvement dans le rapport de déontologie et qu’il n’y aucune preuve qui montre l’étape du traitement où en est Mme W, les effets du traitement ou ses effets secondaires, et par conséquent, on ne peut établir qu’elle dépend des autres et qu’elle est une personne vulnérable.

[96]  La RM fait également remarquer que la preuve selon laquelle la résidence de Mme W contenait peu de meubles ne permet pas d’établir qu’elle vivait dans la pauvreté comme l’a fait valoir la RAD, et la RM signale que Mme W transportait un sac de provisions au moment de sa première rencontre avec le membre visé.

[97]  Compte tenu de ce qui précède, la RM affirme que Mme W n’était pas une « personne vulnérable » au sens de la loi.

[98]  Le 29 mars 2018, le comité a écrit aux représentantes pour confirmer que la RAD demande que Mme W soit citée comme témoin pour la raison invoquée, que la RM ne propose aucun témoin à l’étape de l’examen sur le fond, et pour les aviser que si aucune autre observation n’est présentée, le comité se penchera sur l’argumentation de la RAD et de la RM et déterminera qui seront les témoins ou quels témoignages seront nécessaires.

[99]  Le même jour, la RM a confirmé qu’elle ne demandait pas de témoins pour l’étape de l’examen sur le fond, mais elle a signalé que si Mme W témoignait, le membre visé souhaiterait peut-être lui aussi témoigner.

[100]  Le 3 avril 2018, la RAD a confirmé qu’on proposait que Mme W témoigne aux étapes de l’examen de fond et des mesures à imposer.

4. Examen sur le fond

Contexte

[101]  Avant d’aborder la question du bien-fondé des allégations, le comité tient à souligner que les objectifs du nouveau régime de déontologie et, en particulier, les principes à la base des réformes apportées aux procédures visant les affaires disciplinaires graves, sont énoncés dans le Guide du comité de déontologie (2017), sous la rubrique « Principes » :

2. Principes

2.1 L’équipe de l’Initiative de réforme législative (IRL) a été chargée d’élaborer un processus disciplinaire modernisé. Dans ce but, elle a entamé de vastes consultations auprès d’un large éventail d’intervenants et a examiné divers rapports internes et externes concernant la GRC, ainsi que d’autres organismes policiers, sur tout ce qui a trait à la gestion des instances d’inconduite alléguée par des policiers.

2.2 Les réformes adoptées dans le cadre de l’IRL reposent expressément sur certains principes découlant d’un large consensus et d’une compréhension entre les intervenants : les procédures disciplinaires, y compris les audiences devant un comité de déontologie, doivent être opportunes et éviter d’être trop formalistes, juridiques ou contradictoires.

2.3 Ainsi, les instances devant un comité de déontologie ne doivent pas être interprétées ou comprises comme nécessitant des pratiques et des procédures hautement formelles et juridiques semblables à une instance officielle d’un tribunal. On y préférera plutôt un traitement aussi informel et rapide que le permettent les circonstances et les principes d’équité procédurale.

2.4 À bien des égards, une audience disciplinaire se déroulera comme une rencontre disciplinaire, à l’exception que le comité de déontologie détient certains pouvoirs pour exiger des preuves et donner des directives, lorsque cela est nécessaire, étant donné qu’il traite d’un dossier de congédiement. Une audience disciplinaire est un processus de nature administrative et sera menée par un comité de déontologie (et non les parties). Le comité de déontologie a un pouvoir discrétionnaire large quant à la gestion de son propre processus et l’ordonnance de directives.

2.5 À l’appui de cette approche, l’ancien droit des parties d’avoir l’occasion complète de présenter des éléments de preuve, de contre-interroger les témoins et de présenter des plaidoiries à l’audience, a été expressément retiré de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 [Loi sur la GRC] (ancien paragraphe 45.1(8)).

2.6 De plus, un comité de déontologie s’appuiera expressément sur le rapport d’enquête et les documents à l’appui pour établir ses constatations et ses conclusions. À la seule discrétion du comité de déontologie, un témoin sera généralement convoqué pour témoigner seulement lorsque le comité de déontologie considère qu’il y a un conflit grave ou important non résolu au niveau de la preuve et que le témoignage du témoin serait important et nécessaire à la résolution de ce conflit.

2.7 La responsabilité de déterminer si l’information contenue dans le rapport d’enquête et les documents à l’appui est suffisante pour permettre de déterminer si une allégation est établie incombe au comité de déontologie.

2.8 Le comité de déontologie peut émettre une directive de faire tenir une enquête supplémentaire ou ordonner la transmission de renseignements ou de documents supplémentaires seulement si ce dernier détermine que l’enquête ou l’information supplémentaire est importante et nécessaire pour résoudre une question en suspens dans la procédure disciplinaire.

2.9 Enfin, les membres visés sont maintenant tenus d’admettre ou de nier une allégation le plus tôt possible dans la procédure disciplinaire et d’identifier les moyens de défense ou les éléments de preuve sur lesquels ils visent à s’appuyer, afin que le comité de déontologie puisse conclure une procédure disciplinaire.

[102]  Plus récemment, en réponse à l’assertion faite par le Comité externe d’examen (CEE) dans le rapport C-017 (daté du 28 juin 2017), selon laquelle le rôle des comités de déontologie dans le nouveau régime ne diffère pas sensiblement de celui des comités d’arbitrage dans l’ancien régime disciplinaire, l’arbitre de niveau II (appel) saisi de l’affaire Le commandant de la Division J et le gendarme Cormier (20 novembre 2017) (dossier 2016-33572) (« décision d’appel Cormier ») a affirmé ce qui suit :

[132] […] En toute déférence, je ne partage pas cette opinion. Les modifications apportées à la Loi sur la GRC et la création du nouveau régime en matière de déontologie ont transformé la nature du rôle des comités de déontologie qui se voient accorder une meilleure compétence pour gérer activement les instances et trancher les affaires de manière définitive dans le cadre des procédures plus informelles et plus rapides. Bref, les comités de déontologie ne se fient plus aux échanges traditionnels des éléments de preuve entre les parties.

[133] Une analyse comparative de la connaissance des dossiers avant l’audience, de la forme et de la présentation des éléments de preuve et de la gestion des témoins illustre bien les caractéristiques propres aux comités de déontologie.

[134] Tout d’abord, ces comités de déontologie possèdent désormais une connaissance approfondie des dossiers avant la tenue de l’audience. Conformément au paragraphe 45.1(4) de l’ancienne Loi sur la GRC (en vigueur avant le 28 novembre 2014), le seul document fourni aux comités d’arbitrage dans le cadre des procédures était un simple avis d’audience faisant état de l’énoncé détaillé des allégations portées contre le membre visé. À présent, les comités de déontologie disposent de l’avis d’audience, du rapport d’enquête, y compris des déclarations des témoins et des pièces versées au dossier, de l’admission ou la négation de chacune des contraventions alléguées au code de déontologie, des observations écrites présentées par le membre visé, des éléments de preuve, documents ou rapports que le membre visé entend invoquer à l’audience, ainsi que de la liste des témoins que les parties présentent aux fins d’examen. Les dispositions applicables sous le régime actuel sont énoncées comme suit :

Loi sur la GRC

43(2) Dans les meilleurs délais après avoir constitué le comité de déontologie, l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience signifie au membre en cause un avis écrit l’informant qu’un comité de déontologie décidera s’il y a eu contravention.

Consignes du commissaire (déontologie)

15(2) Dès que possible après la constitution du comité de déontologie, l’autorité disciplinaire lui remet copie de l’avis prévu au paragraphe 43(2) de la Loi et le rapport d’enquête et elle fait signifier copie du rapport au membre visé.

15(3) Dans les trente jours suivant la date de signification au membre visé de l’avis prévu au paragraphe 43(2) ou dans le délai fixé par le comité, le membre visé remet à l’autorité disciplinaire et au comité :

a) un écrit dans lequel il admet ou nie chaque contravention alléguée au code de déontologie;

b) toute observation écrite qu’il souhaite présenter;

c) tout élément de preuve, document ou rapport, autre que le rapport d’enquête, qu’il compte présenter ou invoquer à l’audience.

18(1) Dans les trente jours suivant la date de la signification de l’avis d’audience, les parties soumettent au comité de déontologie la liste des témoins qu’elles désirent faire comparaître devant lui et la liste des questions pour lesquelles elles voudront peut-être faire témoigner un expert.

[135] En fait, sous le régime de l’ancienne Loi sur la GRC, en l’absence de l’admission par le membre visé ou de la preuve présentée par l’officier compétent à l’audience, le comité d’arbitrage ne pouvait pas conclure à l’inconduite. À l’inverse, sous le régime actuel, en vertu du paragraphe 23(1) des CC (déontologie), le comité de déontologie peut rendre une décision en se fondant uniquement sur les éléments au dossier soumis avant l’audience si les parties choisissent de ne pas présenter d’autres observations :

23 (1) Lorsqu’aucun témoignage n’a été entendu relativement à une allégation, le comité de déontologie peut rendre une décision à l’égard de celle-ci en se fondant uniquement sur les éléments au dossier.

[136] De plus, les règles régissant la présentation de la preuve devant les comités de déontologie ont fait aussi l’objet de modifications. Antérieurement, les éléments de preuve étaient présentés à l’audience :

[Abrogé, 2013, ch. 18, art. 29]

45.12(1) Le comité d’arbitrage décide si les éléments de preuve produits à l’audience établissent selon la prépondérance des probabilités chacune des contraventions alléguées au code de déontologie énoncées dans l’avis d’audience.

[Abrogé, 2013, ch. 18, art. 29]

45.13(1) Le comité d’arbitrage établit le dossier de l’audience tenue devant lui; ce dossier comprend notamment :

a) l’avis d’audience prévu au paragraphe 43(4);

b) l’avis de la date, de l’heure et du lieu de l’audience signifié conformément au paragraphe 45.1(2);

c) une copie de la preuve écrite ou documentaire produite à l’audience;

d) la liste des pièces produites à l’audience;

e) l’enregistrement et la transcription de l’audience, s’il y a lieu. [Caractères gras ajoutés]

[137] Sous le régime actuel, conformément au paragraphe 15(3) des CC (déontologie), des renseignements détaillés sont déposés avant l’audience auprès du comité de déontologie. Ce changement ressort de l’article 26 des CC (déontologie). Alors que sous l’ancien régime, les pièces et les éléments de preuve étaient produits à l’audience, à présent ils sont produits au préalable et peuvent être admis en preuve de la manière que le comité de déontologie juge indiquée (voir aussi, les pouvoirs conférés depuis longtemps par le paragraphe 45(2) de la Loi sur la GRC et par l’article 45 de la Loi sur la GRC, dans sa version antérieure). Ce changement se reflète dans le remplacement de la mention expresse à la preuve produite à l’audience, dans l’ancien alinéa 45.13(1)c), par une mention générale des renseignements transmis au comité de déontologie, à l’alinéa 26c) des Consignes du commissaire (déontologie) :

CC (déontologie)

26 Après l’audience, le comité de déontologie établit un dossier comprenant notamment :

a) l’avis d’audience prévu au paragraphe 43(2) de la Loi;

b) l’avis des date, heure, et lieu de l’audience signifié au membre visé;

c) copie des renseignements transmis au comité;

d) la liste des pièces produites à l’audience;

e) les directives, décisions, accords et engagements consignés en application du paragraphe 16(2);

f) l’enregistrement de l’audience et, le cas échéant, sa transcription;

g) copie de toute décision écrite au comité.

[Caractères gras ajoutés]

[138] Enfin, la gestion des témoins a fait aussi l’objet de modifications. Alors que le greffier était antérieurement tenu de convoquer les témoins par assignation à la demande d’une partie, conformément au paragraphe 6(1) des Consignes du commissaire (pratique et procédure), DORS/88-367 [CC (pratique et procédure)], suivant les paragraphes 18(3) et 18(4) des CC (déontologie), le comité de déontologie remet désormais aux parties la liste des témoins qu’il entend assigner. En outre, les comités de déontologie doivent remettre aux parties les raisons pour lesquelles il a accepté ou refusé d’entendre les témoins proposés par les parties. Les dispositions applicables sous le régime abrogé et sous le régime en vigueur sont libellées comme suit :

CC (pratique et procédure) [Abrogé, DORS/2014-293]

6 (1) La partie qui requiert la présence d’un témoin à une audience doit transmettre le nom du témoin proposé au greffier qui délivre l’assignation au nom de la commission.

CC (déontologie)

18 (3) Le comité établit la liste des témoins qu’il entend assigner, y compris l’expert visé par l’avis d’intention prévu au paragraphe 19(3), et peut demander des observations supplémentaires aux parties pour ce faire.

18 (4) Le comité remet aux parties la liste des témoins qu’il entendra et les raisons pour lesquelles il a accepté ou refusé d’entendre ceux figurant à la liste soumise par les parties.

[Caractères gras ajoutés]

[139] Dans l’ensemble, les modifications à la Loi sur la GRC, l’abrogation des CC (pratique et procédure) et l’adoption des CC (déontologie) ont permis de transformer véritablement la nature du rôle des comités de déontologie et, en particulier, leurs pouvoirs en matière de gestion de l’instance.

[103]  Les citations qui précèdent sont un peu longues, mais elles expliquent clairement le contexte dans lequel les comités de déontologie sont censés exercer leurs fonctions. Ce contexte exige que l’autorité disciplinaire, le membre visé et, surtout, leurs représentants respectifs fassent un examen critique des éléments de preuve et des circonstances aussi tôt que possible, car l’ancienne mentalité n’a plus cours : on ne présume plus simplement que la plupart des affaires seront débattues lors d’une audience devant un comité de déontologie ou qu’elles doivent l’être.

Questions préliminaires

Témoignage de vive voix

[104]  La RAD a affirmé que le témoignage de Mme W était requis à l’étape de l’examen sur le fond, et pour les raisons décrites ci-dessous, le comité a déterminé que son témoignage n’était pas pertinent ou nécessaire pour la résolution de conflits importants ou graves relativement à la preuve.

Personne vulnérable

[105]  Les représentantes ont présenté des argumentations exhaustives sur le sens que l’on devrait donner au terme « personne vulnérable ».

[106]  L’examen de l’avis a révélé que le seul endroit où il est affirmé que Mme W était ou semblait être une personne vulnérable est à l’élément 24 de l’énoncé détaillé de l’allégation 1, que le comité ne juge pas pertinent ou nécessaire pour déterminer si le membre s’est comporté d’une manière déshonorante relativement à la photographie et aux messages textes déplacés, qui sont les éléments centraux de l’inconduite alléguée.

[107]  Bien que les observations sur cet élément ne soient pas nécessaires au comité pour qu’il se prononce sur le fond de l’affaire, ce dernier s’est penché sur les argumentations des représentantes à cet égard et conclut que Mme W était une personne vulnérable.

[108]  La RM a affirmé qu’au sens de la loi, pour être considéré comme une personne vulnérable, il faut être en état de dépendance temporaire ou permanente à l’égard de quelqu’un d’autre.

[109]  Cependant, la compréhension stratégique, commune ou opérationnelle de la personne vulnérable dans le milieu policier correspond davantage à celle qui transparaît dans l’argumentation de la RAD, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une personne qui se trouve dans une situation où elle pourrait être être blessée ou influencée physiquement, mentalement ou émotionnellement, ce qui inclut les situations de violence conjugale, mais peut s’étendre également à d’autres situations selon les circonstances ou les facteurs en cause.

[110]  Comme il est énoncé à l’article 1.2.1. de la politique sur la violence dans les relations, la violence ou les mauvais traitements dans une relation présentent une dynamique unique qu’on ne trouve pas dans d’autres crimes violents, et [TRADUCTION] « il y a de fortes chances que la violence ou les mauvais traitements deviennent plus fréquents et plus graves au fil du temps », ce qui suppose explicitement ou implicitement que les victimes de violence sont des personnes vulnérables ou considérées comme telles. C’est probablement pour cette raison que l’article 2.2. de la politique sur l’assistance aux victimes définit une « victime à risque élevé » comme une « [v]ictime de violence familiale […] où il y a un risque permanent de mort ou de lésions corporelles graves ». Mises ensemble, ces deux politiques exigent directement ou indirectement que les policiers comprennent les victimes de violence dans une relation et qu’ils les considèrent comme des personnes vulnérables.

[111]  De plus, le fait que Mme W prenait de la méthadone dans le cadre d’un programme de traitement de la toxicomanie et le fait qu’elle ne possédait pas beaucoup de biens sont des facteurs qui peuvent être pris en considération au moment de déterminer si elle est une personne vulnérable dans le contexte présenté en l’espèce, qui semble respecter la démarche exposée dans le Guide des mesures disciplinaires (page 59).

Analyse

[112]  Le comité a pris connaissance du rapport de déontologie et de la documentation justificative, de la réponse et des argumentations de la RAD et de la RM sur diverses questions.

[113]  Il est communément admis que les membres de la GRC se sont engagés de plein gré à respecter une norme de conduite plus stricte que celle à laquelle est soumis le simple citoyen, étant entendu que cette norme n’exige pas la perfection (The Queen and Archer c. White, [1956] R.C.S. 154, page 158). Cet engagement à obéir à une norme de conduite stricte vise à la fois les comportements en dehors du travail et pendant les heures de service.

Allégation 1

[114]  Selon l’allégation 1 de l’avis, le membre visé s’est comporté d’une manière déshonorante en montrant à Mme W une photo révélatrice de lui-même et en échangeant des messages textes déplacés à caractère sexuel et personnel, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie.

[115]  Afin de déterminer si la conduite est déshonorante et contraire au code de déontologie, les preuves recueillies doivent établir les faits suivants selon la prépondérance des probabilités : d’abord, l’identité du membre, ensuite le ou les actes constitutifs de la conduire alléguée, et enfin le fait que la conduite jette le discrédit sur la GRC (à noter qu’après le 28 novembre 2014, le terme « déshonorante » a remplacé le terme « scandaleuse », mais l’analyse est fondamentalement la même), et est donc liée avec l’emploi du membre.

[116]  La détermination du caractère déshonorant de la conduite constitue une question de droit qui doit être tranchée en fonction du contexte et de toutes les circonstances de l’affaire. De plus, il faut prendre le terme « déshonorante » dans son sens naturel et courant au regard des obligations et tâches spéciales d’un professionnel (voir Hughes v. Architects Registration Council of the United Kingdom, [1957] 2 All E.R. 436 (Q.B.), 442, pour mieux comprendre le sens de « scandaleux »).

[117]  Le CEE a résumé le critère d’une conduite déshonorante de la manière suivante : la personne raisonnable connaissant les faits pertinents, y compris les réalités du travail policier en général et de la GRC en particulier, serait-elle d’avis que le comportement est déshonorant? (ERC C-2015-001 [C-008], aux paragraphes 92-93, 22 février 2016).

[118]  Le fait que le membre visé a montré une photographie révélatrice à Mme W alors qu’il se trouvait à sa résidence n’est pas mis en doute. Mme W a signalé qu’il y avait deux photos : l’une montrant le membre visé en uniforme, exhibant son pénis, et l’autre le montrant nu, le pénis exposé. Le membre visé affirme qu’il n’y avait qu’une photographie, et qu’il n’y figurait pas nu, mais que du fait que les caleçons étaient si serrés qu’il s’agissait essentiellement d’une photo de son pénis.

[119]  La RAD soutient que le comité doit entendre le témoignage de Mme W afin de dissiper les doutes relativement à ce qui se trouvait sur la ou les photographies que le membre visé lui a montrées.

[120]  Cela dit, si on lit attentivement la section de l’avis portant sur l’allégation 1, on remarque qu’il commence à l’élément 12, dans lequel il est affirmé que le membre visé a montré à Mme W « une photo révélatrice de ses parties génitales » (soulignement ajouté). Ensuite, à l’élément 13, on fait référence à « la photo révélatrice » (soulignement ajouté) sur laquelle il figurait en caleçons de style boxer dont le tissu était si serré qu’il s’agissait essentiellement d’une photo de son pénis (version des faits du membre visé), puis à l’élément 14, on mentionne « la même photo révélatrice » (soulignement ajouté) où le membre visé apparaît en uniforme et où il exhibe son pénis ou ses parties génitales (version des faits de Mme W). Enfin, à l’élément 21, on conclut que le membre visé a montré à Mme W au moins une photographie déplacée de lui sur son cellulaire personnel comme il a été décrit plus tôt.

[121]  Le comité ne juge pas nécessaire de déterminer si le membre visé était nu ou non puisque, selon ses propres aveux, il a montré une photo révélatrice à Mme, comme il est précisé aux éléments 12, 13 et 21 de l’énoncé détaillé de l’allégation 1.

[122]  En examinant la preuve sous un autre angle, on se rend compte qu’il n’y a pas de conflit sérieux ou important qui doit être résolu ou qui nécessite un autre témoignage étant donné que l’avis contenait deux versions du contenu de la photographie, dont l’un a été établi. Si l’énoncé détaillé de l’allégation 1 avait simplement fait mention d’une photographie révélatrice déplacée et n’avait pas contenu d’allégations ou de descriptions relativement aux deux versions, un témoignage de vive voix aurait pu être nécessaire pour dissiper les éléments conflictuels de la preuve, mais ce n’est pas le cas des circonstances en l’espèce ou dans l’énoncé détaillé de l’avis.

[123]  La RAD a également affirmé que Mme W devait témoigner pour des questions de crédibilité et d’autres raisons, mais qu’à première vue, ces raisons sont liées à des questions incidentes ou non substantielles pour lesquelles il n’est pas nécessaire de recourir à des témoignages pour conclure que l’allégation 1 est fondée.

[124]  Par exemple, bien que la RAD ait affirmé que Mme W doive témoigner du fait qu’elle affirme que le membre visé lui a montré deux photographies, cela ne correspond pas aux faits allégués dans l’énoncé détaillé de l’allégation 1, qui fait seulement mention d’une photographie (p. ex. à l’élément 14, il est précisé que Mme W fait référence à « la même photographie révélatrice » [soulignement ajouté]). Bref, dans l’énoncé détaillé, on fait mention d’une seule photographie révélatrice, et non de deux.

[125]  De plus, la question de savoir si Mme W a montré au membre visé une ou plusieurs photographies d’elle-même, de même que le contenu de la ou des photos, n’est pas pertinente pour juger l’allégation 1 établie, pas plus que la question de savoir si le membre a envoyé à Mme W une ou plusieurs photos au moyen de Snapchat étant donné que cette conduite n’est pas décrite dans l’allégation 1 comme étant une inconduite alléguée.

[126]  De même, la question de savoir si le membre visé a seulement serré la main de Mme W ou s’il a placé sa main sur son genou n’est pas pertinente en ce qui concerne l’allégation 1, car ces éléments ne font pas partie de l’inconduite alléguée du membre visé.

[127]  À la lumière de ce qui précède, le comité de déontologie a conclu que le témoignage de Mme W n’était pas requis étant donné qu’il n’y avait pas de conflits non résolus dans la preuve relative à l’essence de l’allégation 1 (tel que décrit dans l’énoncé détaillé), si l’on considère que son témoignage était pertinent ou nécessaire à la résolution de tout conflit.

[128]  En ce qui touche le deuxième aspect de l’allégation 1, selon le contenu de l’examen, de la matrice ou de la matrice de l’avis, il ne fait aucun doute que le membre visé a envoyé à Mme W des messages explicites contenant des remarques à caractère sexuel, notamment sur son pénis.

[129]  Toute personne raisonnable instruite des circonstances entourant les photographies et les messages textes estimerait qu’ils étaient totalement inappropriés et non professionnels et qu’ils ont jeté le discrédit non seulement sur le membre visé, mais également sur la GRC. En d’autres termes, une personne raisonnable considérerait la conduite du membre visé comme épouvantable ou carrément troublante vu le contexte entourant ses échanges avec Mme W.

[130]  Par conséquent, il a été établi selon la prépondérance des probabilités que la conduite du membre visé était scandaleuse pour les raisons citées.

Allégation 2

[131]  L’allégation 2 fait reproche au membre visé d’avoir créé des conflits d’intérêts réels, apparents ou potentiels entre ses responsabilités professionnelles et ses intérêts personnels en raison des échanges déplacés de nature sexuelle et personnelle qu’il a eus avec Mme W, contrevenant ainsi à l’article 6.1 du code de déontologie.

[132]  Le comité est d’avis que le membre visé avait raison d’affirmer dans la réponse que le fondement de l’allégation 2 est traité dans l’allégation 1 ou que les éléments 21 à 28 de l’énoncé détaillé constituent des facteurs aggravants qui permettent de déterminer si la conduite du membre visé était scandaleuse.

[133]  Certes, certains des éléments (21, 22, 25 et 28) de l’énoncé détaillé constituant l’allégation 2 sont explicitement ou implicitement les mêmes que ceux de l’allégation 1 (éléments 22 à 24).

[134]  Par conséquent, le comité conclut que l’allégation 2 n’est pas établie du fait que l’inconduite qui y est décrite est déjà traitée dans l’allégation 1, laquelle a déjà été établie, et que les éléments supplémentaires de l’énoncé détaillé (21 à 28) décrivent des facteurs qui contribuent à déterminer la mesure dans laquelle l’inconduite du membre visé était scandaleuse ainsi que les mesures à imposer au membre.

[135]  Cependant, si l’examen a permis de conclure que l’allégation 2 constituait une inconduite distincte, le comité aurait conclu qu’elle était établie selon la prépondérance des probabilités étant donné que les intérêts personnels du membre visé à l’égard de Mme W entraient en conflit direct avec son rôle de policier et d’enquêteur dans le dossier de violation.

[136]  Il va sans dire que le membre visé ne pouvait ni montrer des photographies inappropriées à une plaignante ou victime dans un dossier auquel il travaillait à titre d’enquêteur, ni échanger avec elle des messages textes déplacés et sexuellement explicites, ni suggérer la possibilité d’entretenir une relation ou d’avoir des rapports sexuels avec elle pendant la période où il était chargé de traiter le dossier de violation, qui comprenait l’inculpation de M. P, qui venait de sortir d’une relation avec Mme W.

[137]  Le fait que le procureur de la Couronne a été contraint de suspendre la poursuite pour violation de la condition de non-communication en raison des actes du membre visé n’est qu’un exemple des conséquences du conflit d’intérêts qu’il a créé, sans compter les répercussions que cette situation a eues sur l’intérêt du public du fait qu’il a totalement détruit sa crédibilité et son objectivité à titre d’enquêteur.

[138]  Selon l’article 4.2.3. de la Directive sur les conflits d’intérêts, le membre visé a l’obligation de signaler le conflit d’intérêts qui a découlé directement de ses échanges avec Mme W, mais il ne l’a pas fait, ce qui constitue une contravention à l’article 6.1 du code de déontologie.

[139]  Cependant, pour les raisons citées, l’allégation 2 n’est pas établie.

Allégation 3

[140]  Selon l’allégation 3, le membre visé a négligé d’exécuter ses tâches de manière diligente et de prendre les mesures appropriées pour aider Mme W, contrevenant ainsi à l’article 4.2 du code de déontologie.

[141]  Il ne fait aucun doute d’après les messages textes échangés que Mme W s’est dite à plusieurs reprises inquiète du fait que M. P puisse contrevenir aux conditions qui lui ont été imposées et que d’autres actes soient perpétrés par lui ou ses associés. De plus, Mme W soutient avoir fait ce qu’on lui a dit de faire, c’est-à-dire de communiquer avec le membre visé.

[142]  Afin de répondre à l’allégation 3 et à l’énoncé détaillé de celle-ci, le membre visé affirme essentiellement, entre autres, qu’il n’était pas de service et qu’il ne résidait pas à Surrey, que ces messages avaient été envoyés par Mme W dans le but de le faire venir à sa résidence pour des raisons personnelles, qu’il lui a dit à plusieurs reprises de signaler les violations des conditions à la police, qu’il n’avait pas de preuve des violations alléguées, qu’à ce moment-là, Mme W le menaçait et qu’il ne croyait pas qu’elle était en situation de danger imminent.

[143]  La dernière déclaration du membre visé pose particulièrement problème, car il a admis lors de l’entrevue que d’autres violations des conditions devaient être prises au sérieux et qu’il se souciait véritablement de la sécurité de Mme W (page 286), et le fait d’analyser les circonstances en affirmant qu’elle ne se trouvait pas dans une situation de danger imminent est non seulement peu convaincant, mais également fallacieux.

[144]  De plus, même s’il est possible que le membre visé n’était pas de service ou n’agissait pas à titre de policier lorsqu’il a reçu lesdits messages textes de Mme W, on ne sait pas clairement en quoi cela l’aurait libéré de son obligation générale comme policier de protéger un membre du public, mais surtout, il convient de souligner que la politique sur la violence dans les relations ne prévoit aucune exception à cet égard.

[145]  De toute évidence, en vertu de la politique sur la violence dans les relations, le membre visé avait la responsabilité de prendre des mesures préventives afin de s’assurer que les violations présumées formulées par Mme W sont signalées et font l’objet d’une enquête adéquate, sans égard au fait qu’il était de service ou non, fait qu’il a reconnu en toute franchise pendant l’entrevue lorsqu’il a dit [TRADUCTION] : « Je pense que j’aurais franchement dû intervenir après chaque message… c’est mon travail et… j’ai merdé sur ce coup, hein » (page 287). En disant à Mme W d’appeler la police, compte tenu des circonstances de cette affaire, le membre visé ne remplissait pas les obligations générales de son rôle de policier en vertu du code de déontologie ou plus précisément de la politique sur la violence dans les relations.

[146]  La politique sur la violence dans les relations est absolument claire en ce qui concerne l’exigence de signaler les actes de violence dans les relations et de faire enquête sur ces affaires, car elles présentent une dynamique unique comparativement à d’autres crimes violents du fait que dans les cas de violence dans les relations, il y a de fortes chances que la violence ou les mauvais traitements deviennent plus fréquents et plus graves au fil du temps (article 1.2.1. de la politique).

[147]  Au regard des faits, l’analyse la plus crédible de la situation permettrait de conclure que le membre visé s’est trouvé aux prises avec une série de difficultés de plus en plus grandes liées à Mme W et au dossier de violation, difficultés dont il est lui-même à l’origine, et qu’il n’était pas en position de signaler les violations présumées (étant donné qu’à ce moment, il aurait été clairement déplacé de sa part d’enquêter sur l’affaire) sans compromettre ou révéler la situation inappropriée dans laquelle il se trouvait en raison de ses échanges avec Mme W.

[148]  Il est établi selon la prépondérance des probabilités que le membre visé a échoué à exercer ses fonctions et ses responsabilités de manière diligente, ce qui comprend la prise de mesures pour apporter l’aide appropriée à Mme W relativement aux violations de conditions par M. P.

Conclusion

[149]  Pour les raisons citées, le comité conclut que les allégations 1 et 3 sont établies. Le comité conclut également que l’allégation 2 n’est pas établie.

5. Mesures

[150]  Le comité a rendu sa décision sur le fond de vive voix et en a fait parvenir la version écrite aux représentantes par courriel le 26 avril 2018.

[151]  La transcription d’une décision a pour but de fournir aux représentants un dossier écrit des conclusions du comité de déontologie et ainsi de mieux les éclairer en vue de la préparation de leur argumentation concernant les mesures disciplinaires, ce qui n’est pas toujours le cas lorsqu’une décision sur le fond est rendue de vive voix et que les représentants sont contraints de présenter une argumentation sur les mesures disciplinaires sans disposer d’un dossier écrit ou très rapidement, parfois le jour même ou le lendemain de la décision.

[152]  Sous réserve des commentaires des représentantes, le comité a soulevé plusieurs questions d’ordre procédural et a proposé que la RAD présente une argumentation concernant les mesures disciplinaires, suivies d’une réponse de la RM, et s’il y a lieu, la réfutation de la RAD, et le comité a formulé un avis préliminaire selon lequel il ne semblait pas nécessaire de faire appel à des témoins à l’étape des mesures.

Contexte

[153]  À la suite de la diffusion de la décision sur le fond rendue par le comité par écrit et de vive voix le 1er mai 2018, la RAD a envoyé le courriel suivant [TRADUCTION] :

À : Comité de déontologie

Dossier :

Monsieur,

La RAD s’attendait à une décision concernant les témoins plutôt qu’à une décision sur le fond relativement aux allégations.

Le dossier montre qu’à la suite de la réponse du membre aux allégations, le comité a demandé que la RAD présente une argumentation écrite sur les éléments précis suivants :

- la question de savoir si Mme W était une « personne vulnérable » au sens de la loi;

- à qui et de quelles façons le membre visé a caché ses communications, dans le contexte de la demande du membre relativement au paragraphe 24 de l’avis d’audience disciplinaire;

- la question de savoir s’il est nécessaire de contraindre Mme W de témoigner.

Le comité n’a pas informé la RAD que l’argumentation sur les points ci-dessus serait suivie d’une décision sur le fond relativement aux allégations. D’après les communications envoyées par le comité, la RAD a cru que le comité allait prendre une décision concernant les témoins, et non sur le fond des allégations. La RAD pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’on lui donne l’occasion de formuler une argumentation exhaustive concernant chacune des allégations avant que le comité ne prenne une décision. Le dossier montre que le comité ne se penchait pas sur le fond des allégations, mais plutôt sur [TRADUCTION] « les témoins dont le comité pourrait avoir besoin ou la mesure dans laquelle des témoignages seront nécessaires pour trancher des questions relativement aux allégations » (courriel du comité envoyé le 29 mars 2018, à 12 h 27). Le comité n’a pas donné à la RAD l’occasion de présenter une argumentation exhaustive sur le fond des allégations.

En conséquence de la décision du comité de déontologie, la RAD procédera à la partie de l’audience qui porte sur les mesures à imposer. Mais ce faisant, la RAD réserve à son client le droit d’en appeler de la décision définitive du comité de déontologie pour les motifs d’équité procédurale, d’erreur de droit ou de décision manifestement déraisonnable.

La RAD rappelle que le comité devrait appeler Mme W à témoigner à l’étape de l’audience qui concerne les mesures disciplinaires. La RAD invoque l’argumentation soumise précédemment au comité à cet égard.

Une fois que le comité aura pris une décision en ce qui concerne les témoins pour l’étape de l’audience qui porte sur les mesures disciplinaires, la RAD aimerait qu’on lui donne l’occasion de formuler une argumentation exhaustive concernant lesdites mesures. [Caractères gras ajoutés dans l’original] [« courriel de la RAD »]

[154]  Le comité de déontologie se prononcera sur le contenu du courriel de la RAD ci-dessous, mais en ce qui concerne la demande visant à faire témoigner Mme W à l’étape des mesures disciplinaires, selon les facteurs et les arguments formulés dans le courriel de la RAD daté du 19 mars 2018 (qui portait sur l’étape de l’examen sur le fond), le comité a répondu le 2 mai 2018 qu’il n’était pas convaincu que Mme W puisse fournir de l’information pertinente nécessaire à la résolution d’un conflit ou d’une question en litige au moment de présenter la preuve ou à l’étape de détermination des mesures disciplinaires.

[155]  Cependant, le comité a fait remarquer que si la RM demandait que le membre visé témoigne de vive voix, selon la forme et la nature du témoignage, le comité pourrait réexaminer la question. Le comité a conclu en affirmant qu’une fois que la RM aura clarifié la question de savoir si le membre visé demande de témoigner, et que le comité aura rendu une décision à cet égard, il prévoit accorder un délai de sept jours à la RAD pour lui permettre de présenter une argumentation concernant les mesures disciplinaires.

[156]  En ce qui concerne les affirmations que la RAD a faites dans son courriel et selon lesquelles le comité n’a pas respecté l’équité procédurale, a commis une erreur de droit ou a pris une décision manifestement déraisonnable du fait qu’il n’a pas avisé la RAD qu’une décision allait être prise sur le fond ou qu’il n’a pas donné à la RAD l’occasion de formuler une « argumentation exhaustive » concernant les allégations, les paragraphes suivants peuvent fournir un peu de contexte.

[157]  Premièrement, comme les allégations 1 et 3 ont été établies, les affirmations formulées dans le courriel de la RAD sont principalement liées à l’absence de fondement de l’allégation 2.

[158]  Deuxièmement, si le comité a demandé une argumentation par écrit relativement aux trois éléments précisés dans le courriel de la RAD, il l’a fait dans le contexte où il a précisé à l’intention des représentantes, plus particulièrement de la RAD, à la première ou à la deuxième réunion, que les représentantes pouvaient présenter au comité des argumentations concernant toutes les questions ayant fait l’objet de discussions.

[159]  Troisièmement, la RAD était au courant que depuis la première réunion, comme elle l’a écrit dans un courriel adressé au comité le 29 janvier 2018, le comité avait des réserves sur la question de savoir si les allégations 1 et 2 posaient problème compte tenu de la demande explicite visant à inclure la « position » du comité dans le résumé de la première réunion (ce qui est décrit dans le courriel du comité daté du 29 janvier 2018), ce à quoi le comité a fourni la réponse suivante le 8 février 2018 [TRADUCTION] :

Je ne me souviens pas d’avoir énoncé une position sur les allégations 1 et 2, ce qui supposerait que j’ai formulé officiellement un point de vue final et ferme. J’ai plutôt formulé des commentaires et posé des questions que les représentantes pourraient vouloir examiner en ce qui concerne les allégations, notamment s’il était possible de subsumer des éléments de certains détails entre les allégations, qui étaient tous, bien entendu, assujettis à la réception de la réponse du membre visé.

Comme il a été mentionné au début de la réunion, il n’y aura pas de consignation officielle par écrit des discussions, d’une part pour favoriser des discussions franches, mais surtout, pour assurer un aperçu des éléments de la nature de ceux présentés. Adopter l’option que vous suggérez dans votre courriel signifierait bien sûr que les commentaires tant de la RAD que de la RM doivent eux aussi être exhaustifs, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de la réunion.

[160]  Quatrièmement, à la suite de la première réunion, le comité a reçu la réponse du membre visé, qui a explicitement affirmé entre autres que les allégations 1 et 2 étaient redondantes et a expressément contesté la validité de l’allégation 2, ce dont la RAD était au courant.

[161]  Cinquièmement, pendant la deuxième réunion (qui a eu lieu après la réception de la réponse et à laquelle a assisté un gestionnaire de la Direction des représentants des autorités disciplinaires), dans le contexte de l’obtention auprès des représentantes de la confirmation qu’une déclaration faite par un décideur selon laquelle aucune autre observation n’est requise sur une question de la part d’une partie a du sens, le comité a signalé à la RM, relativement à la demande faite dans la réponse visant à formuler d’autres observations sur la validité de l’allégation 2, qu’il n’avait pas besoin d’autre information de la part de la RM sur cette question.

[162]  En d’autres mots, en présence de la RAD, le comité a déclaré qu’après avoir lu la réponse, il a conclu qu’il n’avait pas besoin de plus d’information de la part de la RM en ce qui concerne la validité de l’allégation 2.

[163]  Sixièmement, et dans un même ordre d’idées, en aucun temps après la réception de la réponse, plus particulièrement au cours de la deuxième réunion, la RAD n’a demandé officiellement à présenter une argumentation relativement à la validité de l’allégation 2 compte tenu des commentaires que le comité a faits à la RM, ou de façon plus générale, malgré le fait que le comité a formulé, pendant la deuxième réunion, l’avis selon lequel les discussions étaient assujetties à toute autre observation que les représentantes pourraient vouloir présenter.

[164]  Septièmement, au moment de la réception des argumentations des représentantes en ce qui concerne la nécessité d’un témoignage oral, la façon dont le membre visé a dissimulé ses communications ou la signification du terme « personne vulnérable », comme il est mentionné dans le courriel de la RAD, le comité a écrit ce qui suit aux représentantes [TRADUCTION] : « s’il n’y a pas d’autres observations, j’examinerai les argumentations qui ont été présentées et prendrai les mesures qui conviennent afin de déterminer quels témoins devraient comparaître ou si un témoignage sera nécessaire en vue de la prise de décisions à l’égard des allégations » (soulignement ajouté), ce qui confirme le fait que les représentantes ont eu l’occasion de faire des commentaires, y compris sur l’allégation 2, mais qu’elles ne l’ont pas fait.

[165]  Bien que les propos du comité dans son courriel, pris indépendamment du reste, puissent être interprétés comme indiquant que le comité prendrait seulement une décision concernant les témoins avant de procéder à l’examen sur le fond, ils doivent être isolés du contexte dans lequel le comité a répété à l’oral (aux réunions 1 et 2) et par écrit que les représentantes pouvaient faire d’autres observations au besoin, y compris sur la validité de l’allégation 2 étant donné que cette question avait été soulevée à la réunion 1 et dans la réponse.

[166]  De plus, comme la question de la validité de l’allégation 2 avait été soulevée à la première réunion et dans la réponse, et comme la RAD n’a pas demandé l’autorisation de présenter une argumentation concernant cette question, le comité n’a pas considéré celle-ci comme un sujet de litige.

[167]  De façon plus générale toutefois, le comité a signalé pendant la réunion 2 que si Mme W n’avait pas besoin de témoigner, il passerait à l’étape de l’examen sur le fond, bien qu’on reconnaisse que le courriel du comité daté du 27 mars 2018 n’est pas aussi clair qu’il aurait pu l’être à cet égard.

[168]  C’est dans ce contexte que le comité n’a pas su que la RAD souhaitait formuler une autre argumentation sur le fond, et le comité est d’avis qu’il était raisonnablement admis que si le recours à des témoins n’était pas nécessaire, il passerait directement à l’étape de la prise d’une décision sur le fond; cela dit, il ne semble pas que la RAD ait eu la même compréhension ou interprétation des faits d’après son courriel.

[169]  De plus, il est difficile de déterminer précisément quelle « argumentation exhaustive » serait requise de la part de la RAD relativement aux allégations étant donné que l’avis (et l’énoncé détaillé) ainsi que le rapport de déontologie devraient contenir les renseignements nécessaires en première instance pour donner suite aux allégations, dans la mesure où aucun problème n’est signalé, ce dont les parties étaient au courant comme il est décrit ci-dessus.

[170]  Le comité ne formulera pour le moment aucun commentaire sur la question de l’iniquité procédurale possible soulevée dans le courriel de la RAD vu l’issue de l’examen sur le fond, et il ne semble pas que cette question soit assujettie à un abandon de recours si elle n’est pas soulevée pendant le déroulement de l’instance.

[171]  Si l’on revient à la chronologie des procédures, le 3 mai 2015, la RM a confirmé que le membre visé ne ferait pas de demande visant à témoigner de vive voix à l’étape des mesures disciplinaires, mais qu’il avait l’intention de présenter une lettre ainsi que d’autres documents au comité.

[172]  Comme la RM ne demandait aucun témoignage, et compte tenu de la décision du comité de ne pas entendre le témoignage de Mme W, le comité a proposé le 4 mai 2018 que la RAD présente son argumentation concernant les mesures disciplinaires au plus tard le 14 mai 2018.

[173]  En guise de réponse, la RAD a affirmé : 1) que comme la RM a signalé qu’elle fournirait de la documentation en vue de l’étape des mesures disciplinaires, la RAD doit obtenir cette information avant que le comité ne fixe une date limite pour la présentation de son argumentation; 2) que le comité pourrait souhaiter que la RM présente son argumentation d’abord; 3) qu’en raison d’un congé, d’une formation ou d’autres engagements professionnels, la RAD ne pourrait pas avoir terminé la formulation de son argumentation avant le 26 juin 2018.

[174]  Le comité a répondu à la RAD le 5 mai 2018, faisant remarquer que même si la RM a signalé qu’elle allait fournir des documents en vue de l’étape des mesures disciplinaires, cela n’aurait pas d’incidence sur le déroulement habituel des procédures, c’est-à-dire que la RAD présente son argumentation concernant les mesures disciplinaires d’abord, puis la RM soumet son argumentation, à laquelle la RAD répond, au besoin.

[175]  Le comité a également fait remarquer que la RM n’est pas obligée de fournir de la documentation ou de l’information avant d’avoir reçu l’argumentation de la RAD et d’en avoir pris connaissance. Par conséquent, le comité a signalé qu’il n’exigerait pas que la RM fournisse ses documents d’abord ni qu’une date soit fixée à cet égard. Le comité a confirmé que si une question litigieuse était soulevée ou si une telle exigence découlait de l’argumentation de la RM concernant les mesures disciplinaires, cette possibilité pourrait être offerte à la RAD.

[176]  En ce qui concerne la demande de la RAD visant à prolonger le délai de présentation de l’argumentation concernant les mesures disciplinaires, le comité a signalé que la prolongation demandée était d’environ huit (date de la demande) à neuf semaines (date de la décision rendue par écrit et de vive voix fournie). Même s’il reconnaît les exigences concurrentes en matière de temps, le comité a fait remarquer que le dossier n’est pas très complexe, que les conclusions de fait du comité ont été présentées par écrit et qu’il ne semblait pas, du moins à ce stade, que des témoignages oraux soient nécessaires. De ce fait, le comité a signalé qu’il n’était pas enclin à accorder le délai de huit semaines demandé pour la présentation de l’argumentation concernant les mesures disciplinaires et il a demandé à la RAD de discuter avec le directeur de la Direction des représentants des autorités disciplinaires de la possibilité qu’une personne aide la RAD à rédiger l’argumentation concernant les mesures disciplinaires afin qu’elles puissent être soumises plus tôt.

[177]  Le 9 mai 2018, la RAD a répondu qu’elle craignait grandement de ne pas être en mesure de présenter son argumentation avant le 22 juin 2018, mais que compte tenu des commentaires du comité, elle tenterait de les soumettre d’ici le 30 mai 2018, date que le comité a approuvée le lendemain.

Argumentation de la RAD

[178]  Le 29 mai 2018, la RAD a présenté une argumentation écrite concernant les mesures disciplinaires accompagnées de la jurisprudence pertinente (« argumentation de la RAD »).

[179]  Dans sa déclaration d’introduction, la RAD affirme que [TRADUCTION] « la mesure globale appropriée à imposer en l’espèce est le congédiement du membre visé » (faisant implicitement référence à la conduite reprochée aux allégations 1 et 3); toutefois, dans le cadre des analyses respectives, la RAD demande ensuite le congédiement relativement à l’allégation 1 et une confiscation de la solde correspondant à entre 25 et 30 jours de travail pour l’allégation 3.

[180]  En ce qui concerne l’allégation 1, la RAD invoque l’article 30 du Guide des mesures disciplinaires (page 69), intitulé « Activités sexuelles pendant les heures de service – membre du public » et qui stipule qu’« [o]n s’attend à ce que les membres de la GRC en service fassent preuve de professionnalisme en tout temps et qu’ils n’abusent pas de leur position pour obtenir un gain personnel. Cela comprend les relations intimes découlant de l’inégalité de pouvoir ou la poursuite de relations avec des membres du public dont le membre connaît la vulnérabilité. »

[181]  La RAD souligne également que les activités sexuelles qui ont lieu entre un membre de la GRC en service et un membre du public, qu’il s’agisse d’un cas mineur, ordinaire ou grave (voir la page 70 du Guide des mesures disciplinaires), entraînent le congédiement lorsqu’il existe un déséquilibre des pouvoirs.

[182]  Comme l’a fait remarquer la RAD dans son argumentation, on fait référence aux « activités sexuelles, intimes ou romantiques » pour définir les « activités sexuelles pendant les heures de service – membre du public » dans le Guide des mesures disciplinaires, et ces activités ne se limitent pas aux relations sexuelles ou aux contacts sexuels.

[183]  Dans son argumentation, la RAD fait remarquer que Mme W est un membre du public et qu’il y avait un déséquilibre des pouvoirs entre elle et le membre visé pour les raisons suivantes : 1) le membre était un policier et un enquêteur chargé du dossier de violation; 2) Mme W était victime de violence (agression); 3) Mme W était une personne vulnérable.

[184]  En ce qui concerne les activités sexuelles, intimes ou romantiques inappropriées, la RAD signale que le membre visé a reconnu avoir flirté avec Mme W, lui avoir montré une photographie révélatrice de lui-même et de ses parties génitales, avoir pris l’initiative d’échanger avec Mme W des messages textes de nature sexuelle et personnelle contenant des commentaires à propos de la taille de son pénis et du fait d’avoir une érection, lui avoir écrit que si elle s’était changée devant lui, elle aurait probablement pu voir son pénis (suggérant ainsi la possibilité d’avoir une relation sexuelle) et qu’il examinerait Mme W de façon très approfondie (suggérant la possibilité d’avoir une relation sexuelle), et avoir écrit dans un message texte qu’il souhaitait entretenir une relation avec Mme W une fois que le dossier de violation serait clos.

[185]  La RAD cite la décision Le commandant de la Division E et le gendarme Brian Eden, 2017 DARD 7 (« décision Eden ») à l’appui de la proposition selon laquelle il est raisonnable de s’attendre à ce que les membres de la GRC respectent les normes d’éthique et professionnelles les plus rigoureuses et qu’ils n’exploitent pas délibérément des personnes vulnérables (paragr. 92), qui n’englobent pas seulement les jeunes personnes, mais également Mme W, qui était victime de violence conjugale et tentait de se sortir d’une dépendance à la drogue.

[186]  De plus, la RAD prétend que le membre visé était au courant de la situation de Mme W et qu’il a exercé de la pression sur elle afin qu’elle amène son partenaire à enfreindre les conditions qui lui étaient imposées afin qu’il puisse s’engager dans une relation avec elle, probablement une relation de nature sexuelle.

[187]  S’appuyant sur la décision Le commandant de la Division H et le gendarme Shawn Greene, 2017, DARD 5 (« décision Greene »), dans laquelle sont définis des facteurs aggravants, notamment des facteurs externes aux éléments constitutifs de l’inconduite qui mènent à l’imposition d’une peine plus sévère, la RAD a dressé la liste des facteurs aggravants suivants dans son argumentation :

  • Le membre visé comptait deux années de service à la GRC.
  • Mme W est un membre du public et une personne vulnérable, et il existait un déséquilibre des pouvoirs entre elle et le membre visé.
  • Mme W craignait pour sa sécurité et hésitait à faire confiance à la police.
  • Le membre visé était l’enquêteur principal dans le dossier de violation.
  • Le membre visé était au courant des conditions imposées à M. P.
  • Mme W a été choquée par la photographie que lui a montrée le membre visé.
  • Mme W s’est sentie obligée de dénoncer M. P et a senti de la pression à cet égard de la part du membre visé afin que ce dernier puisse avoir des relations sexuelles avec elle.
  • Le membre visé a répété l’inconduite pendant trois jours, et il ne s’agit donc pas d’un incident isolé.
  • D’autres entités (p. ex. l’avocat de la Couronne) ont été mises au fait de la conduite du membre visé, laquelle pourrait nuire à l’image de l’organisation et aux relations professionnelles avec elle.

[188]  Même si l’allégation 2 n’a pas été établie, la RAD fait remarquer dans son argumentation que le comité de déontologie a reconnu le conflit d’intérêts réel entraîné par les activités du membre visé et que ce conflit devrait être considéré comme un important facteur aggravant relativement à l’allégation 1.

[189]  Selon l’argumentation de la RAD, si l’allégation 2 avait été établie, elle aurait été considérée comme un cas grave menant au congédiement, comme il est décrit dans le Guide des mesures disciplinaires (page 49) étant donné que la situation à l’origine du conflit a été sollicitée par le membre visé et que le conflit a entraîné l’arrêt des procédures relatives au dossier de violation.

[190]  En ce qui concerne les facteurs aggravants, qu’ils soient liés à l’allégation 2 si elle avait été établie ou encore à l’allégation 1, la RAD résume, dans son argumentation, que le membre visé :

  • comptait deux années de service;
  • était l’enquêteur chargé du dossier de violation;
  • savait que sa conduite compromettrait le dossier de violation;
  • ne s’est pas retiré du dossier de violation;
  • a entraîné la suspension de l’instance relative au dossier de violation en raison de son inconduite;
  • a eu des échanges inappropriés de nature sexuelle et personnelle avec Mme W;
  • a reconnu l’existence d’un déséquilibre des pouvoirs et a admis qu’il était au courant de la situation de Mme W;
  • a aimé flirter avec Mme W et n’a rien fait pour mettre fin au flirt;
  • voulait entretenir une relation avec Mme W une fois le dossier de violation clos;
  • a tenté d’atténuer la situation pour éviter de révéler son inconduite plutôt que de faire preuve de franchise;
  • n’a jamais signalé ou dévoilé le conflit d’intérêts à un superviseur, contrevenant ainsi à la Directive sur les conflits d’intérêts;
  • a formulé des critiques et des commentaires désobligeants sur le processus judiciaire dans des messages textes envoyés à Mme W;
  • a fait une remarque offensante au sujet de M. P dans les messages textes;
  • a créé un conflit d’intérêts qui s’est répercuté sur l’image de l’indépendance de la police et sur la perception du public (qui désigne l’impartialité de la police, car l’indépendance a généralement trait à la gouvernance dans ce contexte).

[191]  Pour conclure ce qui touche l’allégation 2, la RAD affirme qu’outre le conflit d’intérêts créé par le membre visé, les facteurs susmentionnés, en ce qui concerne l’allégation 2, devraient également s’appliquer à l’allégation 1.

[192]  Pour ce qui est de l’allégation 3, la RAD propose dans son argumentation concernant les mesures disciplinaires faisant partie de l’éventail de peines s’appliquant aux cas graves une confiscation de la solde correspondant à entre 25 et 30 jours de travail.

[193]  S’appuyant sur le Guide des mesures disciplinaires (pages 24 et 25) et invoquant la négligence professionnelle, la RAD postule que la gravité de l’inconduite dépend du risque pour la GRC ou la sécurité du public ou de personnes, et que dans le cas où un dossier criminel est compromis, comme celui en l’espèce, où une accusation déposée dans le dossier de violation a été suspendue, l’éventail normal de peines ne peut être pris en considération, c’est plutôt celui pour les cas graves qui s’applique.

[194]  La RAD fait aussi référence une fois de plus aux effets négatifs sur l’« indépendance » de la police (interprétée, encore une fois, comme l’impartialité) ainsi que sur l’image de la GRC et la perception du public à l’égard de cette dernière.

[195]  En ce qui concerne les facteurs aggravants à l’appui d’une importante confiscation de solde pour l’allégation 3, la RAD fait remarquer, en résumé, que le membre visé :

  • comptait deux années de service à la GRC;
  • savait que Mme W était un membre du public, une personne vulnérable et une victime de violence conjugale, et qu’elle tentait de se sortir d’une dépendance à la drogue;
  • était au courant des conditions, plus particulièrement de la condition de non- communication;
  • savait que Mme W avait peur de M. P et que celui-ci avait fait des menaces à Mme W;
  • a déclaré qu’il se préoccupait sincèrement de la sécurité de Mme W, mais il a également dit ne pas vraiment croire qu’elle se trouvait en situation de danger imminent;
  • a donné à Mme W son numéro de téléphone cellulaire personnel;
  • a dit à Mme W de l’appeler si elle avait besoin d’aide, mais plus tard, il a bloqué ses messages sans l’avertir;
  • a reçu de multiples messages textes de Mme W dans lesquels elle lui demandait de l’aide et lui signalait des violations de la condition de non-communication, mais il ne s’est pas acquitté de ses obligations en ne lui offrant pas de protection ou d’aide;
  • n’a pas respecté les obligations énoncées dans la politique sur la violence dans les relations;
  • a reconnu ne pas avoir fait enquête ni produit de rapport sur les nouvelles violations présumées de la condition de non-communication qui avaient été signalées par Mme W;
  • a critiqué le système juridique;
  • avait la responsabilité du dossier de violation, dont il a causé la compromission, ce qui a entraîné la suspension des accusations qui pesaient contre M. P;
  • a amené Mme W à avoir peur de lui et de la police en général.

[196]  Dans son argumentation, la RAD réclame au départ le congédiement comme mesure globale, mais dans le corps du texte, elle demande le congédiement relativement à l’allégation 1 et une confiscation de la solde relativement à l’allégation 3. Puis à la fin de son argumentation, elle réclame comme mesure globale, pour les allégations 1 et 3, un ordre de démissionner dans les quatorze jours, à défaut de quoi le membre visé serait congédié (soulignement ajouté), ce qui est différent.

[197]  Après avoir reçu l’argumentation de la RAD, le 30 mai 2018, le comité a demandé à quelle date la RM lui présenterait son argumentation concernant les mesures disciplinaires, et le 31 mai 2018, la RM a demandé le report de la date limite de soumission de l’argumentation au 18 juin 2018, ce qui a été approuvé par le comité le 1er juin 2018.

Argumentation de la RM

[198]  Au moyen de deux courriels le 18 juin 2018, la RM a présenté son argumentation concernant les mesures disciplinaires, accompagnée de documents d’appui et de jurisprudence (« argumentation de la RM »).

[199]  En ce qui concerne les mesures relatives à l’allégation 1, la RM affirme qu’on avait reconnu et conclu que le membre visé avait montré à Mme W au moins une photographie déplacée et qu’il était reconnu et qu’il avait pris part à des échanges inappropriés et de nature sexuelle et personnelle par messagerie texte avec Mme W.

[200]  En ce qui a trait à la conduite déshonorante, la RM fait remarquer que dans le Guide des mesures disciplinaires (page 49), on classe ce type d’inconduite en trois catégories distinctes : conduite criminelle en dehors des heures de service, conduite en dehors des heures de service (non criminelle) et inconduite sexuelle.

[201]  En l’espèce, la RM affirme que l’inconduite du membre visé ne comprenait pas d’infractions criminelles ou provinciales alors qu’il n’était pas de service, qu’elle était plutôt unique en ce sens qu’aucun élément ne permettait de supposer, de prouver ou de conclure que des activités ou des comportements sexuels (physiques) ont eu lieu, bien que les deux parties aient échangé des messages textes de nature sexuelle.

[202]  De plus, la RM prétend qu’aucune des catégories d’inconduite sexuelle considérées comme une conduite déshonorante (abus de pouvoir [relation intime], activités sexuelles pendant les heures de service – relation préexistante, activités sexuelles pendant les heures de service – membre du public et activités sexuelles avec une personne détenue) ne correspond à la description de l’inconduite du membre visé; cela dit, certains des principes ayant trait à ces activités s’appliquent en l’espèce.

[203]  À cet égard, la RM s’appuie sur le Guide des mesures disciplinaires (page 67), où il est stipulé que dans les situations où les relations sexuelles – bien qu’inappropriées – sont manifestement consensuelles, qu’elles ont peu d’incidence – voire aucune incidence – sur le moral ou les activités de la GRC et qu’elles ne posent qu’un risque « faible » pour la GRC, la mesure disciplinaire proposée est la confiscation de la solde pour une période de 20 à 30 jours.

[204]  Bien qu’elle soutienne que les circonstances de l’inconduite du membre visé présentent des similitudes avec celles décrites ci-dessus, la RM affirme que les messages textes ne contiennent pas d’indices manifestes que le membre exerçait de la pression sur Mme W (comme il était suggéré dans l’examen ou la matrice), mais qu’ils témoignaient plutôt d’une attirance mutuelle et d’une complicité, ce qui, si l’on tient compte des facteurs atténuants, tend à confirmer la mesure de confiscation de la solde correspondant à entre 20 et 30 jours de travail relativement à l’allégation 1.

[205]  À l’appui des mesures suggérées, la RM cite les décisions L’officier compétent de la Division E et le gendarme J. Hamlyn, 11 DA (4e) 407 (« décision Hamlyn ») et L’officier compétent de la Division K et le sergent Brent Sawatzky 11 DA (4e) 392 (« décision Sawatzky »), deux dossiers relevant de l’ancien régime pour lesquels des décisions ont été rendues en 2012.

[206]  Dans l’affaire Hamlyn, dans l’une des allégations fondées, le membre s’était servi de son statut de policier pour obtenir le numéro de téléphone personnel d’une jeune femme à qui il a par la suite envoyé des messages textes importuns à caractère sexuel. Au cours d’une audience accélérée, le comité d’arbitrage a accepté et imposé une proposition conjointe de peine consistant en une réprimande et une confiscation de la solde équivalant à cinq jours de travail, compte tenu du jeune âge et du manque de maturité du membre visé.

[207]  Dans l’affaire Sawatzky, le membre a reconnu s’être comporté de manière déshonorante, notamment avoir fait des attouchements sexuels à une femme dans un véhicule de police, avoir envoyé à la femme des messages textes déplacés (dont l’un contenait une photo de son pénis en érection) et avoir fait des avances à la femme dans le détachement (à l’époque des faits, la femme en question semblait être toxicomane, mais elle était réhabilitée au moment de l’enquête, l’exposé conjoint des faits n’étant pas clair à ce sujet). Pendant une audience accélérée, le comité d’arbitrage a accepté la proposition conjointe des parties et a imposé au membre une réprimande et une confiscation de la solde correspondant à dix jours de travail.

[208]  La RM conteste l’hypothèse soumise par la RAD selon laquelle les actes reprochés au membre visé comprennent des activités sexuelles pendant les heures de service avec un membre du public, faisant remarquer que dans le Guide des mesures disciplinaires (page 69), on fait référence aux activités sexuelles, aux rapports sexuels consensuels et aux contacts sexuels, et qu’on invoque plus particulièrement les décisions L’officier compétent de la Division K et le gend. X, 6 DA (4e) 271 et L’officier compétent de la Division K et le gend. X, 5 DA (4e) 136, dans le cadre desquelles les RM font état d’activités sexuelles pendant les heures de service avec un civil intoxiqué (« les cas d’ébriété »).

[209]  Rappelant que les comportements reprochés au membre visé ne comprenaient pas des activités sexuelles, des rapports sexuels ou des contacts sexuels (sur le plan physique) comme il est décrit dans le Guide des mesures disciplinaires et les décisions d’arbitrage susmentionnées, la RM soutient que l’interprétation du terme « activités sexuelles » dans l’argumentation de la RAD et son application au membre visé en l’espèce ne sont pas fondées.

[210]  Dans son argumentation, la RM affirme que l’affaire Eden portait sur un plus grand nombre d’allégations et de facteurs aggravants (deux allégations de conduite déshonorante et deux allégations d’utilisation de matériel de l’État à des fins non autorisées). Dans cette affaire, le membre visé avait communiqué avec deux citoyennes distinctes en se servant de renseignements qu’il n’était pas autorisé à obtenir. L’une des citoyennes était mineure et était une plaignante dans un dossier d’agression sexuelle. Le membre lui a fait des demandes répétées pour qu’elle lui envoie des photos d’elle alors qu’il avait déjà fait l’objet de mesures disciplinaires (paragr. 86).

[211]  De plus, la RM affirme que dans l’affaire Eden, le comité de déontologie a déterminé que deux échelles de peines s’appliquaient au moment de déterminer les mesures disciplinaires dans les affaires concernant l’envoi de messages textes déplacés : d’abord, l’envoi de messages textes inappropriés et de nature personnelle par un membre à un automobiliste ayant commis une infraction au code de la route donne généralement lieu à des mesures disciplinaires moins graves que le congédiement; et ensuite, des échanges « extrêmement déplacés » avec une plaignante, sous réserve de facteurs aggravants et atténuants, exigent la prise de mesures qui vont d’une importante confiscation de la solde assortie d’autres mesures qui tiennent compte de l’importance de préserver la confiance du public, jusqu’au congédiement (paragr. 89).

[212]  Selon les arguments de la RM, l’inconduite du membre visé nécessite la prise de mesures se situant dans le bas de la deuxième échelle de peines, et de ce fait, elle devrait donner lieu à une importante confiscation de la solde assortie d’autres mesures comme le counselling, la formation et une mutation, mais pas le congédiement.

[213]  En ce qui concerne les facteurs aggravants énumérés dans l’argumentation de la RAD, la RM qualifie de spéculative et conteste donc l’hypothèse selon laquelle le membre visé a exercé de la pression sur Mme W afin qu’elle amène M. P à violer la condition de non-communication dont il faisait l’objet afin qu’il puisse s’engager dans une relation (de nature sexuelle) avec Mme W, la RAD s’étant fondée sur la référence au fait que le membre lui avait écrit qu’il voulait « l’examiner de façon très approfondie ». Premièrement, il n’y a aucune mention d’un bris de condition de la part de M. P dans les messages textes précédant cette remarque; deuxièmement, Mme W a été la première personne à employer ces mots; troisièmement, le comité n’a pas conclu que Mme W avait fait l’objet de pressions comme il a été allégué.

[214]  Dans son argumentation, la RM conteste un certain nombre de facteurs aggravants soulevés dans l’argumentation de la RAD, faisant remarquer que les circonstances aggravantes sont définies dans le Guide des mesures disciplinaires (page 11) (définition que le comité a reformulée en se fondant sur la terminologie propre à la déontologie) comme des circonstances de la contravention qui en accroissent la gravité ou les conséquences néfastes, qui ne touchent pas directement les éléments constitutifs de la contravention.

[215]  Plus particulièrement, la RM souligne que dans l’énoncé détaillé figurant dans l’avis, on précise que Mme W craignait pour sa sécurité et que le membre visé était l’enquêteur chargé du dossier de violation, ce qui signifie que ces éléments ne peuvent être considérés comme des facteurs aggravants comme le soutient la RAD dans son argumentation.

[216]  Par ailleurs, et sans doute à titre subsidiaire, la RM affirme qu’on ne sait pas si Mme W a fait preuve d’honnêteté lorsqu’elle a déclaré s’être sentie choquée et mise sous pression, et qu’il ne peut donc pas s’agir de facteurs aggravants pertinents.

[217]  Les hypothèses de la RAD selon lesquelles le membre avait récidivé (sur une période de trois jours) et l’inconduite ne peut être considérée comme un incident isolé sont également contestées dans l’argumentation de la RM, qui fait remarquer que l’examen des messages textes révèle que l’inconduite avait eu lieu sur une période de deux jours (soit les 29 et 30 mars) lorsque le membre visé a tenté de mettre un terme aux échanges, ce qui représente une courte période et constituerait un incident isolé vu l’absence d’autres plaignants et incidents semblables.

[218]  La RM affirme également que la RAD cite indûment comme facteurs aggravants des éléments constitutifs de l’allégation 2, qui n’a pas été établie, même si le comité a concédé que le fait que le membre visé était en conflit d’intérêts constituait un facteur aggravant relativement à l’allégation 1.

[219]  En ce qui concerne l’allégation 3, la RM se reporte au Guide des mesures disciplinaires et fait remarquer que le défaut de faire preuve de diligence dans l’exercice des fonctions se divise en deux catégories (pages 22 à 25), et que seule la deuxième catégorie, soit le défaut d’enquêter correctement sur une plainte, s’applique en l’espèce, bien que le membre visé n’était pas de service à l’époque des faits, ce qui singularise cette affaire.

[220]  Citant le Guide des mesures disciplinaires, la RM rejette la déclaration de la RAD selon laquelle l’éventail normal de peines ne peut être pris en considération si l’inconduite a compromis une enquête criminelle, et elle soutient qu’un comité de déontologie n’est pas tenu d’imposer les mesures recommandées dans le Guide des mesures disciplinaires, car il n’a pas force exécutoire (se reporter aux paragr. 116 à 118 de la décision d’appel Cormier).

[221]  La RM prétend également que les faits reprochés dans l’allégation 3 n’ont pas compromis d’enquête criminelle, faisant remarquer que ce sont les faits reprochés dans l’allégation 1 qui ont mené à l’abandon des accusations dans le dossier de violation et que ces faits sont distincts de ceux de l’allégation 3.

[222]  On laisse également entendre que la RAD ne dispose d’aucun élément prouvant qu’il y a eu des conséquences négatives sur l’indépendance ou l’impartialité de la police, l’image de la GRC ou la perception du public à l’égard de l’organisation.

[223]  S’appuyant sur le Guide des mesures disciplinaires (page 11) et sur l’arrêt Cormier (paragr. 56), la RM rappelle qu’il existe une distinction entre des « faits établis » et des « facteurs aggravants », et que ceux-ci ne peuvent inclure les éléments constitutifs de l’allégation ou l’énoncé détaillé de celle-ci.

[224]  Par conséquent, la RM affirme qu’un certain nombre de facteurs aggravants énumérés dans l’argumentation de la RAD sont liés au fond de l’allégation 3 ou faisaient partie de l’énoncé détaillé dans l’avis d’audience disciplinaire, y compris, en résumé, le fait que le membre visé : était au courant des conditions (plus particulièrement la condition de non-communication); savait que M. P avait violé la condition de non-communication dont il faisait l’objet; était au fait de la situation de Mme W, qu’elle avait peur de M. P et qu’elle était visée par des menaces; a donné à Mme W son numéro de téléphone cellulaire personnel; a dit à Mme W de l’appeler si elle avait besoin d’aide et a plus tard bloqué son numéro de téléphone sans l’aviser; a reçu de multiples messages textes de Mme W dans lesquels elle lui demande de l’aide et signale que M. P a violé ses conditions; a affirmé avoir dit à Mme W d’appeler la police, car il n’était pas de service et ne se trouvait pas à Surrey, n’a pas appelé le 9-1-1 et n’a pas aidé Mme W; a omis d’agir conformément aux exigences énoncées dans la politique sur la violence dans les relations; n’a pas fait enquête ou rapport sur les violations présumées de M. P; et était responsable du dossier de violation.

[225]  De plus, la RM a remis en doute l’hypothèse formulée dans l’argumentation de la RAD selon laquelle les gestes du membre visé ont fait en sorte que Mme W avait peur de lui et de la police en général, faisant valoir qu’il n’y a pas eu de constat de fait lié à l’expression d’une telle crainte et que la mention de cette affirmation dans la note de service de l’ARSC à l’officier responsable est fondée sur des ouï-dire, et que par conséquent, cette hypothèse ne peut être considérée comme un facteur aggravant.

[226]  Étant donné que les gestes du membre visé n’ont pas causé de blessure, et à la lumière des circonstances globales, la RM affirme que les faits reprochés dans l’allégation 3 devraient exiger des mesures faisant partie de l’éventail normal de mesures disciplinaires, soit une confiscation de la solde correspondant à entre deux et huit jours de travail.

[227]  Dans son argumentation, la RM présente également un certain nombre de facteurs atténuants (étayés au moyen de divers documents), y compris les facteurs résumés ci-dessous, à savoir que le membre visé :

  • a assumé la responsabilité de ses actes et regrette ses actes;
  • a reconnu les faits reprochés dans l’allégation 1 et dans de nombreux éléments de l’énoncé détaillé de l’allégation 3, ce qui a évité une audience orale;
  • n’avait jamais fait l’objet de mesures disciplinaires auparavant et n’a pas de dossier disciplinaire;
  • a un bon dossier de service;
  • était, à l’époque des faits, aux prises avec des facteurs de stress dans sa vie personnelle (rupture récente);
  • a cherché à consulter un psychologue et a effectivement consulté un psychologue; -présente un faible risque de récidive;
  • a le soutien de ses pairs et travaille bien en équipe (lettres de référence);
  • participe à la vie communautaire;
  • a collaboré avec les enquêteurs;
  • est jeune et compte peu d’années de service (affaire Hamlyn);
  • souhaite que l’affaire se règle rapidement.

[228]  En terminant, soulignant que le comité de déontologie doit imposer des mesures disciplinaires qui soient proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au code de déontologie, que l’imposition de telles mesures a pour but de corriger un ou plusieurs comportements, d’amener le membre à se réhabiliter et de préserver la confiance du public dans l’organisation, plutôt que d’avoir un objectif punitif, et que la peine la moins sévère possible devrait être prise en considération, la RM affirme que les mesures appropriées en l’espèce sont les suivantes :

  • une confiscation de la solde correspondant à entre 20 et 30 jours de travail relativement à l’allégation 1;
  • une confiscation de la solde équivalant à entre deux et huit jours de travail (ou de congé) relativement à l’allégation 3;
  • une réprimande;
  • l’ordre de suivre ou de poursuivre des séances de counselling ou l’ordre de suivre une formation;
  • une mutation à un autre lieu de travail dans le Lower Mainland ou une réaffectation à un autre poste, si celle-ci n’entraîne pas une réinstallation.

[229]  À l’appui des mesures proposées, la RM a joint à son argumentation un certain nombre de documents, à commencer par une déclaration écrite (non datée) du membre visé qui décrit ses antécédents et son profil (« déclaration du membre visé »).

[230]  Selon la déclaration du membre visé, celui-ci est devenu membre de la GRC le 16 mars 2015, une fois qu’il a terminé sa formation à la Division Dépôt. Il est né et a grandi dans le Lower Mainland, en Colombie-Britannique, où il a fréquenté des établissements d’études secondaires et postsecondaires. Pendant ses études, il a occupé divers emplois dans les secteurs du service à la clientèle et du tourisme. De plus, il participe activement à la vie communautaire et fait du bénévolat.

[231]  Les parents du membre visé sont tous deux des professionnels qui sont engagés dans la communauté. Dans sa déclaration, le membre visé décrit sa première expérience au détachement ainsi que ses aspirations professionnelles.

[232]  Le membre visé souligne les répercussions de sa suspension, qu’il a honte des gestes qu’il a faits (et de la mesure dans laquelle sa conduite a nui à sa réputation, à la réputation de son père et de son oncle, qui ont des liens avec la GRC, et à la réputation de la GRC), qu’il suit une thérapie et qu’il a perdu le respect de ses collègues.

[233]  Enfin, dans sa déclaration, le membre visé affirme qu’il assume la responsabilité de ses actes, qu’il regrette ses gestes et qu’il ne refera plus la même erreur.

[234]  La RM s’appuie également sur une lettre du Dr Morosan (datée du 9 mai 2018), dans laquelle il décrit son travail de psychologue agréé : il offre des traitements à des patients souffrant de blessures psychologiques liées à leur travail, comme la dépression, et s’intéresse actuellement plus particulièrement à la santé mentale des membres de la GRC (une copie de son curriculum vitæ est jointe à la lettre).

[235]  Le Dr Morosan souligne que le membre visé a pris l’initiative de suivre un traitement psychologique en communiquant avec le personnel de son bureau en mai 2016 (il a pris part à des séances toutes les trois semaines depuis juin 2017), et qu’il souhaitait consulter un psychologue afin de gérer des symptômes associés à son travail dans une série d’affaires de mauvais traitements envers des enfants et d’éviter l’épuisement professionnel, une situation dont il a été témoin chez certains de ses collègues.

[236]  Le membre visé a discuté pour la première fois du dossier disciplinaire dont il faisait l’objet avec le Dr Morosan en juin 2017, et depuis ce temps, ils [TRADUCTION] « ont passé 14 séances principalement à discuter de l’événement et de ce qu’il vivait depuis sa suspension, à explorer les différents résultats possibles du processus disciplinaire dont il faisait l’objet, dans la mesure où ils allaient avoir des incidences sur sa vie personnelle et sa carrière. »

[237]  Le Dr Morosan affirme qu’il [TRADUCTION] « n’a pas effectué d’évaluation systématique ou posé de diagnostic à l’égard [du membre visé], mais il ne croit pas qu’il répond aux critères permettant de diagnostiquer un trouble répertorié dans le DSM-V [Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5e édition] » (soulignement ajouté).

[238]  Le Dr Morosan est d’avis que les symptômes que le membre visé disait présenter et présentait effectivement sont essentiellement des réactions normales attendues d’une personne qui ne souffre pas de problèmes de santé mentale qui font l’expérience de situations personnelles et professionnelles telles que celles décrites par le membre visé, et que le fait qu’il a poursuivi son traitement montre aussi que sa santé mentale est relativement bonne.

[239]  En ce qui concerne le dossier disciplinaire, le Dr Morosan décrit dans sa lettre que le membre visé [TRADUCTION] « a fait une description précise de l’affaire comprenant une analyse approfondie de son propre comportement et des procédures disciplinaires qui ont suivi », ce qui a amené le Dr Morosan à affirmer ne pas [TRADUCTION] « croire que le membre visé risquait de refaire une erreur semblable » (soulignement ajouté).

[240]  Selon le Dr Morosan, il était évident que le motif initial du membre visé pour communiquer sur une période prolongée avec Mme W était par compassion et empathie sincère pour sa détresse, et qu’à aucun moment le membre visé n’a exprimé qu’il avait l’intention de l’exploiter ou de la maltraiter.

[241]  De plus, le Dr Morosan signale qu’en juin 2017, lorsqu’il a discuté pour la première fois de l’affaire d’inconduite avec le membre visé, celui-ci a fait notamment part du fait qu’il doutait de la naïveté dont le membre visé disait avoir fait preuve au moment de compromettre des communications professionnelles et de la honte qu’il ressentait à l’égard des répercussions que son comportement aurait sur sa réputation, celle de son père et celle de la GRC de manière générale.

[242]  Le Dr Morosan ajoute que le traitement prodigué au membre visé comprenait des analyses de facteurs pouvant le rendre vulnérable à une relation avec un membre du public pendant les heures de service et qui font que des membres du public en détresse se sentent attirés par d’aimables jeunes professionnels comme lui. Le traitement prévoyait également un examen [TRADUCTION] « des incidences psychologiques néfastes que des mauvaises interprétations de ses messages pourraient avoir sur des personnes vulnérables » (soulignement ajouté).

[243]  Ils ont également discuté de l’importance d’établir des limites professionnelles dès le début des échanges avec les clients et de la façon de garder ces limites à l’esprit et de les communiquer de manière professionnelle, ce qui nécessitait que le membre visé reconnaisse l’importance de cette « psycho-éducation » sans toutefois avoir des réactions défensives ou nier la pertinence de faire preuve de professionnalisme.

[244]  Compte tenu de récents développements dans la vie du membre visé survenus depuis sa suspension, y compris la stabilisation de sa vie personnelle, le renforcement de son réseau de soutien social et de ses liens avec sa famille, la revalorisation de sa carrière et la prise de conscience que sa vie personnelle et sa vie professionnelle doivent demeurer des priorités pour faire en sorte que sa carrière reste durable et satisfaisante, le Dr Morosan a encore plus de raisons de croire que les risques que le membre commette des erreurs semblables à l’avenir sont faibles.

[245]  En résumé, le Dr Morosan affirme ce qui suit [TRADUCTION] :

…en ma qualité de psychologue traitant, je suis très favorable à ce que [le membre visé] reprenne ses fonctions policières. Je n’ai été témoin d’aucun élément indiquant que les erreurs qu’il a commises étaient le fruit d’une malveillance. Il est mieux renseigné, a une meilleure conscience de lui-même et a bâti un réseau de soutien plus solide pendant la période où il a été absent du travail. Son identité en tant que policier de la GRC est renforcée et équilibrée par la croissance personnelle qu’il a réalisée pendant la période difficile qu’il a vécue. Je suis convaincu que [le membre visé] saura bien servir et protéger le public. [Soulignement ajouté]

[246]  Par ailleurs, l’argumentation de la RM contient un document de trois pages intitulé Health Services Management Information System (Système d’information de la gestion des services de santé), qui contient un éventail de communications et de renseignements concernant le membre visé et consignés par diverses personnes, entre le 11 décembre 2017 et le 22 janvier 2018, et qui semble avoir pour but de confirmer que le membre visé a pris part à au moins une enquête ayant trait à des mauvais traitements à l’endroit d’un enfant, ce qui l’a amené à recourir à des services de counselling, comme le mentionne le Dr Morosan dans sa lettre.

[247]  Des évaluations de rendement et des plans d’apprentissage pour les périodes du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 et du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 (« évaluations de rendement ») ont également été joints à l’argumentation de la RM, et ces documents montrent que le membre visé s’est acquitté de ses tâches de façon compétente, a développé les compétences organisationnelles et fonctionnelles pertinentes et progressait dans sa carrière.

[248]  Cinq lettres de référence ont été soumises (« lettres de référence »), dont celle du gendarme Majid (datée du 8 janvier 2018) (« lettre du gend. Majid »), qui a travaillé avec le membre visé pendant un an et demi environ et qui a été son moniteur . Dans sa lettre, le gend. Majid affirme que selon lui, le membre visé se situait au-dessus de la moyenne, devenait de plus en plus compétent, exécutait les tâches demandées et affichait une attitude positive. Ils se sont liés d’amitié, et même si le membre visé était le fils d’un sous-officier supérieur du détachement, il n’était pas arrogant. Après avoir terminé sa formation pratique, le membre visé a continué de se perfectionner, et il était évident qu’il aimait son travail et le fait d’être membre de la GRC.

[249]  Dans sa lettre, le gend. Majid n’excuse pas les gestes du membre visé et estime que son manque de jugement momentané n’est aucunement révélateur de son tempérament, que, depuis les événements, le membre visé s’est engagé dans une relation à long terme et attend un enfant et qu’il espère que les renseignements fournis seront pris en considération.

[250]  La lettre de référence du gendarme Chang (datée du 22 janvier 2018) (« lettre du gend. Chang ») indique que le gend. Chang a travaillé avec le membre visé pendant un an environ et que, selon ce qu’il a observé, il est d’avis que le membre visé est une personne bienveillante, professionnelle, calme et sociable, qu’il travaille bien en équipe et qu’il apprend de ses erreurs. En tant qu’ami du membre visé, le gend. Chang a constaté qu’il regrettait ses gestes et sait qu’il est triste de ne pas porter l’uniforme et qu’il incarnera les valeurs de la GRC si on lui permet de reprendre son travail.

[251]  Dans une lettre (datée du 22 janvier 2018), le sergent Pauls, ancien s.-off. du district du membre visé (« lettre du serg. Pauls »), affirme avoir observé le membre visé pendant un an environ, en 2016-2017, et que celui-ci a donné le rendement attendu d’un jeune membre, qu’il avait une bonne attitude, qu’il contribuait à créer un climat de travail positif, qu’il faisait preuve d’ouverture et d’honnêteté et qu’il décrivait ses erreurs et acceptait des conseils sans détour.

[252]  Mme E, qui détient un doctorat en pharmacie et une attestation en encadrement et en formation de cadres supérieurs, déclare dans sa lettre de référence (datée du 13 février 2018) (« lettre de Mme E ») qu’elle connaît le membre visé depuis de nombreuses années, car il était un ami de son fils, et qu’elle connaît sa famille depuis plus de 15 ans. Elle ajoute que le membre visé avait toujours eu pour ambition d’être policier à la GRC et que pendant ses études universitaires, il a suivi un cours de 13 semaines sur la justice réparatrice dans un pénitencier fédéral à sécurité moyenne pendant lequel on l’a vu agir adéquatement durant ses échanges, y compris avec les détenus.

[253]  Mme E confie qu’elle trouve difficile de voir le membre visé ébranlé par son inconduite, mais qu’il n’avait pas tardé à lui parler de ses manquements et qu’il assumait la responsabilité de ses erreurs manifestes. Elle souligne aussi qu’il est difficile pour le membre visé de ne pas être assez occupé, mais qu’il a continué d’apporter du soutien à son fils et à d’autres personnes, et elle est certaine que si les structures et les possibilités de responsabilités appropriées sont en place, il pourra continuer d’apprendre et de grandir de son expérience et qu’il sera un atout pour l’organisation.

[254]  Dans un document non daté (qui semble avoir été créé et présenté vers le 7 ou 8 mai 2018), le gendarme Harrison (« lettre du gend. Harrison ») parle de l’influence positive du membre visé à son endroit et de l’aide qu’il lui a apportée durant son passage à la Division Dépôt. Le gendarme Harrison a discuté avec le membre visé de la gravité de la situation dans laquelle il se trouvait, et il a affirmé être convaincu que le membre s’était montré ouvert et honnête avec lui au sujet des détails de la situation et croit qu’il reconnaît la portée de ses erreurs et qu’il semble regretter sincèrement ses actes. Le gendarme Harrison estime que le membre visé a eu un manque de jugement momentané et qu’il apprendra de ses erreurs, et il dit espérer qu’on lui donnera une autre chance pour qu’il puisse poursuivre sa carrière à la GRC.

[255]  Le dernier document faisant partie de l’argumentation de la RM est une lettre non datée écrite par le membre visé à l’intention de l’ARSC et du PCVF dans laquelle il dit regretter ses actes et avoir honte de ce qu’il a fait et s’excuse des répercussions que cela a eues sur le dossier de violation (« lettre d’excuses du membre visé »). Cependant, il a été noté dans l’index des documents faisant partie de l’argumentation de la RM que la lettre d’excuses du membre visé devait être livrée.

[256]  Le lendemain, après avoir examiné brièvement l’argumentation de la RM, le comité a écrit à cette dernière pour lui demander des précisions au sujet de la lettre du Dr Morosan étant donné que celui-ci ne semblait pas avoir formulé une évaluation, des opinions ou un diagnostic à titre d’expert ou de professionnel de la santé relativement aux allégations, et pour lui demander plus particulièrement si la lettre devait être considérée comme une lettre de soutien qui serait lue à la lumière des principes énoncés dans le jugement R. c. Graat, [1982] 2 R.C.S. 819 (« jugement Graat ») en ce qui concerne les opinions de non-spécialistes.

[257]  Sous réserve de la réponse de la RM en ce qui concerne la demande du comité au sujet de la lettre du Dr Morosan, on a demandé à la RAD de signaler si elle avait l’intention de présenter une réfutation à la suite de l’argumentation de la RM et, dans l’affirmative, quel serait le délai requis pour ce faire.

[258]  Le 20 juin 2018, la RM a signalé qu’elle tenterait de fournir une réponse à la demande du comité au plus tard le 22 juin 2018, réponse qui a été donnée plus tard, et elle a avancé ce qui suit au sujet de la lettre du Dr Morosan.

[259]  Premièrement, la lettre du Dr Morosan devrait être considérée comme une lettre d’expert, et M. Morosan devrait être reconnu comme expert dans le domaine de l’évaluation, du diagnostic, du traitement et du pronostic psychologiques de personnes, d’après son curriculum vitæ.

[260]  Deuxièmement, la RM cite l’arrêt R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9 (« arrêt Mohan ») à l’appui de sa position selon laquelle le Dr Morosan est en mesure de fournir de l’information que le comité ne pourrait fournir vu son expérience et ses connaissances.

[261]  Troisièmement, la lettre du Dr Morosan en guise de témoignage d’expert a trait à l’étape de l’imposition de mesures disciplinaires plutôt qu’aux allégations, et a notamment pour but la formulation de facteurs atténuants, comme le fait que le membre visé a cherché à obtenir de l’aide psychologique, qu’il s’est montré réceptif au traitement, qu’il continue de prendre part au traitement et que le Dr Morosan est d’avis qu’il n’est pas susceptible de répéter le même comportement.

[262]  À cet égard, la RM s’appuie également sur la décision Children’s Aid Society of Toronto v. R.(M.), 2016 ONCJ 215 (« décision Children’s Aid Society »), aux paragr. 114 à 116, où le tribunal a conclu que le témoignage de trois cliniciens (dont un psychiatre et un psychologue) était admissible étant donné qu’il s’agissait de professionnels qui ont formulé des avis d’après leurs observations ou à la suite d’examen de l’affaire en litige, et où le tribunal a conclu que de tels témoins n’étaient pas tenus de se conformer aux règles s’appliquant aux témoins experts.

[263]  Quatrièmement, à titre subsidiaire, la RM demande au comité d’accepter la lettre du Dr Morosan en tant que témoignage d’un non-spécialiste (présumément, même si cela n’est pas mentionné, conformément au jugement Graat), et d’accorder un poids considérable à ce témoignage du fait que le Dr Morosan possède suffisamment d’expérience pour pouvoir formuler une opinion sur la probabilité que le membre visé ait de nouveau un comportement similaire.

[264]  La RM fait également valoir que la décision Canada Post Corp. v. C.U.P.W. 2004 CarswellNat 1192 (« décision Canada Post ») est utile en ce sens que l’analyse (paragr. 6 et suivants) portait sur des dispositions semblables à celles prévues au paragr. 24 (1) des Consignes du commissaire (déontologie), qui stipulent que le comité de déontologie peut examiner tout élément soumis par les parties et entendre leurs observations verbales et témoins afin de déterminer les mesures disciplinaires appropriées à imposer, et un peu comme les affaires relevant du Code canadien du travail, les comités de déontologie et les arbitres de la GRC ont accepté et pris en considération à maintes reprises des témoignages d’experts dans le domaine de la psychologie à l’étape de l’imposition de mesures disciplinaires, par exemple dans l’affaire Le commandant de la Division J et le gendarme Cormier, 2016 DARD 2 (« décision Cormier »).

[265]  La RM constate que dans la décision « Canada Post », l’arbitre a jugé le témoignage du psychologue comme admissible et a fait valoir que cet élément de preuve pourrait être pertinent et utile au moment d’examiner les facteurs atténuants et de déterminer la peine (paragr. 9 et 10).

Réfutation de la RAD

[266]  Le 25 juin 2018, le comité a demandé si la RAD souhaitait répondre aux observations de la RM ou répondre à ses commentaires au sujet du traitement décrit dans la lettre du Dr Morosan.

[267]  La RAD a répondu le jour même qu’une réfutation serait présentée par suite de l’argumentation de la RM, et le 27 juin 2018, la RAD a demandé un report au 18 juillet 2018 de la date limite de présentation de la réfutation, report que le comité a approuvé le 28 juin 2018.

[268]  Par la suite, le 18 juillet 2018, la RAD a présenté une réfutation accompagnée de la jurisprudence et de l’information pertinentes (« réfutation de la RAD »).

[269]  Dans sa réfutation, la RAD commence par contester l’admission en tant que témoignage d’expert de la lettre du Dr Morosan en invoquant plusieurs motifs, le premier étant que conformément à l’article 18 des CC (déontologie), le Dr Morosan n’a pas été désigné comme témoin dans les 30 jours suivant la signification de l’avis au membre visé.

[270]  Ensuite, la RAD affirme dans sa réfutation que la lettre du Dr Morosan ne satisfait pas aux exigences obligatoires relatives aux rapports d’expertise énoncées au paragraphe 19(2) des CC (déontologie), et la RAD est d’avis que le comité n’a pas de pouvoir discrétionnaire à cet égard étant donné que le rapport d’expert doit satisfaire à toutes les exigences pour être admissible en preuve.

[271]  En l’espèce, la RAD fait référence au fait que le paragraphe 19(2) des CC (déontologie) stipule qu’un rapport d’expertise doit contenir certains renseignements, énumérés aux alinéas a) à k), et comme la lettre du Dr Morosan ne contient pas (entre autres choses) un énoncé des questions traitées (alinéa a]), une description des compétences du Dr Morosan quant à ces questions (alinéa b]) ou les faits et les hypothèses sur lesquels ses opinions sont fondées (alinéa e]), ladite lettre n’est pas admissible en preuve et ne peut être considérée comme un rapport d’expertise.

[272]  Par ailleurs, la RAD est d’avis qu’une fois qu’il est établi que le témoignage d’expert satisfait, à première vue, aux exigences énoncées à l’article 19 des CC (déontologie), la RM a la tâche additionnelle de démontrer que la lettre du Dr Morosan, présentée comme témoignage d’expert, répond aux critères d’admissibilité établis dans l’arrêt Mohan de la Cour suprême du Canada (« critères Mohan »).

[273]  Dans sa réfutation, la RAD cite ensuite le jugement White Burgess Langille Inman c. Abbot and Haliburton Co., 2015 SCC 23 (« jugement WBLI »). Elle précise que la Cour suprême a résumé les critères d’admissibilités applicables [critères Mohan] à la page 184, puis elle cite un passage du jugement qui, après examen, est tiré du sommaire de la décision et fait donc partie du résumé de la rédaction et ne constitue pas une citation directe de la Cour.

[274]  On ne sait pas exactement si la RAD reconnaît dans sa réfutation que dans le jugement WBLI, la Cour a reformulé, dans une certaine mesure, la démarche employée pour déterminer l’admissibilité d’un témoignage d’expert, et en particulier, qu’elle a fourni des éclaircissements et des conseils relativement aux défis des experts en ce qui a trait aux principes de l’exemption de parti pris, de l’indépendance et de l’impartialité, qui sont traités plus loin.

[275]  Ayant exprimé l’opinion selon laquelle la lettre du Dr Morosan doit satisfaire aux critères Mohan, la RAD ne formule pas, dans sa réfutation, d’autres commentaires à cet égard ou sur le fait que les critères sont satisfaits ou non, mais passe simplement à l’examen de l’argument subsidiaire explicite ou implicite avancé dans l’argumentation de la RM selon lequel la lettre du Dr Morosan doit être acceptée en tant que témoignage d’un non-spécialiste, conformément au jugement Graat.

[276]  Dans sa réfutation, la RAD adopte les principes énoncés dans le jugement Graat relativement à la lettre du Dr Morosan et affirme qu’on ne devrait pas y accorder plus de poids qu’à un témoin ordinaire, mais elle va ensuite plus loin en affirmant qu’aucun poids ne devrait y être accordé, car on y n’énonce pas les faits sur lesquels les opinions sont fondées, la lettre est vague et, dans la mesure où celle-ci s’appuie sur des faits, ceux-ci ont été signalés par le membre visé, ce qui équivaut à une preuve intéressée.

[277]  La RAD précise également que si le comité devait décider d’accorder une valeur probante à la preuve présentée dans la lettre du Dr Morosan, la RAD aimerait avoir l’occasion de contre-interroger ce dernier.

[278]  La réfutation de la RAD porte aussi sur les évaluations de rendement. La RAD signale qu’elles ne font pas état d’un rendement systématiquement supérieur à la moyenne et que, par conséquent, elles ne peuvent être considérées comme un facteur atténuant, comme c’était le cas dans l’affaire Greene, dans laquelle le comité de déontologie a conclu qu’un rendement dans la moyenne ne constituait pas un facteur atténuant.

[279]  Si les évaluations de rendement contiennent quelques bons commentaires, la RAD fait remarquer qu’elles font aussi état de points à améliorer (p. ex. parfois, les rapports rédigés par le membre visé ne sont pas assez détaillés et sont trop succincts). La RAD ajoute qu’on ne peut établir que le membre a donné un rendement supérieur à la moyenne sur une longue période du fait que les évaluations de rendement portent sur une période de deux ans seulement, et que bien que ces dernières annoncent un avenir prometteur ou un potentiel chez le membre, elles ne peuvent pas être considérées comme ayant une valeur atténuante.

[280]  En ce qui concerne les lettres de référence, la RAD affirme que l’on ne peut y accorder que peu de poids, voire aucun poids, en raison d’un cadre qui sert à déterminer si la lettre : 1) est datée; 2) est adressée au comité de déontologie; 3) révèle la mesure dans laquelle la personne est au courant de l’inconduite du membre visé; 4) décrit l’étendue et la profondeur de la relation avec le membre visé ainsi que la période durant laquelle elle a eu lieu; 5) repose sur la connaissance personnelle des faits exposés. Aucune jurisprudence et aucune référence liée au cadre n’est fournie dans la réfutation de la RAD.

[281]  S’appuyant sur le cadre, la RAD soutient premièrement que les lettres datées ont plus de poids que les lettres non datées (étant donné qu’elles précisent l’origine et la mesure dans laquelle elles sont récentes), et affirme qu’en l’espèce, toutes les lettres de référence sont datées.

[282]  Deuxièmement, selon la réfutation de la RAD, une lettre adressée à un comité de déontologie a plus de poids qu’une lettre adressée « à qui de droit » étant donné que la première montre que l’auteur était au fait de la gravité de l’affaire. En l’espèce, la RAD fait remarquer que toutes les lettres de référence étaient adressées « à qui de droit ».

[283]  Troisièmement, pour ce qui est de la mesure dans laquelle la personne est au courant de l’inconduite, la RAD estime qu’il s’agit d’un critère important du fait qu’il permet de déterminer si l’auteur est au fait de l’ensemble des éléments de l’inconduite (p. ex. la personne a lu l’avis d’audience disciplinaire pertinente), et que de ce fait, l’auteur est disposé à soutenir le membre. La RAD souligne également que la source des connaissances est également relativement importante (p. ex. de l’information signalée par le membre visé ou de l’information provenant d’une source officielle ou établie).

[284]  Dans sa réfutation, la RAD soutient que les lettres de référence font état d’un flou en ce qui touche la connaissance de l’inconduite et que, par conséquent, aucun poids ne devrait être accordé aux opinions qui y sont énoncées, plus particulièrement en ce qui a trait au tempérament du membre visé.

[285]  Quatrièmement, l’étendue, la nature et la profondeur de la relation avec le membre visé et la période durant laquelle elle a eu lieu influent sur le poids donné à une lettre de référence, à savoir s’il s’agit d’une relation à long terme ou d’une relation récente ou superficielle, si elle est établie entre collègues, amis ou connaissances, si elle repose sur des contacts quotidiens ou occasionnels et si les échanges entre les parties ont eu lieu récemment ou s’ils remontent à loin.

[286]  La RAD fait référence à trois lettres qu’elle n’identifie pas, rédigées par des collègues ayant travaillé avec le membre visé pendant une période allant d’un an à un an et demi (lettres du gend. Majid, du gend. Chang et du serg. Pauls), à une lettre d’un collègue de la Division Dépôt (lettre du gend. Harrison) et à une lettre d’une personne avec qui le membre visé entretient une relation depuis 15 ans (lettre de Mme E), mais la RAD ne fait aucun commentaire sur la façon dont le critère de relation s’applique en l’espèce.

[287]  Cinquièmement, la mesure dans laquelle l’auteur de la lettre de référence a personnellement connaissance des faits liés à l’inconduite soulève des considérations en ce qui touche la façon dont la personne a pris connaissance des faits, et en l’espèce, la RAD souligne simplement que les lettres de référence auraient pu être plus claires à cet égard.

[288]  Le prochain point abordé dans la réfutation de la RAD est la déclaration et la lettre d’excuses du membre visé, et bien que des excuses sincères faites au moment opportun et aux personnes concernées puissent constituer un facteur atténuant, en l’espèce, le membre visé aura présenté des excuses à l’ARSC et au PCVF un an après les faits (les excuses n’ayant pas encore été présentées), le membre reconnaît lui-même que les excuses sont arrivées trop tard et, plus important encore, le membre ne s’est pas excusé auprès de Mme W.

[289]  La RAD émet ensuite l’opinion selon laquelle la déclaration du membre visé n’est pas un facteur atténuant, sans toutefois fournir d’explications.

[290]  Citant l’affaire Greene (qui s’appuyait sur la décision Rault v. The Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81), la RAD affirme que les décisions Hamlyn et Sawatsky ont une valeur jurisprudentielle limitée du fait qu’elles découlent de procédures accélérées comportant des recommandations conjointes sur la peine qui ont été résolues à la suite d’un processus de négociations dont les comités doivent tenir compte.

[291]  Enfin, la RAD signale qu’aucun élément ne prouve que le membre visé était aux prises avec des facteurs de stress dans sa vie personnelle ou, si tel était le cas, ces facteurs n’étaient pas assez importants pour être considérés comme un facteur atténuant étant donné qu’il aurait fallu faire appel à un expert pour obtenir l’opinion d’un spécialiste à cet égard.

[292]  En guise de conclusion, la RAD affirme que les facteurs atténuants ne sont pas suffisants pour éviter au membre visé d’être congédié.

[293]  Le 26 juillet 2018, le comité a informé les représentantes qu’en l’absence d’autres argumentations, il prévoyait terminer l’examen des documents avant la fin du mois d’août 2018.

[294]  Le comité a également demandé à la RM de donner des précisions sur les intentions du membre visé à l’égard de sa comparution devant le comité et à savoir s’il a renoncé à la lecture des allégations, de même que sur la proposition que des comparutions se fassent par vidéoconférence et que celles-ci soient suivies par la communication par le comité de la décision définitive par écrit.

[295]  La RM a répondu que le membre visé souhaitait comparaître en personne devant le comité (et qu’il se rendrait à Ottawa s’il le fallait), et elle a renoncé à la lecture des allégations, faisant remarquer qu’il était entendu que la RAD ou le comité pouvaient avoir des questions à poser au membre visé.

[296]  Le 27 juillet 2018, la RAD a demandé à la RM des précisions sur la question de savoir si le membre visé avait l’intention de présenter des excuses ou de témoigner devant le comité, et s’il souhaitait témoigner, la RAD a fait savoir à la RM qu’elle aurait peut-être quelques questions à poser au membre visé.

[297]  Le 30 juillet 2018, la RM a signalé que le membre visé souhaitait présenter des excuses au comité, et la RAD a répondu que rien n’empêchait le membre visé de se rendre à Ottawa.

[298]  Même si le comité avait signalé qu’il prévoyait être en mesure de rendre une décision définitive au plus tard à la fin du mois d’août, le 10 septembre 2018, il a averti les représentantes qu’il lui faudrait encore plusieurs semaines pour achever l’examen de leurs argumentations ou il les a avisées qu’il avait besoin de plus d’information de la part du membre visé, ce dont les représentantes ont pris acte.

[299]  Le 9 novembre 2018, le comité a communiqué avec les représentantes et les a informées que l’argumentation de la RAD et l’argumentation de la RM, ainsi que les documents connexes, avaient été examinées, et que la dernière étape consistait à déterminer si le membre visé avait toujours l’intention de s’adresser au comité; il était d’ailleurs entendu que la RAD ne s’opposait pas à cette démarche, dans la mesure où le membre visé n’a pas témoigné et s’est limité à présenter des excuses.

[300]  Le comité a également cherché à obtenir la confirmation de l’opinion des représentantes à savoir si le membre visé était tenu de témoigner sous serment au moment de s’adresser au comité. Il a aussi voulu fixer des dates et déterminer si le membre visé comparaîtra en personne ou par vidéoconférence et si leurs clients respectifs renoncent à l’exigence selon laquelle la décision définitive doit être signifiée en personne (et acceptent la signification par l’entremise de leur représentante).

[301]  Le 13 novembre 2018, la RM a fait part des dates d’audience potentielles, a confirmé que le membre visé était disposé à témoigner en personne devant le comité, mais qu’il pouvait aussi le faire par vidéoconférence, qu’il ne serait pas tenu de prêter serment ou de faire une affirmation et qu’il renonce à l’exigence selon laquelle la décision définitive doit lui être signifiée et que la RM acceptera la signification en son nom.

[302]  La RAD a confirmé le 19 novembre 2018 que le membre visé n’était pas tenu de prêter serment ou de faire une affirmation s’il ne témoignait pas, mais que tous les faits présentés devraient être seulement pris en considération par le comité dans le cadre de l’évaluation des excuses présentées, et elle a fait part de ses disponibilités.

[303]  Le même jour, le comité a informé les représentantes qu’étant donné qu’il n’avait pas encore reçu la déclaration du membre visé, la vidéoconférence était l’option privilégiée pour que le membre s’adresse au comité, et que l’on communiquerait avec le registraire pour prendre des dispositions à cet égard selon les disponibilités des représentantes.

[304]  Le comité a également confirmé qu’il avait bien compris que la RAD accepterait la signification de la décision définitive et que l’autorité disciplinaire renonçait à l’obligation que la décision soit signifiée en personne.

[305]  Dans le même message, le comité a demandé au registraire de prendre les dispositions requises en vue de la tenue d’une vidéoconférence et a signalé qu’il n’y aurait aucun témoignage à cette occasion étant donné que la vidéoconférence avait pour but de permettre au membre visé de s’adresser au comité.

[306]  Plus tard ce jour-là, le registraire a confirmé que la vidéoconférence aurait lieu le 15 décembre 2018, à 11 h (heure de l’Est), et que le membre visé comparaîtrait dans une salle de conférence du Centre de formation de la Région du Pacifique (CFRP).

[307]  Le 5 décembre 2018, le comité, la RAD et la RM se sont réunis dans une salle de conférence de la Direction générale, et le membre visé participait à la réunion depuis le CFRP.

[308]  Une fois que le comité eut rempli les formalités nécessaires à l’enregistrement de la procédure, confirmé que la langue officielle de la réunion serait l’anglais et fait un survol de l’affaire, le membre visé s’est adressé au comité. Ce faisant, il a reconnu qu’il s’était comporté de manière très déplacée, qu’il a laissé tomber Mme W, ses collègues, sa famille, le procureur de la Couronne, la GRC et le public et qu’il a trahi leur confiance, il a promis au comité qu’il ne referait jamais la même erreur et il lui a assuré qu’il avait pris des mesures pour apprendre de cette expérience et évoluer et pour améliorer certains aspects de sa vie, par exemple se rapprocher de sa famille de laquelle il s’était isolé, afin de veiller à ce qu’il puisse continuer d’être un policier efficace (« allocution du membre visé »).

[309]  Les représentantes ont dit n’avoir aucun argument à présenter à la suite de l’allocution du membre visé, mais la RAD a fait remarquer que les faits contenus dans l’allocution ne pourraient pas être utilisés à des fins autres que les excuses présentées par le membre visé.

[310]  En conclusion, le comité a confirmé que le membre visé et l’autorité disciplinaire avaient renoncé à l’exigence selon laquelle la décision définitive du comité devait leur être signifiée en personne, et comme les représentantes n’avaient pas d’autres questions à poser ou arguments à présenter, la réunion a pris fin après que le comité a fait savoir que la décision définitive serait rendue dans un délai de deux semaines.

Analyse

[311]  Le comité de déontologie a examiné avec soin l’argumentation de la RAD, l’argumentation de la RM, la réfutation de la RAD ainsi que la documentation de référence, les décisions et les documents d’autorités compétentes, et comme il est décrit dans ces documents, il existe plusieurs facteurs qui orientent l’imposition de mesures disciplinaires dans le milieu policier et à la GRC en particulier.

[312]  Premièrement, ayant établi l’allégation 1 et l’allégation 3, le comité se voit dans l’obligation, conformément à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC et au paragraphe 24(2) des CC (déontologie), d’imposer des mesures « adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[313]  Deuxièmement, selon le cadre sur lequel un comité de déontologie se fonde pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées dans une affaire donnée, le comité doit d’abord se pencher sur l’éventail des mesures qui pourraient s’appliquer à l’inconduite établie, et ensuite il doit prendre en considération les facteurs aggravants et atténuants, et à cette étape, les mesures à imposer sont déterminées dans l’affaire devant le comité de déontologie.

[314]  Troisièmement, un comité de déontologie n’est pas lié par les décisions antérieures d’autres comités, mais si elles sont de nature semblable, elles aident à déterminer l’éventail des mesures qui s’appliquent à une inconduite établie étant donné que le principe de cohérence dans l’imposition de mesures disciplinaires vise à assurer l’équité et le traitement similaire de cas d’inconduite de formes semblables.

[315]  Quatrièmement, bien que le Guide des mesures disciplinaires contienne des éléments à prendre en considération au moment de l’imposition de mesures disciplinaires, il ne s’agit que d’un guide et par conséquent, il présente des lignes directrices qui ne sont pas exécutoires et il ne traite pas nécessairement de toutes les formes ou catégories d’inconduite imaginables.

[316]  Cinquièmement, de manière générale, les facteurs aggravants sont des facteurs qui vont au-delà des éléments essentiels de l’inconduite (et qui figurent normalement dans l’allégation ou l’énoncé détaillé qui y est lié ou tel que déterminé par un comité de déontologie) (arrêt Cormier, paragr. 89).

[317]  Sixièmement, les policiers occupent des postes de confiance et doivent obéir à une norme de conduite plus stricte que celle à laquelle est soumis le simple citoyen (décision White).

Allégation 1

[318]  D’abord, en ce qui concerne l’éventail des mesures disciplinaires qui pourraient s’appliquer à l’allégation 1, la RAD soutient que l’inconduite du membre visé est de l’ordre des activités sexuelles pendant les heures de service, ce qui comprend le fait de vouloir entretenir une relation intime avec une membre du public, une situation de déséquilibre des pouvoirs où il était admis que Mme W était une personne vulnérable, et que si l’on s’appuie sur l’affaire Eden, ce genre d’inconduite donne lieu au congédiement du membre visé.

[319]  Selon l’argumentation de la RAD, l’inconduite sexuelle ne se limite pas à la relation sexuelle ou au contact physique, mais comprend également l’envoi de photographies révélatrices et de messages textes sexuellement explicites ainsi que les références explicites et implicites à des activités et à des relations sexuelles.

[320]  Dans son argumentation, la RM postule que l’inconduite du membre visé établie dans l’allégation 1 est plutôt unique et qu’elle ne correspond à aucune catégorie ou à aucun type d’inconduite figurant dans le Guide des mesures disciplinaires, mais que selon les principes et les faits pertinents en l’espèce, et en raison de circonstances atténuantes, elle appuie la confiscation de la solde correspondant à entre 20 et 30 jours de travail, citant les affaires Hamlyn et Sawatzky.

[321]  La jurisprudence fournie et le Guide des mesures disciplinaires confirment de façon générale que l’inconduite sexuelle de la nature de celle décrite à l’allégation 1 est considérée comme très grave et exige l’imposition de mesures allant d’une importante pénalité financière au congédiement.

[322]  À cet égard, conformément à l’affaire Greene et pour les mêmes raisons que celles énoncées dans celle-ci, le comité n’estime pas qu’on puisse accorder un poids important aux peines ou aux mesures disciplinaires découlant d’une proposition conjointe, que l’affaire relève de l’ancien ou du nouveau processus disciplinaire, car elles sont le produit d’un travail de règlement ou de négociations qui ont donné lieu à une entente qu’un comité de déontologie n’a d’autre choix que de rejeter dans des circonstances très limitées (même si la RAD s’est appuyée sur l’affaire Greene [qui s’est appuyée sur la décision Rault], et l’affirmation la plus récente de ce principe figure dans le jugement R. c Anthony-Cook, 2016 CSC 43, [« affaire Cook »] [pour laquelle il y a eu majorité unanime de sept juges], aux paragr. 32 à 34).

[323]  De plus, comme l’a observé le commissaire dans la décision L’inspecteur Lemoine et l’officier compétent de la Division C, 12 D.A. (4e) 192 [TRADUCTION] :

[124] […] Comme je l’ai fait remarquer récemment dans la décision Poirier, je me questionne sur la pertinence de certaines affaires, qui pourraient bien être tranchées autrement si elles étaient entendues aujourd’hui, étant donné l’intolérance qui entre-temps s’est fait jour au sein de la société et de la GRC à l’égard de certains actes d’inconduite, notamment le harcèlement sexuel.

[324]  Bien que la RM s’appuie dans son argumentation sur les affaires Hamlyn et Sawatzky pour proposer les mesures disciplinaires qui s’imposent en l’espèce, le comité fait valoir que ces deux affaires ont été résolues à la suite d’une proposition conjointe de peine soumise lors d’une audience accélérée et que, par conséquent, elles n’ont que peu de valeur ou de poids dans les circonstances de l’espèce.

[325]  De plus, comme elles datent de 2012, les décisions Hamlyn et Sawatzky peuvent ne plus être pertinentes compte tenu de l’augmentation de l’intolérance à l’égard des inconduites sexuelles.

[326]  Que ce soit bien clair : le comité ne prétend pas que tous les cas d’inconduite sexuelle doivent entraîner le congédiement des membres visés, mais il affirme plutôt que l’inconduite sexuelle, dans ses diverses manifestations, est de plus en plus perçue comme un problème très grave qui doit être traité comme tel, en tenant compte des circonstances particulières et des facteurs atténuants et aggravants pertinents.

[327]  Le comité n’est pas d’avis que les affaires qui concernent des activités sexuelles pendant les heures de service avec des civils en état d’ébriété sont particulièrement pertinentes en l’espèce.

[328]  Bien que la RM tente, dans son argumentation, d’établir une distinction entre l’espèce et l’affaire Eden, qui porte sur une inconduite plus grave, le comité de déontologie fait remarquer qu’il est plus juste de se fonder sur ce qui suit :

[92] Les pouvoirs dont jouit un policier sont considérables, et la population a raison de s’attendre à ce que les membres de la GRC respectent les normes d’éthique et professionnelles les plus rigoureuses, ce qui comprend nécessairement le principe fondamental selon lequel les membres doivent agir seulement de manière à protéger la santé et la sécurité des jeunes Canadiens et ne doivent en aucun cas exploiter de jeunes personnes vulnérables de façon délibérée et répétée.

[329]  Ce raisonnement s’applique aussi bien aux victimes de violence familiale qu’aux personnes vulnérables en raison de circonstances d’ordre personnel, social, économique, physique ou médical.

[330]  En fin de compte, les deux représentantes estiment que l’affaire Eden s’applique en partie en l’espèce, mais la RAD affirme que l’inconduite en l’espèce doit mener au congédiement du membre visé tandis que la RM souscrit au niveau le plus bas des échanges extrêmement déplacés, ce qui donne lieu à l’examen des éléments constitutifs de l’inconduite, établis selon les principes du mérite, ainsi que des facteurs aggravants et atténuants.

[331]  Dans les questions préliminaires, la RM a raison de souligner que dans son argumentation, la RAD a émis, à tort, l’hypothèse selon laquelle plusieurs facteurs étaient aggravants alors qu’ils faisaient partie ou constituaient des éléments constitutifs de l’inconduite qui avaient été établis à l’allégation 1 (p. ex. le fait que Mme W est un membre du public et une personne vulnérable, qu’il existait un déséquilibre des pouvoirs, que le membre visé était le principal enquêteur dans le dossier de violation et qu’il était au fait des conditions).

[332]  En effet, les éléments constitutifs établis à l’allégation 1 et les aveux qui y sont liés présentés dans la réponse du membre visé dans le cadre de l’examen du bien-fondé parlent d’eux-mêmes et montrent que la photographie et les messages textes étaient sexuellement explicites et très déplacés et qu’ils témoignaient d’un comportement qui n’est aucunement professionnel, ce qui est aggravé par le fait que Mme W était victime de violence dans une relation, avait peu de moyens et tentait de se sortir d’une dépendance à la drogue.

[333]  En ce qui concerne les facteurs aggravants, la RAD avait raison de faire valoir, dans son argumentation, que le membre visé ne comptait pas beaucoup d’années de service. Dans sa déclaration, le membre visé affirme être devenu membre de la GRC le 16 mars 2015, ce qui signifie que sa période d’essai allait prendre fin seulement 12 jours environ avant le 28 mars 2017, date à laquelle où l’inconduite décrite à l’allégation 1 a commencé.

[334]  Bien qu’il existe un désaccord relativement à la période durant laquelle les messages déplacés ont été envoyés, même s’il est admis que les messages déplacés à l’origine de l’allégation 1 peuvent avoir été envoyés sur une période de deux jours seulement, et malgré le fait que le membre visé était au courant de la situation de Mme W ainsi que des dossiers d’agression et de violation, il a tout de même pris l’initiative d’envoyer des messages déplacés de nature sexuelle à Mme W peu de temps après l’avoir rencontrée, et il a continué de lui envoyer de tels messages pendant les deux journées qui ont suivi, ce qui n’est pas sans conséquence.

[335]  Bien que le membre visé ait pu comprendre la mesure dans laquelle sa conduite était inappropriée et qu’il ait tenté de se sortir de la situation, il avait déjà créé un important conflit d’intérêts de par ses actes et entièrement miné son impartialité ainsi que celle de la GRC, ce qui a fini par mener à la suspension de l’accusation dans le dossier de violation.

[336]  À cet égard, et mis à part le tort causé au dossier de violation, le fait que le bureau du procureur de la Couronne a été mêlé à l’affaire et que Mme B., l’ARSC, et le PCVF ont été mis au courant de l’inconduite du membre visé n’est pas non plus sans conséquence.

[337]  Même si la RM affirme que la RAD a fait à tort référence aux facteurs aggravants constituant des éléments de l’allégation 2, qui n’a pas été établie, le comité n’est pas convaincu qu’on ne puisse s’appuyer sur aucun des facteurs liés à l’allégation 2.

[338]  Par exemple, la RM a reconnu que la conduite du membre visé a bel et bien créé un conflit d’intérêts et qu’il s’agit bien d’un facteur aggravant, et qu’outre les messages déplacés de nature sexuelle, le membre visé a également reconnu, dans sa réponse, avoir envoyé des messages textes inappropriés dans lesquels il a critiqué les instances judiciaires et il a fait des commentaires désobligeants sur M. P.

[339]  Même s’il était au fait de la gravité de ses actes, le membre visé n’a pas signalé la situation, mais il est plutôt clair qu’il espérait que la situation se résolve d’elle-même, ce qui n’a pas été le cas en fin de compte, car l’affaire a été portée à l’attention de l’off. resp. dans une note de service de l’ARSC.

[340]  Comme il a été mentionné plus haut, dans la section de son argumentation portant sur les circonstances atténuantes, la RM s’appuie sur des éléments du Guide des mesures disciplinaires, des décisions antérieures et de la documentation d’appui pour démontrer que le membre visé devrait se voir infliger une pénalité financière plutôt que d’être congédié.

[341]  En premier lieu, la RM affirme que les messages textes figurant dans l’examen ne contiennent aucun élément prouvant que le membre visé a exercé de la pression ou de la contrainte à l’égard de Mme W, et qu’en outre, il y avait une attirance mutuelle entre le membre visé et Mme W et que les deux prenaient part à l’échange, ce qui témoignait d’une relation consensuelle; cela dit, dans le cas d’une femme qui faisait l’objet de mauvais traitements ainsi que d’autres facteurs de vulnérabilité, le comité ne saurait admettre que des sentiments mutuels, la participation des deux parties, l’aspect consensuel ou l’absence de pression ou de contrainte puissent justifier, d’une manière ou d’une autre, ce que bien des gens considéreraient comme une rupture par le membre visé du lien de confiance dans ses fonctions policières, ou avoir d’importants effets atténuants sur un tel résultat, surtout en présence d’un déséquilibre des pouvoirs et de vulnérabilité.

[342]  D’ailleurs, dans sa déclaration et son allocution à l’intention du comité, le membre visé lui-même a fait plusieurs fois référence au bris de confiance découlant de son inconduite et à ses répercussions sur diverses personnes, mais surtout à la protection de Mme W du fait que l’accusation dans le dossier de violation a été suspendue.

[343]  Bien que le contenu des messages textes figurant dans l’examen et le langage qui y est employé puissent ne pas démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que Mme W a subi de la pression de la part du membre visé ou qu’elle avait peur de lui, il est évident que le public serait outré de savoir que le membre a manqué de jugement au point d’entreprendre une relation avec Mme W dans les circonstances et de la manière décrites.

[344]  De plus, le comité n’accepte pas la déclaration explicite ou implicite selon laquelle l’inconduite du membre visé n’a eu que peu d’incidence sur les opérations, ou n’en a pas eu du tout, et estime d’ailleurs qu’elle a comporté de très grands risques non seulement pour lui, mais aussi pour la réputation et le rôle de la GRC et l’intégrité du dossier de violation.

[345]  Même s’il n’y a pas eu d’autres plaintes ou incidences similaires, il ne s’agit pas là d’un important facteur atténuant vu la gravité de l’inconduite du membre visé.

[346]  Dans son argumentation, la RM a fait valoir à juste titre que le membre visé a coopéré au cours de l’enquête et a assumé la responsabilité de ses actes, or, le poids de cet argument est moindre si l’on tient compte du fait que, comme il a été décrit plus haut, il n’a pas fait part de son inconduite de façon proactive, laquelle n’a été portée à l’attention de l’off. resp. qu’une fois que Mme W a informé le PCVF et l’ARSC.

[347]  De plus, il y a une certaine valeur atténuante au fait que le membre visé a reconnu les faits qui lui sont reprochés à l’allégation 1 et qu’il a formulé une réponse détaillée à l’énoncé détaillé de l’avis disciplinaire, plus particulièrement qu’il a reconnu bon nombre des éléments de l’énoncé détaillé relatif à l’allégation 1, a aidé le comité au moment de rendre une décision et a permis la formulation de conclusions sans nécessiter de témoignage oral.

[348]  Bien que dans sa lettre, le gend. Majid affirme que le membre visé donne un rendement supérieur à la moyenne, les évaluations de rendement montrent que ce dernier a donné un bon rendement et est devenu de plus en plus compétent au cours de ses deux années de service. Quant au serg. Pauls, il décrit dans sa lettre le rendement du membre visé comme satisfaisant, mais selon l’affaire Greene, un rendement moyen n’a que peu, si toutefois il en a, de valeur atténuante, tout comme le fait de n’avoir aucun dossier disciplinaire compte tenu de ses brefs états de service.

[349]  En ce qui a trait aux lettres de référence, le comité ne souscrit pas entièrement au cadre et à l’analyse proposés dans la réfutation de la RAD, bien que certains éléments avancés s’appliquent en l’espèce.

[350]  À cet égard, la RAD a raison de signaler que la mesure dans laquelle les auteurs des lettres de référence connaissent les circonstances de l’inconduite et la source de ces connaissances revêtent de l’importance au moment de déterminer le poids ou la valeur des lettres, et en l’espèce, les lettres de référence reposent uniquement sur de l’information fournie par le membre visé, ce qui témoigne du fait que le membre agissait pour son propre intérêt et ne permet pas au comité de savoir avec certitude que les auteurs étaient bien au fait des circonstances entourant l’allégation 1 (ou l’allégation 3).

[351]  En fait, toutes les lettres de référence (à l’exception de la lettre du gend. Harrison) ont été rédigées avant la date à laquelle le comité a rendu une décision écrite et de vive voix, et on n’y trouve aucun élément laissant croire que les auteurs avaient lu l’avis d’audience disciplinaire ou pris connaissance d’une autre source d’information (p. ex. l’entrevue), ce qui signifie que leur connaissance de l’inconduite était floue ou tout au plus minimale et réduit donc la valeur atténuante qui leur est accordée, même si le comité n’accepte pas, en l’espèce, l’affirmation de la RAD, dans sa réfutation, selon laquelle il ne devrait accorder aucun poids aux lettres de référence du fait que les auteurs n’avaient qu’une vague connaissance de l’inconduite.

[352]  Le comité ne se soucie pas excessivement du fait que les lettres de référence soient adressées « à qui de droit », car il est évident, d’après leur contenu, que les auteurs savaient que leur lettre allait être utilisée, ou avaient l’intention de l’utiliser, dans le cadre des procédures de déontologie en faveur du membre visé.

[353]  Dans sa réfutation, la RAD a fait remarquer, à juste titre, que l’étendue, la nature et la profondeur de la relation avec le membre visé, ainsi que la période durant laquelle elle a eu lieu, influent également sur le poids donné à une lettre de référence.

[354]  En l’espèce, dans leurs lettres, les gend. Majit et Chang et le serg. Pauls (deux d’entre eux s’étant décrits comme étant des amis du membre visé) ont affirmé avoir travaillé avec le membre pendant une période allant d’un an à un an et demi, et le gend. Harrison est également un collègue et un ami du membre visé, et il connaît ce dernier depuis leur passage à la Division Dépôt (c’est-à-dire depuis deux ans et demi environ), soit un peu plus longtemps que les trois autres membres.

[355]  Les lettres des gend. Majid, Chang et Harrison et du serg. Pauls confirment que le membre visé travaille bien en équipe, n’hésite pas à offrir son aide, affiche une attitude positive, est bienveillant et fiable et apporte une contribution au milieu de travail, autant d’éléments positifs en sa faveur.

[356]  La lettre de Mme E a plus de poids en ce sens que cette dernière entretient une relation avec le membre visé et le connaît depuis plus longtemps que ses collègues susmentionnés, et qu’elle confirme son expérience de formation universitaire et ses contributions en matière de travail communautaire et de bénévolat.

[357]  Dans la plupart des lettres de référence, les auteurs ont souligné que le membre visé regrettait ses actes et ont décrit son inconduite comme une erreur ponctuelle ou le fruit d’un manque de jugement momentané.

[358]  Bien qu’elle ne le fasse pas tout à fait clairement, la RAD sous-entend, dans sa réfutation, que les lettres de référence auraient pu être plus claires relativement à la mesure dans laquelle les auteurs étaient au courant des faits en l’espèce, ce qui peut être considéré comme une déclaration supplémentaire au sujet de leur connaissance de l’inconduite du membre visé, puisque les lettres de référence font clairement état du fait que les opinions exprimées par les auteurs reposent sur leurs observations au sujet du membre et des échanges qu’ils ont eus avec lui, qui témoignent de leur connaissance de son tempérament et de ses actes (par opposition à la connaissance de l’inconduite qu’ils ont acquise par l’intermédiaire du membre visé seulement).

[359]  Le comité estime également que le fait que la lettre d’excuses du membre visé à l’intention de l’ARSC et du PCVF a été rédigée, même s’il ne semble pas qu’elle a été envoyée encore, constitue un facteur positif.

[360]  Le comité ne reconnaît pas l’invitation de la RAD, dans sa réfutation, visant à arriver à une conclusion défavorable du fait qu’aucune excuse n’a été présentée à Mme W, étant donné qu’il est généralement attendu, et qu’il a été réaffirmé à la suite d’une modification apportée à une politique (chap. XII.1 – Déontologie du Manuel d’administration, art. 5.4.2.1.2.1.6., entrée en vigueur le 21 mars 2018), qu’il est interdit à un membre suspendu de communiquer avec quelconque témoin ou plaignant, à moins qu’il soit expressément autorisé à le faire.

[361]  En résumé, les lettres de référence présentent des observations et des commentaires positifs au sujet du membre visé, ce qui est tout à son honneur.

[362]  S’ensuit l’examen de la lettre du Dr Morosan, qui amène le comité à se questionner sur son admissibilité ou sa pertinence en l’espèce.

[363]  Comme il est mentionné plus haut, la RM a signalé que, pour les besoins de l’étape sur les mesures disciplinaires, la lettre du Dr Morosan témoigne du fait atténuant selon lequel le membre visé a cherché à obtenir de l’aide psychologique, qu’il était réceptif au traitement et qu’il continue de suivre le traitement, et que, selon le Dr Morosan, il ne risque pas de récidiver.

[364]  Dans sa réfutation, la RAD signale que le comité ne peut pas admettre en preuve la lettre du Dr Morosan étant donné qu’elle n’est pas conforme aux paragraphes 18(1) et 19(2) des CC (déontologie), alors que la RM cite les décisions Children’s Aid, Canada Post et Cormier lorsqu’elle affirme que ladite lettre est admissible; cela dit, la RAD n’a pas fait référence à ces affaires dans sa réfutation.

[365]  La décision Children’s Aid reposait notamment sur des règles régissant les témoignages d’experts, qui ne différaient pas de celles énoncées dans les CC (déontologie), et le tribunal a conclu que le témoignage de certains experts était admissible même s’ils ne respectaient pas ces règles, ce sur quoi la RM s’appuie dans son argumentation au moment d’affirmer de façon explicite ou implicite que la lettre du Dr Morosan peut être admise en preuve.

[366]  Cependant, le tribunal saisi de l’affaire Children’s Aid a établi une distinction importante, qui n’est pas abordée de manière exhaustive dans l’argumentation de la RM. Dans la décision Children’s Aid, le tribunal a conclu que les opinions formulées par des professionnels et fondées sur des observations ou des examens personnels de la question en litige n’avaient pas à respecter les règles régissant les témoignages d’experts, mais cela s’applique seulement aux situations où les experts ne sont pas appelés seulement à formuler un avis dans le cadre d’une instance (paragr. 115).

[367]  En d’autres mots, il existe une distinction entre divers avis ou rapports présentés par des experts à la société d’aide à l’enfance dans le cadre normal d’une affaire dans le but de l’aider à gérer l’affaire et à prendre des décisions sur le plan des questions de protection des enfants et de soins aux enfants et les services d’un professionnel retenus pour la formulation d’une opinion sur l’instance.

[368]  Dans le cas de la lettre du Dr Morosan, il est assez évident qu’on a demandé à celui-ci de donner son avis en vue de l’étape des mesures disciplinaires, qui fait partie de l’instance, et qu’il ne s’agit pas d’une tâche qu’il a effectuée dans le cadre de ses activités normales de soins prodigués au membre visé et que, par conséquent, si l’on se fie à la décision Children’s Aid, ladite lettre ne devrait pas être admise en preuve comme l’a affirmé la RM dans son argumentation.

[369]  Si la lettre du Dr Morosan était admissible en vertu de la décision Children’s Aid, le tribunal saisi de l’affaire a fait expressément remarquer que même si un témoin n’était pas tenu de respecter les règles régissant les témoignages d’experts, cela ne signifie pas que la fonction de « gardien » ne devrait pas être exercée (paragr. 116), ce qui concorderait avec les instructions données par la Cour suprême du Canada dans le jugement WBLI rendu quelques mois avant celui rendu dans l’affaire Children’s Aid.

[370]  De plus, ou à titre subsidiaire, la RM fait valoir dans son argumentation que la lettre du Dr Morosan devrait être acceptée en tant que témoignage d’un non-spécialiste et qu’un poids considérable devrait y être accordé étant donné que le Dr Morosan possède l’expérience nécessaire pour pouvoir donner son avis sur la probabilité que le membre visé se comporte de nouveau de manière semblable.

[371]  Dans son argumentation, la RM cite la décision Canada Post comme étant pertinente en l’espèce, faisant remarquer qu’un peu comme il est décrit au paragraphe 24(1) des CC (déontologie), qui stipulent qu’au moment d’examiner les mesures disciplinaires à imposer, un comité de déontologie « peut » examiner tout élément soumis par les parties (et même si on n’y a pas fait référence, se reporter également au paragraphe 45(2) et à l’alinéa 24.1(3)c) de la Loi sur la GRC, qui octroient à un comité de déontologie le pouvoir notamment de recevoir des éléments de preuve, qu’ils soient ou non recevables devant un tribunal), l’arbitre a jugé le témoignage d’un psychologue admissible en preuve du fait qu’il peut s’avérer pertinent et utile au moment de prendre les facteurs atténuants en considération, ce qui est, selon la RM, également le cas dans les affaires traitées dans l’ancien régime disciplinaire et dans l’actuel régime de déontologie de la GRC.

[372]  La nature exacte de l’argument dont il est question ici n’est pas parfaitement claire, car si on analyse le tout, les comités d’arbitrage et les comités de déontologie peuvent avoir, à raison, accepté et pris en considération des éléments de preuve de nature psychologique au moment de déterminer les peines ou mesures disciplinaires appropriées, mais cela ne signifie pas que ce genre d’éléments de preuve est automatiquement admissible.

[373]  En effet, dans son argumentation, la RM cite la décision d’appel Cormier à titre d’exemple récent d’affaire où il n’y a eu aucune objection à l’admissibilité de l’élément de preuve de nature psychologique, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, car la RAD s’est objectée à l’admissibilité de la lettre du Dr Morosan.

[374]  Par ailleurs, en demandant l’admissibilité d’un témoignage d’un non-spécialiste, il n’est pas clair si la RM s’appuie sur le jugement Graat étant donné qu’il est assez clair dans ce cas qu’on n’a pas accordé plus de poids au témoignage d’un non-spécialiste. Or, la RM demande, dans son argumentation, qu’un poids considérable soit accordé à ce genre de témoignage.

[375]  Si l’on ne s’appuie pas sur la démarche employée dans l’affaire Graat, on ne peut pas savoir avec certitude dans quelle mesure les décisions Canada Post et Cormier peuvent aider à déterminer l’admissibilité de la lettre du Dr Morosan en tant que témoignage d’un non- spécialiste, car dans les deux cas, le témoignage était sans contredit admis et pris en considération à titre de témoignage d’expert.

[376]  Dans sa réfutation, la RAD ne formule pas d’arguments très pertinents à cet égard, car elle affirme simplement que la lettre du Dr Morosan n’est, dans l’ensemble, pas admissible en raison des exigences énoncées dans les CC (déontologie) ou des critères Mohan, bien qu’aucune analyse ne soit fournie en ce qui a trait à l’application de ces derniers.

[377]  Ainsi, si l’on s’appuie d’abord sur l’argument selon lequel aucun pouvoir discrétionnaire ne permet d’admettre en preuve ou de prendre en considération la lettre du Dr Morosan, le comité estime qu’il s’agit d’une mauvaise interprétation, surtout parce que l’article 19 des CC (déontologie) précise que les exigences doivent être respectées par l’une ou l’autre des parties et ne contient aucune mesure exécutoire pour un comité de déontologie.

[378]  En fait, le paragraphe 13(3) des CC (déontologie) procure expressément au comité de déontologie le pouvoir de remédier au défaut de respecter les règles de procédure, et en vertu du paragraphe 13(2) desdites Consignes, un comité de déontologie peut adapter les règles de procédure en tenant compte de l’équité procédurale.

[379]  Lu dans l’ensemble et en tenant compte du contexte, il semble clair que n’importe quel élément de preuve peut être pris en considération par un comité de déontologie afin de déterminer les mesures appropriées à imposer, et que dans le cas d’un témoignage d’expert, si ce dernier ne respecte pas les règles de procédure, le comité de déontologie a le pouvoir discrétionnaire de décider de la suite des choses.

[380]  Au moment d’arriver à cette conclusion, la RAD a affirmé à juste titre que les critères Mohan, tels que modifiés par suite du jugement WBLI, s’appliquent dans le contexte de l’examen de l’admissibilité et de l’application de la lettre du Dr Morosan.

[381]  Par conséquent, dans les circonstances de l’espèce, il est évident que la lettre du Dr Morosan ne satisfait pas à toutes les exigences énoncées au paragraphe 19(2) des CC (déontologie).

[382]  D’ailleurs, selon l’expérience récente du comité, il n’est pas rare que les représentants de membres présentent des rapports d’expertise médicale ou psychologique qui ne sont pas, ou qui sont très peu, conformes au paragraphe 19(2) des CC (déontologie), et le comité a l’intention de fournir des commentaires sur les conclusions possibles, ce qui nécessite une certaine analyse du jugement WBLI.

[383]  Comme point de départ, l’article 19 des CC (déontologie) s’applique dans un contexte législatif particulier et il a pour but d’accélérer les procédures et de s’assurer que, comme d’autres modifications à la Loi sur la GRC ayant trait à la déontologie et liées à la création des CC (déontologie), les parties, c’est-à-dire le membre visé et l’autorité disciplinaire, communiquent l’information pertinente et présentent les éléments de preuve appropriés aussi tôt que possible afin d’éviter les longs processus de requête et d’argumentation sur la preuve. De plus, il vise à faire obstacle aux ajournements et aux retards inutiles ou, s’il y a lieu, à rendre des décisions sans devoir entendre des témoins.

[384]  Comme en témoignent certaines des affaires examinées plus haut, les exigences énoncées au paragraphe 19(2) des CC (déontologie) sont comparables aux dispositions qui s’appliquent à d’autres procédures administratives et civiles, et il est évident que les parties doivent s’y conformer, entre autres considérations pratiques, car ne pas les respecter risque de se répercuter sur le poids qui sera accordé à toute opinion d’expert, si elle est admise.

[385]  Par exemple, selon les alinéas (2) e) et f) , le rapport d’expertise doit contenir les faits et les hypothèses sur lesquels les opinions sont fondées et les motifs à l’appui de chaque opinion exprimée.

[386]  Dans la pratique, si un rapport d’expertise ou une opinion indique simplement, comme c’est le cas de la lettre du Dr Morosan, que l’expert se fonde uniquement sur les « faits » volontairement déclarés par le membre visé et que le document ne contient pas des détails suffisants sur lesdits faits, cela risque non seulement de diminuer la valeur du rapport ou des opinions formulées par l’expert, car l’élément de preuve que constitue le rapport deviendra évident, mais également de rendre le document inadmissible en preuve d’après le jugement MBLI.

[387]  Contrairement à l’hypothèse apparente formulée dans l’argumentation de la RM, il ne s’agit pas simplement d’établir la pertinence ou l’utilité de la lettre du Dr Morosan au moment de l’examen des facteurs atténuants (décision Canada Post), ou encore le fait que la lettre traite de questions qui dépassent les capacités d’entendement du comité, car il est clair qu’un rapport d’expertise doit d’abord être jugé admissible, c’est pourquoi le paragraphe 24(1) des CC (déontologie) stipule qu’un comité de déontologie « peut » examiner tout élément soumis à l’étape des mesures disciplinaires.

[388]  Dans le jugement WBLI, le juge Cromwell a présenté un processus en deux étapes pour évaluer l’admissibilité des témoignages d’experts.

[389]  Dans un premier temps, le proposant doit démontrer qu’il satisfait aux quatre critères énoncés dans l’arrêt Mohan, à savoir la pertinence logique, la nécessité, l’absence de toute règle d’exclusion et la qualification suffisante de l’expert (paragr. 23).

[390]  Dans un deuxième temps, « le juge-gardien exerce son pouvoir discrétionnaire en soupesant les risques et les bénéfices éventuels que présente l’admission du témoignage, afin de décider si les premiers sont justifiés par les seconds » (autrement dit, en déterminant si le témoignage est assez avantageux pour les procédures pour justifier son admission malgré le préjudice potentiel qui peut découler de son admission, p. ex. au chapitre des délais, du tort ou de la confusion) (paragr. 24).

[391]  En ce qui concerne l’analyse des critères d’admissibilité du témoignage de l’expert, le juge Cromwell insiste sur le fait que l’expert a l’obligation « de donner un témoignage d’opinion qui soit juste, objectif et impartial » (paragr. 10). De plus, il soutient que « l’opinion de l’expert doit être impartiale, en ce sens qu’elle découle d’un examen objectif des questions à trancher », « indépendante, c’est-à-dire qu’elle doit être le fruit du jugement indépendant de l’expert, non influencée par la partie pour qui il témoigne ou l’issue du litige », et « exempte de parti pris, en ce sens qu’elle ne doit pas favoriser injustement la position d’une partie au détriment de celle de l’autre » (paragr. 32). Ces concepts doivent être appliqués aux réalités du litige (p. ex. le fait d’être engagé, mandaté et payé par une partie ne compromet pas l’impartialité, l’indépendance ni l’absence de parti pris de l’expert).

[392]  L’une des principales clarifications provenant du jugement WBLI est celle où le juge Cromwell a affirmé sans équivoque que l’indépendance, l’impartialité et l’absence de parti pris jouent au regard tant de l’admissibilité du témoignage que de la valeur de celui-ci (paragr. 33 et 45), et que pour qu’un témoignage soit inadmissible, il faut plus qu’une simple apparence de partialité et il ne s’agit pas simplement de savoir si une personne raisonnable considérerait que l’expert n’est pas indépendant. « Il faut plutôt déterminer si le manque d’indépendance de l’expert le rend de fait incapable de fournir une opinion impartiale » (paragr. 36, où l’on cite Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, paragr. 106) (p. ex. l’intérêt de l’expert dans le litige ou ses liens avec une des parties, ou encore l’attitude ou le comportement de l’expert, qui s’est fait défenseur d’une partie, a mené à l’exclusion de son témoignage [paragr. 37]).

[393]  Du point de vue de la procédure, le juge Cromwell n’était pas prêt à affirmer qu’il faut présumer l’indépendance et l’impartialité d’un expert si elles ne sont pas contestées, mais qu’en l’absence d’une telle contestation, le critère est satisfait si l’expert, dans son attestation ou sa déposition, reconnaît son obligation et l’accepte (paragr. 47). Il conclut également que ce critère n’est pas exigeant, et qu’il sera probablement rare que le témoignage de l’expert proposé soit jugé inadmissible au motif qu’il n’y satisfait pas.

[394]  Une fois que le critère de l’obligation de l’expert est satisfait, il incombe à la partie qui s’oppose à l’admission du témoignage de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, « un motif réaliste de le juger inadmissible au motif que l’expert ne peut ou ne veut s’acquitter de son obligation » (paragr. 48), et (paragr. 49) :

[…] « le témoignage ne devrait pas être exclu d’office, et son admissibilité sera déterminée à l’issue d’une pondération globale du coût et des bénéfices de son admission. »

[395]  C’est sous le quatrième critère établi par l’arrêt Mohan, à savoir la qualification suffisante de l’expert, qu’il convient de déterminer si un expert peut s’acquitter de son obligation d’impartialité, d’indépendance et d’exemption de parti pris (paragr. 53), et même si l’expert satisfait au critère, « le juge doit encore tenir compte des réserves émises relativement à l’indépendance et à l’impartialité de l’expert lorsqu’il évalue la preuve à l’étape où il exerce son rôle de gardien », et (paragr. 54) :

« Au bout du compte, le juge doit être convaincu que les risques liés au témoignage de l’expert ne l’emportent pas sur l’utilité possible de celui-ci. »

[396]  Si l’on revient à la lettre du Dr Morosan, et si l’on met de côté un instant les trois premiers critères Mohan, le comité signale que rien n’indique précisément que le Dr Morosan a été mis au courant de l’obligation d’impartialité, d’indépendance et d’exemption de parti pris (notamment au moyen d’une attestation comme celle qui figure souvent dans les rapports d’expertise), mais, dans sa réfutation, la RAD n’a pas invoqué ce motif pour remettre en question l’admissibilité de la lettre.

[397]  Par ailleurs, il est à noter que la lettre du Dr Morosan découle uniquement de la relation patient-thérapeute, et comme il est précisé dans la décision Eden, une certaine vigilance doit être exercée dans de telles circonstances (paragr. 74). De plus, on souligne dans le jugement WBLI que l’on peut se pencher sur les rapports d’un expert avec une partie afin de déterminer si celui-ci s’acquitte de son obligation d’apporter une aide juste, objective et impartiale.

[398]  Le comité émet également des réserves à l’égard du fait que les opinions formulées dans la lettre du Dr Morosan ne s’appuient sur aucun élément d’information indépendant, et on peut même y percevoir que l’expert se porte clairement à la défense du membre et que, par conséquent, il ne fait pas preuve d’indépendance et d’impartialité et n’est pas exempt de parti pris dans ses propos et au moment de poser son diagnostic (p. ex. lorsqu’il écrit qu’en sa qualité de psychologue traitant, il est très favorable à ce que le membre visé reprenne ses fonctions policières), ce qui est quelque peu amplifié par le fait qu’il est écrit qu’aucune évaluation systématique n’a été effectuée et qu’aucun diagnostic n’a été posé.

[399]  Malgré les réserves décrites précédemment, le comité n’est pas d’avis que la lettre du Dr Morosan ne satisfait pas au quatrième critère d’admissibilité établi dans l’arrêt Mohan (qualification suffisante de l’expert), mais il estime que lesdites réserves ont une incidence sur la valeur atténuante qui sera accordée à ladite lettre, comme il est expliqué plus bas.

[400]  En outre, le comité est disposé à considérer la lettre du Dr Morosan comme pertinente en l’espèce, mais il a des réserves quant à sa nécessité, du fait notamment qu’elle ne repose sur aucune évaluation, qu’aucun diagnostic figurant dans le DSM-V n’a été apparemment posé, que rien n’indique que le membre ait ou ait déjà eu une condition ou un trouble pertinent eu égard aux allégations et, au bout du compte, que l’opinion du Dr Morosan sur la probabilité de récidive est en grande partie fondée sur ce que le membre lui a raconté, ce qui n’est aucunement décrit dans la lettre. Cela dit, plutôt que de faire preuve d’une trop grande rigueur sur le plan de l’admissibilité, et en accord avec les attentes apparemment moindres concernant ce critère dans certaines des affaires citées, le comité est disposé à conclure que le critère de nécessité est respecté.

[401]  Après s’être penché sur le premier, le deuxième et le quatrième critère du cadre établi dans l’arrêt Mohan, le comité a examiné l’absence de toute règle d’exclusion. Bien que la RAD ne l’ait pas affirmé directement dans sa réfutation, il est sous-entendu qu’elle avance que ce critère n’est pas satisfait en invoquant le paragraphe 19(2) des CC (déontologie).

[402]  Cependant, même si le paragraphe 19(2) des CC (déontologie) a été considéré comme étant une règle d’exclusion dans la mesure où il n’est pas respecté, du moins en l’espèce, le comité est disposé à exercer son pouvoir discrétionnaire afin d’admettre en preuve la lettre du Dr Morosan, même si elle n’est pas conforme au paragraphe 19(2) des CC (déontologie), mais il réaffirme que le défaut de satisfaire aux critères énoncés au paragraphe 19(2) aura une incidence sur la valeur atténuante qui y sera accordée (et il n’écarte pas la possibilité que d’autres rapports d’expertise soient rejetés dans d’autres dossiers d’inconduite).

[403]  Dans sa lettre, le Dr Morosan a d’abord affirmé ne pas croire que, même si aucune évaluation systématique n’a été effectuée ou qu’aucun diagnostic n’a été posé, le membre visé satisfait aux critères permettant de poser un diagnostic figurant dans le DSM-V, ce qui signifie, en termes simples, que le membre visé ne souffre ou ne souffrait pas d’une condition répertoriée dans le DSM-V.

[404]  En se fondant sur les dires du membre visé, le Dr Morosan a ensuite exprimé l’opinion selon laquelle les réactions d’anxiété et les émotions que le membre a manifestées sont celles attendues d’une personne ayant une bonne santé mentale qui fait l’expérience de situations personnelles et professionnelles telles que celles décrites par le membre visé.

[405]  Prises en considération conjointement, ces deux opinions semblent présenter une valeur tant atténuante qu’aggravante : d’abord, le membre visé ne souffrait pas et ne souffre pas d’un trouble mental ou d’une autre condition et est en bonne santé psychologique, ce qui constitue un facteur atténuant; ensuite, il n’y a aucune véritable raison médicale ou psychologique qui explique l’inconduite du membre et qui puisse atténuer la gravité de ses actes, ce qui constitue un facteur aggravant.

[406]  Enfin, le Dr Morosan a exprimé une troisième opinion selon laquelle il ne croit pas, d’après la description précise de l’affaire par le membre visé et l’analyse qu’il a faite de son comportement, que le membre risque de refaire une erreur semblable. Il formule également les commentaires suivants [TRADUCTION] :

Au contraire, il n’y a aucun doute dans mon esprit que le motif initial du membre visé pour communiquer sur une période prolongée avec la jeune femme était la compassion et une empathie sincère pour sa détresse, et qu’à aucun moment [le membre visé] n’a exprimé qu’il avait l’intention de l’exploiter ou de la maltraiter.

….

De plus, compte tenu de récents développements dans la vie personnelle [du membre visé] survenus depuis sa suspension, j’ai encore plus de raisons de croire que les risques qu’il commette des erreurs semblables à l’avenir sont faibles.

….

En résumé, en ma qualité de psychologue traitant, je suis très favorable à ce que [le membre visé] reprenne ses fonctions policières. Je n’ai relevé aucun élément indiquant que les erreurs qu’il a commises étaient le fruit d’une malveillance.

[407]  La valeur accordée à la lettre du Dr Morosan est sérieusement minée en raison des opinions décrites précédemment, d’une part, parce que comme le montre l’extrait ci-dessus, il ne fait aucun doute que le Dr Morosan se fie entièrement sur les faits rapportés par le membre visé pour se forger une opinion et, d’autre part, parce qu’il ne peut pas être au courant de l’ensemble des messages textes ayant fait l’objet de l’examen, ou encore des propos tenus durant l’entrevue du membre visé, étant donné qu’il est évident pour tous que le membre visé n’agissait pas seulement par compassion et empathie lorsqu’il a communiqué sur une période prolongée avec Mme W vu le contenu sexuellement explicite des messages et des photographies échangés avec elle.

[408]  De plus, compte tenu des circonstances de l’espèce et surtout de la situation de Mme W, le fait de conclure qu’il y n’y a pas eu d’exploitation de la part du membre visé ne repose tout simplement pas sur une compréhension des faits, de la chronologie des événements ni du contenu des messages textes.

[409]  En effet, après avoir montré à Mme W une photo totalement déplacée de lui quelques minutes après son arrivée à sa résidence, le membre visé a envoyé à Mme W, dans l’heure suivant son départ de sa résidence, des messages textes contenant des remarques sexuellement explicites, ce qui ne témoigne pas d’un comportement empreint de compassion et d’empathie.

[410]  Soyons clair : le comité ne prétend pas que son opinion est plus valable que celle du Dr Morosan sur ce point, mais il soutient simplement qu’il ne peut accorder un poids considérable à cet avis de l’expert étant donné qu’il n’a pas énoncé les faits sur lesquels il s’est fondé pour se forger une opinion. En outre, ou à titre subsidiaire, les faits objectifs qui ont été établis au cours de l’examen et de l’entrevue sont en totale contradiction ou incompatibilité avec ceux sur lesquels le Dr Morosan s’est apparemment appuyé et qui ont été rapportés par le membre visé.

[411]  Le Dr Morosan peut « croire » que le membre visé ne risque pas de refaire une erreur semblable, mais il n’a effectué aucune évaluation diagnostique et n’a pas énoncé les faits ou les hypothèses sur lesquels il a fondé son opinion (il s’est seulement fié au compte rendu du membre visé), ce qui est au mieux équivoque, et de manière générale, on a vraiment l’impression que le Dr Morosan a écrit sa lettre en tant que défenseur du membre visé ou, comme il l’a écrit, en sa qualité de psychologue traitant qui est très favorable à ce que le membre reprenne ses fonctions, ce qui ne témoigne pas d’une opinion impartiale ou indépendante, et diminue la valeur qui lui est accordée.

[412]  Le comité reconnaît que le membre visé a cherché à obtenir et a reçu des services de counselling et qu’il a acquis des outils lui permettant de gérer son stress et son anxiété liés au travail tels que décrits dans la lettre du Dr Morosan, mais au final, il est difficile de voir en quoi ces mesures atténuent la gravité de l’inconduite du membre visé, qui s’explique, au mieux, par le fait que le membre se sentait seul, selon ses dires (page 283, ligne 357).

[413]  Bien que le comité soit disposé à accepter l’invitation de la RM à conclure que le membre visé a cherché à obtenir de l’aide psychologique, qu’il s’est montré réceptif au traitement et qu’il continue d’y prendre part, ces éléments ne sont pas très pertinents eu égard à l’inconduite ou comme facteur atténuant étant donné que le traitement ne découle pas de l’inconduite ou ne s’y rapporte pas.

[414]  Même si dans sa lettre, le Dr Morosan parle d’un « traitement » ayant trait aux facteurs pouvant rendre le membre visé vulnérable à une relation avec un membre du public et qui font que des membres du public en détresse se sentent attirés par lui, aux effets négatifs que des mauvaises interprétations de ses messages pourraient avoir sur des personnes vulnérables et à la création, au maintien et à la communication de limites professionnelles pendant ses échanges avec des clients, il est faux d’affirmer que le membre visé est resté, à son insu, dans une zone grise en tant que professionnel compte tenu de la manière dont il a initié les échanges déplacés et de nature sexuelle avec Mme W, de la forme et du contenu de ces échanges et de la chronologie des événements, car il ne manquait pas de clarté à propos des responsabilités professionnelles du membre en l’espèce.

[415]  En ce qui a trait à l’affirmation de la RM selon laquelle le Dr Morosan était d’avis que le membre visé ne risque pas de récidiver, pour les raisons déjà citées, le comité ne juge pas que cette opinion a beaucoup de poids ou de valeur atténuante en l’espèce.

[416]  Le comité s’est également penché sur la demande distincte de la RM afin que la lettre du Dr Morosan soit admise comme témoignage d’opinion d’un non-spécialiste et qu’un poids considérable y soit accordé, mais si le comité admet ce témoignage en preuve, il ne lui accordera pas une valeur considérable pour les raisons citées plus haut ou parce qu’il ne peut y accorder plus de poids que celui qui est accordé pour le même genre de témoignage dans l’affaire Graat.

[417]  Le comité reconnaît que la RAD a demandé, dans sa réfutation, la possibilité de se pencher sur le témoignage du Dr Morosan si le comité avait l’intention d’accorder de la valeur, quelle qu’elle soit, à la lettre de ce dernier, mais dans les circonstances de l’espèce, le comité est d’avis qu’un examen oral ne serait pas nécessaire compte tenu du faible poids accordé aux opinions ou de leur faible valeur atténuante. En outre,le poids qui y est accordé, peu importe son importance, ne peut pas contrebalancer les circonstances relatives au fond de l’inconduite ou les facteurs aggravants relatifs à celle-ci, sur le plan individuel ou collectif.

[418]  Cependant, même si le comité avait tort en ce qui concerne l’évaluation ci-dessus de la lettre du Dr Morosan, qu’il l’admettait en preuve et qu’il s’appuyait sur ladite lettre sans réserve, la valeur atténuante de ce témoignage ne serait pas supérieure à la nécessité de s’assurer que les membres du public ont pleinement confiance qu’ils seront protégés et traités de manière professionnelle par n’importe quel membre de la GRC qui leur viendra en aide.

[419]  Le dernier élément de l’argumentation de la RM porte sur la déclaration du membre visé. Il est clair que le membre visé a travaillé activement dans la collectivité et a fait du bénévolat pendant ses études, ce qui l’a aidé à acquérir de l’expérience de travail. De plus, le membre visé est demeuré actif pendant la période où il a été suspendu de ses fonctions.

[420]  Il ne fait également aucun doute que le membre visé entretient des liens étroits avec sa famille et la GRC et qu’il regrette les actes qu’il a commis et éprouve de la honte à cet égard, et qu’il a présenté ses excuses, ce qui a une certaine valeur atténuante.

[421]  En se fondant sur l’allocution du membre visé, le comité accepte que le membre visé regrette ses actes, mais ce facteur ne pèse pas suffisamment dans la balance proportionnellement à la gravité de l’inconduite pour donner lieu à des mesures correctives ou éducatives du fait que la confiance du public et de la GRC envers le membre visé a été grandement compromise en raison des circonstances et de ses actes en l’espèce.

Allégation 3

[422]  En ce qui concerne l’allégation 3, la RAD affirme dans son argumentation que l’inconduite constitue un cas grave et devrait donner lieu à une confiscation de la solde équivalant à entre 25 et 30 jours de travail.

[423]  Dans son argumentation, la RM soutient que l’allégation 3 exige une peine faisant partie de l’éventail normal de mesures, à savoir une confiscation de la solde correspondant à entre deux et huit jours de travail.

[424]  Selon les circonstances entourant l’inconduite reprochée dans l’allégation 3 et en tenant compte du Guide des mesures disciplinaires, le comité conclut que l’éventail des mesures qui s’appliquent à un membre ayant fait preuve de négligence à l’égard de ses fonctions est une pénalité financière allant de modérée à importante.

[425]  Dans sa réfutation, la RAD n’a pas répondu à l’affirmation de la RM selon laquelle la RAD avait, dans son argumentation, qualifié à tort comme aggravants un certain nombre de facteurs qui faisaient partie de l’énoncé détaillé de l’avis d’audience, et le comité a pris note de ces facteurs, qui sont énumérés plus haut et qu’il ne considère pas comme aggravants, même s’ils témoignent du sérieux des conclusions relatives au fond découlant de l’inconduite établie et décrite dans l’allégation 3.

[426]  La RAD n’a pas non plus répondu à la déclaration que la RM a faite dans son argumentation selon laquelle la suspension de l’accusation dans le dossier de violation de la condition de non-communication ne peut pas être considérée comme un facteur pertinent relativement à l’allégation 3, car il s’agit d’une décision prise par le procureur de la Couronne et découlant des faits reprochés à l’allégation 1.

[427]  Le comité accepte que le fondement de la décision de suspendre l’accusation criminelle dans le dossier de violation n’est pas lié à l’inconduite décrite à l’allégation 3, ce qui doit être pris en considération au moment de déterminer les mesures disciplinaires appropriées en l’espèce.

[428]  Cela dit, le comité n’accepte pas entièrement le fait que l’absence de blessures ait une grande valeur atténuante, étant donné qu’il est généralement reconnu, et plus particulièrement mentionné dans la politique sur la violence dans les relations, que la violence dans les relations comporte des risques élevés et que la prévention des blessures graves et des décès constitue une priorité et, par conséquent, il semble inopportun d’atténuer grandement l’inconduite dans ce contexte étant donné que personne n’a été blessé ni tué.

[429]  Bien que les circonstances de l’espèce puissent être considérées comme quelque peu uniques en ce sens qu’elles ne sont pas traitées comme une incidence, une forme ou une catégorie précise d’inconduite dans le Guide des mesures disciplinaires, en réalité, le membre visé était au courant de la situation de Mme W, et lorsqu’elle a communiqué avec lui, quoiqu’il n’était pas de service, il a, de son propre aveu, fait peu d’efforts ou n’a pas fait d’efforts du tout pour veiller à sa sécurité et à sa protection, et pire encore, il a tenté de bloquer ses appels et ses messages à son insu.

[430]  Par conséquent, le comité conclut que les faits reprochés à l’allégation 3 constituent un cas grave étant donné qu’ils étaient directement liés à un comportement et à des messages inappropriés, ce qui l’a amené à ne pas prendre, de manière délibérée et intentionnelle, les mesures qui s’imposaient pour assurer la sécurité de Mme W.

[431]  D’ailleurs, le membre visé a avoué dans son entrevue que, malgré l’ambiguïté que présentait sa réponse, il savait que les circonstances étaient graves et il s’inquiétait pour la sécurité de Mme W (pages 286-287), or, il a omis d’agir, ce qu’il a confirmé dans son allocution à l’intention du comité.

[432]  Le comité a également pris en considération les lettres de référence et les évaluations de rendement, comme il est décrit sous l’allégation 1, et leur accorde le même poids qu’aux fins de l’allégation 3.

6. Conclusion

[433]  Il est communément admis que sous l’ancien comme le nouveau régime disciplinaire, même si les possibilités de réhabilitation et les mesures simples et correctives potentielles sont des éléments importants à prendre en considération, ils n’affaiblissent pas la capacité de la GRC à mettre fin à l’emploi d’un membre si la contravention touche au coeur même de la relation employeur-employés ou à la confiance du public, et ce, même si le membre a présenté des excuses et regrettes ses gestes, puisque le préjudice peut être tout simplement trop important, ce qui est le cas en l’espèce.

[434]  En ce qui concerne l’allégation 1, le maintien en poste du membre visé, compte tenu de la forme et de la nature tout à fait inacceptables de l’inconduite sexuelle, compromettrait clairement la confiance du public à l’égard de la Gendarmerie, par conséquent, le comité ordonne le congédiement du membre visé.

[435]  Pour ce qui est de l’allégation 3, le comité impose au membre une confiscation de la solde correspondant à 15 jours de travail, peine qui aurait été plus sévère si la mesure imposée relativement à l’allégation 1 n’avait pas été le congédiement.

[436]  L’autorité disciplinaire prendra les dispositions nécessaires pour mettre en oeuvre les mesures imposées par le comité. Par exemple, elle en informera la Section de la rémunération de la Division E et la Caisse fiduciaire de bienfaisance.

[437]  Avis est donné au membre visé que les décisions des comités de déontologie sont accessibles au public et qu’il ne sera pas informé dans le cas où une demande serait présentée en vue d’obtenir copie de la présente décision.

[438]  Conformément au paragraphe 25(2) des CC (déontologie), la présente décision prend effet au moment où copie de la décision est signifiée au membre visé.

[439]  Le présent rapport de décision constitue la décision définitive du comité, qui peut être portée en appel par le membre visé ou par l’autorité disciplinaire selon les dispositions établies dans la Loi sur la GRC.

PRO Digital Signature

 

Le 17 décembre 2018

Craig S. MacMillan

Commissaire adjoint

Comité de déontologie

 

Date


 

Liste de termes et définitions

Affaire Cook

R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43

Agression

Agression de Mme W par son petit ami, M. P., le ou vers le 27 mars 2017

Allégation 1

Le membre visé s’est conduit de manière déshonorante en montrant à Mme W une photographie révélatrice de lui et en échangeant avec elle des messages textes déplacés de nature personnelle et sexuelle, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du code de déontologie.

Allégation 2

Le membre visé a créé un conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel entre ses responsabilités professionnelles et ses intérêts personnels en ayant des échanges inappropriés de nature sexuelle et personnelle avec Mme W, contrevenant ainsi à l’article 6.1 du code de déontologie.

Allégation 3

Le membre visé a omis d’exercer ses fonctions avec diligence et de prendre les mesures appropriées pour aider Mme W, contrevenant ainsi à l’article 4.2 du code de déontologie.

Allégations

Allégations 1, 2 et 3 réunies

Allocution du membre visé

Commentaires formulés par le membre visé à l’intention du comité de déontologie le 5 décembre 2018

Argumentation de la RAD

Argumentation écrite de la représentante de l’autorité disciplinaire au sujet des mesures, accompagnée de la jurisprudence pertinente, reçue le 29 mai 2018

Argumentation de la RM

Argumentation écrite de la représentante du membre au nom du membre visé reçue dans deux courriels le 18 juin 2018 et accompagnée de documents d’appui et de jurisprudence

Arrêt Mohan

R. c. Mohan, [1994] 2 S.C.R. 9

ARSC

Avocat régional substitut de la Couronne

Avis

Avis d’audience disciplinaire et énoncé détaillé (daté du 21 décembre 2017)

Cas d’ébriété

L’officier compétent de la Division K et le gend. X, 6 DA (4e) 271 et L’officier compétent de la Division K et le gend. X, 5 DA (4e) 136

CC (déontologie)

Consignes du commissaire (déontologie)

CEE

Comité externe d’examen de la GRC

Comité

Comité de déontologie nommé dans le cadre des procédures disciplinaires

Condition de non-communication

L’une des neuf conditions imposées à M. P par le juge de la Cour provinciale au moment de sa mise en liberté le 28 mars 2017

Conditions

Conditions imposées à M. P au moment de sa mise en liberté le 28 mars 2017, relativement au dossier d’agression, y compris la condition de non-communication avec Mme W

Courriel de la RAD

Courriel de la RAD adressé au comité de déontologie et daté du 1er mai 2018 par suite de la signification de la décision écrite du comité

Critères Mohan

Critères à respecter au moment de traiter des témoignages d’experts et énoncés dans l’arrêt Mohan

DCI

Directive sur les conflits d’intérêts, chap. XVII.1. du Manuel d’administration

Décision Canada Post

Canada Post Corp. v. C.U.P.W. 2004 CarswellNat 1192

Décision Children’s Aid

Children’s Aid Society of Toronto v. R.(M.). 2016 ONCJ 215

Décision Cormier

Le commandant de la Division J et le gendarme Cormier, 2016 DARD 2

Arrêt Cormier

Décision de niveau II dans l’affaire Cormier en appel (dossier 2016-33572)

Décision Eden

Le commandant de la Division E et le gendarme Brian Eden, 2017 DARD 7

Décision Greene

Le commandant de la Division H et le gendarme Shawn Greene, 2017 DARD 5

Décision Hamlyn

L’officier compétent de la Division E et le gendarme J. Hamlyn, 11 DA (4e) 407

Décision Sawatsky

L’officier compétent de la Division K et le sergent Brent Sawatzky 11 DA (4e) 392

Déclaration du membre visé

Déclaration écrite présentée par le membre visé au comité de déontologie dans laquelle il décrit ses antécédents

Détachement

Détachement de la GRC à Surrey

Dossier d’agression

Dossier d’incident opérationnel du Détachement de Surrey qui porte sur l’agression

Dossier de violation

Violation par M. P de la condition de non-communication sur laquelle le membre visé a fait enquête

Entrevue

Déclaration et entrevue du membre visé le 27 juin 2017

Évaluations de rendement

Évaluations de rendement et plans d’apprentissage du membre visé pour les périodes s’étendant du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 et du 1er avril 2015 au 31 mars 2016, soumis par la RM au nom du membre visé

Examen

Examen réalisé par Cellebrite de 323 messages textes échangés entre le membre visé et Mme W

IRL

Initiative de réforme législative

Jugement Graat

R. c. Graat, [1982] 2 R.C.S. 819

Jugement WBLI

White Burgess Langille Inman c. Abbot and Haliburton Co., 2015 CSC 23

Jugement White

The Queen and Archer c. White, [1956] R.C.S. 154

Lettre d’excuses du membre visé

Lettre d’excuses écrite par le membre visé et soumise par la RM au nom du membre visé (destinée à l’ARSC et au PCVF)

Lettre de Mme E

Lettre de référence écrite par Mme E et soumise par la RM au nom du membre visé

Lettre du Dr Morosan

Lettre écrite par le Dr Morosan, psychologue agréé, et soumise au comité de déontologie par la RM au nom du membre visé

Lettre du gend. Chang

Lettre de référence écrite par le gendarme Chang et soumise par la RM au nom du membre visé

Lettre du gend. Harrison

Lettre de référence écrite par le gendarme Harrison et soumise par la RM au nom du membre visé

Lettre du gend. Majid

Lettre de référence écrite par le gendarme Majid et soumise par la RM au nom du membre visé

Lettre du serg. Pauls

Lettre de référence écrite par le sergent Pauls et soumise par la RM au nom du membre visé

Lettres de référence

Lettres de référence soumises par la RM au nom du membre visé

Loi sur la GRC

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 (modifiée)

Loi

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C 1985, ch. R-10 (modifiée)

M. P

Petit ami de Mme W faisant l’objet d’une enquête dans le dossier d’agression impliquant Mme W

Matrice de l’avis

Matrice contenue dans l’avis qui présente certains messages textes échangés entre le membre visé et Mme W

Matrice

Tableau des messages textes échangés entre le membre visé et Mme W, comme il est énoncé dans le rapport de déontologie

MB

Procureur de la Couronne chargé des dossiers de violence conjugale à qui Mme W a fait appel en premier lieu

Mme W

Membre du public qui a été agressée par M. P et contactée par le membre visé par suite de la violation par M. P de la condition de non- communication qui lui avait été imposée

Note de service

Note de service envoyée par l’ARSC à l’off. resp. du détachement dans laquelle on confirme qu’une discussion a eu lieu au sujet de la conduite du membre visé

Off. resp.

Officier responsable

PCVF

Procureur de la Couronne chargé de la violence familiale

Politique sur la violence dans les relations

Politique sur la violence et les mauvais traitements dans les relations, Manuel des opérations de la Division E

Politique sur les victimes

Art. 1.10 et 2.7 du chap. 37.6 (Assistance aux victimes) du Manuel des opérations

RAD

Représentante de l’autorité disciplinaire

Rapport de déontologie

Enquête relative au code de déontologie (datée du 29 juin 2017) et annexes

Réfutation de la RAD

Réfutation présentée par la RAD le 18 juillet 2018 en réponse à l’argumentation de la RM ou réponse à l’argumentation de la RM au sujet de l’analyse de la lettre du Dr Morosan

Réponse

Réponse du membre visé conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie)

Réunion 1

Réunion entre le comité de déontologie, la RAD et la RM tenue le 29 juin 2018 à Ottawa, en Ontario

Réunion 2

Réunion entre le comité de déontologie, la RAD et la RM tenue le 8 mars 2018 à Ottawa, en Ontario

RM

Représentante du membre

 



[1] À moins d’indication contraire, les numéros de page, les citations ou les références se rapportent à l’énumération figurant dans le rapport d’enquête déontologique (daté du 29 juin 2017) et aux annexes (rapport déontologique), ou à la documentation, à la décision judiciaire ou autre forme de jurisprudence pertinente, ou encore au document soumis par les représentantes et auquel on fait référence à cette étape de la décision.

[2] Le compte rendu de l’entrevue qui a eu lieu le 27 juin 2017 ainsi que la déclaration que le membre visé a faite ce même jour figurent à la page 272 du rapport de déontologie et sont désignés par le terme « l’entrevue », s’il y a lieu, dans la décision définitive.

[3] Depuis la signification de la décision écrite et de vive voix, le comité a appris que la politique sur les victimes avait été modifiée, et plus particulièrement, l’article 1.10 présente une définition de « victime vulnérable », soit « Personne ou groupe susceptible de subir des préjudices physiques ou émotionnels ». Le comité ne s’est pas appuyé sur cette modification, mais il y fait simplement référence à titre d’information pour les représentantes.

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