Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire initial, daté du 27 septembre 2018, contenait quatre allégations de conduite déshonorante, en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), découlant des interactions du gendarme Soares avec Mme X. Le matin de l’audience, les parties ont informé le Comité de déontologie de nouveaux faits et ont demandé du temps pour discuter en vue d’une résolution. Le Comité de déontologie a accepté un exposé conjoint des faits. Le représentant de l’autorité disciplinaire a retiré les allégations nos 1, 2 et 3. Le gendarme Soares a admis l’allégation no 4 modifiée. Les parties ont présenté une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires à prendre. Le Comité de déontologie a accepté la proposition conjointe, y compris les mesures supplémentaires, comme discuté avec les parties.

Les mesures disciplinaires suivantes ont été prises : (1) une pénalité pécuniaire équivalente à 10 jours de solde, à déduire de la solde du gendarme Soares; (2) une réduction de la banque de congés annuels de 10 jours; (3) la réussite du cours en ligne dans Agora sur la règle du consentement et les mythes répandus sur les agressions sexuelles, et une preuve d’achèvement fournie à l’autorité disciplinaire dans l’année suivant la date de service de la présente décision écrite; (4) une mutation à un autre lieu de travail, à la discrétion de l’autorité disciplinaire; et (5) une réprimande.

Contenu de la décision

Protégé A

2020 DAD 21

Interdiction de publication : Tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la personne appelée Mme X dans la présente décision ne peut être publié, diffusé ou transmis de quelque façon que ce soit.

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Audience disciplinaire

dans l’affaire intéressant la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10

ENTRE :

Commandant de la Division E

Autorité disciplinaire

et

Gendarme Justin Soares, numéro de matricule 61782

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Christine Sakiris

Le 6 novembre 2020

Sergent d’état-major Jon Hart, représentant de l’autorité disciplinaire

M. John Benkendorf, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE  3

INTRODUCTION  4

ALLÉGATION  7

Décision relative à l’allégation  8

MESURES DISCIPLINAIRES  9

Observations sur les mesures disciplinaires  10

Déclarations de Mme X  13

Proposition conjointe  13

Circonstances aggravantes et atténuantes  15

Décision relative aux mesures disciplinaires  17

CONCLUSION  18

 

SOMMAIRE

L’avis d’audience disciplinaire initial, daté du 27 septembre 2018, contenait quatre allégations de conduite déshonorante, en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), découlant des interactions du gendarme Soares avec Mme X. Le matin de l’audience, les parties ont informé le Comité de déontologie de nouveaux faits et ont demandé du temps pour discuter en vue d’une résolution. Le Comité de déontologie a accepté un exposé conjoint des faits. Le représentant de l’autorité disciplinaire a retiré les allégations nos 1, 2 et 3. Le gendarme Soares a admis l’allégation no 4 modifiée. Les parties ont présenté une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires à prendre. Le Comité de déontologie a accepté la proposition conjointe, y compris les mesures supplémentaires, comme discuté avec les parties.

Les mesures disciplinaires suivantes ont été prises : (1) une pénalité pécuniaire équivalente à 10 jours de solde, à déduire de la solde du gendarme Soares; (2) une réduction de la banque de congés annuels de 10 jours; (3) la réussite du cours en ligne dans Agora sur la règle du consentement et les mythes répandus sur les agressions sexuelles, et une preuve d’achèvement fournie à l’autorité disciplinaire dans l’année suivant la date de service de la présente décision écrite; (4) une mutation à un autre lieu de travail, à la discrétion de l’autorité disciplinaire; et (5) une réprimande.

INTRODUCTION

[1]  L’avis d’audience disciplinaire initial, daté du 27 septembre 2018, contenait quatre allégations en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, découlant des interactions du gendarme Soares avec Mme X. Le gendarme Soares louait un appartement dans le sous-sol d’une résidence familiale. Mme X était la fille du propriétaire de la résidence et vivait à l’étage avec ses parents. Les allégations nos 1, 2 et 3 portaient sur les interactions entre le gendarme Soares et Mme X au moment où cette dernière était âgée de moins de 18 ans. L’allégation no 4 portait sur leurs interactions après son 18e anniversaire.

[2]  Le commissaire adjoint a été désigné Comité de déontologie le 17 octobre 2018. Après avoir indiqué qu’il n’estimait pas que des témoignages oraux fussent nécessaires dans le cadre de cette affaire, le commissaire adjoint MacMillan a demandé des observations écrites détaillées au gendarme Soares. Le 14 octobre 2019, le Comité de déontologie a confirmé que ces observations écrites constituaient la réponse du gendarme Soares conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 (les CC [déontologie]). Le gendarme Soares a nié les quatre allégations.

[3]  Le commissaire adjoint MacMillan a pris sa retraite en 2019. Un avis de changement de nomination du Comité de déontologie a été communiqué le 12 novembre 2019, et j’ai été désignée Comité de déontologie.

[4]  Après avoir procédé à un examen initial du dossier, j’ai demandé au représentant du membre visé de présenter la réponse aux allégations du gendarme Soares selon la forme prévue au paragraphe 15(3) des CC (déontologie). Le représentant du membre visé a fourni la réponse, de la bonne façon, le 6 mars 2020.

[5]  La première conférence préparatoire a eu lieu le 12 mars 2020. J’ai informé les parties que j’avais cerné des conflits sérieux dans les éléments de preuve. Par conséquent, j’ai déterminé qu’une audience en personne était nécessaire. J’ai ensuite entendu les observations des parties concernant toute préoccupation en matière d’équité procédurale qu’elles pourraient avoir en raison de cette modification au processus. Les parties étaient d’accord d’avoir recours à une audience en personne, et on a confirmé la liste des témoins. Une date d’audience a été fixée au 8 juin 2020. En raison des restrictions relatives aux voyages durant la pandémie de COVID-19, l’audience a été reportée au 1er septembre 2020.

[6]  Le 1er septembre 2020, on a commencé l’audience en personne concernant cette affaire. Au début de l’audience, les parties ont informé le Comité de déontologie de nouveaux faits et ont demandé une suspension de la séance pour discuter en vue d’une résolution.

[7]  Lors de la reprise de l’audience, j’ai commencé en délivrant une ordonnance de non- publication de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de Mme X, au titre de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10 (la Loi sur la GRC). Conformément à l’ordonnance de publication, tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la personne appelée Mme X ne peut être publié, diffusé ou transmis de quelque façon que ce soit.

[8]  Les parties ont indiqué avoir conclu une entente de principe, mais qu’elles avaient besoin du reste de la journée pour rédiger un exposé conjoint des faits. Elles ont ajouté qu’elles allaient probablement préparer une recommandation conjointe sur les mesures disciplinaires à prendre. J’ai accepté de suspendre l’audience pour la journée.

[9]  J’ai reçu l’exposé conjoint des faits ce soir-là. À ma demande, le représentant de l’autorité disciplinaire a confirmé que Mme X était au courant qu’une résolution était en cours de négociation et qu’elle connaissait les paramètres généraux de la résolution proposée. En prévision d’une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires à prendre, j’ai demandé qu’on offre la possibilité à Mme X de fournir des observations sur les mesures disciplinaires. J’ai indiqué qu’elle pourrait le faire par écrit ou en personne.

[10]  L’audience a repris le 2 septembre 2020 au matin. À ce moment-là, le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué qu’il avait cru que Mme X serait intéressée à présenter ses observations, mais qu’il n’avait pas encore été en mesure de la joindre. J’ai accepté de laisser plus de temps au représentant de l’autorité disciplinaire pour qu’il tente de la joindre.

[11]  Entre-temps, j’ai demandé des éclaircissements aux parties en ce qui a trait aux modifications proposées à l’allégation no 4. J’ai remarqué, tout particulièrement, que le libellé d’origine de l’allégation indiquait que le gendarme Soares s’était livré à des activités sexuelles avec Mme X sans le consentement de cette dernière, et que ce libellé ne concordait pas avec l’exposé conjoint des faits. Les parties ont confirmé que l’allégation no 4 modifiée visait à indiquer que le gendarme Soares s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Les dates applicables indiquées sont du 1er mai 2017 au 30 juin 2017 inclusivement. Enfin, les parties ont confirmé que l’énoncé détaillé modifié de l’allégation no 4 figurerait dans l’exposé conjoint des faits.

[12]  Le représentant du membre visé a demandé des précisions concernant les paramètres habituels des observations d’une victime en ce qui a trait aux mesures disciplinaires imposées dans le cadre du processus de déontologie de la GRC. Il a soulevé des préoccupations quant au fait que les observations de Mme X puissent porter sur des questions outre celles présentées dans l’exposé conjoint des faits. J’ai confirmé que, pour fournir ses observations, Mme X devra obtenir une copie de l’exposé conjoint des faits pour veiller à ce qu’elle comprenne pleinement ce qui a été convenu. Ses observations doivent porter sur les répercussions du comportement du gendarme Soares envers elle, comme indiqué dans l’exposé conjoint des faits.

[13]  Par la suite, j’ai confirmé que les allégations nos 1, 2 et 3 avaient été retirées. J’ai lu l’allégation no 4 modifiée pour l’intégrer au dossier. Le gendarme Soares a admis l’allégation no 4 modifiée. Les parties ont choisi de présenter l’exposé conjoint des faits à titre d’observations. J’ai ensuite rendu ma décision de vive voix concernant l’allégation no 4 modifiée et j’ai conclu qu’elle était fondée. Nous avons ensuite interrompu l’audience pour permettre aux parties d’examiner les observations de Mme X avant qu’elles ne me présentent leur proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. J’ai rendu ma décision de vive voix concernant les mesures disciplinaires plus tard ce jour-là. La présente décision écrite intègre ces décisions rendues de vive voix et pourrait les approfondir ou les clarifier.

ALLÉGATION

[14]  Il ne reste qu’une seule allégation. L’allégation et l’énoncé détaillé modifiés sont les suivants (j’ai modifié le texte de façon à assurer l’application de l’ordonnance de non- publication) :

Allégation no 4

Entre le 1er mai 2017 et le 30 juin 2017 inclusivement, à […] ou dans les environs, en Colombie-Britannique, alors qu’il n’était pas en service, le gendarme Soares s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Énoncé détaillé de l’allégation no 4

1. Pendant toute la période pertinente, le gendarme Soares était un membre de la GRC affecté à la Division E, à […], en Colombie-Britannique.

2. En mai ou en juin 2017, le gendarme Soares s’est livré à des activités sexuelles consentantes avec [Mme X], qui était alors âgée de 18 ans. Le gendarme Soares était locataire dans le sous-sol de la résidence familiale où [Mme X] vivait avec ses parents.

3. Les activités sexuelles ont débuté lorsque [Mme X] est entrée dans le logement du gendarme Soares au sous-sol et lui a demandé de lui faire un massage, qui a évolué vers des contacts sexuels et du sexe oral dans le salon, puis vers des rapports sexuels dans la chambre.

4. [Mme X] a posé plusieurs gestes de participation, notamment en levant ses bras pour permettre au gendarme Soares de retirer son chandail, en marchant dans le couloir pour passer du salon à la chambre, en se couchant sur son lit et en bougeant son corps pour permettre au gendarme Soares de retirer ses vêtements. [Mme X] est demeurée silencieuse pendant toute la durée de l’activité sexuelle, c’est-à-dire pendant 10 minutes, et elle n’a formulé aucune objection contre ce qui se passait.

5. Pendant les 15 mois durant lesquels le gendarme Soares a vécu dans la résidence, lui et [Mme X] se sont liés d’amitié. Ils se confiaient l’un à l’autre et comptaient l’un sur l’autre de différentes façons. Pendant cette période, le gendarme Soares a appris que [Mme X] avait un mode de vie présentant un risque élevé, et il l’incitait à prendre de meilleures décisions. Elle a commencé à compter sur lui pour qu’il la reconduise de soirées auxquelles ses parents ne savaient même pas qu’elle allait. Il est devenu son confident, à un point tel où elle lui confiait des choses concernant ses activités que personne d’autre ne savait, surtout pas ses parents.

6. Le gendarme Soares reconnait qu’en tant que membre de la GRC, il a accepté de se conformer à une norme de conduite plus élevée, et que compte tenu de la nature particulière de leur relation et de la vulnérabilité potentielle de [Mme X], il aurait dû obtenir le consentement de [Mme X] à chaque étape des activités sexuelles, ce qu’il n’a pas fait.

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

Décision relative à l’allégation

[15]  L’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC est ainsi libellé : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie ».

[16]  Le critère à appliquer relativement à une « conduite déshonorante » selon l’article 7.1 du Code de déontologie nécessite que l’autorité disciplinaire établisse les quatre éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. les actes qui constituent le comportement allégué;
  2. l’identité du membre qui aurait commis ces actes;
  3. si la conduite du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC;
  4. si la conduite du membre est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un motif légitime de prendre des mesures disciplinaires.

[17]  Étant donné que le gendarme Soares a admis l’allégation no 4 et l’énoncé détaillé modifiés, je conclus que les deux premiers volets du critère sont respectés. Je dois maintenant décider si les troisième et quatrième volets sont respectés.

[18]  En ce qui a trait à l’allégation no 4, le comportement du gendarme Soares envers Mme X, comme indiqué dans l’énoncé détaillé, pose problème à plusieurs égards. En tant qu’agent de police, le gendarme Soares doit connaitre les obligations juridiques liées au consentement. Lors de son entrevue avec le service de police municipal, le gendarme Soares a indiqué qu’il avait de l’expertise dans ce domaine. Toutefois, son comportement remet en question sa compréhension de ce domaine de droit nuancé. Même si on a convenu que les activités sexuelles étaient consensuelles, le comportement du gendarme Soares démontre un degré d’irresponsabilité en ce qui a trait au respect des obligations juridiques.

[19]  Il est bien établi que les agents de police sont tenus à une norme plus élevée en matière de comportement, qu’ils soient en service ou non. Cette norme correspond à l’autorité, à la confiance et à la responsabilité qu’accorde la société aux agents de police. Le gendarme Soares ne s’est pas conformé à cette norme. Ce manquement est d’autant plus troublant compte tenu de sa relation préexistante avec Mme X.

[20]  J’estime qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et celles de la GRC en particulier, considérerait les agissements du gendarme Soares comme étant susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[21]  Étant donné que les actes du gendarme Soares correspondent à un comportement face auquel les membres de la GRC doivent intervenir dans le cadre de leurs activités d’application de la loi, j’estime que ses actes pourraient nuire à sa capacité, ou à la confiance du public envers sa capacité, d’exercer de manière impartiale les fonctions d’un membre de la GRC. Par conséquent, j’ai déterminé que les actes du gendarme Soares sont suffisamment liés à ses devoirs et fonctions pour que la GRC ait un motif légitime de prendre des mesures disciplinaires.

[22]  L’allégation no 4 modifiée est donc établie.

MESURES DISCIPLINAIRES

[23]  Puisque l’allégation no 4, telle que modifiée, est fondée, j’ai l’obligation, au titre du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et au Guide de mesures disciplinaires de la GRC, d’imposer « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes ». Au titre de l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être « adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[24]  Le représentant de l’autorité disciplinaire et celui du membre visé ont fourni une proposition conjointe de mesures disciplinaires. Ils ont proposé les deux mesures disciplinaires suivantes : une sanction pécuniaire de 20 jours de la solde et une réprimande. Le représentant de l’autorité disciplinaire a par la suite précisé que le renvoi à 20 jours de la solde comprenait une sanction pécuniaire de 10 jours de solde et une réduction de dix jours de la banque de congés [1] .

[25]  J’ai entendu les observations des deux parties. Le gendarme Soares s’est brièvement adressé au Comité de déontologie. J’ai également tenu compte des observations écrites de Mme X.

Observations sur les mesures disciplinaires

[26]  Au commencement de son observation, le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué que, même si la mutation ne faisait pas partie des mesures proposées conjointement, les deux parties ont convenu que le gendarme sera muté. Je me suis dite préoccupée par le fait que la mutation n’était pas incluse comme mesure disciplinaire et une brève discussion s’en est suivie. Le représentant du membre visé a confirmé que la mutation aurait lieu, mais a demandé que ses conditions soient négociées après la conclusion des procédures. Il a ensuite reconnu que si le Comité de déontologie l’estimait nécessaire, il était libre à moi d’imposer une mutation. Nous avons donc consulté de nouveau l’observation du représentant de l’autorité disciplinaire en appui à la proposition conjointe.

[27]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué que la meilleure façon de trouver l’éventail approprié de mesures est de consulter le Guide des mesures disciplinaires. Il a renvoyé particulièrement à la page 57 du Guide des mesures disciplinaires, où il est question d’inconduite sexuelle, dans le contexte d’un « abus de pouvoir ». Le représentant de l’autorité disciplinaire a noté le déséquilibre des pouvoirs dans l’affaire, notamment entre un agent de la paix et une civile. Il a aussi observé que l’éventail des sanctions donnait une sanction pécuniaire de 20 à 30 jours comme étant appropriée étant donné les faits de la présente affaire. Il a indiqué que même si Mme X était prête à témoigner, la résolution lui a enlevé ce fardeau. Il s’agit là de la seule circonstance atténuante relevée.

[28]  Le représentant de l’autorité disciplinaire a refusé de décrire des circonstances aggravantes précises, et a plutôt demandé que le Comité de déontologie se penche sur la nature grave de l’inconduite et que je m’appuie sur l’exposé conjoint des faits, les principes concernant les observations conjointes qui sont énoncés dans Rault c. Law Society of Saskatchewan [2] , ainsi que les observations écrites de Mme X.

[29]  Le gendarme Soares s’est ensuite adressé au Comité de déontologie. Il s’est excusé pour son [traduction] « manque de jugement le jour en question et pour toute perte de confiance conséquente en la GRC [3] ». Il a ensuite souligné que, alors que les trois dernières années ont été très difficiles, il est content que l’affaire soit résolue et que Mme X [traduction] « n’ait pas eu à porter le fardeau de témoigner [4] . » Il a également assuré au Comité de déontologie qu’il avait appris de cette expérience et qu’il était convaincu qu’il ne serait plus jamais [traduction] « impliqué dans une telle situation ou dans de telles allégations [5] ».

[30]  Le représentant du membre visé a noté que le gendarme Soares n’avait aucune mesure disciplinaire à son dossier. Il a ensuite présenté les observations suivantes comme circonstances atténuantes.

  1. Même s’il travaille depuis peu à la GRC, le gendarme Soares est très performant.
  2. Le gendarme Soares a le soutien de son caporal et de son superviseur, présents à toutes les audiences.
  3. Lorsqu’il a été informé de la nature des allégations, le gendarme Soares a immédiatement voulu coopérer avec l’enquête criminelle. Il a rencontré les officiers du service de police municipale dans les 24 heures suivant la première communication, sans prendre le temps de consulter un avocat.
  4. Le gendarme Soares a compromis sa propre défense et son intérêt personnel à se venger, afin que Mme X n’ait pas le fardeau de témoigner et d’être contre-interrogée. Surtout, il indique que lorsqu’il a vu Mme X à l’audience, et son désarroi manifeste, le gendarme Soares a senti qu’il devait résoudre la situation.

[31]  À la fin des observations, j’ai demandé s’ils avaient pensé à la possibilité de suivre une formation et s’ils pensaient que le gendarme Soares devait suivre une formation. Le représentant du membre visé a indiqué que le gendarme Soares n’avait aucune objection à devoir suivre toute formation.

[32]  Le représentant du membre visé a revisité la question de la mutation. Il s’est dit inquiet que le lieu final de la mutation ne soit pas indiqué dans les mesures disciplinaires. Il a indiqué que certaines circonstances de la vie personnelle du gendarme Soares faisaient en sorte que le lieu de la mutation suscitait tout particulièrement des préoccupations. Le représentant de l’autorité disciplinaire a précisé que les discussions se déroulaient de bonne foi et prenaient en considération toutes les circonstances, mais que le lieu final de la mutation n’avait pas encore été déterminé.

[33]  J’ai rappelé aux parties que je n’avais pas le pouvoir d’ordonner que la mutation se limite à un endroit précis au sein de la division. La décision revient à la discrétion de l’autorité disciplinaire. J’ai ensuite voulu confirmer que le gendarme Soares ne s’opposait pas à l’imposition d’une mutation. Sous réserve de ses observations précédentes au sujet de la détermination du lieu de la mutation, le représentant du membre visé a confirmé qu’il ne s’y opposait pas.

Déclarations de Mme X

[34]  Les déclarations de Mme X ont été brèves. Puisqu’elles sont intrinsèques à mes conclusions relatives aux mesures disciplinaires, je les retranscris ci-après intégralement. [traduction]

J’ai grandi entourée d’agents de police et des forces de l’ordre toute ma vie. J’ai toujours respecté les personnes qui occupaient ces postes et leur faisais confiance pour me garder en sécurité et faire ce qui était juste. Cependant, après l’incident, j’ai peur de compter sur les autres. J’ai maintenant peur de téléphoner à la police par crainte que [le gendarme Soares] soit celui qui arrive. Je dois maintenant faire attention à l’endroit où je déménage pour ne pas le croiser. Mais c’est une tâche impossible. Je ne peux vivre ma vie en me rassurant que je n’aurai jamais à lui faire face. Le stress psychologique que cette expérience me fait subir est indescriptible; je ne serai jamais plus la même personne. J’ai appris à être correcte avec moi-même et ma vie, mais ce chemin n’a pas été exempt de douleur.

[35]  Je note que les dossiers indiquent que, lors d’une occasion après le 30 juin 2017, le gendarme Soares était le policier intervenant d’un appel où Mme X était présente. Elle n’était pas la personne visée par l’appel, mais l’exemple montre bien que sa préoccupation concernant le fait qu’elle pouvait croiser le gendarme Soares, dans le cadre de ses fonctions, est raisonnable.

Proposition conjointe

[36]  Les parties ont proposé conjointement les mesures disciplinaires qui suivent :

  1. une sanction pécuniaire de 10 jours (80 heures) déduits de la solde du gendarme Soares;
  2. une confiscation de 10 jours (80 heures) déduits de sa banque de congés annuels;
  3. une réprimande.

[37]  Lorsqu’un comité de déontologie reçoit une proposition conjointe de mesures disciplinaires, il existe peu de situations où il peut refuser d’accepter les mesures disciplinaires proposées.

[38]  La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions sur le règlement de litige, ainsi que celle des motifs des politiques qui favorisent fortement la promotion de la certitude pour les parties que les propositions seront acceptées quand une entente est conclue [6] . En général, les cours de justice et les tribunaux administratifs ne refusent pas les ententes conclues entre les parties, à moins que l’entente aille à l’encontre de l’intérêt public.

[39]  Je dois donc déterminer si les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public. Il n’est pas question ici de comparer les mesures disciplinaires proposées à celles que j’aurais imposées moi-même. Le critère du respect de l’intérêt public est beaucoup plus sévère.

[40]  L’arrêt Cook de la Cour suprême du Canada comprend la recommandation suivante, qui s’applique aux tribunaux administratifs :

[…]il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe […]. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice [ou, dans notre cas, le processus disciplinaire] avait cessé de bien fonctionner [7] .

[41]  Pour mieux déterminer si les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public, il est utile d’avoir une idée des autres mesures qui peuvent être imposées. À cet égard, le Guide des mesures disciplinaires est un excellent outil. Il est toutefois important de souligner que, comme son nom l’indique, le Guide des mesures disciplinaires n’est qu’un guide. Les lignes directrices qu’il énonce ne sont pas prescriptives.

[42]  L’article 7.1 du Code de déontologie prévoit un éventail de comportements. Je suis du même avis que le représentant de l’autorité disciplinaire à savoir que les gestes posés par le gendarme Soares ressemblent étroitement à ceux de l’inconduite sexuelle et, surtout, d’une « une relation inappropriée ». Le Guide des mesures disciplinaires [8] fournit un éventail allant de la confiscation de 20 à 30 jours jusqu’au congédiement. Étant donné que l’exposé conjoint des faits indique que le contact sexuel était consentant, je suis d’accord avec l’observation du représentant de l’autorité disciplinaire à l’appui de la proposition conjointe à savoir que l’inconduite du gendarme Soares tombe dans l’éventail de la sanction pécuniaire de 20 à 30 jours, seule ou combinée à d’autres mesures. Cela dit, je dois maintenant tenir compte des circonstances aggravantes et atténuantes.

Circonstances aggravantes et atténuantes

[43]  Les parties n’ont pas cerné de circonstances aggravantes précises outre la gravité de l’inconduite. Cependant, comme le souligne le représentant de l’autorité disciplinaire, les gestes du gendarme Soares impliquaient un membre du public, qui a été touchée négativement par ses actions. Il s’agit aussi d’une circonstance aggravante.

[44]  Des circonstances atténuantes présentées, j’ai retenu quatre circonstances.

[45]  Premièrement, je reconnais que le gendarme Soares a coopéré, dès le départ, avec les enquêteurs de la procédure criminelle menée en parallèle. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec la suggestion du représentant du membre visé selon laquelle la volonté du gendarme Soares de faire une déclaration sans avoir consulté un avocat amplifie l’importance de sa coopération comme circonstance atténuante.

[46]  Deuxièmement, le gendarme Soares n’a aucune mesure disciplinaire à son dossier. Comme l’a fait remarquer le représentant du membre visé, il pourrait aussi s’agir de l’absence d’une circonstance aggravante plutôt qu’une circonstance atténuante en soi. Dans les deux cas, il convient de le souligner.

[47]  Troisièmement, le gendarme Soares bénéficie du soutien de son caporal et de son superviseur, comme en témoigne leur présence à l’audience.

[48]  Je souligne que le représentant du membre visé a fait une observation sur le rendement du gendarme Soares. Puisque je n’ai pas reçu d’évaluation de rendement du gendarme Soares et n’ai entendu aucune preuve à ce sujet, je ne peux m’appuyer sur aucune preuve pour appuyer cette circonstance.

[49]  Quatrièmement, le représentant du membre visé fait observer que le gendarme Soares a compromis sa propre défense et son intérêt personnel à se venger, afin que Mme X n’ait pas le fardeau de témoigner et d’être contre-interrogée. Surtout, il indique que lorsqu’il a vu Mme X à l’audience, et son désarroi manifeste, le gendarme Soares a senti qu’il devait résoudre la situation. Il sous-entend que les gestes du gendarme Soares pour résoudre la situation étaient altruistes et un fort indicateur de caractère, ce qui devrait aussi être pris en compte.

[50]  Je suis d’accord que la résolution de la situation a enlevé à Mme X le fardeau psychologique de devoir témoigner dans l’affaire. Il s’agit d’une circonstance atténuante notable.

[51]  Cela dit, je ne suis pas d’accord avec l’affirmation du représentant du membre visé selon laquelle la volonté du gendarme Soares d’entamer des discussions en vue d’une résolution montre une quelconque force de caractère. Le membre visé est en son droit de défendre ses intérêts. Le faire ne peut être tenu contre lui. Toutefois, je ne trouve aucune preuve convaincante que les actions du gendarme Soares montrent une inquiétude particulière pour Mme X. Lorsqu’il s’est adressé au Comité de déontologie, le gendarme Soares n’a pas exprimé de regret pour les répercussions que ses actions ont eues sur Mme X, ni ne s’est montré conscient du stress que l’expérience a eu sur elle, comme le montrent ses observations écrites. Son seul commentaire sur Mme X était de souligner qu’elle « n’ait pas eu à porter le fardeau de témoigner [9] ». En fin de compte, la résolution est avantageuse pour le membre visé et l’autorité disciplinaire. Le plus important pour le gendarme Soares est que la résolution n’a pas abouti à son congédiement de la Gendarmerie.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[52]  Étant donné toutes ces circonstances, j’avais des réserves à savoir si les mesures disciplinaires proposées répondaient à l’intérêt public. D’abord et avant tout, les inquiétudes de Mme X n’ont pas été abordées dans les mesures disciplinaires proposées. Ensuite, aucune mesure disciplinaire proposée ne cherchait à améliorer la confiance du public dans les capacités du gendarme Soares d’exécuter ses fonctions et, surtout, en ce qui a trait aux exigences légales en matière de consentement.

[53]  Comme susmentionné, j’ai fait part de ces préoccupations avec l’avocat pendant l’audience [10] . J’estime que l’intérêt public ne peut être satisfait dans mesures disciplinaires supplémentaires visant à remédier à ce qui précède. Le gendarme Soares n’avait pas d’objection à l’imposition d’une obligation de suivre une formation. Les parties ont consenti qu’une mutation était appropriée et que c’était en fait, en cours de réalisation. Compte tenu des commentaires du représentant du membre visé sur le processus de la détermination du lieu de mutation, le gendarme Soares ne s’est pas opposé à l’imposition d’une mutation. Cette mesure, tout particulièrement, permet de répondre aux inquiétudes de Mme X. L’intérêt du gendarme Soares à vouloir obtenir le meilleur lieu pour sa mutation ne peut pas servir d’obstacle à son inclusion comme mesure disciplinaire. Bien que le choix du lieu de mutation du gendarme Soares soit à la discrétion de l’autorité disciplinaire, les circonstances personnelles du gendarme Soares apparaissent dans le dossier et je m’attends à ce qu’elles soient prises en considération dans les discussions à venir.

[54]  Étant donné l’inclusion d’une mutation et l’obligation de suivre une formation, je ne trouve pas que les mesures proposées vont à l’encontre de l’intérêt public. Elles sont composées de mesures simples, correctives et graves. Elles reflètent les circonstances atténuantes et aggravantes du cas. Elles agissent comme élément de dissuasion pour le gendarme Soares ainsi qu’un avertissement pour les autres membres. Elles contribuent également à la réintégration du gendarme Soares en milieu de travail. Enfin, l’imposition d’une mutation vers un autre lieu de travail permet de veiller à ce que les inquiétudes de Mme X soient dissipées.

CONCLUSION

[55]  Étant donné que l’allégation no 4 est fondée, telle qu’elle a été modifiée, et conformément à l’exposé conjoint présenté par le représentant de l’autorité disciplinaire et le représentant du membre visé, et les discussions qui ont suivi lors de l’audience, j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

  1. conformément au paragraphe 4d) des CC (Déontologie), une sanction pécuniaire de 10 jours (80 heures) de solde, à déduire de la paie du gendarme Soares. Les déductions de cette sanction ne commencent pas avant le 1er novembre 2020;
  2. conformément au paragraphe 4e) des CC (Déontologie), une confiscation de 10 jours (80 heures) de congés annuels;
  3. conformément à l’alinéa 5(1)g) des CC (Déontologie), une mutation à un autre lieu de travail à la discrétion de l’autorité disciplinaire [11] ;
  4. conformément à l’alinéa 3(1)c) des CC (Déontologie), une obligation de suivre sur Agora le cours en ligne sur la règle du consentement et les idées reçues sur les agressions sexuelles. Le gendarme Soares doit fournir une preuve d’achèvement à l’autorité disciplinaire dans l’année suivant la présente décision;
  5. conformément à l’alinéa 3(1)i) des CC (Déontologie), une réprimande. La présente décision écrite constitue la réprimande dans cette affaire.

[56]  On permet au gendarme Soares de poursuivre sa carrière au sein de la GRC. Cependant, toute infraction subséquente au Code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée, et pourrait mener à un congédiement.

[57]  Toute mesure provisoire mise en place doit être réglée, rapidement, conformément à l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 2014, DORS/2014-281.

[58]  L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans le délai de prescription prévu au paragraphe 45.11 de la Loi sur la GRC.

 

 

6 novembre 2020

Christine Sakiris

Comité de déontologie de la GRC

 

Date

 



[1] Les renvois aux dispositions applicables des Consignes du commissaire (Déontologie) ont été modifiés en conséquence.

[2] Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII).

[3] Transcription du 2 septembre 2020, page 35, lignes 14 à 18.

[4] Ibid, page 35, lignes 19 à 23.

[5] Ibid, page 36, lignes 2 à 5.

[6] Voir, par exemple, l’arrêt Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII), au paragraphe 19; et l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 [Cook].

[7] Cook, supra note 6, au paragraphe 34.

[8] Guide de mesures disciplinaires, aux pages 57 et 58.

[9] Supra, note 2 à la page 35, lignes 21 et 22.

[10] Voir les paragraphes 27 à 34 de cette décision.

[11] Les deux parties ont confirmé que le lieu de la mutation a fait l’objet de discussions dans le contexte des négociations liées à la résolution de cette affaire. Ces discussions guideront la détermination du lieu de mutation approprié par l’autorité disciplinaire.

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