Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le gendarme Steinke a reçu un Avis d’audience disciplinaire, qui comprenait trois allégations d’infractions au Code de déontologie de la GRC : une allégation aux termes de l’article 4.6; une allégation aux termes de l’article 7.1; et une autre aux termes de l’article 2.1 . Selon l’allégation 1, le gendarme Steinke aurait acheté des lavages de voiture à l’aide d’une carte de crédit du gouvernement remise à la GRC et les aurait utilisés pour son véhicule personnel. L’allégation 2 a été retirée avant la rédaction de l’Avis d’audience disciplinaire. Selon l’allégation 3, le gendarme Steinke aurait eu une altercation verbale avec un membre du public dans laquelle des injures auraient été proférées, en dehors des heures de service.

L’audience disciplinaire dans cette affaire devait se dérouler au cours de la semaine du 29 septembre 2020. Toutefois, le 24 septembre 2020, les parties ont présenté une recommandation conjointe sur les mesures disciplinaires en lien avec l’allégation 1. La représentante de l’autorité disciplinaire a décidé de ne pas demander d’autres éléments de preuve pour l’allégation 3, car le Comité de déontologie avait déjà conclu que la conduite reprochée n’était pas suffisamment liée à l’emploi du gendarme Steinke.

Une audience a été tenue le 29 septembre 2020, au cours de laquelle le Comité de déontologie a rendu sa décision sur les allégations et les mesures disciplinaires. L’allégation 1 a été jugée fondée, selon la prépondérance des probabilités, alors que l’allégation 3 a été rejetée. Le Comité de déontologie a accepté la recommandation conjointe de mesures disciplinaires des parties et a imposé : 1) la confiscation de 40 jours de solde; 2) la suppression de 20 jours de congé; 3) une inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans; et 4) du counseling, conformément aux instructions du médecin-chef.

Contenu de la décision

« Protégé A »

2020 DAD 22

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

À l’égard de

l’audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre :

commissaire adjointe Jane MacLatchy

Commandante de la Division D

autorité disciplinaire

et

gendarme Calvin Steinke

numéro de matricule 51767

membre visé

Décision du Comité de déontologie

Inspecteur Colin Miller

Le 29 octobre 2020

Mme Shahana Khan, représentante de l’autorité disciplinaire

M. Josh Weinstein, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE  3

INTRODUCTION  4

Lien avec l’emploi  5

Recommandation conjointe  6

ALLÉGATIONS  7

Décision sur les allégations  14

Allégation 1  14

Allégation 3  15

MESURES DISCIPLINAIRES  21

Observations de la représentante de l’autorité disciplinaire  21

Observations du représentant du membre visé  21

Décision relative aux mesures disciplinaires  22

Facteurs aggravants  24

Facteurs atténuants  24

CONCLUSION  25

 

SOMMAIRE

Le gendarme Steinke a reçu un Avis d’audience disciplinaire, qui comprenait trois allégations d’infractions au Code de déontologie de la GRC : une allégation aux termes de l’article 4.6; une allégation aux termes de l’article 7.1; et une autre aux termes de l’article 2.1 [1] . Selon l’allégation 1, le gendarme Steinke aurait acheté des lavages de voiture à l’aide d’une carte de crédit du gouvernement remise à la GRC et les aurait utilisés pour son véhicule personnel. L’allégation 2 a été retirée avant la rédaction de l’Avis d’audience disciplinaire. Selon l’allégation 3, le gendarme Steinke aurait eu une altercation verbale avec un membre du public dans laquelle des injures auraient été proférées, en dehors des heures de service.

L’audience disciplinaire dans cette affaire devait se dérouler au cours de la semaine du 29 septembre 2020. Toutefois, le 24 septembre 2020, les parties ont présenté une recommandation conjointe sur les mesures disciplinaires en lien avec l’allégation 1. La représentante de l’autorité disciplinaire a décidé de ne pas demander d’autres éléments de preuve pour l’allégation 3, car le Comité de déontologie avait déjà conclu que la conduite reprochée n’était pas suffisamment liée à l’emploi du gendarme Steinke.

Une audience a été tenue le 29 septembre 2020, au cours de laquelle le Comité de déontologie a rendu sa décision sur les allégations et les mesures disciplinaires. L’allégation 1 a été jugée fondée, selon la prépondérance des probabilités, alors que l’allégation 3 a été rejetée. Le Comité de déontologie a accepté la recommandation conjointe de mesures disciplinaires des parties et a imposé : 1) la confiscation de 40 jours de solde; 2) la suppression de 20 jours de congé; 3) une inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans; et 4) du counseling, conformément aux instructions du médecin-chef.

INTRODUCTION

[1]  Le 12 septembre 2018, l’usage non autorisé de lavages de voiture achetés avec une carte de crédit de la GRC a été porté à l’attention du chef de service de la Sécurité routière d’Eastman. L’information a ensuite été transmise au commandant divisionnaire de la Division D. Une enquête sur les actions du gendarme Steinke a donc été amorcée le 17 septembre 2018 aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R- 10 [Loi sur la GRC].

[2]  Le 28 février 2019, l’officier responsable de la Sécurité routière de la Division D a appris l’existence de la conduite alléguée dans l’allégation 3 et a ensuite ordonné une enquête relative au code de déontologie le 20 mars 2019.

[3]  Le 11 septembre 2019, le commandant divisionnaire et autorité disciplinaire de la Division D (l’autorité disciplinaire) a signé un Avis à l’officier désigné, dans lequel elle demandait la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire.

[4]  Le 16 septembre 2019, M. John McKinlay a été nommé au Comité de déontologie aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur la GRC. Le 15 avril 2020, j’ai été nommé au Comité de déontologie pour trancher cette affaire, car M. McKinlay se préparait à prendre sa retraite.

[5]  L’Avis d’audience disciplinaire a été signé par l’autorité disciplinaire le 26 février 2020. Il indique que l’allégation 2, une infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, a été retirée. Le 4 mars 2020, l’Avis d’audience disciplinaire contenant les deux autres allégations a été signifié au gendarme Steinke avec la trousse d’enquête.

[6]  Le 28 mai 2020, le gendarme Steinke a fourni sa réponse à l’Avis d’audience disciplinaire, aux termes du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Dans sa réponse, il a nié les deux allégations.

[7]  Le gendarme Steinke a admis tous les détails de l’allégation 1, à l’exception du détail 3, qu’il a accepté, mais il a souligné qu’il n’avait pas une connaissance directe du système utilisé pour suivre les lavages de voiture. En ce qui concerne le détail 4, qui contient le fondement essentiel de l’allégation, même s’il a admis le détail, il a soutenu que ses actions ne constituent pas une inconduite et que la situation devrait être traitée comme un problème de rendement.

[8]  En ce qui concerne l’allégation 3, le gendarme Steinke a admis les détails 1, 2 et 7, qui contiennent des renseignements généraux. Il a nié les cinq autres détails, portant sur un échange verbal allégué avec un membre du public.

Lien avec l’emploi

[9]  Lors d’une conférence préparatoire (CP 1) qui s’est tenue le 23 juin 2020, les parties ont demandé que M. M.R. et Mme M.M., ainsi que le gendarme Steinke, témoigne en lien avec l’allégation 3. J’ai informé la représentante de l’autorité disciplinaire que j’avais de sérieuses préoccupations en ce qui concerne l’allégation, car je ne voyais pas le lien entre l’inconduite alléguée du gendarme Steinke et son emploi.

[10]  Le 10 septembre 2020, lors de la deuxième conférence préparatoire (CP 2), j’ai informé les parties que, après avoir examiné les observations des conseils, je n’allais pas délivrer des assignations aux deux témoins civils. Cette décision présente des motifs plus détaillés.

[11]  En raison des restrictions de voyage (l’obligation de s’isoler) en vigueur au Manitoba et compte tenu de l’incertitude quant au moment où ces restrictions pourront être levées en lien avec la pandémie de COVID-19, j’ai avisé les parties que je ne tenais pas à reporter l’affaire indéfiniment. Par conséquent, j’ai donné des instructions pour que l’audience disciplinaire se déroule comme prévu le 29 septembre 2020, par vidéoconférence.

Recommandation conjointe

[12]  À la suite de l’annonce du représentant du membre visé selon laquelle les parties s’étaient entendues pour formuler une recommandation conjointe en lien avec l’allégation 1, le 18 septembre 2020, il y a eu une troisième conférence préparatoire (CP 3) pour discuter de la tournure des événements. Les parties ont indiqué que le gendarme Steinke admettrait l’allégation 1, telle qu’elle avait été formulée. La représentante de l’autorité disciplinaire a affirmé qu’elle ne retirerait pas l’allégation 3, en tenant pour acquis que j’allais rejeter l’allégation ou y surseoir, selon le cas, compte tenu de ma précédente décision en ce qui concerne le lien avec la GRC.

[13]  Le 24 septembre 2020, j’ai reçu une recommandation conjointe des parties, comportant une admission à l’allégation 1 de la part du gendarme Steinke. Les parties ont proposé conjointement les mesures suivantes : la confiscation de 40 jours de solde et la suppression de 20 jours de congé, une inadmissibilité à une promotion pour une période de trois ans et du counseling, conformément aux instructions du médecin-chef.

[14]  Une audience disciplinaire s’est tenue le 29 septembre 2020 au cours de laquelle le gendarme Steinke a admis l’allégation 1. J’ai rendu une décision de vive voix dans laquelle j’ai conclu que l’allégation 1 était fondée et j’ai rejeté l’allégation 3. J’ai ensuite rendu, de vive voix, ma décision sur les mesures disciplinaires, imposant celles qui ont été proposées conjointement par les parties. La présente décision écrite intègre et approfondit cette décision rendue de vive voix.

ALLÉGATIONS

[15]  L’Avis d’audience disciplinaire contient les allégations suivantes :

Allégation 1 :

Entre le 1er avril 2018 et le 14 septembre 2018, à Selkirk, au Manitoba, ou à proximité, le gendarme Calvin Steinke a utilisé des biens et du matériel fournis par l’État à des fins et pour des activités non autorisées, contrairement à l’article 4.6 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails :

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Sécurité routière de Selkirk de la Division D, dans la province du Manitoba.

2. Entre le 27 septembre 2017 et le 2 mars 2019, vous étiez le propriétaire inscrit sur le certificat d’immatriculation d’une Jeep noire, de la plaque d’immatriculation numéro [caviardé].

3. Après l’achat d’un lavage de voiture auprès de Red River Co-op, 275, rue Main, à Selkirk, au Manitoba, un client reçoit un code à six chiffres pour le lave-auto. La Red River Co-op saisit de l’information, lors de l’entrée du code du lave-auto, sur la date, l’heure et l’endroit où la passe a été achetée, ainsi qu’une note (« 1 restant »). Lorsque le lavage est utilisé, « l’information sur la passe » indique « lavage utilisé (0 restant) » et indique la date, l’heure et le lieu où la passe a été utilisée. Aux fins des détails de cette allégation, chaque fois qu’on fait référence au moment où un lavage de voiture a été acheté ou utilisé, l’information a été prélevée de la copie imprimée de l’information sur la passe applicable.

4. La politique sur la gestion de l’information et les cartes de crédit pour parc automobile, énoncé au chapitre 27 du Manuel de gestion des transports (MGT) de la GRC prévoit que :

3. 2. Cartes de crédit pour le parc automobile

3. 2. 1. Le fournisseur de services au parc automobile attribuera une carte de crédit pour chaque voiture. La carte servira uniquement pour les dépenses de F et E habituelles.

5. À treize occasions, alors que vous étiez en service, vous avez utilisé une carte ARI (Automotive Resources International) pour acheter des lavages de voiture auprès de la Red River Co-op, situé au 275, rue Main, à Selkirk. Contrairement à la politique susmentionnée, vous ne vous êtes pas assurés que les lavages que vous avez achetés avec la carte ARI ont été utilisés uniquement pour la voiture du parc automobile pour lequel ils ont été achetés ou pour une autre voiture du parc automobile.

a. Code no 238136

i. Le 30 avril 2018, vous avez travaillé de [17 h à 3 h].

ii. Entre [17 h 30] le 20 avril 2018 et [2 h 46] le 21 avril 2018, vous avez utilisé la voiture de police 5B7.

iii. À [19 h 32], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 11,83 $, avec la carte ARI 6080 0005 8538 3730.

iv. Le code de lave-auto no 238136 a été utilisé le 28 avril 2018 à [12 h 48].

v. Aucun membre ne travaillait à [12 h 48] le 28 avril 2018. Vous et deux autres membres n’étiez censés travailler qu’à [17 h] ce jour-là.

vi. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous avez acheté, code no 238136, soit utilisé pour la voiture de police 5B7.

b. Code no 480951

i. Le 28 avril 2018, vous avez travaillé de [17 h à 3 h].

ii. Entre [18 h 06] le 28 avril 2018 et [2 h 37] le 29 avril 2018, vous avez utilisé la voiture de police 5B7.

iii. À [21 h 27], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 11,83 $, avec la carte ARI 6080 0005 8538 3730.

iv. Le code de lave-auto no 480951 a été utilisé le 1er mai 2018 à [16 h 58].

v. Les deux membres en service le 1er mai 2018 [le gendarme (gend.)] [K.S.] et le gend. [R.F.], n’ont pas utilisé la voiture de police 5[B]7 et vous étiez en congé régulier.

vi. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous avez acheté, code no 480951, soit utilisé pour la voiture de police 5B7.

c. Code no 583332

i. Le 4 mai 2018, vous avez travaillé de [6 h à 16 h].

ii. Entre [7 h 14 et 15 h 36], vous avez utilisé la voiture de police 5[B]7.

iii. À [7 h 27], vous avez acheté un lavage de voiture « extrême » au coût de 14,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 13,98 $, avec la carte ARI 6080 0005 8538 3730.

iv. Le code de lave-auto no 583332 a été utilisé le 5 mai 2018 à [18 h 41].

v. Le 5 mai 2018, vous avez travaillé de [7 h.] à [17 h] et aucun membre n’était en service par la suite [17 h].

vi. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous avez acheté, code no 583332, soit utilisé pour la voiture de police 5B7.

d. Code no 156936

i. Le 7 mai 2018, vous avez travaillé de [6 h à 16 h].

ii. Entre [6 h 43 et 15 h 20], vous avez utilisé la voiture de police 5B7.

iii. À [14 h 54], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 11,83 $, avec la carte ARI 6080 0005 8538 3730.

iv. Le code de lave-auto no 156936 a été utilisé le 13 mai 2018 à [19 h 55].

v. Le 13 mai 2018, quatre membres étaient en service entre [15 h et 1 h], mais selon les registres, aucun d’entre eux n’a utilisé la voiture 5B7 et vous étiez en congé régulier.

vi. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous avez acheté, code no 156936, soit utilisé pour la voiture de police 5B7.

e. Code no 217148

i. Le 19 mai 2018, vous deviez travailler pour un événement spécial.

ii. Entre [18 h 28 et 23 h 45], vous avez utilisé la voiture de police 5B7.

iii. À [18 h 41], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 11,83 $, avec la carte ARI 6080 0005 8538 3730.

iv. Le code de lave-auto no 217148 a été utilisé le 20 mai 2018 à [17 h 58].

v. Le 20 mai 2018, quatre membres étaient en service entre [7 h et 17 h], mais selon les registres, aucun d’entre eux n’a utilisé la voiture 5B7, et vous étiez en congé régulier.

vi. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous avez acheté, code no 217148, soit utilisé pour la voiture de police 5B7.

f. Code no 243422

i. Le 23 mai 2018, vous avez travaillé de [6 h à 16 h].

ii. Entre [6 h 43 et 15 h 56], vous avez utilisé la voiture de police 5B7.

iii. À [6 h 55], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 11,83 $, avec la carte ARI 6080 0005 8538 3730.

iv. Le code de lave-auto no 243422 a été utilisé le 26 mai 2018 à [12 h 38].

v. Le 26 mai 2018 à [12 h 38], aucun membre n’utilisait la voiture de police 5B7, et vous étiez en congé.

vi. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous avez acheté, code no 243422, soit utilisé pour la voiture de police 5B7.

g. Code no 011986

i. Le 5 juin 2018, vous avez travaillé de [6 h à 16 h].

ii. Entre [6 h 48 et 15 h 31], vous avez utilisé la voiture de police 5B7.

iii. À [15 h 22], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 11,83 $, avec la carte ARI 6080 0005 8538 3730.

iv. Le code de lave-auto no 011986 a été utilisé le 6 juin 2018 à [17 h 58].

v. Le 6 juin 2018 à [17 h 58], aucun membre n’utilisait la voiture de police 5B7, et vous étiez en congé régulier.

vi. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous avez acheté, code no 011986, soit utilisé pour la voiture de police 5B7.

h. Code no 983254

i. Le 13 juin 2018, vous avez travaillé de [15 h à 1 h].

ii. Entre [16 h 29] le 13 juin 2018 et [0 h 20] le 14 juin 2018, vous avez utilisé la voiture de police 5B12.

iii. À [17 h], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 11,83 $, avec la carte ARI 6080 0005 8995 3017.

iv. Le 14 juin 2018, vous avez travaillé de [15 h à 1 h] et entre [16 h 17] le 14 juin 2018 et [0 h 45] le 15 juin 2018, vous avez utilisé la voiture 5B12.

v. Le code de lave-auto no 983254 a été utilisé le 15 juin 2018 à [13 h 58].

vi. Le 15 juin 2018 à [13 h 58], aucun membre n’utilisait la voiture de police 5B12.

vii. Le 15 juin 2018, vous avez travaillé de [17 h à 3 h] et entre [17 h 35] le 15 juin 2018 et [2 h 51] le 16 juin 2018, vous avez utilisé la voiture 5B12.

viii. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous acheté, code no 983254, soit utilisé pour la voiture de police 5[B]12.

i. Code no 528144

i. Le 6 juillet 2018, vous avez fait un quart de travail supplémentaire [de 7 h à 15 h].

ii. Entre [7 h 19 et 14 h 48], vous avez utilisé la voiture de police 5B12.

iii. À [7 h 14], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 11,83 $, avec la carte ARI 6080 0005 8995 3017.

iv. Le code de lave-auto no 528144 a été utilisé le 6 juillet 2018 à [16 h 55].

v. Le 6 juillet 2018, à [16 h 55], le gendarme [P. L.] utilisait la voiture de police 5B12. Le gendarme [P. L.] n’a jamais utilisé le lavage de voiture acheté par un membre à une date antérieure et ne se souvient pas avoir utilisé un lave-auto ce jour-là.

vi. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous acheté, code no 528144, soit utilisé pour la voiture de police 5[B]12.

j. Code no 576951

i. Le 27 juillet 2018, vous avez travaillé de [17 h à 3 h].

ii. Entre [17 h 28] le 27 juillet 2018 et [2 h 20] le 28 juillet 2018, vous avez utilisé la voiture de police 5B12.

iii. À [22 h 9], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 11,83 $, avec la carte ARI 6080 0005 8995 3017.

iv. Le code de lave-auto no 576951 a été utilisé le 3 août 2018 à [15 h 50].

v. Le 3 août 2018, à [15 h 50] aucun membre n’utilisait la voiture de police 5[B]12, et vous étiez en congé régulier.

vi. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous avez acheté, code no 576951, soit utilisé pour la voiture de police 5B12.

k. Code no 479032

i. Le 10 août 2018, vous avez travaillé de [17 h à 3 h].

ii. Entre [18 h 14] le 10 août 2018 et [2 h 31] le 11 août 2018, vous avez utilisé la voiture de police 5B5.

iii. À [18 h 35] vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, pour un montant total de 14,68 $, avec la carte ARI 6080 0005 8002 0055.

iv. Le code de lave-auto no 479032 a été utilisé le 13 août 2018 à [13 h 54].

v. Le 13 août 2018, à [13 h 54], le gendarme [J. Z.] utilisait la voiture de police 5B5. Le gendarme [J. Z.] n’a jamais utilisé le lavage de voiture acheté par un membre à une date antérieure et ne se souvient pas avoir utilisé un lave-auto ce jour-là.

vi. Le 13 août 2018, vous étiez en congé régulier.

vii. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous avez acheté, code no 479032, soit utilisé pour la voiture de police 5B5.

l. Code no 137116

i. Le 17 août 2018, vous avez travaillé de [17 h à 3 h].

ii. Entre [17 h 57] le 17 août 2018 et [2 h 37] le 18 août 2018, vous avez utilisé la voiture de police 5B12.

iii. À [18 h 10], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, pour un montant total de 13,98 $ avec la carte ARI 6080 0005 8995 3017.

iv. Le code de lave-auto no 137116 a été utilisé le 21 août 2018 à [14 h 40].

v. Le 21 août 2018 à [14 h 40], aucun membre n’utilisait la voiture de police 5B12, et vous étiez en congé régulier.

vi. L’enregistrement vidéo du système de télévision en circuit fermé (TVCF) obtenu auprès de la Red River Co-op, révèle un véhicule de couleur sombre, semblable à votre Jeep noire, entrant dans le lave-auto le 21 août 2018, à [14 h 46]. Le véhicule ne correspond pas à la description de la voiture 5B12, une Ford Taurus bleue pâle.

vii. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous avez acheté, code no 137116, soit utilisé pour la voiture de police 5B12 et vous avez plutôt utilisé le code de lave-auto no 137116 pour votre usage personnel.

m. Code no 004472

i. Le 19 août 2018, vous avez travaillé de [15 h à 1 h].

ii. Entre [16 h 31] le 19 août 2018 et [0 h 17] le 20 août 2018, vous avez utilisé la voiture de police 5B12.

iii. À [16 h 51], vous avez acheté un lavage de voiture « supérieur » au coût de 12,99 $, moins un rabais de 2 $, pour un montant total de 11,83 $, avec la carte ARI 6080 0005 8995 3017.

iv. Le code de lave-auto no 004472 a été utilisé le 4 septembre 2018 à 11 h 47.

v. Le 4 septembre 2018, à 11 h 47, aucun membre n’utilisait la voiture de police 5B12, et vous étiez censé travailler [de 12 h à 22 h].

vi. L’enregistrement vidéo de TVCF obtenu auprès de la Red River Co-op révèle que vous avez stationné votre véhicule personnel, une Jeep noire, à la Co-op à 11 h 48. Vous avez ensuite été vu sur l’enregistrement vidéo de TVCF faire un achat à la caisse de la Co-op à 11 h 51. Un véhicule de couleur sombre, semblable à votre Jeep noire, est vu dans le lave-auto le 4 septembre 2018, entre 11 h 53 et 12 h. Le véhicule ne correspond pas à la description de la voiture 5B12, une Ford Taurus bleue pâle.

vii. Vous n’avez pas veillé à ce que le lavage de voiture que vous acheté, code no 004472, soit utilisé pour la voiture de police 5[B]12 et vous avez plutôt utilisé le code de lave-auto no 004472 pour votre usage personnel.

Allégation 3

Le ou vers le 27 février 2019, à Selkirk, au Manitoba, ou à proximité, le gendarme Calvin Steinke n’a pas traité toute personne avec respect et courtoisie, contrevenant ainsi à l’article 2.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails :

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Sécurité routière de Selkirk de la Division D, dans la province du Manitoba.

2. Le 17 septembre 2018, en lien avec l’OGCA 2018-336589, vous étiez suspendu avec solde.

3. Le 27 février 2019 vers [16 h 06], [M. M. R.] et sa petite amie [Mme M.M.] sont sortis du « Little Caesar’s », situé au 55, rue Main, à Selkirk, au Manitoba. Au même moment, vous avez stationné votre véhicule personnel, plaque d’immatriculation [numéro caviardé], devant le « Little Caesar’s ». Alors que vous stationniez votre, M. [M. R.] passait devant la place de stationnement, et votre véhicule est presque entré en contact avec M. [M. R.].

4. M. [M.R.] s’attendait à ce que vous vous excusiez lorsque vous êtes sorti de votre véhicule, mais vous lui avez plutôt crié quelque chose comme « C’est quoi ton maudit problème » et « Enlève tes maudites mains de mon auto ».

5. M. [M.R.] a réagi en vous disant quelque chose comme « Tu ne sais pas conduire » et « Tu m’as presque frappé » ou « Tu aurais pu me frapper ». Vous avez réagi en criant à M. [M.R.] quelque chose comme « Utilise le maudit trottoir ».

6. M. [M. R.] s’est senti menacé et a eu l’impression que vous tentiez de l’intimider en le dévisageant après la confrontation.

7. M. [M.R.] a signalé l’incident à la police. La plainte portait sur un conducteur dangereux; que M. [M.R.] avait presque été frappé par le véhicule et qu’il avait ensuite été confronté par le conducteur. Le véhicule en question a été identifié avec votre numéro de plaque d’immatriculation [numéro caviardé]. Le dossier du SIRP no 2019-265305 a été créé et a fait l’objet d’une enquête, mais aucune accusation n’a été portée.

8. En prononçant des injures et en adoptant un comportement intimidant, vous avez eu une conduite discourtoise envers un membre du public, M. [M.R.], qui a donné lieu à une enquête en vertu de la loi.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[16]  Il incombe à l’autorité disciplinaire d’établir les allégations selon la prépondérance des probabilités. Concrètement, cela signifie que l’autorité disciplinaire doit établir qu’il est plus probable que le contraire que le gendarme Steinke a contrevenu au Code de déontologie de la GRC tel qu’indiqué dans les allégations.

Décision sur les allégations

Allégation 1

[17]  Article 4.6 du Code de déontologie de la GRC se lit comme suit :

Les membres utilisent les biens et le matériel fournis par l’État seulement pour les fins et les activités autorisées.

[18]  De plus, le Code de déontologie annoté formule le commentaire suivant :

[…]

Les membres ont la responsabilité d’utiliser un large éventail d’équipement et de biens dans l’exercice quotidien de leurs fonctions. En conséquence, il incombe [au membre] d’utiliser cet équipement et ces biens à des fins professionnelles et non pour son propre usage ou gain.

[…]

[19]  L’admission par le gendarme Steinke de l’allégation et de ses détails ainsi que l’examen des documents présentés dans le dossier montrent clairement que le membre visé a utilisé la carte ARI fournie par le gouvernement pour acheter des passes de lave-auto. De son propre aveu, il a admis non seulement avoir acheté les passes de lave-auto, mais également avoir reçu un avantage personnel en utilisant ces passes pour laver son véhicule personnel.

[20]  Par conséquent, j’estime que l’allégation 1 est établie selon la prépondérance des probabilités.

Allégation 3

[21]  Le 23 juin 2020, la CP 1 a été tenue afin de circonscrire les questions, identifier les témoins et fixer une date pour l’audience disciplinaire.

[22]  Les parties ont demandé les témoignages de M. M. R., de Mme M.M. et du gendarme Steinke, en lien avec l’allégation 3. Cependant, j’ai mentionné à la représentante de l’autorité disciplinaire que j’avais de sérieuses préoccupations en ce qui concerne cette allégation, à savoir :

  1. selon le dossier, M. M.R. et Mme M.M. ne semblaient pas vouloir coopérer;
  2. le gendarme Steinke a nié l’allégation;
  3. surtout, j’avais de la difficulté à comprendre comment l’inconduite alléguée était suffisamment liée aux devoirs et fonctions du gendarme Steinke pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[23]  La représentante de l’autorité disciplinaire a reconnu mes préoccupations, mais a souligné que les membres doivent respecter le Code de déontologie de la GRC, qu’ils soient en service ou non. J’ai réitéré mes préoccupations et j’ai laissé les parties discuter de la question.

[24]  Le 24 août 2020, j’ai envoyé un courriel à la représentante de l’autorité disciplinaire et au représentant du membre visé afin d’obtenir une mise à jour sur cette affaire et pour demander si une décision avait été prise en ce qui concerne les témoins en lien avec l’allégation 3, compte tenu des préoccupations que j’avais soulevées lors de la CP 1.

[25]  Peu de temps après, j’ai reçu une réponse de la représentante de l’autorité disciplinaire, dans laquelle elle a affirmé que, même si elle avait noté mes préoccupations en lien avec l’allégation 3, elle demanderait des assignations pour M. M.R. et Mme M. M. Elle s’attendait à leur présence et à leur collaboration lors de l’audience.

[26]  Le 27 août 2020, j’ai écrit à la représentante de l’autorité disciplinaire et au représentant du membre visé pour les aviser que, afin que je puisse envisager l’assignation de ces témoins, je devais être convaincu que la conduite alléguée du gendarme Steinke avait un lien avec son emploi et donnait à la GRC un intérêt à le discipliner. Pour ce faire, j’ai demandé des observations sur ce sujet et j’ai proposé un échéancier, puis j’ai obtenu l’accord des deux conseils.

[27]  La CP 2 a été tenue le 10 septembre 2020. J’ai avisé la représentante de l’autorité disciplinaire et le représentant du membre visé que, à la suite d’un examen de leurs observations, je ne délivrerais pas d’assignations pour les deux témoins civils, car l’autorité disciplinaire n’avait pas démontré que la conduite alléguée du gendarme Steinke était suffisamment liée à son emploi pour donner à la GRC un intérêt légitime de le discipliner.

Déclaration de la représentante de l’autorité disciplinaire sur le lien avec l’emploi

[28]  Le 28 août 2020, la représentante de l’autorité disciplinaire a fourni ses observations.

[29]  La représentante de l’autorité disciplinaire a soutenu que l’allégation 3 pouvait se résumer à une interaction, en dehors des heures de travail, entre le gendarme Steinke et deux membres du public, soit M. M. R. et Mme M.M., dans le stationnement d’un restaurant. M. M.R. a allégué que le gendarme Steinke avait profané des injures et adopté un comportement intimidant lors de cette interaction. La représentante de l’autorité disciplinaire a mentionné que la conduite du gendarme Steinke avait eu suffisamment d’impact pour que M. M.R. appelle la police, ce qui a donné lieu à une enquête en vertu de la loi.

[30]  La représentante de l’autorité disciplinaire a affirmé que, aux termes de l’alinéa 37g) de la Loi sur la GRC, il incombe à tout membre de se conduire en tout temps d’une façon courtoise, respectueuse et honorable.

[31]  La représentante de l’autorité disciplinaire a soutenu que la conduite du gendarme Steinke n’a pas respecté le Code de déontologie et, peut-être plus important encore, ses responsabilités aux termes de la Loi sur la GRC. Ainsi, elle a soutenu que la conduite du gendarme, telle qu’elle est décrite dans l’allégation 3, avait un lien avec son emploi, ce qui donne à la GRC un intérêt de le discipliner.

Réponse du représentant du membre visé sur le lien avec l’emploi

[32]  Le 4 septembre 2020, le représentant du membre visé a fourni sa réponse à la déclaration de la représentante de l’autorité disciplinaire.

[33]  Le représentant du membre visé a soutenu que, même si la Loi sur la GRC précise que les membres doivent toujours faire preuve de respect, cela ne remplace pas le principe d’emploi établi de longue date que les employés ont droit à leur vie privée et que les mesures disciplinaires ne sont permises que lorsqu’un lien avec l’emploi peut être établi. Il a fait valoir que même si le comportement du gendarme Steinke envers M. M.R. avait été irrespectueux, ce qu’il a nié, il n’y avait aucun lien avec la GRC.

[34]  Le représentant du membre visé, en citant Braiden c. Ratcliff, 2008 CanLII 91558 (Alberta Law Enforcement Review Board), a fait valoir qu’en l’absence d’un lien, aucune mesure disciplinaire ne peut être imposée. Afin d’établir un lien, le représentant du membre visé a cité le test énoncé dans Lingl and Calgary Police Service, (1993) 2 Alberta Law Enforcement Review Board 128 : [traduction libre]

[…]

(1) Lorsque la conduite de l’agent mine la réputation ou la crédibilité du service de police.

(2) Lorsque le comportement de l’agent l’empêche de s’acquitter de ses tâches de manière satisfaisante.

(3) Lorsque le comportement de l’agent entraîne un refus des autres agents ou employés de travailler avec lui ou une réticence ou une incapacité de leur part à le faire.

(4) Lorsque l’agent a enfreint la loi de telle sorte que son comportement a entaché la réputation du service et de ses membres.

(5) Lorsque la conduite de l’agent fait en sorte que le service peut difficilement remplir ses fonctions et gérer efficacement son travail ou bien diriger son effectif.

[…]

[35]  Le représentant du membre visé a résumé son argument en affirmant que le gendarme Steinke n’était pas en service, ne portait pas son uniforme, conduisait son véhicule personnel et a agi dans le cadre de sa vie personnelle. Il n’a jamais révélé qu’il était un agent de la GRC, ce qui élimine ou atténue considérablement le risque d’atteinte à la réputation de la GRC.

[36]  Le représentant du membre visé a soutenu qu’un lien entre une inconduite et l’emploi a toujours été établi lorsque la « victime » du comportement irrespectueux savait ou avait appris que la personne était un agent. Il a soutenu que même si l’interaction alléguée n’avait pas été plaisante, les agents ont droit à leur vie privée, à moins qu’un lien puisse être établi avec leur emploi. Il a fait valoir que ce lien n’existait pas dans le contexte de cette allégation.

Réfutation de la représentante de l’autorité disciplinaire au sujet du lien avec l’emploi

[37]  Le 9 septembre 2020, la représentante de l’autorité disciplinaire a présenté sa réfutation de la réponse du représentant du membre visé.

[38]  La représentante de l’autorité disciplinaire a soutenu que le lien avec l’emploi en ce qui concerne l’allégation 3 a été établi parce que la conduite du gendarme Steinke a incité M. M.R. à appeler la police et une enquête a été menée en vertu de la loi. Elle a soutenu que, qu’il ait été en service ou non, le fait qu’un membre fait l’objet d’une enquête prévue par la loi mine la réputation de la Gendarmerie.

[39]  De plus, elle a affirmé que, même si le gendarme Steinke n’a pas révélé qu’il était un agent de la GRC, cela n’a pas empêché la Gendarmerie d’avoir un intérêt à le discipliner. Elle a fait valoir que l’abus du statut du membre à titre d’agent de police constitue un facteur aggravant et non un élément requis pour que la Gendarmerie ait un intérêt à discipliner une inconduite en dehors des heures de service, affirmant que, qu’il ait été au travail ou non, la conduite du gendarme Steinke se reflète sur la Gendarmerie.

[40]  La représentante de l’autorité disciplinaire a soutenu que la conduite du gendarme Steinke telle qu’elle est décrite dans l’allégation 3 avait un lien avec son emploi; c’est pourquoi elle demandait que l’allégation soit entendue sur le fond.

Analyse

[41]  Le gendarme Steinke n’était pas en service, portait une tenue civile et conduisait son véhicule personnel. L’examen d’une vidéo versée au dossier, qui a été obtenue auprès du restaurant en question, il est évident qu’il y a eu un échange verbal entre le gendarme Steinke et, vraisemblablement, M. M.R., car il était sorti du cadre avant l’interaction. Selon la posture du gendarme Steinke, cet échange peut être décrit comme étant « animé » ou, à tout le moins « déplaisant ». Cependant, il a été bien établi qu’il devait y avoir un lien avec l’emploi de la personne pour que l’employeur puisse discipliner un employé pour une inconduite en dehors des heures de travail.

[42]  Rien n’indique que le gendarme Steinke s’est identifié comme étant un agent de police ou un membre de la GRC. En fait, selon la déclaration de M. M.R., il ignorait que le gendarme Steinke était un membre de la Gendarmerie avant que l’enquêteur l’en informe lors de l’entrevue. Même si l’identité d’un membre en tant qu’agent de police ne constitue pas toujours un élément pour que la conduite en dehors des heures de travail constitue un manquement au Code de déontologie, car une infraction à une loi peut justifier, en soi, une mesure disciplinaire, tel n’est pas le cas en l’espèce.

[43]  Tel que la cour l’a reconnu, les membres de la GRC, selon les termes de leur engagement, les membres de la GRC ont volontairement accepté de se conformer à une norme de conduite plus élevée que celle du citoyen ordinaire (Sa Majesté la Reine et Archer c. White, [1956] R.C.S. 154, p. 158). Toutefois, cette norme n’appelle pas à la perfection.

[44]  L’ingérence de la GRC dans tous les aspects de la vie personnelle du membre constituerait une intrusion extraordinaire et non nécessaire dans la liberté du membre. L’interaction entre le gendarme Steinke et M. M.R. a duré moins de 20 secondes. Même s’il est allégué qu’il a proféré des injures lorsqu’il s’est adressé à M. M.R., ce qu’il a nié, il ne s’agit que d’un simple échange entre deux personnes. Même s’il ne s’agit pas de la meilleure des situations, je ne peux pas conclure qu’une personne raisonnable en serait choquée.

[45]  On ne peut tout de même pas s’attendre à ce que chaque interaction d’un membre en dehors de ses heures de travail soit soumise à un examen minutieux de la GRC. Il n’est pas rare que des personnes aient des discussions animées ou profèrent des injures. Par conséquent, j’estime que le fait que le gendarme Steinke ait un bref désaccord avec une autre personne, même si cet échange peut avoir inclus des injures, ne donne pas à la GRC un intérêt légitime de le discipliner en lien avec l’allégation 3.

[46]  Je conclus donc que l’allégation 3 n’a pas été établie selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[47]  Puisque j’ai conclu que l’allégation 1 a été établie, je suis maintenant tenu, aux termes de l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, d’infliger des mesures disciplinaires « adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[48]  Le représentant du membre visé et la représentante de l’autorité disciplinaire ont proposé conjointement une série de mesures disciplinaires, à savoir : la confiscation de 40 jours de solde; (2) la suppression de 20 jours de congé; (3) une inadmissibilité à une promotion pour une période de trois ans; et (4) du counseling, conformément aux instructions du médecin-chef.

Observations de la représentante de l’autorité disciplinaire

[49]  Outre les présentations conjointes soumises par écrit, la représentante de l’autorité disciplinaire a mentionné ce qui suit :

  1. Le Guide sur les mesures disciplinaires (2014) décrit l’utilisation des cartes ARI comme une conduite répréhensible, car ces cartes sont automatiquement remboursées par le gouvernement.
  2. L’appréciation, par l’autorité disciplinaire, de la gravité de l’inconduite du gendarme Steinke et l’attente que toute future inconduite fasse l’objet d’un examen minutieux.
  3. L’autorité disciplinaire ne ferme pas les yeux sur l’inconduite et, en l’absence de facteurs atténuants, elle n’aurait pas accepté une recommandation conjointe.

Observations du représentant du membre visé

[50]  Au nom du gendarme Steinke, le représentant du membre visé a exprimé ce qui suit :

  1. Le gendarme Steinke approuve la recommandation conjointe.
  2. Le gendarme Steinke a pris le processus très au sérieux et reconnaît qu’il sera « sous le microscope ».
  3. La situation du gendarme Steinke était très différente à ce moment-là. Il était très désorganisé et déprimé, ce qui a entraîné un mélange des reçus.
  4. La situation du gendarme Steinke s’est améliorée et il reconnaît qu’il doit assurer un meilleur suivi des articles, en particulier les biens appartenant à la GRC.
  5. En ce qui concerne les antécédents du gendarme Steinke :
    1. Il a obtenu son diplôme du Dépôt en décembre 2004 et a été affecté à Manitou, au Manitoba.
    2. Il était marié, mais a divorcé en 2012.
    3. Il a deux enfants adultes (un fils de 24 ans et une fille de 26 ans).
    4. Il vit actuellement en union libre et il a deux belles-filles, âgées de 9 et 14 ans.
    5. Même s’il ne pouvait pas en retrouver la preuve, il a reçu une mention élogieuse en 2004 en lien avec un homme suicidaire qu’il a sauvé des glaces avec d’autres.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[51]  Lorsque des mesures disciplinaires sont proposées conjointement, le Comité de déontologie ne peut les refuser que dans des circonstances très précises.

[52]  En général, les cours de justice et les tribunaux administratifs comme celui-ci ne refusent pas les ententes conclues entre les parties, à moins que l’entente aille à l’encontre de l’intérêt public. Le critère de l’intérêt public a un seuil très élevé. En 2016, dans l’arrêt R. c. Anthony- Cook, 2016 CSC 43, la Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions de conciliation et a déclaré qu’on ne doit pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe.

[53]  Le critère de l’intérêt public a également été appliqué dans le contexte de la discipline professionnelle dans l’arrêt Rault c. Law Society (Saskatchewan), 2009 SKCA 81 (Canlii) [Rault], et par le commissaire de la GRC dans la l’arrêt (2018) 18 AD (4th) 270.

[54]  Selon l’arrêt Rault, un Comité de déontologie est tenu d’examiner sérieusement une recommandation conjointe à moins qu’elle soit inadéquate, déraisonnable ou contraire à l’intérêt public. En outre, lorsqu’il s’écarte d’une recommandation conjointe, un Comité de déontologie doit également donner des raisons valables ou convaincantes afin d’expliquer pourquoi la recommandation n’est pas appropriée.

[55]  Pour déterminer si les mesures disciplinaires proposées par les parties sont contraires à l’intérêt public, je dois d’abord déterminer quelles sont les mesures possibles. Il convient de noter que le congédiement est la sanction la plus grave qui puisse être imposée dans un processus disciplinaire comme celui-ci.

[56]  Dans leur recommandation conjointe, les parties ont présenté une analyse détaillée de l’éventail des mesures appropriées applicables aux différents éléments constatés dans l’inconduite du gendarme Steinke. Pour étayer leur position, les parties ont cité trois décisions antérieures d’un Comité de déontologie : Commandant de la Division K c. le gendarme Tyler Cull, 2018 DARD 7; Commandant de la Division K c. le gendarme Charles Clarke, 2016 DARD 3; et Commandant de la Division K c. le gendarme Trevor Ens, 2019 DARD 01.

[57]  Même si aucune de ces décisions ne porte sur les mêmes faits que ceux présents dans l’affaire en cause, les parties ont suggéré qu’elles appuient l’imposition d’une confiscation importante de la solde. Par conséquent, elles proposent que l’éventail approprié pour les mesures disciplinaires soit la confiscation de 30 jours de solde, ce qui est le plus bas dans les cas mineurs, au congédiement, qui est la mesure recommandée dans les cas ordinaires ou graves, conformément au Guide des mesures disciplinaires.

[58]  Telle que les parties elles-mêmes l’ont reconnu, l’inconduite du gendarme Steinke fait partie des cas ordinaires; ce qui prévoit le congédiement. Toutefois, dans de cas, les parties affirment qu’il a pris des mesures pour se réadapter en obtenant des services de psychothérapie, ce qui réduit la sanction à celle pour un cas mineur. Pour déterminer s’il s’agit d’une mesure proportionnée en l’espèce, je dois tenir compte des facteurs aggravants et des facteurs atténuants.

Facteurs aggravants

[59]  J’ai examiné les facteurs présentés par les parties et je conclus que les éléments suivants sont en effet des facteurs aggravants :

  1. L’inconduite comporte un manque d’honnêteté et d’intégrité.
  2. Le gendarme Steinke a obtenu un gain personnel sous la forme de 13 lavages de voiture (une valeur de 160,94 $).
  3. L’inconduite s’est produite à 13 reprises; il ne s’agit pas d’un incident isolé. Il est difficile d’imaginer que les 13 incidents se sont produits par mégarde.
  4. En 2016, le gendarme Steinke a fait d’objet de mesures disciplinaires sans lien avec l’affaire en l’espèce, soit un cas de « rage au volant », ainsi qu’un autre incident non relié de conduite disgracieuse en 2007.

Facteurs atténuants

[60]  J’estime que les éléments suivants sont des facteurs atténuants :

  1. L’aveu du gendarme Steinke a évité la tenue d’une audience contestée.
  2. Le gendarme Steinke a exprimé des remords et a assumé la responsabilité de ses actes.
  3. Le gendarme Steinke a coopéré à l’enquête interne et a présenté une déclaration aux enquêteurs des Normes professionnelles.
  4. Au moment de l’inconduite, le gendarme Steinke faisait face à des facteurs de stress personnels et avait des problèmes de santé. Depuis, il a demandé et reçu des soins et reçoit toujours un traitement pour ses problèmes de santé.

[61]  Ainsi, comme l’a démontré la recommandation conjointe sur les mesures, l’autorité disciplinaire ne cherche plus le congédiement du gendarme Steinke et a affirmé croire que, à l’avenir, il fera preuve d’une « conduite exemplaire ».

CONCLUSION

[62]  J’aimerais insister sur la gravité de l’inconduite du gendarme Steinke. Il ne s’agit pas d’un événement isolé. Il a répété son inconduite à 13 reprises, ce qui laisse planer un doute quant à la façon dont cela a pu se produire par inadvertance. Même si la valeur n’a pas une grande importance, ce type d’inconduite est lié directement à son honnêteté et à son intégrité; en l’absence des circonstances exposées par le conseil, plus particulièrement l’appui de l’autorité disciplinaire de la recommandation conjointe, il aurait probablement été congédié.

[63]  Cependant, après avoir examiné le dossier qui m’a été soumis, la nature de l’inconduite, les facteurs atténuants et aggravants ainsi que les décisions auxquelles les parties ont fait référence, je ne peux pas conclure que les mesures proposées sont contraires à l’intérêt public. Les mesures imposent une sanction très sévère au gendarme Steinke, ce qui communique clairement qu’il est tenu responsable de son comportement et que ce type d’inconduite ne sera pas tolérée par la GRC.

[64]  De plus, je crois que ces mesures constitueront un sérieux facteur de dissuasion pour le gendarme Steinke, en particulier, et un moyen de dissuasion général pour d’autres.

[65]  Par conséquent, j’accepte la recommandation conjointe des parties et j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

  1. la confiscation de 40 jours de solde (320 heures)
  2. la suppression de 20 jours de congé (160 heures)
  3. une inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans
  4. du counseling, conformément aux instructions du médecin-chef.

[66]  Le gendarme Steinke s’est vu offrir la possibilité de poursuivre sa carrière au sein de la GRC. Cependant, toute infraction subséquente au Code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée et pourrait mener à son congédiement.

[67]  Je suis convaincu qu’il saura ne pas répéter les mêmes erreurs à l’avenir et se montrer à la hauteur des normes élevées attendue d’un membre de la GRC.

[68]  Toute mesure provisoire mise en place doit être résolue en conformité avec les modalités de l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie Royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[69]  L’une ou l’autre des parties peut faire appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision au membre visé, comme il est indiqué à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

Le 29 octobre 2020

Inspecteur Colin Miller

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

 



[1] Même si l’allégation 2 a été incluse, l’Avis d’audience disciplinaire a indiqué qu’elle a été retirée.

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