Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant interjette appel d’une décision rendue par un Comité de déontologie de la GRC concluant que deux allégations contre lui avaient été établies, lesquelles contrevenaient à l’article 7.1 du Code de déontologie et a ordonné que l’appelant soit congédié. La première allégation était liée à sa consommation de cocaïne alors que la deuxième portait sur son utilisation inappropriée de son BlackBerry de travail. L’appelant maintient que le Comité a démontré une crainte raisonnable de partialité, et a commis des erreurs dans son appréciation de la preuve ainsi que dans son évaluation des facteurs aggravants et atténuants.

D’avis que l’argument de partialité de l’appelant est sans fondement et que le Comité n’a commis aucune erreur manifeste ou déterminante, l’arbitre a accepté la recommandation du CEE et a rejeté l’appel.

Contenu de la décision

Protégé A

2018335823 (C-040)

2020 DAD 27

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

un appel présenté conformément au paragraphe 45.11(1) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10

ENTRE :

Gendarme Philippe Raymond

Numéro de matricule 48229

(Appelant)

et

Commandant divisionnaire, Division « C »

Gendarmerie royale du Canada

(Intimé)

DÉCISION EN MATIÈRE DE RECOURS

APPEL

ARBITRE : Steven Dunn

DATE : le 2 novembre 2020


RÉSUMÉ

L’appelant interjette appel d’une décision rendue par un Comité de déontologie de la GRC concluant que deux allégations contre lui avaient été établies, lesquelles contrevenaient à l’article 7.1 du Code de déontologie et a ordonné que l’appelant soit congédié. La première allégation était liée à sa consommation de cocaïne alors que la deuxième portait sur son utilisation inappropriée de son BlackBerry de travail. L’appelant maintient que le Comité a démontré une crainte raisonnable de partialité, et a commis des erreurs dans son appréciation de la preuve ainsi que dans son évaluation des facteurs aggravants et atténuants.

D’avis que l’argument de partialité de l’appelant est sans fondement et que le Comité n’a commis aucune erreur manifeste ou déterminante, l’arbitre a accepté la recommandation du CEE et a rejeté l’appel.

INTRODUCTION

[1]  Aux termes du paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10 [Loi sur la GRC], le gendarme Philippe Raymond, numéro de matricule 48229 (appelant), interjette appel d’une décision rendue par un Comité de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) (le Comité) concluant que deux allégations contre lui avaient été établies, lesquelles contrevenaient à l’article 7.1 du Code de déontologie (lequel figure en annexe du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281) (Code de déontologie). À titre de mesure disciplinaire, le Comité a ordonné que l’appelant soit congédié.

[2]  Le dossier a été envoyé au Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour une étude approfondie, conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la GRC. Dans le rapport CEE C-2019-018 (C-040) daté du 25 septembre 2020 (le Rapport), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, n’a identifié aucune erreur manifeste ou déterminante dans la décision du Comité et a recommandé le rejet de l’appel.

[3]  Afin de rendre cette décision, j’ai examiné le dossier d’appel préparé par le Bureau de coordination des griefs et des appels (BCGA) (Appel), le matériel qui a été utilisé pour rendre la décision qui fait l’objet du présent appel (Matériel), ainsi que le Rapport écrit du CEE (le Dossier). Sauf indication contraire, les documents contenus dans le Dossier seront cités par renvoi de page; la législation, politiques et directives auxquelles je ferai référence sont celles en vigueur au moment des évènements.

[4]  Pour les raisons qui suivent, l’appel est rejeté.

PROCÉDURE DÉONTOLOGIQUE

Enquête en déontologie

[5]  Le 21 janvier 2016, un mandat d’enquête a été émis ordonnant la tenue d’une enquête en vertu de la Partie IV de la Loi sur la GRC afin d’établir si l’appelant avait contrevenu au Code de déontologie (Matériel, p 130). Le mandat d’enquête contenait une seule allégation :

Allégation 1 :

Le ou vers le mois d’août et septembre 2013, dans la province de Québec, [l’appelant] a procédé à des échanges de messages texte qui laissent croire que des connaissances proches de lui ou lui-même consomment des drogues illégales telles que de la cocaïne, de la marijuana, du GHB, de l’ecstasy ou de l’héroïne.

Il est par conséquent allégué que [l’appelant] ne s’est pas comporté d’une manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie.

[6]  Le 12 décembre 2016, un rapport d’enquête a été préparé par le Groupe des normes professionnelles de la Division « C » concernant la conduite reprochée de l’appelant (Matériel, pp 111-241). Le rapport détaille l’information recueillie au cours de l’enquête et inclut, entre autres, des résumés et transcriptions des déclarations enregistrées des témoins ainsi qu’un rapport de vérifications contenant une analyse détaillée des messages SMS reçus et envoyés par l’appareil téléphonique de l’appelant.

Contraventions alléguées au Code de déontologie

[7]  Le 6 février 2017, un avis d’audience disciplinaire (Avis) a été signifié à l’appelant l’informant qu’un comité de déontologie serait constitué et chargé de déterminer s’il avait contrevenu au Code de déontologie. L’avis comportait les deux allégations suivantes (Matériel, pp 102-103) (cité textuellement) :

Allégation 1 :

Entre le 18 juin 2012 et le 1 janvier 2015, à ou près de Montréal et à ou près de Trois-Rivières, et ailleurs dans la province de Québec, [l’appelant] a eu une conduite déshonorante en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Précisions – Allégation 1 :

1. À toutes les époques pertinentes, vous étiez et vous êtes toujours un membre de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), affecté à la Division « C » dans la province de Québec.

2. Lorsque vous étiez hors service, vous fréquentiez des personnes impliquées dans la consommation de drogues illégales; à plusieurs reprises, vous étiez présent lorsque ces personnes, membre du public, consommaient des drogues illégales telles que la cocaïne.

3. À plus d’une reprise, en présence de votre amie [Madame X], vous avez consommé des drogues illégales telles que la cocaïne.

4. À une occasion, lors d’un « after party » à Trois-Rivières, auquel vous accompagnait [gendarme C], ce dernier vous a observé dans la salle de bain en compagnie de deux autres individus et en présence d’une ligne de poudre blanche sur le comptoir. Dans ce contexte, [gendarme C] croit que c’était de la cocaïne.

5. Vous étiez au courant que l’usage de drogues illégales était un comportement inapproprié pour un policier. [Gendarme C] en a discuté avec vous a plus d’une reprise, incluant le 1er janvier 2015, où il a eu une vive discussion avec vous, vous implorant de mettre fin à vos habitudes de consommation de drogues illégales.

6. Vos fréquentations de personnes qui consomment des drogues illégales son un comportement inapproprié pour un policier.

7. Votre participation ou votre association à des activités de consommation de drogues illégales est un comportement inapproprié pour un policier.

8. Votre consommation de drogues illégales est un comportement inapproprié pour un policier.

Allégation 2 :

Entre le 1 août 2013 et le 30 septembre 2013, à ou près de Montréal, dans la province de Québec, [l’appelant] a eu une conduite déshonorante en contravention à l'article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Précisions – Allégation 2 :

1. À toutes les époques pertinentes, vous étiez et vous êtes toujours un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), affecté à la Division « C » dans la province de Québec.

2. Le 11 juillet 2012, un appareil de type BlackBerry portant le numéro d’utilisateur [numéro caviardé] vous a été assigné par la GRC. Ce BlackBerry vous a été assigné pour l’exercice de vos fonctions.

3. À des fins personnelles, vous avez échangé, à plusieurs reprises avec des tierces personnes, des messages textes faisant allusion à la consommation de drogues illégales telles : « une p’tite ligne », drogue du viol, héroïne, crack, joint, « eeee ».

4. Vous avez utilisé de façon inappropriée votre BlackBerry, un bien appartenant à la GRC.

[8]  Le 10 juillet 2017, l’appelant a, par l’entremise de son avocat, présenté ses observations écrites en réponse à l’Avis (Matériel, pp 105-110).

[9]  L’appelant a indiqué admettre l’allégation 1 avec certaines précisions. L’appelant a expliqué que la période de début pour l’inconduite reprochée devrait être le printemps 2013 plutôt que le 18 juin 2012. Il a ensuite précisé que les personnes qu’il a fréquentées n’étaient pas, à sa connaissance, issues du milieu criminalisé. L’appelant a soumis n’avoir consommé que de la cocaïne, et non d’autres drogues illégales. L’appelant a également confirmé avoir été dans un « after party » à Trois-Rivières, mais a affirmé ne pas se souvenir avoir consommé de la cocaïne ou d’autres drogues illégales. Bien que l’appelant admette que l’usage de drogues illégales est un comportement inapproprié pour un policier, il a nié avoir eu une conversation sur ses habitudes de consommation avec le Gendarme C. Selon l’appelant, la discussion avec le Gendarme C, qui était à ce moment en état d’ébriété, concernait plutôt la consommation de cocaïne d’une tierce personne présente chez lui lors de la célébration de la veille du jour de l’An.

[10]  Ensuite, l’appelant a clarifié qu’il a consommé de la cocaïne uniquement lors de situations où certaines personnes lui en avaient offert et lorsqu’il était en état d’ébriété. Il a également expliqué que sa consommation n’était pas prolongée ni systématique, mais plutôt limitée dans le temps et ponctuelle. Selon l’appelant, à l’époque visée par l’allégation 1, son mode de vie l’emmenait à fréquenter plus souvent les bars ainsi que certaines personnes qui consommaient parfois eux-mêmes de la cocaïne. Par contre, il a indiqué qu’il regrette sincèrement son mode de vie l’ayant emmené à faire des choix peu judicieux, et qu’il a depuis changé ses habitudes de vie en cessant de fréquenter ses personnes et en lui-même cessant de consommer de la cocaïne et boire de l’alcool de manière immodérée.

[11]  En ce qui concerne l’allégation 2, l’appelant a admis l’allégation ainsi que les quatre énoncés qui s’y rattachent. Il a toutefois précisé que les messages textes échangés doivent être compris dans un sens figuratif, à titre d’humour, et non au sens littéral.

Audience disciplinaire

[12]  Une audience sur les allégations a eu lieu du 22 au 24 mai 2018. Le Comité a rendu deux décisions orales, soit une le 24 mai 2018 sur les allégations, et une le 26 juin 2018 sur les mesures disciplinaires. Le Comité a, par la suite, émis une décision écrite le 17 septembre 2018 comportant ses conclusions sur les allégations et les mesures disciplinaires, ainsi qu’une décision corrigée le 20 septembre 2018 (Appel, pp 6-35; Matériel, pp 3241-3270).

a) Decision relative aux allégations

[13]  Le Comité a d’abord examiné la crédibilité des témoins. Ce faisant, le Comité a reconnu que les six témoins de l’autorité disciplinaire étaient des amis de l’appelant et ne voulaient pas témoigner à l’audience. Le Comité a également pris en considération le fait que les évènements pertinents aux allégations avaient eu lieu cinq ans passés affectant ainsi la fiabilité des éléments de preuve tirés de la mémoire des témoins et de l’appelant. Quant à l’évaluation des témoins, le Comité a conclu que les témoignages du gendarme C, Madame X et Madame Y étaient crédibles, alors que ceux de Monsieur A, Monsieur B et Monsieur Z ne l’étaient pas en raison de contradictions importantes et du lien d’amitié ou professionnel avec ceux-ci et l’appelant. Le Comité a également considéré que la version des faits de l’appelant était nébuleuse et avait soulevé des doutes importants sur la teneur de sa consommation et la manière dont il obtenait de la cocaïne.

[14]  Par la suite, le Comité a décrit le test applicable à l’évaluation d’une conduite déshonorante visée par l’article 7.1 du Code de déontologie, soit la perception d’une personne raisonnable dans la société et informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités du métier de policier en général et de celles de la GRC en particulier. De plus, le Comité a indiqué avoir appliqué un test similaire à celui élaboré par le CEE dans D-019 afin de déterminer si les allégations étaient établies selon la prépondérance des probabilités. Selon ce test, le fardeau incombe d’abord à l’autorité disciplinaire de prouver l’identité du membre et des actes constituant le comportement allégué, et ensuite, le décideur doit conclure que le comportement était susceptible de jeter le discrédit sur la GRC et suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime pour imposer des mesures disciplinaires.

[15]  Se penchant d’abord sur l’allégation 1, le Comité a indiqué qu’en raison du manque de certitude avec lequel le gendarme C a témoigné à l’égard des détails de sa sortie avec l’appelant à Trois-Rivières, l’énoncé détaillé 4 n’avait pas été établi. Le Comité a toutefois conclu que l’appelant avait consommé de la cocaïne pendant une période d’au moins 15 mois, soit de mars 2013 à juillet 2014, ce que le Comité a décrit comme étant une période prolongée et non limitée tel qu’avancé par le représentant du membre. En ce qui concerne la fréquence de la consommation, le Comité a déterminé que l’appelant avait consommé au moins 15 fois en 15 mois. Le Comité a donc conclu que selon la prépondérance des probabilités, le comportement de l’appelant, lié à ses devoirs et ses fonctions, a jeté le discrédit sur la GRC, et que celui-ci a donc contrevenu à l’article 7.1 du Code de déontologie.

[16]  En ce qui concerne l’allégation 2, le Comité a convenu que l’autorité disciplinaire avait prouvé les quatre énoncés de l’allégation. Le Comité a noté que l’appelant a admis que les messages textes échangés avec ses amis pour des fins personnelles contenaient du contenu inapproprié puisqu’ils faisaient allusion à la consommation de drogues illégales. Le Comité a donc conclu que selon la prépondérance des probabilités, l’appelant avait contrevenu à l’article 7.1 du Code de déontologie.

b) Décision relative aux mesures disciplinaires

[17]  D’emblée, le Comité a énoncé les trois étapes liées à l’analyse des mesures disciplinaires, soit établir la gamme des mesures disciplinaires appropriées, considérer les facteurs aggravants et atténuants, et imposer une mesure disciplinaire juste et équitable qui reflète la gravité de l’inconduite en question tout en tenant compte des principes de parité de la sanction et de dissuasion.

[18]  Dans le cadre de son examen de la gamme des mesures disciplinaires, le Comité a noté que les précédents en matière de consommation de drogue de la GRC sont peu abondants. Le Comité a accepté sous réserve les précédents soumis par le représentant du membre pour les raisons suivantes : les décisions provenaient de l’ancien régime disciplinaire sous lequel la gamme de mesures disciplinaires étaient plus limitée, la majorité des affaires n’étaient pas des cas de congédiement, dans trois des cas soumis, une proposition conjointe de sanction avait été proposée par les parties, et, contrairement au présent cas, des facteurs atténuants importants existaient dans plusieurs des décisions présentées. Par conséquent, le Comité a conclu que suite à son analyse, la mesure disciplinaire globale appropriée pour les deux allégations se situait entre une confiscation de la solde d’un nombre de jours de travail au milieu de l’échelle allant jusqu’au congédiement.

[19]  Le Comité a ensuite abordé la deuxième étape de l’analyse en considérant les facteurs aggravants et atténuants. Le Comité a retenu les facteurs aggravants suivants :

  1. L’appelant a consommé de la cocaïne, une substance inscrite à l’annexe 1 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19, ce qui associe l’appelant à une activité incompatible avec le travail de policier et pour laquelle la société a peu de tolérance.

  2. L’appelant a consommé à des fins personnelles récréatives pour une période d’au moins 15 mois, ce qui constitue une période prolongée.

  3. La consommation a eu lieu à son domicile avec des gens du public, et c’est majoritairement l’appelant qui préparait les lignes de cocaïne qu’il prenait avec sa conjointe.

  4. L’appelant a consommé de la cocaïne au moins 15 fois en 15 mois, ce qui démontre un comportement fréquent et prolongé.

  5. L’appelant savait que la cocaïne était associée au milieu criminel, et ce manque d’intégrité a entaché la perception et la confiance du public envers la GRC de même que l’administration de la justice.

  6. La consommation de cocaïne de l’appelant était liée à une consommation immodérée d’alcool.

  7. Malgré avoir été suspendu pour cette conduite dans un autre dossier distinct, l’appelant a continué de consommer de la cocaïne pendant au moins 10 mois et a également augmenté excessivement sa consommation d’alcool, sachant que son employeur lui reprochait cette inconduite.

  8. En vertu de l’arrêt de la Cour suprême R. c McNeil, [2009] 1 RCS 66 [McNeil], l’inconduite de l’appelant pourrait dorénavant être divulguée à la poursuite dans le cadre d’une enquête l’impliquant.

[20]  En ce qui concerne les facteurs atténuants, le Comité a retenu les facteurs suivants :

  1. L’appelant a admis l’allégation.

  2. L’appelant a reconnu son inconduite et a exprimé des remords pour ses actions.

  3. L’appelant a présenté des excuses et a reconnu que ses gestes illégaux étaient inappropriés pour un policier et allaient à l’encontre de ses valeurs personnelles.

  4. L’appelant n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires antérieurs et ses évaluations de rendement avaient été positives.

  5. L’appelant a vécu des facteurs de stress émotionnel à l’automne 2012 à la suite d’une rupture amoureuse. Toutefois, le Comité a indiqué accorder très peu de poids à ce facteur puisqu’une rupture amoureuse ne constitue pas une excuse raisonnable pour enfreindre la loi de façon répétée sur une période prolongée.

  6. L’appelant a reçu des soins médicaux pour sa consommation de drogue et d’alcool et a participé à quelques rencontres mensuelles des Alcooliques Anonymes. Le Comité a cependant noté les propos limités de l’appelant à sa psychologue et son médecin de famille sur l’ampleur de ses problèmes de consommation ainsi que son intention de privilégier une consommation contrôlée d’alcool plutôt que l’abstinence. Le Comité a considéré que ce comportement réduisait considérablement l’ampleur de ce facteur atténuant.

  7. L’appelant aurait possiblement cessé de consommer de la cocaïne en juillet 2014, environ 18 mois avant d’être avisé en janvier 2016 de l’enquête disciplinaire dans ce dossier. Toutefois, le Comité a considéré que l’absence de preuve soutenant cette affirmation provenant de l’appelant atténuait considérablement ce facteur.

[21]  À l’égard de l’allégation 2, le Comité a identifié les facteurs aggravants suivants : l’utilisation à des fins personnelles de l’équipement par l’appelant ainsi que le comportement répréhensible de l’appelant par rapport à cette utilisation qui décevrait les membres du public. À titre de facteurs atténuants, le Comité a considéré la reconnaissance de l’appelant que les messages textes échangés avec ses amis contenaient du contenu inapproprié.

[22]  Le Comité s’est ensuite penché sur la troisième et dernière étape de l’analyse des mesures disciplinaires. En considérant la peine appropriée, le Comité s’est appuyé sur les décisions Ennis v Canadian Imperial Bank of Commerce, 1986 CanLii 1208 (BCSC) et Greene (2017 RCAD 5) afin de conclure que les valeurs fondamentales de la GRC ont été enfreintes par l’appelant de façon continue. Selon le Comité (Matériel, p 3269) :

[L’appelant] avait le devoir, qu’il soit en service ou non, de songer en tout temps à l’incidence de ses actes et de son comportement, et ce, afin de préserver sa crédibilité et la confiance du public. Ces deux éléments sont nécessaires pour qu’un membre de la GRC exécute efficacement les fonctions relatives au maintien de l’ordre, [l’appelant] y a manqué de façon flagrante pendant une période prolongée.

[23]  Le Comité a raisonné qu’il existait de nombreux facteurs aggravants militant en faveur du congédiement de l’appelant et une absence de facteurs atténuants importants pouvant justifier une peine moins sévère. Le Comité a également tenu en compte les opinions divergentes des témoins experts à l’égard du pronostic de réhabilitation de l’appelant, et a indiqué ne pas être convaincu par seuls les dires de l’appelant à l’effet qu’il soit complètement réhabilité et digne de confiance. Le Comité a souligné le risque important pour la GRC de maintenir une relation de travail avec ce dernier. Vu les erreurs de jugement graves et répétées commises par l’appelant, le Comité a déterminé que son inconduite remettait en question son intégrité, la confiance du public ainsi que son lien de confiance avec son employeur. Le Comité a donc conclu qu’une personne raisonnable, connaissant toutes les circonstances de cette affaire, verrait son maintien en poste comme minant la confiance du public et les valeurs véhiculées par la GRC. Par conséquent, le congédiement de l’appelant a été ordonné.

APPEL

[24]  Le 1er octobre 2018, l’appelant a présenté sa Déclaration d’appel (formulaire 6437f) au BCGA sur lequel il a indiqué que la décision du Comité contrevient aux principes applicables de l’équité procédurale, est fondée sur une erreur de droit et est manifestement déraisonnable (Appel, pp 3-5). L’appelant soulève les arguments suivants (Appel, p 4) (cité textuellement) :

La décision du Comité de déontologie est partiale en raison de l’existence d’un 2e dossier disciplinaire de l’appelant, duquel le Comité n’était pas saisi.

Quant à la détermination de la peine, le Comité a retenu certains facteurs qui ne sont pas des facteurs aggravants vu la preuve (ex : arrêt McNeil, consommation d’alcool, etc.). Le Comité a aussi omis de considérer ou écarter certains facteurs atténuants.

Le Comité a commis des erreurs dans l’appréciation de la preuve se rapportant à la gravité de l’inconduite reprochée ce qui a influencé la justesse de la peine imposée (ex : appréciation de la crédibilité des déclarations de certains témoins, etc.).

[25]  À titre de mesures correctives, l’appelant demande que l’appel soit accueilli, que la décision du Comité soit infirmée, que l’arbitre impose la mesure demandée par son représentant ou encore une mesure autre que l’ordre de démissionner qui est plus appropriée et juste dans les circonstances.

[26]  Bien que plusieurs prorogations de délais aient été accordées à l’appelant, je note que l’appelant n’a présenté aucunes observations écrites autres que celles contenues dans son formulaire 6437f (Appel, p 122).

ANALYSE

Norme de contrôle

[27]  Le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels) [CC (griefs et appels)] prévoit les principes directeurs que doit respecter la Commissaire de la GRC ou l’arbitre de dernier niveau dans le cadre d’un appel :

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[28]  La Cour suprême du Canada (Cour suprême) a rendu une décision dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, dans laquelle elle a effectué une analyse bien attendue de la norme de contrôle. Aux fins présentes, je note que la Cour suprême a confirmé que les normes de contrôle prescrites par la loi devraient être respectées (paras 34-35), et que la majorité a clairement différencié les démarches à prendre entre les appels prévus par la loi et le contrôle judiciaire des décisions administratives (paras 36-45).

[29]  Le premier motif d’appel présenté par l’appelant porte sur un manque d’impartialité à l’égard du Comité, lequel je considère relève de l’équité procédurale. La question de savoir si un décideur a respecté les principes d’équité procédurale doit être examinée selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 SCC 12, para 43). L’application de cette norme requiert aucune retenue envers la décision sous révision. Une contravention aux principes d’équité procédurale rendra normalement une décision invalide et le remède habituel sera d’ordonner une nouvelle audition, à moins que le résultat d’une décision sur le fond était inévitable (Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada–Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, pp 228-229; Renaud c Canada (Procureur général), 2013 CAF 266, para 5).

[30]  Les deux autres motifs d’appel présentés par l’appelant portent sur la considération par le Comité des facteurs aggravants et atténuants ainsi que son appréciation de la preuve. J’estime que ces deux motifs d’appel constituent des erreurs mixtes de fait et de droit. Le terme « manifestement déraisonnable » utilisé au paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels) décrit la norme qui doit être appliquée lors de la révision d’une question de fait ou d’une question mixte de fait et de droit. Dans Kalkat c Canada (Procureur général), 2017 CF 794, la Cour fédérale a considéré le terme « manifestement déraisonnable » :

[62] Par conséquent, étant donné qu’il est expressément indiqué que la décision doit être « nettement déraisonnable » et prenant en compte la traduction de l’expression, je conclus que le Délégué n’a commis aucune erreur. Il est raisonnable d’interpréter la norme de la décision « nettement déraisonnable » comme si elle équivalait la norme de la décision « manifestement déraisonnable » dans le contexte du plan législatif et sur celui des principes. Il s’ensuit que le Délégué doit faire preuve de retenue à l’égard d’une conclusion par l’autorité disciplinaire lorsqu’il estime simplement que la preuve est insuffisante pour étayer la conclusion (Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal) c Fraser Health Authority, 2016 CSC 25).

[31]  Dans Smith c Canada (Procureur général), 2019 CF 770, une considération semblable a été examinée et adoptée :

[38] L’arbitre a effectué une analyse approfondie pour en arriver à la conclusion que la norme de la décision manifestement déraisonnable s’appliquait à la décision de l’autorité disciplinaire. Dans son analyse, l’arbitre a examiné la jurisprudence applicable, le sens du terme « manifestement », ainsi que le libellé en français du paragraphe 33(1). La conclusion de l’arbitre selon laquelle la norme de contrôle applicable était celle de la décision manifestement déraisonnable est justifiable, transparente et intelligible. La Cour est d’accord qu’il s’agissait là d’une conclusion raisonnable.

[32]  Dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c Southam Inc., [1997] 1 RCS 748, au para 57, la Cour a expliqué qu’une décision est manifestement déraisonnable si « le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal », ou en d’autres mots, que l’erreur « se dit d’une chose que l’on ne peut contester, qui est tout à fait évidente ». Par la suite, la Cour a expliqué dans Barreau du Nouveau-Brunswick c Ryan, 2003 CSC 20, au para 52, qu’une décision manifestement déraisonnable est une décision qui est « clairement irrationnelle » ou « de toute évidence non conforme à la raison » ou « à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir ».

[33]  Par conséquent, une preuve de grande retenue s’impose envers les questions de faits et les questions mixtes de fait et de droit, et seule la présence d’une erreur manifeste ou déterminante pourrait mener à la conclusion que la décision de l’intimé est manifestement déraisonnable.

Fond de l’appel

L’appelant a-t-il su démontrer une crainte raisonnable de partialité de la part du Comité?

[34]  L’appelant remet en doute l’impartialité du Comité en expliquant que celui-ci a fait référence dans sa décision à un deuxième dossier disciplinaire impliquant l’appelant donc il n’était pas saisi. Je note que mise à part cette affirmation, l’appelant n’a offert aucun autre argument ou élément de preuve à l’appui de ce motif d’appel.

[35]  Tout d’abord, il existe une présomption qu’un décideur sera impartial, et le fardeau incombe à la partie qui soulève l’argument de partialité (Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 RCS 91, au para 13). Afin de déterminer s’il y a existence de partialité, le critère consiste à se demander si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité (Newfoundland Telephone Co. C Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 RCS 623 [Newfoundland Telephone], page 636). En examinant la preuve au soutien d’un argument de partialité, il faut établir une réelle probabilité de partialité car un simple soupçon est insuffisant (R c S (RD), [1997] 3 RCS 484, para 112). Le seuil pour établir l’existence d’une crainte raisonnable de partialité est donc élevé.

[36]  La Cour suprême a reconnu deux situations dans lesquelles une crainte raisonnable de partialité chez un décideur peut être discernée, soit celle où celui-ci a un intérêt personnel dans la question à trancher et celle où l’on peut considérer que le décideur avait un esprit fermé (Newfoundland Telephone; 2747-3174 Québec Inc. c Régie des permis d’alcool du Québec, [1996] 3 RCS 919 (paras 235-246)).

[37]  Je partage l’avis du CEE que la jurisprudence est claire à l’effet qu’une crainte raisonnable de partialité n’est pas automatiquement établie lorsqu’un décideur rend une décision dans un autre dossier impliquant le même individu (Rapport, paras 56; Nord-Deutsche Versicherungs Gesellschaft et al. V The Queen et al., [1968] 1 RCE 443).

[38]  Concernant le deuxième dossier disciplinaire de l’appelant, le Comité a indiqué ce qui suit dans sa décision (Matériel, p 3265) :

[21] Le 18 septembre 2013, [l’appelant] est suspendu de ses fonctions à la suite d’une contravention au Code de déontologie dans un dossier complètement distinct à celui en l’espèce. À l’exception des renseignements fournis dans le rapport d’enquête, je n’ai pas été informé des faits et des allégations entourant ladite suspension.

[…]

[85] Le 18 septembre 2013, [l’appelant] a été suspendu de la GRC pour une contravention au Code de déontologie dans un autre dossier distinct de celui-ci. Selon ses déclarations aux deux témoins experts, [l’appelant] n’a pas cessé sa consommation. En fait, il a consommé de la cocaïne pendant au moins 10 mois, soit de septembre 2013 à juillet 2014, et il a augmenté excessivement sa consommation d’alcool, sachant que son employeur lui reprochait une inconduite. Comme je l’ai indiqué dans ma décision orale à l’audience, je reconnais qu’être suspendu de son emploi est habituellement un moment extrêmement difficile pour un membre de la GRC. Par contre, le membre visé a continué pendant une période prolongée à poser des gestes illégaux sans se soucier des conséquences néfastes sur son emploi. À mon avis, ceci démontre un manque de jugement flagrant et d’acceptation de responsabilité.

[39]  Il en découle de cet extrait que le Comité n’était pas saisi du dossier disciplinaire antérieur de l’appelant. En outre, ce ne sont pas les détails de ce dossier disciplinaire que le Comité a considérés dans sa décision. Plutôt, le Comité a conclu que la consommation continue de l’appelant en dépit de sa suspension constituait un facteur aggravant dans les circonstances. Le Comité a reconnu les effets difficiles d’une suspension, mais a cependant considéré que l’inconduite du membre suivant sa suspension reliée au Code de déontologie dans un autre dossier établissait un manque de jugement et d’acceptation de responsabilité de sa part. Le Comité a donc, selon moi, contemplé la consommation de cocaïne continue de l’appelant dans le contexte d’une situation dans laquelle ce dernier savait que son employeur lui reprochait une autre inconduite. Je suis satisfait qu’en effectuant cette conclusion, le Comité s’est fondé sur la preuve contenue au dossier, et je conclu, tout comme le CEE, que l’appelant ne s’est pas déchargé de son fardeau d’établir une crainte raisonnable de partialité à l’égard du Comité.

Est-ce que le Comité a erré dans son appréciation de la preuve?

[40]  L’appelant soutient que le Comité a commis des erreurs dans l’appréciation de la preuve en lien avec la gravité de l’inconduite reprochée. Il ajoute l’exemple suivant : « appréciation de la crédibilité des déclarations de certains témoins, etc. ». Je suis d’accord avec le CEE que l’argument de l’appelant manque de précision (Rapport, para 59). En effet, autre que cet exemple, l’appelant ne fournit aucun argument appuyant sa position. Je vais, malgré tout, me pencher sur l’argument présenté par l’appelant, soit l’appréciation par le Comité de la crédibilité des témoins.

[41]  Dans sa décision, le Comité a d’abord attribué le manque de fiabilité des témoins et de l’appelant à l’écoulement de temps depuis la survenance des évènements sur lesquelles ceux-ci avaient témoigné. Le Comité a ensuite expliqué de manière détaillée son évaluation de la crédibilité des témoins. Selon le Comité, malgré les propos plus réservés de Madame Y, il a considéré que son témoignage ainsi que ceux du gendarme C et de Madame X étaient tous crédibles (Matériel, pp 3250-3251). Cependant, le Comité a noté les contradictions importantes dans les témoignages de Monsieur A, Monsieur B et Monsieur Z ainsi que le lien d’amitié ou professionnel que ceux-ci entretenaient avec l’appelant. Pour ces raisons, le Comité a considéré que ces trois témoins n’étaient pas crédibles. Finalement, concernant l’appelant, le Comité a tiré des exemples précis du témoignage de ce dernier démontrant une contradiction entre son témoignage et celui de Madame Y à l’égard de la consommation de cette dernière. Le Comité a également noté le manque de fiabilité dans le témoignage de l’appelant quant aux noms des gens qui lui procuraient de la cocaïne, ainsi que la nature prudente et évasive de ses réponses en contre-interrogatoire concernant l’étendue de sa consommation (Matériel, pp 3251-3254).

[42]  Le Comité a repris les propos de la Cour suprême sur les questions de crédibilités des témoins tels qu’énoncés dans l’arrêt F.H. c McDougall, 2008 CSC 53 à l’effet que « la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités » (Matériel, p 3254). Il s’est également appuyé sur les principes d’évaluation de la crédibilité établis dans Wallace v Davis, (1926) 31 OWN 202, MacDermid v Rice, (1939) R de Jur 208 et Faryna v Chorny, [1952] 2 DLR 354 (Matériel, pp 3249-3250). Le Comité a conclu qu’en raison de la version nébuleuse de l’appelant qui soulevait des doutes importants par rapport à la teneur de sa consommation et sur la façon dont il obtenait de la cocaïne, il a accordé plus de poids à la version des faits offerte par Madame X, Madame Y et le gendarme C.

[43]  Tel que mentionné par le CEE, dans Elhatton c Canada (Procureur général), 2013 CF 71, la Cour fédérale s’est penchée sur la position avantageuse des tribunaux de première instance à tirer des conclusions de fait. Elle a ensuite considéré le rôle des cours d’appel qui en résulte et le niveau élevé de retenue qui doit être accordé à un décideur de première instance :

[47] Il va de soi, à ce propos, qu’une cour d’appel, pas plus qu’un commissaire, ne doit ni infirmer ni modifier des conclusions sur la crédibilité, à moins que le décideur de première instance n’ait commis une erreur manifeste et dominante ou tiré des conclusions de fait manifestement erronées ou non étayées par la preuve.

[44]  J’estime que le Comité a décrit de manière méticuleuse les témoignages de l’appelant et des autres témoins, et a également clairement énoncé les raisons pour lesquelles il accorderait plus de crédibilité à certains d’entre eux. Selon moi, ces raisons sont appuyées par l’ensemble de la preuve contenue au Dossier. Bien que l’appelant soit d’avis que le Comité ait commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité des témoins, il n’a offert aucune explication ou preuve à l’appui de cet argument. Je considère donc le Comité n’a commis aucune erreur manifeste ou déterminante dans son appréciation de la preuve.

Est-ce que le Comité a erré dans sa considération de facteurs aggravants et atténuants?

[45]  L’appelant maintient que le Comité a erré en retenant certains facteurs aggravants et en omettant de considérer d’autres facteurs atténuants. L’appelant précise que le Comité n’aurait pas dû considérer comme facteurs aggravants l’arrêt McNeil et sa consommation d’alcool.

[46]  En ce qui concerne l’arrêt McNeil, je note que le Comité a expliqué que même si l’appelant n’occupait pas une fonction d’enquêteur aux stupéfiants, les principes de divulgation de l’arrêt McNeil pourrait avoir une incidence sur une mutation future de l’appelant dans un poste opérationnel, et que son dossier déontologique constituait un fardeau pour la GRC (Matériel, p 3265). Bien que je sois d’avis que les implications de divulgation en vertu de l’arrêt McNeil ne justifient pas automatiquement le congédiement d’un membre, et que les circonstances de chaque cas doivent être examinées et évaluées (voir, par exemple : C-017 et D-110), je considère que tel qu’exprimé par le Comité, son analyse a été effectuée dans le cadre du manque d’honnêteté et d’intégrité de l’appelant liée à sa consommation fréquente de cocaïne pendant une période prolongée (Matériel, p 3265). L’annexe XII-1-20 du Manuel d’administration, chap. XII.1. Déontologie (Annexe XII-1-20), identifie les circonstances incidentes et aggravantes pouvant être prises en considération pour réduire ou augmenter la sévérité de la sanction à imposer. Le manque d’honnêteté et d’intégrité se retrouve dans la liste de facteurs aggravants. Je considère donc que le Comité n’a pas commis d’erreur manifeste ou déterminante en concluant que le manque d’honnêteté et d’intégrité de l’appelant pouvant avoir une incidence sur ses capacités à témoigner ou d’être affecté à un autre poste présenterait un fardeau pour la GRC.

[47]  Ensuite, à l’égard du facteur aggravant relié à la consommation d’alcool de l’appelant, le Comité a indiqué ce qui suit (Matériel, p 3264) :

Même si la consommation d’alcool ne faisait pas l’objet des allégations déposées contre le membre, la preuve au dossier démontre que sa consommation de cocaïne était liée à une consommation immodérée d’alcool. Je considère donc cet élément comme un facteur aggravant dans les circonstances.

[48]  L’appelant est d’avis que le Comité n’aurait pas dû tenir compte de sa consommation d’alcool comme facteur aggravant. Par contre, l’appelant ne présente aucun d’argument étayant cette affirmation. Malgré la confirmation des deux témoins experts que la consommation d’alcool n’était aucunement liée à une dépendance, ils ont tous deux témoigné sur l’utilisation fréquente d’alcool par l’appelant pendant sa période de consommation de cocaïne (Matériel, p 3258). D’ailleurs, l’appelant a lui-même admis que sa consommation d’alcool était immodérée (Matériel, p 108). Je considère que la preuve contenue au Dossier soutient la conclusion du Comité à l’égard d’une consommation d’alcool excessive. À l’Annexe XII-1-20, la consommation d’alcool est identifiée comme facteur aggravant : « incident lié à l’alcool, à l’ébriété ou à la consommation excessive d’alcool ». Par conséquent, je suis d’avis que le Comité n’a commis aucune erreur manifeste ou déterminante en identifiant la consommation d’alcool de l’appelant comme facteur aggravant.

[49]  Bien que l’appelant n’ait pas présenté cet argument, je suis d’accord avec le CEE que le Comité a commis une erreur en retenant, pour l’allégation 2, le facteur aggravant portant sur l’utilisation par l’appelant de son BlackBerry pour des fins personnelles. À ce sujet, je reprends les propos du CEE (Rapport, para 67) :

Un facteur aggravant est défini dans la politique de déontologie dans la GRC (XII.1, Annexe 1-20) comme étant « [une] circonstance de la perpétration d’un crime ou d’un délit qui augmente la culpabilité ou la gravité ou qui ajout aux conséquences préjudiciables, mais qui vont au-delà des éléments essentiels du crime ou du délit en soi [traduction] (Black Law Dictionary, 6e édition). Étant donné que l’Allégation 2 visait spécifiquement l’utilisation fait par l’appelant de son BlackBerry, il s’ensuit que le Comité ne pouvait retenir ce même comportement à titre de facteur aggravant. Autrement dit, l’utilisation du BlackBerry pour des fins personnelles n’allait pas au-delà des éléments essentiels de l’Allégation 2. Par conséquent, le Comité a, selon moi, commis une erreur à cette étape de son analyse.

[50]  Tout comme le CEE, je considère que malgré l’erreur du Comité dans l’évaluation de ce facteur aggravant, les conclusions auxquelles il est arrivé à l’égard de l’allégation 1 sont suffisantes pour justifier la mesure disciplinaire imposée sur l’appelant. En effet, j’estime que l’ensemble de la preuve au dossier, la gamme de mesures disciplinaires appropriées pour une telle inconduite ainsi que les facteurs aggravants et atténuants identifiés par le Comité en l’occurrence appuient sa décision d’ordonner le congédiement de l’appelant. Par conséquent, je conclu que l’appelant n’a pas établi que la décision du Comité est manifestement déraisonnable.

DISPOSITIF

[51]  Conformément à l’article 45.16 de la Loi sur la GRC, l’appel est rejeté.

[52]  En cas de désaccord avec ma décision, l’appelant peut exercer un recours à la Cour fédérale en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

 

 

Steven Dunn, Arbitre

 

Date

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.