Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’Avis d’audience disciplinaire initial, en date du 20 novembre 2019, comprenait quatre allégations de contraventions au code de déontologie de la GRC qui découlaient des actions du caporal Dongriah dans un dossier d’enquête. Avant l’audience disciplinaire, les parties ont soumis un Exposé conjoint des faits et une Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Ces documents ont été acceptés par le Comité de déontologie. Les allégations 2 et 3 ont par conséquent été retirées par le représentant de l’autorité disciplinaire. Les allégations 1 et 4 ont été établies, tel qu’elles ont été modifiées.

Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : 1) une sanction pécuniaire de 10 jours, à déduire de la solde du caporal Dongriah; 2) une réduction de la banque de congés annuels de 10 jours; et 3) la mutation à un autre lieu de travail.

Contenu de la décision

Protégé A

2020 DAD 24

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE D’UNE AUDIENCE DISCIPLINAIRE AU TITRE DE LA

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre :

Autorité disciplinaire désignée de la Division E

(Autorité disciplinaire)

et

Caporal Arvind Dongriah

Matricule 52392

(Membre visé)

Décision du comité de déontologie

Christine Sakiris

12 novembre 2020

M. Jordan Levis-Leduc, représentant de l’autorité disciplinaire

Mme Anita Atwal, représentante du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ 2

INTRODUCTION 2

ALLÉGATIONS 4

Décision relative aux allégations 8

Allégation 1 8

Allégation 4 10

MESURES DISCIPLINAIRES 11

Éventail de mesures disciplinaires possibles 13

Allégation 1 13

Allégation 4 14

Facteurs atténuants et aggravants 14

Décision relative aux mesures disciplinaires 15

CONCLUSION 16

 

RÉSUMÉ

L’Avis d’audience disciplinaire initial, en date du 20 novembre 2019, comprenait quatre allégations de contraventions au code de déontologie de la GRC qui découlaient des actions du caporal Dongriah dans un dossier d’enquête. Avant l’audience disciplinaire, les parties ont soumis un Exposé conjoint des faits et une Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Ces documents ont été acceptés par le Comité de déontologie. Les allégations 2 et 3 ont par conséquent été retirées par le représentant de l’autorité disciplinaire. Les allégations 1 et 4 ont été établies, tel qu’elles ont été modifiées.

Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : 1) une sanction pécuniaire de 10 jours, à déduire de la solde du caporal Dongriah; 2) une réduction de la banque de congés annuels de 10 jours; et 3) la mutation à un autre lieu de travail.

INTRODUCTION

[1] Le ou vers le 28 septembre 2018, le caporal Dongriah était le membre le plus haut gradé qui est intervenu à la suite de l’appel du directeur des chambres d’un hôtel. Le directeur signalait que le personnel de l’entretien avait découvert dans une chambre de l’hôtel des articles qui semblaient être liés à la vente ou à la production de substances désignées illégales. La présente procédure disciplinaire découle des actions du caporal Dongriah au cours de l’enquête et durant les jours qui ont suivi.

[2] Le 6 septembre 2019, l’autorité disciplinaire désignée a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 10 septembre 2019, j’ai été nommée au comité de déontologie en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [la Loi sur la GRC].

[3] L’Avis d’audience disciplinaire initial, en date du 20 novembre 2019, comprenait quatre allégations de contraventions au code de déontologie de la GRC. Selon l’allégation 1, le caporal Dongriah aurait effectué une perquisition inappropriée dans la chambre d’hôtel, en contravention de l’article 3.1 du code de déontologie. Selon l’allégation 2, le caporal Dongriah n’aurait pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de ses actions durant la perquisition dans la chambre d’hôtel, en contravention de l’article 8.1 du code de déontologie. Selon l’allégation 3, durant la supervision de la rédaction de la Dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition par un membre subalterne, en appui à l’enquête, le caporal Dongriah n’aurait pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et dans l’exécution de ses responsabilités, en contravention de l’article 4.2 du code de déontologie. Selon l’allégation 4, le caporal Dongriah n’aurait pas obéi à un ordre ou à une directive légitime, en contravention de l’article 3.3 du code de déontologie. L’Avis d’audience disciplinaire et les documents d’enquête ont été signifiés au caporal Dongriah le 5 décembre 2019.

[4] Le 17 janvier 2020, le caporal Dongriah a soumis sa réponse, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 (« CC (déontologie) »). Il a nié les quatre allégations.

[5] Le 17 février 2020, le représentant de l’autorité disciplinaire a soumis une Demande d’admission de preuve de faits similaires (la Demande). Un certain temps s’est écoulé avant la réception de la réponse du caporal Dongriah à la Demande en raison d’un changement d’avocat. La représentante du membre visé a soumis la réponse du caporal Dongriah à la Demande le 10 avril 2020. La réfutation du représentant de l’autorité disciplinaire a été reçue le 21 avril 2020. Pour les motifs exposés dans ma décision écrite, en date du 15 mai 2020, la Demande a été refusée.

[6] Peu de temps après, les parties ont exprimé leur intention d’en arriver à une résolution. Le 23 juillet 2020, les parties ont soumis un Exposé conjoint des faits et une Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Leurs propositions étaient appuyées par des preuves documentaires et des cas de jurisprudence. Les parties ont proposé la modification des allégations 1 et 4 conformément à l’Exposé conjoint des faits ainsi que le retrait des allégations 2 et 3 par le représentant de l’autorité disciplinaire. Les mesures disciplinaires suivantes ont été proposées : 1) la mutation à un autre lieu de travail; 2) une sanction pécuniaire de 10 jours (80 heures) de solde; et 3) une réduction de la banque de congés annuels de 10 jours (80 heures).

[7] Le 11 septembre 2020, après avoir reçu des réponses à ma demande de précisions, j’ai avisé les parties que je rendrais une décision par écrit en me fondant sur le dossier.

[8] Pour les motifs énoncés ci-dessous, j’accepte l’Exposé conjoint des faits et la Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires soumis par les parties. Les allégations 1 et 4 sont établies, tel qu’elles sont modifiées. Les allégations 2 et 3 sont retirées. Les mesures disciplinaires, tel qu’elles sont proposées, sont imposées.

ALLÉGATIONS

[9] L’Exposé conjoint des faits présente le libellé modifié des allégations 1 et 4, comme suit [1] :

Allégation 1

Les 27 et 28 septembre 2018 ou aux alentours de ces dates, à [lieu caviardé] ou à proximité de ce lieu, en Colombie-Britannique, le caporal Arvind Dongriah n’a pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et dans l’exécution de ses responsabilités, en contravention de l’article 4.2 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Précisions sur l’allégation 1

1. À toutes les dates pertinentes, [le caporal Dongriah était] un membre régulier de la Gendarmerie royale du Canada affecté à la Division E, au […], en Colombie-Britannique.

2. Le 27 septembre 2018, vers [16 h], [F.W.], le directeur des chambres de l’hôtel […], a appelé […] de la GRC pour signaler que le personnel de l’entretien de l’hôtel avait trouvé dans la chambre 1109 des articles qui semblaient être liés à la vente ou à la production de substances désignées illégales. La chambre était réservée au nom de [D.C.]. Au total, 9 photos ont été prises dans la chambre 1109 par le gestionnaire de l’entretien, [A.G.], et ont été envoyées au […] de la GRC.

3. [Le caporal Dongriah] et le gendarme [T.W. ont] été dépêchés vers [19 h 18]. [Le caporal Dongriah a] nommé le gendarme [T.W.] enquêteur principal. [Le caporal Dongriah était] le membre le plus haut gradé affecté à ce dossier.

4. [Le caporal Dongriah a] effectué une recherche sur [D.C.] dans le système PRIME. Cette recherche a révélé que [D.C.] avait un casier judiciaire, qui incluait de multiples déclarations de culpabilité au criminel relatives à la possession et au trafic de substances interdites, en contravention de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (« LRDS »)

5. [Le caporal Dongriah a] examiné les photos prises par [A.G.]. Le rapport de police électronique [du caporal Dongriah] intitulé « POLICE STATEMENT – 2 » (le « rapport de police électronique ») décrit les photos comme suit :

Photo 1 – était une photo de la chambre 1109

Photo 2 – était une photo d’une pile de billets (20 $, 10 $ et 5 $)

Photo 3 – était une photo d’un mélangeur contenant de la poudre blanche (correspondant à la production de crack, car un mélangeur est utilisé pour mélanger le crack avec une substance frelatante)

Photo 4 – était une photo d’une plaque chauffante et des éclaboussures de résidus étaient visibles sur la plaque et la table

Photo 5 – était une photo de six (6) téléphones cellulaires

Photo 6 – était une photo d’une pipe de crack

Photo 7 – était une photo d’accessoires facilitant la consommation de drogues, sur le plancher

Photo 8 – était une photo de cocaïne en poudre sur une table

Photo 9 – était une photo de cocaïne en poudre sur une table

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

6. Vers [21 h], [le caporal Dongriah a] tenu une séance d’information en compagnie des gendarmes [T.W.], [J.L.] et [E.W.]. Durant cette séance d’information, il a été question de l’entrée des policiers dans la chambre 1109.

7. [Le caporal Dongriah avait] de l’expérience en matière d’enquêtes liées aux drogues et [a] avisé le gendarme [T.W.] à ce sujet. Le gendarme [T.W.] avait peu d’expérience en matière d’enquêtes liées aux drogues.

8. Vers [21 h 23], [le caporal Dongriah s’est] rendu à l’hôtel. Vers [21 h 26], [le caporal Dongriah est] entré dans la chambre 1109 avec les gendarmes [T.W.], [J.L.] et [E.W.]. Il n’y avait personne dans la chambre.

9. Après être entré dans la chambre 1109, [le caporal Dongriah a] remarqué les accessoires facilitant la consommation de drogues, qui étaient bien en vue.

10. Le contenu de la chambre 1109 et l’odeur qui en émanait […] ont mené [le caporal Dongriah] à soupçonner [qu’il avait] peut-être découvert un laboratoire clandestin.

11. Pour des raisons de sécurité publique, [le caporal Dongriah a] choisi d’ouvrir les portes d’une armoire de même qu’un mini-frigo qui se trouvait à l’intérieur de l’armoire de la chambre d’hôtel 1109.

12. [Le caporal Dongriah a] trouvé deux sacs de poudre blanche dans le mini-frigo de l’hôtel.

13. [Le caporal Dongriah n’a] pas obtenu un mandat de perquisition en vertu de la LRDS avant d’ouvrir les portes de l’armoire et du mini-frigo et, ce faisant, [il n’a] pas fait preuve de diligence dans l’exercice de [ses] fonctions et dans l’exécution de [ses] responsabilités.

14. [Le caporal Dongriah n’a] pas non plus fait preuve de diligence dans l’exercice de [ses] fonctions et dans l’exécution de [ses] responsabilités en négligeant de suivre les lignes directrices et la procédure strictes et appropriées relatives à la découverte et à la perquisition de laboratoires clandestins qui sont énoncées dans la politique de la GRC. Comme l’indique [le Manuel des opérations] au chapitre 6.13 Laboratoires de drogues clandestins, les laboratoires clandestins sont connus pour être toxiques et potentiellement dangereux pour la vie et pour contenir des engins explosifs improvisés et des pièges.

15. Après la perquisition initiale, [le caporal Dongriah est] retourné au détachement. Le gendarme [T.W.] a commencé à rédiger la Dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition (DOMP) en vertu de la LRDS pour perquisitionner dans la chambre d’hôtel.

16. Le gendarme [T.W.] avait peu d’expérience en matière de rédaction de DOMP. [Le caporal Dongriah a] accepté de l’aider et [a] rassemblé des DOMP antérieurs rédigés par d’autres membres et unités. [Le caporal Dongriah a] demandé au gendarme [T.W.] de [lui] envoyer ses ébauches de la DOMP par courriel au fil de la rédaction pour que [le caporal Dongriah puisse] les examiner et recommander des changements.

17. Le gendarme [T.W.] […] a envoyé [au caporal Dongriah] environ neuf ébauches différentes de la DOMP.

18. Aucune des ébauches de la DOMP rédigées par le gendarme [T.W.] n’indiquait le fait que [le caporal Dongriah avait] perquisitionné dans le mini-frigo qui se trouvait dans l’armoire de la chambre 1109 et [avait] trouvé deux sacs contenant de la poudre blanche.

19. [Le caporal Dongriah n’a] pas fait preuve de diligence dans l’exercice de [ses] fonctions et dans l’exécution de [ses] responsabilités en n’avisant pas le gendarme [T.W.] de modifier sa DOMP pour indiquer que [le caporal Dongriah avait] perquisitionné dans le mini-frigo et que [le caporal Dongriah avait] découvert deux sacs de poudre blanche.

Allégation 4

Le 10 octobre 2018 ou aux alentours de cette date, à […] ou à proximité de ce lieu, en Colombie-Britannique, le caporal Arvind Dongriah n’a pas obéi à un ordre ou à une directive légitime, en contravention de l’article 3.3 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Précisions sur l’allégation 4

1. À toutes les dates pertinentes, [le caporal Dongriah était] un membre régulier de la Gendarmerie royale du Canada affecté à la Division E, au […], en Colombie-Britannique.

2. Après [la] participation [du caporal Dongriah] au dossier PRIME 2018‑144803, une enquête relative au code de déontologie a été lancée pour enquêter sur [ses] contraventions présumées au code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

3. Le matin du 10 octobre 2018, l’inspecteur [K.B.] […] a signifié [au caporal Dongriah] la Lettre de mandat pour mener une enquête déontologique (la « Lettre de mandat »). L’inspecteur [K.B.] a signé l’affidavit de signification et l’a envoyée au Groupe de la responsabilité professionnelle de la Division E vers [15 h 44].

4. La Lettre de mandat contenait l’ordre suivant : Vous ne devez pas discuter de cette affaire ou des événements ou allégations faisant l’objet de ce processus de déontologie avec tout témoin ou plaignant.

5. Le gendarme [T.W.] était une personne désignée à l’allégation 2 de la Lettre de mandat.

6. Le 10 octobre 2018, vers [17 h], [le caporal Dongriah a] enfreint l’ordre contenu dans la Lettre de mandat en contactant le gendarme [T.W.] par téléphone et en discutant avec lui du fait que [le caporal Dongriah faisait] l’objet d’une enquête relative au code de déontologie.

7. Aucune nécessité opérationnelle n’exigeait que [le caporal Dongriah contacte] le gendarme [T.W.] le 10 octobre 2018.

8. Par conséquent, [le caporal Dongriah n’a] pas obéi à un ordre ou à une directive légitime.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[10] L’Exposé conjoint des faits a été signé par le caporal Dongriah. Il a par conséquent admis les allégations 1 et 4, et les précisions connexes, tel qu’elles sont modifiées.

Décision relative aux allégations

Allégation 1

[11] L’article 4.2 du code de déontologie stipule :

Les membres font preuve de diligence dans l’exercice de leurs fonctions et de leurs responsabilités, notamment en prenant les mesures appropriées afin de prêter assistance à toute personne exposée à un danger réel, imminent ou potentiel.

[12] Pour que cette allégation soit établie, l’autorité disciplinaire doit prouver selon la prépondérance des probabilités que le caporal Dongriah savait qu’il devait s’acquitter d’une obligation ou d’une responsabilité, et qu’il a sciemment ou par négligence manqué à cette obligation. L’allégation 1, tel qu’elle a été modifiée, présente trois occasions où le caporal Dongriah est soupçonné d’avoir contrevenu à l’article 4.2 du code de déontologie. En raison des admissions du caporal Dongriah, les faits suivants sont établis.

[13] Premièrement, il est établi que le caporal Dongriah savait qu’il devait obtenir un mandat en vertu de la LRDS pour perquisitionner dans la chambre 1109 avant de pouvoir ouvrir toute armoire dans la chambre d’hôtel. Il a néanmoins ouvert les armoires de la chambre d’hôtel et le mini-frigo sans avoir d’abord obtenu le mandat nécessaire.

[14] Deuxièmement, il est établi que le caporal Dongriah avait de l’expérience en matière d’enquêtes liées aux drogues et connaissait la politique de la GRC. Il savait qu’il devait respecter des lignes directrices et des procédures bien établies relativement à la perquisition des laboratoires de drogues clandestins, conformément à la politique de la GRC. Ces lignes directrices et procédures sont en place pour atténuer le risque que présentent les enquêtes dans les laboratoires de drogues clandestins, qui sont connus pour être toxiques et potentiellement dangereux pour la vie et pour contenir des engins explosifs improvisés et des pièges [2] . Malgré tout, le caporal Dongriah n’a pas respecté ces procédures durant la perquisition dans la chambre 1109.

[15] Troisièmement, il est établi que le caporal Dongriah, en tant que membre d’expérience, a offert de passer en revue les ébauches de la DOMP du gendarme T.W. Le gendarme T.W. était ultimement responsable du contenu de la DOMP. Cependant, en offrant de passer en revue les ébauches de la DOMP, le caporal Dongriah avait le devoir d’examiner rigoureusement les documents et de fournir des conseils au gendarme T.W. pour veiller à ce que la DOMP respecte le format approprié et soit exacte. Le caporal Dongriah a passé en revue environ neuf ébauches de la DOMP. Aucune de ces ébauches n’indiquait que le caporal Dongriah avait perquisitionné dans le mini-frigo qui se trouvait dans l’armoire de la chambre 1109 et qu’il y avait trouvé deux sacs contenant de la poudre blanche. Après l’examen de neuf ébauches de la DOMP, le caporal Dongriah aurait pu et aurait dû remarquer cette omission. En ne conseillant pas au gendarme T.W. de modifier sa DOMP pour refléter la perquisition dans le mini-frigo, le caporal Dongriah n’a pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses fonctions et dans l’exécution de ses responsabilités.

[16] Dans chacun de ces cas, le caporal Dongriah savait qu’il devait s’acquitter d’une obligation ou d’une responsabilité particulière. Néanmoins, il ne l’a pas fait. Les parties reconnaissent que ses actions ne constituent pas un problème de rendement. Je suis d’accord. Le caporal Dongriah était un membre d’expérience. Il avait l’expérience et la formation spécialisée nécessaires pour comprendre et s’acquitter efficacement de ses obligations et responsabilités. Par conséquent, je conclus que le caporal Dongriah a sciemment ou par négligence manqué à cette obligation ou à cette responsabilité dans chacun des trois cas mentionnés ci-dessus. L’allégation 1, tel qu’elle est modifiée, est donc établie.

Allégation 4

[17] L’article 3.3 du code de déontologie stipule : Les membres donnent et exécutent des ordres et des directives légitimes.

[18] Pour que cette allégation soit établie, l’autorité disciplinaire doit prouver selon la prépondérance des probabilités les trois éléments suivants :

  1. Un membre qui dépasse le caporal Dongriah en grade ou qui est en position d’autorité à son égard a formulé un ordre ou une directive claire.
  2. L’ordre ou la directive était légitime.
  3. Le caporal Dongriah ne s’est pas conformé à l’ordre ou à la directive sans excuse légitime.

[19] Une fois encore, en raison des admissions du caporal Dongriah, les faits suivants sont établis. Les actions du caporal Dongriah durant la perquisition dans la chambre 1109 et l’enquête subséquente ont fait l’objet d’une enquête relative au code de déontologie. Le 10 octobre 2018, l’inspecteur K.B. a dûment préparé et signé la Lettre de mandat, qui contenait l’ordre suivant : « Vous ne devez pas discuter de cette affaire ou des événements ou allégations faisant l’objet de ce processus de déontologie avec tout témoin ou plaignant » (l’« ordre »). L’inspecteur K.B. a personnellement signifié la Lettre de mandat au caporal Dongriah le 10 octobre 2018. Plus tard ce jour-là, le caporal Dongriah a contacté le gendarme T.W. par téléphone et a discuté avec lui du fait qu’il faisait l’objet d’une enquête relative au code de déontologie.

[20] L’inspecteur K.B. a donné un ordre légitime en sa qualité d’autorité disciplinaire dans l’ouverture d’une enquête relative au code de déontologie, conformément au paragraphe 41(1) de la Loi sur la GRC. L’ordre était nécessaire pour protéger l’intégrité de l’enquête, car plusieurs membres étaient impliqués.

[21] Le gendarme T.W. était une personne désignée à l’allégation 2 de la Lettre de mandat. Le caporal Dongriah aurait donc su que le gendarme T.W. serait sollicité en tant que témoin dans le cadre de l’enquête relative au code de déontologie. Néanmoins, quelques heures seulement après que la Lettre de mandat lui a été signifiée, le caporal Dongriah a choisi d’appeler le gendarme T.W. et de discuter avec lui du fait qu’il faisait l’objet d’une enquête relative au code de déontologie.

[22] Le caporal Dongriah a reçu un ordre légitime d’une personne de grade supérieur ayant autorité sur lui. Il ne s’est pas conformé à cet ordre sans excuse légitime. L’allégation 4, tel qu’elle a été modifiée, est donc établie.

MESURES DISCIPLINAIRES

[23] Ayant conclu que les allégations 1 et 4, tel qu’elles ont été modifiées, sont établies, j’ai l’obligation, conformément au paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et au Guide de mesures disciplinaires de la GRC, d’imposer « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes ». Conformément à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être « adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, […] éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[24] Le représentant de l’autorité disciplinaire et la représentante du membre visé ont soumis par écrit une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires appuyée par des preuves documentaires et des cas de jurisprudence. Ils ont proposé les mesures disciplinaires globales suivantes :

  1. la mutation à un autre lieu de travail
  2. une sanction pécuniaire de 10 jours (80 heures) de solde, à déduire de la solde du caporal Dongriah;
  3. une réduction de la banque de congés annuels de 10 jours (80 heures).

[25] Lorsque des mesures disciplinaires sont proposées conjointement, le comité de déontologie ne peut les refuser que dans des circonstances très précises.

[26] La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions sur le règlement de litige, ainsi que celle des motifs des politiques qui favorisent fortement la promotion de la certitude pour les parties que les propositions seront acceptées quand une entente est conclue [3] . En général, les cours de justice et les tribunaux administratifs ne refusent pas les ententes conclues entre les parties, à moins que l’entente aille à l’encontre de l’intérêt public.

[27] Je dois donc déterminer si les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public. Il n’est pas question ici de comparer les mesures disciplinaires proposées à celles que j’aurais moi-même imposées. Le critère du respect de l’intérêt public est beaucoup plus sévère.

[28] L’arrêt Cook de la Cour suprême du Canada comprend la recommandation suivante, qui s’applique aux tribunaux administratifs :

[…] il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe […]. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice [ou, dans notre cas, le processus disciplinaire] avait cessé de bien fonctionner [4] .

[29] Pour déterminer si les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public, il est utile d’avoir une idée des autres mesures qui peuvent être imposées. À cet égard, le Guide de mesures disciplinaires est un excellent outil. Il est toutefois important de souligner que, comme son nom l’indique, le Guide de mesures disciplinaires n’est qu’un guide. Ces lignes directrices ne sont pas prescriptives.

[30] Pour commencer, j’estime que des mesures globales sont appropriées dans le présent cas. Les deux allégations visent les actions du caporal Dongriah dans un dossier d’enquête et ces actions se sont produites dans une période de 10 jours.

Éventail de mesures disciplinaires possibles

Allégation 1

[31] L’article 4.2 du code de déontologie couvre une variété de comportements. Je conviens avec les parties que les actions du caporal Dongriah correspondent au défaut d’enquêter correctement sur une plainte. Le Guide de mesures disciplinaires [5] présente un éventail général allant des mesures correctives à la confiscation de 30 jours de solde.

[32] Les parties prennent acte des trois cas d’inconduite détaillés à l’allégation 1, tel qu’elle est modifiée. Les parties soutiennent que, collectivement, ces cas reflètent un comportement visé par l’éventail de mesures imposées dans les cas « ordinaires », soit une sanction pécuniaire de 2 à 8 jours de solde. Pour appuyer leur proposition, les parties ont présenté l’affaire Commandant de la Division K et le gendarme Tyler Cull, 2018 DARD 7 (l’« affaire Cull »), qui fournit des indications sur la gravité de l’inconduite du caporal Dongriah.

[33] Dans l’affaire Cull, le membre visé faisait face à plusieurs allégations. Une allégation était liée à plusieurs actions ou omissions constituant une contravention à l’article 4.2 du code de déontologie. Le Comité de déontologie a imposé une sanction pécuniaire de 50 jours de solde relativement à cette allégation. Comme le soulignent les parties, les actions ou omissions précises constituant une inconduite dans l’affaire Cull étaient plus graves que celles du caporal Dongriah. Je souligne également que l’inconduite dans l’affaire Cull touchait huit dossiers d’enquêtes distincts. Dans le cas présent, un seul dossier d’enquête est en cause.

[34] Les mesures disciplinaires imposées dans les cas « mineurs » sont habituellement appropriées dans les cas d’inconduite isolés. Tel n’est pas le cas ici, car trois incidents d’inconduite sont détaillés. Les mesures disciplinaires imposées dans les cas « graves » ne s’appliquent pas ici, car elles visent généralement un comportement méprisant qui compromet la procédure judiciaire ou cause un préjudice à la victime. Ces facteurs ne sont pas clairement présents dans ce cas. Par conséquent, après un examen de tous les éléments, je conclus que cette inconduite se situe plutôt dans l’éventail des cas ordinaires.

Allégation 4

[35] Le Guide de mesures disciplinaires [6] indique que les mesures disciplinaires pour une violation de l’article 3.3 du code de déontologie vont des mesures correctives au congédiement. Les parties affirment que puisque l’ordre a été présenté par écrit et signifié au caporal Dongriah dans le cadre d’une enquête relative au code de déontologie, des mesures disciplinaires imposées dans les cas ordinaires, soit une sanction pécuniaire de 2 à 8 jours de solde, sont appropriées.

[36] Pour étayer leur position, les parties citent l’affaire Commandant de la Division K et le gendarme Ashley Goodyer, 2018 DARD 13 [l’« affaire Goodyer »]. Dans ce cas, le membre visé faisait face à cinq allégations. Le Comité de déontologie a entre autres imposé la confiscation de 20 jours de solde pour la contravention à l’article 3.3 du code de déontologie. Encore une fois, l’inconduite dans l’affaire Goodyer était plus grave que dans le cas présent. En particulier, l’allégation reflétait le défaut d’exécuter un ordre ou une directive légitime à deux occasions. Dans le présent cas, un seul incident est en cause.

[37] À la lumière de ce qui précède, j’estime que des mesures globales appropriées devraient comprendre une sanction pécuniaire de 2 à 20 jours de solde, seule ou combinée à d’autres mesures. Cela dit, je dois maintenant tenir compte des facteurs aggravants et atténuants.

Facteurs atténuants et aggravants

[38] Les parties proposent conjointement deux facteurs atténuants, que j’ai retenus.

[39] Premièrement, les admissions du caporal Dongriah ont évité le besoin d’une audience avec contestation.

[40] Deuxièmement, le caporal Dongriah a reçu plusieurs fiches de rendement 1004 positives ou lettres exprimant la reconnaissance pour son travail. Les parties ont fourni sept lettres datant de 2006 à 2013. Les auteurs de ces lettres étaient des membres du public ainsi que des fonctionnaires d’organisations partenaires. Les parties ont également fourni treize fiches de rendement 1004 positives datant de 2006 à 2017.

[41] Les parties proposent conjointement trois facteurs aggravants, que j’ai également retenus.

[42] Premièrement, en tant que membre d’expérience de la GRC, le caporal Dongriah savait ou aurait dû savoir que ses actions, énoncées aux allégations 1 et 4, tel qu’elles sont modifiées, étaient inacceptables.

[43] Deuxièmement, le caporal Dongriah était le membre le plus haut gradé affecté au dossier d’enquête en question. Les membres subalternes comptaient sur lui pour les guider durant la perquisition dans la chambre d’hôtel et durant la rédaction de la DOMP. Le caporal Dongriah n’a pas donné l’exemple. Ses actions n’ont pas respecté les normes attendues de tous les membres.

[44] Troisièmement, le caporal Dongriah a déjà fait l’objet de mesures disciplinaires, qui sont à la fois récentes et liées aux allégations en question. Une des allégations précédemment établies est liée à une contravention à l’article 4.2 du code de déontologie. Encore une fois, le caporal Dongriah était un membre d’expérience et n’a pas démontré de bonnes pratiques. Je suis également troublée par le fait qu’environ deux ans se sont écoulés entre les mesures disciplinaires antérieures et l’incident à l’origine des présentes allégations. Par conséquent, les actions du caporal Dongriah dans cette affaire ne peuvent pas être qualifiées d’incident isolé.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[45] Les mesures disciplinaires proposées se situent à l’extrémité inférieure de l’éventail des mesures acceptables. Bien que la sanction pécuniaire vise un nombre total de 20 jours, elle est fractionnée en une confiscation directe de la solde et une réduction de la banque de congés annuels. Cela réduit l’effet dissuasif précis et général des mesures de deux manières. Premièrement, la perte de congés a un impact limité, car les membres continuent de bénéficier de leurs droits au congé pendant leur suspension avec solde. Deuxièmement, le fractionnement de la pénalité situe les mesures dans l’éventail des mesures disciplinaires correctives prévues à l’article 4 des CC (déontologie) plutôt que dans l’éventail des mesures disciplinaires graves prévues à l’article 5 des CC (déontologie).

[46] Cela dit, compte tenu de tous les facteurs qui m’ont été présentés, je ne peux pas conclure que les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public. Collectivement, elles sont composées de mesures correctives et graves. Elles reflètent les facteurs atténuants et aggravants de l’affaire. Elles serviront d’élément de dissuasion pour le caporal Dongriah et d’avertissement pour les autres membres.

CONCLUSION

[47] Ayant conclu que les allégations 1 et 4 sont établies, tel qu’elles ont été modifiées, et conformément à l’exposé conjoint présenté par le représentant de l’autorité disciplinaire et la représentante du membre visé, j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

  1. conformément à l’alinéa 4d) des CC (déontologie), une sanction pécuniaire de 10 jours (80 heures)de solde, à déduire de la solde du caporal Dongriah;
  2. conformément à l’alinéa 4e) des CC (déontologie), une réduction de la banque de congés annuels de 10 jours (80 heures);
  3. conformément à l’alinéa 5(1)g) des CC (déontologie), la mutation à un autre lieu de travail.

[48] Le caporal Dongriah est autorisé à poursuivre sa carrière au sein de la GRC. Cependant, toute contravention future au code de déontologie sera examinée de très près par l’autorité disciplinaire compétente et pourrait entraîner son congédiement de la Gendarmerie.

[49] Toute mesure provisoire mise en place doit être réglée, rapidement, conformément à l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 2014, DORS/2014-281.

[50] L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire, conformément au paragraphe 45.11 de la Loi sur la GRC.

 

 

12 novembre 2020

Christine Sakiris

Comité de déontologie de la GRC

 

Date

 



[1] Des modifications mineures ont été apportées afin de faire référence au membre visé de manière appropriée et de respecter les protocoles relatifs à la confidentialité des informations personnelles.

[2] Voir le Manuel des opérations, chapitre 6.13 Laboratoires de drogues clandestins.

[3] Voir par exemple Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII) au paragraphe 19, et R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (l’« arrêt Cook »).

[4] Cook, supra note 3, paragraphe 34.

[5] Guide de mesures disciplinaires, pages 22 et 23.

[6] Ibid, pages 17 et 18.

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