Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le gendarme Girard faisait face à cinq allégations de contravention au Code de déontologie de la GRC : trois aux termes de l’article 4.2, pour avoir manqué de diligence dans l’exercice de ses fonctions, et deux aux termes de l’article 8.1, pour avoir présenté des déclarations inexactes à son chef de détachement et au bureau du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC).

Le gendarme Girard a demandé et obtenu une audience en personne pour pouvoir examiner la preuve présentée par les témoins de l’autorité disciplinaire et présenter son propre témoignage. L’audience disciplinaire s’est tenue du 16 au 20 novembre 2020.

Toutes les allégations portées contre le gendarme Girard ont été établies. Le 20 novembre 2020, le Comité de déontologie lui a imposé une réprimande et la confiscation de 20 jours de salaire pour les allégations 1, 2 et 3 et lui a ordonné de démissionner dans un délai de 14 jours pour les allégations 4 et 5.

Contenu de la décision

Protégé A

2020 DAD 30

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE D’UNE

AUDIENCE DISCIPLINAIRE AU TITRE DE LA

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

ENTRE :

le sous-commissaire Curtis Zablocki

l’autorité disciplinaire

et

le gendarme Jason Girard

numéro de matricule 59171

le membre visé

Décision du Comité de déontologie

Gerald Annetts

11 décembre 2020

Sergente d’état-major Chantal Le Du et M. Denys Morel, représentants de l’autorité disciplinaire

M. Josh Weinstein, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 1

INTRODUCTION 2

ALLÉGATIONS 2

Décision relative aux allégations 7

Allégation 1 7

Allégation 2 10

Allégation 3 11

Allégation 4 13

Allégation 5 15

MESURES DISCIPLINAIRES 19

Éventail approprié des mesures disciplinaires 20

Facteurs atténuants et aggravants 20

 

SOMMAIRE

Le gendarme Girard faisait face à cinq allégations de contravention au Code de déontologie de la GRC : trois aux termes de l’article 4.2, pour avoir manqué de diligence dans l’exercice de ses fonctions, et deux aux termes de l’article 8.1, pour avoir présenté des déclarations inexactes à son chef de détachement et au bureau du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC).

Le gendarme Girard a demandé et obtenu une audience en personne pour pouvoir examiner la preuve présentée par les témoins de l’autorité disciplinaire et présenter son propre témoignage. L’audience disciplinaire s’est tenue du 16 au 20 novembre 2020.

Toutes les allégations portées contre le gendarme Girard ont été établies. Le 20 novembre 2020, le Comité de déontologie lui a imposé une réprimande et la confiscation de 20 jours de salaire pour les allégations 1, 2 et 3 et lui a ordonné de démissionner dans un délai de 14 jours pour les allégations 4 et 5.

INTRODUCTION

[1] L’autorité disciplinaire a convoqué l’audience disciplinaire le 8 novembre 2019. Cinq allégations d’inconduite au titre du Code de déontologie de la GRC ont été déposées contre le gendarme Girard en lien avec cinq différents incidents survenus dans l’exercice de ses fonctions entre le 13 novembre 2018 et le 4 septembre 2019. Le 12 novembre 2019, j’ai été désigné Comité de déontologie chargé de se prononcer sur cette affaire.

ALLÉGATIONS

[2] Le 9 décembre 2019, l’Avis d’audience disciplinaire contenant les cinq allégations d’inconduite a été signifié au gendarme Girard. Les allégations se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

Allégation 1

Le 12 novembre 2018 ou vers cette date, à Drumheller (Alberta) ou dans les environs, le gendarme Jason Girard a contrevenu à l’article 4.2 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Détails

1. Au moment des faits, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Drumheller, Division K, dans la province de l’Alberta.

2. Le 13 novembre 2018 ou vers cette date, vers [18 h], Monsieur [K.O.] s’est présenté au Détachement. Il faisait l’objet d’un mandat d’arrestation délivré contre lui pour avoir omis de se présenter au tribunal par suite d’une infraction au paragraphe 94(2) de la Traffic Safety Act (dossier du SIRP no 2018-1208657).

3. Vous avez placé Monsieur [K.O.] en état d’arrestation conformément au mandat d’arrestation et vous l’avez par la suite libéré sur promesse de comparaître en cour.

4. Vous avez omis de confirmer et d’exécuter le mandat d’arrestation en signant le mandat d’origine.

5. En vous servant du système Kive Scan, vous avez ouvert une session avec le numéro [du Système d’information sur la gestion des ressources humaines (SIGRH)] de la gendarme Katelyn Dagg. Vous avez prélevé les empreintes digitales de Monsieur [K.O.] et vous l’avez photographié en contravention de l’alinéa 19.9.1.1.1. de la politique de la GRC [Manuel des opérations (MO)], et vous avez saisi dans la partie sur l’accusation une différente infraction afin de contourner le système.

6. Vous avez omis de faire retirer le mandat d’arrestation du [Centre d’information de la police canadienne (CIPC)].

7. Vous avez manqué de diligence dans l’exercice de vos fonctions.

Allégation 2

Le 27 novembre 2018 ou vers cette date, à Drumheller (Alberta) ou dans les environs, le gendarme Jason Girard a contrevenu à l’article 4.2 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Détails :

1. Au moment des faits, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Drumheller, Division K, dans la province de l’Alberta.

2. Au début de votre quart de travail, pendant que vous vous prépariez au service, vous êtes entré dans la salle d’équipement du Détachement de Drumheller. Vous avez pris un fusil de chasse dans le râtelier. Le gendarme Lucas Stewart était dans la pièce, en train de remplir le registre d’emprunt d’une arme à impulsions Taser.

3. Vous avez manipulé le fusil de manière non sécuritaire en n’effectuant pas les vérifications mécaniques et de sécurité, et en pointant la carabine en direction du gendarme Stewart.

4. Vous avez manqué de diligence dans l’exercice de vos fonctions.

Allégation 3

Le 19 avril 2019 ou vers cette date, à Drumheller (Alberta) ou dans les environs, le gendarme Jason Girard a contrevenu à l’article 4.2 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Détails :

1. Au moment des faits, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Drumheller, Division K, dans la province de l’Alberta.

2. Par suite d’une plainte en lien avec un véhicule volé (dossier du SIRP no 2019-530102), vous vous êtes rendu au stationnement du restaurant Yavis, où le véhicule avait été repéré par le gendarme Marcel Hiemstra.

3. Sur les lieux, vous avez parlé à Monsieur [K.S.], le conducteur du véhicule. Vous lui avez ensuite passé les menottes avant de le faire monter à l’arrière de votre véhicule de patrouille.

4. Vous avez omis de mettre Monsieur [K.S.] en état d’arrestation et de lui faire la déclaration de ses droits en vertu de la Charte.

5. Vers [12 h], vous avez conduit Monsieur [K.S.] au détachement. Vous lui avez expliqué qu’il n’était pas en état d’arrestation, mais vous l’avez gardé en détention en attendant de pouvoir poursuivre l’enquête.

6. Monsieur [K.S.] a mis ses effets personnels, y compris son argent de poche et ses bijoux, sur le comptoir du bloc cellulaire. Vous n’avez pas rempli un Rapport sur le prisonnier (formulaire C-13.1), en contravention de l’alinéa 19.3.3.2.3 de la politique de la GRC [MO].

7. Vous avez enfermé Monsieur [K.S.] dans une cellule pendant environ trois heures sans le mettre en état d’arrestation et sans lui faire la déclaration de ses droits en vertu de la Charte. Vous l’avez par la suite libéré sans porter d’accusations contre lui après avoir communiqué avec le plaignant.

8. Vous avez manqué de diligence dans l’exercice de vos fonctions.

Allégation 4

Le 15 août 2019 ou vers cette date, à Drumheller (Alberta) ou dans les environs, le gendarme Jason Girard a contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Détails :

1. Au moment des faits, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Drumheller, Division K, dans la province de l’Alberta.

2. Le 5 juillet 2019, votre chef de détachement, le sergent d’état-major Edmond Bourque, vous a demandé par courriel de signifier une assignation à témoigner au nom de l’Alberta Securities Commission (« ASC »), un organisme partenaire de la GRC (dossier du SIRP no 2019-1223935).

3. Le 22 juillet 2019, vous avez reçu un courriel du s.é.-m. Bourque vous demandant de faire une mise à jour à Mme Nicole Blaszczak de l’ASC.

4. Le 26 juillet 2019, vous avez reçu un courriel de Mme Blaszczak vous demandant une mise à jour au sujet de la signification de l’assignation à témoigner. Vous lui avez répondu ce qui suit : [traduction] « J’entends parler de cette requête pour la toute première fois dans votre courriel, alors je vais faire des tentatives dès que possible à cet égard ».

5. Le 31 juillet 2019, vous avez reçu un courriel de Mme Vi Pickering, superviseure à l’ASC, vous demandant une mise à jour sur l’état de la signification de l’assignation à témoigner.

6. Le 15 août 2019, le s.é.-m. Bourque vous a demandé une mise à jour sur l’état de la signification de l’assignation à témoigner. Vous lui avez répondu que tout était complété et que vous aviez renvoyé l’affidavit de signification à l’ASC.

7. Le s.é.-m. Bourque vous a demandé de lui montrer le courriel confirmant que vous aviez complété la signification et envoyé l’affidavit connexe à l’ASC. Vous lui avez dit que vous pensiez avoir supprimé votre courriel et que vous aviez envoyé l’affidavit d’origine par la poste à l’ASC.

8. En guise de confirmation que vous aviez bel et bien signifié l’assignation à témoigner, vous avez montré au s.é.-m. Bourque un courriel daté du 31 juillet 2019 dans lequel Mme Pickering de l’ASC vous remerciait de votre aide.

9. Le s.é.-m. Bourque vous a confronté au sujet de ce courriel, et vous avez finalement admis que, même si vous aviez signifié l’assignation à témoigner, vous ne saviez pas où elle se trouvait et, contrairement à ce que vous lui aviez déjà dit, l’affidavit n’avait pas été envoyé à l’ASC.

10. En raison de vos actions, le s.é.-m. Bourque a dû communiquer avec le témoin afin de confirmer que l’assignation à témoigner lui avait bel et bien été signifié.

11. Vous avez fourni des renseignements faux ou trompeurs au s.é.‑m. Bourque en lien avec l’assignation à témoigner.

Allégation 5

Entre le 20 mars 2019 et le 4 septembre 2019, à Drumheller (Alberta) ou dans les environs, le gendarme Jason Girard a contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Détails :

1. Au moment des faits, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté au Détachement de Drumheller, Division K, dans la province de l’Alberta.

2. Le 12 décembre 2018, le caporal Gerald Sherk vous a signifié un compte rendu de décision concernant onze allégations aux termes du Code de déontologie qui avaient été portées contre vous. Dans la décision, toutes les allégations avaient été établies, et on vous avisait de votre [traduction] « obligation légale de communiquer à l’avocat de la Couronne une divulgation découlant de l’arrêt McNeil dans toute affaire où vous pourriez être appelé à témoigner ». On vous avisait aussi que [traduction] « lorsque vous remplissez le formulaire de divulgation découlant de l’arrêt McNeil, vous devez répondre “Oui” à la question no 3, “J’ai reçu un verdict de culpabilité pour inconduite en vertu de la Loi sur la GRC, et que « vous devez remplir le tableau en indiquant la date du verdict ou des verdicts, l’article (infraction) et la mesure disciplinaire (décision) imposée ».

3. En mars 2019, par suite d’une demande reçue du bureau des procureurs de la Couronne de l’Alberta, la caporale Rachel Pergunas vous a demandé de lui fournir un formulaire de divulgation découlant de l’arrêt McNeil (« formulaire McNeil ») à jour.

4. Le 20 mars 2019, vous avez soumis un formulaire McNeil à la caporale Pergunas dans lequel il était indiqué que vous n’aviez pas reçu de verdicts de culpabilité pour inconduite en vertu de la Loi sur la GRC. Elle vous a renvoyé le formulaire en vous demandant de lui fournir une mise à jour, car il y avait des verdicts de culpabilité pour inconduite en vertu de la Loi sur la GRC à y ajouter.

5. Le 9 août 2019, vous avez envoyé par courriel votre formulaire McNeil à M. Sean Funk, parajuriste au bureau des procureurs de la Couronne de Calgary. Sur votre formulaire, qui n’avait pas été signé par votre superviseur, il était indiqué qu’aucun verdict de culpabilité pour inconduite en vertu de la Loi sur la GRC n’avait été formulé contre vous.

6. M. Funk, qui savait déjà que des verdicts en vertu de la Loi sur la GRC avaient été rendus contre vous, vous a renvoyé un courriel pour obtenir des précisions; il a écrit en partie ce qui suit : [traduction] « Lorsque j’ai parlé à votre chef de détachement, la cap. Pergunas, elle a dit que vous avez reçu un verdict en vertu de la Loi sur la GRC. […] Pouvez-vous clarifier? Est-ce une erreur de la part de la cap. Pergunas, ou avez-vous porté le verdict en appel? » Vous avez répondu : [traduction] « l’affaire est toujours sous enquête et lorsque tout sera terminé avec le district, je vous enverrai un formulaire à jour. »

7. Le 4 septembre 2019 ou vers cette date, votre chef de détachement, le s.é.‑m. Edmond Bourque, vous a demandé pourquoi vous aviez soumis à deux reprises un formulaire McNeil sur lequel il était indiqué que vous n’aviez pas reçu de verdicts de culpabilité pour inconduite en vertu de la Loi sur la GRC. Vous avez répondu en partie que le dossier de décision de décembre 2018 pouvait nuire à votre crédibilité lors de futures procédures judiciaires et que cela vous mettait mal à l’aise.

8. Vous avez fourni des renseignements faux ou trompeurs au bureau des procureurs de la Couronne de Calgary, un organisme partenaire de la GRC.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[3] Conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, le gendarme Girard a fourni sa réponse à l’Avis d’audience disciplinaire. Dans sa réponse, il a nié les cinq allégations tout en admettant plusieurs détails de chacune. Selon lui, les détails mentionnés dans les allégations constituent de simples problèmes de rendement et ne constituent pas de l’inconduite.

Décision relative aux allégations

[4] Pour que je puisse déterminer que les allégations aux termes des articles 4.2 et 8.1 du Code de déontologie sont établies, je dois d’abord déterminer si les faits allégués par l’autorité disciplinaire ont été établis selon la prépondérance des probabilités.

Allégation 1

[5] Le gendarme Girard a admis, en tout ou en partie, chacun des détails de l’allégation 1 à l’exception du septième, qui est l’énoncé de conclusion disant qu’il manqué de diligence dans l’exercice de ses fonctions. Les détails 1, 2 et 3 ont été admis d’emblée tandis que les détails 4 à 6 ont été admis avec explication.

[6] Le cinquième détail allègue que le gendarme Girard a employé le numéro du SIGRH de la gendarme Dagg pour utiliser le système d’empreintes digitales Live Scan et qu’il a pris les empreintes digitales de Monsieur K.O. d’une manière qui contrevient à la politique de la GRC lorsqu’il a inséré, à la section Accusation, un acte criminel afin de contourner le système. Le gendarme Girard reconnaît avoir utilisé le système Live Scan avec le numéro du SIGRH de la gendarme Dagg. Il explique que c’est parce qu’elle était déjà branchée et que cette façon de faire était courante au Détachement. Il n’existe aucune preuve du contraire ni aucune preuve qu’il s’est effectivement branché en employant le numéro du SIGRH et le mot de passe de sa collègue ou qu’il aurait connu son mot de passe pour se brancher.

[7] Le deuxième élément de ce détail n’a pas non plus été prouvé. Si je comprends bien, l’autorité disciplinaire est d’avis que, pour pouvoir prendre les empreintes digitales de Monsieur K.O., le gendarme Girard aurait eu besoin de saisir dans le système un acte criminel ou une infraction mixte parce que le système Live Scan n’aurait pas accepté l’infraction punissable par procédure sommaire au titre de la Traffic Safety Act, RSA 2000, chap. T-6 dont Monsieur K.O. avait été accusé mais pour laquelle il avait omis de comparaître devant le tribunal. Toutefois, on ne m’a soumis aucune preuve quant à l’infraction qui aurait été inscrite à la section Accusation afin de contourner le système

[8] Par conséquent, les faits allégués dans le cinquième détail de l’allégation n’ont pas été prouvés. Cependant, le cinquième détail n’est pas l’élément central de l’allégation; l’élément central serait plutôt les détails 4 et 6. Selon le détail no 4, le gendarme Girard aurait omis d’exécuter et de confirmer le mandat d’arrestation en signant le mandat d’origine. Il a expliqué dans sa réponse et à la barre des témoins avoir traité le cas de Monsieur K.O. sur le fondement du mandat puis avoir libéré Monsieur K.O. comme il se devait, mais qu’il n’a pas exécuté le mandat en signant le document original en tant que tel. Son explication n’enlève rien au fait qu’il n’a pas confirmé l’existence du mandat. Par conséquent, je considère que ce détail est établi.

[9] Le détail no 6 allègue pour sa part que le gendarme Girard a omis de faire retirer le mandat d’arrêt du CIPC. Le gendarme Girard l’admet, mais il explique qu’il pensait que quelqu’un d’autre le ferait pour lui, par exemple un autre membre ou un employé administratif. Il n’a fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle il croyait cela ou comment quelqu’un d’autre aurait pu savoir que cela devait être fait.

[10] Compte tenu de ces admissions, les faits nécessaires sont établis. L’étape suivante consiste à déterminer si je trouve convaincante l’explication selon laquelle il a fait preuve de la diligence nécessaire dans l’exercice de ses fonctions. Le critère à cet égard est, à mon avis, le mieux décrit dans la décision du commissaire Gendarme Lawless et officier compétent, Division J, G-395-15-1, à partir du paragraphe 24. Je paraphrase en disant que la possibilité de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre d’un employé en raison de problèmes de rendement au travail dépend de la question de savoir si ces problèmes sont des éléments sur lesquels l’employé exerce un contrôle. Une personne peut être disciplinée lorsqu’il y a faute, négligence ou imprudence, mais pas lorsqu’il y a incompétence, incapacité ou déficience, parce que ces conditions sont indépendantes de sa volonté et ne peuvent pas donner lieu à une correction.

[11] Les termes juridiques « négligence » et « imprudence » sont interchangeables. Ils supposent qu’il n’y a pas eu diligence pour empêcher les préjudices en question de se produire. Si on applique ce principe à l’allégation 1, la négligence équivaudrait à ne pas prendre les mesures qu’un policier raisonnable aurait pris à la place du gendarme Girard pour veiller à ce que le mandat d’arrestation soit exécuté puis retiré du CIPC. Plusieurs témoins ont expliqué les procédures requises pour exécuter correctement et ensuite retirer un mandat du CIPC. Elles ne sont ni trop nombreuses ni trop difficiles. Le gendarme Girard a admis qu’il avait reçu une formation à cet égard, mais qu’il n’avait pas fait ce qu’il fallait cette fois-là. Il n’a pas non plus expliqué pourquoi il serait raisonnable de s’attendre à ce que quelqu’un d’autre fasse les choses à sa place pour un accusé qu’il a lui-même arrêté puis remis en liberté. La question évidente qui se pose est de savoir comment un autre membre ou le personnel administratif aurait pu savoir que cela devait être fait. Rien ne prouve qu’une personne autre que le gendarme Doucette, qui était en congé à ce moment-là, était au courant de l’arrestation en vertu du mandat, et rien ne prouve que le gendarme Girard ait demandé à quelqu’un d’autre de retirer le mandat du CIPC à sa place.

[12] Le gendarme Girard ne pourrait pas être discipliné pour incompétence, incapacité ou déficience car ces conditions sont indépendantes de la volonté d’une personne. Cependant, aucune preuve d’incapacité ou de déficience de sa part n’a été fournie. On a fait valoir que certains membres sont « plus futés » que lui, que certains membres comprennent les choses immédiatement et que d’autres, comme lui, ont besoin d’un peu plus d’aide. Cependant, le fait d’avoir besoin d’un peu plus d’aide n’est pas synonyme d’incompétence. Il a été démontré que, lorsqu’il a fait l’objet d’une supervision étroite de la part du caporal Lloyd pendant une période de 30 jours, en 2016 ou 2017, dans le cadre du Programme d’amélioration du rendement, le gendarme Girard a démontré une bonne capacité de prendre des décisions et a eu un bon rendement. Le caporal Lloyd n’a eu aucune inquiétude quant à son rendement. On peut donc raisonnablement en déduire que, lorsqu’il est suffisamment motivé, le gendarme Girard est en mesure de remplir ses fonctions avec compétence et qu’aucune incapacité ou déficience ne l’en empêche.

[13] Ma conclusion en ce qui concerne l’allégation 1 est que le gendarme Girard a agi avec négligence ou imprudence en n’exécutant pas correctement le mandat lorsque la personne a été arrêtée puis en ne faisant pas retirer ledit mandat du CIPC. Cela équivaut à un manque de diligence dans l’exercice de ses fonctions et je considère donc que l’allégation 1 est établie.

Allégation 2

[14] Le gendarme Stewart a déclaré que le 27 novembre 2018, il se trouvait dans la salle d’équipement du Détachement de Drumheller, au début de son quart de travail, et remplissait le registre d’emprunt d’une arme à impulsions Taser. Le gendarme Girard s’est approché du râtelier, a pris un fusil et a pointé le canon dans sa direction en le descendant du râtelier. Le gendarme Girard a ensuite pointé le fusil en direction de ses jambes, à hauteur des genoux, avant d’actionner la glissière et d’insérer des cartouches dans l’arme. Il n’a fait aucune des vérifications de sécurité requises et n’a peut-être même pas regardé dans la culasse pour vérifier que l’arme était bel et bien déchargée. Le gendarme Stewart lui a demandé avec colère ce qu’il faisait, avant de crier après lui et de sortir précipitamment de la pièce pour aller signaler l’incident au caporal Sherk.

[15] Le gendarme Stewart a déclaré que cet incident l’avait fâché et déçu parce que le gendarme Girard est l’un de ses amis et qu’il ne voulait pas que lui ou une autre personne soit blessé. Le caporal Sherk a confirmé que le gendarme Stewart était fâché, et qu’il l’était toujours le lendemain à un point tel qu’il a pensé qu’il valait mieux reporter le moment de lui parler. Le gendarme Stewart a reconnu durant le contre-interrogatoire que le gendarme Girard se trouvait peut-être déjà dans la salle d’équipement lorsque lui-même y était entré, mais il a été catégorique lorsqu’il a dit qu’il avait pointé le fusil dans sa direction et qu’il n’avait pas effectué les vérifications de sécurité requises.

[16] J’ai trouvé le gendarme Stewart crédible et son témoignage m’est apparu fiable. Il a été catégorique dans son témoignage, il a reconnu à juste titre ce dont il n’était pas certain, et il n’a pour ainsi dire rien à gagner ni à perdre dans cette affaire. Par ailleurs, il n’était manifestement pas heureux de devoir témoigner contre son ami à l’audience. Il semble donc improbable que le gendarme Stewart ait inventé de toutes pièces cette allégation contre son ami.

[17] Le gendarme Girard a pour sa part affirmé qu’il était dans la salle d’équipement avant l’arrivée du gendarme Stewart, qu’il avait déjà effectué les vérifications de sécurité requises et qu’il n’avait pas pointé le fusil dans sa direction. J’ai trouvé son témoignage très peu convaincant. Il a dit se rappeler ce jour comme si c’était hier, et je suis sûr qu’il se rappelle ce qui s’est produit après l’incident. Toutefois, au moment où il récupérait le fusil au début d’une journée de travail bien ordinaire, rien d’inhabituel ne s’était encore produit dont il pourrait se rappeler ensuite et ce, jusqu’à ce que l’agent Stewart se mette à lui crier après. Sa déclaration selon laquelle le gendarme Stewart avait une mauvaise journée et l’implication selon laquelle il avait inventé cette allégation contre lui pour cette raison ne sont tout simplement pas étayées par des éléments de preuve. Le tout ne me semble pas probable.

[18] Lorsque les témoignages diffèrent, je préfère celui du gendarme Stewart en ce qui a trait à cet incident. Dans ce contexte, la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41, au paragraphe 86, est particulièrement pertinente au sujet des témoignages contradictoires dans les affaires non criminelles :

[86] Toutefois, au civil, lorsque les témoignages sont contradictoires, le juge est appelé à se prononcer sur la véracité du fait allégué selon la prépondérance des probabilités. S’il tient compte de tous les éléments de preuve, sa conclusion que le témoignage d’une partie est crédible peut fort bien être décisive, ce témoignage étant incompatible avec celui de l’autre partie. Aussi, croire une partie suppose explicitement ou non que l’on ne croit pas l’autre sur le point important en litige. C’est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, le demandeur formule des allégations que le défendeur nie en bloc. La démarche préconisée dans l’arrêt W. (D.) ne convient pas pour évaluer la preuve au regard de la prépondérance des probabilités dans une instance civile.

[19] Je considère la version des faits du gendarme Stewart plus probable que celle du gendarme Girard. Par conséquent, je conclus que l’autorité disciplinaire a établi les faits des détails de l’allégation 2. Le gendarme Girard a omis de manipuler le fusil de chasse de manière sécuritaire et conforme à la politique et à la formation qu’il a suivie. Ce faisant, il n’a pas fait preuve de la diligence qui aurait été requise pour éviter que l’incident ne se produise. La manière dont le gendarme Girard a manipulé l’arme à feu équivaut clairement à de la négligence dans les circonstances. Par conséquent, cette allégation est établie.

Allégation 3

[20] Le gendarme Girard admet tous les détails de l’allégation 3; par conséquent, les faits allégués par l’autorité disciplinaire sont établis. Toutefois, le gendarme Girard nie que ses actions équivalent à un manque de diligence dans l’exercice de ses fonctions. Il reconnaît avoir mis en détention l’homme qui s’était trouvé au volant du véhicule déclaré volé et l’avoir maintenu en cellule pendant trois heures sans l’avoir d’abord mis en état d’arrestation et sans lui avoir fait part de ses droits en vertu de la Charte [1] , y compris le droit à un avocat. Il reconnaît aussi ne pas avoir respecté la politique quant au placement en cellule. Il explique que, même s’il connaissait bien les exigences légales et politiques, il avait eu de bonnes raisons de les ignorer à ce moment-là. Aux fins de la présente décision, il n’est pas nécessaire d’entrer dans le détail de ses motifs, qui ont été fournis à huis clos, mais je lui accorderai le bénéfice du doute et je dirai que ces motifs étaient subjectivement valables dans son esprit.

[21] Ces observations soulèvent la question de savoir si le fait d’avoir une raison ou un objectif à l’esprit est une excuse raisonnable pour enfreindre la Charte et les politiques. Le gendarme Girard soutient qu’il connaissait les personnes impliquées dans cet incident et qu’il savait dès le départ qu’aucune accusation ne serait vraisemblablement portée contre le conducteur du véhicule. Pour cette raison, il a estimé qu’il était acceptable de procéder comme il l’a fait pour tenter d’atteindre un objectif secondaire.

[22] Cependant, cette logique ne résiste à un examen plus poussé : pour un policier, la fin ne peut pas justifier les moyens. Sinon, on s’engage sur une pente très glissante. Le gendarme Girard est un policier qui a juré de faire respecter la loi, ce qui inclut le respect de la Charte. Il ne peut pas choisir de le faire uniquement lorsque cela lui convient. Dans ce cas-ci, c’est le choix qu’il a fait en toute connaissance de cause, un choix imprudent et irresponsable qui fait franchir à ses actions la ligne de démarcation entre bon rendement et inconduite. Par conséquent, je considère que l’allégation 3 est établie.

Allégation 4

[23] Dans sa réponse à l’Avis conformément au paragraphe 15(3) et dans l’exposé conjoint des faits fourni par les parties avant la tenue de l’audience disciplinaire, le gendarme Girard admet tous les détails de l’allégation 4. Toutefois, durant son témoignage devant moi, il a nié le détail no 2. Dans ses observations, il reconnaît qu’on lui a demandé de vive voix de signifier l’assignation à témoigner en question, mais dit ne pas se souvenir d’avoir reçu le courriel du sergent d’état-major Bourque.

[24] Selon moi, la manière dont on lui a confié la tâche importe peu. D’une façon ou de l’autre, il reconnaît avoir été chargé de signifier l’assignation à témoigner au nom de l’ASC. Le fait qu’il nie que ses actions équivalent à avoir fourni de l’information fausse ou trompeuse au sergent d’état-major Bourque relativement à la production d’un affidavit de signification se fonde sur plusieurs erreurs de sa part. Il soutient que le fait de s’être ainsi trompé équivaut à une croyance sincère mais erronée au sujet de ce qu’il a fait et que cela ne devrait pas entraîner une responsabilité en vertu de l’article 8.1 du Code de déontologie.

[25] Le critère à l’égard de l’article 8.1 du Code de déontologie est bien défini dans la décision Commandant de la Division K et le gendarme Greenlaw, 2019 DARD 22, dans laquelle le comité de déontologie explique qu’il y a généralement trois catégories de cas :

  1. le cas où le policier savait que ses déclarations étaient fausses, trompeuses ou inexactes;
  2. le cas où le policier a été négligent, insouciant ou imprudent quant à la validité de ses déclarations;
  3. le cas où le policier a fait des déclarations sincères mais erronées qui se sont par la suite avérées être inexactes, fausses ou trompeuses.

[26] Les deux premières catégories sont susceptibles d’entraîner des responsabilités tandis que la troisième ne l’est pas.

[27] Selon moi, cette affaire entre dans la deuxième catégorie. Que ce soit dans son courriel ou durant son témoignage de vive voix, le gendarme Girard a reconnu qu’il avait été chargé de signifier l’assignation à témoigner au nom de l’ASC peu après le 5 juillet 2019. Durant le mois qui a suivi, il a été invité au moins trois fois à faire le point à cet égard, soit le 22 juillet 2019 par le sergent d’état‑major Bourque, le 26 juillet 2019 par l’ASC et à nouveau le 31 juillet 2019 par l’ASC. La citation a été signifiée le 6 août 2019, mais ce n’est que le 15 août 2019, lorsque le sergent d’état‑major Bourque a reçu un autre avis de l’ASC et a confronté le gendarme Girard, que celui-ci a révélé pour la première fois que l’assignation avait effectivement été signifiée.

[28] À ce moment-là, il a dit au sergent d’état‑major Bourque que l’assignation avait été signifiée et que l’affidavit de signification avait été renvoyé à l’ASC. Lorsque le sergent d’état‑major Bourque lui a demandé de lui montrer le courriel confirmant que l’affidavit de signification avait été renvoyé, le gendarme Girard lui a d’abord dit qu’il avait supprimé le courriel et envoyé l’affidavit original à l’ASC par la poste. Cette déclaration était fausse et, en toute franchise, ridicule, étant donné qu’il n’existe pas de raisons valables de supprimer un tel courriel. Le gendarme Girard a ensuite montré un courriel de l’ASC daté du 31 juillet 2019 pour prouver que l’assignation avait été signifiée et que l’affidavit de signification avait été renvoyé. Or, cela n’était manifestement pas le cas puisque l’assignation n’a été signifiée que le 6 août 2019. Mais même s’il est clair que le gendarme Girard a fourni de l’information fausse et trompeuse au sergent d’état‑major Bourque, est-ce qu’un tel acte constitue de l’inconduite?

[29] Il a expliqué à ce sujet qu’il avait confondu la présente assignation à témoigner avec d’autres citations à comparaître dont il s’occupait à ce moment-là. Il a fait valoir que ce qu’il a dit au sergent d’état‑major Bourque reflétait sa croyance, honnête mais erronée, de ce qu’il avait fait.

[30] Le gendarme Girard est policier et avait huit années d’expérience au moment de cet incident. Il a dit, durant son témoignage, comprendre la valeur et la nécessité de prendre de bonnes notes et de consigner les gestes posés dans le cadre de ses fonctions, une des exigences les plus fondamentales du travail policier. C’est encore plus important pour une personne qui sait être moins organisée et avoir besoin d’un peu plus d’aide que le membre moyen. Pourtant, il n’a pris aucunes notes pour pouvoir s’y référer dans cette affaire, que ce soit dans son calepin ou dans le dossier du SIRP, des notes qu’il aurait simplement pu consulter afin de fournir au sergent d’état‑major Bourque des renseignements exacts sur la signification de l’assignation.

[31] Je crois en outre que tout policier raisonnable, lorsqu’il se fait directement poser une question opérationnelle par son sergent d’état‑major, se donnerait beaucoup de mal pour s’assurer de fournir une réponse exacte. La réaction du gendarme Girard a été de mentir en disant avoir supprimé le courriel et de présenter comme preuve un autre courriel qui ne pouvait manifestement pas être le bon. À mon avis, cela n’équivaut pas à une croyance honnête mais erronée. Au contraire, l’ensemble des mesures prises par le gendarme Girard révèle une insouciance ou une négligence quant à l’exactitude des renseignements qu’il fournissait au sergent d’état‑major Bourque. Cela fait basculer le cas de la catégorie du problème de rendement à la catégorie de l’inconduite. Par conséquent, je juge que l’allégation est établie.

Allégation 5

[32] Ici aussi, le gendarme Girard admet chacun des détails de l’allégation 5, mais fournit une explication pour la majorité d’entre eux. Il nie cependant avoir fourni de l’information trompeuse au bureau de Calgary du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC). Les faits pertinents tels qu’admis par le gendarme Girard et tels que je les constate sont les suivants.

[33] Le 12 décembre 2018, le gendarme Girard a reçu le compte-rendu de décision (CRD) relatif à onze infractions au Code de déontologie qui ont été établies durant une rencontre déontologique. Dans le CRD, on l’informait de son obligation légale de faire part d’une divulgation découlant de l’arrêt McNeil (« formulaire McNeil ») à la Couronne. Il a en outre été spécifiquement informé qu’en remplissant le formulaire McNeil, il devait cocher « Oui » à la case 3, qui indique qu’un verdict de culpabilité pour inconduite a été prononcé contre lui en vertu de la Loi sur la GRC, et remplir le tableau en indiquant la date du verdict ou des verdicts, l’article (infraction) en question et la mesure disciplinaire (décision) imposée. Ces renseignements et directives étaient déjà très bien expliqués dans le CRD, et le gendarme Girard a reconnu l’avoir lu lorsqu’il lui a été signifié.

[34] En mars 2019, par suite d’une demande reçue du bureau des procureurs de la Couronne, la caporale Pergunas a demandé au gendarme Girard de lui fournir un formulaire McNeil à jour. Le 20 mars 2019, le gendarme Girard lui a soumis un formulaire McNeil sur lequel il avait coché toutes les cases « Non », indiquant ainsi qu’il n’avait pas reçu de verdicts de culpabilité pour inconduite en vertu de la Loi sur la GRC et qu’il n’y avait rien à signaler. La caporale Pergunas lui a renvoyé le formulaire en lui demandant de lui fournir une mise à jour car elle savait qu’il avait reçu des verdicts de culpabilité pour inconduite en vertu de la Loi sur la GRC.

[35] Plusieurs mois ont passé et on a rappelé au gendarme Girard qu’il n’avait pas encore rempli le formulaire McNeil. Il a alors demandé de l’aide à la caporale Pergunas pour le remplir, et elle l’a très raisonnablement orienté vers la sergente d’état-major Akitt, du Groupe des normes professionnelles. Le 22 juillet 2019, il a envoyé un courriel à la sergente d’état-major Akitt pour lui demander ce qu’il devait inclure dans le formulaire. Elle a répondu à sa question treize minutes plus tard. Il a alors dit être satisfait de la réponse obtenue et ne pas avoir d’autre questions à lui poser.

[36] Le 9 août 2019, le gendarme Girard a envoyé son formulaire McNeil par courriel directement à Sean Funk, parajuriste au bureau des procureurs de la Couronne de Calgary. Le formulaire n’avait pas été soumis par l’entremise de sa superviseure, la caporale Pergunas, et ne contenait pas la signature de la caporale Pergunas ni d’un autre superviseur, comme il se doit. Sur le formulaire, il était à nouveau indiqué qu’aucun verdict de culpabilité pour inconduite en vertu de la Loi sur la GRC n’avait été déposé contre lui. En d’autres termes, au lieu de cocher « Oui » et d’énumérer les verdicts comme il lui était indiqué de le faire dans le CRD, il a coché « Non ». Il a également indiqué qu’il n’y avait pas d’allégations d’inconduite en suspens, ce qui était également faux.

[37] M. Funk lui a demandé des précisions, car il savait qu’il avait été reconnu coupable d’inconduite. Le gendarme Girard a répondu : [traduction] « l’affaire est toujours sous enquête et lorsque tout sera terminé avec le district, je vous enverrai un formulaire à jour ». Croyant qu’on lui mentait, M. Funk a signalé l’affaire à son supérieur hiérarchique, qui a à son tour porté le tout à l’attention du sergent d’état‑major Bourque.

[38] Le 4 septembre 2019, le sergent d’état‑major Bourque a demandé au gendarme Girard pourquoi il avait soumis deux fois un formulaire McNeil sans aucune mention de ses verdicts d’inconduite. Il a expliqué en partie que de tels verdicts pouvaient nuire à sa crédibilité lors de futures procédures judiciaires et que cela le mettait mal à l’aise. Au bout du compte, le fait qu’il ait soumis un formulaire inexact ou faux a obligé la Couronne à suspendre les accusations dans quatre affaires graves relevant de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, en raison de doutes au sujet de sa crédibilité.

[39] En guise d’explication, le gendarme Girard a déclaré ne pas avoir soumis un formulaire McNeil exact parce qu’il croyait que les mesures disciplinaires imposées relativement à son inconduite antérieure n’étaient pas encore en vigueur. Il le croyait parce que la somme d’argent qui devait être confisquée de sa solde, selon le CRD, n’avait pas encore été déduite. Il a également déclaré que la révision de la politique ordonnée dans le CDR n’était pas encore terminée, bien qu’en contre-interrogatoire, il a admis qu’il avait terminé cette révision, comme il l’avait indiqué dans sa déclaration après mise en garde fournie au Groupe de la responsabilité professionnelle.

[40] Le gendarme Girard déclare par ailleurs qu’il n’avait pas compris l’importance du formulaire McNeil et qu’il avait demandé l’aide de ses supérieurs, sans en recevoir. Cette déclaration a été contredite par les témoins de l’autorité disciplinaire. Lorsque les superviseurs ont été interrogés, seuls les caporaux Pergunas et Lloyd ont déclaré avoir reçu une demande d’aide du gendarme Girard à cet égard. En réponse à sa demande, la caporale Pergunas a orienté le gendarme Girard vers la sergente d’état-major Akitt du Groupe des normes professionnelles, qui l’a effectivement aidé. Éventuellement, c’est le caporal Lloyd qui a aidé le gendarme Girard à remplir le formulaire, après qu’il ait soumis un formulaire inexact à M. Funk du SPPC. Tous les autres superviseurs au Détachement de Drumheller ont dit ne pas avoir reçu de demande d’aide à remplir le formulaire, mais ils ont déclaré qu’ils auraient aidé le gendarme Girard si ça avait été le cas.

[41] Le gendarme Girard a beaucoup insisté sur le manque de directives dans la politique sur la façon de remplir le formulaire McNeil. Cependant, même un examen très rapide du formulaire révèle que celui-ci n’est pas compliqué. Dans le CRD qui lui a été signifié le 12 décembre 2018, le gendarme Girard a reçu des directives sur ce qu’il devait inscrire dans le formulaire, notamment qu’il devait cocher « Oui » à la case 3 afin d’indiquer qu’il avait obtenu des verdicts de culpabilité pour inconduite en vertu de la Loi sur la GRC. Même s’il avait été confus, comme il le prétend, et qu’il n’aurait pas su comment remplir le reste du formulaire, cela aurait dû être parfaitement clair pour lui qu’il devait cocher « Oui » à la case 3. Pourtant, sur le formulaire soumis à M. Funk, la case « Non » avait été cochée. Il n’a pas fourni d’explication pour cette contradiction.

[42] Même s’il avait été confus, comme il le prétend, le gendarme Girard savait très bien qu’il avait l’obligation de remplir et de soumettre un formulaire exact. S’il avait besoin d’aide pour le faire, cette aide était disponible. Je ne le crois pas lorsqu’il dit qu’il a demandé de l’aide à ses supérieurs et que personne ne l’a aidé. La preuve indique le contraire. Lorsqu’il a demandé de l’aide à la caporale Pergunas, elle l’a dirigé vers l’experte en la matière, à savoir la sergente d’état-major Akitt. Celle-ci a immédiatement répondu à sa question, et il n’a pas communiqué de nouveau avec elle pour obtenir de l’aide additionnelle. S’il avait eu besoin d’une aide additionnelle, comme il le prétend, il n’avait qu’à communiquer de nouveau avec elle. Au lieu de cela, il a lui-même directement soumis le formulaire fautif au bureau des procureurs de la Couronne en contournant intentionnellement sa superviseure. Je ne crois pas son affirmation selon laquelle, dans un détachement où travaillaient un sergent d’état-major et cinq caporaux, il n’y avait jamais de superviseurs autour pour signer le document.

[43] Je crois que la présente affaire entre dans la première des catégories de cas mentionnées dans la décision Greenlaw, c’est-à-dire celle où l’on savait que les déclarations étaient fausses, trompeuses ou inexactes. Même si j’accordais au gendarme Girard un généreux bénéfice du doute quant à son ignorance de ce qu’il devait indiquer sur son formulaire (les cases à cocher), il reste qu’il n’a pas cherché à obtenir de l’aide pour le remplir, même si cette aide était facilement accessible. Cette omission, et le fait qu’il ait soumis le formulaire sans l’avoir fait examiner et vérifier par son supérieur hiérarchique, démontre de l’insouciance, de la négligence et de l’imprudence pour ce qui est d’assurer la validité des déclarations fournies à M. Funk. Par conséquent, je conclus que l’allégation 5 est établie.

MESURES DISCIPLINAIRES

[44] Puisque j’ai conclu que les allégations pesant contre le gendarme Girard ont été établies par l’autorité disciplinaire, j’ai l’obligation légale, aux termes du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, d’imposer les mesures disciplinaires appropriées. Pour prendre ma décision, je dois me laisser guider par l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, qui définit ainsi l’objectif du processus de déontologie :

e) […] prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives.

[45] L’autorité disciplinaire demande la sanction globale du congédiement. L’autorité disciplinaire fait valoir que la nature des infractions dans leur ensemble ne justifie pas la prise de mesures éducatives ou correctives. Le plus grave, c’est qu’il a été déterminé que le gendarme Girard avait fait de fausses déclarations à son chef de détachement et au bureau des procureurs de la Couronne en lien avec le formulaire McNeil. L’autorité disciplinaire croit que le gendarme Girard a si gravement contrevenu aux valeurs fondamentales d’honnêteté et d’intégrité de la GRC à des fins personnelles que, conformément au raisonnement énoncé dans l’affaire Commandant de la Division J c. le gendarme Cormier, 2016 DRAD 2, la relation de travail est devenue intenable.

[46] Le gendarme Girard fait valoir que, compte tenu des circonstances, il serait justifié que je lui impose une sanction moins sévère que le congédiement et que la confiscation d’une somme importante sur sa solde constituerait une déclaration appropriée selon laquelle ce type d’inconduite ne peut être toléré. Il me presse de me prévaloir de la souplesse prévue dans le Guide des mesures disciplinaires pour lui imposer toute mesure disciplinaire autre que le congédiement.

[47] Pour déterminer la sanction appropriée, je dois d’abord déterminer l’éventail des mesures disciplinaires possibles pour les allégations établies. Je dois aussi tenir compte des circonstances aggravantes et atténuantes. Bien que je puisse être guidé par les décisions antérieures du comité de déontologie, je ne suis pas limité par ces décisions. Je ne suis pas non plus lié par le Guide des mesures disciplinaires. Je dois tirer ma propre conclusion d’après les faits de l’espèce.

[48] Les allégations établies à l’encontre du gendarme Girard relèvent de deux différents articles du code de déontologie. Les allégations 1, 2 et 3 constituent un manque de diligence dans l’exercice de ses fonctions aux termes de l’article 4.2, tandis que les allégations 4 et 5 impliquent la présentation de déclarations inexactes et incomplètes concernant l’exercice de ses responsabilités et l’accomplissement de ses fonctions aux termes de l’article 8.1. Je vais maintenant examiner les allégations 1 à 3 ensemble de façon globale et je ferai de même pour les allégations 4 et 5.

Éventail approprié des mesures disciplinaires

[49] J’ai examiné les documents qui m’ont été soumis par les deux parties et j’ai tenu compte des observations qu’elles m’ont fournies. L’autorité disciplinaire m’a remis une série d’évaluations de rendement passées du gendarme Girard pour me prouver son manque de potentiel de réhabilitation. J’ai refusé d’examiner ces documents ou de les considérer comme un argument, car je traite d’infractions au Code de déontologie et non pas de problèmes de rendement.

[50] L’autorité disciplinaire s’est également appuyée sur la décision du comité de déontologie dans l’affaire Officier compétent de la Division K et gendarme Swain, 12 D.A (4e) 1, pour soutenir que le congédiement est la mesure appropriée dans les circonstances. Le gendarme Girard n’a pas invoqué d’autres cas à l’étape des mesures disciplinaires de l’audience.

[51] Après avoir examiné le Guide des mesures disciplinaires et les affaires fournies par les parties, je suis d’avis que l’éventail approprié des mesures disciplinaires globales qui s’imposent pour les allégations 1, 2 et 3 se situe entre 10 et 20 jours de salaire. J’estime que l’éventail approprié pour les allégations 4 et 5 se situe entre 30 jours de salaire et le congédiement.

[52] Maintenant que j’ai déterminé l’éventail approprié des mesures disciplinaires, je vais examiner les facteurs atténuants et aggravants.

Facteurs atténuants et aggravants

[53] Voici les facteurs atténuants :

  1. Bien qu’il ait exercé son droit de se défendre dans la présente instance, le gendarme Girard a admis la majorité des détails de chaque allégation, ce qui a permis d’économiser du temps d’audience et d’éviter de devoir faire appel aux témoins de l’autorité disciplinaire. Il mérite que cela soit reconnu.
  2. Le gendarme Girard a présenté trois lettres de soutien de membres de la communauté. La première provient d’un directeur de l’Établissement de Drumheller, qui fait l’éloge de sa personnalité. Les deux autres proviennent d’amis et de membres de la communauté qui reconnaissent qu’il est une bonne personne et qu’il s’implique auprès de la communauté. Il n’est pas fait mention dans les lettres que les auteurs savaient que le gendarme Girard faisait l’objet d’allégations d’inconduite ou connaissaient la nature de ces allégations.
  3. Le gendarme Girard a fourni deux brefs rapports médicaux pour montrer qu’il fait des progrès à l’égard de troubles de santé mentale qui le touchent. Toutefois, il a clairement précisé qu’il n’allègue pas que ces problèmes de santé ont un lien avec l’inconduite en question ou que ces problèmes expliquent l’inconduite. Les rapports ne font pas non plus état de la possibilité de réhabilitation ou de la probabilité de récidive, et par conséquent, ils n’ont qu’une valeur limitée.
  4. Le sergent d’état‑major Bourque a confirmé que le gendarme Girard avait eu un bon rendement lorsqu’on lui avait retiré ses tâches opérationnelles et qu’on lui avait confié des tâches administratives avant sa suspension. Bien que je lui accorde du mérite pour cela, le gendarme Girard a été embauché à titre de policier et les fonctions qu’il a exercées durant cette période n’étaient pas celles d’un policier.

[54] Il convient de noter que l’absence de toute explication de nature médicale en lien avec les actions du gendarme Girard est importante dans la mesure où une telle explication constitue un facteur atténuant dans de nombreux cas où un comportement similaire n’a pas donné lieu au congédiement.

[55] Les facteurs atténuants susmentionnés doivent être pris en considération à la lumière des importants facteurs aggravants suivants dans la présente affaire :

  1. L’inconduite pourrait ternir gravement la réputation de la GRC auprès de ses organismes partenaires, notamment le bureau des procureurs de la Couronne, le Service correctionnel du Canada et l’ASC. Dans son témoignage, le sergent d’état‑major Bourque a déclaré que ce risque s’était déjà concrétisé en ce qui concerne l’Établissement pénitentiaire de Drumheller.
  2. Une femme membre du public a été impliquée dans l’allégation 4 lorsque le sergent d’état‑major Bourque a dû communiquer avec elle pour s’assurer qu’on lui avait bien signifié l’assignation à témoigner. Cela risque de ternir la réputation de la GRC à ses yeux.
  3. Le gendarme Girard a récemment fait l’objet de mesures disciplinaires connexes. Le CRD daté du 12 décembre 2018 contient huit allégations établies aux termes de l’article 4.2 du Code de déontologie. Cela montre clairement que le manque de diligence du gendarme Girard dans l’exercice de ses fonctions n’est ni nouveau, ni un incident isolé. Les conclusions du surintendant principal Chapman et les mesures disciplinaires connexes qui ont été imposées auraient dû servir d’avertissement au gendarme Girard. Il semble qu’il n’ait pas tenu compte de cet avertissement.
  4. Fait plus important encore, selon moi, le CRD montre également une allégation établie aux termes de l’article 8.1 du Code de déontologie. Le 31 décembre 2017, il a été constaté que le gendarme Girard avait ignoré des directives opérationnelles qu’il avait reçues concernant le dossier d’une personne disparue. On a découvert qu’il avait donné des renseignements faux dans le rapport du SIRP sur ce dossier afin de mieux aligner les faits sur les mesures qu’il avait prises, par opposition aux mesures qu’il n’avait pas prises. Ici aussi, il semble qu’il n’ait pas tenu compte de l’avertissement reçu du surintendant principal Chapman dans le CRD du 12 décembre 2018
  5. Bien que l’inconduite décrite dans l’allégation 4 puisse avoir été une réaction de panique du gendarme Girard lorsqu’on lui a fait valoir qu’il avait omis de s’acquitter de ses obligations, l’inconduite décrite dans l’allégation 5 ne l’est pas. En fait, on pourrait plus exactement décrire cette inconduite comme ayant été planifiée et délibérée. En soumettant le formulaire McNeil de la manière dont il l’a fait, il a également agi délibérément lorsqu’il a contourné ses supérieurs.
  6. L’inconduite a été commise à des fins personnelles, selon la définition donnée de ce terme dans l’affaire Cormier susmentionnée et citée avec approbation dans un grand nombre de décisions qui ont suivi. Le gain personnel inclut le fait de chercher à éviter la responsabilité ou la responsabilisation pour ses actions ou inactions antérieures. Les actions du gendarme Girard en ce qui concerne l’allégation 4 visaient à éviter la responsabilisation pour ne pas avoir renvoyé l’affidavit de signification à l’ASC. En ce qui concerne l’allégation 5, on peut déduire de ses actions qu’il a tenté d’empêcher le procureur de la Couronne de connaître ses infractions au Code de déontologie.
  7. Pour finir, ironiquement et plus important encore, ces verdicts d’inconduite vont avoir des conséquences pour la GRC découlant de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. McNeil, 2009 CSC 3, car elles imposent un fardeau organisationnel à la GRC en ce qui concerne les postes où le gendarme Girard pourrait être affecté à l’avenir.

[56] Le poids relatif de ce fardeau dépend des faits dans chaque affaire et est généralement plutôt hypothétique. Cependant, dans les circonstances en l’espèce, nous avons des preuves de l’effet déjà causé. D’après la correspondance reçue du bureau de Calgary du SPPC, ce bureau a déjà mené sa propre évaluation des allégations et a suspendu les accusations dans quatre affaires graves relevant de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour lesquelles le gendarme Girard était considéré comme un témoin essentiel pour la Couronne.

[57] Ces sursis ont été ordonnés lorsque les présentes questions ont été soulevées pour la première fois, alors qu’il ne s’agissait que d’allégations d’inconduite. Maintenant que les allégations ont été établies lors d’une audience disciplinaire, l’effet n’en sera pas atténué. Par conséquent, la Gendarmerie se retrouve dans une situation où elle va devoir accommoder une personne dont le manque de crédibilité sera un problème dans toute procédure judiciaire future. Il va sans dire que le gendarme Girard a été embauché à titre de policier et que son expérience jusqu’à présent à la Gendarmerie a été celle d’un enquêteur aux Services généraux. À cette étape-ci de sa carrière, c’est ce pour quoi il semble être qualifié. Il serait très difficile pour la GRC de l’accommoder dans ces circonstances.

[58] Plus généralement, et à part les implications découlant de l’arrêt McNeil, le travail policier exige honnêteté et intégrité avant tout. Le système de justice pénale en dépend, et c’est essentiel dans le fonctionnement d’un service de police. Si un policier ne peut pas se fier à l’exactitude des rapports d’un collègue, le détachement n’est pas en mesure de fonctionner de manière efficace ou efficiente. Si un procureur de la Couronne ne peut pas se fier à la parole d’un policier dans le cadre d’une poursuite, cette poursuite ne peut pas aboutir. Rien ne peut compromettre autant l’efficacité d’un service de police que la perte de confiance à l’égard de la capacité d’un policier de dire la vérité.

[59] Cela dit, c’est un principe bien établi que le congédiement ne doit être envisagé que dans les cas les plus extrêmes et que la réhabilitation est l’objectif premier de l’imposition de mesures disciplinaires. Le tribunal fait état de ce principe dans l’arrêt Ennis c. la Canadian Imperial Bank of Commerce, (1986) BCJ 1742, qui traite du congédiement d’un employé :

[…] L’inconduite ou l’incompétence réelle doit être démontrée. La conduite de l’employé et la réputation qu’elle révèle doivent être de nature à miner ou à compromettre gravement la confiance essentielle que l’employeur est en droit d’accorder à un employé dans les circonstances de leur relation particulière. Le comportement de l’employeur doit démontrer que l’employé répudie le contrat de travail ou l’un de ses éléments essentiels. […] [traduction]

[60] Comme l’a noté le comité de déontologie dans la décision Commandant de la Division E et le gendarme Vellani, 2017 DRAD 3 (à partir du paragraphe 55), bien que le potentiel de réhabilitation soit un élément important à prendre en considération, il ne l’emporte pas sur le droit de mettre fin à l’emploi lorsque la violation est au cœur de la relation employeur-employé. Je crois que, par ses actions, le gendarme Girard a répudié le contrat de travail qui est au cœur de la relation employeur-employé.

[61] Je reconnais que, dans certains cas où il est question de malhonnêteté et de tromperie, la sanction imposée est, à juste titre, moins sévère que le congédiement. Cependant, les décisions passées montrent clairement que l’une des sanctions possibles à l’encontre des membres dont les actions présentent ces caractéristiques est le congédiement. Le congédiement n’a pas été imposé dans certains cas parce que les comités de déontologie compétents avaient estimé qu’il y avait suffisamment de circonstances atténuantes pour justifier une sanction moins sévère. Le comité de déontologie dans l’affaire Cormier l’a exprimé autrement lorsqu’il a déclaré, au paragraphe 110, que dans les cas où un manque d’intégrité ou un acte malhonnête a été imputé au mis en cause, ce dernier n’a été congédié, de manière générale, que lorsqu’il avait obtenu ou cherché à obtenir un profit personnel et qu’aucun facteur atténuant important n’avait été retenu. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, la tentative du gendarme Girard d’éviter toute responsabilité équivaut à un gain personnel dans les circonstances de la présente affaire.

[62] Le gendarme Girard ne s’est pas présenté à la barre des témoins durant l’étape des mesures disciplinaires de l’audience et ne s’est pas adressé au comité de déontologie. Par conséquent, je n’ai aucune façon de savoir s’il s’est rendu compte de la gravité de son inconduite depuis que les allégations ont été établies. En ce qui concerne l’allégation 5 en particulier, le gendarme Girard a soumis un faux rapport McNeil au bureau des procureurs de la Couronne. Ce rapport en est un sur lequel la Couronne s’appuie en partie pour déterminer si elle va engager des poursuites, et cette décision a d’énormes conséquences pour l’accusé. S’il n’avait pas été décelé, ce rapport erroné aurait amené les procureurs de la Couronne à induire involontairement en erreur le tribunal et les avocats de la défense dans le cadre de leurs fonctions. Même si l’incidence des actions du gendarme Girard est déjà grande, les choses auraient pu être encore pires.

[63] Sans aucune indication que le gendarme Girard comprend la gravité de son inconduite, et en l’absence de toute preuve de potentiel de réhabilitation, je peux seulement en conclure que cette inconduite révèle un défaut de caractère qui consiste à employer la malhonnêteté pour se déresponsabiliser. À mon avis, la conduite du gendarme Girard ne cadre pas avec ses conditions d’emploi et est incompatible avec l’exercice fidèle et convenable de ses fonctions.

[64] Compte tenu de ces circonstances et de la position de responsabilité et de confiance qu’occupe le gendarme Girard à titre de policier ayant fait le serment de faire appliquer la loi, je ne peux simplement pas justifier son maintien en poste au sein de l’effectif de la GRC. Cela ne serait pas dans l’intérêt public, et cela n’enverrait pas non plus un message suffisamment clair aux autres membres de la Gendarmerie ou au grand public que ce type d’inconduite ne peut pas être toléré. Il s’agit d’un cas où la dissuasion et la dénonciation l’emportent nécessairement sur l’objectif premier de la réhabilitation. Par conséquent, j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

  • Pour les allégations 1 à 3, une réprimande et la confiscation de 20 jours de solde;
  • Pour les allégations 4 et 5, je demande au gendarme Girard de démissionner. S’il ne le fait pas d’ici 14 jours, j’ordonne alors son congédiement.

[65] L’une ou l’autre des parties peut faire appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision au gendarme Girard, comme il est indiqué à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

11 décembre 2020

Gerald Annetts

Comité de déontologie

 

Edmonton (Alberta)

 



[1] Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 (la Charte).

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