Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire initial, daté du 23 juillet 2019, contenait six allégations de violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Les cinq premières allégations étaient reliées à des incidents de violence familiale, dont trois concernaient l’enfant A. La sixième allégation portait sur le fait que le gendarme X a présenté son insigne de police d’une manière inappropriée alors qu’il comparaissait devant le tribunal pour des raisons qui n’étaient pas liées à ses fonctions.
Avant l’audience disciplinaire, les parties ont soumis un exposé conjoint des faits ainsi qu’une proposition conjointe de mesures disciplinaires, que le comité de déontologie a acceptés. Par conséquent, les représentants de l’autorité disciplinaire ont retiré les allégations 1, 4 et 6. Il a été conclu que les allégations 2, 3 et 5 modifiées sont fondées.
Les parties ont demandé conjointement que l’identité des enfants et de leur mère soit visée par une ordonnance de non-publication; demande que le comité de déontologie a acceptée. Les noms du gendarme X, de la mère des enfants et des enfants ont été rendus anonymes afin de protéger l’identité de ces derniers.
Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : 1) une sanction pécuniaire de 30 jours de solde, à déduire de la paie du gendarme X; 2) l’obligation de subir un traitement médical selon les directives du médecin-chef; 3) une mutation à un autre poste de la Division nationale.

Contenu de la décision

Protégé A

2021 DAD 01

Ordonnance de non-publication : Tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité des personnes appelées Mme X, enfant A, enfant B ou enfant C dans la présente décision ne peut être publié, diffusé ou transmis de quelque façon que ce soit.

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Audience disciplinaire

dans l’affaire intéressant la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10

Entre :

Commandant de la Division nationale

(Autorité disciplinaire)

et

Gendarme X

(Membre visé)

Décision du comité de déontologie

Christine Sakiris

Le 11 janvier 2021

 

M. Denys Morel et la sergente d’état-major Chantal Le Du, représentants de l’autorité disciplinaire

Mme Michele Meleras et Mme Isabel Schurman, Ad. E., représentantes du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ 3

INTRODUCTION 4

Ordonnance de non-publication 5

ALLÉGATIONS 11

Décision relative aux allégations 13

MESURES DISCIPLINAIRES 15

Gamme des mesures disciplinaires possibles 17

Facteurs atténuants 17

Facteurs aggravants 19

Décision relative aux mesures disciplinaires 19

CONCLUSION 20

 

RÉSUMÉ

L’avis d’audience disciplinaire initial, daté du 23 juillet 2019, contenait six allégations de violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Les cinq premières allégations étaient reliées à des incidents de violence familiale, dont trois concernaient l’enfant A. La sixième allégation portait sur le fait que le gendarme X a présenté son insigne de police d’une manière inappropriée alors qu’il comparaissait devant le tribunal pour des raisons qui n’étaient pas liées à ses fonctions.

Avant l’audience disciplinaire, les parties ont soumis un exposé conjoint des faits ainsi qu’une proposition conjointe de mesures disciplinaires, que le comité de déontologie a acceptés. Par conséquent, les représentants de l’autorité disciplinaire ont retiré les allégations 1, 4 et 6. Il a été conclu que les allégations 2, 3 et 5 modifiées sont fondées.

Les parties ont demandé conjointement que l’identité des enfants et de leur mère soit visée par une ordonnance de non-publication; demande que le comité de déontologie a acceptée. Les noms du gendarme X, de la mère des enfants et des enfants ont été rendus anonymes afin de protéger l’identité de ces derniers.

Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : 1) une sanction pécuniaire de 30 jours de solde, à déduire de la paie du gendarme X; 2) l’obligation de subir un traitement médical selon les directives du médecin-chef; 3) une mutation à un autre poste de la Division nationale.

INTRODUCTION

[1] Le gendarme X aurait commis des actes de violence familiale entre juin 2016 et mars 2018. Le 18 mars 2018, ou vers cette date, un agent du service de police municipal a téléphoné à l’inspecteur M. pour l’informer que le gendarme X venait d’être arrêté. Une enquête relative au Code de déontologie a été lancée cette même journée.

[2] Aux termes du paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10 [Loi sur la GRC], une prorogation rétroactive de quatre mois du délai de prescription a été accordée le 25 avril 2019. Par conséquent, le délai de prescription pour entamer une audience disciplinaire a été prorogé au 18 juillet 2019. [1]

[3] Le 5 juillet 2019, l’autorité disciplinaire désignée a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 15 juillet 2019, un comité de déontologie a été nommé. Il a ensuite été déterminé qu’un arbitre bilingue devait être affecté au dossier. Le 19 septembre 2019, après un changement dans la nomination du comité de déontologie, j’ai été désignée à ce titre conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la GRC.

[4] L’avis d’audience disciplinaire initial, daté du 23 juillet 2019, contenait six allégations de violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Les allégations 1 et 4 étaient reliées à des actes allégués de violence familiale envers la mère des enfants. Les allégations 2, 3 et 5 étaient reliées à des actes allégués de violence familiale envers l’enfant A. Selon l’allégation 6, le gendarme X aurait présenté son insigne de police d’une manière inappropriée alors qu’il comparaissait devant le tribunal pour des raisons qui n’étaient pas liées à ses fonctions.

[5] Le 15 octobre 2019, le gendarme X a fourni sa réponse aux termes du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 (les CC [déontologie]). Il a reconnu avoir commis les allégations 2 et 3. Il a nié les allégations 1, 4, 5 et 6, mais admis certains des détails énoncés dans les présentes.

[6] L’audience de cette affaire devait commencer le 19 octobre 2020. Le 14 octobre 2020, les représentants de l’autorité disciplinaire et les représentantes du membre visé ont informé le comité de déontologie qu’ils étaient arrivés à une résolution. L’audience a été ajournée pour laisser aux parties le temps de préparer les documents à l’appui d’une proposition conjointe.

[7] La proposition conjointe des parties, accompagnée des documents à l’appui, a été reçue le 28 octobre 2020. Il y était proposé que les allégations 2, 3 et 5, que le gendarme X admet, soient modifiées, et que les allégations 1, 4 et 6 soient retirées par les représentants de l’autorité disciplinaire. Les parties proposaient aussi conjointement les mesures disciplinaires suivantes : 1) une sanction pécuniaire de 30 jours de solde, à déduire de la paie du gendarme X; 2) l’obligation de subir un traitement médical selon les directives du médecin-chef; et 3) une mutation à un autre poste de la Division nationale. Une ordonnance de non-publication avait aussi été demandée pour empêcher que les enfants soient identifiés, que j’ai accordée.

[8] Pour les motifs qui suivent, j’accepte la proposition conjointe des parties. Les allégations 2, 3 et 5 modifiées sont fondées. Les allégations 1, 4 et 6 sont retirées. Les mesures disciplinaires proposées sont imposées.

Ordonnance de non-publication

[9] Dans leur proposition conjointe, les parties demandaient qu’une ordonnance de non-publication soit émise pour cette affaire :

[…] Les parties demandent que le comité de déontologie rende une ordonnance, au titre de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC, interdisant que soit publié ou diffusé de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de [mère des enfants], de [enfant A], de [enfant B] et de [enfant C]. Étant donné que [gendarme X] est identifié dans le cadre de l’audience comme étant le père des enfants, les parties demandent que son nom soit également omis pour que ses enfants ne puissent pas être identifiés. […] [Traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[10] Dans cette affaire, je trouve particulièrement inquiétant le fait que les parties estiment nécessaire de rendre complètement anonyme le gendarme X pour protéger l’identité des enfants. Je leur ai donc demandé qu’ils soumettent d’autres propositions à cet égard. Le gendarme X a soumis sa proposition le 23 novembre 2020. Le 24 novembre 2020, les représentants de l’autorité disciplinaire ont confirmé qu’ils n’avaient rien à ajouter à cette proposition.

[11] Dans sa proposition, et dans la correspondance qui a suivi entre le comité de déontologie et l’avocat, le gendarme X réclamait l’imposition d’une ordonnance de non-publication très restrictive ayant une portée beaucoup plus vaste que ce qui est demandé habituellement pour protéger l’identité d’un plaignant ou d’une personne de moins de 18 ans. Pour cette raison, j’ai entrepris d’analyser en détail la nécessité et la portée de cette ordonnance de non-publication relativement à l’affaire en question.

[12] Le principe selon lequel les procédures judiciaires doivent être accessibles au public est bien établi dans la jurisprudence, et certains y voient une « caractéristique d’une société démocratique ». [2] Le principe de la publicité des débats judiciaires est reflété dans le paragraphe 45.1(2) de la Loi sur la GRC, qui exige que les audiences soient publiques.

[13] Seules des circonstances très précises permettent de circonscrire ce principe. L’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC accorde au comité de déontologie la discrétion de rendre une ordonnance de non-publication concernant des renseignements qui « permettraient d’établir l’identité d’un plaignant, d’un témoin ou d’une personne âgée de moins de dix-huit ans ».

[14] Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, il ne suffit pas d’obtenir le consentement des parties à l’imposition d’une ordonnance de non-publication. [3] Plutôt, je dois être convaincue que le critère applicable à cette ordonnance a été respecté. Ce critère, comme l’a défini la Cour suprême du Canada, peut être paraphrasé ainsi :

  1. Est-ce que l’ordonnance de non-publication est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt public important que l’on cherche à protéger (qui doit être réel et important, et dont l’existence doit être bien appuyée par la preuve) en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque?
  2. Dans ce cas, est-ce que les effets bénéfiques de l’ordonnance l’emportent sur les effets néfastes? [4]

[15] Comme je l’ai déjà souligné, la Loi sur la GRC me confère le pouvoir discrétionnaire d’imposer une ordonnance de non-publication afin de protéger l’identité d’un plaignant, d’un témoin ou d’une personne âgée de moins de dix-huit ans. Dans le cas qui nous occupe, le plaignant principal est l’enfant A, qui est âgé de moins de dix-huit ans. Les énoncés détaillés des allégations font également mention du comportement du gendarme X envers enfant B et enfant C, aussi âgés de moins de dix-huit ans.

[16] Puisque les représentants de l’autorité disciplinaire ont retiré les allégations 1 et 4, la mère des enfants n’est plus une plaignante dans cette affaire. Cela étant dit, les allégations initiales ainsi que ses déclarations en tant que plaignante relativement à ces allégations sont contenues au dossier. J’estime qu’une ordonnance de non-publication visant son identité est appropriée. De plus, son identité devrait tout de même être protégée pour donner effet à l’ordonnance de non-publication visant l’identité des enfants.

[17] Dans cette affaire, personne ne met en doute le caractère approprié de l’ordonnance de non-publication pour protéger l’identité des enfants. Les allégations portent sur des actes de violence commis envers l’enfant A. Celui-ci a certainement subi un préjudice émotionnel par suite de ces actes, et il existe un risque bien réel de lui en faire subir d’autres si son identité en tant que victime de violence familiale venait à être divulguée. De plus, du fait de son âge, l’enfant A a un intérêt accru sur le plan du droit à la vie privée. La Cour suprême du Canada a reconnu qu’en raison de leur âge, les enfants ont une vulnérabilité inhérente. Lorsque le droit des enfants à la vie privée n’est pas respecté, leur bien-être émotionnel est compromis. [5] Un enfant ne peut pas prendre les mesures requises pour se protéger, et il ne peut pas non plus demander une aide thérapeutique ou exercer des recours juridiques s’il craint la divulgation de son identité. [6]

[18] Même si l’enfant B et l’enfant C ne sont pas des plaignants dans cette affaire, les trois enfants courent le risque de subir des préjudices émotionnels si des renseignements qui permettaient d’établir leur identité étaient rendus publics. Les enfants n’ont pas la capacité de se retirer eux-mêmes du processus disciplinaire. Comme la Cour supérieure de justice de l’Ontario l’a explicitement reconnu, les enfants sont « [traduction] profondément liés à leurs parents et aux comportements de ces derniers. Les comportements dont il est question dans les présentes, même s’ils ne sont pas les leurs, peuvent amener les enfants à ressentir de l’inquiétude, de la honte, de l’embarras ou de l’humiliation. » [7]

[19] D’après les faits en l’espèce, il existe un risque grave de préjudice pour les enfants. Ce préjudice peut être atténué au moyen d’une ordonnance de non-publication soigneusement adaptée de façon à protéger les intérêts des enfants en matière de droit à la vie privée. Les effets bénéfiques d’une ordonnance empêchant la publication de renseignements qui permettraient d’établir l’identité des enfants l’emportent sur les effets néfastes d’une telle ordonnance. Il est possible de rendre convenablement publics les faits saillants dont il est question dans cette affaire, la nature des allégations et le règlement du cas sans divulguer l’identité des enfants.

[20] Conformément à l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC, j’interdis la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement qui pourrait permettre d’établir l’identité de l’un ou l’autre des enfants du gendarme X ou l’identité de leur mère. J’examinerai maintenant la portée de cette ordonnance de non-publication.

[21] Lorsqu’une ordonnance de non-publication visant l’identité d’un enfant est imposée, de façon générale, les tribunaux identifieront l’enfant et son ou ses parents par leurs initiales, surtout lorsque l’enfant porte le même nom de famille que l’un ou l’autre de ses parents. [8] Ici, le gendarme X me demande d’aller plus loin, et de le rendre complètement anonyme.

[22] Selon le gendarme X, ses enfants portent son nom de famille et leurs pairs savent qu’il est un membre de la GRC parce qu’il s’est déjà présenté à leur école en uniforme pour assister à des cérémonies du jour du Souvenir et pour présenter un exposé devant une de leurs classes. Il fait également valoir que ses trois enfants ont atteint un âge où leurs pairs pourraient lancer des recherches à son nom dans Internet et trouver la décision rendue dans cette affaire, ce qui causerait un préjudice émotionnel aux enfants.

[23] J’estime que ces arguments, en soi, ne sont pas suffisants pour justifier qu’on rende complètement anonyme le nom du gendarme X. Celui-ci n’habite pas dans une région isolée ou particulièrement petite. Ce n’est pas parce que les pairs de ses enfants ou des membres de sa collectivité connaissent sa profession que cette information pourrait contribuer à établir l’identité des enfants.

[24] Cependant, ici, l’enfant A porte le prénom et le nom du gendarme X. Je ne suis pas convaincue que l’utilisation des initiales pour référer au gendarme X ou aux enfants suffirait, d’après les faits en l’espèce, pour protéger l’identité des enfants et, surtout, celle de l’enfant A.

[25] Compte tenu de ce qui précède, les enfants seront appelés, du plus vieux au plus jeune, enfant A, enfant B et enfant C. Le membre visé sera appelé gendarme X. Je suis d’accord avec les parties que l’identité de la mère des enfants doit être rendue complètement anonyme, afin de protéger l’identité des enfants. Par conséquent, la mère des enfants sera appelée Mme Y.

[26] En ce qui concerne les allégations, les âges des enfants sont pertinents, surtout celui de l’enfant A. Ce détail est un renseignement contextuel important qui permet de prendre toute la mesure des conséquences potentielles des actes allégués du gendarme X sur les enfants. Toutefois, pour ce faire, il n’est pas nécessaire de donner les âges précis. Il suffit de noter que les trois enfants avaient moins de 13 ans au moment où les faits allégués se sont produits.

[27] Le sexe de l’enfant A est pertinent pour les allégations en soi, parce que cette information sert à mettre en contexte les commentaires et les actes du gendarme X envers l’enfant. Le sexe des deux autres enfants n’est pas pertinent aux allégations.

[28] Les faits allégués se sont produits dans ce qui était, à ce moment, la résidence familiale. Les enfants y habitent encore, ou ils y reçoivent la visite du gendarme X. De plus, l’adresse serait connue du personnel des écoles que fréquentent les enfants et des membres de la collectivité, y compris les pairs des enfants. Pour ces raisons, elle pourrait servir à établir l’identité des enfants. Par conséquent, l’adresse de la résidence du gendarme X ne sera pas divulguée.

[29] Le gendarme X affirme qu’au moment où les incidents se sont produits, il travaillait dans une petite unité dans laquelle il n’y avait pas beaucoup de gens mariés et que, pour ces raisons, il serait facile d’établir son identité si cette information était divulguée. Il ajoute aussi qu’en nommant la Division dans laquelle il avait été affecté, on diffuserait de l’information qui pourrait permettre d’identifier les enfants.

[30] Comme j’ai établi que le membre visé serait appelé le gendarme X et que son ancienne conjointe serait appelée Mme Y, je ne suis pas convaincue par l’argument du gendarme X. Il faut absolument trouver un juste milieu entre la protection de l’identité des enfants et le fait de donner au public un accès suffisant aux faits et aux enjeux saillants soulevés dans cette affaire.

[31] Le gendarme X fait valoir que les membres de la Division nationale habitent dans la région de la capitale nationale, et que cette information pourrait servir à l’identifier. Je ne suis pas d’accord. La population de la région de la capitale nationale compte environ 1,4 million de personnes, qui peuvent habiter soit en Ontario ou au Québec. [9] Dans le contexte de la portée générale d’une ordonnance de non-publication, cette information n’est pas suffisante pour permettre d’établir l’identité des enfants.

[32] Enfin, j’estime pertinent le fait que, au moment où ces incidents se sont produits, le gendarme X occupait un poste de très grande confiance lorsqu’il s’agit d’évaluer la gravité des incidents allégués et de déterminer dans quelle mesure les actes du gendarme X seraient susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Cela étant dit, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de nommer l’unité précise pour laquelle le gendarme X travaillait. Plutôt, il est suffisant de dire qu’il était affecté aux Missions de protection. Je constate que les Missions de protection comportent cinq grands secteurs, qui comprennent chacun de multiples groupes ou unités. Le renvoi aux Missions de protection est d’un niveau suffisamment élevé que cela ne constitue pas un renseignement qui pourrait permettre d’établir l’identité des enfants.

ALLÉGATIONS

[33] La proposition conjointe modifie comme suit les allégations 2, 3 et 5 :

Allégation 2

Le 30 décembre 2017 ou vers cette date, à [lieu caviardé] ou à proximité, le gendarme [X] s’est conduit de façon déshonorante contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation 2 :

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez un membre régulier de la Gendarmerie royale du Canada, affecté aux [Missions de protection] à la Division nationale […].

2. Vous vous êtes marié avec [Mme Y] en 1999 et vous avez eu trois [enfants] ensemble : [enfant A, enfant B et enfant C].

REMARQUE : [Les enfants sont référencés du plus vieux au plus jeune. Les trois enfants avaient moins de 13 ans au moment où les incidents allégués sont survenus.]

3. Au moment de l’incident, vous étiez en congé de maladie prolongé.

4. Vous étiez à votre résidence, située à […].

5. Vous utilisiez l’exercice physique pour discipliner [vos enfants].

6. Vous étiez avec [enfant A] et vous lui disiez qu’il allait devoir apprendre à écouter ses parents et à bien se comporter. Pendant que [enfant A] faisait des pompes, vous l’avez menacé de lui donner un coup si ses genoux touchaient le sol. Lorsque ses genoux ont touché le sol, vous lui avez dit : « Lève les genoux, es-tu une femme? Debout […] Es-tu un bébé? Les bébés utilisent leurs genoux ». [Enfant A] pleurait et vous demandait d’arrêter, et il vous suppliait de ne pas lui faire de mal.

7. Vous avez dit à [enfant A] de redresser ses pieds pendant qu’il faisait des exercices de style militaire, et vous lui avez demandé « Veux-tu que je les redresse moi-même? ». [Enfant A] a répondu, en pleurant, « Non, tu vas les casser », ce à quoi vous avez répondu « Tu serais mieux de les redresser, dans ce cas ».

8. Vous avez aussi dit à [enfant A], pendant qu’il pleurait, « c’est à moi de te faire pratiquer et de te faire apprendre, et si tu veux faire ça de façon compliquée, je trouve ça bien amusant alors c’est ce qu’on va faire. […] ».

9. Vous vous êtes conduit de façon déshonorante envers [enfant A].

Allégation 3

Le 6 septembre 2017 ou vers cette date, à […] ou à proximité, le gendarme [X] s’est conduit de façon déshonorante contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation 3 :

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez un membre régulier de la Gendarmerie royale du Canada, affecté aux [Missions de protection] à la Division nationale […].

2. Vous vous êtes marié avec [Mme Y] en 1999 et vous avez eu trois [enfants] ensemble : [enfant A, enfant B et enfant C].

REMARQUE : [Les enfants sont référencés du plus vieux au plus jeune. Les trois enfants avaient moins de 13 ans au moment où les incidents allégués sont survenus.]

3. Au moment de l’incident, vous étiez en congé de maladie prolongé.

4. Vous étiez à votre résidence, située à […].

5. Vous utilisiez l’exercice physique et vous menaciez de frapper [vos enfants] avec une spatule ou une cuillère de bois pour les discipliner.

6. Vous étiez avec [enfant A]; il était assis par terre dans un coin du salon, apparemment nu, et il pleurait. Vous teniez une cuillère de bois et menaciez [enfant A] en insistant pour qu’il fasse des pompes, en lui disant « Fais tes dix pompes […]. Je me fous de ce que tu dis, si je me rends à trois, tu vas en avoir un autre ».

7. [Enfant A] vous suppliait de ne pas le frapper. Vous avez frappé [enfant A] avec la cuillère de bois.

8. Vous vous êtes conduit de façon déshonorante envers [enfant A].

Allégation 5

Entre le 10 et le 18 mars 2018, à […] ou à proximité, le gendarme [X] s’est conduit de façon déshonorante contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation 5 :

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez un membre régulier de la Gendarmerie royale du Canada, affecté aux [Missions de protection] à la Division nationale […].

2. Vous vous êtes marié avec [Mme Y] en 1999 et vous avez eu trois [enfants] ensemble : [enfant A, enfant B et enfant C].

REMARQUE : [Les enfants sont référencés du plus vieux au plus jeune. Les trois enfants avaient moins de 13 ans au moment où les incidents allégués sont survenus.]

3. Au moment de l’incident, vous étiez en congé de maladie prolongé.

4. Vous étiez à votre résidence, située à […].

5. [Enfant A] dit qu’il accomplissait des tâches ménagères à la maison, et qu’à un moment donné, vous lui avez lancé un soulier. Il est monté à l’étage en courant et vous a traité de « trou de pet »; vous l’avez pourchassé et frappé à répétition avec un soulier, il s’en est sorti avec une ecchymose et une lésion cutanée au bras droit, sur son triceps en haut du coude. [10]

6. Vous vous êtes conduit de façon déshonorante envers [enfant A].

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

Décision relative aux allégations

[34] L’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC stipule ce qui suit : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie ».

[35] Le critère à appliquer relativement à une « conduite déshonorante » selon l’article 7.1 du Code de déontologie nécessite que l’autorité disciplinaire établisse les quatre éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. les actes qui constituent le comportement allégué;
  2. l’identité du membre qui aurait commis ces actes;
  3. si la conduite du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC;
  4. si la conduite du membre est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un motif légitime de prendre des mesures disciplinaires.

[36] Étant donné que le gendarme X a admis les allégations 2, 3 et 5 modifiées, je conclus que les deux premiers volets du critère sont respectés pour ces trois allégations. Je dois maintenant décider si les troisième et quatrième volets sont respectés.

[37] Tels qu’ils sont établis dans l’allégation 2, les actes du gendarme X comprennent l’humiliation et l’intimidation d’un jeune enfant, ainsi que la menace de recourir à la violence. Ce jeune enfant suppliait son père, le gendarme X, de ne pas lui faire de mal.

[38] Tels qu’ils sont établis dans l’allégation 3 modifiée, les actes du gendarme X sont encore plus répréhensibles, parce qu’il y a eu de la violence physique. Il existe une preuve vidéo de la profonde humiliation et intimidation que le gendarme X fait subir à l’enfant A, tapis dans un coin, nu et en pleurs, lorsqu’il exige de l’enfant qu’il fasse des pompes comme mesure de « discipline », sinon il aura recours à la violence physique. De plus, les énoncés détaillés démontrent que le gendarme X a l’habitude de menacer de recourir à la violence pour que ses enfants l’écoutent.

[39] Tels qu’ils sont établis dans l’allégation 5 modifiée, les actes du gendarme X reflètent une fois de plus un incident où l’enfant A a subi de la violence physique. En particulier, le gendarme X a frappé l’enfant A à répétition avec un soulier, le blessant au bras.

[40] La violence familiale a des répercussions graves et de longue durée sur les victimes et sur leur famille. Au moment où les faits allégués se sont produits, l’enfant A était un jeune enfant de moins de 13 ans. Par ses actes, le gendarme X a porté atteinte à la dignité personnelle et à l’autonomie physique de l’enfant A. Les actes du gendarme X démontrent un manque de jugement, et ils représentent une violation du lien de confiance le plus fondamental qui soit, c’est-à-dire le lien entre un parent et son enfant.

[41] Comme de nombreux services de police, la GRC reconnaît les risques et l’incidence sociale considérable associés à la violence familiale. L’ancien commissaire, M. Zaccardelli, a clairement énoncé la position de la GRC, en tant qu’organisation responsable de l’intervention efficace contre la violence familiale, comme suit :

Nous devons envoyer un message clair selon lequel ce genre de comportement ne sera pas toléré, particulièrement lorsqu’il est perpétré par des membres de la GRC. J’ai précédemment formulé mes attentes pour ce qui est de l’organisation à cet égard. La violence familiale est un fléau dans notre société. [11]

[42] Les membres de la GRC sont appelés à enquêter sur des incidents de violence familiale. En commettant ces actes, le gendarme X fait douter de son impartialité lors d’enquêtes sur ce type d’infraction. Si un membre ne se comporte pas d’une façon conforme à ces lois, cela effrite la confiance du public qu’il puisse faire appliquer cette loi dans son travail.

[43] Les agents de police, c’est bien connu, sont tenus de respecter des normes plus élevées que le reste de la population. Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie, qu’ils soient en service ou non. J’estime qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités de la police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait que les actes posés par le gendarme X sont susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[44] Étant donné que les actes du gendarme X correspondent au comportement visé en priorité par les activités d’application de la loi de la Gendarmerie, [12] j’estime que ces actes peuvent nuire à sa capacité de remplir les tâches d’un membre de la GRC avec impartialité, ou nuire à la confiance du public en cette capacité. J’estime donc que le comportement du gendarme X est suffisamment lié à ses tâches et fonctions pour que la Gendarmerie ait une raison légitime d’imposer des mesures disciplinaires.

[45] Les allégations 2, 3 et 5 modifiées sont établies selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[46] Ayant jugé que les allégations 2, 3 et 5 modifiées sont fondées, j’ai l’obligation, au titre du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et au titre du Guide des mesures disciplinaires de la GRC, d’imposer « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes ». Au titre de l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être « adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du Code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[47] Les représentants de l’autorité disciplinaire et les représentantes du membre visé ont fourni une proposition écrite conjointe de mesures disciplinaires, avec les documents à l’appui et la jurisprudence. Ils ont proposé les mesures disciplinaires globales suivantes :

  1. une sanction pécuniaire de 30 jours (240 heures) de solde, à déduire de la paie du gendarme X;
  2. l’obligation de subir un traitement médical selon les directives du médecin-chef;
  3. une mutation à un autre poste de la Division nationale.

[48] Lorsque des mesures disciplinaires sont proposées conjointement, le comité de déontologie ne peut les refuser que dans des circonstances très précises.

[49] La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions sur le règlement de litige ainsi que celle des motifs des politiques qui favorisent fortement la promotion de la certitude pour les parties que les propositions seront acceptées quand une entente est conclue. [13] En général, les cours de justice et les tribunaux administratifs ne refusent pas les ententes conclues entre les parties, à moins que l’entente aille à l’encontre de l’intérêt public.

[50] Je dois donc déterminer si les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public. Il n’est pas question ici de comparer les mesures disciplinaires proposées à celles que j’aurais imposées moi-même. Le critère du respect de l’intérêt public est beaucoup plus sévère.

[51] Dans la décision Cook, la Cour suprême du Canada a donné les directives suivantes, qui sont applicables aux tribunaux administratifs :

[…] il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe […]. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice [ou, dans notre cas, le processus disciplinaire] avait cessé de bien fonctionner […]. [14]

[52] Pour mieux déterminer si les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public, il est utile d’avoir une idée des autres mesures qui peuvent être imposées. À cet égard, le Guide des mesures disciplinaires est un excellent outil. Il est toutefois important de souligner que, comme son nom l’indique, le Guide des mesures disciplinaires n’est qu’un guide. Les lignes directrices qu’il énonce ne sont pas prescriptives.

[53] Pour commencer, j’estime que les mesures globales sont appropriées dans le cas présent. Les trois allégations concernent des incidents de violence familiale, principalement commis envers l’enfant A. Elles sont toutes survenues dans une période assez rapprochée, sur une période d’environ sept mois.

Gamme des mesures disciplinaires possibles

[54] Les trois allégations sont liées à des infractions de l’article 7.1 du Code de déontologie. Le Guide des mesures disciplinaires, aux pages 46 à 48, prévoit une gamme de mesures disciplinaires à imposer spécifiquement dans les cas de violence familiale.

[55] Je suis d’accord avec les parties lorsqu’elles disent que les actes du gendarme X se trouvent dans la catégorie des cas graves décrite dans le Guide des mesures disciplinaires. Son inconduite comprend des actes de violence familiale envers un enfant. Comme l’indiquent les parties, les « voies de fait commises par un membre contre son conjoint ou ses enfants devraient être considérées comme plus graves, étant donné la vulnérabilité des victimes […] ». [15] Les décisions antérieures de comités de déontologie citées par les parties confirment que, dans les cas de violence familiale, l’imposition de mesures disciplinaires graves est appropriée. [16]

[56] Je constate que la gamme des mesures qui s’appliquent au cas présent varie de la confiscation de la solde pour une période de 15 jours, seule ou en combinaison avec d’autres mesures disciplinaires, au congédiement. Je dois maintenant tenir compte des circonstances aggravantes et atténuantes.

Facteurs atténuants

[57] Des nombreux facteurs atténuants proposés par les parties, j’ai retenu les suivants :

[58] Premièrement, l’aveu du gendarme X a évité la tenue d’une audience contestée et de témoignages de personnes vulnérables.

[59] Deuxièmement, le gendarme X a exprimé des remords et assumé la responsabilité de ses actes. Dans sa lettre d’excuses à l’intention du comité de déontologie, il dit :

[…]

À cette époque, je vivais un énorme stress sur le plan personnel et je ne me suis pas conduit d’une façon appropriée envers mon fils. Je ne me suis certainement pas conduit d’une façon qui est digne d’un membre de la GRC. De plus, mon comportement envers mes enfants n’est pas celui qu’ils méritent venant de leur père, et je n’ai pas agi comme le père que je devrais être et que je souhaite être. Je travaille actuellement à me faire pardonner, ce qui prendra beaucoup de temps.

[…]

[60] Troisièmement, le gendarme X semble avoir pris des mesures concrètes pour améliorer ses compétences parentales. Il a participé ou participait, en novembre 2020, à plusieurs séances d’encadrement visant à régler des problèmes liés à ces compétences et au co-parentage.

[61] Troisièmement, selon la preuve médicale d’expert, le gendarme X fait face à des problèmes de santé mentale depuis 2016. Il est en congé de maladie depuis 2016.

[62] Quatrièmement, le gendarme X a accepté de faire un suivi auprès du médecin-chef et de se soumettre au traitement médical que ce dernier pourrait lui prescrire.

[63] Cinquièmement, le gendarme X assiste à des séances mensuelles avec un psychologue agréé.

[64] Sixièmement, les évaluations du rendement du gendarme X sont toujours positives.

[65] Septièmement, le gendarme X a fourni des lettres de recommandation favorables, dont une qui venait d’une association de bénévoles dans laquelle il remplit un rôle de leadership. Je fais remarquer toutefois que les auteurs de ces lettres ne semblaient pas savoir que le gendarme X était visé par des mesures disciplinaires, et qu’ils ne semblaient pas non plus être au courant de la nature des allégations le concernant. La valeur de ces lettres de recommandation s’en trouve donc limitée.

[66] Je n’accepte pas comme facteur atténuant le fait que Mme Y et le gendarme X ont conclu une entente relative à la garde des enfants qui accorde à ce dernier la garde partagée de l’enfant B et de l’enfant C. Je n’accepte pas non plus comme facteur atténuant le fait que l’enfant A a décidé, en juin 2020, que sa résidence principale serait avec le gendarme X. Même si ces éléments démontrent que des mesures positives ont été prises en ce qui concerne la relation entre le gendarme X et ses enfants, ils ne permettent pas d’expliquer l’inconduite du gendarme X ni d’en atténuer la gravité.

[67] Enfin, bien qu’il ne s’agisse pas d’un facteur atténuant en soi, je conclus qu’en déposant la proposition conjointe, l’autorité disciplinaire a signifié son appui pour le retour au travail du gendarme X.

Facteurs aggravants

[68] Les parties ont proposé trois facteurs aggravants, que j’ai retenus.

[69] Premièrement, les allégations illustrent des inconduites mettant en cause de la violence familiale à l’endroit d’une victime vulnérable, plus d’une fois.

[70] Deuxièmement, la conduite du gendarme X est incompatible avec les objectifs opérationnels de la GRC énumérés au chapitre 2.4 du Manuel des opérations, « Violence et mauvais traitement dans les relations ». Ce dernier indique entre autres que « Les enquêtes sur les affaires de violence ou de mauvais traitement dans les relations sont hautement prioritaires et doivent être menées rigoureusement et rapidement pour assurer la sécurité des personnes touchées ».

[71] Troisièmement, le gendarme X a un antécédent disciplinaire. Je n’ai pas accordé une prépondérance marquée à ce facteur puisque cet antécédent remonte à plus de dix ans et qu’il n’est pas lié aux allégations dont il est question dans cette affaire.

[72] À ces facteurs, j’ajouterais le fait qu’au moment où ces incidents se sont produits, le gendarme X était un gendarme supérieur qui occupait un poste de très grande confiance au sein des Missions de protection.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[73] Il est énoncé aux pages 5 et 6 du Guide des mesures disciplinaires que le congédiement est approprié lorsque la confiscation de la solde pour une période de 30 à 45 jours ne suffit pas à corriger l’inconduite, à réadapter le membre et à préserver la confiance du public envers la GRC. Les mesures disciplinaires proposées s’inscrivent donc parmi les plus sévères.

[74] Ensemble, les mesures disciplinaires proposées combinent des mesures simples et des mesures disciplinaires graves. Elles reflètent les facteurs atténuants et aggravants de cette affaire. Elles serviront à corriger le comportement du gendarme X et décourageront les autres membres à agir de la sorte. De plus, elles permettent au gendarme X de poursuivre son traitement médical, ce qui sera important pour s’assurer que son inconduite ne se répète pas. Par conséquent, étant donné tous ces facteurs, je ne trouve rien qui indique que les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public.

CONCLUSION

[75] Étant donné que les allégations 2, 3 et 5 modifiées sont fondées, et conformément à la proposition conjointe présentée par les représentants de l’autorité disciplinaire et les représentantes du membre visé, les mesures disciplinaires suivantes sont imposées :

  1. conformément à l’alinéa 5(1)j) des CC (Déontologie), une sanction pécuniaire de 30 jours (240 heures) de solde, à déduire de la paie du gendarme X;
  2. conformément à l’alinéa 3(1)d) des CC (Déontologie), l’obligation de subir un traitement médical selon les directives du médecin-chef;
  3. conformément à l’alinéa 5(1)g) des CC (Déontologie), une mutation à un autre poste de la Division nationale.

[76] On permet au gendarme X de poursuivre sa carrière au sein de la GRC. Cependant, toute infraction subséquente au Code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée, et pourrait mener à un congédiement.

[77] Toute mesure provisoire mise en place doit être réglée, rapidement, conformément à l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 2014, DORS/2014-281.

[78] L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire conformément au paragraphe 45.11 de la Loi sur la GRC.

 

 

11 janvier 2021

Christine Sakiris

Comité de déontologie

 

Date

 



[1] Voir la Décision du comité de déontologie Requête de sursis de l’instance pour la période excédant le délai de prescription, conformément au paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (demande no 1), du surintendant principal Stéphane Drouin, directeur général, Responsabilités liées au milieu de travail, le 25 avril 2019.

[2] A.B. c. Bragg, [2012] 2 RCS 567 [Bragg], paragraphe 11, citant Vancouver Sun (Re), [2004] 2 RCS 334, paragraphe 23.

[3] S.M. c. C.T., 2020 ONSC 4819 [S.M.], paragraphe 16.

[4] Propositions du gendarme X soumises à l’égard de la demande des parties d’imposer une ordonnance de non-publication, paragraphe 10, citant : Dagenais c. Société RadioCanada, [1994] 3 R.C.S. 835, page 878; R. c. Mentuck, 2011 CSC 76, pages 457 et 458, et 462 à 464; Sierra Club of Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, paragraphes 45 à 48; et Toronto Star Newspapers Ltd. c. Ontario, 2005 CSC 41, paragraphes 7 et 26 [ci-après appelé le critère Dagenais/Mentuck].

[5] Bragg, précité (note 2), paragraphes 16 à 18.

[6] Ibid, paragraphes 23 à 25.

[7] Bragg, précité (note 2), paragraphes 21 à 24.

[8] Bragg, précité (note 2); S.M., précité (note 3); G.T.G.D. c. M.D., 2016 ONSC 4190.

[9] Harris, Julie. Région de la capitale nationale, L’Encyclopédie canadienne. 30 septembre 2019 : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/region-de-la-capitale.

[10] Voir l’annexe 8, aux pages 325 à 352, et l’annexe 14 du rapport d’enquête daté du 5 juin 2019.

[11] Rendell c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 710, paragraphe 5, citant la décision du commissaire rendue le 21 juin 2001, aux paragraphes 23 et 24.

[12] Voir le Manuel opérationnel, chapitre 2.4 « Violence et mauvais traitement dans les relations ».

[13] Voir, par exemple, l’arrêt Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII), au paragraphe 19; et l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 [Cook].

[14] Cook, précité (note 13), paragraphe 34.

[15] Proposition conjointe, page 5, citant le Guide des mesures disciplinaires, à la page 46.

[16] Commandant de la Division D c. gendarme Fahd El Aste, 2018 DARD 18, et Commandant de la Division C c. gendarme Dany Noël, 2019 DARD 11.

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