Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire original, daté du 3 février 2020, contenait une allégation d’infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Le gendarme Norlund se serait procuré, aurait possédé et aurait consommé une substance contrôlée et, par le fait même, il aurait agi d’une façon qui jetterait probablement le discrédit sur la GRC.
Avant l’audience disciplinaire, les deux parties ont soumis un Exposé conjoint des faits et une Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Le Comité de déontologie a accepté ces deux documents. L’allégation 1 modifiée a été jugée fondée.
Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : (1) une sanction pécuniaire de 20 jours de travail, à déduire de la rémunération du gendarme Norlund; (2) le retrait de 20 jours de congé annuel; (3) l’obligation de subir un traitement médical selon les directives du médecin-chef de la Division E; (4) l’obligation de compléter les programmes de surveillance des drogues et de l’alcool actuellement offerts par les Services de santé.

Contenu de la décision

Protégé A

2021 DAD 03

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

affaire intéressant une audience disciplinaire menée en application de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10.

Entre

Surintendant principal Michel Legault

Autorité disciplinaire désignée, Division « E »

(Autorité disciplinaire)

et

Gendarme Christopher Norlund

Numéro de matricule 54382

(Membre visé)

Décision du Comité de déontologie

Christine Sakiris

28 janvier 2021

M. Jordan Levis-Leduc, représentant de l’autorité disciplinaire

Mme Allison Tremblay, représentante du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 3

INTRODUCTION 4

ALLÉGATION 5

Décision à propos de l’allégation 6

MESURES DISCIPLINAIRES 8

Éventail des mesures disciplinaires possibles 10

Facteurs atténuants 11

Facteurs aggravants 12

Décision relative aux mesures disciplinaires 13

CONCLUSION 16

SOMMAIRE

L’avis d’audience disciplinaire original, daté du 3 février 2020, contenait une allégation d’infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Le gendarme Norlund se serait procuré, aurait possédé et aurait consommé une substance contrôlée et, par le fait même, il aurait agi d’une façon qui jetterait probablement le discrédit sur la GRC.

Avant l’audience disciplinaire, les deux parties ont soumis un Exposé conjoint des faits et une Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Le Comité de déontologie a accepté ces deux documents. L’allégation 1 modifiée a été jugée fondée.

Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : (1) une sanction pécuniaire de 20 jours de travail, à déduire de la rémunération du gendarme Norlund; (2) le retrait de 20 jours de congé annuel; (3) l’obligation de subir un traitement médical selon les directives du médecin-chef de la Division E; (4) l’obligation de compléter les programmes de surveillance des drogues et de l’alcool actuellement offerts par les Services de santé.

INTRODUCTION

[1] Le 17 février 2019 ou entre le 17 février 2019 et le 23 mars 2019, le gendarme Norlund se serait procuré, aurait possédé et aurait consommé de la cocaïne, une substance contrôlée dont la possession est interdite par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19.

[2] Le 1er janvier 2020, l’autorité disciplinaire désignée a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire par rapport à cette affaire. Le 16 janvier 2020, j’ai été nommée au comité de déontologie en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, c R- 10 [la Loi sur la GRC].

[3] L’avis d’audience disciplinaire original, daté du 3 février 2020, contenait une allégation d’infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

[4] Le gendarme Norlund n’a initialement pas répondu à l’Avis d’audience disciplinaire. Il a en fin de compte obtenu les services d’un avocat, et sa réponse, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [les CC (déontologie)], a été reçue le 11 mai 2020. Le gendarme Norlund a nié l’allégation 1, mais il a admis nombre de ses détails.

[5] Le gendarme Norlund a présenté une requête préliminaire pour exclure des éléments de preuve, qui a été accueillie en partie. Ma décision écrite au sujet de la motion a été remise aux parties le 27 août 2020.

[6] Le 3 novembre 2020 ou vers cette date, le gendarme Norlund a soumis au Comité de déontologie et au représentant de l’autorité disciplinaire un rapport d’expertise médicale qui appuie son argument selon lequel ses gestes constituaient un comportement non coupable.

[7] L’audience disciplinaire de la présente affaire devait commencer le 18 janvier 2021. Le 11 janvier 2021, le représentant de l’autorité disciplinaire et la représentante du membre visé ont présenté au Comité de déontologie un Exposé conjoint des faits et une Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires (la Proposition conjointe), en plus de preuves documentaires connexes. Les parties ont demandé à obtenir une décision écrite fondée sur le dossier, et le Comité de déontologie a accepté leur demande. L’audience disciplinaire de la présente affaire a donc été ajournée.

[8] Les parties ont proposé de modifier l’allégation 1 et d’imposer les mesures disciplinaires suivantes : (1) une sanction pécuniaire de 20 jours de travail, à déduire de la rémunération du gendarme Norlund; (2) le retrait de 20 jours de congé annuel; (3) l’obligation de subir un traitement médical selon les directives du médecin-chef de la Division E; (4) l’obligation de compléter les programmes de surveillance des drogues et de l’alcool actuellement offerts par les Services de santé.

[9] J’accepte la Proposition conjointe des parties pour les raisons présentées ci-dessous. L’allégation 1 est établie, telle que modifiée. Les mesures disciplinaires proposées sont imposées.

ALLÉGATION

[10] La Proposition conjointe présente le libellé modifié suivant pour l’allégation 1 :

Allégation 1

Le 17 février 2019 ou entre le 17 février 2019 et le 23 mars 2019, à North Vancouver ou près de North Vancouver dans la province de la Colombie-Britannique, le gendarme Christopher Norlund s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails de l’allégation 1

1. Au moment des faits, le gendarme Christopher Norlund (« gend. Norlund ») était un membre régulier de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au Détachement de la GRC de North Vancouver, au sein de la Division E.

2. Au moment des faits, le gend. Norlund était atteint d’un trouble de stress post-traumatique et d’un trouble lié à l’utilisation d’une substance.

3. Les 9, 13, 14, 16 et 20 mars 2019, le gend. Norlund a communiqué avec trois civils, par message texte, au sujet de l’achat et de la consommation de cocaïne.

4. Les 9, 13, 14, 16 et 20 mars 2019, le gend. Norlund s’est procuré de la cocaïne auprès de deux civils.

5. Les 9, 13, 14, 16 et 20 mars 2019, le gend. Norlund a consommé de la cocaïne.

6. En devenant membre de la GRC, le gend. Norlund a accepté de respecter une norme d’éthique plus élevée que la plupart des autres types d’employés et que les citoyens en général.

7. Le gend. Norlund accepte que son achat, sa possession et sa consommation de cocaïne étaient inappropriés et contraires à ses fonctions d’agent de police, et que ces gestes constituent un comportement susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

Décision à propos de l’allégation

[11] L’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC stipule : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. »

[12] Selon le critère de « conduite déshonorante » aux termes de l’article 7.1 du Code de déontologie, le comité de déontologie doit établir les quatre éléments suivants, selon la prépondérance des probabilités

  1. les gestes qui constituent le comportement allégué;
  2. l’identité du membre qui aurait commis ces actes;
  3. que le comportement du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC;
  4. que le comportement du membre est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[13] À la suite de l’admission de l’allégation 1 telle que modifiée et de ses précisions par le gendarme Norlund, j’estime que les deux premiers éléments du critère sont remplis. Je peux donc maintenant passer à la question de savoir si les troisième et quatrième éléments du critère sont remplis.

[14] Le gendarme Norlund reconnaît avoir acheté, possédé et consommé de la cocaïne pendant environ deux semaines. Le gendarme Norlund était atteint de problèmes médicaux graves au moment de l’allégation, mais je suis d’accord avec les parties pour affirmer qu’ils ne permettent pas de conclure qu’aucune pénalité ne doit lui être infligée. Il savait que ses actes étaient fautifs. Ses actes sont incompatibles avec les fonctions et les responsabilités d’un membre de la GRC, décrites à l’article 37 de la Loi sur la GRC.

[15] Les agents de police, c’est bien connu, sont tenus de respecter des normes plus élevées que le reste de la population. Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie de la GRC, qu’ils soient en service ou non. Le gendarme Norlund a posé ces gestes alors qu’il n’était pas en service, mais il s’est associé à des individus menant des activités criminelles. Ce faisant, il s’est mis dans une position compromise qui a pu remettre son intégrité en question et porter préjudice à l’exercice de ses fonctions.

[16] Je suis d’avis qu’une personne raisonnable dans la société, connaissant toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et celles de la GRC en particulier, considérerait les agissements du gend. Norlund comme étant susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Je suis aussi d’avis que ses gestes peuvent nuire à sa capacité de remplir les tâches d’un membre de la GRC avec impartialité, ou nuire à la confiance du public en cette capacité. Par conséquent, j’estime que ses agissements sont suffisamment liés à ses devoirs et à ses fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[17] L’allégation 1 modifiée est établie selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[18] Puisque l’allégation 1 modifiée est fondée, j’ai l’obligation, au titre du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et au Guide des mesures disciplinaires de la GRC, d’imposer « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes ». Conformément à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être « adaptées à la nature et aux circonstances de la contravention aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, [elles doivent être] éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[19] le représentant de l’autorité disciplinaire et la représentante du membre visé ont présenté un Exposé conjoint des faits et une Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires (la Proposition conjointe), en plus de preuves documentaires connexes et de jurisprudence applicable. Ils ont proposé les mesures disciplinaires globales suivantes :

  1. une sanction pécuniaire de 20 jours de travail (160 heures), à déduire de la rémunération du gendarme Norlund;
  2. le retrait de 20 jours de congé annuel (160 heures);
  3. l’obligation de subir un traitement médical selon les directives du médecin-chef de la Division E;
  4. l’obligation de compléter les programmes de surveillance des drogues et de l’alcool actuellement offerts par les Services de santé.

[20] Lorsque des mesures disciplinaires sont proposées conjointement, le Comité de déontologie ne peut les refuser que dans des circonstances très précises.

[21] La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions de conciliation ainsi que les solides raisons de principe qui favorisent la promotion de la certitude pour les parties lorsqu’une entente est conclue. [1] En général, les cours de justice et les tribunaux administratifs ne refusent pas les ententes conclues entre les parties, à moins que l’entente aille à l’encontre de l’intérêt public.

[22] Je dois donc déterminer si le fait d’accepter la Proposition conjointe irait à l’encontre de l’intérêt public. Il ne s’agit pas de déterminer si les mesures disciplinaires proposées sont celles que j’aurais imposées. Le critère de l’intérêt public établit plutôt un seuil beaucoup plus élevé.

[23] Dans sa décision intitulée R. c. Anthony-Cook, la Cour suprême du Canada a donné les directives suivantes, qui sont applicables aux tribunaux administratifs :

[…] on ne doit pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe […] le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le [dans la présente affaire, le processus de déontologie] avait cessé de bien fonctionner. [2]

[24] Pour mieux déterminer si les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public, il est utile d’avoir une idée des autres mesures qui peuvent être imposées. À cet égard, le Guide des mesures disciplinaires est un excellent outil. Il est toutefois important de souligner que, comme son nom l’indique, le Guide des mesures disciplinaires n’est qu’un guide. Ces lignes directrices ne sont pas prescriptives.

Éventail des mesures disciplinaires possibles

[25] Le Guide des mesures disciplinaires, aux pages 50 à 53, précise l’éventail des mesures disciplinaires qui doivent être imposées pour l’utilisation ou la possession d’une substance contrôlée. Le Guide des mesures de conduite décrit plusieurs facteurs qui devraient être pris en compte lorsque l’on détermine l’éventail de mesures disciplinaires approprié. Ces facteurs incluent : le type de drogue; la quantité de drogue dont il est question; la méthode d’acquisition; la présence d’une invalidité (c.-à-d. une dépendance) et d’un traitement connexe.

[26] Je suis d’accord avec les parties pour affirmer que les gestes du gendarme Norlund font partie de l’éventail normal présenté dans le Guide sur les mesures disciplinaires. Son inconduite inclut l’achat de substances contrôlées pour son utilisation personnelle. Il ne faisait pas le trafic de ces substances, et ne s’appropriait pas de façon illicite des éléments de preuve liés à une enquête. Le gendarme Norlund n’a pas acheté, possédé ou consommé de cocaïne alors qu’il était en service. Il n’a pas non plus été sous l’influence de la cocaïne pendant qu’il était en service.

[27] Les rapports médicaux établissent clairement que le gendarme Norlund était en congé pour des raisons médicales lors de l’allégation. Ses problèmes de santé sont de nature physique et psychologique. Plus précisément, le gendarme Norlund se remet de blessures physiques subies dans l’exercice de ses fonctions. Il a déjà reçu un diagnostic de dépression et d’un trouble lié à une substance, pour lesquels il a été traité en 2017. À la suite de l’ouverture de l’enquête relative au Code de déontologie, le gendarme Norlund a cherché d’autres traitements pour son trouble lié à une substance. Pendant ce traitement, il a reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, pour lequel il a reçu un traitement.

[28] Le gendarme Norlund a soumis des rapports médicaux préparés par ses praticiens traitants. Ces rapports démontrent que ses problèmes de santé psychologique ont pu contribuer à son comportement, qui constituait, en partie, une tentative d’automédication face à un trouble de stress post-traumatique, qui n’avait pas fait l’objet d’un diagnostic à ce moment.

[29] Après avoir examiné tous ces facteurs, je conclue qu’un éventail de mesures raisonnables va d’une sanction pécuniaire d’entre 20 et 45 jours au congédiement, que ces mesures soient adoptées seules ou parallèlement à d’autres mesures disciplinaires. Je dois maintenant examiner les facteurs atténuants et aggravants.

Facteurs atténuants

[30] J’ai retenu les facteurs atténuants suivants parmi les nombreux facteurs proposés par les parties.

[31] Premièrement, le gendarme Norlund a reconnu sa consommation lors de son arrestation, et il a fait des aveux importants dans sa déclaration. Ses aveux ont permis d’éviter la tenue d’une audience contestée.

[32] Deuxièmement, le gendarme Norland a présenté plusieurs lettres de soutien qui traitent de ses compétences en tant qu’enquêteur et qui mentionnent qu’il est un membre estimé de la GRC. En 2012, le gendarme Norlund a reçu le Prix de bravoure des officiers responsables à la suite d’une arrestation effectuée alors qu’il n’était pas en service. Il a aussi reçu un prix provincial pour bravoure, le prix le plus prestigieux pour un policier en Colombie-Britannique, en novembre 2017.

[33] Troisièmement, le gendarme Norlund a connu, dans sa vie personnelle, une longue série d’événements graves et terribles qui ont accéléré sa descente vers l’abus de substance et la toxicomanie. Mentionnons, par exemple, plusieurs blessures physiques liées à son travail, la rupture de sa relation amoureuse, d’importants traumatismes liés au travail qui ont mené à un trouble de stress post-traumatique et le décès de son fils aîné en 2017.

[34] Quatrièmement, même si le gendarme Norlund a déjà cherché un traitement pour sa consommation abusive d’alcool, ce traitement n’a pas réglé son trouble de stress post-traumatique.

[35] Cinquièmement, la preuve médicale soumise révèle que le gendarme Norlund a utilisé des substances pour s’automédicamenter afin de faire face à la douleur causée par son trouble de stress post-traumatique et sa dépression.

[36] Sixièmement, le gendarme Norlund a complété un traitement spécialisé en milieu hospitalier en 2019, et il s’est conformé aux exigences de la GRC en matière de suivi. Cela inclut une surveillance étroite à l’aide de l’appareil Soberlink, une participation régulière à des réunions, des interactions avec un moniteur et des soins médicaux spécialisés. Il n’a consommé aucune substance depuis le début du traitement en milieu hospitalier en mai 2019. Il a réussi à le faire malgré des douleurs continues causées par ses blessures physiques, pour lesquelles il doit subir une chirurgie.

[37] Je remarque particulièrement l’engagement et le dévouement que le gendarme Norlund a démontrés en cherchant un traitement et en participant à celui qui lui a été recommandé, selon ce que ses praticiens traitants ont indiqué. Il a utilisé sa suspension pour se concentrer sur sa santé et son bien-être, avec l’objectif de retourner au travail. Il se concentre sur son fils, qu’il décrit comme son « rayon de soleil ». Il s’est efforcé de continuer à contribuer à sa collectivité en faisant régulièrement des dons de sang.

[38] Le rétablissement du gendarme Norlund se poursuit depuis plus d’un an. La documentation soumise indique qu’il possède le soutien nécessaire pour maintenir son état de santé. La preuve médicale disponible démontre que le risque qu’il récidive est faible.

[39] Septièmement, le gendarme Norlund a exprimé des remords et a accepté la responsabilité de ses gestes. Dans sa lettre d’excuse, adressée au Comité de déontologie, le gendarme Norlund a indiqué qu’il regrettait ses gestes profondément. Il reconnaît qu’il est responsable des répercussions négatives de ses gestes sur ses collègues, la GRC et les collectivités qu’elle dessert, et il accepte ce fait. Il semble beaucoup mieux comprendre les circonstances qui ont mené à son trouble lié à l’utilisation d’une substance. Il semble s’être engagé à mener sa vie sobrement et à s’assurer qu’il conserve les appuis nécessaires. Il espère utiliser son expérience pour aider d’autres membres, et ses praticiens traitants appuient cet objectif.

[40] Enfin, même s’il ne s’agit pas d’un facteur atténuant à proprement parler, je reconnais qu’en vertu de la Proposition conjointe, l’autorité disciplinaire déléguée soutient le retour du gendarme Norlund au travail.

Facteurs aggravants

[41] Les parties ont conjointement proposé les facteurs aggravants suivants, que j’ai retenus.

[42] Premièrement, l’utilisation qu’a faite le gendarme Norlund d’une substance contrôlée inscrite à l’Annexe 1 de la Loi règlementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19, constitue une inconduite grave. Ce comportement est incompatible avec le travail d’un policier.

[43] Deuxièmement, le gendarme Norlund a reconnu avoir sporadiquement consommé de la cocaïne dans les deux ans précédant son arrestation. Sa consommation n’était pas constante, mais elle ne s’est pas limitée à la période de deux semaines soulignée dans l’allégation.

[44] Troisièmement, l’achat et la consommation de cocaïne du gendarme Norlund l’ont mené à s’associer à des individus menant des activités criminelles. Le gendarme Norlund savait que ces individus commettaient des actes criminels.

[45] Quatrièmement, au cours de son inconduite, le gendarme Norlund a impliqué un membre du public, qui savait qu’il était un membre de la GRC. Le gendarme Norlund et cet individu ont discuté de l’achat et de la consommation de cocaïne par messagerie texte. Le gendarme Norlund a aussi offert de faciliter l’utilisation d’une substance par l’individu en offrant d’acheter de la cocaïne pour lui.

[46] Enfin, le constable Norlund a un dossier disciplinaire. En 2016, il a percuté un véhicule stationné inoccupé alors qu’il tentait de se stationner en parallèle. On a déterminé que l’utilisation de somnifères par le gendarme Norlund ainsi que sa dépendance à l’alcool ont mené à l’accident. Cette inconduite antérieure est récente et liée à l’allégation actuelle.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[47] Comme on peut le constater dans la décision Raymond, [3] la consommation de cocaïne par un membre de la GRC peut raisonnablement mener à un congédiement. Je suis d’accord avec les parties pour affirmer que plusieurs facteurs distinguent la présente affaire et l’affaire Raymond. Plus particulièrement, le gendarme Norlund ne consommait pas de la cocaïne régulièrement à des fins récréatives personnelles. Sa consommation était plutôt limitée et liée, au moins en partie, à son invalidité. Le gendarme Norlund a aussi entièrement reconnu l’existence de ses troubles, et il a cherché à obtenir un traitement médical. La preuve médicale disponible établit qu’il est pleinement engagé envers sa réhabilitation, ce qui réduit le risque de récidive. Cela n’était pas le cas dans l’affaire Raymond.

[48] Les parties citent Kelly [4] pour le principe selon lequel lorsque l’inconduite d’un membre est causée au moins en partie par une invalidité, il convient qu’un comité de déontologie examine cette invalidité lorsqu’il détermine les mesures disciplinaires appropriées. Je suis d’accord. Il s’agit d’un principe accepté :

[…]

Les tribunaux ont constamment conclu que la maladie ne constitue habituellement pas une excuse légitime, même si elle peut, dans des cas appropriés, expliquer un comportement particulier et donc servir de facteur atténuant aux fins d’imposition d’une pénalité. [5]

[…]

[49] Conséquemment, je dois tenir de l’obligation de la GRC d’adopter des mesures d’adaptation en milieu de travail pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées.

[50] D’après les faits de l’espèce, l’invalidité du gendarme Norlund est un facteur très atténuant. Les termes de la Proposition conjointe démontrent que les parties ont tenu compte de l’obligation d’adopter des mesures d’adaptation et que la GRC peut prendre les mesures nécessaires en raison de l’invalidité du gendarme Norlund.

[51] Il peut y avoir des situations où des mesures d’adaptation mèneraient à une contrainte excessive pour la GRC, ou lorsque l’inconduite d’un membre est si grave que les circonstances entourant son invalidité ne sont pas suffisamment atténuantes pour exclure son congédiement. Ce n’est pas le cas selon les faits de l’espèce.

[52] Collectivement, les mesures disciplinaires proposées constituent d’importantes mesures correctives. Elles reflètent les facteurs atténuants et aggravants en l’espèce. Elles serviront à corriger le comportement du gendarme Norlund et à dissuader les autres membres. Elles aident aussi le constable Norlund à demeurer en bonne santé, ce qui sera important pour veiller à ce que son inconduite ne se reproduise plus.

[53] En conciliant ces facteurs, je ne peux pas conclure que les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public. Au contraire, je suis d’avis que l’intérêt public est servi par les mesures proposées. Il est bien connu que l’intérêt public est servi par la bonne gouvernance des opérations de la GRC. L’administration appropriée du processus disciplinaire constitue une façon dont on assure l’existence de cette gouvernance au public.

[54] L’administration appropriée du processus disciplinaire requiert l’examen, par un comité de déontologie, des répercussions de l’invalidité d’un membre sur son inconduite, en plus de l’examen de la capacité de la GRC d’accommoder cette invalidité lorsque l’on évalue les mesures disciplinaires appropriées. Cela correspond aux principes directeurs du processus disciplinaire, établis à l’article 36.2 de la Loi sur la GRC. Le fait de ne pas mener cet examen va à l’encontre de l’intérêt public, puisqu’il peut priver le public de membres qui peuvent recommencer, de façon sécuritaire, à apporter une contribution importante à la GRC et aux collectivités qu’elle dessert. Cela peut aussi inciter des membres qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale à dissimuler leurs problèmes et à ne pas obtenir l’appui dont ils ont besoin pour maintenir leur santé.

[55] J’accepte donc les mesures disciplinaires proposées.

CONCLUSION

[56] Puisque l’allégation 1 modifiée est fondée, et conformément à la Proposition conjointe présentée par le représentant de l’autorité disciplinaire et la représentante du membre visé, les mesures disciplinaires suivantes sont imposées :

  1. une sanction pécuniaire de 20 jours de travail (160 heures), à déduire de la rémunération du gendarme Norlund;
  2. conformément à l’alinéa 5(1)(i) des CC (déontologie), le retrait de 20 jours de congé annuel (160 heures);
  3. conformément à l’alinéa 3(1)(i) des CC (déontologie), l’obligation de subir un traitement médical selon les directives du médecin chef de la Division E;
  4. conformément au paragraphe 3(2) des CC (déontologie), l’obligation de compléter les programmes de surveillance des drogues et de l’alcool actuellement offerts par les Services de santé.

[57] Je permets au gendarme Norlund de poursuivre sa carrière à la GRC. Cependant, toute infraction future au Code de déontologie sera examinée de très près par l’autorité disciplinaire compétente et pourrait entraîner son congédiement de la Gendarmerie.

[58] Toute mesure disciplinaire provisoire en place devrait être réglée dans les plus brefs délais, conformément à l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[59] L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire, conformément de l’article 45.11 de la Loi sur la GRC.

 

 

28 janvier 2021

Christine Sakiris

Commissaire

 

Date

 



[1] Voir, par exemple, l’arrêt Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII), au paragraphe 19; et l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 [Cook].

[2] Cook, supra note 6, au paragraphe 34.

[3] Le commandant, Division C et le gendarme Philippe Raymond, 2018 DARD 12 [Raymond].

[4] Service de police de Toronto c. Kelly, 2006 CarswellOnt 2743 [Kelly].

[5] Ceyssens, Paul, Legal Aspects of Policing, vol. 2, Saltspring Island, Colombie-Britannique : Earlscourt Legal Press, 1994 (Feuillets mobiles mis à jour en juin 2019, publication 35), aux pages 6-188.

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