Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire, daté du 1er mai 2020, contenait trois allégations de conduite déshonorante, en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie. La première allégation porte sur un incident où le gendarme Scheepers a envoyé à Mme M.S. et à des membres de sa famille un certain nombre de messages texte insultants, menaçants et harcelants en février 2019. La deuxième allégation porte sur un incident où le gendarme Scheepers a fait des avances à deux piétonnes qu’il a accosté en conduisant lentement dans son véhicule sur une voie publique. La troisième allégation porte sur un incident de conduite avec facultés affaiblies. La conduite d’un véhicule avec facultés affaiblies présentait un danger pour les autres usagers de la route et s’est terminée par un accident impliquant un seul véhicule.
Le gendarme Scheepers a assumé la responsabilité de ses actes en admettant chacune des trois allégations et leurs précisions dans sa réponse aux allégations. Les parties ont soumis une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires à mon examen. Avec le consentement des parties, le Comité de déontologie a fondé sa décision uniquement sur le dossier.
Le Comité de déontologie a accepté la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires et a imposé les mesures disciplinaires suivantes : (1) réprimande; (2) sanction pécuniaire de 45 jours de solde; et (3) inadmissibilité à une promotion pour une période de trois ans. Le gendarme Scheepers a également accepté de se conformer à deux paragraphes spécifiques d’une entente de plan de suivi conclue avec le médecin-chef des Services de santé de la Division. L’entente est pour une durée de deux années et prend fin en septembre 2022. Ces paragraphes portent sur les tests et la surveillance visant à confirmer que le membre s’abstient de consommer de l’alcool.

Contenu de la décision

Protégé A

2021 DAD 06

Ordonnance de non-publication : Interdiction de publier ou de diffuser de quelque façon qui soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de Mme M. S. et de tout membre de sa famille immédiate ou étendue, de même que Mme A. T. et Mme G. S.

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Audience disciplinaire

dans l’affaire intéressant la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10

Entre :

Commandante de la Division E

Autorité disciplinaire

et

Gendarme Wilhelm Scheepers

numéro de matricule : 56175

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Kevin L. Harrison

12 février 2021

 

M. Denys Morel, représentant de l’autorité disciplinaire

M. Brad Smith et Mme Danielle Ching McNamee, représentants du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS 4

INTRODUCTION 4

Ordonnance de non-publication 5

ALLÉGATIONS 6

Observations sur les allégations 10

Décision sur les allégations 11

Conclusion sur les allégations 13

MESURES DISCIPLINAIRES 14

Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires 14

Common law sur les propositions conjointes 15

Décision sur les mesures disciplinaires 16

Éventail des mesures disciplinaires appropriées pour l’allégation no 1 17

Éventail des mesures disciplinaires appropriées pour l’allégation no 2 18

Éventail des mesures disciplinaires appropriées pour l’allégation no 3 19

Éventail des mesures disciplinaires cumulatives appropriées pour les trois allégations 21

Facteurs aggravants et atténuants 22

Conclusion sur les mesures disciplinaires 27

CONCLUSION 28

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS

L’avis d’audience disciplinaire, daté du 1er mai 2020, contenait trois allégations de conduite déshonorante, en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie. La première allégation porte sur un incident où le gendarme Scheepers a envoyé à Mme M.S. et à des membres de sa famille un certain nombre de messages texte insultants, menaçants et harcelants en février 2019. La deuxième allégation porte sur un incident où le gendarme Scheepers a fait des avances à deux piétonnes qu’il a accosté en conduisant lentement dans son véhicule sur une voie publique. La troisième allégation porte sur un incident de conduite avec facultés affaiblies. La conduite d’un véhicule avec facultés affaiblies présentait un danger pour les autres usagers de la route et s’est terminée par un accident impliquant un seul véhicule.

Le gendarme Scheepers a assumé la responsabilité de ses actes en admettant chacune des trois allégations et leurs précisions dans sa réponse aux allégations. Les parties ont soumis une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires à mon examen. Avec le consentement des parties, le Comité de déontologie a fondé sa décision uniquement sur le dossier.

Le Comité de déontologie a accepté la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires et a imposé les mesures disciplinaires suivantes : (1) réprimande; (2) sanction pécuniaire de 45 jours de solde; et (3) inadmissibilité à une promotion pour une période de trois ans. Le gendarme Scheepers a également accepté de se conformer à deux paragraphes spécifiques d’une entente de plan de suivi conclue avec le médecin-chef des Services de santé de la Division. L’entente est pour une durée de deux années et prend fin en septembre 2022. Ces paragraphes portent sur les tests et la surveillance visant à confirmer que le membre s’abstient de consommer de l’alcool.

INTRODUCTION

[1] Le 11 février 2020, l’autorité disciplinaire désignée de la Division E (l’autorité disciplinaire) a signé un Avis à l’officier désigné, dans lequel elle demandait la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 17 février 2020, l’officier désigné m’a nommé au Comité de déontologie, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), ch. R-10 [la Loi sur la GRC].

[2] L’autorité disciplinaire a signé l’avis d’audience disciplinaire le 1er mai 2020. L’avis d’audience disciplinaire contient trois allégations de conduite déshonorante en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie.

[3] Le 30 octobre 2020, le gendarme Scheepers a fourni sa réponse aux allégations par écrit, aux termes du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [les CC (déontologie)]. Dans ses observations détaillées, le gendarme Scheepers a admis les trois allégations et leurs précisions sans tergiversations. La majeure partie des observations du membre visé portent sur son affirmation selon laquelle des mesures disciplinaires considérables n’allant pas jusqu’au congédiement sont appropriées dans cette affaire.

[4] Pendant une conférence préparatoire à l’audience tenue le 13 novembre 2020, les parties ont signalé qu’elles étaient sur le point de parvenir à une entente. Les parties ont convenu que s’ils présentaient une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, elles préféraient que j’exerce le pouvoir qui m’est conféré en vertu des paragraphes 23(1) et 24(1) des CC (déontologie) et rende une décision finale par écrit fondée uniquement sur le dossier sans entendre de témoignages.

[5] Le 8 janvier 2021, j’ai organisé une autre conférence préparatoire à l’audience à laquelle les parties ont présenté un aperçu d’une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. Les parties ont confirmé qu’elles voulaient que je rende ma décision en me fondant uniquement sur le dossier et qu’on ne présenterait aucune autre soumission, à l’exception d’une proposition conjointe officielle sur les mesures disciplinaires. Les parties m’ont fourni la proposition conjointe finalisée sur les mesures disciplinaires par courriel le 1er février 2021.

[6] Ci-après se trouve ma décision écrite finale sur les allégations et les mesures disciplinaires.

Ordonnance de non-publication

[7] Dans la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, les parties ont demandé que j’impose une ordonnance de non-publication, au titre de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC. Cette ordonnance permet à un Comité de déontologie d’interdire la publication de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité d’un plaignant, d’un témoin ou d’une personne âgée de moins de 18 ans.

[8] Conformément à la demande, j’ordonne que tout renseignement qui permettrait d’établir les personnes ci-après ne soit pas publié ou diffusé de quelque façon qui soit :

  1. Mme M. S. et tout membre de sa famille immédiate ou étendue inclut comme témoin dans cette affaire;
  2. Mme A. T. et Mme G. S., toutes deux témoins en lien avec l’allégation no 2.

ALLÉGATIONS

[9] L’avis d’audience disciplinaire, daté du 1er mai 2020, contient les allégations et précisions qui suivent :

Allégation no 1

Entre le 19 et le 23 février 2019, à Williams Lake ou à proximité, en Colombie-Britannique, le gendarme Wilhelm Scheepers a adopté une conduite déshonorante, ce qui va à l’encontre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Précisions de l’allégation no 1

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada à la Division E, à la Section des enquêtes générales du district du Nord à Williams Lake.

2. Mme [M. S.] et [ses] deux fils, alors âgés de 3 ans et de 11 ans, habitaient avec ses parents à Prince George.

3. Pendant le mois de février 2019, vous avez envoyé à [Mme M. S.] plus d’une centaine de messages texte à caractère insultant, menaçant et harcelant, l’amenant à craindre pour sa sécurité et celle de ses enfants.

4. Même si [Mme M. S.] vous a supplié d’arrêté, vous avez continué à lui envoyer de nombreux messages texte à caractère insultant, menaçant et harcelant, notamment : [traduction] « salope », « conasse », « gai », « Je le jure devant Dieu, je prie pour gagner cette guerre contre toi et le [C.] », « va te faire foutre », « espèce de salope menteuse gaie », « t’es foutrement risible! », « Ta famille est une foutue farce! Tu vas voir, conasse! », « La guerre est commencée, salope!! Je vais gagner! Tu vas voir! Je suis prêt à y mettre ma vie, et vous, les peureux, êtes-vous prêts à en faire autant, salope? », « Le vautour est un animal très patient. ».

5. Le 23 février 2019, vous avez envoyé des messages texte à M. [R. C.], le père de [Mme M. S.], à caractère insultant, menaçant et harcelant, comme ceux qui suivent : « Lâche », « Idiot », « Le vautour est un oiseau patient », « Farce!! Idiot!, foutue farce ».

6. Vers le 23 février 2019, vous avez envoyé des messages texte au serg. [C. C.], le frère de [Mme M. S.], à caractère insultant, menaçant et harcelant (p. ex. « lâche », « va te faire foutre si tu ne sais pas de qui il s’agit » ou des messages semblables).

7. Vos messages texte ont fait en sorte que M. [R. C.] et le [serg. C. C.] se préoccupent sérieusement de leur sécurité et de celle des membres de leur famille.

8. Votre pratique était déshonorante.

Allégation no 2

Vers le 20 juillet 2019, à Williams Lake ou à proximité, en Colombie-Britannique, le gendarme Wilhelm Scheepers a adopté une conduite déshonorante, ce qui va à l’encontre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Précisions de l’allégation no 2

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada à la Division E, à la Section des enquêtes générales du district du Nord à Williams Lake.

2. Le 20 juillet 2019, à environ [14 h 15], vous n’étiez pas en service et vous étiez au volant de votre véhicule personnel, un Honda Pilot 2015 de couleur grise immatriculé en Colombie-Britannique ([XXXXX]), dans le pâté de maisons [XXX] de la rue Oliver à Williams Lake.

3. Vous avez ralenti votre véhicule en roulant vers l’est sur la rue Oliver et avez suivi Mme [A. T.] et Mme [G. S.], toutes deux âgées de 20 ans, pendant qu’elles marchaient vers l’est sur le trottoir. Vous avez roulé très lentement près de Mme [A. T.] et Mme [G. S.] pendant plusieurs minutes tout en bloquant la circulation.

4. Même si Mme [A. T.] et Mme [G. S.] vous ont demandé de les laisser tranquilles, vous avez continué à les suivre et à demander à plusieurs reprises à Mme [G. S.] de vous donner son nom et son numéro de téléphone et d’embarquer dans votre véhicule.

5. Mme [C. C.] a observé la situation et est devenue préoccupée. Elle s’est arrêtée pour voir si Mme [A. T.] et Mme [G. S.] avaient besoin d’aide et a téléphoné au 922 pour signaler l’incident après leur avoir parlé.

6. Votre conduite a fait en sorte que Mme [A. T.] et Mme [G. S.] craignent pour leur sécurité.

7. Votre conduite était déshonorante.

Allégation no 3

Le 20 juillet 2019, à Williams Lake ou à proximité, en Colombie-Britannique, le gendarme Wilhelm Scheepers a adopté une conduite déshonorante, ce qui va à l’encontre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Précisions de l’allégation no 3

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada à la Division E, à la Section des enquêtes générales du district du Nord à Williams Lake.

2. Le 20 juillet 2019, à environ [14 h 18], vous n’étiez pas en service et vous étiez au volant de votre véhicule personnel, un Honda Pilot 2015 de couleur grise immatriculé en Colombie-Britannique ([XXXXX]), près de l’intersection de l’autoroute 20 et du chemin Dog Creek.

3. Des membres du public ont observé que vous conduisiez de façon erratique; vous rouliez à une vitesse excessive, vous faisiez des embardées, vous coupiez la route à d’autres véhicules, vous avez franchi le terre-plein central et roulé dans le mauvais sens, puis vous avez fait un tête-à-queue et avez fini dans le fossé.

4. Des agents du détachement de la GRC de Williams Lake se sont rendus sur les lieux de l’accident et ont commencé une enquête pour conduite avec facultés affaiblies. Pendant l’enquête, vous avez refusé de coopéré et avez argumenté avec le gendarme Nick Brown, agent responsable de l’enquête. Vous avez formulé des commentaires irrespectueux et condescendants à l’égard du [gend.] Brown, comme « arrête de faire le con », « non, va te faire foutre, je ne vais pas là », « j’espère que tu sais à quel point t’es un clown, quel flic tu es, le meilleur de la GRC ». Le [gend.] Brown était mal à l’aise et préoccupé par votre comportement non coopératif et instable.

5. Ensuite, le [gend.] Brown vous a transporté au détachement de la GRC de Williams Lake afin d’obtenir des échantillons d’haleine aux fins d’enquête. Dans la salle d’entrevue, vous avez prié au [gend.] Brown de faire preuve de discrétion et de vous donner un avertissement, puisque vous étiez également un policier. Lorsqu’il est devenu clair que le [gend.] Brown n’allait pas vous donner un avertissement, vous avez continué à faire des commentaires irrespectueux et condescendants à son égard. Vous avez ensuite pris l’enregistreur sonore qui se trouvait sur la table et l’avez lancé à l’autre bout de la pièce, où il a heurté le mur.

6. À environ [16 h], le premier échantillon d’haleine obtenu montrait une alcoolémie de 280 mg d’alcool par 100 ml de sang. Lorsque vous avez omis de fournir le deuxième échantillon d’haleine requis, on vous a transporté à l’hôpital pour obtenir des échantillons de sang. À [19 h 1], une prise de sang a été effectuée, et l’analyse subséquente a révélé que votre alcoolémie était de 249 mg d’alcool par 100 ml de sang.

7. On vous a accusé de conduite d’un véhicule avec facultés affaiblies aux termes de l’alinéa 310(1)a) du Code criminel et de conduite dangereuse d’un véhicule aux termes du paragraphe 320.13(1) du Code criminel.

8. Vous avez conduit votre véhicule alors que vos capacités étaient affaiblies par l’alcool.

9. Vous avez mis en jeu votre sécurité et celle du public en conduisant votre véhicule de manière non sécuritaire.

10. Votre conduite était déshonorante.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

Observations sur les allégations

[10] L’autorité disciplinaire n’a fourni aucune observation concernant l’allégation par-delà les 676 pages du rapport d’enquête et des documents à l’appui.

[11] Les observations sur les allégations du gend. Scheepers sont présentées exclusivement dans sa réponse aux allégations de 323 pages. La majeure partie de ses observations portent sur les mesures disciplinaires. La partie qui porte sur les allégations est simplement une admission des trois allégations et de leurs précisions.

Décision sur les allégations

[12] Le critère de « conduite déshonorante » au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie contient les quatre éléments suivants qui doivent être établis par l’autorité disciplinaire selon la prépondérance des probabilités :

  1. les gestes qui constituent le comportement allégué;
  2. l’identité du membre qui a commis les gestes visés par les allégations;
  3. le fait que le comportement du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC;
  4. le comportement du membre est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[13] Les précisions énoncées dans l’avis d’audience disciplinaire concernant chaque allégation présentent avec exactitude les éléments de preuve contenus dans le rapport d’enquête et les documents à l’appui. Le gend. Scheepers ne conteste pas ces éléments de preuve. Par conséquent, je suis d’avis que le premier critère est respecté pour chacune des trois allégations.

[14] Le rapport d’enquête et les documents à l’appui précisent clairement que le gend. Scheepers est le membre qui a commis les gestes visés par les allégations. Le gend. Scheepers a admis qu’il était un membre de la Gendarmerie royale du Canada et assumé la responsabilité pour les actions qui lui sont imputées dans l’avis d’audience disciplinaire. Par conséquent, je conclus que le critère est respecté pour chacune des trois allégations.

[15] En ce qui concerne le troisième élément, le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC offre son analyse sur la nature d’une conduite « susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie dans la recommandation C-2015-001 (C-008) du CEE, datée du 22 février 2016. En termes simples, le critère veut que toute personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier, jugerait que la conduite du membre est déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. C’est ce que doit déterminer l’autorité disciplinaire selon la prépondérance des probabilités.

[16] Dans l’allégation no 1, l’autorité disciplinaire a précisé qu’en février 2019, le gend. Scheepers a envoyé plus de 100 messages texte à Mme M. S. et à des membres de sa famille immédiate. Dans l’avis d’audience disciplinaire, on décrit les messages comme étant « à caractère insultant, menaçant et harcelant » et on soutient qu’ils ont fait en sorte que les destinataires craignent pour leur sécurité ainsi que celles de leur famille. Je conclus que la conduite du gend. Scheepers, en ce qui concerne l’allégation no 1, est déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[17] Selon l’allégation no 2, pendant qu’il roulait lentement sur une voie publique pendant qu’il était très ivre, le gend. Scheepers a accosté deux jeunes femmes. Même s’il a demandé aux jeunes femmes d’embarquer dans son véhicule, ses actions n’étaient pas ouvertement menaçantes. Toutefois, sa persistance a fait en sorte que les deux jeunes femmes craignent que leur sécurité soit en péril. Le comportement du gend. Scheepers’ a fait en sorte qu’un tiers témoin se sente obligé de communiquer avec la police. Puisque l’allégation no 3 porte sur également sur la conduite avec facultés affaiblies, je décrirais la conduite du gend. Scheepers dans cette allégation comme un cas d’ivresse en public/trouble à l’ordre public. Je conclus que la conduite du gend. Scheepers, en ce qui concerne l’allégation no 2, est déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[18] La troisième allégation porte sur la conduite d’un véhicule avec facultés affaiblies. Le gend. Scheepers est actuellement devant les tribunaux pour cette infraction criminelle. À la page 42 du Guide des mesures disciplinaires, on précise que tout comportement criminel, qu’il ait lieu pendant que le membre est en service ou non, sera considéré comme une conduite déshonorante. Les comités d’arbitrage et de déontologie ont jugé de manière systématique que la conduite d’un véhicule avec facultés affaiblies constituait une conduite déshonorante. Je conclus donc que la conduite du gend. Scheepers, en ce qui concerne l’allégation no 3, est déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[19] En ce qui concerne le quatrième et dernier critère, il importe de souligner que les incidents liés aux trois allégations sont survenus pendant que le gend. Scheepers n’était pas en service. À la page 7 du document 2014 Annotated Version of the RCMP Code of Conduct, (version annotée du Code de déontologie de la GRC), on fournit des commentaires sur la façon de déterminer si la conduite d’un membre qui n’est pas de service peut être suffisamment liée à ses devoirs et fonctions :

[Traduction]

[…]

En tant que de membre de la GRC, vous avez choisi une profession unique pour laquelle les normes de conduite sont élevées et cette responsabilité n’est pas intermittente; elle est constante. La relation entre un membre et la Gendarmerie n’est pas la même que celle qui existe entre un citoyen et le gouvernement. Votre conduite, que vous soyez en service ou non, sera examinée minutieusement en fonction de votre statut d’agent de police.

Toute conduite qui soulève un doute quant à votre intégrité, à votre honnêteté ou à votre moralité peut réduire l’efficacité en ce qui concerne l’exécution de vos fonctions et amènera le public à perdre confiance en la Gendarmerie. Les responsabilités décrites dans le Code de déontologie visent à favoriser la prise de décisions éthiques éclairées qui vont au-delà des limites du milieu de travail. En vous acquittant de ces responsabilités, vous satisferez aux attentes professionnelles de la Gendarmerie et des Canadiens.

[…]

[20] Les trois allégations portent sur des questions qui correspondent à des comportements en raison desquels les membres de la Gendarmerie doivent intervenir dans le cadre de leurs activités quotidiennes d’application de la loi. Chacune des trois allégations remet en question la moralité du gend. Scheepers. Ses actions pourraient avoir miné son efficacité d’exécuter ses fonctions et amener le public à perdre confiance en la Gendarmerie. Par conséquent, la Gendarmerie a un intérêt légitime à le discipliner. C’est pourquoi je conclus que sa conduite, en ce qui concerne les trois allégations, est suffisamment liée à ses fonctions.

Conclusion sur les allégations

[21] Compte tenu de l’analyse qui précède, je conclus que les allégations présentées dans l’avis d’audience disciplinaire sont établies.

MESURES DISCIPLINAIRES

[22] Puisque les allégations sont établies, je dois, en vertu du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, imposer au moins une des mesures disciplinaires énoncées dans ce paragraphe. Ces mesures disciplinaires comprennent le congédiement, l’ordre de démissionner ou « une ou plusieurs des mesures disciplinaires prévues dans les règles ». Les mesures disciplinaires « prévues dans les règles » sont énoncées aux articles 3 (mesures disciplinaires simples), 4 (mesures disciplinaires correctives) et 5 (mesures disciplinaires graves) des CC (déontologie).

Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires

[23] Comme je l’ai susmentionné, les parties m’ont présenté une proposition conjointe sur des mesures disciplinaires globales. La proposition conjointe comprenait les mesures disciplinaires suivantes :

  1. réprimande en vertu de l’alinéa 3(1)i) des CC (déontologie);
  2. sanction pécuniaire de 45 jours de la solde du gend. Scheepers, conformément à l’alinéa 5(1)j) des CC (déontologie);
  3. inadmissibilité à une promotion pendant trois ans, conformément à l’alinéa 5(1)b) des CC (déontologie).

[24] Le 12 septembre 2020, le gend. Scheepers a conclu une entente de plan de suivi avec le médecin-chef des Services de santé de la Division E. Aux termes du paragraphe 3(2) des CC (déontologie), l’autorité disciplinaire et le gend. Scheepers ont convenu qu’il respectera les paragraphes 8 et 9 de l’entente de plan de suivi pour une période de deux ans à compter de la date de signature de l’entente. Les paragraphes pertinents sont les suivants :

8. Je consens que je devrai communiquer avec mon surveillant [entreprise] à une fréquence déterminée [par] l’entreprise, et j’autorise l’entreprise à fournir des rapports d’étape de vive voix et par écrit au [médecin-chef] à tout moment, mais au moins une fois par mois, et ce, par téléphone, par télécopieur ou par courriel.

9. Je consens à fournir des échantillons d’urine, de sang, de cheveux ou d’haleine lorsque l’entreprise de surveillance en fait la demande et dans les délais imposés.

[25] La proposition conjointe présente également l’analyse entreprise par les parties en ce qui concerne l’éventail des mesures disciplinaires appropriées ainsi que les facteurs aggravants et atténuants pris en considération dans la préparation de la proposition conjointe. Je traiterai davantage de cet aspect des observations conjointes après avoir examiné la common law portant sur le traitement que je dois accorder aux propositions conjointes.

Common law sur les propositions conjointes

[26] Les tribunaux ont fait un examen intensif des observations conjointes dans le contexte criminel. Dans l’arrêt R c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 [Anthony-Cook], La Cour suprême a déclaré que les juges ne sont pas obligés d’accepter des observations conjointes, mais qu’ils doivent seulement les rejeter dans de rares cas après avoir appliqué le critère de l’intérêt public. Pour appliquer ce critère, il faut déterminer si la peine proposée jetterait le discrédit sur l’administration de la justice ou serait autrement contraire à l’intérêt public. Le juge Moldaver a fourni des directives supplémentaires au nom de la Cour (paragraphe 34) :

[…]il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe, une conclusion à laquelle je souscris. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé — et à juste titre, comme je l’explique ci-après.

[27] Dans l’arrêt Rault c. Law Society (Saskatchewan), 2009 SKCA 81 [Rault], la Cour d’appel de la Saskatchewan a souligné qu’il y a de bonnes raisons de principe concernant la retenue envers les observations conjointes dans le contexte des affaires de discipline professionnelle. Le but premier et ultime de la prise de décisions en lien avec de telles observations consiste à maintenir la confiance du public dans l’intégrité de la profession et la capacité de la profession à gouverner efficacement ses propres membres.

[28] Les comités d’arbitrage et de déontologie de la GRC ont uniformément appliqué les principes énoncés dans les arrêts Anthony-Cook et Rault dans le traitement des procédures disciplinaires de la GRC.

[29] En appliquant les instructions des tribunaux dans cette décision, je dois déterminer si la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires jettera le discrédit sur l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’intérêt public. Ce faisant, je dois déterminer si la proposition conjointe correspond si peu aux attentes d’une personne raisonnable informée des circonstances de l’affaire que cette dernière estimerait que la proposition fait échec au bon fonctionnement du système de déontologie de la GRC.

Décision sur les mesures disciplinaires

[30] Le cadre d’analyse établi par le CEE en fonction de l’ancien régime disciplinaire de la GRC demeure pertinent lors les procédures disciplinaires traitées aux termes de la nouvelle Loi sur la GRC. En vertu de ce cadre, je dois examiner l’éventail des mesures disciplinaires appropriées, puis examiner les facteurs aggravants et atténuants afin de sélectionner les mesures disciplinaires appropriées dans le cas en particulier. Cette démarche est conforme au chapitre XII.1.11.15 du Manuel d’administration.

[31] Le point de départ pour la détermination des mesures disciplinaires appropriées est le Guide des mesures disciplinaires. Ce dernier présente une série de mesures disciplinaires recommandées pour tous les articles du Code de déontologie, y compris la conduite déshonorante visée à l’article 7.1. Les décisions antérieures des comités d’arbitrage et de déontologie peuvent également aider à déterminer les mesures à imposer.

Éventail des mesures disciplinaires appropriées pour l’allégation no 1

[32] Dans la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, les parties soulignent que le Guide des mesures disciplinaires ne traite pas expressément de la conduite décrite dans l’allégation no 1. Ils suggèrent que les messages texte envoyés par le gend. Scheepers se situent carrément dans la catégorie aggravée de l’incivilité. Le Guide des mesures disciplinaires associe à cette catégorie l’utilisation de jurons, d’épithètes raciaux, de comportements arrogants ou d’impolitesse envers un membre du public, un supérieur ou un employé.

[33] Dans la catégorie de l’incivilité, les mesures disciplinaires recommandées dans les cas mineurs sont des mesures disciplinaires simples (moins qu’une réprimande). Les cas mineurs comprennent les déclarations spontanées et la provocation. L’éventail normal comprend les mesures disciplinaires simples pouvant aller jusqu’à la confiscation d’une journée de solde. Dans les cas aggravés, qui incluent les propos à caractère raciste ou sexiste ou vulgaires et offensants, on impose la confiscation d’entre deux et dix jours de solde. Par conséquent, je trouve que l’éventail des mesures disciplinaires pour l’incivilité comprend les mesures simples (moins qu’une réprimande) et une sanction pécuniaire de 10 jours.

[34] Je conviens que les messages texte du gend. Scheepers étaient vulgaires, grossiers et offensants. En tant que tels, ils correspondent à la définition de l’incivilité énoncée dans le Guide des mesures disciplinaires, mais sa conduite est allée au-delà de l’incivilité. Dans l’avis d’audience disciplinaire, on décrit les messages texte comme étant « à caractère insultant, menaçant et harcelant ». Bien que la Couronne ait suspendu les procédures en avril 2020, le gend. Scheepers a été initialement accusé en vertu du paragraphe 372(3) du Code criminel, LRC (1985), ch. C-46. Cette disposition crée une infraction criminelle pour quiconque, sans excuse légitime et avec l’intention de harceler une personne, communique ou fait en sorte que des communications répétées soient faites avec elle par voie de télécommunication. Cela correspond davantage aux actions du gendarme Scheepers.

[35] Encore une fois, le Guide des mesures disciplinaires ne traite pas spécifiquement de ce type de comportement. Il examine d’autres infractions criminelles connexes, comme les voies de fait/la violence domestique et le fait de proférer des menaces. Étant donné la similitude sous-jacente de ces infractions avec le présent cas, il est utile de les examiner. Les débordements émotionnels ou les incidents isolés sont inclus dans l’éventail des cas mineurs qui propose une sanction pécuniaire de 1 à 2 jours. L’éventail normal suggère une sanction pécuniaire comprise entre 3 et 10 jours. L’utilisation d’une arme ou des actions soutenues sont les caractéristiques énumérées dans la fourchette des cas aggravés, qui suggère des mesures allant d’une sanction pécuniaire de 15 jours au congédiement.

[36] Les parties n’ont pas présenté de décisions de comités de déontologie antérieures pour m’aider à analyser cette allégation.

[37] Par conséquent, je conclus que l’éventail approprié de mesures disciplinaires pour la première allégation se situe entre des mesures disciplinaires simples (moins qu’une réprimande) et une sanction pécuniaire de 15 jours.

Éventail des mesures disciplinaires appropriées pour l’allégation no 2

[38] Pour les raisons énoncées précédemment, j’ai qualifié la conduite du gend. Scheepers dans l’allégation no 2 d’ivresse publique/conduite désordonnée. Le Guide des mesures disciplinaires contient une section qui traite expressément de l’intoxication publique et de la conduite désordonnée. Dans le cadre des mesures atténuées, le Guide des mesures disciplinaires suggère des mesures correctives, comme un traitement contre l’alcoolisme. L’éventail normal recommandé est une sanction pécuniaire comprise entre deux et dix jours. La catégorie aggravée comprend les comportements belliqueux ou obscènes qui se sont produits à la vue du public et/ou qui ont entraîné une arrestation par la police. L’éventail recommandé est une sanction pécuniaire comprise entre 11 et 15.

[39] Dans les observations conjointes, les parties ont examiné la conduite du gend. Scheepers dans le contexte du harcèlement et ont suggéré que l’on peut soutenir que la question se situe dans la fourchette d’une pénalité financière de 10 à 15 jours.

[40] Encore une fois, les parties ne m’ont pas présenté de décisions antérieures d’un comité de déontologie pour m’aider à analyser l’allégation.

[41] Par conséquent, j’estime que la gamme appropriée de mesures disciplinaires pour l’allégation no 2 se situe entre des mesures disciplinaires simples (moins qu’une réprimande) et une sanction pécuniaire de 15 jours.

Éventail des mesures disciplinaires appropriées pour l’allégation no 3

[42] Le Guide des mesures disciplinaires contient une section qui traite expressément de la première infraction de conduite avec facultés affaiblies d’un véhicule. La mesure disciplinaire recommandée dans l’éventail des cas mineurs est une sanction pécuniaire de dix jours. Les considérations suggérées dans l’éventail comprennent l’absence de condamnation au criminel, une faible alcoolémie, l’absence d’accident et de preuve de l’incapacité à conduire, traitement pour l’alcoolisme. L’éventail recommandé pour les cas normaux est une sanction pécuniaire de 15 à 25 jours. Dans la catégorie des cas aggravés, le Guide des mesures disciplinaires recommande une sanction pécuniaire comprise entre 26 et 45 jours, avec les considérations suivantes : accident ou blessure, utilisation d’un véhicule de la Gendarmerie, alcoolémie élevée, tentatives de favoritisme et comportement non coopératif.

[43] En tenant compte des observations du gend. Scheepers aux allégations et de la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, les parties m’ont fourni trois décisions d’arbitrage ou de comités de déontologie antérieurs concernant la conduite avec facultés affaiblies d’un véhicule. Ces cas appuient l’imposition de mesures disciplinaires importantes autres que le congédiement dans des circonstances appropriées.

[44] Dans l’affaire Officier approprié de la Division E c. gendarme Grainger (2010), 6 D.A. (4e) 225, le membre visé faisait face à une allégation de conduite scandaleuse liée à un incident de conduite avec facultés affaiblies d’un véhicule. Les facteurs aggravants étaient que sa conduite dangereuse avait entraîné le renversement d’un seul véhicule et que ses facultés étaient fortement affaiblies. Les facteurs atténuants étaient que le membre visé avait reçu du counseling, qu’il s’abstenait de consommer de l’alcool et qu’il a coopéré tout au long du processus, notamment en acceptant rapidement sa responsabilité. À la suite d’une présentation conjointe, le Comité de déontologie a infligé une réprimande et la confiscation de dix jours de solde, soit la sanction pécuniaire la plus élevée prévue par l’ancien régime disciplinaire.

[45] Dans l’affaire Officier approprié de la Division F c. sergent Wilson, 2017 DARD 6, Le membre visé a admis une seule allégation de conduite avec facultés affaiblies d’un véhicule pour laquelle il a été condamné au criminel. Le membre visé avait fait l’objet de mesures disciplinaires auparavant pour la conduite avec facultés affaiblies d’un véhicule et une autre infraction liée à l’alcool. Les parties ont présenté une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires qui comprenait une réprimande, une rétrogradation indéfinie du grade de sergent à celui de gendarme, des tests pendant le service pour au moins deux années, des tests hors service et l’affectation à d’autres tâches. Tout en notant que les facteurs aggravants l’emportaient sur les facteurs atténuants, le Comité de déontologie a envisagé le congédiement. En fin de compte, le Comité de déontologie a accepté les observations conjointes des parties. Le point de bascule apparent pour le Comité de déontologie était que le membre concerné avait accepté l’imposition d’une mesure de contrôle de l’alcoolémie, une mesure nouvelle à l’époque, qui avait des conséquences disciplinaires en cas de manquement à l’abstinence d’alcool.

[46] Dans l’arrêt Commandant de la Division K c. caporal Doktor, 2020 CAD 18, le Comité de déontologie a imposé plusieurs mesures disciplinaires très importantes n’incluant pas le congédiement, et ce, malgré des facteurs aggravants incluant une contravention antérieure au Code de déontologie incluant la conduite avec facultés affaiblies d’un véhicule, une alcoolémie élevée et un comportement agressif, obstructif et violent envers les enquêteurs. En justifiant le maintien en poste du membre visé, le Comité de déontologie a souligné qu’il acceptait volontiers la responsabilité de ses actes et qu’il déployait des efforts impressionnants pour se réhabiliter. Ces facteurs ont donné au Comité de déontologie « une confiance rare en un faible risque de récidive ».

[47] Je note qu’à l’exception de l’utilisation d’un véhicule de la Gendarmerie, les actions du gend. Scheepers comportaient toutes les considérations identifiées pour l’éventail des cas graves. Bon nombre des facteurs aggravants et atténuants identifiés dans les décisions citées du Comité de déontologie sont présents dans cette affaire. Par conséquent, j’estime que les mesures disciplinaires appropriées pour cette allégation se situent dans l’éventail qui suit : sanction pécuniaire de 15 à 45 jours.

Éventail des mesures disciplinaires cumulatives appropriées pour les trois allégations

[48] Dans sa réponse aux allégations, le gend. Scheepers a vigoureusement plaidé en faveur de mesures disciplinaires « propres aux allégations » plutôt que d’imposer des mesures disciplinaires globales. Il a fondé cette position sur deux facteurs. Premièrement, l’allégation no 1 s’est produite des mois avant les événements distincts énoncés dans les allégations nos 2 et 3. Deuxièmement, bien que les allégations nos 2 et 3 se soient produites le même jour, le fondement de ces deux allégations est sensiblement différent. Malgré cette position initiale, la soumission conjointe proposait des mesures disciplinaires globales.

[49] Il est possible d’imposer des mesures disciplinaires individualisées dans ce cas. La nature de la conduite dans les trois allégations est distincte et perceptible. Les facteurs aggravants sont facilement attribuables à chaque allégation. Cependant, les mesures globales minimisent la redondance des facteurs atténuants les plus importants puisqu’elles sont généralement applicables aux trois allégations.

[50] La proposition conjointe n’exclut pas la possibilité d’un congédiement en l’absence de circonstances atténuantes significatives. Toutefois, l’analyse qui précède suggère qu’une sanction pécuniaire importante, associée à d’autres mesures disciplinaires, permettrait d’atteindre les objectifs de dissuasion et de réparation des mesures disciplinaires, ce qui est approprié en l’espèce.

[51] Je constate que l’éventail cumulatif approprié pour les sanctions pécuniaires se situe entre 30 et 70 jours. Toutefois, aux pages 5 et 6 du Guide des mesures disciplinaires, on fournit des instructions supplémentaires concernant l’imposition d’une sanction pécuniaire maximale. Comme l’indique le Guide des mesures disciplinaires, bien qu’il n’y ait pas de sanction pécuniaire maximale prévue par la loi, comme c’était le cas sous l’ancien régime disciplinaire de la GRC, « il existe un maximum pratique au-delà duquel des mesures pécuniaires ou autres ne devraient pas être imposées. D’ailleurs, si l’autorité disciplinaire est d’avis que la conduite d’un membre mérite une sanction plus sévère, elle peut envisager un congédiement. »

[52] Le Guide des mesures disciplinaires propose un maximum « souple » équivalent à la confiscation de la solde pour une période de 30 jours pour une infraction jumelée à des circonstances aggravantes, mais lorsque le congédiement n’est pas envisagé. Dans ce cas-ci, l’autorité disciplinaire a convoqué une audience disciplinaire. Cela signifie qu’elle a envisagé le congédiement. Par conséquent, le maximum « souple » ne s’applique pas dans ce cas-ci.

[53] De plus, le Guide des mesures disciplinaires fournit une recommandation sur le maximum « ferme » de la confiscation de la solde. À cet égard, le Guide précise ce qui suit :

[…]

Un maximum « ferme » équivalent à la confiscation de la solde pour une période de 31 à 45 Jours pour les infractions graves où le congédiement est une possibilité. Ce maximum ferme est à envisager lorsque l’autorité disciplinaire hésite entre le maintien en poste et le congédiement d’un membre, mais décide de maintenir le membre en poste, à la lumière de toutes les circonstances aggravantes et atténuantes. Un membre qui se voit imposer la confiscation de 45 jours de solde devrait être soulagé d’avoir pu conserver son emploi à la fin de la [rencontre] disciplinaire.

[…]

[54] À la lumière de ce qui précède, l’éventail des sanctions pécuniaires globales appropriées dans cette affaire est la confiscation d’entre 30 et 45 jours de solde.

Facteurs aggravants et atténuants

[55] Les parties m’ont fourni les facteurs aggravants suivants dans leur proposition conjointe sur les mesures disciplinaires :

Allégation no 1

a. Le gend. Scheepers a envoyé plus de cent messages « préoccupants » à Mme M. S. et aux membres de sa famille immédiate.

b. Les actions du gend. Scheepers ont fait en sorte que Mme M. S. craigne que sa sécurité et celle de ses enfants étaient en péril.

c. Les membres de la famille de Mme M. S., qui sont des membres retraités ou actifs de la GRC, craignaient également que leur sécurité et celle de leur famille soient en péril.

Allégation no 2

a. La conduite décrite à l’allégation no 2 est survenue environ quatre mois après l’événement lié à l’allégation no 1. À ce moment, une enquête de déontologie relativement à l’allégation no 1 était en cours.

b. La conduite du gend. Scheepers a tant préoccupé un membre du public qu’elle a téléphoné au 911.

Allégation no 3

a. La conduite décrite à l’allégation no 2 est survenue environ quatre mois après l’événement lié à l’allégation no 1. À ce moment, une enquête de déontologie relativement à l’allégation no 1 était en cours.

b. L’alcoolémie du gend. Scheepers était trois fois plus élevé que la limite permise.

c. Le gend. Scheepers a conduit son véhicule de manière irrégulière et dangereuse qui aurait pu avoir de graves conséquences pour les membres du public.

d. L’incident a donné lieu à un accident de la route.

[56] J’accepte les facteurs aggravants présentés par les parties et j’ajoute ceux qui suivent :

Allégation no 1

a. Même si la Couronne a suspendu les accusations criminelles en avril 2020, le gend. Scheepers avait initialement été accusé d’un chef en vertu de l’article 264 (harcèlement criminel) et de deux chefs en vertu du paragraphe 372(3) (communications harcelantes) du Code criminel, LRC (1985), ch. C-46.

Allégation no 2

a. L’incident est survenu en public et a impliqué des membres du public.

b. Les actions du gend. Scheepers ont fait en sorte que les jeunes femmes accostées craignaient que leur sécurité soit en péril.

c. Même si les jeunes femmes ont demandé au gend. Scheepers d’arrêter, il a continué ses avances inappropriées.

d. Même si sa conduite a entraîné l’allégation no 3, elle a quand même nui à la circulation normale de façon importante et inutile, ce qui a touché d’autres membres du public.

Allégation no 3

a. Le gend. Scheepers était extrêmement agressif envers le membre qui enquêtait sur l’accident de la route et l’infraction de conduite avec facultés affaiblies.

b. Le gend. Scheepers a tenté de se servir de son statut de policier pour obtenir une faveur (c.-à-d. il s’est identifié en tant que policier).

[57] Les parties ont présenté les facteurs atténuants suivants dans la proposition conjointe. Je les accepte et souligne que la plupart d’entre eux s’appliquent aux trois allégations.

  1. Le gend. Scheepers a exprimé le désir de résoudre les allégations le plus rapidement possible. Son admission des allégations a évité la nécessité de tenir une audience contestée.
  2. Le gend. Scheepers a exprimé des remords quant à ses gestes et a offert des excuses à Mme M. S. et au gend. Brown.
  3. Le gend. Scheepers n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires.
  4. Les incidents liés aux allégations sont des incidents isolés.
  5. Le gend. Scheepers a fait et continue de faire des travaux communautaires. Il est notamment dévoué à utiliser son expérience pour aider à réhabiliter d’autres personnes confrontées à des situations semblables.
  6. Au moment de l’inconduite, le gend. Scheepers était confronté à des facteurs de stress personnels intenses, y compris l’isolement culturel et familial, un stress professionnel considérable, et ce, tout en souffrait d’un trouble de stress post-traumatique et d’un trouble lié à la consommation d’alcool.
  7. Depuis son inconduite, le gend. Scheepers, de sa propre initiative, a reçu et continue de recevoir des traitements pour ses troubles psychologiques diagnostiqués.
  8. Le gend. Scheepers a conclu une entente de plan de suivi avec le médecin-chef des Services de santé de la Division E le 12 septembre 2020. Cette entente demeurera en vigueur pendant deux années à partir de cette date.
  9. Lorsque les parties ont présenté la proposition conjointe, le gend. Scheepers n’avait pas consommé d’alcool depuis plus de 13,5 mois.

[58] Les problèmes médicaux du gend. Scheepers, tant physiques que psychologiques, et ses efforts de réadaptation sont exposés dans les nombreuses lettres qu’il a fournies de la part de ses divers soignants ainsi que d’un évaluateur indépendant, spécialisé dans la médecine de la toxicomanie. Les lettres sont claires. Le gend. Scheepers a pleinement participé à son plan de traitement. Il a démontré son engagement en participant à des traitements résidentiels à deux reprises. Il participe activement à des programmes de rétablissement ambulatoires et est déterminé à suivre la « voie du rétablissement ». Son pronostic de retour au travail est excellent. Toutefois, le rapport de l’évaluateur indépendant contient une mise en garde. Certains des facteurs de stress importants qui ont donné lieu à sa mauvaise conduite continuent d’exister. Certains de ces facteurs de stress, comme cette procédure disciplinaire, les affaires criminelles et son divorce, disparaîtront à court terme, mais d’autres non. Par conséquent, il devra être « hyper vigilant pour s’assurer de rester pleinement connecté avec la communauté de rétablissement et les soutiens professionnels » afin de s’assurer qu’une rechute ne se produise pas. L’entente de plan de suivi lui apporte un certain réconfort à cet égard.

[59] En ce qui concerne mon examen des troubles psychologiques diagnostiqués, le gend. Scheepers a présenté la décision rendue dans l’affaire Commandant de la Division F c. gendarme Mills, 2019 DARD 4. Essentiellement, cette décision soutient même si un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (ou tout autre trouble psychologique pertinent) ne dispense pas un membre de la responsabilité de ses actions, un diagnostic qui explique raisonnablement les actions du membre constitue un facteur atténuant très important.

[60] Le dossier de travail positif du gend. Scheepers figurait dans la liste des facteurs atténuants fournie dans la proposition conjointe des parties. Dans sa réponse aux allégations, il m’a fourni plusieurs documents liés au rendement, notamment une évaluation annuelle de l’exercice 2009-2010, des journaux de rendement datés de 2008 et de 2012, des évaluations de la formation des cadets et de l’encadrement sur le terrain de 2008 et 2009. Ces documents sont tous plutôt anciens. Même s’ils montrent que le gend. Scheepers a été prometteur au début de sa carrière, ils donnent peu d’information sur son rendement récent. La seule information récente qui m’a été fournie est une lettre d’accompagnement pour un processus de promotion au début de 2018. La lettre rédigée par le gend. Scheepers est intéressée, puisqu’elle avait pour but l’obtention d’une promotion. La lettre d’accompagnement n’est pas une évaluation objective de son rendement; elle n’a donc aucune valeur dans le cas qui nous occupe.

[61] Enfin, le gend. Scheepers m’a présenté neuf lettres d’appui provenant de collègues, de pairs et de superviseurs. Bien qu’une lettre l’ait qualifié de « vrai gendarme », les lettres parlent surtout du gend. Scheepers « l’homme », plutôt que du gend. Scheepers « le policier ». La saveur générale de ces lettres est que le gend. Scheepers est un homme d’honneur altruiste, joyeux, chaleureux, confiant, mais humble. Sa mauvaise conduite, en particulier l’allégation no 1, ne lui ressemble pas du tout. Il regrette sincèrement ses actes et éprouve de profonds remords.

Conclusion sur les mesures disciplinaires

[62] Après avoir examiné les preuves dont je dispose, la nature de l’inconduite, les facteurs atténuants et aggravants, ainsi que les observations conjointes des parties, je ne peux conclure que la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires soumise par les parties jetterait le discrédit sur l’administration de la justice ou qu’elle est contraire à l’intérêt public.

[63] Je ne peux pas sous-estimer la gravité de l’inconduite du gend. Scheepers. En l’absence de facteurs atténuants importants, le congédiement était certainement une option. Toutefois, comme l’avocat du gend. Scheepers l’a souligné à juste titre dans sa réponse aux allégations, le gend. Scheepers a vécu « une tempête parfaite » en termes de facteurs de stress dans sa vie personnelle et professionnelle, ce qui a mené à ce que d’autres, y compris le gend. Scheepers, ont décrit comme un « effondrement ».

[64] Le gend. Scheepers a accepté la responsabilité de ses actes en reconnaissant rapidement et sans équivoque les allégations. Il a accepté de répondre de ses actes, mais il demande une deuxième chance.

[65] En tandem avec d’autres mesures disciplinaires, la réprimande donne à l’autorité disciplinaire une occasion officielle de communiquer au gend. Scheepers la désapprobation de l’organisation à l’égard de ses actions. Comme je l’ai indiqué, une sanction pécuniaire de 45 jours se situe à l’extrémité supérieure de l’éventail des conséquences acceptables. L’inadmissibilité à une promotion pendant trois ans reconnaît la gravité des actions du gend. Scheepers. L’acceptation de se conformer à l’entente de plan de suivi fournit un mécanisme pour promouvoir sa réadaptation et repérer les cas de non-conformité qui pourraient mener à une future inconduite.

[66] Les mesures disciplinaires proposées sont une combinaison appropriée de mesures simples et graves qui reflètent les circonstances de cette affaire. Par conséquent, j’accepte la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires présentée par les parties.

CONCLUSION

[67] Il a été démontré que les allégations sont fondées. Conformément à la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires présentées par les parties, les mesures disciplinaires suivantes sont imposées :

  1. conformément à l’alinéa 3(1)i) des CC (déontologie), une réprimande, à savoir la présente décision écrite;
  2. conformément à l’alinéa 3(1)j) des CC (déontologie), une sanction financière de 45 jours de solde qui sera confisquée de la paye du gend. Scheepers;
  3. conformément à l’alinéa 3(1)b) des CC (déontologie), l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois;
  4. par consentement en vertu du paragraphe 3(2) des CC (déontologie), le gend. Scheepers respectera les paragraphes 8 et 9 de son entente de plan de suivi pour une période de deux années qui prendra fin à minuit le 12 septembre 2022. Voici les paragraphes pertinents :

8. Je consens que je devrai communiquer avec mon surveillant [entreprise] à une fréquence déterminée [par] l’entreprise, et j’autorise l’entreprise à fournir des rapports d’étape de vive voix et par écrit au [médecin-chef] à tout moment, mais au moins une fois par mois, et ce, par téléphone, par télécopieur ou par courriel.

9. Je consens à fournir des échantillons d’urine, de sang, de cheveux ou d’haleine lorsque l’entreprise de surveillance en fait la demande et dans les délais imposés.

[68] En acceptant la proposition conjointe, je donne au gend. Scheepers la chance de continuer sa carrière à la GRC. Cependant, toute infraction future au Code de déontologie sera examinée de très près par ses superviseurs et l’autorité disciplinaire compétente et pourrait entraîner son congédiement de la Gendarmerie.

[69] Toute mesure provisoire en place doit être résolue conformément à l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[70] Il s’agit de ma décision écrite finale. Selon le paragraphe 25(3) des CC (déontologie) la décision doit être signifiée aux parties. La décision peut faire l’objet d’un appel auprès de la commissaire en remplissant une déclaration d’appel dans les 14 jours suivant la présentation de la décision [article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289].

 

12 février 2021

Kevin L. Harrison

Autorité disciplinaire

 

 

 

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