Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le gendarme Sandhu a reçu signification d’un avis d’audience disciplinaire contenant trois allégations formulées au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Selon l’allégation no 1, le gendarme Sandhu a commis des actes de violence conjugale. Selon l’allégation no2, il a consommé de la marihuana avant sa légalisation et, une fois, lorsque sa femme le lui a reproché, il s’est mis en colère et a détruit des biens. Selon l’allégation no 3, le gendarme Sandhu a envoyé des messages textes menaçants à un ancien collègue.
L’audience disciplinaire dans la présente affaire s’est tenue par vidéoconférence après que le comité de déontologie a décidé qu’en raison de la pandémie de COVID-19, il était déraisonnable de tenir une audience en personne.
Le 20 janvier 2021, le comité de déontologie a rendu une décision de vive voix selon laquelle les trois allégations étaient fondées.
Le 10 février 2021, après l’étape des mesures disciplinaires de l’audience, le comité de déontologie a rendu sa décision de vive voix, dans laquelle il a ordonné au gendarme Sandhu de démissionner de la Gendarmerie dans les quatorze jours suivants et, à défaut de quoi il serait congédié.

Contenu de la décision

Protégé A

2021 DAD 07

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

dans l’affaire d’une

audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

Entre :

le surintendant principal Michel Legault

Autorité disciplinaire déléguée, Division E

Autorité disciplinaire

et

le gendarme Navjot Singh Sandhu

Numéro de matricule 56229

Membre visé

Décision du comité de déontologie

Inspecteur Colin Miller

Le 26 février 2021

Sergent d’état-major Jonathon Hart, représentant de l’autorité disciplinaire

M. Gordon Campbell et M. Gary Chayko, représentants du membre visé


Table of Contents

RÉSUMÉ 4

INTRODUCTION 4

Question préliminaire 6

ALLÉGATIONS 6

Observations du représentant de l’autorité disciplinaire 15

Allégation no 1 15

Allégation no 2 17

Allégation no 3 17

Observations du représentant du membre visé 17

Allégation no 1 18

Allégation no 2 18

Allégation no 3 19

Contre-preuve du représentant de l’autorité disciplinaire 19

Normes d’évaluation 19

Norme de preuve 19

Évaluation des témoins 20

Décision relative aux allégations 22

Allégation no 1 22

Allégation no 2 30

Allégation no 3 34

MESURES DISCIPLINAIRES 36

Observations du représentant de l’autorité disciplinaire 36

Observations du représentant du membre visé 39

Décision relative aux mesures disciplinaires 43

Facteurs aggravants 45

Facteurs atténuants 46

Conclusion 47

 

RÉSUMÉ

Le gendarme Sandhu a reçu signification d’un avis d’audience disciplinaire contenant trois allégations formulées au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Selon l’allégation no 1, le gendarme Sandhu a commis des actes de violence conjugale. Selon l’allégation no2, il a consommé de la marihuana avant sa légalisation et, une fois, lorsque sa femme le lui a reproché, il s’est mis en colère et a détruit des biens. Selon l’allégation no 3, le gendarme Sandhu a envoyé des messages textes menaçants à un ancien collègue.

L’audience disciplinaire dans la présente affaire s’est tenue par vidéoconférence après que le comité de déontologie a décidé qu’en raison de la pandémie de COVID-19, il était déraisonnable de tenir une audience en personne.

Le 20 janvier 2021, le comité de déontologie a rendu une décision de vive voix selon laquelle les trois allégations étaient fondées.

Le 10 février 2021, après l’étape des mesures disciplinaires de l’audience, le comité de déontologie a rendu sa décision de vive voix, dans laquelle il a ordonné au gendarme Sandhu de démissionner de la Gendarmerie dans les quatorze jours suivants et, à défaut de quoi il serait congédié.

INTRODUCTION

[1] Les incidents allégués dans la présente affaire se sont produits entre le mois d’octobre 2011 et le 18 février 2019, alors que le gendarme Navjot Sandhu travaillait à titre de membre aux Services généraux en Colombie-Britannique. En application du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC], des enquêtes sur les actes du gendarme Sandhu ont été lancées le 29 novembre 2018 et le 20 février 2019.

[2] Le 20 août 2019, l’autorité disciplinaire, Division f, a signé un avis à l’officier désigné, dans lequel elle demandait la convocation d’une audience disciplinaire à l’égard de la présente affaire. Le 23 août 2019, j’ai été nommé au comité de déontologie en application du paragraphe 43(1) de la Loi sur la GRC.

[3] Le 10 décembre 2019, l’autorité disciplinaire a signé l’avis d’audience disciplinaire, qui a été signifié au gendarme Sandhu le 8 janvier 2020. Le dossier d’enquête lui a été remis au même moment.

[4] Le 16 mars 2020, le gendarme Sandhu a remis sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Il a admis certains détails, mais a nié les trois allégations.

[5] Le 25 mars 2020, après une première conférence préparatoire (CP 1), j’ai transmis un résumé de la rencontre aux parties, dans lequel ces dernières reconnaissaient qu’en raison de l’incertitude liée à la pandémie de COVID-19, une audience disciplinaire prévue à Richmond, en Colombie-Britannique, serait probablement tenue à l’automne.

[6] Le 8 juin 2020, une deuxième conférence préparation (CP 2) a eu lieu, au cours de laquelle il a été convenu de commencer l’audience disciplinaire le 8 décembre 2020, à Richmond. Toutefois, j’ai avisé les parties que, si les restrictions relatives aux déplacements étaient maintenues ou rétablies en raison de la COVID-19, j’avais l’intention de tenir l’audience disciplinaire par vidéoconférence. Après la CP 2, je me suis rendu compte que j’avais une autre affaire prévue pour la semaine du 8 décembre 2020. Il a donc été convenu que l’audience disciplinaire débute le 5 janvier 2021.

[7] Le 26 novembre 2020, après avoir pris en compte la préférence des parties pour une audience en personne ainsi que les restrictions et les risques liés au voyage en raison de la pandémie de COVID-19, j’ai avisé les parties que l’audience disciplinaire se tiendrait par vidéoconférence.

[8] Le 23 décembre 2020, j’ai reçu un addenda à la réponse du gendarme Sandhu à l’avis d’audience disciplinaire du représentant du membre visé. Dans l’addenda, signé par le gendarme Sandhu, celui-ci a admis qu’en fonction uniquement des faits qu’il a énoncés dans sa réponse initiale, les actes qui lui sont reprochés dans les allégations nos 2 et 3 constituaient une conduite déshonorante en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie.

[9] Le 20 janvier 2021, j’ai rendu une décision de vive voix, dans laquelle j’ai conclu que les allégations étaient fondées.

[10] Le 10 février 2021, j’ai rendu ma décision de vive voix sur les mesures disciplinaires. La présente décision écrite intègre et approfondit les décisions rendues de vive voix.

Question préliminaire

[11] Le 4 janvier 2021, la veille de l’audience disciplinaire, le représentant du membre visé a fourni des documents sur lesquels il avait l’intention de s’appuyer et qui comprenaient certains rapports médicaux. Au début de l’audience disciplinaire, le représentant de l’autorité disciplinaire a soulevé la question de la communication tardive des renseignements médicaux et a affirmé que certains de ces documents constituaient une [TRADUCTION] « preuve d’expert ». Par conséquent, il a soutenu que le représentant du membre visé avait contrevenu au paragraphe 19(2) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, en raison du fait qu’il n’avait pas donné l’avis requis prévu à cette disposition.

[12] Comme ces documents devaient être présentés à l’étape des mesures disciplinaires, j’ai indiqué que l’étape des allégations se poursuivrait et que si un élément préoccupait le représentant de l’autorité disciplinaire, il pourrait alors formuler ses objections. J’ai également examiné les documents en question pour m’assurer qu’ils ne contenaient aucun renseignement pouvant être utilisé à l’étape des allégations.

[13] Après que les parties ont présenté leurs observations à l’égard des allégations, il a été convenu qu’elles discuteraient dans le but de régler cette question de façon informelle. Le 20 janvier 2021, après que j’ai rendu ma décision de vive voix concernant les allégations, les parties m’ont avisé que cette question avait été réglée.

ALLÉGATIONS

[14] L’avis d’audience disciplinaire renferme les allégations suivantes :

[TRADUCTION]

Allégation no 1

D’octobre 2011 jusqu’au 22 novembre 2018, à Coquitlam (Colombie-Britannique) ou dans les environs, le gendarme Navjot Singh SANDHU s’est conduit de manière déshonorante en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. En octobre 2011, vous étiez marié à Mme [J. M.]. Votre mariage était heureux jusqu’à ce que vous commenciez à boire en 2013. Dans sa déclaration à la police, Mme [J. M.] a indiqué ce qui suit : « Euh, puis en 2013, il a recommencé à boire. Je crois que c’était en 2013. Et puis, euh, il ne buvait pas tous les jours, mais quand il buvait, il devenait ivre et quand il devenait ivre, il faisait peur, parce que, euh, lorsque nous nous disputions, euh, il me courait après dans la maison. Par exemple, si je disais : « Je m’en vais; tu es fou », il me suivait partout où j’allais. Par exemple, si j’allais à la salle de bain, il me suivait, et si je n’ouvrais pas la porte, il frappait dessus ».

3. Jusqu’en 2016, votre mariage a continué de se détériorer, à tel point que vous avez commencé à détruire des biens dans le foyer conjugal et que vous avez aussi menacé verbalement Mme [J. M.], lui disant que si jamais elle vous dénonçait à la police, vous feriez ce qui suit : « Je vais tout détruire, si tu appelles la police pour me dénoncer, je vais tout détruire, je détruirai la maison. » Mme [J. M.] a également déclaré que vous avez expressément mentionné votre fonction et votre titre en tant qu’agent de police si elle appelait la police : « Ouais. Et la raison pour laquelle je ne suis pas partie plus tôt, c’est qu’il me disait constamment : « Je suis un agent de police. Tu sais que, si tu me dénonces, les gens qui vont te répondre au 9-1-1 sont mes amis. Tu penses qu’ils vont te croire? » Vous savez, des choses comme ça… » Mme [J. M.] reconnaît également qu’elle n’a jamais appelé la police pendant vos disputes, car elle ne voulait pas qu’un tel appel nuise à votre travail en tant qu’agent de police. En février 2016, Mme [J. M.] est tombée enceinte et, à l’été 2016, vous avez commencé à être violent physiquement avec elle.

PREMIER INCIDENT DE VIOLENCE CONJUGALE – Juillet ou août 2016

4. Lorsque Mme [J. M.] était enceinte de six (6) ou sept (7) mois, vous avez eu une violente dispute avec elle dans votre foyer conjugal. Alors que Mme [J. M.] montait les marches, vous êtes arrivé par derrière et vous l’avez étranglée, ce qui lui a laissé de légères marques visibles le lendemain. Mme [J. M.] a décrit votre agression sur elle de la manière suivante : « Cette fois-là, il ne m’a pas traînée, il m’a juste étranglée, comme prise par le cou, puis je suis remontée en haut. Lorsque je suis retournée en haut, je suis allée dans ma chambre sur le lit et il est arrivé encore et m’a dit : « Qu’est-ce que tu fais? Qu’est-ce que tu vas faire? Vas-tu appeler la police? Pourquoi t’en vas-tu? Où vas-tu? » et je lui ai répondu : « Je ne vais pas appeler la police, fais juste me laisser tranquille. » Puis, euh, juste à quel point il a tenu mon cou et juste la pression qu’il a exercée sur ma mâchoire, ici, euh, je me souviens avoir eu un léger bleu le lendemain. »

5. Il est reconnu que Mme [J. M.] n’a pas dénoncé cette agression à la police. Mme [J. M.] a raconté l’incident à sa famille, mais lorsque sa mère lui a demandé avec insistance d’appeler la police, Mme [J. M.] a refusé et a dit ce qui suit : « C’est parce qu’il va perdre son travail. Ils étaient furieux contre moi et je leur ai dit qu’ils ne comprenaient pas, que si je leur dis, il perd son travail, et notre relation ne fonctionnera pas et notre mariage est fini. Est-ce que je pouvais faire ça? Je vais bientôt avoir un enfant, alors j’ai juste rien dit. »

DEUXIÈME INCIDENT DE VIOLENCE CONJUGALE – 15 octobre 2016

6. Le 15 octobre 2016, vous et Mme [J.M.] avez été à la fête d’anniversaire de sa nièce. À votre retour à la maison au volant de votre voiture, vous avez eu une violente dispute avec Mme [J.M.], parce que vous étiez contrarié qu’elle ait informé ses parents au sujet de la violence conjugale qui existe dans votre relation. Une fois arrivé à votre domicile conjugal, vous avez continué à boire et Mme [J.M.] vous a demandé d’arrêter et vous a retiré des mains la coupe d’alcool que vous aviez et a versé le contenu dans l’évier. Mme [J.M.] a décrit votre réaction ainsi : « [...] il a complètement perdu la tête et a commencé, alors que je suis enceinte, à me pourchasser, à me pourchasser, j’ai pris mon téléphone et j’ai appelé ma mère […] et il m’a retiré le téléphone des mains et l’a détruit. Il l’a comme écrasé et euh, je n’avais pas de téléphone et je suis montée à l’étage, je marchais et quand j’ai pris la première marche, il m’a saisie de nouveau et m’a poussée sur les escaliers et ensuite j’ai pris et puis quand je me suis retournée, comme j’ai essayé de remonter, là je regarde devant moi, il m’a trainée en haut en me tirant par derrière, pas par devant, par derrière. »

7. Mme [J.M.] a couru dans votre chambre et vous l’avez suivie. La dispute a continué et vous lui avez demandé de prendre une douche pour tenter de dissimuler vos actes à vos locataires qui vivaient dans le sous-sol de votre résidence en lui disant ceci : « […] va dans la salle de bain, parce qu’on va appeler la police, je sais que les gens au sous-sol peuvent entendre, va dans la salle de bain, ouvre le robinet de douche, fait semblant de prendre ta douche, parce que, quand la police va venir, elle va demander ce qui s’est passé, on ne répond pas à la porte, je sais que les personnes au sous-sol vont appeler et il suffit simplement que tu ailles prendre ta douche. »

8. Après sa douche, Mme [J.M.] a quitté votre foyer conjugal à pied et a téléphoné à un membre de sa famille proche pour venir la chercher à un dépanneur 7-Eleven le plus proche de votre résidence.

9. Le 16 octobre 2016, Mme [J.M.] devait remplacer son « iPhone » plié et brisé à la suite de vos actes délibérés visant à détruire son téléphone cellulaire.

TROISIÈME INCIDENT DE VIOLENCE CONJUGALE – Mai 2017

10. Votre fille, [nom caviardé], est née le 2 novembre 2016. Votre mariage a continué à se détériorer après la naissance de [votre fille]. Certains jours, vous avez verbalement menacé Mme [J.M.] de faire ce qui suit, si jamais elle signalait vos actes de violence conjugale : « Je vais détruire ta vie si jamais tu me trahis et que tu appelles la police, je détruirai ta vie, je vous ruinerai, toi et ta famille […] » Il est encore une fois reconnu que Mme [J.M.] n’a pas signalé ces menaces.

11. En mai 2017, vous et Mme [J.M.] avez eu une dispute verbale concernant vos responsabilités parentales. Au moment de la dispute, Mme [J.M.] tenait une tasse de thé vert dans ses mains et vous avez réagi en poussant le thé qui s’est répandu sur sa poitrine. Mme [J.M.] a déclaré que le thé était chaud au moment où vous l’aviez poussé sur elle étant donné qu’elle venait de le préparer.

12. Mme [J.M.] a précisé qu’elle n’a pas signalé cet incident à la police, parce qu’elle s’inquiétait du fait que, puisque vous êtes un agent de police, cela veut dire qu’elle signalerait les abus à vos collègues de travail.

SÉPARATION D’AVEC MME [J.M.] – 30 août 2018

13. Le 30 août 2018, vous avez quitté le foyer conjugal avec [votre fille]. Mme [J.M.] a contacté la GRC à Coquitlam pour se plaindre que vous étiez parti avec [votre fille] sans son consentement et la police s’est rendue sur les lieux. Le dossier no 2018-27047 de la GRC à Coquitlam a été créé relativement à l’enquête. Mme [J.M.] a par la suite obtenu une ordonnance du tribunal de la famille rendue par la protonotaire Scarth de la Cour suprême de New Westminster et vous enjoignant de retourner [votre fille]. Le 31 août 2018, vous avez retourné [votre fille] sans incident à Mme [J.M.]. Celle-ci a quitté le foyer conjugal.

PLAINTE DE HARCÈLEMENT – 17 novembre 2018

14. Le 17 novembre 2018, Mme [J.M.] a communiqué avec la GRC à Surrey pour signaler une plainte de harcèlement et le dossier de la GRC no 2018-171562 a été créé. Dans sa déclaration à la police, Mme [J.M.] a mentionné les allégations de violence conjugale. La GRC à Coquitlam a été chargée d’enquêter sur les allégations antérieures de violence conjugale et le dossier de la GRC no 2018-36076 a été créé. Le 22 novembre 2018, le gendarme Inderjeet SANDHU, de la GRC à Coquitlam, a obtenu une déclaration de la part de Mme [J.M.] concernant les incidents de violence conjugale décrits dans l’énoncé détaillé susmentionné.

Allégation no 2

Le 1er Janvier 2015 ou entre le 1er Janvier 2015 et le 17 octobre 2018, à Coquitlam (Colombie-Britannique) ou dans les environs, le gendarme Navjot Singh SANDHU s’est conduit de manière déshonorante en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Alors que vous n’étiez pas de service, vous avez consommé de la marihuana dans le garage de votre résidence personnelle. Pendant toute la période visée par l’allégation, la marihuana était une substance illicite selon la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

3. Vous avez essayé de dissimuler à votre épouse, Mme [J.M.] votre consommation d’une substance illicite. Dans sa déclaration à la police le 17 novembre 2018, Mme [J.M.] a décrit la manière dont vous vous êtes mis en colère et détruit des biens lorsqu’elle vous a reproché votre consommation de la marihuana : « Et je lui dis que je ne veux pas de ce genre de choses illégales dans ma maison, parce que je ne bois pas, je ne fume pas, je ne fais rien. Et puis, euh, je suis descendue et je l’ai suivi dans le garage pour voir s’il le faisait encore après que j’avais fini de donner le bain à ma fille et que je l’avais installée dans le salon pour jouer et je suis descendue et il est revenu en courant après moi jusqu’à l’étage et il a dit « Pourquoi es-tu venue dans le garage? Je t’ai dit de ne pas venir dans le garage ». Il a ensuite commencé à jeter des objets dans la maison, comme dans, dans notre chambre principale et puis il est allé dans sa chambre et a simplement commencé à détruire son berc-, en renversant son berceau et sa bibliothèque et en lançant des objets partout. » Dans sa déclaration du 22 novembre 2018, Mme [J.M.] a décrit plus en détail comment vous aviez réagi en tordant et en arrachant le cou de la girafe, le jouet de [votre fille], après qu’elle vous avait reproché votre consommation de la marihuana.

Allégation no 3

Le 18 février 2019 ou vers cette date, à Maple Ridge (Colombie-Britannique) ou dans les environs, le gendarme Navjot Singh SANDHU s’est conduit de manière déshonorante en violation de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 18 février 2019, le sergent d’état-major [S.G.] s’est présenté au Détachement de la GRC de Coquitlam pour signaler des messages textes menaçants qu’il avait reçus de votre part. Le sergent d’état-major [S.G.] avait auparavant travaillé avec vous. Vous n’avez aucune excuse ou justification d’avoir envoyé les messages textes et surtout d’avoir menacé l’intégrité physique aussi bien du sergent d’état-major [S.G.] que de ses enfants. En outre, vous avez aussi menacé le sergent d’état-major [G.W.], membre de la GRC, dans les messages textes.

3. L’ensemble des messages textes menaçants se trouvent à l’annexe J et à l’annexe Z des documents communiqués relatifs au Code de déontologie pour le dossier de la Division « E » 2019-33684 (messages textes menaçants) et sont reproduits de la manière suivante :

+17788683380 Nav

T’es où? J’te cherche dans les rues. T’as volé mon c.v. pis tu l’as donné à […]??? Faut qu’on s’parle. Tu m’appelles ou je vais te voir à ton détachement? Laisse-moi savoir comment tu veux régler la situation. J’espère vraiment que t’as pas dit des choses en mal de mon c.v. pis que tu l’as utilisé après... J’espère que t’es pas con, mais j’ai l’impression que tu l’es. Tu l’savais que ça causerait problème. Si tu réponds pas, je vais te trouver. Laisse-moi savoir comment tu veux régler la situation?? T’es dans le gros trouble [S.G.]!!! J’suis vraiment fâché. T’as utilisé mon c.v. pis je t’ai vu!! Je vais litéralement te faire sucer ma graine si c’est ça que t’es; t’étais CENSÉ être du bord des bons policiers!! J’imagine que j’avais tort. T’es un policier corrompu maintenant, gros porc!! J’vais diffuser toute l’histoire, salope. Si t’envoies ce message texte-là à quelqu’un, je vais le savoir!!! Si tu parles de moi encore, je vais le savoir!! Si t’es assez intelligent, tu vas venir me voir personnellement, sinon t’es un POLICIER CORROMPU pour toujours!!! Haha Amuse toi au hockey pis ne me dis plus jamais que j’ai eu de la misère avec une source. C’est toi l’osti de loser que tout le monde dit qu’il a sucé des graines pour avoir une promotion. Pas moi, l’gros. J’aide les gens comme toi!! T’auras plus jamais de promotions [S.G.], merci bozo. Je t’aime, l’gros! haha T’es un policier corrompu qui a aidé le bozo et b watch. Ça va être l’heure de payer tes dettes!!! Pis fuck ta mère espèce de salope!!! J’ai hâte de te voir!!!! Oublie pas que t’es vraiment une salope qui fait tout ce que les FORCES te demandent de faire!! C’est ce que tout le monde dit... hahahahahaha T’es du côté de la direction. Continue à sucer des graines. T’es ma bitch maintenant... haha Essaye moi, gros porc! J’te cherche!! Réponds moi espèce de salope!!! Désolé pour le long message, ça fait longtemps qu’on a pas jasé ti-cul!! Haha Sois assuré que je vais litéralement te détuire cette fois-ci. UN SEUL MOT!!!! Haha bonne chance pour les 15 prochaines années [S.G.]. J’vais te détruire si tu dis une seule chose sur moi, bonne ou mauvaise. Nav Sandhu est ton papa maintenant, essaie-moi!!! PTI, j’te cherche toujours, salope!!!! Hahahaha!!! J’te tiens par les couilles!!! Trop drôle!!! Maintenant les gens de Coquitlam vont t’appeler le connard. Espèce de policier corrompu!!! Dis à […] que je lui dis bonjour!! J’espère que t’appelles quelqu’un parce que tu vas avoir besoin de soutien!!!!! ! Hahahahaha policier CORROMPU!!! […] m’a dit de te péter la gueule!!! PTI!! La chose la plus intelligente que tu pourrais faire c’est me texter pour qu’on se parle sinon je vais détruire ta carrière!!!! Haha je peux faire ça aussi!!!! J’peux pas croire que t’as baisé […], espère de gros dégueulasse!!! J’suis ton papa, l’gros!! Amuse toi!! Oublie pas qu’il faut qu’on se parle, salope!! Pis toute la GRC va savoir que t’es du bord des POLICIERS CORROMPUS!!!! Policier corrompu!!! Tu t’es vraiment mis dans la merde [S.G.]!!! Dis au bozo que Nav lui dis bonjour!!! Haha

État : Lu

Lu : 2/18/2019 2:39:16 AM (UTC-8) 2/18/2019 2:31:16 AM

(UTC-8)

+17788683380 Nav

UN SEUL MOT SALOPE!!!! J’attends

État : Lu

Lu : 2/18/2019 2:39:16 AM (UTC-8) 2/18/2019 2:38:41 AM

(UTC-8)

+17788683380 Nav

Haha t’a tu peur [S.G.]??

État : Lu

Lu : 2/18/2019 9:00:28 AM (UTC-8) 2/18/2019 9:00:04 AM

(UTC-8)

+17788683380 Nav

Quand est-ce que tu veux qu’on discute??

État : Lu

Lu : 2/18/2019 9:00:28 AM (UTC-8) 2/18/2019 9:00:14 AM

(UTC-8)

+17788683380 Nav

Qu’est-ce que tu penses de demain? C’est le jour de la famille aujourd’hui!!!! haha

État : Lu

Lu : 2/18/2019 9:20:24 AM (UTC-8) 2/18/2019 9:16:17 AM

(UTC-8)

+17788683380 Nav

Donne-moi une heure salope, sinon je me pointe chez toi!!

État : Lu

Lu : 2/18/2019 9:20:24 AM (UTC-8) 2/18/2019 9:16:34 AM

(UTC-8)

+17788683380 Nav

J’te cherche, gros porc. Appelle la police!!!! Hahahaha hahahaha

État : Lu

Lu : 2/18/2019 9:20:24 AM (UTC-8) 2/18/2019 9:17:31 AM

(UTC-8)

+17788683380 Nav

T’as fait un téléphone, salope!!! Je l’sais!!

État : Lu

Lu : 2/18/2019 10:35:59 AM (UTC-8) 2/18/2019 10:24:35 AM

(UTC-8)

+17788683380 Nav

Arrête d’appeler le monde, ça va être mieux pour toi!! Toi pis moi, l’gros

État : Lu

Lu : 2/18/2019 10:35:59 AM (UTC-8) 2/18/2019 10:28:10 AM

(UTC-8)

+17788683380 Nav

J’viens de parler à […] pis je lui ai dit que t’étais une salope. Si tu veux aller prendre un café, dis-le moi. Sinon ça va continuer!

État : Lu

Lu : 2/18/2019 12:16:42 PM (UTC-8) 2/18/2019 12:16:15 PM

(UTC-8)

+17788683380 Nav

T’utilises […], espèce de salope!!

État : Lu

Lu : 2/18/2019 1:06:12 PM (UTC-8) 2/18/2019 1:05:48 PM

(UTC- 8)

+17788683380 Nav

J’suis pas impressionné.

État : Lu

Lu : 2/18/2019 1:06:12 PM (UTC-8) 2/18/2019 1:05:53 PM (UTC- 8)

+17788683380 Nav

J’te cherche toujours.

État : Lu

Lu : 2/18/2019 1:06:12 PM (UTC-8) 2/18/2019 1:05:58 PM (UTC- 8)

+17788683380 Nav

Y paraît que tu sais que t’es ma salope maintenant!!! On peut laisser faire la discussion si j’te vois parler à quelqu’un que j’aime pas. J’vais tellement te démolir espèce de sale bozo de POLICIER corrompu qui suce des queues!! Tu mérites pas l’uniforme, salope! Laisse [G.W.] J’le cherche maintenant!! Fais attention à toi l’gros!! UN SEUL MOT à l’avenir, salope, pis tes enfants vivront pas vieux!! Je t’aime man, prends soin de toi!!

État : Lu

Lu : 2/18/2019 3:14:12 PM (UTC-8) 2/18/2019 3:13:48 PM (UTC- 8)

+17788683380 Nav

Appelle la police, espèce de corrompu

État : Lu

Lu : 2/18/2019 3 :14 :52 PM (UTC-8) 2/18/2019 3 :14 :34 PM (UTC- 8)

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ANNEXE Z_Derniers messages textes de votre part envoyés au sergent d’état-major [S.G.] (Capture d’écran)

J’ai eu un appel privé disant que c’était le mauvais numéro, salope!!! J’espère que c’était pas toi!! T’es le seul à qui j’ai parlé aujourd’hui. Haha espèce de sale policier.

Là, faut qu’on se parle encore [S.G.]!!!

J’aime pas ça recevoir des appels privés le jour de la famille pis les gens qui me disent que c’est un mauvais numéro. J’étais fâché tantôt, mais là c’est personnel. C’est plate à dire, j’avais laissé tomber, mais là je vais te démolir!!! T’es fait, l’gros!!

J’te cherche encore, salope!! Appelle pu jamais sur mon téléphone avec un numéro caché espèce de policier corrompu!!

Ça s’en vient, salope!!! Ça va être pour ma fille!!!

4. Le dossier no 2019-5308 de la GRC à Coquitlam a par la suite été créé et vous avez été arrêté et accusé au criminel relativement à vos actes.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[15] Il incombe à l’autorité disciplinaire d’établir le bien-fondé des allégations selon la prépondérance des probabilités. Concrètement, cela signifie que je dois déterminer si l’autorité disciplinaire a établi, pour chacune des allégations, qu’il est plus probable qu’improbable que le gendarme Sandhu ait contrevenu à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Observations du représentant de l’autorité disciplinaire

Allégation no 1

[16] Le représentant de l’autorité disciplinaire a reconnu que les événements en question étaient des événements passés et qu’ils n’avaient pas été signalés à la police. Il a souligné le témoignage de Mme J.M., dans lequel elle a expliqué les raisons pour lesquelles elle n’a pas signalé les incidents au moment où ils se sont produits, y compris sa culture indienne et sa vulnérabilité, compte tenu de l’étape de sa grossesse. Il a affirmé en outre que le gendarme Sandhu avait profité de la situation en lui disant que, si elle appelait la police, elle n’aurait aucun recours.

[17] Le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu que la preuve de Mme J.M. était claire et convaincante et qu’elle n’était pas dépourvue de vraisemblance. Il a ajouté que les aveux du gendarme Sandhu selon lesquels sa consommation d'alcool était un problème, qui avait donné lieu à un certain nombre de violentes disputes, mais sans qu’il ne s’en prenne jamais physiquement à Mme J.M. ou ne détruise des biens (parce qu’il devient la voix de la raison), ne semblent pas vraisemblables.

Premier incident

[18] Selon le représentant de l’autorité disciplinaire, il ne faudrait pas croire l’affirmation du gendarme Sandhu selon laquelle lui et Mme J.M. se disputaient au sujet du père de cette dernière, avant la naissance de leur fille. Mme J.M. a déclaré dans son témoignage que le gendarme Sandhu n’avait soulevé la question concernant son père qu’en février 2018. Avant cette date, il n’avait aucun problème, étant donné qu’ils avaient effectué plusieurs voyages en laissant leur fille avec les parents de Mme J.M. Le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu qu’il conviendrait de donner préséance au témoignage de Mme J.M., et que je devrais conclure que la conduite du gendarme Sandhu qui a consisté à étrangler et à pousser Mme J.M., lui causant des ecchymoses, est déshonorante.

Deuxième incident

[19] Le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé que l’argument du gendarme Sandhu selon lequel lui et Mme J.M. se disputaient au sujet de la garde de l’enfant par le père de Mme J.M., malgré le fait que l’incident se soit produit deux semaines avant la naissance de leur fille, est déraisonnable. Il a laissé entendre que la version des faits de Mme J.M., selon ses souvenirs, à savoir que la dispute du couple dans la voiture se rapportait au fait qu’elle avait parlé à ses parents de l’usage antérieur de la force par le gendarme Sandhu, est plus convaincante.

[20] Selon le représentant de l’autorité disciplinaire, le gendarme Sandhu était tellement inquiet du volume de leurs voix pendant la dispute qu’il avait forcé Mme J.M. de monter en la traînant sur plusieurs marches. Une fois arrivés à l’étage, ils ont continué de se disputer dans la salle de bain, où le gendarme Sandhu a demandé à Mme J.M. de prendre une douche pour atténuer le risque que ses actes soient découverts.

[21] De l’avis du représentant de l’autorité disciplinaire, les actes du gendarme Sandhu, l’usage de la force contre Mme J.M. et ses efforts visant à empêcher la découverte de ces actes devraient m’amener à conclure que sa conduite est déshonorante.

Troisième incident

[22] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que, bien qu’il y ait des renseignements obtenus de manière indirecte qui laissent croire que Mme J.M. a dit que le gendarme Sandhu avait [TRADUCTION] « lancé » le thé sur elle, il existe aussi des éléments de preuve qui corroborent son témoignage selon lequel il avait poussé le thé sur elle. À son avis, il y a lieu de croire Mme J.M., et le fait de verser du thé chaud sur quelqu’un est déshonorant.

Allégation no 2

[23] Dans ses observations, le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu que le gendarme Sandhu a fait un aveux inconditionnel de sa consommation de la marihuana et qu’il a reconnu qu’il était illégal et contraire à la politique de la GRC de consommer de la marihuana. Il a affirmé que le point 2 est établi sur ce fondement.

[24] En ce qui a trait au point 3, le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu que les affirmations suivantes du gendarme Sandhu n’étaient pas vraisemblables : Mme J.M. n’était pas réceptive à sa consommation de marihuana, il se mettait en colère lorsqu’elle faisait une scène, leur relation comportait de nombreuses disputes violentes, il était la voix de la raison, même s’il était sous l’effet de la marihuana et aucune de leurs disputes n’a dépassé le stade de la confrontation verbale.

Allégation no 3

[25] Bien que le gendarme Sandhu ait reconnu l’allégation, le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu que le gendarme Sandhu n’a pas reconnu dans son témoignage que les messages textes étaient menaçants. Le représentant de l’autorité disciplinaire a avancé que, même s’il ne devrait pas s’agir d’une question en litige, au cas où elle le serait, la jurisprudence [1] permet de conclure que les messages textes étaient menaçants.

Observations du représentant du membre visé

[26] En renvoyant à la décision Gill c Canada (Procureur général), 2006 CF 1106 (CanLii), le représentant du membre visé a souligné l’importance de prouver les points tels qu’ils ont été allégués, soutenant que le représentant de l’autorité disciplinaire ne l’avait pas fait. Bien que le représentant du membre visé ait concédé que la question était plus nuancée en l’espèce, il a soutenu que l’autorité disciplinaire cherchait à obtenir que les allégations soient établies en fonction de faits qui n’avaient pas été allégués.

[27] Le représentant du membre visé a fait valoir que l’allégation no 1 et le point 3 de l’allégation no 2 se rapportent à des questions de crédibilité et de fiabilité. Il a affirmé qu’une conclusion selon laquelle Mme J.M. est crédible, mais pas fiable, serait suffisante pour que les allégations ne soient pas établies. Bien que Mme J.M. puisse croire qu’elle dit la vérité, le représentant du membre visé a souligné qu’elle n’est peut-être pas digne de foi quant à cette croyance [2] .

[28] De plus, en renvoyant à une décision antérieure du comité de déontologie [3] , le représentant du membre visé a souligné l’importance de porter une attention particulière aux très petites divergences. Il a soutenu que la totalité de la preuve doit être examinée. S’il existe des différences fondamentales, on devrait alors conclure en faveur du gendarme Sandhu.

Allégation no 1

[29] Selon le représentant du membre visé, il y avait une grande différence entre les déclarations de Mme J.M., son témoignage et l’énoncé détaillé. Il a soutenu que Mme J.M. [TRADUCTION] « diabolisait » le gendarme Sandhu et que sa motivation se trouvait dans sa déclaration, qui concernait non seulement sa crédibilité, mais aussi sa fiabilité.

[30] Le représentant du membre visé a avancé qu’après une appréciation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins, il conviendrait de donner préséance au témoignage du gendarme Sandhu, ce qui entraînerait la conclusion selon laquelle l’allégation n’est pas fondée.

Allégation no 2

[31] Bien que le gendarme Sandhu ait reconnu qu’il consommait de la marihuana, le représentant du membre visé a affirmé que l’autorité disciplinaire n’avait pas établi que la consommation avait eu lieu pendant toute la période visée par l’allégation no 2.

[32] De plus, il a soutenu que l’autorité disciplinaire n’a allégué que le gendarme Sandhu avait tenté de dissimuler sa consommation de la marihuana à Mme J.M. que dans le but d’accentuer ce point, car il n’est pas étayé par la preuve. Il a ajouté qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve crédibles permettant de conclure que le gendarme Sandhu avait manifesté le comportement conflictuel et destructeur allégué au point 3. Par conséquent, il a affirmé que seuls les points de l’énoncé détaillé que le gendarme Sandhu a admis devraient être considérés comme établis.

Allégation no 3

[33] Dans ses observations, le représentant du membre visé a affirmé que le gendarme Sandhu a fait un aveux inconditionnel à l’allégation no 3. Toutefois, il a ajouté que le gendarme Sandhu a reconnu qu’il avait eu une conduite déshonorante, non un comportement criminel, soulignant qu’une procédure au criminel est toujours en cours.

Contre-preuve du représentant de l’autorité disciplinaire

[34] En réponse aux arguments soulevés par le représentant du membre visé, le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé qu’il est bien établi en droit qu’il n’a pas à prouver tous les points, et a souligné que certaines de ces précisions avaient été présentées dans le seul but de situer le contexte. Il a affirmé que ces questions remontent à plus de quatre ans et que les différences sont sans importance au regard du fond des allégations.

[35] Toutefois, le représentant de l’autorité disciplinaire a concédé qu’il n’avait pas été établi que le gendarme Sandhu avait consommé de la marihuana pendant une période plus longue que celle qu’il a mentionnée dans son témoignage.

Normes d’évaluation

Norme de preuve

[36] Le paragraphe 45(1) de la Loi sur la GRC exige que l’on applique la norme de preuve de la « prépondérance des probabilités » pour statuer sur les contraventions alléguées au Code de déontologie de la GRC. Pour ce faire, il faut déterminer si, selon toute vraisemblance, les actes ou les omissions allégués ont eu lieu.

[37] Les directives sur la norme de preuve de la « prépondérance des probabilités » se trouvent dans l’arrêt F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41 [McDougall], de la Cour suprême du Canada. Au paragraphe 46 de cet arrêt, la Cour a formulé les observations suivantes :

[46] De même, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Mais, je le répète, aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment. [...]

Évaluation des témoins

[38] Pour apprécier la crédibilité de Mme J.M. et du gendarme Sandhu, je me suis appuyé sur les décisions de jurisprudence souvent citées. Toutefois, je crois que l’arrêt Faryna v Chorney, [l952] 2 DLR 354 (BCCA), résume concrètement les principes. À la page 357, la cour a formulé les observations suivantes :

[TRADUCTION]

On ne peut évaluer la crédibilité d’un témoin intéressé, en particulier dans les cas de témoignages contradictoires, en fonction du seul critère consistant à rechercher si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Il faut soumettre la version des faits qu’il propose à un examen raisonnable de sa compatibilité avec les probabilités se rapportant aux conditions existantes. Bref, le véritable critère applicable à la véracité du témoignage d’une personne dans un tel cas doit être sa conformité à la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et bien informée estimerait d’emblée raisonnable dans le lieu et la situation en question. Ce n’est qu’ainsi que le juge peut apprécier de manière satisfaisante les déclarations de témoins à l’esprit alerte, sûrs d’eux-mêmes et expérimentés, ainsi que de ces personnes astucieuses qui s’y entendent en matière de demi-mensonge et s’appuient sur une longue et fructueuse expérience dans l’art de mettre en œuvre l’exagération habile et l’occultation partielle de la vérité. En outre, il peut arriver qu’un témoin dise ce qu’il croit sincèrement être la vérité, mais se trompe en toute honnêteté. Le juge du fond qui dirait : « Je le crois parce que je suis convaincu de sa véracité » tirerait une conclusion fondée sur l’examen de la moitié seulement du problème. En vérité, il pourrait bien s’agir là d’une autodirective dangereuse. […]

[39] Pour apprécier la preuve produite selon la prépondérance des probabilités, il faut examiner et utiliser l’ensemble de la preuve pour tirer des conclusions sur la crédibilité.

[40] Comme la Cour suprême du Canada l’a fait observer dans l’arrêt McDougall, au paragraphe 86, « sa conclusion que le témoignage d’une partie est crédible peut fort bien être décisive, ce témoignage étant incompatible avec celui de l’autre partie ».

[41] J’expliquerai en détail l’appréciation que je fais au sujet de la crédibilité et de la fiabilité du témoignage de Mme J.M. et du gendarme Sandhu relativement à chaque allégation. Toutefois, j’aimerais faire une observation préliminaire concernant leur crédibilité dans l’ensemble. Le gendarme Sandhu soutient essentiellement que Mme J.M. est imprévisible et encline à l’exagération, tandis que lui est raisonnable et calme. Par conséquent, lorsqu’il faut examiner leurs versions des faits contradictoires, je devrais privilégier le témoignage du gendarme Sandhu.

[42] Il convient de souligner que les documents d’enquête comportent une déclaration du gendarme Sandhu enregistrée sur bande vidéo, qui a été recueillie après son arrestation le 18 février 2019. L’entrevue est très révélatrice en ce sens qu’elle fournit des indications sur la manière dont il se conduisait pendant cette période. Fait particulièrement important, sa conduite au moment où il a fait sa déclaration révèle deux côtés de sa personnalité : la personne loquace, plus raisonnable que j’avais eu l’occasion d’observer lors de son témoignage, et la personne encline à la confrontation et imprévisible que Mme J.M. a décrite. Il s’agit d’un aspect particulièrement important, étant donné que le représentant du membre visé a soutenu que Mme J.M. avait été combative lors du contre-interrogatoire, tout en faisant valoir que le gendarme Sandhu semble avoir fait de son mieux.

[43] La question de savoir si le gendarme Sandhu avait peut-être des facultés affaiblies en raison de la consommation d’une substance au moment où il avait fait sa déclaration a été examinée par le représentant de l’autorité disciplinaire lors de son contre-interrogatoire. Bien que le gendarme Sandhu ait déclaré qu’il avait recommencé à boire de jour-là, après qu’il était [TRADUCTION] « tombé ivre mort » durant la nuit, il n’a pas soulevé cette inquiétude auprès de l’enquêteur. Ainsi, je ne peux pas simplement attribuer son changement de comportement à la consommation d’une substance particulière.

[44] Dans son témoignage, le gendarme Sandhu a précisé qu’il n’avait aucun problème avec le sergent S.G. et a souligné que celui-ci lui avait apporté son aide et son soutien au début de sa carrière, après qu’il avait été reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies. Pourtant, le gendarme Sandhu a laissé entendre que quelque chose doit l’avoir [TRADUCTION] « irrité », ce qui l’a conduit à réagir et à lui envoyer les messages d’[TRADUCTION] « intimidation ».

[45] En outre, la colère non provoquée du gendarme Sandhu envers le sergent S.G., et dans une moindre mesure envers la famille du sergent S.G. et le sergent d’état-major G.W., révèle un côté du gendarme Sandhu qui correspond à la manière dont Mme J.M. l’a décrit.

[46] Par ailleurs, dans la déclaration susmentionnée ainsi que dans les messages textes envoyés au sergent S.G., le gendarme Sandhu a fait preuve du mépris et de l’arrogance dont avait parlé Mme J.M.

[47] Bien que cette situation ne soit pas déterminante en ce qui a trait à l’appréciation de la crédibilité, qui doit être faite selon la prépondérance de la preuve dans son ensemble, elle corrobore effectivement, dans une certaine mesure, les descriptions données par Mme J.M.

Décision relative aux allégations

[48] Le critère de « conduite déshonorante » selon l’article 7.1 du Code de déontologie exige que l’autorité disciplinaire prouve, selon la prépondérance des probabilités, l’existence des éléments suivants :

  1. les actes à l’origine de la conduite alléguée;
  2. l’identité du membre qui aurait commis ces actes;
  3. si la conduite du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie;
  4. si la conduite est suffisamment liée aux devoirs et fonctions du membre pour donner à la Gendarmerie un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.

Allégation no 1

[49] L’allégation no 1 comporte 14 points, dont certains n’ont été produits, selon le représentant de l’autorité disciplinaire, que pour les besoins du contexte. Il précise qu’il ne les invoquera pas pour établir l’existence d’une conduite déshonorante. Toutefois, dans ces points, il existe trois incidents distincts de violence conjugale alléguée.

[50] Le premier incident, qui se serait produit en juillet ou en août 2016, se rapporte à une allégation selon laquelle le gendarme Sandhu aurait poussé Mme J.M. vers le bas des escaliers et l’aurait étranglée par la suite (points 4 et 5).

[51] Le deuxième incident, qui aurait eu lieu le 15 octobre 2016, concerne une dispute au cours de laquelle le gendarme Sandhu aurait traîné Mme J.M. en haut des escaliers et détruit son téléphone (points 6 à 9).

[52] Le troisième incident est celui qui aurait eu lieu en mai 2017, au cours duquel le gendarme Sandhu aurait versé du thé sur la poitrine de Mme J.M. Par souci de commodité, je renverrai à chaque incident selon la chronologie relative à son titre.

[53] Bien qu’il existe un certain consensus concernant les versions des faits présentées par Mme J.M. et le gendarme Sandhu, ceux-ci ne s’entendent pas sur les questions de fond nécessaires pour tirer une conclusion sur les allégations.

Premier incident

[54] Mme J.M. a déclaré dans son témoignage qu’elle et le gendarme Sandhu ont commencé à se fréquenter en mai 2010, se sont fiancés en février 2011 et se sont par la suite mariés en octobre 2011. Elle a précisé que, lorsqu’ils étaient fiancés, leur relation était vraiment agréable, et le seul problème était son procès pour conduite avec facultés affaiblies. Une fois mariés, ils ont beaucoup voyagé et ils ont établi des objectifs, notamment continuer leurs études et économiser de l’argent.

[55] Selon Mme J.M., la relation était bonne les premières années, et il n’a manifesté qu’une légère colère à quelques occasions. Il ne buvait pas lorsqu’ils se sont mariés, mais après environ deux ans, il a commencé à boire. Elle a précisé qu’il ne buvait pas tous les jours, mais que quand il buvait, il s’enivrait. Elle a dit qu’il devenait furieux et la pourchassait dans la maison, et que c’était [TRADUCTION] « absolument terrifiant ».

[56] Mme J.M. a dit que leur mariage a continué à se détériorer et que le gendarme Sandhu lançait des objets partout, qu’il la pourchassait et la menaçait de tout détruire si elle appelait la police. Elle a expliqué qu’il l’avait dissuadée de signaler ses actes en lui disant des choses telles que [TRADUCTION] « tu penses qu’ils vont te croire? Je suis un agent de police ». Ils avaient l’habitude d’organiser des fêtes, ce qui fait qu’elle connaissait certains agents de police qui se présenteraient à la porte et qui vivaient dans le même secteur que le lieu de travail du gendarme Sandhu. Elle a précisé qu’elle voulait éviter des répercussions sur son travail et qu’elle n’avait donc appelé la police qu’à la fin de leur relation.

[57] Mme J.M. a déclaré dans son témoignage qu’en juillet ou en août 2016, lorsqu’elle était enceinte de sept ou huit mois, elle et le gendarme Sandhu se sont battus dans le salon. Mme J.M. a dit qu’elle ne se rappelait pas l’objet de leur dispute, mais il s’agissait d’une dispute violente. Elle a décidé de s’éloigner, mais il était juste derrière elle et il lui a demandé pourquoi elle s’éloignait. Elle a dit qu’elle était à mi-chemin pour se rendre à l’étage lorsqu’il l’avait poussée en bas des escaliers. Elle lui a précisé qu’elle était enceinte, s’était relevée et était allée dans leur chambre.

[58] Mme J.M. a expliqué qu’il l’avait par la suite saisie par la gorge et qu’il l’avait serrée de plus en plus fort. Il lui a demandé si elle allait appeler la police. Elle a dit qu’elle était terrifiée, qu’il avait un certain regard et que de la salive sortait de sa bouche pendant qu’il l’injuriait. Il avait fini par laisser tomber, avait quitté la résidence et n’était retourné qu’après minuit.

[59] Mme J.M. a déclaré dans son témoignage qu’elle était restée allongée dans son lit à s’interroger sur sa situation et qu’elle se sentait prise au piège et déprimée. Le lendemain, elle avait une légère ecchymose à sa joue. Elle a dit à sa mère ce qui s’était passé et celle-ci lui a demandé d’appeler la police. Elle a expliqué qu’elle n’allait pas appeler la police, parce que son conjoint était un agent de police et que ça serait la fin de leur mariage.

[60] Le gendarme Sandhu a eu de la difficulté à se rappeler l’incident en question. Lorsque son avocat l’a interrogé à ce sujet, il a mentionné l’événement lié à la fête d’anniversaire de leur nièce (qui est le deuxième incident qui a eu lieu le 15 octobre 2016). Il a déclaré que cet incident ne s’était jamais produit, mais il a aussi expliqué que cela concernait le père de Mme J.M. qui gardait leur fille. Lorsqu’on a insisté sur ce point, il a répondu qu’ils avaient souvent des disputes verbales au sujet du père de Mme J.M. et que c’était peut-être le cas. Étant donné que cet incident est survenu avant la naissance de leur fille, je conclus que son affirmation est déraisonnable.

[61] Dans l’ensemble, j’ai conclu que la version des faits de Mme J.M. est crédible. Toutefois, il y a eu des moments dans son témoignage où elle a peut-être présenté les événements de façon sensationnelle, par exemple lorsqu’elle a décrit comment le gendarme Sandhu l’avait saisie à la gorge et l’avait serrée de plus en plus fort et qu’elle avait pensé qu’elle pouvait mourir. Bien que l’incident au cours duquel elle a été saisie à la gorge corresponde à ses déclarations antérieures, elle a clairement précisé dans sa déclaration qu’elle ne craignait pas pour sa vie. Peu importe que ce manque de cohérence soit accidentel ou intentionnel, il n’a pas de répercussions sur sa fiabilité. Toutefois, je ne suis pas d’avis que cette incohérence est suffisante pour écarter son récit. Par conséquent, j’accepte la version des faits de Mme J.M. concernant cet incident.

Deuxième incident

[62] Le gendarme Sandhu et Mme J.M. se rappellent tous les deux avoir assisté à la fête d’anniversaire de la nièce de cette dernière environ deux ou trois semaines avant la naissance de leur fille. Il reconnaissent qu’après cette activité, ils ont eu une dispute dans leur voiture sur le chemin du retour à la maison, et que la dispute a continué pendant une longue période à leur résidence.

[63] Mme J.M. a déclaré dans son témoignage que, peu de temps avant la fête, son père avait appelé le gendarme Sandhu pour aborder la question de la violence qu’il exerçait contre sa fille. Elle a expliqué que, dès que le gendarme Sandhu a su qu’elle avait parlé à ses parents au sujet de la violence conjugale, qui avait eu lieu au cours du premier incident, il ne voulait pas communiquer avec eux. Elle a réussi à le faire participer à la fête, où il a beaucoup bu. Elle a précisé que c’était embarrassant et que gendarme Sandhu était convaincu que les autres personnes parlaient d’eux. Sur le chemin du retour à la maison, il était irrité par le fait qu’elle ait parlé à sa famille au sujet de la violence conjugale, ce qui avait provoqué la dispute.

[64] Bien qu’il ait reconnu qu’à la fête il avait les facultés affaiblies, le gendarme Sandhu a affirmé qu’il n’était pas ivre. Il a expliqué qu’une femme, membre de la famille, avait laissé entendre qu’il avait dit que le père de Mme J.M. pouvait garder leur fille, ce qu’il a nié. Il a précisé que la dispute avec Mme J.M avait éclaté dans la voiture au sujet de la capacité de son père à garder leur fille.

[65] Ils reconnaissent tous les deux qu’une fois à la maison, ils ont eu une violente dispute au cours de laquelle ils ont tous les deux hurlé et crié. Ils étaient dans la cuisine, qui était au rez-de-chaussée de leur résidence, au-dessus du sous-sol occupé par leurs locataires, lesquels étaient tous les deux des agents de police. Mme J.M. a déclaré dans son témoignage qu’ils se disputaient au sujet du problème d’alcool du gendarme Sandhu et que la dispute avait dégénéré lorsqu’elle lui avait retiré une coupe d’alcool qu’il avait dans les mains et qu’elle avait renversé le contenu dans l’évier.

[66] Elle a expliqué que le gendarme Sandhu avait [TRADUCTION] « littéralement perdu la tête » et avait commencé à la pourchasser autour de l’îlot de cuisine, dans la buanderie et dans le salon. Elle a pris son téléphone et a appelé sa mère. Juste au moment où elle commençait à lui dire ce qui se passait, il avait saisi le téléphone et l’avait brisé en le pliant. Elle a dit qu’elle avait [TRADUCTION] « tellement peur » et « se sentait tellement impuissante », car elle était enceinte, elle n’avait pas de téléphone et il était ivre et en colère. Ils reconnaissent qu’il voulait qu’ils aillent à l’étage pour ne pas attirer l’attention des locataires, mais elle ne le voulait pas.

[67] Mme J.M. a déclaré qu’elle se dirigeait vers les escaliers, qu’il était derrière elle et qu’il l’avait poussée sur les escaliers. Elle s’était retournée pour se lever, il s’était placé derrière elle et l’avait traînée en haut sur trois ou quatre marches. Même si elle était enceinte de 36 mois, elle s’était relevée et avait couru dans la chambre principale et s’est rappelée qu’ils avaient parlé et crié dans la salle de bain attenante. Elle a précisé qu’il lui avait demandé de prendre une douche et qu’ils allaient éteindre toutes les lumières, parce qu’il croyait que leurs locataires allaient appeler la police. Elle a dit qu’elle avait pris une douche pendant quelques minutes, s’était changée, avait pris la voiture et était allée au dépanneur 7-eleven le plus proche où elle avait utilisé le téléphone pour appeler sa mère.

[68] Dans son témoignage, Mme J.M. a dit qu’elle avait contacté sa mère, qui lui avait dit qu’elle était au domicile de Mme J.M. et que toutes les lumières étaient éteintes. Ses parents étaient allés la trouver au dépanneur et elle les avaient suivis jusque chez eux. Elle y a passé la nuit. Le lendemain, elle s’est levée, est rentrée chez elle, s’est apprêtée et s’est rendue à l’Apple store pour acheter un nouveau téléphone. Pendant qu’elle était à l’extérieur, elle a appelé à partir d’un téléphone public le gendarme Sandhu, qui lui a dit qu’il avait reçu un message texte de la part de leurs locataires, et il lui a demandé ce qui s’était passé la veille au soir. Elle lui a raconté ce qui s’était passé et il lui a dit qu’ils devaient s’en tenir à la même version des faits, à savoir qu’il s’agissait d’un incident mineur.

[69] Selon le gendarme Sandhu, la dispute a dégénéré sur le chemin de retour à la maison après la fête. Il ne se rappelait pas avoir pris une boisson avec lui à la maison ce soir-là ni que Mme J.M. l’avait versée dans l’évier, mais il a admis que cela s’était peut-être produit. Il a déclaré qu’ils criaient et juraient tous les deux.

[70] Pour éviter d’alerter leurs locataires, le gendarme Sandhu a proposé qu’ils aillent à l’étage, étant donné que la cuisine se trouvait juste au-dessus de leurs locataires. Comme elle ne voulait pas monter, il avait essayé de la guider en la tenant par le coude. Il a dit qu’ils criaient tous les deux et une fois arrivés à l’étage, elle est partie. Il a affirmé qu’il ne l’avait pas saisie par la gorge, mais qu’ils s’étaient empoignés lorsqu’il avait essayé de faire en sorte qu’ils montent tous les deux à l’étage. Il a ajouté que le contact n’était pas de nature criminelle et qu’il n’y avait pas eu d’étranglement ni de coups de poing assénés. Le gendarme Sandhu a précisé qu’il se disputait avec Mme J.M. au sujet de celle-ci, tandis que Mme J.M. se disputait avec lui au sujet de son problème d’alcool.

[71] Il a déclaré qu’il avait reçu un message texte le lendemain de la part du locataire pour lui demander si tout allait bien.

[72] Il a précisé qu’il ne se souvenait de rien au sujet du téléphone de Mme J.M., mais qu’il ne serait pas surpris qu’il soit brisé s’il tombait par terre. Il a dit qu’il ne l’avait pas écrasé ni plié. Il a ajouté qu’il croyait qu’elle l’avait peut-être appelé le lendemain et qu’elle lui avait dit qu’elle avait acheté un nouveau téléphone.

[73] Mme J.M. a donné une version claire des faits qui se seraient produits à son avis au cours de cet incident. Elle a donné des détails précis et, à mon sens, elle n’a omis aucun fait important dans son témoignage ni n’a jamais semblé chercher des réponses. Elle était sobre à ce moment-là et elle a expliqué qu’elle n’oubliera jamais la sensation qu’elle avait eue lorsque son dos avait rebondi sur les escaliers.

[74] Les affirmations de Mme J.M. selon lesquelles elle a appelé sa mère, que l’appel a été interrompu, qu’elle a quitté la résidence et que des membres de sa famille sont venus à son domicile sont corroborées par la déclaration faite par son frère, monsieur G.M. En outre, la plus grande partie de son récit a été corroborée par le gendarme Sandhu, sauf quelques exceptions notables.

[75] Le gendarme Sandhu a admis qu’il était sous l’influence de l’alcool au cours de l’incident, mais a soutenu qu’on devrait le croire malgré le manque de précision de sa part au sujet des événements. À mon avis, sa version des faits au sujet de l’incident est comme par hasard dépourvue de certains détails, comme tous ceux qui seraient déshonorants.

[76] Il a expliqué comment il avait réussi à convaincre Mme J.M. de monter, malgré le fait qu’il avait des [TRADUCTION] « facultés affaiblies en raison de la consommation d’une substance » et qu’elle ne voulait pas y aller. Il ne pouvait pas expliquer pourquoi ils avaient continué à se disputer lorsqu’ils étaient à l’étage, alors qu’il venait tout juste de la convaincre de monter.

[77] Son récit concernant ce qui s’était passé au sujet du téléphone de Mme J.M. n’était pas cohérent et l’explication selon laquelle lui et Mme J.M. se disputaient au sujet de deux choses distinctes, en même temps, est très peu probable. En particulier, l’argument selon lequel ils se disputaient au sujet de la capacité du père de Mme J.M. à garder leur fille, alors que celle-ci n’était pas encore née, est peu vraisemblable.

[78] En outre, il a déclaré dans son témoignage qu’il ne savait pas qu’elle avait quitté la résidence. Toutefois, il a également dit qu’il avait regardé par la fenêtre pour voir s’il pouvait la trouver.

[79] Pour les motifs qui précèdent, la préséance est accordée à la version des faits de Mme J.M.

Troisième incident

[80] Le représentant du membre visé a affirmé qu’il y avait un manque de cohérence dans les verbes que Mme J.M. a utilisés pour expliquer comment le gendarme Sandhu avait versé du thé sur elle, en établissant une distinction entre les mots [TRADUCTION] « répandu », « lancé » et « poussé ». Malgré le fait qu’on l’ait interrogée avec insistance à ce sujet, Mme J.M. a déclaré qu’il avait en effet [TRADUCTION] « poussé » le thé et, plus important encore, et peu importe le verbe choisi, elle a affirmé de façon constante que le gendarme Sandhu avait utilisé la force contre elle, ce qui avait fait en sorte que le thé se répande sur elle et sur leur lit.

[81] À l’inverse, le gendarme Sandhu a déclaré dans témoignage qu’il se rappelait qu’ils étaient au lit en train de se disputer et que Mme J.M. buvait du thé. Il a dit qu’il ramassait de la vaisselle pour l’emmener dans la cuisine et que, lorsqu’il avait voulu prendre la tasse, qui était sur la table de chevet, le contenu s’était finalement répandu sur la table et sur le plancher.

[82] Je privilégie la version des faits de Mme J.M. relativement à cet incident. Son récit est clair, logique et cohérent. Il n’est tout simplement pas logique qu’au milieu d’une dispute violente, le gendarme Sandhu se soit levé pour ramasser de la vaisselle, y compris celle utilisée par Mme J.M., dans laquelle il semblait y avoir encore beaucoup de contenu.

[83] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que tous les points ont été établis, à l’exception du point 8, où il est indiqué que Mme J.M. a quitté le foyer conjugal à pied. Il semble y avoir une certaine incertitude quant à la question de savoir si elle a marché ou conduit pour se rendre au dépanneur 7-eleven, étant donné qu’elle a déclaré dans son témoignage qu’elle avait conduit.

[84] Les points ayant été établis, à part la seule exception, je conclus que les deux premiers volets du critère de conduite déshonorante ont été respectés.

[85] Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie de la GRC, qu’ils soient de service ou non. La conduite du gendarme Sandhu, consistant à menacer Mme J.M. en utilisant sa position de membre de la GRC pour la dissuader d’appeler la police et, plus important encore, à commettre des actes de violence conjugale contre son ex-épouse, constituait un écart important par rapport à la norme de conduite attendue d’un membre de la GRC. Je conclus qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités des services de police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait que la conduite du gendarme Sandhu est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[86] Le gendarme Sandhu a abusé de sa position de membre de la GRC et a commis des actes de violence conjugale, une infraction dont il pourrait être appelé à répondre et un des problèmes dominants qui constituent un fléau dans notre société. Je conclus donc que la conduite du gendarme Sandhu est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour donner à la Gendarmerie un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.

[87] Par conséquent, je conclus que la conduite du gendarme Sandhu est déshonorante. L’allégation no 1 est donc établie selon la prépondérance des probabilités.

Allégation no 2

[88] Le gendarme Sandhu a admis avoir consommé de la marihuana de façon récréative dans sa résidence, en fin de soirée, pour pouvoir dormir et réduire son anxiété. Toutefois, il a déclaré dans son témoignage qu’il n’avait consommé la marihuana que pendant les six derniers mois précédant sa séparation le 30 août 2018, et non pendant la période énoncée dans l’allégation, qui a commencé le 1er janvier 2015. Il a admis qu’il savait que la consommation de la marihuana à des fins récréatives était toujours illégale et qu’elle était contraire à la politique de la GRC. Le représentant de l’autorité disciplinaire a concédé qu’il n’avait pas établi de calendrier pour la consommation de la marihuana contraire à celui que le gendarme Sandhu avait fourni.

[89] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le gendarme Sandhu a dissimulé sa consommation de la marihuana à Mme J.M. Je pense que la première étape consiste à établir de façon certaine le sens du terme anglais « conceal ».

[90] Le Black’s Free Online Legal Dictionary définit ainsi le terme « conceal » (dissimuler) :

[TRADUCTION]

Cacher; taire; soustraire à la connaissance d’autrui. Selon les meilleurs lexicographes, le terme « conceal » signifie soustraire à la connaissance d’autrui ou garder secrets des faits sur le plan abstrait et cacher des objets physiques ou ne pas les mettre à la vue ou à l’observation des autres.

[91] Il ressort manifestement des témoignages des parties que Mme J.M. était au courant du fait que le gendarme Sandhu consommait de la marihuana étant donné qu’ils ont tous les deux reconnu qu’ils avaient eu de nombreuses disputes à ce sujet. Elle a expliqué qu’il la conservait dans le garage. En fait, elle a déclaré dans son témoignage qu’elle avait arrêté de rembourser le crédit hypothécaire à cause de cette consommation. Le gendarme Sandhu a affirmé qu’il avait parlé ouvertement de sa consommation de la marihuana à Mme J.M. Il a ajouté qu’il se rendait au garage avant d’aller se coucher pour consommer de la marihuana afin de pouvoir dormir, et qu’il ne voulait pas qu’elle le dérange.

[92] Selon Mme J.M., ils se disputaient fréquemment au sujet de la consommation de la marihuana. Elle a précisé que la consommation de la marihuana était illégale et qu’elle ne voulait pas que cela se passe à leur domicile. Par conséquent, je conclus que le gendarme Sandhu n’a pas dissimulé sa consommation de la marihuana pour éviter que Mme J.M. le sache, mais pour éviter d’être dérangé.

[93] Mme J.M. a expliqué qu’à une occasion, après avoir donné le bain à leur fille, elle l’a installée au salon et est allée dans le garage. Elle avait l’impression qu’il faisait quelque chose avec la marihuana étant donné qu’elle savait qu’il la conservait dans une armoire blanche située dans le garage.

[94] Lorsqu’elle a ouvert la porte, il s’est retourné, l’a vue et lui a dit [TRADUCTION] « Qu’est-ce que tu fais? Je t’ai dit de ne pas venir ici ». Elle a dit qu’elle était montée en courant, avec lui sur ses talons, et qu’il lui criait après. Elle a couru dans la chambre principale où il l’a suivie et a renversé une table de chevet. Elle s’est réfugiée dans la chambre de leur fille et il l’y a poursuivie. Il a lancé des livres par-dessus le berceau (l’un d’eux aurait pu l’atteindre) et a tordu le cou de la girafe, un jouet de leur fille, avant de quitter la résidence.

[95] En contre-interrogatoire, on a laissé entendre à Mme J.M. que les événements ne s’étaient pas déroulés comme elle les avaient décrits. Elle a déclaré qu’elle avait pris des photos des dommages pour les montrer à ses parents; on lui a répondu qu’elle les avait prises pour piéger le gendarme Sandhu, ce qu’elle a nié. Toutefois, comme l’a souligné le représentant du membre visé, ces photos n’ont jamais été produites.

[96] Mme J.M. s’est souvent montrée fébrile et argumentatrice lors du contre-interrogatoire. Lorsque le représentant du membre visé l’a interrogée au sujet de ses réactions, elle a répondu qu’elle était fébrile, parce qu’il remettait en question son intégrité.

[97] Le gendarme Sandhu a expliqué que sa consommation de la marihuana était souvent source de conflit. Il la consommait dans le garage et Mme J.M. y allait et faisait une scène. Il a admis qu’il se fâchait quand elle faisait une scène, mais lui disait simplement de s’en aller et a précisé qu’il n’aimait pas être [TRADUCTION] « harcelé ».

[98] Le gendarme Sandhu a réfuté l’allégation selon laquelle, lorsque Mme J.M. était allée dans le garage quand il était en train de consommer de la marihuana, il s’était mis en colère et avait détruit des biens. Il a nié avoir lancé des objets dans la maison ou tordu le cou de la girafe, le jouet de leur fille. Il a affirmé qu’il ne pouvait jamais détruire quoi que ce soit appartenant à leur fille. En réalité, il a vu la girafe lors d’un appel Facetime avec leur fille, il y a quelques semaines, et elle était en bon état. Le représentant du membre visé a laissé entendre que l’incident concernant la girafe ne se trouvait nulle part dans les documents. Toutefois, il se trouve aux pages 7 et 28 de la déclaration de Mme J.M. datée du 10 décembre 2018.

[99] En contre-interrogatoire, le général Sandhu a expliqué que Mme J.M. faisait [TRADUCTION] « toute une scène » au cours de laquelle il y avait des cris et des hurlements relativement à sa consommation d’une substance illégale dans leur maison. Il a admis que les reproches qu’elle lui faisait au sujet de sa consommation de la marihuana le dérangeaient, précisant que c’était son seul moment à lui et qu’elle l’empêchait de se relaxer. Il a dit qu’elle le harcelait au sujet de sa consommation de la marihuana, qu’il lui disait de le laisser tranquille, mais qu’elle ne voulait pas et que c’est pourquoi il se fâchait, criait et hurlait. Il a ajouté qu’il n’est plus la même personne à présent.

[100] Il a également reconnu qu’il avait des problèmes de colère et qu’il avait suivi une formation sur la maîtrise de la colère. Il a dit qu’il était en colère, mais pas au point d’avoir une altercation physique. Les phrases suivantes étaient le genre de choses qu’il pouvait dire [TRADUCTION] « Pourquoi es-tu venue dans le garage? Je t’ai dit de ne pas venir dans le garage ». Il lui disait qu’il avait besoin d’espace et qu’il fallait qu’elle remonte. Même s’il se mettait en colère, il a dit qu’il ne la pourchassait pas et qu’il ne lançait pas d’objets.

[101] Son affirmation selon laquelle il disait simplement à Mme J.M. de remonter, malgré le fait que sa consommation de la marihuana était une source constante de conflit, est déraisonnable. Le gendarme Sandhu a déclaré dans son témoignage qu’il n’aimait pas qu’on le dérange et qu’il se mettait en colère, et il a utilisé le terme « harcèlement » pour décrire l’intervention de Mme J.M. À mon avis, sa réaction n’est pas compatible avec une réponse [TRADUCTION] « calme ».

[102] Lorsque l’on compare la version des faits du gendarme Sandhu et celle de Mme J.M., la version des faits de Mme J.M. est à mon avis plus crédible. Le témoignage de Mme J.M. était cohérent, et elle n’est pas revenue sur ses observations. En outre, la réaction du gendarme Sandhu, comme elle l’a décrite, est compatible avec les conclusions et observations que j’ai antérieurement formulées relativement à sa nature imprévisible. Ainsi, je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que le gendarme Sandhu ait pourchassé Mme J.M. et ait par la suite lancé des objets dans la maison, comme cela est allégué au point 3.

[103] Par conséquent, je suis d’avis que tous les points ont été établis. Toutefois, il conviendrait de souligner que je n’ai conclu que le gendarme Sandhu a consommé la marihuana que pour une période de six mois avant la séparation du couple, comme il l’a déclaré dans son témoignage.

[104] Là encore, comme les points ont été établis, je conclus que les deux premiers volets du critère de conduite déshonorante ont été respectés.

[105] Compte tenu du fait que le gendarme Sandhu a consommé sciemment la marihuana avant sa légalisation et en contravention de la politique de la GRC, qu’il a pourchassé Mme J.M. et qu’il a lancé des objets dans leur maison, je conclus que sa conduite constituait un écart important par rapport à la norme de conduite attendue d’un membre de la GRC. À mon avis, une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités des services de police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait que sa conduite est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[106] J’ai déjà mentionné que le Code de déontologie de la GRC s’applique à tous les membres de la GRC, qu’ils soient de service ou non. La violation de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19, par le gendarme Sandhu et ses actes qui s’apparentent à de la violence conjugale sont des activités qui sont en conflit avec ses devoirs et peuvent miner la confiance du public dans sa capacité d’appliquer de façon impartiale les lois qu’il s’est engagé sous la foi du serment à faire respecter. Par conséquent, je conclus que la conduite du gendarme Sandhu est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour donner à la Gendarmerie un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.

[107] Par conséquent, je conclus que la conduite du gendarme Sandhu est déshonorante. À mon avis, l’allégation no 2 et tous les points de son énoncé détaillé ont été établis selon la prépondérance des probabilités.

Allégation no 3

[108] Les aveux du gendarme Sandhu et l’examen des documents que j’ai effectué m’amènent à conclure que les deux premiers éléments du critère sont établis.

[109] Bien que le gendarme Sandhu et son représentant aient tous les deux indiqué clairement qu’il admettait entièrement cette allégation, le représentant de l’autorité disciplinaire a demandé au gendarme Sandhu s’il reconnaissait que les messages textes contestés étaient en réalité menaçants. Ce dernier a admis que sa conduite n’était pas professionnelle et a exprimé ses regrets pour avoir envoyé ces messages, mais il s’est abstenu d’admettre qu’ils étaient en réalité menaçants. Le gendarme Sandhu a plutôt réaffirmé qu’il n’avait pas eu l’intention de menacer qui que ce soit.

[110] Il a été déjà souligné au cours de l’audience disciplinaire que les accusations criminelles qui avaient été portées relativement à l’envoi des messages textes sont encore devant les tribunaux. Je crois que, pour des raisons évidentes, cette situation a pu empêcher le représentant de l’autorité disciplinaire d’obtenir l’accord du gendarme Sandhu.

[111] Néanmoins, il m’incombe de trancher la question de savoir si les actes du gendarme Sandhu étaient déshonorants. Pour ce faire, je dois examiner les messages textes pour déterminer en quoi, le cas échéant, ils sont déshonorants.

[112] Dans la série de messages textes répétitifs que le gendarme Sandhu a envoyés au sergent d’état-major S.G., qui étaient en grande partie blasphématoires, il y avait ce genre de commentaires :

[TRADUCTION]

Si tu réponds pas, je vais te trouver.

Je vais littéralement te faire sucer ma graine si c’est ça que t’es […]

C’est toi l’osti de loser que tout le monde dit qu’il a sucé des graines pour avoir une promotion.

Sois assuré que je vais littéralement te détruire cette fois-ci.

J’vais te détruire si tu dis une seule chose sur moi, bonne ou mauvaise.

La chose la plus intelligente que tu pourrais faire c’est me texter pour qu’on se parle sinon je vais détruire ta carrière!!!!!

Donne-moi une heure salope, sinon je me pointe chez toi!!

si j’te vois parler à quelqu’un que j’aime pas. J’vais tellement te démolir espèce de sale bozo de POLICIER corrompu qui suce des queues!!

Laisse [G.W.] J’le cherche maintenant!! Fais attention à toi l’gros!! UN SEUL MOT à l’avenir, salope, pis tes enfants vivront pas vieux!!

J’étais fâché tantôt, mais là c’est personnel. C’est plate à dire, j’avais laissé tomber, mais là je vais te démolir!!! T’es fait, l’gros!!

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[113] Bien que je ne rende pas, ni peut rendre, de décision à l’égard de l’infraction consistant à proférer des menaces ou à l’égard de toute autre infraction criminelle, je conclus bel et bien que, selon la prépondérance des probabilités, les messages textes répétitifs sont menaçants et ont un caractère harcelant, et c’est ce qui rend la conduite du gendarme Sandhu déshonorante.

[114] En transmettant des messages textes au sergent S.G., qui avaient manifestement pour but de l’inquiéter, et qui l’ont effectivement inquiété, comme il l’a indiqué lorsqu’il a signalé l’incident à la police, le gendarme Sandhu a eu une conduite qui constitue un écart important par rapport à la norme de conduite attendue d’un membre de la GRC. Je conclus qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités des services de police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait que sa conduite est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[115] Compte tenu de la nature des messages textes, décrits précédemment, envoyés à son ancien superviseur, dans lesquels il a mentionné des questions liées à son emploi, et du fait qu’il a été arrêté et accusé de l’infraction de profération de menaces, je conclus que la conduite du gendarme Sandhu est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour donner à la Gendarmerie un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.

[116] Par conséquent, je conclus que la conduite du gendarme Sandhu est déshonorante. À mon avis, l’allégation no 3 et tous les points de son énoncé détaillé sont établis selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[117] En raison du fait que je suis saisi de la présente affaire, l’autorité disciplinaire demande qu’il soit mis fin à l’emploi du gendarme Sandhu auprès de la GRC. Dans ses observations à l’étape des mesures disciplinaires de l’audience, le représentant de l’autorité disciplinaire a précisé que l’autorité disciplinaire a demandé à ce que j’ordonne au gendarme Sandhu de démissionner de la Gendarmerie.

[118] Au contraire, le représentant du membre visé soutient qu’il s’agit d’un cas limite et que la confiscation de la solde pour une période de 60 jours permettrait de répondre aux objectifs du processus disciplinaire.

Observations du représentant de l’autorité disciplinaire

[119] En ce qui concerne l’allégation no 1, le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu qu’il a été déterminé que le gendarme Sandhu a exercé une force de nature répétitive et vicieuse dans l’intention d’humilier et de rabaisser Mme J.M. lorsqu’elle se trouvait dans son état le plus vulnérable qui soit.

[120] Au cours du deuxième incident, le gendarme Sandhu a brisé le téléphone de Mme J.M. pour l’empêcher d’obtenir de l’aide et l’a forcée à prendre une douche, ce qui a montré qu’il ne s’inquiétait que pour lui seul. Selon le représentant de l’autorité disciplinaire, tous ces éléments devraient être considérés comme des facteurs aggravants. Par ailleurs, le gendarme Sandhu a maintes fois utilisé sa position de membre de la GRC et a menacé Mme J.M. de détruire sa vie pour la dissuader de demander l’aide de la police.

[121] Le représentant de l’autorité disciplinaire a expliqué que les affaires criminelles qu’il a citées [4] témoignent de la nécessité pour la société de s’attaquer aux incidents de violence conjugale, qui devraient être très clairement dénoncés.

[122] Il a renvoyé au Guide des mesures disciplinaires (2014) (le Guide) et a déclaré que les présentes circonstances, y compris une tendance à recourir à une violence gratuite et non provoquée, permettent de justifier pourquoi la conduite du gendarme Sandhu relève de la catégorie des cas graves, ce qui indique qu’il faudrait prendre des mesures allant de la confiscation de la solde pour une période de 15 jours à un congédiement.

[123] En ce qui concerne l’allégation no 2, le représentant de l’autorité disciplinaire a souligné que la consommation de la marihuana par le gendarme Sandhu n’a pas eu lieu une seule fois, mais s’est étalée sur une période d’environ six mois. Il a affirmé qu’au moment de l’inconduite du gendarme Sandhu, la marihuana était encore une substance illicite, qui a donc dû être achetée auprès de personnes qui se livraient à des activités criminelles.

[124] Le représentant de l’autorité disciplinaire a également soutenu qu’en consommant la marihuana, tout en sachant que c’était illégal et contraire à la politique de la GRC, le gendarme Sandhu a démontré qu’il croyait que les règles ne s’appliquent pas à lui.

[125] Selon le représentant de l’autorité disciplinaire, les facteurs susmentionnés ont fait passer l’inconduite du gendarme Sandhu dans la catégorie des cas graves et, par conséquent, il a laissé entendre que des mesures, allant de la confiscation de la solde de 20 à 45 jours à un congédiement, sont justifiées.

[126] Pour ce qui est de l’allégation no 3, le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que les messages textes envoyés par le gendarme Sandhu étaient, de l’avis général, non provoqués. En outre, malgré le fait que le gendarme Sandhu ait été réticent à le reconnaître, ils étaient en réalité menaçants et ont été utilisés comme un moyen d’intimidation, des actes dont il n’a jamais accepté l’entière responsabilité. Il a souligné que, dès que le sergent d’état-major S.G. a pris les mesures appropriées pour régler cette question, le gendarme Sandhu est devenu encore plus irrité.

[127] Le représentant de l’autorité disciplinaire a insisté sur le ton menaçant des messages textes et a souligné les répercussions qu’ils avaient eues non seulement sur le sergent d’état-major S.G., mais aussi sur sa famille.

[128] Compte tenu de ces circonstances aggravantes, le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé que la sanction appropriée devrait correspondre aux mesures disciplinaires graves, y compris le congédiement.

[129] À l’appui des mesures qu’il demande, le représentant de l’autorité disciplinaire a renvoyé à deux décisions antérieures du Comité de déontologie se rapportant à des allégations semblables, qui ont abouti à un congédiement ou à un ordre de démissionner [5] .

[130] Quant aux cinq décisions de la GRC invoquées par le représentant du membre visé [6] , dont aucune n’a abouti à un congédiement, mais où la confiscation de la solde et/ou la réduction de la banque de congés annuels ont été imposées, le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu qu’il y avait lieu d’établir une distinction entre ces décisions et la présente affaire. Dans chacune de ces décisions [7] , le membre visé a assumé sa responsabilité et a admis son inconduite, ce qui a permis d’aboutir à un règlement au moyen de recommandations conjointes sur les mesures disciplinaires.

[131] Le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu que la preuve médicale présentée pour le compte du gendarme Sandhu peut avoir une certaine pertinence à l’égard des allégations 2 et 3, mais n’a guère de pertinence, voire aucune, quant à l’allégation no 1. Toutefois, il a affirmé que même les rapports médicaux sur lesquels le gendarme Sandhu avait l’intention de se fonder montrent qu’il n’a pas été totalement franc avec le Dr M. ou qu’il a accepté sa responsabilité.

[132] En outre, le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que la preuve médicale n’a aucun lien de causalité avec les circonstances. Par conséquent, le poids qu’il convient d’accorder à la preuve médicale présentée par le gendarme Sandhu devrait être réduit de façon importante.

[133] En renvoyant au dossier personnel du gendarme Sandhu et à ses évaluations de rendement en particulier, le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu que la question de savoir s’il était apprécié ou s’il exerçait ses fonctions convenablement n’est pas pertinente, étant donné que son inconduite est indépendante de son emploi antérieur.

[134] Le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé que l’ensemble des circonstances justifie une sanction globale consistant à ordonner au gendarme Sandhu de démissionner de la Gendarmerie.

Observations du représentant du membre visé

[135] Le représentant du membre visé a souligné le principe relatif à la correction, et a fait valoir que, contrairement au domaine criminel, l’objectif principal du processus disciplinaire est éducatif et correctif. Il a ajouté que le contexte est important et que les facteurs aggravants et atténuants font partie du contexte, laissant entendre que les faits n’étayent pas toutes les allégations qui tombent dans les cas graves.

[136] En ce qui concerne l’allégation no 1, le représentant du membre visé a souligné qu’il n’y a pas eu de blessures et que le gendarme Sandhu n’a pas été accusé en raison de ces incidents. Il a affirmé que la gravité de cette allégation repose sur la question de savoir si j’ai conclu que le gendarme Sandhu a démontré une [TRADUCTION] « tendance prolongée » à commettre des actes de violence conjugale, laissant entendre que les trois incidents détaillés dans l’allégation pourraient être considérés comme « isolés ».

[137] Le représentant du membre visé a souligné avec insistance que le fait que des accusations criminelles n’ont pas été portées témoigne de l’ampleur de la violence conjugale, en ce sens qu’elle ne franchit pas le seuil d’une conduite criminelle. Il a laissé entendre que le Guide n’établit pas de véritable distinction entre les voies de fait et la violence conjugale, et qu’ainsi, la sanction relative à la conduite du gendarme Sandhu devrait se situer dans les cas ordinaires de la confiscation de solde pour une période allant de 3 à 10 jours.

[138] Pour ce qui est de l’allégation no 2, le représentant du membre visé a fait valoir que, bien que le Guide n’en fasse pas mention, il s’agit de l’allégation la moins grave formulée contre le gendarme Sandhu. Il a souligné que la consommation de la marihuana est maintenant légale, bien qu’elle demeure contraire à la politique pour les membres opérationnels. De plus, il a souligné que, bien qu’il en ait eu l’occasion, le représentant de l’autorité disciplinaire n’a pas demandé au gendarme Sandhu comment il se procurait la marihuana.

[139] Le représentant du membre visé a soutenu que la consommation de la drogue ne tombe dans la catégorie des cas graves que lorsqu’elle se rapporte à une substance inscrite à l’annexe I de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, SC 1996, c 19, au vol de pièces à conviction ou au trafic et/ou à l’importation de substances désignées. Puisque tel n’est pas le cas en l’espèce, elle devrait se situer à l’extrémité inférieure des cas ordinaires, dont la sanction est la confiscation de la solde pour une période de 20 à 30 jours.

[140] Quant à l’allégation no 3, le représentant du membre visé a soutenu que, puisque les messages textes du gendarme Sandhu ne comprenaient pas de menaces ni ne faisaient mention de l’utilisation d’une arme, elle ne tombe pas sous la catégorie des cas graves pour profération de menaces. Il affirme que, bien que le sergent d’état-major S.G. les ait pris au sérieux et qu’ils aient eu des répercussions prolongées sur lui, il ressort du Guide qu’ils devraient relever de la catégorie des cas ordinaires dont la sanction proposée est la confiscation de la solde pour une période de trois à dix jours.

[141] Le représentant du membre visé a laissé entendre que, si je devais appliquer la mesure de confiscation de la solde pour une période de 10 jours aux trois incidents distincts faisant partie de l’allégation no 1, ainsi que pour l’allégation no 3, et que j’ajoutais 20 jours pour l’allégation no 2, j’arriverai à la confiscation de la solde pour 60 jours, comme il l’ a proposé. Il a ajouté que, bien que le Guide mentionne un plafond de 45 jours, en pratique, la limite supérieure semble être de 60 jours, en l’absence d’un congédiement [8] .

[142] Le représentant du membre visé a cité plusieurs décisions relatives aux mesures disciplinaires de la GRC se rapportant à la violence conjugale qui ont donné lieu à des sanctions, exception faite du congédiement. Trois d’entre elles ont été tranchées dans le contexte du processus disciplinaire actuel [9] .

[143] Le représentant du membre visé a également cité une décision de la Cour martiale du Canada [10] qui se rapporte à la pertinence des recommandations conjointes dans les affaires disciplinaires. La cour a formulé les observations suivantes, au paragraphe 31 :

[TRADUCTION]

[…] En effet, comme l’a reconnu la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Anthony_Cook, 2016 CSC 43 (C.S.C.), les avocats du ministère public et de la défense sont bien placés pour en arriver à des recommandations conjointes qui sont équitables et conformes à l’intérêt public. Ces règlements sont entièrement pertinents quant à l’appréciation d’une gamme de peines acceptables pour une infraction donnée ou un ensemble d’infractions.

[144] En ce qui a trait à deux décisions du Comité de déontologie citées par le représentant de l’autorité disciplinaire, à savoir 2019 DARD 13 et 2020 DAD 14, le représentant du membre visé a également souligné que la première affaire comportait aussi une question d’honnêteté et d’intégrité, qui n’est pas en cause en l’espèce. Dans la deuxième affaire, le membre visé n’a pas cherché à obtenir un traitement médical pour régler ses problèmes, ce qui n’est pas le cas pour le gendarme Sandhu.

[145] En ce qui concerne la preuve médicale produite pour le compte du gendarme Sandhu, le représentant du membre visé a déclaré que, bien qu’elle ne soit pas disculpatoire, elle témoigne bel et bien du fait qu’on lui a donné un diagnostic de trouble de stress post-traumatique et de trouble de l’usage de l’alcool.

[146] Selon le représentant du membre visé, le gendarme Sandhu a encore une fois cherché et obtenu un traitement pour ses problèmes d’alcool. Il a souligné les efforts déployés par le gendarme Sandhu pour régler les deux troubles ainsi que les progrès documentés qui ont été réalisés. Il a soutenu que les problèmes de santé du gendarme Sandhu se rapportent davantage aux allégations 2 et 3, et qu’ils s’appliquent directement à la dernière allégation.

[147] Le représentant du membre visé a soutenu que, comme en témoignent les évaluations du rendement et les lettres de recommandation du gendarme Sandhu, celui-ci était un membre fiable et travailleur, qui avait une solide éthique de travail et qui était respecté par ses pairs.

[148] Le représentant du membre visé a concédé qu’il s’agit d’un cas limite, mais il a laissé entendre que la conduite du gendarme Sandhu a été influencée par ses problèmes médicaux et qu’aucune des allégations ne relève de la catégorie des cas graves. Il a avancé que, compte tenu de son rendement important et de ses problèmes médicaux, la mesure de confiscation de la solde pour 60 jours permettrait de répondre à l’objectif éducatif et correctif du processus disciplinaire, tout en comportant un aspect punitif. Subsidiairement, si je devais envisager le congédiement, le représentant du membre visé a demandé d’accorder au gendarme Sandhu la possibilité de démissionner.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[149] Aux termes de l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, je suis tenu d’infliger des mesures disciplinaires « adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[150] Lorsque j’ai rendu ma décision de vive voix sur les allégations, j’ai précisé que j’avais conclu que tous les points concernant les trois allégations étaient établis, à l’exception du point 8 de l’allégation no 1, où il est mentionné que Mme J.M. a quitté le foyer conjugal à pied, et de la période de consommation de la marihuana à l’allégation no 2.

[151] Le congédiement est la sanction la plus sévère qui peut être imposée dans un processus disciplinaire comme celui qui nous occupe. Avant d’imposer les mesures disciplinaires appropriées, je dois d’abord examiner l’éventail de mesures disciplinaires approprié et prendre en compte les facteurs aggravants et les facteurs atténuants.

[152] J’ai renvoyé au Guide pour pouvoir déterminer l’éventail de mesures approprié concernant la conduite du gendarme Sandhu. Toutefois, il conviendrait de noter que le Guide n’est simplement qu’un guide, et qu’il n’est pas normatif.

[153] En ce qui concerne l’allégation no 1, le Guide aborde, aux pages 53 et 54, l’établissement de la conduite déshonorante relativement à la violence conjugale. Il énonce que la violence contre le conjoint ou les enfants d’un membre devrait être considérée comme plus grave compte tenu de la vulnérabilité des victimes. En l’espèce, je constate que les deux premiers incidents de violence exercés contre Mme J.M. se sont produits lorsqu’elle était en état de grossesse avancée.

[154] Selon le Guide, je devrais aussi prendre en compte les efforts déployés par le gendarme Sandhu en vue de sa réadaptation pour déterminer les mesures appropriées. Toutefois, plus loin à la page 55, le Guide énonce ce qui suit :

[…] Dans les cas graves, c’est-à-dire la violence gratuite et non provoquée, les voies de fait causant des lésions ou blessures corporelles graves, les voies de fait comportant le recours à une arme ou la menace de recourir à une arme, les épisodes prolongés de violence familiale ou la violence envers une personne vulnérable, la sanction recommandée varie de 15 jours au congédiement. […]

[155] Compte tenu de la nature de la relation entre le gendarme Sandhu et Mme J.M. ainsi que le stade de sa grossesse, je conclus que Mme J.M. était particulièrement vulnérable. Par conséquent, l’éventail de mesures approprié est à mon avis celui des cas graves.

[156] Pour l’allégation no 2, la consommation de la marihuana, le Guide énonce, à la page 58 que « [b]ien que la consommation de drogue par des agents responsables de l’application de la loi soit généralement condamnée, il existe dans la société une certaine tolérance à l’égard de la consommation de cannabis (marijuana) à des fins personnelles récréatives ». Le Guide ne justifie pas la consommation de la marihuana, mais laisse entendre qu’elle peut être perçue différemment par rapport aux drogues « plus dures », comme l’héroïne ou la cocaïne.

[157] Cela étant dit, il ne s’agissait pas de la seule consommation de marihuana pour le gendarme Sandhu. Il a régulièrement consommé la marihuana pendant environ six mois avant sa légalisation, tout en sachant que cette consommation était illégale et, même après la légalisation, elle était toujours contraire à la politique de la GRC. En conséquence, je conclus qu’elle tombe dans la catégorie des cas ordinaires pour lesquels l’éventail de sanctions proposé par le Guide est une confiscation de la solde pour 20 à 45 jours.

[158] Quant à l’allégation no 3, le Guide donne aussi une indication de l’éventail de mesures appropriées. À la page 56, il est précisé que, lorsqu’un membre profère des menaces de mort ou de lésions corporelles graves, la sanction normale proposée est la confiscation de la solde pour une période de trois à dix jours. La même sanction serait applicable lorsque le membre a proféré les menaces dans l’intention d’être pris au sérieux, ou dans un contexte de violence familiale ou encore lorsque les menaces causent une crainte prolongée chez la victime.

[159] Compte tenu du fait que les messages textes visaient manifestement à intimider le sergent d’état-major S.G. ou à lui faire peur et qu’ils ont eu des répercussions prolongées non seulement sur le sergent d’état-major S.G., mais aussi sur sa famille, je conclus que l’éventail de mesures disciplinaires de la catégorie ordinaire est approprié.

[160] Après avoir examiné tous les événements qui se sont produits relativement aux trois allégations, les décisions qui ont été présentées par les parties et les propositions fournies par le Guide, je conclus que les mesures disciplinaires appropriées varient de la confiscation de la solde pour 40 jours au congédiement.

[161] Comme l’éventail des mesures disciplinaires a été établi, je dois maintenant examiner les facteurs aggravants et les facteurs atténuants pertinents pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées qui doivent être imposées.

Facteurs aggravants

[162] J’ai examiné les observations présentées par les deux parties et j’ai retenu les facteurs aggravants suivants :

  • La gravité de l’inconduite.
  • La violence qui a été exercée sur son épouse.
  • Au cours des deux premiers incidents relativement à l’allégation no 1, Mme J.M. était en état de grossesse avancée et était particulièrement vulnérable.
  • La force exercée contre Mme J.M. lorsqu’elle a été étranglée et traînée sur les escaliers.
  • Le gendarme Sandhu a abusé de sa position de membre de la GRC pour dissuader Mme J.M. d’appeler la police à l’aide.
  • Au cours du deuxième incident de l’allégation no 1, le gendarme Sandhu a pris le téléphone cellulaire de Mme J.M. et l’a brisé lorsque celle-ci a voulu chercher de l’aide auprès de sa famille.
  • La possession et la consommation de la marihuana par le gendarme Sandhu, alors qu’il savait parfaitement que c’était illégal et contraire à la politique de la GRC.
  • Le gendarme Sandhu a été arrêté et doit répondre à des accusations criminelles pour avoir envoyé des messages textes menaçants au sergent d’état-major S.G.
  • Le gendarme Sandhu a déjà fait l’objet de mesures disciplinaires pour conduite scandaleuse relativement à une conduite avec facultés affaiblies qui a été sanctionnée par la confiscation de la solde pour 10 jours et par une réprimande.
  • Toutes les trois allégations dénotent une inconduite répétitive de la part du gendarme Sandhu.
  • Bien que le gendarme Sandhu ait reconnu sa conduite relativement aux allégations 2 et 3 et qu’il ait exprimé des regrets, je ne suis pas convaincu qu’il a manifesté des remords sincères.
  • Le gendarme Sandhu n’a pas manifesté de remords pour les incidents concernant Mme J.M.; il a plutôt voulu se présenter comme une victime.
  • Les répercussions sur les victimes :
  1. Mme J.M. a exprimé les effets qu’elle a subis en raison de l’inconduite du gendarme Sandhu : la perte de confiance et d’estime de soi et l’anxiété. Il convient de souligner le sentiment de liberté qu’elle a exprimé, maintenant que sa relation avec le gendarme Sandhu est terminée.

  2. Le sergent d’état-major S.G. a témoigné relativement aux effets dévastateurs que lui et sa famille ont subis en raison des messages textes envoyés par le gendarme Sandhu. Il est tout à fait évident qu’ils ont perçu les messages comme étant une menace et ont pris des mesures considérables pour contrer cette menace. Je peux certainement comprendre la vive inquiétude du sergent S.G. compte tenu de la source de la menace. En tant qu’agents de police, nous prévoyons que les menaces proviennent de ceux pour qui nous assurons la sécurité, mais pas de ceux avec qui nous assurons la sécurité.

Facteurs atténuants

[163] J’ai retenu les facteurs atténuants suivants :

  • Le gendarme Sandhu a admis les allégations 2 et 3. Toutefois, l’atténuation est limitée par le fait qu’il a nié le point 3 de l’allégation no 2 et qu’il n’a pas reconnu la nature menaçante des messages textes concernant l’allégation no 3.
  • Le gendarme Sandhu a un dossier professionnel solide qui témoigne de sa capacité à collaborer positivement avec le public et les membres de son équipe. Il indique qu’il est un bon élément pour la GRC.
  • De la même manière, les lettres de recommandation fournies témoignent de son dévouement au travail, de son esprit d’équipe très développé, de son engagement à encadrer les autres et des efforts exceptionnels qu’il déploie pour apporter de l’aide à ceux qui en ont besoin.
  • Le gendarme Sandhu a reçu un diagnostic de problèmes médicaux, à savoir le trouble de stress post-traumatique et le trouble de l’usage de l’alcool, pour lesquels il a demandé et obtenu un traitement.

Conclusion

[164] Le gendarme Sandhu a adopté un comportement de contrôle, ainsi que le démontrent les trois allégations. Comme je l’ai souligné dans ma décision sur les allégations, l’occasion que j’ai eue de l’observer quand il a fait une déclaration après mise en garde, lorsqu’il a été arrêté pour profération de menaces, a été particulièrement utile. J’ai pu voir deux côtés de la personnalité du gendarme Sandhu. Ils semblent compatibles avec ceux existaient dans leur relation, selon la description de Mme J.M.

[165] Je reconnais que le gendarme Sandhu a cherché à obtenir des soins et qu’il suit un traitement dans le but de remettre de l’ordre dans sa vie. Je le félicite de l’avoir fait. Je reconnais que ses antécédents en matière de discipline de 2009 concernaient la consommation de l’alcool. Il a obtenu un traitement à cet égard et il est parvenu à maintenir une période d’abstinence.

[166] Le problème a manifestement refait surface. À son crédit, on peut noter qu’il a encore une fois demandé à obtenir un traitement pour régler ce problème. Je suis conscient de la gravité de ce genre de trouble, ses répercussions potentielles et les efforts déployés par le gendarme Sandhu pour se rétablir.

[167] Toutefois, je dois souligner que, rien dans la preuve n’indique que l’alcool a joué un rôle dans le premier et le troisième incidents figurant à l’allégation no 1, et à l’allégation no 2. Celle-ci se rapporte à la consommation de la marihuana, pour laquelle il n’y a aucune preuve qu’elle a été diagnostiquée comme constituant un problème pour le gendarme Sandhu.

[168] J’accepte le diagnostic de trouble de stress post-traumatique et de trouble de l’usage de l’alcool, mais aucun lien de causalité n’a été établi avec l’inconduite du gendarme Sandhu.

[169] Les allégations formulées en l’espèce sont très graves. À titre d’exemple, deux semaines avant que Mme J.M. donne naissance à leur fille, le gendarme Sandhu l’a poussée vers le bas des escaliers, puis il s’est placé derrière elle et s’est mis à la traîner vers le haut sur plusieurs marches. Un tel comportement est à mon avis tout à fait épouvantable.

[170] En outre, la consommation de la marihuana par le gendarme Sandhu, tout en sachant que c’était illégal et contraire à la politique de la GRC, est troublante.

[171] Par ailleurs, les répercussions que les messages textes ont eues non seulement sur le sergent d’état-major S.G., mais aussi sur sa famille, comme le démontrent sa Déclaration de la victime et son témoignage sont très importantes, même aujourd’hui.

[172] En soupesant les facteurs aggravants et les facteurs atténuants, il est manifeste que les facteurs aggravants l’emportent largement sur les facteurs atténuants. Le processus disciplinaire a pour objectif principal la réadaptation, dans la mesure du possible, mais il doit aussi comporter un élément de dissuasion, à la fois spécifique et générale.

[173] La violence conjugale continue d’affliger notre société, de détruire la sécurité de nos foyers et de miner le caractère sacré de l’une de nos relations les plus précieuses. À titre d’agents de police, nous sommes souvent appelés à intervenir en cas d’incidents de violence conjugale. Nous sommes profondément conscients des répercussions de tels incidents sur les familles et les communautés. Par conséquent, si un tel incident est causé par un membre de la GRC, il doit être dénoncé très clairement.

[174] Le comportement harcelant ou menaçant adopté à l’égard d’un collègue est une question qui a fait l’objet d’une grande attention de la part du public et de la GRC au cours des dernières années. La GRC a investi des ressources et organisé des formations obligatoires pour éliminer ces comportements au sein de l’organisation. De la même manière, il faut souligner que ce genre de comportement est inacceptable et qu’il ne sera pas toléré par la GRC.

[175] Après avoir examiné le dossier dont je dispose, la nature de l’inconduite, les facteurs atténuants et les facteurs aggravants ainsi que les décisions citées par les parties, je conclus que le gendarme Sandhu a rompu sa relation d’emploi avec la GRC. Son maintien en poste minerait la confiance du public dans l’organisation. Je suis donc d’avis que la mesure disciplinaire que souhaite l’autorité disciplinaire est proportionnelle à la gravité de l’inconduite du gendarme Sandhu. Par conséquent, j’ordonne au gendarme Sandhu de démissionner de la Gendarmerie. S’il ne s’exécute pas dans les quatorze jours, j’ordonne alors son congédiement.

[176] L’une ou l’autre des parties peut faire appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision au membre visé, comme il est indiqué à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

26 février 2021

Inspecteur Colin Miller

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

 



[1] R. c McRae, 2013 CSC 68, 2013 CarswellQue 11603; R. v Hainsworth, 2016 ONCJ 552, 2016 CarswellOnt 14144; R. v Folkes, 2018 ONCJ 656, 2018 CarswellOnt 16087.

[2] 2016 HRTO 381.

[3] 2017 DARD 3.

[4] R. c Lavallee, 1990 CarswellMan 377; R. v Brown, 1992 ABCA 132, 1992 CarswellAlta 273; R. v Dunlop, 2014 ONCJ 44, 2014 CarswellOnt 1227.

[5] 2019 DARD 13; 2020 DAD 14.

[6] 25 D.A. (3e) 194; 1 D.A. (4e) 1; 2016 DARD 4; 2018 DARD 18; 2019 DARD 11. Les deux dernières décisions que j’ai consultées en anglais sont répertoriées sous les références 2018 RCAD 18 et 2019 RCAD 11.

[7] Le représentant de l’autorité disciplinaire a précisé qu’il ne maîtrisait pas bien le français et qu’il n’avait donc pas formulé de commentaires sur les deux décisions les plus récentes. Toutefois, après examen, j’ai constaté qu’elles ont également été réglées au moyen de recommandations conjointes.

[8] C-042

[9] 2016 DARD 4; 2018 DARD 18; 2019 DARD 11.

[10] 2019 CM 4010.

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