Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

En juillet 2018, Mme L, l’épouse d’un membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC), le serg. L, a déposé une plainte concernant l’intimée. Mme L n’est pas une employée de la GRC. Le serg. L […] entretenaient une relation extra-conjugale. Mme L affirmait que l’intimée l’avait harcelée, s’était servie de sa position pour accéder à ses renseignements personnels et avait adopté un comportement inapproprié. L’officier hiérarchique de l’intimée, […], a été informé de la plainte. Une enquête relative au code de déontologie a par la suite été menée (l’allégation no 1).
En octobre 2018, l’intimée a assisté à un cours […]. Il y serait survenu un incident qui a donné lieu à des allégations supplémentaires de contravention aux dispositions du code de déontologie à son endroit.
L’intimée a reçu signification d’une lettre de mandat et d’un ordre de réaffectation temporaire. Deux enquêtes relatives au code de déontologie ont été lancées sur les différentes contraventions alléguées. À une certaine étape du processus, il y avait six allégations contre l’intimée.
La lettre de mandat a été mise à jour à plusieurs reprises, et les allégations ont été modifiées en conséquence. Au bout du compte, seule l’allégation no 1 a été retenue.
Un ordre de suspension et, plus tard, un nouvel ordre de suspension ont aussi été signifiés à l’intimée.
En juin 2019, une demande de prorogation de délai a été déposée pour faire repousser de 90 jours la date de prescription, fixée au 18 juillet 2019. L’officier désigné a accueilli la demande de prorogation de délai en août 2019 et a fixé la nouvelle date de prescription au 16 octobre 2019.
En outre, en octobre 2019, une deuxième demande de prorogation de délai a été déposée pour faire repousser de 90 jours supplémentaires la date de prescription. L’officier désigné a accueilli la demande de prorogation de délai et a fixé la nouvelle date de prescription au 14 janvier 2020.
Un comité de déontologie a été constitué le 6 janvier 2020, et un avis d’audience disciplinaire a été signifié le 29 janvier 2020.
L’intimée a demandé la suspension de l’instance au motif que les décisions d’accorder une prorogation étaient déraisonnables.
Le 16 septembre 2020, le comité a rendu une décision par laquelle il a conclu que les décisions d’accorder une prorogation étaient bel et bien déraisonnables. Le comité a conclu que la procédure avait été introduite après l’expiration du délai prescrit et qu’il n’avait donc pas compétence pour l’instruire, et il a accueilli la requête en suspension de l’instance de l’intimée.
L’arbitre de l’appel en matière de déontologie a confirmé que le comité avait compétence pour examiner les décisions d’accorder une prorogation, a conclu que la décision du comité ne contrevenait pas aux principes d’équité procédurale, n’était pas entachée d’une erreur de droit et n’était pas manifestement déraisonnable, et il a rejeté l’appel.

Contenu de la décision

Protégé A

No de dossier 2020335714

2021 DAD 14

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AFFAIRE INTÉRESSANT

un appel en matière de déontologie interjeté au titre du paragraphe 45.11(4) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 (dans sa version modifiée)

ENTRE :

Commandante de la Division D

Gendarmerie royale du Canada

appelante

et

Sergente d’état-major Charla Keddy

numéro de matricule 49105

intimée

les parties

DÉCISION D’APPEL EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE

CORRIGÉE

ARBITRE : Steven Dunn

DATE : Le 18 mai 2021


SOMMAIRE

En juillet 2018, Mme L, l’épouse d’un membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC), le serg. L, a déposé une plainte concernant l’intimée. Mme L n’est pas une employée de la GRC. Le serg. L […] entretenaient une relation extra-conjugale. Mme L affirmait que l’intimée l’avait harcelée, s’était servie de sa position pour accéder à ses renseignements personnels et avait adopté un comportement inapproprié. L’officier hiérarchique de l’intimée, […], a été informé de la plainte. Une enquête relative au code de déontologie a par la suite été menée (l’allégation no 1).

En octobre 2018, l’intimée a assisté à un cours […]. Il y serait survenu un incident qui a donné lieu à des allégations supplémentaires de contravention aux dispositions du code de déontologie à son endroit.

L’intimée a reçu signification d’une lettre de mandat et d’un ordre de réaffectation temporaire. Deux enquêtes relatives au code de déontologie ont été lancées sur les différentes contraventions alléguées. À une certaine étape du processus, il y avait six allégations contre l’intimée.

La lettre de mandat a été mise à jour à plusieurs reprises, et les allégations ont été modifiées en conséquence. Au bout du compte, seule l’allégation no 1 a été retenue.

Un ordre de suspension et, plus tard, un nouvel ordre de suspension ont aussi été signifiés à l’intimée.

En juin 2019, une demande de prorogation de délai a été déposée pour faire repousser de 90 jours la date de prescription, fixée au 18 juillet 2019. L’officier désigné a accueilli la demande de prorogation de délai en août 2019 et a fixé la nouvelle date de prescription au 16 octobre 2019.

En outre, en octobre 2019, une deuxième demande de prorogation de délai a été déposée pour faire repousser de 90 jours supplémentaires la date de prescription. L’officier désigné a accueilli la demande de prorogation de délai et a fixé la nouvelle date de prescription au 14 janvier 2020.

Un comité de déontologie a été constitué le 6 janvier 2020, et un avis d’audience disciplinaire a été signifié le 29 janvier 2020.

L’intimée a demandé la suspension de l’instance au motif que les décisions d’accorder une prorogation étaient déraisonnables.

Le 16 septembre 2020, le comité a rendu une décision par laquelle il a conclu que les décisions d’accorder une prorogation étaient bel et bien déraisonnables. Le comité a conclu que la procédure avait été introduite après l’expiration du délai prescrit et qu’il n’avait donc pas compétence pour l’instruire, et il a accueilli la requête en suspension de l’instance de l’intimée.

L’arbitre de l’appel en matière de déontologie a confirmé que le comité avait compétence pour examiner les décisions d’accorder une prorogation, a conclu que la décision du comité ne contrevenait pas aux principes d’équité procédurale, n’était pas entachée d’une erreur de droit et n’était pas manifestement déraisonnable, et il a rejeté l’appel.

INTRODUCTION

[1] La commandante divisionnaire (la c. div.) de la Division D, en tant qu’autorité disciplinaire (l’appelante), interjette appel, en vertu du paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R‑10 (dans sa version modifiée du 28 novembre 2014) (la Loi sur la GRC), de la décision du 16 septembre 2020 par laquelle un comité de déontologie (le comité) a suspendu l’instance au motif que le délai prescrit pour convoquer une audience disciplinaire au titre du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC était expiré.

[2] Je constate d’entrée de jeu qu’à une certaine étape de la procédure disciplinaire, il y avait six allégations contre l’intimée. Cependant, la majorité des allégations ont été retirées en cours de route. Une seule allégation a été retenue (l’allégation no 1).

[3] L’appelante conteste la décision du comité de suspendre l’instance. Elle est d’avis que le comité n’avait pas le pouvoir de procéder au contrôle des décisions d’accorder une prorogation et qu’il a, ce faisant, commis une erreur manifeste et déterminante.

[4] En vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi sur la GRC, le commissaire peut déléguer son pouvoir de rendre des décisions définitives et obligatoires dans le cadre d’appels en matière de déontologie. Ce pouvoir m’a été délégué.

[5] Pour rendre la présente décision, j’ai pris en considération les documents dont disposait le comité qui a rendu la décision portée en appel (la documentation), ainsi que le dossier d’appel préparé par le Bureau de la coordination des griefs et des appels (le BCGA) (collectivement, le dossier). Sauf indication contraire, je préciserai le numéro de page en question lorsque je mentionnerai la documentation et le dossier d’appel.

[6] En outre, les dispositions législatives mentionnées sont celles qui étaient en vigueur au moment des événements.

[7] Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté.

CONTEXTE

[8] Le 18 juillet 2018, l’insp. A, Opérations secrètes de la Direction générale (la DG), a informé […] des renseignements fournis par l’épouse non employée (Mme L) d’un membre de la GRC, le serg. L, Opérations secrètes de la DG. Ces renseignements visaient notamment l’intimée. […] était l’officier hiérarchique de l’intimée. Les préoccupations de Mme L découlaient de la liaison extra-conjugale que le serg. L […] entretenaient. Selon Mme L, l’intimée l’aurait harcelée, aurait utilisé sa position pour accéder à ses renseignements personnels, aurait publié des renseignements sur les médias sociaux en utilisant des pseudonymes et aurait eu d’autres comportements inappropriés.

[9] Le 25 juillet 2018, Mme L a déposé une plainte officielle (documentation, note d’information, mandat, lettre de plainte externe). […] a communiqué avec elle le lendemain.

[10] Le 6 août 2018, […] a reçu par courriel une plainte écrite de Mme L. Une copie de la plainte a ensuite été transmise au surint. B, off. resp. des Opérations criminelles de la Police fédérale, Division H, pour examen.

[11] En octobre 2018, l’intimée a suivi un cours […], approuvé par […]. Je note qu’un incident qui se serait produit […] a par la suite donné lieu à des allégations supplémentaires à l’encontre de l’intimée. Toutes ces allégations ont fini par être retirées.

[12] Le 30 octobre 2018, […] a présenté une note d’information aux Opérations criminelles pour informer le s.-off. resp. du Groupe de la responsabilité professionnelle (le GRP).

Procédure liée au code de déontologie

i. Lettre de mandat

[13] Le 7 janvier 2019, […], en sa qualité de commandant par intérim des Opérations criminelles de la Police fédérale, Division H, a signé une lettre de mandat pour la tenue d’une enquête relative au code de déontologie (la lettre de mandat), lançant ainsi une enquête sur une contravention alléguée aux dispositions du code de déontologie de la GRC :

Allégation : Entre le 1er octobre 2015 et le 30 juin 2018, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Nouvelle-Écosse, ainsi qu’à d’autres endroits à déterminer, la [s.é.-m. K] s’est conduite de façon déshonorante en communiquant avec [Mme L] de façon répétée et sans que celle-ci le veuille, en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie.

[14] L’intimée a reçu une copie de la lettre de mandat le même jour.

[15] Le 17 février 2019, un ordre de réaffectation temporaire visant l’intimée est entré en vigueur.

[16] Le 7 mars 2019, […] a fait l’objet d’une enquête relative au code de déontologie en raison de sa participation alléguée à l’incident qui se serait produit […].

[17] Le 11 mars 2019, la c. div. de la Division H a signé une nouvelle lettre de mandat pour la tenue d’une enquête relative au code de déontologie, lançant ainsi une enquête sur quatre allégations supplémentaires de contravention aux dispositions du code de déontologie de la GRC qui n’étaient pas associées à l’allégation no 1.

[18] Le même jour, la c. div. de la Division H a délivré un ordre de suspension visant l’intimée.

[19] Le 14 mars 2019, la c. div. de la Division H s’est volontairement retirée du processus en raison d’un conflit d’intérêts attribuable à sa participation à la procédure en tant que témoin.

[20] Le 19 mars 2019, en ma qualité d’agent de la responsabilité professionnelle par intérim, après avoir reçu une recommandation de la Section nationale de la gestion de la déontologie de la Sous-direction de la responsabilité en milieu de travail à la DG, j’ai désigné l’appelante, la c. div. de la Division D, comme autorité disciplinaire en ce qui concerne les allégations de contravention aux dispositions du code de déontologie par l’intimée (documentation, note d’information, documents de mandat, lettre de désignation). Ma participation s’est limitée à approuver la recommandation en signant la lettre de désignation. Je suis d’avis que je peux trancher le présent appel de façon impartiale.

[21] Le 24 mars 2019, l’intimée a reçu signification de l’ordre de suspension et de la nouvelle lettre de mandat, qui comprenait quatre nouvelles allégations.

[22] Le 5 avril 2019, l’intimée a été informée par le GRP de la Division H que l’enquête allait désormais être menée par le GRP de la Division D.

[23] Le 30 avril 2019, l’appelante a signé une nouvelle lettre de mandat pour la tenue d’une enquête sur une sixième allégation liée aux quatre allégations qui avaient été ajoutées en mars.

[24] Le même jour, des enquêteurs ont communiqué avec l’intimée pour lui demander si elle allait produire une déclaration.

[25] Le 7 mai 2019, l’intimée a reçu signification de la nouvelle allégation.

[26] Le 16 mai 2019, l’intimée a rencontré les enquêteurs. Ceux-ci s’attendaient à ce qu’elle fasse une déclaration, mais elle leur a plutôt remis une trousse d’information préparée.

[27] Le 28 juin 2019, l’appelante a signé une nouvelle lettre de mandat pour la tenue d’une enquête dans laquelle il était précisé que l’allégation no 4 figurant dans la lettre de mandat du 11 mars 2019 devrait être retirée. La numérotation des allégations a été modifiée en conséquence.

[28] Le même jour, un nouvel ordre de suspension a été délivré à l’intimée.

Demande de prorogation de délai

[29] Le 28 juin 2019, une demande de prorogation de délai pour faire repousser de 90 jours la date de prescription, initialement fixée au 18 juillet 2019, a été présentée en raison de l’importance de la documentation requise, des étapes nécessaires pour la tenue de l’enquête et du temps nécessaire pour générer un rapport définitif et achever le processus d’enquête.

[30] Le 2 juillet 2019, l’intimée a reçu une copie de la demande de prorogation de délai datée du 28 juin 2019.

[31] Le 15 août 2019, la demande de prorogation de délai a été accordée en vertu du paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC. La date de prescription a donc été repoussée au 16 octobre 2019.

Deuxième demande de prorogation de délai

[32] Le 4 octobre 2019, une deuxième prorogation de délai a été demandée par l’appelante. Le 24 octobre 2019, l’officier désigné a accepté de repousser la date de prescription de 90 jours supplémentaires, soit jusqu’au 14 janvier 2020.

ii. Enquête

[33] Le rapport sur l’enquête relative au code de déontologie, daté du 30 octobre 2019, a été produit par le serg. Y (l’enquêteur) (documentation, enquête relative au code de déontologie, aux pages 1-915).

[34] L’enquêteur a examiné différentes déclarations de témoins, la correspondance avec Mme L et les renseignements fournis par celle-ci, la correspondance avec la sécurité de Postes Canada, la correspondance du surint. P, les notes du serg. L et du surint. P, les renseignements fournis par l’insp. E, un rapport de renseignement de sources ouvertes daté du 3 mai 2019, des renseignements concernant l’aide fournie par l’agent de liaison, un rapport d’examen polygraphique daté du 28 mai 2019 et un rapport d’examen polygraphique du secteur privé daté du 17 juin 2019.

[35] L’enquêteur a également examiné la structure organisationnelle de la Police fédérale au sein de la Division H, la politique sur les conflits d’intérêts énoncée au chapitre XVII.1 du Manuel d’administration, ainsi que divers courriels.

[36] En outre, l’enquêteur a analysé la réponse de l’intimée à l’allégation no 1, la déclaration d’un membre témoin, y compris la renonciation du membre témoin de l’intimée, la réponse de l’intimée aux quatre autres allégations, ses transactions de congé et son horaire de travail en mai 2018, ainsi que divers autres documents.

Demande de convocation d’une audience disciplinaire

[37] Le 3 janvier 2020, dans un avis à l’officier désigné, l’appelante a demandé qu’une audience disciplinaire soit convoquée au sujet des contraventions alléguées suivantes :

Allégation no 1 : Entre le 1er octobre 2015 et le 30 juin 2018, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Nouvelle-Écosse, ainsi qu’à [X] ou dans les environs, dans la province de l’Ontario, la [s.é.-m. K] s’est comportée d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la GRC, en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation no 2 : Le 22 octobre 2018 ou vers cette date, […] ou dans les environs, […], la [s.é.-m. K] s’est comportée d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la GRC, en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation no 3 : Entre le 27 octobre 2018 et le 5 mars 2019, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Nouvelle-Écosse, la [s.é.-m. K] s’est comportée d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la GRC, en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation no 4 : Entre le 27 octobre 2018 et le 5 mars 2019, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Nouvelle-Écosse, la [s.é.-m. K] s’est comportée d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la GRC, en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

[38] Comme je l’ai noté dès le départ, diverses allégations contre l’intimée ont été retirées en cours de route et, au bout du compte, seule l’allégation no 1 a été maintenue.

Constitution du comité de déontologie

[39] Le 6 janvier 2020, l’officier désigné a constitué le comité de déontologie.

iii. Audience disciplinaire

[40] Le 29 janvier 2020, l’appelante a délivré un avis d’audience disciplinaire.

Demande de suspension de l’instance présentée par l’intimée par l’entremise du représentant des membres (le RM)

[41] Le 11 août 2020, le RM a demandé au comité [TRADUCTION] « l’autorisation de déposer une requête alléguant un abus de procédure et un retard déraisonnable ».

[42] Lors du dépôt de la requête, le RM a expliqué que l’appelante avait regroupé toutes les allégations, même si l’intimée s’y opposait, ce qui avait causé des retards importants et donné lieu aux demandes de prorogation de délai.

[43] Le 23 août 2020, le représentant des autorités disciplinaires (le RAD) a déposé une réponse à la requête dans laquelle il s’est opposé à la demande de suspension de l’instance.

iv. Décision du comité de déontologie

[44] Le 16 septembre 2020, le comité a rendu une décision (dossier d’appel, aux pages 7-28) dans laquelle il a conclu que l’affaire avait été déposée après l’expiration du délai prescrit et qu’il n’avait pas compétence pour l’instruire (dossier d’appel, à la page 28). Par conséquent, le comité a rejeté l’allégation no 1.

[45] D’entrée de jeu, le comité s’est demandé s’il avait le pouvoir d’instruire la requête de l’intimée (dossier d’appel, aux pages 14-20). Il a conclu qu’il avait [TRADUCTION] « le pouvoir, voire la responsabilité, d’examiner la requête et les décisions prises par l’officier désigné afin de garantir le caractère raisonnable des prorogations accordées » (dossier d’appel, à la page 20).

[46] Le comité a cité l’article 17 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 (les CC (déontologie)) et a confirmé qu’une requête peut être présentée à un comité de déontologie en tout temps. Il a précisé que, bien que le comité de déontologie doive traiter la requête, il peut décliner sa compétence en expliquant les raisons pour lesquelles il le fait.

[47] Pour étayer sa conclusion, le comité s’est également appuyé sur la décision Calandrini c Canada (Procureur général), 2018 CF 52 (dossier d’appel, à la page 17) :

[TRADUCTION]

[15] Selon mon interprétation de cette décision, la Cour fédérale a confirmé qu’il appartenait au comité de déontologie de prendre une décision concernant « les procédures qui ont été suivies » dans le cadre du processus disciplinaire qui a mené à l’affaire qui lui est présentée. Cela comprend la décision interlocutoire prise par un officier désigné de proroger le délai prescrit en vertu du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC. La Cour d’appel fédérale a confirmé ce pouvoir dans ses brefs motifs du jugement Calandrini c Canada (Procureur général), 2019 CAF 73 (CanLii).

[16] Ce résultat est conforme à l’obligation d’un comité de déontologie de garantir sa compétence pour instruire les allégations à l’endroit d’un membre visé. Il doit notamment veiller à ce que l’audience disciplinaire soit convoquée à temps. Cette décision de l’officier désigné de proroger le délai prescrit en vertu du paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC constitue essentiellement un élargissement de la compétence du comité de déontologie pour lui permettre d’instruire l’affaire; autrement, le délai prescrit n’aurait pas été respecté. Un comité de déontologie doit être en mesure de garantir la validité de l’élargissement de sa compétence. S’il refusait d’examiner une requête qui sème le doute sur la validité de cette décision, le comité de déontologie abdiquerait sa responsabilité de veiller à ce qu’il ait compétence pour instruire l’affaire.

[48] En outre, le comité a expliqué qu’il ne pouvait pas [TRADUCTION] « simplement choisir de ne pas tenir compte d’une telle requête ayant trait à une décision discrétionnaire qui a eu une incidence grave sur les droits légaux d’un membre dans le cadre de la même procédure le visant » (dossier d’appel, à la page 18).

[49] Le comité s’est penché sur l’argument selon lequel les décisions de l’officier désigné étaient déraisonnables au motif qu’il a présenté [TRADUCTION] « des conclusions incohérentes et reconn[u] qu’une grande partie du retard dans l’attribution et la réalisation de l’enquête ne pouvait être expliquée de manière raisonnable », mais a malgré tout accordé les prorogations demandées (dossier d’appel, à la page 20). Le comité a retenu cet argument et a conclu que [TRADUCTION] « les décisions de l’officier désigné présent[aient] d’importants problèmes qui ne sont pas défendables » (dossier d’appel, à la page 20).

[50] Le comité a centré son analyse sur la première prorogation accordée, mais a expliqué que ses observations étaient également applicables à la deuxième prorogation (dossier d’appel, à la page 23).

[51] Le comité a souligné que des éléments importants étaient associés au retard dans cette affaire (dossier d’appel, à la page 22). Il a mis l’accent sur le fait qu’il a fallu six mois à l’autorité disciplinaire initiale pour demander une enquête relative au code de déontologie concernant la plainte de Mme L, dont plus de trois mois après que le GRP de la Division H a été informé de la plainte (dossier d’appel, à la page 23). Le comité a souligné que l’officier désigné avait estimé que les deux retards étaient déraisonnables. En outre, le comité a noté que la décision de combiner l’enquête concernant la plainte de Mme L (allégation no 1) et celle concernant les événements survenus […] (allégations nos 2 à 4) [TRADUCTION] « a[vait] eu pour effet de retarder de beaucoup plus la conclusion de l’enquête au sujet de l’allégation 1 » (dossier d’appel, à la page 23). Le comité n’a cependant pas souscrit à la conclusion de l’officier désigné selon laquelle il existait une explication raisonnable quant au retard (dossier d’appel, à la page 23). Selon le comité, la présomption de l’officier désigné selon laquelle il était nécessaire d’enquêter sur l’ensemble des allégations en même temps n’était pas étayée par les éléments dont il disposait, et l’absence de communication fidèle et complète a influé sur la décision de l’officier désigné de proroger le délai prescrit (dossier d’appel, à la page 24). Le comité a également conclu que la décision de l’officier désigné contenait des [TRADUCTION] « suppositions erronées […] alimentées par des renseignements inexacts et des omissions dans la demande de l’intimée » (dossier d’appel, à la page 25).

[52] Qui plus est, le comité a relevé que l’officier désigné avait conclu clairement et correctement qu’aucune explication raisonnable ne justifiait le retard dans la demande d’enquête et qu’il n’y avait pas de fondement raisonnable à sa dernière conclusion selon laquelle il existait une explication raisonnable quant au retard (dossier d’appel, à la page 25).

[53] Le comité, citant l’arrêt R c Grant, 2009 CSC 32 (Grant), a précisé que [TRADUCTION] « le critère de l’intérêt public exige également une évaluation de la gravité de l’allégation » (dossier d’appel, à la page 26). Le comité a expliqué que, même si l’intimée était [TRADUCTION] « peut-être allée trop loin », sa conduite, telle qu’elle est décrite dans la seule allégation maintenue, n’aurait pas entraîné son congédiement et que, n’eût été le retard dans la convocation de l’enquête relative au code de déontologie et l’ajout d’allégations concernant les événements qui se sont déroulés à […], elle n’aurait pas mené à la tenue d’une audience disciplinaire (dossier d’appel, à la page 27).

[54] En fin de compte, le comité a jugé que la décision de l’officier désigné de proroger le délai de prescription était déraisonnable et que, par conséquent, il n’avait pas compétence pour instruire l’affaire (dossier d’appel, à la page 28).

[55] Dans sa déclaration d’appel, l’appelante a indiqué qu’elle avait reçu la décision du comité le 22 septembre 2020 (dossier d’appel, à la page 4).

APPEL

[56] Le 29 septembre 2020, l’appelante a présenté le formulaire 6437 — Déclaration d’appel au BCGA par l’entremise du RAD (dossier d’appel, aux pages 3-5).

[57] L’appelante a affirmé que le processus décisionnel du comité avait porté atteinte aux principes d’équité procédurale et que la décision était entachée d’une erreur de droit et était manifestement déraisonnable (dossier d’appel, à la page 4). Elle a notamment déclaré que la décision du comité d’ordonner la suspension de l’instance [TRADUCTION] « était déraisonnable et constituait une erreur de droit compte tenu de l’ensemble du dossier de preuve » (dossier d’appel, à la page 4). Elle a ajouté qu’elle allait présenter des arguments supplémentaires dans ses observations écrites (dossier d’appel, à la page 4).

[58] En guise de réparation, l’appelante demande qu’une nouvelle audience disciplinaire soit tenue et qu’un comité de déontologie différemment constitué se prononce sur l’allégation de contravention aux dispositions du code de déontologie (dossier d’appel, à la page 5).

Observations de l’appelante

[59] L’appelante a présenté ses observations en appel par l’entremise du RAD le 9 décembre 2020 (dossier d’appel, aux pages 49-59). Elle a également ajouté des pièces jointes, y compris différents textes faisant autorité à l’appui de sa position (dossier d’appel, aux pages 60-291).

[60] Dans ses observations en appel, l’appelante soutient que le comité a commis une erreur en n’exigeant pas du RM qu’il fournisse des observations sur la question de la compétence, en écartant complètement le mécanisme d’appel prévu et en laissant entendre qu’il y avait eu atteinte aux droits procéduraux de l’intimée (dossier d’appel, à la page 50). En outre, elle fait valoir que le comité a commis une erreur de droit et qu’il a agi de manière déraisonnable en concluant qu’il avait la compétence pour instruire la requête. Elle affirme également que le comité a commis une erreur en laissant la sanction potentielle relative à l’allégation no 1 influer sur son processus de réflexion global et sa conclusion (dossier d’appel, à la page 50). L’appelante est d’avis que la décision du comité était injustifiée compte tenu d’une lacune fatale dans la logique qui sous-tend le raisonnement du comité (dossier d’appel, à la page 50).

[61] L’appelante précise la norme de contrôle applicable. En ce qui concerne les motifs d’appel, elle soutient que le fait que le comité n’a pas demandé de renseignements ou d’observations supplémentaires sur le mécanisme d’appel ainsi que sur la question centrale de savoir si le comité avait même le pouvoir d’examiner les décisions relatives aux deux demandes de prorogation de délai constituait une erreur (dossier d’appel, à la page 52).

[62] Par ailleurs, l’appelante fait valoir que le mépris affiché par le comité à l’égard du mécanisme d’appel était déraisonnable (dossier d’appel, à la page 53). Elle soutient que le comité [TRADUCTION] « a grandement outrepassé son pouvoir et a agi de façon déraisonnable en ne tenant aucun compte du mécanisme d’appel approprié » (dossier d’appel, à la page 53). Citant l’alinéa 24.1(3)d) de la Loi sur la GRC, l’appelante soutient qu’un comité de déontologie n’a pas le pouvoir d’effectuer [TRADUCTION] « toutes les formes » d’enquêtes qu’il juge nécessaires, et elle ajoute que le comité a complètement négligé cet élément, ce qui a entraîné une erreur manifeste et déterminante (dossier d’appel, à la page 53).

[63] L’appelante fait valoir que le comité est allé au-delà de ce qui était prévu et a créé son propre pouvoir de procéder à un examen des décisions (dossier d’appel, à la page 53). Elle s’appuie sur l’arrêt Vavilov rendu par la Cour suprême du Canada pour étayer son affirmation selon laquelle le comité n’a pas tenu compte de la nécessité d’avoir [TRADUCTION] « un texte de loi […] pour justifier l’adoption d’une ligne de conduite par un comité de déontologie dont les pouvoirs sont conférés par voie législative » (dossier d’appel, à la page 53). L’appelante ajoute que le fait que le comité a confirmé que son [TRADUCTION] « examen des deux décisions d’accorder une prorogation de délai n’étaient pas fondées sur un pouvoir expressément prévu par la loi » aurait dû mettre fin au processus (dossier d’appel, à la page 54). Elle soutient que le comité [TRADUCTION] « a commis une erreur de droit en ne s’appuyant sur aucun pouvoir légal » pour soutenir sa position selon laquelle il avait le pouvoir d’examiner les décisions de l’officier désigné (dossier d’appel, à la page 54). De l’avis de l’appelante, le comité aurait dû reconnaître l’absence de pouvoir légal d’agir et refuser d’instruire la requête (dossier d’appel, à la page 54). Elle ajoute que l’interprétation faite par le comité de la décision Calandrini est [TRADUCTION] « incorrecte et équivaut à une erreur déterminante et manifeste » (dossier d’appel, à la page 54).

[64] En outre, pour appuyer son argument selon lequel les pouvoirs d’un comité de déontologie ne comprennent pas la compétence de se prononcer sur la décision d’un décideur délégué d’accorder une prorogation de délai en vertu du paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC, l’appelante renvoie à des directives générales que j’ai données au BCGA en ma qualité de directeur général de la Direction générale des services de recours (dossier d’appel, aux pages 55-56). De fait, elle soutient que le comité [TRADUCTION] « a non seulement outrepassé sa compétence, mais a aussi agi en contradiction flagrante avec les directives du directeur général de la Direction générale des services de recours » (dossier d’appel, à la page 56). Pour des raisons que j’expliquerai plus loin dans mon analyse, je ne suis pas d’accord avec l’interprétation que fait l’appelante des directives que j’ai données au BCGA en octobre 2018.

[65] L’appelante conteste ce qu’elle décrit comme l’application erronée par le comité de la [TRADUCTION] « contraposition de façon à laisser entendre que ce n’est pas parce que les CC (déontologie) ne lui confèrent pas expressément le pouvoir d’agir » qu’il n’a pas le pouvoir d’agir (dossier d’appel, à la page 56).

[66] En outre, l’appelante fait valoir que la tentative du comité de justifier sa décision [TRADUCTION] « en requalifiant l’ensemble de la question comme une requête visée à l’article 17 des CC (déontologie) » constituait également une erreur (dossier d’appel, à la page 56). Elle conteste le fait que le comité n’a pas expliqué pourquoi le comité de déontologie dans l’affaire Solesme avait eu [TRADUCTION] « tort d’adopter une position contraire sur l’applicabilité de l’article 17 » (dossier d’appel, à la page 56).

[67] L’appelante est [TRADUCTION] « totalement en désaccord » avec la déclaration du comité selon laquelle l’autorité disciplinaire n’a présenté aucun fondement légal pour défendre la position selon laquelle un appel de la décision de l’officier désigné doit être présenté à l’issue de l’audience disciplinaire (dossier d’appel, à la page 56).

[68] L’appelante fait valoir que le fait que le comité se soit appuyé sur l’article 37 des Consignes du commissaire (griefs et appels) (les CC (griefs et appels)) pour justifier son pouvoir d’examiner la procédure était une erreur et n’était [TRADUCTION] « ni raisonnable ni correct » (dossier d’appel, à la page 57).

[69] En outre, l’appelante soutient que le comité a commis une erreur en laissant entendre qu’il y avait eu atteinte aux droits procéduraux de l’intimée (dossier d’appel, à la page 57). À son avis, le droit à l’équité procédurale de l’intimée a été respecté.

[70] L’appelante, citant la décision Solesme, s’oppose à ce qu’elle a décrit comme la volonté du comité d’élargir son pouvoir, ce qui a mené à [TRADUCTION] « une approche inutilement conflictuelle par rapport aux deux délais avant même qu’une audience sur le bien-fondé de l’allégation ait commencé » (dossier d’appel, à la page 58). Elle est d’avis qu’il était [TRADUCTION] « à la fois déraisonnable et incorrect » pour le comité d’agir ainsi (dossier d’appel, à la page 58).

[71] L’appelante soutient que le comité a commis une erreur en permettant qu’une sanction potentielle influe sur sa décision. Plus précisément, l’appelante fait valoir non seulement que le comité n’avait pas compétence pour instruire la requête, mais qu’il a aussi choisi de ne pas tenir compte de l’objectif qui consiste à exiger des membres de la GRC qu’ils respectent des normes de conduite élevées (dossier d’appel, à la page 58). Elle conteste le fait que le comité n’a pas mentionné que Mme L avait [TRADUCTION] « droit à ce que sa plainte contre un membre supérieur de la GRC soit dûment instruite » (dossier d’appel, à la page 58). Selon elle, il était déraisonnable que le comité [TRADUCTION] « ne tienne pas compte de la même façon du point de vue de la victime » (dossier d’appel, à la page 58).

[72] L’appelante fait valoir que la logique qui sous-tend le raisonnement du comité en ce qui a trait à la question de la compétence souffre d’une lacune fatale (dossier d’appel, à la page 58). Elle affirme que la décision du comité [TRADUCTION] « repose sur un fondement vicié » qui n’est pas abordé dans la décision, et elle fait valoir que cela [TRADUCTION] « constitue une erreur manifeste et déterminante » (dossier d’appel, à la page 59).

[73] L’appelante demande qu’une nouvelle audience soit tenue devant un comité de déontologie différemment constitué (dossier d’appel, à la page 59).

Observations de l’intimée

[74] Par l’entremise de son avocat, l’intimée a déposé ses observations le 13 janvier 2021 (dossier d’appel, aux pages 302-312), ainsi que différents textes faisant autorité à l’appui de sa position (dossier d’appel, aux pages 313-371).

[75] L’intimée soutient que la conclusion du comité selon laquelle [TRADUCTION] « [l]es prorogations de délai ne serviraient pas les intérêts de la justice » est raisonnable (dossier d’appel, à la page 304).

[76] L’intimée précise la norme de contrôle applicable. Elle ajoute que le comité [TRADUCTION] « n’a pas rendu une décision erronée en appliquant le même raisonnement que la Cour fédérale dans l’affaire Calandrini » (dossier d’appel, à la page 307).

[77] Elle affirme que [TRADUCTION] « le tribunal doit appliquer la décision Calandrini plutôt que la décision Solesme » (dossier d’appel, à la page 307).

[78] De plus, l’intimée soutient que l’argument de l’appelante selon lequel le comité ne peut procéder à l’examen de la décision de l’officier désigné en l’absence d’un pouvoir expressément prévu par la loi est sans fondement (dossier d’appel, à la page 307). Elle ne partage pas le point de vue de l’appelante selon lequel le comité a établi ses propres dispositions. À son avis, le comité a [TRADUCTION] « procédé à un examen minutieux de la Loi sur la GRC et des CC (griefs et appels) avant de conclure qu’il avait compétence pour procéder à l’examen de la décision de l’officier désigné » (dossier d’appel, aux pages 307-308).

[79] L’intimée n’est pas d’accord avec l’affirmation selon laquelle le comité n’a pas tenu compte du mécanisme d’appel approprié. À son avis, le comité s’est demandé [TRADUCTION] « si le mécanisme d’appel prévu à l’article 45.11 était applicable dans les circonstances » (dossier d’appel, à la page 308).

[80] En outre, l’intimée insiste sur le fait que l’argument de l’appelante selon lequel le comité a commis une erreur en ne lui demandant pas de présenter des observations sur la question de la compétence est sans fondement (dossier d’appel, à la page 308). Elle est d’avis que le comité n’était pas tenu de formuler une telle demande (dossier d’appel, à la page 308).

[81] L’intimée affirme que la conclusion du comité selon laquelle il avait le pouvoir d’examiner les deux décisions d’accorder une prorogation de délai et sa décision de rejeter l’allégation no 1 si ces décisions étaient déraisonnables étaient correctes (dossier d’appel, à la page 309).

[82] L’intimée souligne que la principale critique du comité à l’égard de la décision de l’officier désigné portait sur le fait qu’aucune explication raisonnable ne justifiait le retard (dossier d’appel, à la page 309). En ce qui concerne le retard attribuable à la décision de combiner les deux enquêtes, l’intimée fait valoir que le raisonnement de l’appelante était fondé sur un faux-semblant puisque les faits relatifs aux allégations nos 2 à 4 n’avaient [TRADUCTION] « absolument rien à voir » avec les faits relatifs à l’allégation no 1 (dossier d’appel, à la page 310). Elle ajoute que le comité a estimé que la conclusion de l’officier désigné, à savoir qu’un […] justifiait le regroupement des allégations, était sans fondement (dossier d’appel, à la page 310).

[83] En ce qui concerne le fait que le comité a tenu compte de la sanction potentielle, l’intimée fait valoir qu’il [TRADUCTION] « n’a pas commis d’erreur en considérant la sanction potentielle comme un aspect du préjudice subi par le membre », et elle ajoute que [TRADUCTION] « l’intérêt public ne jou[ait] pas en faveur de la prorogation du délai par l’officier désigné » (dossier d’appel, à la page 310).

[84] L’intimée est en désaccord avec l’argument de l’appelante selon lequel le comité a commis une erreur en laissant entendre qu’il y avait eu atteinte à ses droits en matière d’équité procédurale, et elle explique que la décision du comité ne portait pas sur ses droits procéduraux. À son avis, la brève mention de l’équité procédurale par le comité n’était rien de plus qu’une déclaration générale selon laquelle les comités de déontologie doivent s’assurer que l’équité procédurale est [TRADUCTION] « généralement respectée », et elle ne constituait pas une erreur, [TRADUCTION] « encore moins une erreur manifeste et déterminante » (dossier d’appel, à la page 311).

[85] En ce qui concerne l’argument de l’appelante selon lequel le comité a commis une erreur en n’abordant pas de façon appropriée une lacune fatale dans la logique qui sous-tend son raisonnement, l’intimée fait valoir que cet argument n’a pas été présenté au comité et que, pour cette raison, l’appelante [TRADUCTION] « ne devrait pas être autorisée à soulever la question pour la première fois en appel » (dossier d’appel, à la page 311). Elle note également que, selon elle, l’argument de l’appelante sur ce point est illogique et n’est pas étayé par la jurisprudence.

[86] L’intimée fournit également des explications sur certains faits sous-jacents. Selon elle, si les détails de certaines allégations sont rendus publics, sa vie personnelle en souffrira grandement (dossier d’appel, à la page 311). Elle demande donc que la présente décision soit rendue anonyme et qu’on la désigne comme « A.B. » ou le « membre visé » (dossier d’appel, à la page 311). Elle note qu’elle a déposé un grief, parce que le comité a refusé d’anonymiser sa décision au motif qu’elle aurait dû présenter sa demande avant la fin de la procédure, alors qu’il aurait dû rendre sa décision en fonction de la question de savoir si l’anonymisation était appropriée (dossier d’appel, aux pages 311-312). Elle ajoute que [TRADUCTION] « le refus de rendre la présente décision anonyme pourrait nuire à la procédure de grief en cours » (dossier d’appel, à la page 312).

[87] L’intimée demande que l’appel soit rejeté et que la décision du comité soit confirmée.

Contre-preuve de l’appelante

[88] L’appelante a présenté sa contre-preuve ainsi que des documents à l’appui par l’entremise du RAD le 20 janvier 2021 (dossier d’appel, aux pages 374-379, 380-449).

[89] Selon l’appelante, le fait que le comité [TRADUCTION] « n’a pas reconnu qu’il n’avait pas compétence pour examiner les deux décisions d’accorder une prorogation de délai » démontre qu’il [TRADUCTION] « a agi d’une manière manifestement déraisonnable » (dossier d’appel, à la page 375).

[90] Qui plus est, l’appelante soutient que le comité a commis une erreur manifeste et déterminante dans son interprétation du paragraphe 61 de la décision Calandrini (dossier d’appel, à la page 375). Selon elle, la Cour fédérale [TRADUCTION] « n’a jamais conféré [au comité] le pouvoir légal […] d’examiner les décisions interlocutoires de l’officier désigné d’accorder une prorogation du délai de prescription » (dossier d’appel, à la page 375). L’appelante fait valoir que le comité [TRADUCTION] « a mal interprété les propos du juge Mosley au paragraphe 61 de la décision et a adopté une position intenable » (dossier d’appel, à la page 376).

[91] Elle réitère [TRADUCTION] « [qu’]une décision peut être portée en appel au titre de l’article 45.11 de la Loi sur la GRC seulement après qu’une décision définitive été rendue par le comité de déontologie », et elle soutient que le comité [TRADUCTION] « a commis une erreur en contournant ce processus » (dossier d’appel, à la page 376).

[92] Qui plus est, l’appelante affirme que [TRADUCTION] « [l]e droit d’interjeter appel d’une décision d’accorder une prorogation de délai à la suite de la décision définitive du [comité de déontologie] sur le bien-fondé de l’allégation comme telle est visé par le libellé de l’article 45.11 de la Loi sur la GRC » (dossier d’appel, à la page 377).

[93] L’appelante soutient que le comité [TRADUCTION] « n’a pas invoqué le paragraphe 13(4) des CC (déontologie) comme fondement du pouvoir d’examiner les décisions de l’officier désigné d’accorder la prorogation du délai de prescription » et qu’il a commis une erreur manifeste et déterminante en s’appuyant sur l’article 37 des CC (griefs et appels) et sur le paragraphe 32(1) des CC (déontologie) [TRADUCTION] « au motif qu’ils étaient raisonnablement assez proches de la ligne de conduite [qu’il] souhaitait adopter » (dossier d’appel, à la page 377).

[94] L’appelante insiste sur le fait qu’il est nécessaire de procéder à un examen [TRADUCTION] « du caractère raisonnable de la décision du [comité] de créer son propre pouvoir, ainsi que du mépris total dont il a fait preuve à l’égard du mécanisme d’appel prévu à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC » (dossier d’appel, à la page 377).

[95] Elle conteste l’argument de l’intimée selon lequel [TRADUCTION] « l’officier désigné a établi son propre mécanisme d’appel au titre de l’article 45.11 de la Loi sur la GRC » (dossier d’appel, à la page 377). Elle fait valoir que l’officier désigné [TRADUCTION] « a respecté comme il se doit les directives claires du directeur général de la Sous-direction des recours, appels et examens datées du 31 octobre 2018 » (dossier d’appel, à la page 377).

[96] Sur la question de la compétence, l’appelante soutient qu’elle a été [TRADUCTION] « forcée de se livrer à des spéculations », parce que le comité a commis l’erreur de ne pas demander d’observations au premier RM (dossier d’appel, à la page 377).

[97] L’appelante répète que le comité n’avait pas compétence pour examiner les décisions et que l’allégation no 1 n’aurait jamais dû être suspendue (dossier d’appel, à la page 378).

[98] En outre, l’appelante fait valoir que l’intimée, tout comme le comité, a adopté sans justification une vision banalisée du droit de Mme L à ce que sa plainte soit instruite (dossier d’appel, à la page 378). Elle est d’avis que la [TRADUCTION] « suspension injustifiée de l’instance a donné lieu à un mépris total de […] la nécessité de veiller à ce que les policiers, en tant que titulaires d’une charge publique, soient tenus responsables de leurs fautes professionnelles » et qu’elle n’a pas [TRADUCTION] « tenu compte de l’absence totale de justice pour [Mme L] » (dossier d’appel, à la page 378).

[99] En outre, l’appelante soutient que le fait que le comité n’a pas demandé au RM de présenter des observations sur la question de la compétence a injustement porté atteinte à ses droits procéduraux (dossier d’appel, à la page 378). Elle fait valoir que l’élargissement injustifié par le comité de son pouvoir, [TRADUCTION] « bien au-delà de ce qui est effectivement conféré par la loi », constituait également une atteinte à ses droits procéduraux (dossier d’appel, à la page 378). Selon elle, la décision du comité a [TRADUCTION] « inutilement créé une approche excessivement formaliste, légaliste et accusatoire » (dossier d’appel, à la page 378).

[100] L’appelante estime que l’intimée a tort d’affirmer qu’elle a soulevé la nouvelle question de la lacune fatale dans la logique de la décision du comité (dossier d’appel, à la page 379).

[101] Elle fait valoir que l’intimée a eu amplement l’occasion de répondre à ses observations (dossier d’appel, à la page 379).

[102] L’appelante ne prend pas position sur la demande de l’intimée de rendre la décision anonyme (dossier d’appel, à la page 379).

[103] Elle réitère son argument selon lequel la décision du comité est intenable et demande une fois de plus qu’une nouvelle audience soit tenue devant un comité de déontologie différemment constitué (dossier d’appel, à la page 379).

Examen du dossier par les parties

[104] Après que le BCGA a terminé de préparer le dossier d’appel, les parties en ont reçu une copie pour examen. Par l’entremise de leurs représentants, elles ont confirmé que le dossier était complet (dossier d’appel, aux pages 451-453).

MANDAT

[105] En application du paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels, je suis tenu d’évaluer si la décision qui fait l’objet de l’appel :

  • contrevient aux principes d’équité procédurale;
  • est entachée d’une erreur de droit;
  • est manifestement déraisonnable.

Norme de contrôle applicable

[106] La Cour suprême du Canada a réexaminé la norme de contrôle applicable dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov). Elle a confirmé que les normes de contrôle établies par voie législative devraient être respectées (aux paragraphes 34-35). Par conséquent, je suis disposé à examiner tout manquement à l’équité procédurale selon la norme de la décision correcte, et il n’y aura pas lieu de faire preuve de retenue. Je note que, s’il est établi qu’une décision est entachée d’une erreur de droit, le critère juridique approprié peut être appliqué aux conclusions de fait (voir Housen c Nikolaisen, [2002] 2 RCS 235, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339).

[107] En revanche, il me faut faire preuve d’une grande déférence à l’égard du décideur initial pour trancher la question de savoir si une décision est rendue manifestement déraisonnable par une erreur de fait alléguée (ou une erreur mixte de fait et de droit).

[108] Dans la décision Kalkat, la Cour fédérale a examiné l’expression « manifestement déraisonnable » telle qu’elle figure au paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels) :

[62] Par conséquent, étant donné qu’il est expressément indiqué que la décision doit être « clearly unreasonable » et prenant en compte la traduction en français de l’expression (manifestement déraisonnable), je conclus que le délégataire n’a commis aucune erreur. Il est raisonnable d’interpréter la norme de la décision « clearly unreasonable » comme si elle équivalait à la norme de la décision « manifestement déraisonnable » dans le contexte du régime législatif et sur celui des principes. Il s’ensuit que le délégataire doit faire preuve de retenue à l’égard d’une conclusion par l’autorité disciplinaire lorsqu’il estime simplement que la preuve est insuffisante pour étayer la conclusion (Fraser Health, au paragraphe 30).

[109] Dans la décision Smith c Canada (Procureur général), 2019 CF 770, la Cour fédérale a examiné et confirmé une conclusion semblable :

[38] L’arbitre a effectué une analyse approfondie pour en arriver à la conclusion que la norme de la décision manifestement déraisonnable s’appliquait à la décision de l’autorité disciplinaire. Dans son analyse, l’arbitre a examiné la jurisprudence applicable, le sens du terme « manifestement », ainsi que le libellé en français du paragraphe 33(1). La conclusion de l’arbitre selon laquelle la norme de contrôle applicable était celle de la décision manifestement déraisonnable est justifiable, transparente et intelligible. La Cour est d’accord qu’il s’agissait là d’une conclusion raisonnable.

[110] La Cour d’appel fédérale a par la suite rejeté l’appel dans cette affaire (2021 CAF 73), déclarant, entre autres, ce qui suit :

[TRADUCTION] [43] Premièrement, il m’apparaît intéressant que l’appelant et l’intervenante n’aient pas abordé comme il se doit la version française du paragraphe 33(1) et les raisons pour lesquelles la décision [d’appel] est déraisonnable compte tenu de cette version. Dans la version française, on utilise les termes « manifestement déraisonnable », qui se traduisent par « patently unreasonable » et qui ont été interprétés comme tels dans la jurisprudence de la Cour suprême. Compte tenu de la méthode moderne d’interprétation des lois, l’analyse de l’arbitre démontre qu’il a fait une interprétation raisonnable du paragraphe 33(1), à savoir qu’il doit être démontré que la décision était manifestement déraisonnable.

Voir aussi l’arrêt Zak c Canada (Procureur général), 2021 CAF 80.

[111] Dans l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c Southam Inc., [1997] 1 RCS 748, au paragraphe 57, la Cour suprême du Canada a expliqué qu’une décision est manifestement déraisonnable si « le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal » ou, en d’autres mots, si le défaut ne peut être contesté et est tout à fait évident. Par la suite, dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c Ryan, 2003 CSC 20, la Cour suprême du Canada a expliqué, au paragraphe 52, qu’une décision manifestement déraisonnable est une décision qui est « clairement irrationnelle », « de toute évidence non conforme à la raison » ou « à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir ».

[112] Par conséquent, les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit doivent faire l’objet d’une grande retenue, et il y a lieu de conclure qu’une décision est manifestement déraisonnable seulement s’il existe une erreur manifeste et déterminante.

ANALYSE

[113] L’appelante affirme que le comité a commis une erreur lorsqu’il a conclu qu’il avait le pouvoir d’examiner la décision de l’officier désigné (dossier d’appel, à la page 54). Elle fait valoir que la décision du comité constituait un mépris déraisonnable à l’égard du mécanisme d’appel et que le comité a ainsi outrepassé ses pouvoirs (dossier d’appel, à la page 53). Elle ajoute que l’interprétation faite par le comité de la décision Calandrini est [TRADUCTION] « incorrecte et équivaut à une erreur déterminante et manifeste » (dossier d’appel, à la page 54). Elle conteste la décision du comité au motif qu’elle contrevient aux principes d’équité procédurale, qu’elle est entachée d’une erreur de droit et qu’elle est manifestement déraisonnable.

[114] J’examinerai les arguments de l’appelante pour chacun des motifs d’appel.

1. La décision du comité est-elle inéquitable sur le plan de la procédure?

[115] Dans sa déclaration d’appel, l’appelante a indiqué que la décision du comité contrevient aux principes d’équité procédurale.

[116] L’équité procédurale est formée de deux droits généraux, comme l’a expliqué le Comité externe d’examen de la GRC dans la décision G-568, qui a été approuvée par l’ancien commissaire le 20 janvier 2015 :

L’équité procédurale est un principe de la common law que l’on considère maintenant comme le [TRADUCTION] « fondement du droit administratif ». Elle comprend deux droits généraux : le droit de se faire entendre et le droit à un décideur impartial [voir David J. Mullan. Essentials of Canadian Law: Administrative Law (Toronto : Irwin Law, 2001) 4, 232]. S’il y a manquement à l’équité procédurale, une décision sera considérée comme nulle, à moins que le fond de la demande en question [TRADUCTION] « s’avère autrement sans espoir » [voir Cardinal c. Directeur de l’Établissement Kent [1985] 2 RCS 643; Kinsey c. Canada (Procureur général), 2007 CF 543; Mobil Oil Canada Ltd. c [Office] Canada–Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers [1994] 1 RCS 202; et Stenhouse c. Canada (Procureur général) [2004] CF 375].

[117] Un manquement à l’équité procédurale rend normalement une décision invalide; le redressement habituel consiste à ordonner qu’une nouvelle procédure soit entamée, sauf s’il est inévitable que l’issue soit la même compte tenu des circonstances (Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada–Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, aux paragraphes 51-54; Renaud c Canada (Procureur général), 2013 CAF 266, au paragraphe 5).

[118] Dans ses observations en appel, l’appelante ne présente aucun argument sur la façon dont son droit de se faire entendre et son droit à un décideur impartial n’ont pas été respectés.

[119] Cela dit, il apparaît que l’appelante désapprouve le processus utilisé par le comité pour rendre la décision contestée. Plus précisément, l’appelante soutient que le comité a commis une erreur lorsqu’il a, à tort, laissé la sanction potentielle relativement à l’allégation no 1 influer sur son processus de réflexion global, sa décision et ses conclusions (dossier d’appel, à la page 50). Elle ajoute que le comité a intentionnellement fait fi de la nécessité de maintenir des normes de conduite élevées au sein de la GRC (dossier d’appel, à la page 58). En outre, elle conteste le fait que le comité n’a pas mentionné que Mme L avait [TRADUCTION] « droit à ce que sa plainte contre un membre supérieur de la GRC soit dûment instruite » (dossier d’appel, à la page 58). À son avis, le comité a agi de façon déraisonnable en ne tenant pas compte de manière égale du point de vue de la victime, Mme L (dossier d’appel, à la page 58).

[120] À mon avis, le comité a tenu compte de la victime lorsqu’il a évalué l’intérêt public (dossier d’appel, à la page 26), ce qui l’a amené à mentionner brièvement la sanction potentielle pour l’allégation no 1. L’appelante peut difficilement me convaincre que ce bref commentaire entache irrémédiablement le processus de réflexion global du comité. La déclaration du comité selon laquelle, n’eût été certains retards, l’allégation [TRADUCTION] « aurait été examinée par une autorité disciplinaire de niveau inférieur et n’aurait mené qu’à des mesures disciplinaires ou correctives » n’est pas farfelue au point de rendre la décision manifestement déraisonnable. L’appelante elle-même reconnaît que l’allégation no 1, même fondée, n’est pas assez grave pour justifier un congédiement. Bien que rien ne dépende de cette question, je reconnais qu’un congédiement aurait été absolument exagéré. Cependant, contrairement au comité, je n’écarterais pas la possibilité que des mesures disciplinaires graves soient prises compte tenu de la preuve et des circonstances, en particulier compte tenu de la campagne délibérée orchestrée contre Mme L par l’intimée. De même, je ne pense pas que l’évaluation des facteurs pertinents par le comité constitue une erreur susceptible de révision.

[121] Je suis convaincu que la décision du comité a été rendue d’une manière équitable sur le plan de la procédure. Le droit de l’appelante d’être entendue a été respecté, et ni les actes ni les délibérations du comité n’ont donné lieu à une crainte raisonnable de partialité.

2. La décision du comité est-elle entachée d’une erreur de droit?

[122] Le RAD, au nom de l’appelante, soutient de plusieurs façons que le comité a commis une erreur de droit en se déclarant compétent pour instruire la requête, notamment en agissant sans pouvoir expressément prévu par la loi (dossier d’appel, à la page 53), en rejetant le mécanisme d’appel prévu à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC (dossier d’appel, aux pages 50, 52-53), en ne tenant pas compte du fait que le paragraphe 45(2) exclut l’alinéa 24.1(3)d) de la Loi sur la GRC (dossier d’appel, à la page 53), en interprétant de façon erronée la décision Calandrini rendue par la Cour fédérale (dossier d’appel, à la page 54), en appliquant de façon erronée l’article 17 des CC (griefs et appels) (dossier d’appel, à la page 56), en s’appuyant de façon inappropriée sur l’article 37 des CC (griefs et appels) (dossier d’appel, à la page 57) et en ne demandant pas au RM de présenter des observations sur la question de la compétence (dossier d’appel, à la page 58).

[123] Par souci de clarté, une erreur de droit est généralement décrite comme l’application d’une norme juridique incorrecte ou l’omission de tenir compte d’un élément essentiel d’un critère juridique (voir, par exemple, Housen c Nikolaisen, [2002] 2 RCS 235, au paragraphe 36). En d’autres termes, [TRADUCTION] « [u]ne question qui vise à déterminer l’interprétation correcte d’une norme juridique [ou d’une disposition législative] plutôt que la manière dont la norme est appliquée aux faits particuliers est une question de droit » (Robert Macaulay et James Sprague, Practice and Procedure before Administrative Tribunals, feuilles mobiles (Toronto : Thompson Reuters, 2017), volume 3, aux pages 28-336, note 236).

[124] Je ne suis pas convaincu par les arguments de l’appelante. Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le comité avait le pouvoir d’instruire la requête, purement et simplement.

[125] Premièrement, l’article 17 des CC (déontologie) confirme qu’une requête peut être présentée en tout temps devant le comité de déontologie. Comme je l’ai récemment précisé dans le cadre d’un appel similaire en matière de déontologie (2019335744), il existe quatre situations dans lesquelles le comité de déontologie est obligé de rejeter sommairement une requête, et toutes ont trait à des décisions précises découlant du processus disciplinaire énoncé à l’article 32 des CC (déontologie), qui prévoit un appel au titre de la partie 3 des CC (griefs et appels) : la réaffectation temporaire; la suspension aux termes de l’article 12 de la Loi sur la GRC; la cessation du versement de la solde et des indemnités aux termes de l’alinéa 22(2)b) de la Loi sur la GRC; et le refus ou la cessation de la représentation.

[126] Deuxièmement, le paragraphe 13(4) des CC (déontologie) confère aux comités de déontologie un grand pouvoir discrétionnaire :

Pendant l’instance, il peut donner toute directive appropriée au sujet de toute question soulevée qui n’est pas prévue par la Loi, le Règlement ou les présentes consignes.

[127] Par souci d’exhaustivité, je note que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit tenir compte des exigences du paragraphe 46(2) de la Loi sur la GRC :

[Le comité de déontologie] donne suite aux procédures engagées devant [lui] d’une façon aussi simple et rapide que le permettent les circonstances et l’équité.

Voir également le paragraphe 13(1) des CC (déontologie).

[128] Troisièmement, le paragraphe 45(2) de la Loi sur la GRC confère expressément aux comités de déontologie des pouvoirs supplémentaires :

Le comité de déontologie possède, relativement à l’affaire qu’il préside, les pouvoirs conférés à une commission d’enquête par les alinéas 24.1(3)a) à c) [c’est-à-dire le pouvoir d’assigner des témoins, le pouvoir de recevoir des serments et le pouvoir de recevoir et d’admettre des éléments de preuve, qu’ils soient ou non recevables devant un tribunal].

[129] Sur ce point, je ne suis pas d’accord avec l’argument de l’appelante selon lequel le fait que le paragraphe 45(2) n’inclut pas l’alinéa 24.1(3)d) (le pouvoir de procéder à l’examen des dossiers ou registres et aux enquêtes que le conseil juge nécessaires) a pour effet d’empêcher le comité de déontologie d’examiner la décision d’un officier désigné d’accorder une prorogation de délai. Après tout, le paragraphe 15(5) des CC (déontologie) semble conférer un pouvoir encore plus large que celui prévu à l’alinéa 24.1(3)d) :

Le comité peut ordonner à toute personne de lui transmettre les renseignements ou les documents supplémentaires dont il a besoin pour remplir son mandat en application du paragraphe 45(1) de la Loi.

[130] Quatrièmement, au paragraphe 61 de la décision Calandrini, la Cour fédérale a reconnu que le comité de déontologie avait compétence pour examiner « la procédure qui a été suivie » dans le cadre du processus disciplinaire. La Cour a également reconnu le pouvoir du commissaire (ou de son délégué) d’examiner les mêmes questions en appel. Comme l’a souligné le comité, la Cour d’appel fédérale (2019 CAF 73) a confirmé la décision de la Cour fédérale (dossier d’appel, à la page 17). De plus, l’avocat de l’intimée souligne astucieusement (dossier d’appel, aux pages 306-307) que la position adoptée par le procureur général devant la Cour fédérale contredit valablement l’argument de l’appelante (Calandrini, au paragraphe 57) :

Le défendeur [le procureur général du Canada] soutient que la demande est prématurée, car le processus administratif interne n’a pas été épuisé et le comité de déontologie peut déterminer si la prorogation aurait dû être accordée, si la décision de l’autorité de révision était raisonnable et, si tel est le cas, si des mesures disciplinaires plus sévères sont justifiées. […]

[Caractères gras ajoutés.]

[131] Enfin, au sujet de l’appel, l’appelante soutient que les directives générales que j’ai données au BCGA le 31 octobre 2018 confirment que l’unique voie pour contester la décision d’un officier désigné d’accorder une prorogation de délai consiste à inclure les arguments pertinents dans un appel interjeté au titre de l’article 45.11 de la Loi sur la GRC dès la réception de la décision du comité de déontologie. S’il est vrai que le paragraphe 45.11(4) précise que « [l]e commissaire entend tout appel, quel qu’en soit le motif », ni cette disposition ni mes directives générales n’empêchent un membre de contester une décision d’accorder une prorogation en présentant une requête devant un comité de déontologie. Les directives générales confirment simplement que, pour présenter un appel au titre de l’article 45.11, le membre visé doit d’abord recevoir une décision comportant une conclusion concernant une contravention des dispositions du code de déontologie. La décision d’un officier désigné d’accorder une prorogation de délai ne répond pas à ce critère préalable. Si une requête en contestation d’une décision d’accorder une prorogation est rejetée lors de l’audience disciplinaire, le membre peut toujours intégrer ces arguments plus tard comme motif d’appel.

[132] Si le membre choisit d’inclure, dans ses observations écrites préparées pour la rencontre disciplinaire, une déclaration pour expliquer pourquoi la décision d’accorder une prorogation de délai ne peut pas être maintenue dans le but de préserver des arguments d’appel potentiels, il doit garder à l’esprit que c’est l’autorité disciplinaire qui a demandé la prorogation de délai et qu’elle sera sans doute fermement convaincue de la justification et de la validité de la décision. Les rencontres disciplinaires ne sont pas des audiences quasi judiciaires; elles sont plutôt, de par leur conception, des discussions entre un gestionnaire désigné et le membre visé au sujet des allégations d’inconduite et des mesures disciplinaires potentielles, qui sont destinées à être aussi informelles que l’équité le permet. Par conséquent, le fait de défendre vigoureusement le caractère raisonnable de la décision d’accorder une prorogation de délai lors de la rencontre disciplinaire serait inévitablement un exercice futile et détournerait l’attention de la conversation sur les allégations cruciales.

[133] De plus, comme je l’ai souligné dans un autre appel en matière de déontologie (2019335744), le paragraphe 45.11(4) semble permettre de contester une décision d’accorder une prorogation en l’absence de toute référence à cette décision lors de la rencontre disciplinaire, d’autant plus que les deux parties auraient auparavant présenté leurs arguments favorables ou défavorables à la prorogation à l’officier désigné et que ces documents, ainsi que la décision contestée d’accorder la prorogation, feraient partie du dossier d’appel. Essentiellement, l’idée que les autorités disciplinaires puissent être tenues de justifier la décision d’accorder une prorogation de délai (qu’elles ont elles-mêmes demandée) prise par l’officier désigné au cours de la rencontre disciplinaire frise le non-sens compte tenu du contexte et du processus qui ont mené à la décision d’accorder la prorogation. Cette réalité, bien sûr, contraste fortement avec le contexte quasi judiciaire d’une audience disciplinaire.

[134] Maintenant que j’ai abordé la question des pouvoirs du comité, je me dois de me pencher sur la question de la norme de contrôle. Lorsqu’il examine une requête en contestation de la décision d’un officier désigné d’accorder une prorogation du délai prescrit, le comité de déontologie n’examine pas cette décision en tant qu’arbitre d’un appel, mais plutôt en tant que comité de déontologie. Par conséquent, la norme de contrôle prévue au paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels), soit celle de la décision manifestement déraisonnable, ne s’applique pas. C’est plutôt la norme de la décision raisonnable, qui est issue de la common law et qui commande une moins grande déférence, qui s’applique. Je note que le comité a appliqué la norme de la décision raisonnable en l’espèce (dossier d’appel, aux pages 11, 20 et 27).

[135] En résumé, je suis convaincu que le comité avait le pouvoir d’examiner la requête et qu’il a appliqué la norme de contrôle appropriée. La question qui reste consiste à savoir si la décision du comité est « clairement irrationnelle » et « de toute évidence non conforme à la raison ». Comme je vais l’expliquer, la réponse est négative et je n’interviendrai donc pas.

3. La décision du comité est-elle manifestement déraisonnable?

[136] L’appelante soutient que la décision du comité est manifestement déraisonnable, mais, sauf pour quelques exceptions, elle s’appuie sur les mêmes arguments relatifs à la compétence que j’ai déjà rejetés. À son crédit, le RAD n’a même pas tenté de défendre la mauvaise gestion du processus relatif au code de déontologie qui a été démontrée en l’espèce, y compris les retards et la négligence de […], les mauvais choix liés à l’enquête tactique, ou même les décisions d’accorder une prorogation.

[137] Je note que, pour déterminer si la décision d’un comité de déontologie est manifestement déraisonnable, il ne suffit pas pour l’appelant de relever une erreur dans la décision contestée ou d’être simplement en désaccord avec les opinions ou l’interprétation des faits du décideur. La norme de contrôle applicable exige que l’appelant démontre que la décision aurait été différente si l’erreur n’avait pas été commise. Une décision ne sera pas considérée comme « manifestement déraisonnable » si elle demeure plausible après que les erreurs ont été prises en compte.

[138] Le seul argument restant de l’appelante, en ce qui a trait à l’analyse du comité, est qu’il était inapproprié pour le comité de laisser entendre qu’il y avait eu atteinte aux droits procéduraux de l’intimée (dossier d’appel, aux pages 50, 57). Cette affirmation est inexacte. Voici ce que le comité a effectivement déclaré (dossier d’appel, à la page 18) :

[TRADUCTION] [20] L’officier désigné n’a pas non plus la compétence pour poser les questions nécessaires qui lui permettraient de déterminer si la période prescrite est terminée. Aucune disposition de la Loi, des CC ou de la politique ne lui confère ce pouvoir. Il appartient au comité de déontologie de garantir aux deux parties qu’il a compétence pour instruire l’affaire et d’accorder au membre visé le degré approprié d’équité procédurale qui lui est dû dans toute procédure disciplinaire.

[Caractères gras ajoutés.]

[139] Le comité a ensuite souligné que l’article XII.1.19.1.7 du Manuel d’administration de la GRC prévoit que l’officier désigné doit garder à l’esprit que, « [d]evant une demande de prorogation de délai, la considération qui doit primer est celle de l’équité » (dossier d’appel, à la page 22). Il est certain que le principe d’équité procédurale est une considération valable dans la présente décision.

[140] Par souci d’exhaustivité et de commodité, je reproduis la conclusion du comité (dossier d’appel, à la page 27) :

[TRADUCTION] [52] En résumé, l’officier désigné avait devant lui une allégation pour laquelle il a fallu six mois de retard inexpliqué et déraisonnable avant que l’autorité disciplinaire demande une enquête relative au code de déontologie. L’enquête a été de nouveau retardée du fait qu’elle a été combinée à une autre enquête concernant un incident sans lien qui s’est produit des mois plus tard sur un autre […]. Si l’on retire les suppositions erronées de l’officier désigné qui découlent de renseignements inexacts et d’omissions dans la demande, aucun […] ne justifierait l’enquête combinée des deux affaires. En outre, la requérante n’était en rien responsable de ce retard non justifié.

[53] Dans ces circonstances, la conclusion de l’officier désigné selon laquelle le retard global était raisonnable est, en soi, déraisonnable. La justice ne serait pas rendue entre les parties si l’on permettait à la prorogation du délai d’être maintenue. Ainsi, cette affaire a été déposée après la fin du délai et je n’ai pas compétence pour l’instruire.

[141] Le comité est parvenu à cette conclusion après avoir effectué un examen exhaustif de la preuve et des délais dans l’affaire (dossier d’appel, aux pages 9-14, 22-27). Après examen de la documentation, je constate que le comité a fait preuve d’une grande retenue lorsqu’il a fait référence aux inexactitudes et aux omissions dans les observations de l’appelante relative aux demandes de prorogation. En somme, les autorités disciplinaires et les membres du personnel qui les aident et les conseillent doivent faire mieux.

[142] Je conclurai par un extrait des remarques formulées par le comité au début de son analyse (dossier d’appel, à la page 20) :

[TRADUCTION] [29] […] Le décideur possède un vaste pouvoir discrétionnaire relativement à l’exercice de ses responsabilités et sa décision mérite un haut degré de déférence pourvu que ses motifs démontrent la justification de la décision et la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel. Malheureusement, dans le cas présent, les décisions de l’officier désigné présentent d’importants problèmes qui ne sont pas défendables. La prorogation du délai prescrit ne peut être justifiée simplement par les circonstances.

[143] À mon avis, cette conclusion s’applique parfaitement aux décisions de l’officier désigné d’accorder une prorogation. Ces décisions sont bel et bien marquées par des incohérences et faussées par les renseignements présentés dans les demandes, mais l’officier désigné y reconnaît au moins, et à juste titre, que le retard dans l’attribution et la réalisation de l’enquête ne pouvait être expliqué de manière raisonnable (documentation, documents de la requête, décision d’août à la page 8, décision d’octobre à la page 9).

[144] En fin de compte, l’appelante n’a pas démontré que la décision du comité de suspendre la procédure disciplinaire contre l’intimée pour absence de compétence est manifestement déraisonnable.

Demande d’anonymisation de la présente décision par l’intimée

[145] La GRC publie sur un site Web public toutes les décisions des comités de déontologie et les décisions d’appel qui en découlent. L’intimée demande que la présente décision d’appel soit rendue anonyme de la manière qu’elle privilégie. Selon elle, si la décision n’est pas rendue anonyme, sa vie personnelle en souffrira et cela nuira à la procédure de grief qu’elle a engagée pour contester le refus du comité de rendre sa décision anonyme notamment au motif que sa demande avait été présentée après la publication de la décision (dossier d’appel, aux pages 311-312). J’ai davantage de choses à dire sur le premier point, mais j’aborderai dès maintenant le second, qui me semble problématique. Premièrement, n’eût été l’argument de l’intimée, je n’aurais pas eu connaissance des détails du grief. Deuxièmement, l’intimée serait heureuse que j’accède à sa demande d’anonymisation de la décision et que je supprime son nom, et elle mentionnerait vraisemblablement cet élément dans son grief, mais elle insiste sur le fait que, si je n’accède pas à sa demande, cela pourrait être préjudiciable à son grief. À mon avis, ce dilemme a été créé par l’intimée elle-même puisqu’elle a tenté de plaider simultanément la question en l’espèce. Si elle a gain de cause dans son grief, tant la décision du comité que la présente décision d’appel devront être rendues anonymes, sans quoi l’ensemble de l’exercice aura été vain.

[146] Dans l’affaire Southam Inc v Canada (Attorney General) (1997), 36 OR (3d) 721, un juge de la Cour supérieure de l’Ontario a déclaré inconstitutionnelle une disposition de l’ancienne Loi sur la GRC, qui rendait les audiences disciplinaires privées, et il a souligné l’importance des audiences publiques dans le contexte policier (1997 CanLII 12193 (C.S. Ont.), à la page 11) :

[TRADUCTION] Compte tenu du caractère public des fonctions d’un agent de la paix, et vu les larges pouvoirs conférés par la loi aux agents de la paix dans l’exercice de leurs fonctions, et parce que les procédures formelles d’un comité d’arbitrage peuvent compromettre à ce point les droits d’un membre de la GRC, le public a un droit fondamental à une telle audience. Le rôle du comité d’arbitrage est manifestement un rôle judiciaire.

Évidemment, cela s’applique aux décisions qui découlent de ces audiences, ce qui explique pourquoi la GRC affiche publiquement non seulement le calendrier des audiences disciplinaires avec les noms des membres visés, mais aussi les décisions des comités et les décisions d’appel, peu importe leur issue.

[147] Bien que je ne sois pas prêt à retirer le nom de l’intimée de la présente décision d’appel, j’ai évité d’y intégrer certains renseignements parce qu’il n’était pas nécessaire que j’y fasse référence compte tenu de la portée des arguments de l’appelante et les principales questions.

DÉCISION

[148] Le comité avait compétence pour examiner les décisions de l’officier désigné d’accorder une prorogation de délai. Le comité a appliqué la bonne norme de contrôle et n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante.

[149] Je rejette l’appel et confirme la décision du comité en vertu de l’alinéa 45.16(1)a) de la Loi sur la GRC.

 

 

 

Steve Dunn, arbitre

 

Date

Rectificatif

Le libellé de la décision initiale rendue le 13 mai 2021 a été corrigé : le terme « CC (griefs et appels) » a été remplacé par le terme « CC (déontologie) » au paragraphe 126.

 

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