Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire contient au total cinq allégations de contravention au Code de déontologie de la GRC. Les allégations 1 et 2 concernent les interactions du gendarme MacGillivray avec un membre du public placé dans une cellule et sa déclaration concernant ces interactions. Les allégations 3 et 4 ont trait aux actes du gendarme MacGillivray à la suite d’une collision avec son véhicule personnel. L’allégation 5 se rapporte à l’utilisation non autorisée d’un véhicule du parc automobile à des fins personnelles.
Le Comité de déontologie a conclu que les allégations 1, 3 (telles que modifiées) et 5 sont fondées. L’allégation 2 n’est pas fondée. L’allégation 4 a été retirée par le représentant de l’autorité disciplinaire.
Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : (1) une sanction pécuniaire de deux jours de paye, à déduire de la paye du gendarme MacGillivray; (2) le retrait de 20 jours de congé annuel; (3) la directive de suivre un traitement médical tel que précisé par un médecin-chef; la directive de suivre le cours de certification sur l’utilisation du modèle d’intervention pour la gestion des incidents dans Agora ou, s’il a déjà suivi ce cours, de suivre le cours de recertification sur l’utilisation du modèle d’intervention pour la gestion des incidents dans Agora. Une preuve de réussite de la formation doit être fournie au responsable de l’autorité disciplinaire dans les 120 jours suivant la date de la présente décision écrite.

Contenu de la décision

Protégé A

2021 DAD 16

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Affaire intéressant une audience disciplinaire tenue en vertu de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10

Entre :

Le commandant de la Division H

(Autorité disciplinaire)

et

Le gendarme Aaron MacGillivray

Matricule 52654

(Membre visé)

Décision du Comité de déontologie

Christine Sakiris

16 juin 2021

 

Sergent d’état-major Jon Hart, représentant de l’autorité disciplinaire

Mme Nasha Nijhawan, représentante du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 4

ALLÉGATIONS 7

PREUVE 11

Faits non contestés 11

Principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve 12

Témoignage du gendarme Stapleford 13

Témoignage de la gendarme Jeffrey 13

Témoignage de K.S. 13

Témoignage du gendarme MacGillivray 14

Témoignage d’expert du sergent Beauchamp 15

ANALYSE 16

Allégation 1 – Recours à la force 16

Conclusions relatives aux interactions du gendarme MacGillivray avec K.S. 16

Identité du membre ayant exercé la force 22

Actes constituant un recours à la force 22

Caractère raisonnable et nécessité du recours à la force 22

Allégation 2 – Obligation de faire rapport 24

Caractère opportun et exhaustivité des rapports 24

Compte rendu faux, trompeur ou inexact 25

Allégation 3 – Conduite susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie 32

Allégation 5 – Utilisation non autorisée d’équipement et de biens de la GRC 34

MESURES DISCIPLINAIRES 34

Portée des mesures disciplinaires 35

Allégation 1 – article 5.1 du Code de déontologie 35

Allégation 3 – article 7.1 du Code de déontologie 36

Allégation 5 – article 4.6 du Code de déontologie 37

Facteurs aggravants 38

Facteurs atténuants 39

Décision relative aux mesures disciplinaires 41

CONCLUSION 42

 

SOMMAIRE

L’avis d’audience disciplinaire contient au total cinq allégations de contravention au Code de déontologie de la GRC. Les allégations 1 et 2 concernent les interactions du gendarme MacGillivray avec un membre du public placé dans une cellule et sa déclaration concernant ces interactions. Les allégations 3 et 4 ont trait aux actes du gendarme MacGillivray à la suite d’une collision avec son véhicule personnel. L’allégation 5 se rapporte à l’utilisation non autorisée d’un véhicule du parc automobile à des fins personnelles.

Le Comité de déontologie a conclu que les allégations 1, 3 (telles que modifiées) et 5 sont fondées. L’allégation 2 n’est pas fondée. L’allégation 4 a été retirée par le représentant de l’autorité disciplinaire.

Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : (1) une sanction pécuniaire de deux jours de paye, à déduire de la paye du gendarme MacGillivray; (2) le retrait de 20 jours de congé annuel; (3) la directive de suivre un traitement médical tel que précisé par un médecin-chef; la directive de suivre le cours de certification sur l’utilisation du modèle d’intervention pour la gestion des incidents dans Agora ou, s’il a déjà suivi ce cours, de suivre le cours de recertification sur l’utilisation du modèle d’intervention pour la gestion des incidents dans Agora. Une preuve de réussite de la formation doit être fournie au responsable de l’autorité disciplinaire dans les 120 jours suivant la date de la présente décision écrite.

INTRODUCTION

[1] Le gendarme MacGillivray fait face à cinq contraventions alléguées au Code de déontologie de la GRC. Les contraventions sont liées à trois incidents qui se sont produits sur une période de trois mois.

[2] En décembre 2018, le gendarme MacGillivray était l’enquêteur principal en réponse à une plainte de conduite avec facultés affaiblies mettant en cause K.-S. Le gendarme MacGillivray aurait utilisé plus de force que nécessaire à l’égard de K.-S. pendant qu’il était hébergé dans une cellule, en contravention de l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC (allégation 1). Il est également allégué qu’il aurait rédigé un récit faux et trompeur au sujet de ses interactions avec K.S., en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie (allégation 2).

[3] En février 2019, le gendarme MacGillivray a été impliqué dans une collision avec un chevreuil alors qu’il conduisait son véhicule personnel. Le gendarme Arsenault, un membre du détachement local de la GRC, s’est rendu sur les lieux. Il est allégué que le gendarme MacGillivray a fait une fausse déclaration au sujet de l’état de son assurance, en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie (allégation 3). Il est également allégué qu’il n’a pas agi en faisant preuve d’intégrité, d’équité et d’impartialité dans ses interactions avec le gendarme Arsenault, en contravention de l’article 3.2 du Code de déontologie (allégation 4).

[4] Toujours en février 2019, le gendarme MacGillivray aurait utilisé un véhicule du parc automobile de la GRC à des fins personnelles, sans autorisation, en contravention de l’article 4.6 du Code de déontologie (allégation 5).

[5] Les allégations sont énoncées dans l’Avis d’audience disciplinaire daté du 25 novembre 2019. Le 31 janvier 2020, le gendarme MacGillivray a soumis sa réponse aux allégations, conformément à l’article 15 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC (déontologie)]. Il a nié les allégations 1, 2, 3 et 4. Il a admis l’allégation 5.

[6] Peu avant l’audience disciplinaire, le gendarme MacGillivray a soumis une réponse modifiée aux allégations, dans laquelle il a également admis l’allégation 1, tout en y joignant une explication. De plus, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits, qui modifiait l’allégation 3 et la reformulait comme une contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie. Le représentant de l’autorité disciplinaire a demandé le retrait de l’allégation 4.

[7] J’ai été désignée pour diriger le Comité de déontologie en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC]. Conformément à l’article 45 de la Loi sur la GRC, je dois décider si chaque allégation est fondée selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, pour chaque allégation, je dois déterminer s’il est plus probable qu’improbable que le gendarme MacGillivray a contrevenu au Code de déontologie de la GRC.

[8] Même si le gendarme MacGillivray a admis les allégations 1, 3 (telle que modifiée) et 5, de nombreux faits sont contestés. Je dois déterminer si les allégations sont fondées en déterminant si les actes qu’il admet, ainsi que mes conclusions de fait, constituent une violation du Code de déontologie. Si je conclus qu’une ou plusieurs des allégations sont fondées, je dois imposer des mesures disciplinaires.

[9] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les allégations 1, 3 (telle que modifiée) et 5 sont fondées, que l’allégation 2 n’est pas fondée et que l’allégation 4 est retirée. Le gendarme MacGillivray a effectivement utilisé plus de force que nécessaire dans ses interactions avec K.S. (allégation 1). Toutefois, je ne conclus pas qu’il a produit un récit faux ou trompeur au sujet de cette interaction (allégation 2).

[10] En conduisant un véhicule automobile à la fois non immatriculé et non assuré, le gendarme MacGillivray s’est comporté d’une manière qui a jeté le discrédit sur la Gendarmerie (allégation 3). En utilisant un véhicule du parc automobile à des fins personnelles, il a omis d’utiliser l’équipement et les biens fournis par le gouvernement à des fins et activités autorisées (allégation 5).

[11] Par conséquent, les mesures disciplinaires suivantes sont imposées : 1) une sanction pécuniaire de deux jours de paye, à déduire de la paye du gendarme MacGillivray; (2) le retrait de 20 jours de congé annuel; (3) une directive de suivre un traitement médical tel que précisé par un médecin-chef; une directive de suivre le cours de certification en utilisation du modèle d’intervention pour la gestion des incidents dans Agora ou, s’il a déjà suivi ce cours, de suivre le cours de recertification en utilisation du modèle d’intervention pour la gestion des incidents dans Agora. Une preuve de réussite de la formation doit être fournie au responsable de l’autorité disciplinaire dans les 120 jours suivant la date de la présente décision écrite.

ALLÉGATIONS

[12] Conformément à l’avis d’audience disciplinaire et à l’exposé conjoint des faits, les allégations, telles que modifiées, sont les suivantes :

Allégation 1

Le ou vers le 9 décembre 2018, à Enfield ou à proximité, dans la province de la Nouvelle-Écosse, le gendarme Aaron MacGillivray a utilisé plus de force que raisonnablement nécessaire dans les circonstances, contrairement à l’article 5.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Faits

1. À l’époque des faits, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) affecté à la Division H à Enfield, en Nouvelle-Écosse.

2. Le 8 décembre 2018, vous étiez l’enquêteur principal en réponse à une plainte de conduite avec facultés affaiblies ayant trait à un homme identifié par la suite comme étant [K.S.]. Le dossier [caviardé] concernant la plainte a été créé dans le Système d’incidents et de rapports de police. [K.S.] a été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies sur les lieux et transporté au détachement d’Enfield de la GRC en vue de la poursuite de l’enquête. Il est reconnu que [K.S.] a été accusé à juste titre de conduite avec facultés affaiblies et de conduite avec un taux d’alcoolémie supérieur à quatre-vingts milligrammes d’alcool dans cent millilitres de sang (0,08). Il est également reconnu qu’il était indiqué de placer [K.S.] dans une cellule.

3. Les interactions de la police avec [K.S.] au détachement d’Enfield de la GRC ont été enregistrées sur vidéo. À 0 h 36 min 46 s, on vous observe en train de placer [K.S.] dans la cellule [B] (« la cellule »). Au cours des trois prochaines minutes, on observe [K.S.] assis sur le banc de ciment dans la cellule et utiliser la toilette dans la cellule en se tenant debout. À 0 h 37 min 55 s et à 0 h 38 min 51 s, on vous observe vous approcher de [K.S.] en parcourant la distance qui vous sépare. À partir de 0 h 38 min 57 s, on vous observe placer votre main droite sur la poitrine de [K.S.] et le pousser physiquement vers le banc dans le fond de la cellule. À 0 h 38 min 59 s, on vous observe placer votre main droite sur le cou de [K.S.], et puis le pousser physiquement vers le bas et sur le banc de ciment. À 0 h 39 min, on observe le gendarme James Stapleford (« Stapleford ») entrer dans la cellule. Entre 0 h 39 min et 0 h 39 min 26 s, on vous observe penché vers l’avant avec votre corps placé sur [K.S.] et vous sembler le maintenir sur le banc de ciment. À 0 h 40 min 8 s, on vous observe sortir de la cellule avec le gendarme Stapleford.

4. Vos actes et votre intervention auprès de [K.S.] dans la cellule n’étaient pas conformes à la loi ni à la politique ou aux normes de formation de la GRC et ne satisfont pas au critère du caractère raisonnable. Vous n’étiez pas autorisé à utiliser le degré de force que vous avez exercé contre [K.S.]. et il n’était pas réaliste pour vous de le faire.

5. Le degré de force que vous avez utilisé à l’endroit de [K.S.] n’était pas raisonnablement nécessaire dans les circonstances. [K.S.] ne présentait pas une menace légitime pour vous dans la cellule et vos actes démontrent que vous étiez en fait l’agresseur. Le degré de force physique que vous avez exercé à l’endroit de [K.S.] était excessif compte tenu de l’ensemble des circonstances.

6. Vous avez commis une agression contre [K.S.].

Allégation 2

Entre le 9 décembre 2018 et le 17 décembre 2018, à Enfield ou près de cette ville, en Nouvelle-Écosse, pendant qu’il était de service, le gendarme Aaron MacGillivray n’a pas fourni de comptes rendus complets, exacts et à jour concernant l’exécution de ses responsabilités, l’exécution de ses fonctions et la conduite d’enquêtes, en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Faits

1. À l’époque des faits, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) affecté à la Division H à Enfield, en Nouvelle-Écosse.

2. Le 8 décembre 2018, vous étiez l’enquêteur principal en réponse à une plainte de conduite avec facultés affaiblies ayant trait à un homme identifié par la suite comme étant [K.S.]. Le dossier [caviardé] du Système d’incidents et de rapports de police a été produit à la suite de la plainte. [K.S.] a été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies sur les lieux et transporté au détachement d’Enfield de la GRC en vue de la poursuite de l’enquête. Il est reconnu que [K.S.] a été accusé à juste titre de conduite avec facultés affaiblies et de conduite avec un taux d’alcoolémie supérieur à quatre-vingts milligrammes d’alcool dans cent millilitres de sang (0,08). Il est également reconnu qu’il était indiqué de placer [K.S.] dans une cellule.

3. Les interactions de la police avec [K.S.] au détachement d’Enfield de la GRC ont été enregistrées sur vidéo. Vous avez agressé [K.S.] peu après son placement dans la cellule B (« cellule »).

4. Le 17 décembre 2018, vous avez rempli un rapport général à verser au dossier dans le SIRP qui était à la fois inexact et rédigé de manière à justifier votre recours à une force excessive à l’égard de [K.S.]. Vous avez rédigé un récit faux et trompeur à la suite du placement de [K.S.] dans la cellule qui comprenait les déclarations suivantes :

a. « [K.S.] a commencé à cogner sur la porte de la cellule, exigeant de parler à un membre de sa situation et exigeant de subir à nouveau l’alcootest ». (La preuve vidéo n’appuie pas cette fausse déclaration.)

b. « [K.S.] est devenu très agressif après avoir entendu cela, le GEND. MACGILLIVRAY a dit à [K.S.] qu’il devait se calmer et qu’il n’y aura pas de nouveau test. » (La preuve vidéo ne confirme pas que [K.S.] est devenu agressif envers vous.)

c. « [K.S.] s’est approché du GEND. MACGILLIVRAY de façon agressive et a mis sa main sur la poitrine du GEND. MACGILLIVRAY » (La preuve vidéo ne confirme pas que [K.S.] est venu vers vous de façon agressive ou a mis l’une de ses mains sur vous.)

5. Vous avez rédigé des notes de police à propos de vos interactions avec [K.S.]. Vos notes de police n’étaient pas un compte rendu exact de l’exécution de vos fonctions et de la conduite de votre enquête. Vous avez rédigé un récit faux et trompeur à la suite du placement de [K.S.] dans la cellule qui comprenait les déclarations suivantes :

a. « [K.S.] est devenu très agité et agressif. Je l’ai fait reculer au banc et je lui ai dit de se calmer. J’ai fermé la porte et il a continué d’avoir un comportement agressif. » (La preuve vidéo ne confirme pas que [K.S.] était l’agresseur avant que vous l’agressiez. De plus, [K.S.] n’agit pas de façon agressive après votre départ de la cellule.)

Allégation 3

Entre le 1er novembre 2019 et le 1er février 2019, à Mill Cove ou à proximité, dans la province du Nouveau-Brunswick, le gendarme Aaron MacGillivray s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Faits

1. Le gendarme Aaron MacGillivray (« MacGillivray ») est membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté à la division H du détachement d’Enfield de la GRC, en Nouvelle-Écosse.

2. Le 1er février 2019, le gendarme MacGillivray conduisait son véhicule automobile personnel, une Dodge Charger 2017, lorsqu’il a été impliqué dans une collision avec un chevreuil sur l’autoroute no 2 à Mill Cove, à environ 20 km à l’est d’Oromocto. La force de la collision était suffisante pour obliger la police à se rendre sur les lieux de l’accident et à créer le dossier [caviardé] dans le Système d’incidents et de rapports de police (SIRP). Le gendarme John Arsenault (« Arsenault ») du détachement de la GRC d’Oromocto a été dépêché pour enquêter. Le gendarme Arsenault a appris sur les lieux de l’accident que vous étiez membre de la GRC.

3. Lorsque le gendarme Arsenault vous a demandé de produire votre permis de conduire, l’immatriculation de votre véhicule et votre carte d’assurance, il a noté que votre carte d’assurance était non seulement expirée, mais qu’elle indiquait aussi qu’un véhicule Chrysler Town and Country 2015 était assuré.

4. Votre Chrysler Town and Country 2015 a été dissocié de la plaque d’immatriculation [caviardé] du véhicule le 5 octobre 2018, lorsque vous avez vendu le véhicule à Hayden Agencies à Bedford, en Nouvelle- Écosse. Vous avez omis d’associer correctement votre Dodge Charger 2017 à la plaque d’immatriculation [caviardé] et vous convenez que vous conduisiez effectivement un véhicule automobile non immatriculé au moment de l’accident.

5. Le titulaire de la police d’assurance TD [caviardé] du gendarme MacGillivray a annulé la police d’assurance le 6 août 2018, pour cause de non-paiement des primes. La police d’assurance TD [caviardé] n’a jamais été transférée par le titulaire de la police à votre Dodge Charger 2017. Le lendemain de l’accident, vous avez confirmé auprès de la compagnie d’assurance que vous conduisiez effectivement un véhicule automobile non assuré au moment de l’accident.

6. Le 11 février 2019, le gendarme Arsenault a communiqué par courriel avec vous, le gendarme MacGillivray, pour confirmer si votre véhicule était couvert par une assurance valide lorsque vous circuliez sur l’autoroute no 2 au moment de l’accident. Le 12 février 2019, vous avez répondu au gendarme Arsenault et avez confirmé ceci : « Je n’avais pas de couverture au moment de la collision. » Le gendarme Arsenault a par la suite modifié le rapport sur le véhicule [caviardé] dans le SIRP pour préciser que le Dodge Charger 2017 comportant la plaque d’immatriculation [caviardé] n’était pas assuré au moment de la collision.

7. Le gendarme MacGillivray accepte et convient qu’en conduisant un véhicule automobile non immatriculé et non assuré sur la route no 2 au moment de l’accident, il s’est comporté d’une manière qui jetait le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Allégation 4 – Retirée Allégation 5

Le ou entre le 16 février 2019 et le 18 février 2019, à ou près de Halifax, en Nouvelle-Écosse, et à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, pendant qu’il était hors service, le gendarme Aaron MacGillivray a omis d’utiliser de l’équipement et des biens émis par le gouvernement aux fins et pour les activités autorisées, en contravention de l’article 4.6 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Faits

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division H du détachement de la GRC, à Enfield, en Nouvelle-Écosse.

2. Vous suiviez une formation par modules pendant la semaine allant du lundi 11 février 2019 au vendredi 15 février 2019. Après avoir signé le registre, vous avez obtenu un véhicule de covoiturage de la GRC, à l’indicatif d’appel CP-04, pendant la durée de votre formation par modules. Il est reconnu que votre utilisation du CP-04 dans le cadre de votre participation à la formation par modules était légitime. L’utilisation des véhicules de covoiturage est gérée par le commissionnaire Al Massey (« Massey »), gestionnaire du parc automobile au QG de la division H.

3. Le 16 février 2019, à 15 h 49, vous avez communiqué avec les responsables de la gestion du parc automobile par courriel et vous avez demandé à garder le CP-04 pendant une autre semaine. Le lundi 18 février 2019, à 6 h 8, Massey a refusé votre demande de garder le CP-04 pendant la semaine puisque l’entretien du véhicule était prévu le mardi 19 février 2019. Vous avez retourné le véhicule le lundi [18] février 2019 en soirée. On a appris plus tard que le kilométrage du CP-04 était excessif pour la période pendant laquelle vous aviez emprunté le véhicule et compte tenu de l’endroit où se donnait la formation par modules.

4. Sans autorisation ni justification, vous avez utilisé le CP-04 pour des raisons personnelles après la fin de la formation par modules jusqu’au moment où vous avez retourné le véhicule le lundi [18] février 2019. Vous avez utilisé le CP-04 pour conduire à Fredericton, au Nouveau- Brunswick, et rendre visite à votre fille. Il n’y avait aucune raison opérationnelle justifiant votre voyage à Fredericton à bord du CP-04 et, en agissant de la sorte, vous avez utilisé à mauvais escient des biens émis par le gouvernement.

[traduction]

PREUVE

Faits non contestés

[13] En ce qui concerne l’allégation 1, plusieurs faits ne sont pas contestés. À l’époque des faits, le gendarme MacGillivray était membre de la GRC et était affecté à la division H du détachement d’Enfield de la GRC. K.S. a été légalement arrêté et détenu dans une cellule. Trois gendarmes étaient présents pendant la période que K.S. a passée dans la cellule : Les gendarmes Kayla Jeffrey, James Stapleford et MacGillivray. Leurs déclarations se trouvent au dossier.

[14] Il n’est pas contesté non plus que le gendarme MacGillivray a eu recours à de la force contre K.S. pendant qu’il était dans une cellule. Toutefois, les circonstances précédant le recours à la force et la force particulière utilisée sont contestées. Mes conclusions de fait à cet égard auront une incidence importante sur mes conclusions relatives à l’allégation 2.

Principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve

[15] Les déclarations des gendarmes Jeffrey et Stapleford n’ont pas été contestées durant le contre-interrogatoire. J’ai entendu les témoignages oraux de K.S., du gendarme MacGillivray et du sergent Beauchamp.

[16] Pour évaluer le témoignage de chaque témoin, je dois déterminer s’il est véridique et s’il est fiable (c.-à-d. si le témoin est en mesure de percevoir et de se rappeler avec exactitude ce qu’il a observé). Il est possible que je considère les éléments de preuve offerts par un témoin comme étant sincères, mais non fiables. Je peux aussi accepter une partie, la totalité ou aucun des éléments de preuve apportés par un témoin au sujet d’un fait particulier.

[17] Pour évaluer la crédibilité, je ne dois pas examiner le témoignage d’un témoin de façon isolée, mais plutôt l’ensemble de la preuve. Je dois également tenir compte de l’incidence des incohérences dans cette preuve et déterminer si, prises globalement dans le contexte de l’ensemble de la preuve, elles ont une incidence sur la crédibilité du témoin [1] .

[18] Dans Faryna [2] , la Cour a fait observer que le témoignage d’un témoin ne peut être évalué uniquement en fonction de son comportement, c’est-à-dire qu’il semble dire la vérité. Le juge des faits doit plutôt déterminer si le récit du témoin est conforme à l’interprétation la plus probable des circonstances.

[19] La question de savoir si le récit du témoin a une « apparence de vraisemblance » est subjective, mais pour y répondre, il faut prendre en considération l’ensemble de la preuve [3] .

Témoignage du gendarme Stapleford

[20] Je n’ai aucune préoccupation quant à la crédibilité ou à la fiabilité du témoignage du gendarme Stapleford. Il a communiqué avec K.S. et le gendarme MacGillivray ou était à proximité d’eux pendant les périodes clés de leurs interactions; par conséquent, il était clairement en mesure d’observer de façon indépendante les gestes de K.S. Ses déclarations sont cohérentes entre elles et lorsque soumises à un examen externe.

Témoignage de la gendarme Jeffrey

[21] Dans l’ensemble, j’estime que le témoignage de la gendarme Jeffrey est crédible et fiable. Elle a directement observé les actes de K.S., en tant que membre qui lui a administré les alcootests. Elle était présente lorsqu’il a été informé des résultats de ces tests et lorsqu’il a été fouillé avant d’être placé dans la cellule. En outre, elle a observé les gestes de K.S. en regardant les images transmises par le système de surveillance vidéo des cellules. Ses déclarations sont, pour la plupart, cohérentes entre elles et lorsque soumises à un examen externe. J’ai certaines préoccupations au sujet d’un aspect de son témoignage, que j’exposerai en détail dans mon analyse.

Témoignage de K.S.

[22] Je n’ai pas trouvé que le témoignage de K.S. était crédible ou fiable. Souvent, ses réponses étaient évasives ou il avait l’esprit de contradiction. Des éléments clés de son témoignage n’ont pas été confirmés ou ont été clairement contredits. Initialement, il a répété ses affirmations concernant l’utilisation de force par le gendarme MacGillivray, à savoir que le gendarme MacGillivray avait ouvert la porte, lui avait dit de s’asseoir en criant et puis s’était lancé vers lui au moment d’entrer dans la cellule, pour ensuite le saisir à la gorge et le pousser violemment contre le mur. Il a seulement reconnu que ce récit n’était pas exact après qu’on lui avait montré la vidéo.

[23] K.S. a admis en contre-interrogatoire qu’il avait exagéré le degré de force utilisé par le gendarme MacGillivray lorsqu’il avait signalé l’incident à ses amis et à son père. Son père, quant à lui, s’était fondé sur cette information pour déposer une plainte auprès du détachement.

[24] Le soir en question, K.S. avait consommé une quantité importante d’alcool et avait un taux d’alcoolémie près de trois fois la limite légale. Il avait aussi fumé du cannabis. Il ne fait aucun doute que cela a nui à sa capacité de se rappeler les événements. Il affirme ne pas se souvenir des détails de ses conversations avec les membres, sauf dans la mesure où elles concordent avec sa version déclarée des événements.

[25] Par conséquent, j’ai accordé très peu de poids au témoignage de K.S.

Témoignage du gendarme MacGillivray

[26] Le gendarme MacGillivray a témoigné de vive voix lors des phases d’examen des allégations et d’imposition de mesures disciplinaires de l’audience. J’estime que son témoignage est crédible. Son témoignage oral concordait avec la déclaration qu’il avait faite au sergent Leblanc, avant qu’il eût eu l’occasion d’examiner la preuve vidéo. Il a fourni un compte rendu détaillé et franc des événements. Il répondait aux questions de façon claire et directe, même lorsque les réponses ne lui étaient pas favorables. Il n’a pas hésité à reconnaître les divergences entre ses déclarations et la preuve vidéo.

[27] Je note que la preuve vidéo montre clairement que K.S. ne cognait pas sur la porte de la cellule avant que le gendarme MacGillivray entre dans la cellule, comme il l’avait rapporté initialement. Le gendarme MacGillivray explique pourquoi il s’est trompé; toutefois, la fiabilité de son témoignage sur ce point n’est pas solide.

[28] Cela dit, j’ai préféré le récit des événements du gendarme MacGillivray où il concorde avec la prépondérance de la preuve.

Témoignage d’expert du sergent Beauchamp

[29] La GRC a examiné l’incident de recours à la force par le gendarme MacGillivray. Le sergent Beauchamp s’est chargé de l’examen de l’incident. Son examen consistait à déterminer si le gendarme MacGillivray s’était conformé au Modèle d’intervention pour la gestion des incidents et aux politiques de la GRC qui s’appliquent dans ce contexte. Dans cette affaire, le sergent Beauchamp a conclu que le gendarme MacGillivray ne l’avait pas fait.

[30] En raison de leurs connaissances particulières ou de la formation spéciale qu’ils ont suivie, les experts peuvent soumettre des éléments susceptibles de m’aider à évaluer la preuve. Je dois cependant m’assurer que le fondement factuel de leurs opinions est cohérent avec les preuves et évaluer le poids à accorder à ces opinions. Je ne peux simplement pas me contenter d’adopter leurs conclusions comme étant les miennes. Leurs rapports constituent plutôt un aspect des éléments de preuve que je dois examiner pour trancher la question finale, à savoir si la force employée par le gendarme MacGillivray était raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

[31] J’ai tiré des conclusions de fait concernant les mécanismes de la force appliquée par le gendarme MacGillivray qui ne concordent pas avec l’évaluation de l’incident par le sergent Beauchamp. Je note que le sergent Beauchamp n’a pas eu l’avantage de voir la vidéo et ses séquences dans l’ordre où elles ont été filmées avant de terminer son rapport. Il ne disposait pas de la déclaration du gendarme MacGillivray et n’a pas mené d’entrevue secondaire. À mon avis, ces facteurs ont pu nuire à la fiabilité des faits sur lesquels il s’est basé pour effectuer son examen.

[32] Le représentant de l’autorité disciplinaire a pu examiner la vidéo au complet, et les séquences dans l’ordre dans lesquelles elles ont été filmées, avec le sergent Beauchamp à l’audience. Bien que cela n’ait pas changé sa conclusion finale, le sergent Beauchamp a reconnu, en contre-interrogatoire, divers moments où K.S. a peut-être manifesté des comportements agressifs qui n’étaient pas décrits dans son rapport.

ANALYSE

Allégation 1 – Recours à la force

[33] Selon l’allégation 1, le gendarme MacGillivray a utilisé plus de force que nécessaire dans les circonstances, en contravention de l’article 5.1 du Code de déontologie.

[34] Pour établir une contravention à l’article 5.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir, selon la prépondérance des probabilités, chacun des éléments suivants :

  1. l’identité du membre;

  2. les gestes posés par le membre ayant constitué le recours à la force;

  3. le fait que le recours à la force n’était pas raisonnablement nécessaire.

[35] L’identité du gendarme MacGillivray en tant que membre ayant eu recours à de la force à l’égard de K.S. n’est pas contestée. La nature de ses gestes qui constituent le recours à la force et les circonstances dans lesquelles il en est venu à appliquer cette force sont contestées.

[36] Je commencerai par présenter mes conclusions de fait concernant les interactions du gendarme MacGillivray avec K.S. le soir du 8 décembre 2018, jusqu’au petit matin le 9 décembre 2018. Je présenterai ensuite mes conclusions concernant chaque élément du critère en vertu de l’article 5.1 du Code de déontologie.

Conclusions relatives aux interactions du gendarme MacGillivray avec K.S.

[37] Je conclus que, le soir en question, le gendarme MacGillivray était l’enquêteur principal en réponse à une plainte de conduite avec facultés affaiblies impliquant K.S. K.S. a été arrêté sur les lieux et transporté au détachement d’Enfield.

[38] Les interactions entre le gendarme MacGillivray, le gendarme Stapleford, la gendarme Jeffrey et K.S., alors qu’il se trouvait dans l’aire cellulaire et l’aire d’enregistrement du détachement d’Enfield, ont été enregistrées sur vidéo. La vidéo n’est pas accompagnée du son. Toutes les vidéos ont été filmées par des caméras placées en hauteur et pointant vers le bas. Les images sont floues, mais suffisamment claires pour permettre de reconnaître les personnes dans la vidéo et leurs mouvements généraux. Il y a des sections de la vidéo, par exemple pendant la prise en charge de K.S., où la vue de K.S. est obstruée ou il est seulement vu de l’arrière.

[39] K.S. a collaboré sur les lieux de son arrestation et pendant son transport au détachement. K.S. était coopératif et agréable avec les gendarmes à son arrivée au détachement et durant l’administration des alcootests. Il a fourni deux échantillons d’haleine.

[40] Vers 0 h 30, le 9 décembre 2018, K.S. a été informé des résultats des tests, à savoir qu’il avait un taux d’alcoolémie de 210 milligrammes d’alcool dans 100 millilitres de sang. Il a été placé dans une cellule pour la nuit.

[41] Le témoignage oral et les déclarations du gendarme MacGillivray, ainsi que les déclarations des gendarmes Jeffrey et Stapleford, concordent en ce qui a trait au fait qu’après avoir été informé des accusations portées contre lui, le comportement de K.S. a changé. Dans son témoignage oral à l’audience ainsi que dans sa déclaration, le gendarme MacGillivray a décrit des indices visuels et auditifs qui appuient cette évaluation. Les déclarations du gendarme Stapleford fournissent une description des indices visuels et auditifs qui est similaire à la description qu’en donne le gendarme MacGillivray. Les déclarations de la gendarme Jeffrey confirment aussi dans une certaine mesure cette description. Des sections de la vidéo corroborent leurs observations.

[42] Je conclus que, pendant la transition depuis le tabouret sur lequel il était assis et où il a été informé des accusations portées contre lui à la fouille de sa personne, ainsi que pendant celle-ci et son enregistrement en vue de son placement dans l’aire cellulaire, K.S. a manifesté des comportements agressifs, y compris, sans s’y limiter, le fait de chanter, d’élever la voix, de raidir son corps et de faire des gestes. Il est demeuré coopératif en ce sens qu’il a suivi les directives que lui ont données les gendarmes. Ils ne le considéraient pas comme une menace à ce moment-là. Toutefois, son comportement les a rendus plus vigilants et a été pris en compte dans leur évaluation continue de la situation.

[43] Dans son rapport général en date du 17 décembre 2018, le gendarme MacGillivray a indiqué que K.S. avait commencé à cogner sur la porte de la cellule, en criant et en exigeant de subir un autre alcootest. Les gendarmes Stapleford et Jeffrey ont tous deux signalé que K.S. exigeait de passer un autre test pendant qu’il était dans sa cellule.

[44] Initialement, dans sa déclaration au sergent d’état-major Dara, la gendarme Jeffrey a également signalé que K.S. cognait sur la porte de la cellule. Elle en était toutefois moins certaine dans la déclaration qu’elle a faite à l’enquêteur de l’Unité de responsabilité professionnelle.

[45] La vidéo fournit la preuve la plus claire sur ce point. Je conclus que, durant les trois minutes environ entre le moment où K.S. est entré dans la cellule et le moment où le gendarme MacGillivray y est entré muni de la couverture, K.S. n’a manifesté aucun comportement agressif et n’a pas crié ou cogné contre la porte de la cellule non plus.

[46] Après avoir pris la couverture du gendarme MacGillivray, K.S. se tourne et entame une conversation.

[47] K.S. nie avoir demandé un troisième alcootest à un moment donné durant cette conversation. J’estime que son témoignage sur ce point n’est pas fiable. K.S. était très intoxiqué et a témoigné qu’il ne se souvenait pas de ce qu’il avait dit au cours de ses échanges avec les membres. Il a pourtant insisté sur le fait qu’il était sûr de ne pas avoir demandé un troisième test. J’ai du mal à croire qu’une personne qui ne se souvient pas de ce qu’elle a dit peut affirmer avec certitude ce qu’elle n’a pas dit. De plus, son témoignage est contredit par celui des gendarmes Jeffrey et MacGillivray. Par conséquent, je conclus qu’après avoir pris la couverture du gendarme MacGillivray, K.S. demandait ou exigeait un troisième test et que sa demande a été rejetée.

[48] J’estime qu’au cours de cette conversation, K.S. a manifesté un comportement de plus en plus agressif, y compris en jurant, en élevant la voix, en faisant des gestes, en réduisant la distance entre lui et le gendarme MacGillivray et en serrant ses mains. Je conclus tout particulièrement que ces comportements il les a manifestés entre 0 h 37 min 55 s et 0 h 38 min 51 s. K.S. n’a pas obéi à l’ordre du gendarme MacGillivray de s’asseoir sur le banc. Durant leur témoignage oral, le gendarme MacGillivray et le sergent Beauchamp ont tous deux qualifié le comportement de K.S., à savoir qu’il refusait de suivre les ordres, comme de la résistance passive à ce moment précis.

[49] Le gendarme MacGillivray estimait à l’époque que ce changement de comportement justifiait le recours à de la force. Dans sa réponse modifiée aux allégations et dans son témoignage oral, il a admis qu’à ce stade, il aurait pu et aurait dû sortir de la cellule.

[50] À 0 h 38 min 52 s, le gendarme MacGillivray s’est approché de K.-S en éliminant entièrement la distance qui les séparait. Il est à noter qu’il n’a dû faire que de deux pas. Le gendarme MacGillivray a de nouveau admis qu’à ce stade, il avait encore la possibilité de sortir de la cellule et qu’il aurait dû le faire.

[51] Au lieu de cela, le gendarme MacGillivray a mis la main sur la poitrine de K.S. et a commencé à le faire reculer vers le banc. Les gendarmes Jeffrey et Stapleford ont tous deux entendu le vacarme. Le gendarme Stapleford est entré dans la cellule à ce moment-là, mais il n’est pas intervenu physiquement.

[52] Lorsque le gendarme MacGillivray et K.S. se sont approchés du banc, K. S. a levé le bras gauche vers le bras ou la région thoracique du gendarme MacGillivray. Dans la vidéo, il semble que le bras de K.S. ait bel et bien touché le gendarme MacGillivray. Le sergent Beauchamp arrive à la même conclusion dans son rapport. J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que K.S. ait bel et bien touché le gendarme MacGillivray.

[53] K.S. a affirmé que le gendarme MacGillivray l’avait saisi par la gorge et que sa tête avait heurté le mur.

[54] Le gendarme MacGillivray a affirmé qu’il avait placé sa main droite sur le visage, le menton ou la mâchoire de K.S. et qu’il avait appliqué une technique de contrôle de la douleur à la main ou au poignet droit de K.S.

[55] Dans sa déclaration au sergent d’état-major Dara (aux lignes 285 à 289), le gendarme Stapleford a déclaré que le gendarme MacGillivray avait utilisé sa main droite pour toucher K.-S. Il a indiqué que le contact s’était fait au haut de la partie supérieure du corps de K.-S.

[56] Dans sa déclaration au sergent d’état-major Dara (à partir de la ligne 300), la gendarme Jeffrey a déclaré que le gendarme MacGillivray avait utilisé sa main gauche pour appliquer de la force sur la main droite de K.S. et que la main droite du gendarme MacGillivray contrôlait la tête de K.S. et qu’il l’appliquait peut-être sur le visage de ce dernier.

[57] Je note que les gendarmes Jeffrey et Stapleford étaient tous deux en mesure d’observer directement les gestes posés par le gendarme MacGillivray. La gendarme Jeffrey a observé ses gestes sur les écrans. Le gendarme Stapleford était présent dans la cellule au moment des faits.

[58] Le rapport du sergent Beauchamp indique que le gendarme MacGillivray avait établi le contact avec la partie supérieure de la poitrine et le cou de K.S. Lors de son témoignage oral, le sergent Beauchamp a dit que ce contact allait de la région au-dessus de la clavicule jusqu’en dessous du menton.

[59] J’ai regardé la vidéo à plusieurs reprises, à diverses vitesses. J’estime que les images ne concordent pas avec le récit du gendarme MacGillivray. En les combinant à la preuve fournie par les gendarmes Stapleford et Jeffrey, je conclus que la main droite du gendarme MacGillivray est entrée en contact avec le côté droit de la mâchoire de K.S. dans le but de contrôler sa tête. Il a également appliqué une technique de contrôle de la douleur à la main droite ou au poignet de K.S.

[60] Je conclus que la tête de K.S. a fait un mouvement brusque lorsque le gendarme MacGillivray l’a forcé à se baisser et à prendre place sur le banc. Bien que K.S. ait témoigné que sa tête avait heurté le mur à la suite du contact et qu’il s’était retrouvé avec une bosse à la tête, le gendarme MacGillivray l’a nié.

[61] Encore une fois, je me préoccupe de la crédibilité et de la fiabilité du témoignage de K.S. Aucune blessure n’a été déclarée. Bien que K.S. ait témoigné avoir parlé de la bosse à sa copine le lendemain matin, il a aussi admis avoir exagéré le degré de force utilisé par le gendarme MacGillivray. Le sergent Beauchamp a témoigné qu’il ne savait pas si K.S. s’était cogné la tête et ce n’était pas clair pour moi durant mon examen de la vidéo. En fin de compte, je n’ai pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la tête de K.S. a heurté le mur ou qu’il a été blessé à la suite des actes du gendarme MacGillivray.

[62] K.S. se débattait lorsqu’il a été poussé vers le bas et sur le banc et pendant les cinq premières secondes où le gendarme le tenait. Il l’a tenu pendant une vingtaine de secondes. K.S. était manifestement bouleversé, faisait des gestes et a crié après que le gendarme MacGillivray l’avait lâché. K.S. a continué de crier alors que les gendarmes MacGillivray et Stapleford sortaient de la cellule.

[63] À un moment donné entre le moment où il a été poussé vers le bas sur le banc et le moment où le gendarme MacGillivray est sorti de la cellule, K.S. a fait un commentaire du genre « je te tiens ». Le gendarme MacGillivray a répliqué de façon méprisante.

[64] Durant les quatre minutes qui ont suivi le moment où les gendarmes ont quitté la cellule, la vidéo montre que K.S. était assis sur le banc, a fait son lit et s’est couché. Il s’est ensuite relevé et a cogné à la porte de la cellule à quelques reprises.

[65] K.S. a parlé au gendarme MacGillivray à travers la porte. Je conclus que le témoignage du gendarme MacGillivray au sujet du ton général de leur conversation concorde avec la vidéo. Plus précisément, je conclus que K.S. a demandé s’il pouvait appeler sa copine et qu’il était agité, mais qu’il s’était calmé en suivant les consignes du gendarme MacGillivray. Le gendarme MacGillivray a alors apporté à K.S. le téléphone de ce dernier. K.S. a parlé avec sa copine pendant environ six minutes. Il a retourné le téléphone au gendarme MacGillivray, qui est ensuite sorti de la cellule. K.S. s’est couché et s’est endormi.

[66] J’examinerai maintenant la mesure dans laquelle s’applique le critère énoncé à l’article 5.1 du Code de déontologie.

Identité du membre ayant exercé la force

[67] L’identité du membre n’est pas remise en cause. Le gendarme MacGillivray est le membre qui a eu un contact physique avec K.S., qui occupait une cellule au petit matin du 9 décembre 2018.

Actes constituant un recours à la force

[68] Les actes qui constituent un recours à la force de la part du gendarme MacGillivray sont les suivants : Le gendarme MacGillivray a placé sa main droite sur la poitrine de K.S., tout en le faisant reculer vers le banc. La main droite du gendarme MacGillivray a été placée sur le côté droit de la mâchoire de K.S. pour contrôler sa tête. Le gendarme MacGillivray a également appliqué une technique de contrôle de la douleur à la main droite ou au poignet de K.S. en le guidant vers le bas et vers le banc dans la cellule.

Caractère raisonnable et nécessité du recours à la force

[69] Il s’agit de déterminer si le troisième élément du critère s’applique, à savoir si le recours à la force était raisonnablement nécessaire. Trois conditions doivent être remplies pour que le recours à la force soit considéré comme raisonnablement nécessaire :

  1. Au moment des faits, le gendarme MacGillivray agissait dans le cadre de ses fonctions légitimes;

  2. Le gendarme MacGillivray avait des motifs raisonnables de recourir à la force. Autrement dit, sa conviction qu’il était nécessaire d’appliquer une certaine force était objectivement raisonnable;

  3. Il n’a pas eu recours à une force excessive. Ce troisième élément concerne le degré de force employé.

[70] Comme l’a fait remarquer le représentant de l’autorité disciplinaire, de l’avis du sergent Beauchamp, le gendarme MacGillivray n’avait pas le pouvoir d’obliger K.S. à s’asseoir une fois qu’il était dans la cellule. Le gendarme MacGillivray ne conteste pas l’opinion du sergent Beauchamp. J’en suis arrivée à la même conclusion. L’intention déclarée du gendarme MacGillivray était de faire asseoir K.S. afin qu’il puisse lui expliquer pourquoi sa demande de subir un troisième test avait été rejetée. Quelle que soit son intention, le gendarme MacGillivray n’avait tout simplement pas le pouvoir d’obliger K.S. à s’asseoir pour avoir une conversation avec lui. La tenue de cette conversation n’était pas nécessaire pour que le gendarme MacGillivray puisse s’acquitter de ses fonctions. En cherchant à faire respecter son ordre exigeant que K.S. s’assoie sur le banc, le gendarme MacGillivray n’agissait pas dans le cadre de ses fonctions légitimes.

[71] Ayant conclu que le gendarme MacGillivray n’a pas agi en conformité avec son pouvoir légitime, la conclusion à laquelle il faut arriver c’est qu’il a utilisé une force déraisonnable. Par conséquent, je conviens avec la représentante du membre visé que c’est là que se termine mon analyse.

[72] Je conclus que les faits 1 et 2 sont fondés. Le fait 3 est fondé en partie. Plus précisément, je conclus que K.S. a eu un comportement agressif entre 0 h 37 min 51 s et 0 h 38 min 51 s.

[73] Le fait 4 est fondé dans la mesure où les actes du gendarme MacGillivray n’étaient pas autorisés par la loi.

[74] En ce qui concerne le fait 5, je conclus que le gendarme MacGillivray était l’agresseur en ce sens qu’il a commencé à avoir un contact physique avec K.S. Étant donné que j’ai déjà conclu que le gendarme MacGillivray n’agissait pas dans les limites de son pouvoir légitime, j’estime qu’il n’est pas nécessaire pour moi d’en arriver à une conclusion quant au degré de force appliqué.

[75] Je ne me prononcerai pas sur le fait 6. La conclusion qu’il y a eu agression n’est pas un élément constitutif d’une contravention à l’article 5.1. [4] .

[76] L’allégation 1 est donc fondée.

Allégation 2 – Obligation de faire rapport

[77] L’allégation 2 concerne une infraction à l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC, qui prévoit ceci :

Les membres fournissent des comptes rendus complets, précis et opportuns liés à l’exécution de leurs responsabilités, à l’accomplissement de leurs tâches, à la réalisation d’enquêtes, aux comportements des autres employés et au fonctionnement et à l’administration de la Gendarmerie.

[78] Comme il semble y avoir des désaccords quant aux éléments constitutifs d’une contravention à l’article 8.1 du Code de déontologie, j’ai demandé aux parties de présenter leurs observations sur les allégations afin de me pencher expressément sur cette question. En particulier, j’ai demandé à obtenir leurs observations sur la question de savoir si la connaissance est un élément requis, ainsi que sur la mesure dans laquelle le Guide des mesures disciplinaires et le Code de déontologie annoté peuvent être utilisés pour guider l’interprétation de la nature de la conduite visée par l’article 8.1 du Code de déontologie.

[79] Je conviens avec les deux parties que le Guide des mesures disciplinaires et le Code de déontologie annoté aident à interpréter le type de conduite pouvant faire l’objet de mesures disciplinaires [5] . Les membres doivent pouvoir se fier à ces documents pour comprendre la nature d’un comportement qui, selon une disposition donnée du Code de déontologie, peut constituer de l’inconduite. Comme l’a fait remarquer le représentant de l’autorité disciplinaire, ils ne sont pas déterminants, mais une interprétation du Code de conduite doit être conforme aux principes énoncés dans ces documents.

Caractère opportun et exhaustivité des rapports

[80] Je conviens avec le représentant de l’autorité disciplinaire qu’il peut y avoir contravention à l’article 8.1 lorsqu’un membre omet de fournir un compte rendu complet, précis ou opportun de ses actes. Chacun de ces trois éléments peut constituer un fondement indépendant d’une présumée infraction à l’article 8.1 du Code de déontologie. C’était le cas dans l’affaire Greenlaw [6] , où le membre faisait face à deux allégations en vertu de l’article 8.1. La première concernait le défaut de produire un compte rendu complet et en temps opportun de ses actes, tandis que la deuxième concernait la présentation d’un compte rendu inexact de ses actes.

[81] Toutefois, comme il est mentionné dans Greenlaw au paragraphe 212, les dispositions du Code de déontologie sont largement citées dans une allégation : « Le but même des détails est de fournir des précisions à un membre visé afin qu’il puisse répondre à des allégations souvent formulées en termes généraux […] » Les principes de l’équité procédurale et, en particulier, le principe selon lequel le membre doit savoir à quels faits il est censé répondre font qu’il est essentiel que ces faits indiquent clairement les actes qui constituent l’inconduite alléguée. Dans l’affaire dont je suis saisie, les faits ne font pas référence à la production en temps opportun ni à l’exhaustivité des rapports en question. Les faits 4 et 5 se limitent plutôt à leur nature prétendument fausse et trompeuse.

[82] Je note que le représentant de l’autorité disciplinaire, dans son contre-interrogatoire du gendarme MacGillivray et dans ses observations, a attiré l’attention sur des aspects où les comptes rendus du gendarme MacGillivray pourraient être considérés comme étant incomplets ou n’ayant pas été soumis en temps opportun. Toutefois, on est arrivé trop loin dans le processus pour alléguer d’autres lacunes relativement aux rapports. Par conséquent, mon analyse portera sur les faits tels que rédigés.

Compte rendu faux, trompeur ou inexact

[83] Les parties soutiennent toutes deux que lorsqu’un membre est présumé avoir présenté un rapport faux, trompeur ou inexact, l’allégation sera fondée si le membre a agi en sachant que le rapport était faux, trompeur ou inexact, ou s’il a fait preuve de négligence ou d’insouciance quant à la validité du rapport.

[84] Dans Greenlaw, au paragraphe 263, le Comité disciplinaire a discuté des principes généraux liés à l’interprétation de l’article 8.1 du Code de déontologie, mais il a refusé de se prononcer sur « la question de l’exigence de connaissance établie à l’article 8.1 ». Dans Girard [7] , aux paragraphes 25 et 26, le Comité disciplinaire a examiné la discussion dans Greenlaw et a conclu que lorsqu’un membre est présumé avoir contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie et, en particulier, qu’il a fourni un rapport faux, trompeur ou inexact, il y a généralement trois catégories de cas :

[…]

a) le cas où le policier savait que ses déclarations étaient fausses, trompeuses ou inexactes;

b) le cas où le policier a été négligent, insouciant ou imprudent quant à la validité de ses déclarations;

c) le cas où le policier a fait des déclarations sincères, mais erronées qui se sont par la suite avérées être inexactes, fausses ou trompeuses.

[26] Les deux premières catégories sont susceptibles d’entraîner des responsabilités tandis que la troisième ne l’est pas.

[85] Cette analyse est également conforme au Guide des mesures disciplinaires, à la page 62, qui cite les mêmes principes, tels qu’énoncés par Ceyssens [8] .

[86] Je conviens avec la représentante du membre visé que la première question est de savoir si la déclaration en question est exacte. Si je conclus qu’elle est inexacte, je dois déterminer laquelle des trois catégories précédentes s’applique.

[87] Les faits 1, 2 et 3 ne sont pas contestés. L’essence des allégations est exposée dans les faits 4 et 5. Le fait 4 renvoie au rapport général rempli par le gendarme MacGillivray. Le fait 5 renvoie à ses notes de police. Je commencerai par examiner les sections contestées des notes de police, telles qu’elles sont énoncées au fait 5, car cela m’aidera à effectuer mon analyse du fait 4.

[88] Au fait 5, il est allégué que les notes de police du gendarme MacGillivray n’étaient pas un compte rendu exact de l’exécution de ses fonctions et qu’elles fournissent un récit faux et trompeur d’événements qui ont suivi le placement de K.S. dans la cellule.

[89] La partie contestée des notes, énoncée au paragraphe a), contient trois phrases. Les entrées précédentes dans le carnet décrivent le changement qui est survenu dans le comportement de K.S. lorsqu’il a appris qu’il serait accusé, ainsi que son exigence de subir un autre test.

[90] La première phrase est : [traduction] « [K.S.] est devenu très agité et agressif ». Selon mes conclusions de fait concernant l’allégation 1, cette déclaration est exacte.

[91] La deuxième phrase est : [traduction] « Je l’ai ramené au banc et je lui ai dit de se calmer. » Le représentant de l’autorité disciplinaire soutient qu’il s’agissait d’une description délibérément vague, qui s’apparentait à l’omission d’information ou à un manque de franchise. Cela a aussi pour effet de rendre les déclarations inexactes, soutient-il. La représentante du membre visé fait valoir que le but premier des notes de police est de rafraîchir la mémoire du gendarme.

[92] Toutefois, comme l’a souligné le représentant de l’autorité disciplinaire, ce n’est pas le seul but des notes de police. La section 2 du Manuel des opérations, au chapitre 25 intitulé « Outils d’enquête », reprend les principes énoncés dans Wood c. Schaeffer, [2013] 3 RCS 1053, au paragraphe 67, à savoir que les « policiers ont l’obligation de rédiger des notes exactes, détaillées et exhaustives dès que possible après l’enquête ». De plus, ces notes sont susceptibles d’être divulguées.

[93] La représentante du membre visé admet que les notes du gendarme MacGillivray auraient pu être plus détaillées. Je conviens qu’elles auraient certainement pu être plus détaillées en ce qui a trait à la façon dont le gendarme MacGillivray a « ramené » K.S. au banc.

[94] La question est de savoir si le manque de détails rend cette phrase inexacte.

[95] Conformément à la décision dans Girard, il faut tenir compte de l’ensemble des actions du membre. Compte tenu des faits de la présente affaire, je ne crois pas que la déclaration ait été vague au point de la rendre inexacte ou trompeuse. Elle précise l’aspect le plus important de cette interaction, à savoir que le gendarme MacGillivray a physiquement déplacé K.S. vers le banc. Bien qu’il y ait possibilité d’amélioration, je ne crois pas que la ligne qui sépare un problème de rendement et une inconduite ait été franchie, selon la prépondérance des probabilités.

[96] La troisième phrase est : [traduction] « J’ai fermé la porte, où il a continué d’avoir un comportement agressif. » J’accepte l’observation de la représentante du membre visé selon laquelle cette phrase correspond aux observations directes du gendarme MacGillivray, qui ont cessé lorsqu’il a fermé la porte. Cette interprétation est appuyée par la mise en contexte de cette phrase dans l’ensemble des notes. La prochaine entrée du gendarme MacGillivray indique que K.S. cognait à la porte et demandait à appeler sa copine.

[97] Encore une fois, cet énoncé est exact. K.S. était agité et criait après les gendarmes MacGillivray et Stapleford alors qu’ils sortaient de la cellule. La vidéo confirme les indices visuels de cris, tels que décrits par le sergent Beauchamp. Ces cris se poursuivent jusqu’à ce que la porte de la cellule soit fermée.

[98] Ayant conclu que l’extrait contesté des notes du gendarme MacGillivray est exact, je conclus que le fait 5 n’est pas fondé.

[99] Au fait 4, il est allégué que le rapport général du gendarme MacGillivray était à la fois inexact et rédigé de manière à justifier son recours à une force excessive à l’encontre de K.S. On énumère ensuite trois extraits du rapport général qui constituent, selon les allégations, un énoncé faux et trompeur.

[100] L’extrait du paragraphe a) se lit comme suit : [traduction] « [K.S.] a commencé à cogner sur la porte de la cellule, exigeant de parler à un membre de sa situation et exigeant de reprendre l’alcootest ».

[101] La preuve vidéo établit clairement que K.S. n’a pas cogné à la porte de la cellule. Bien qu’il ait exigé de subir un autre alcootest, il l’a fait après que le gendarme MacGillivray était entré dans la cellule. L’énoncé est donc inexact.

[102] Encore une fois, la question à laquelle je dois maintenant répondre est celle de savoir si le gendarme MacGillivray savait que sa déclaration était fausse, trompeuse ou inexacte, s’il a fait preuve de négligence, d’imprudence ou d’insouciance quant à la validité de la déclaration ou s’il s’agit d’une erreur de bonne foi.

[103] Le représentant de l’autorité disciplinaire soutient que le gendarme MacGillivray a délibérément rédigé un faux exposé en imputant un comportement agressif à K.S. afin de justifier son recours à la force. La représentante du membre visé soutient que l’inexactitude se limite strictement à la raison pour laquelle le gendarme MacGillivray est entré dans la cellule, et n’a pas beaucoup d’incidence sur la question de savoir si son recours à la force était raisonnablement nécessaire. Elle soutient en outre que cette inexactitude est le résultat d’une erreur commise de bonne foi.

[104] Le gendarme MacGillivray savait qu’une plainte avait été déposée avant qu’il rédige son rapport général. On pourrait faire valoir qu’il avait une raison d’exagérer les comportements de K.S. afin de justifier son recours à la force.

[105] Toutefois, ayant conclu que K.S. se comportait en fait de façon agressive avant et après l’entrée dans la cellule, comme l’a décrit le gendarme MacGillivray, je ne trouve pas cet argument convaincant.

[106] Le gendarme MacGillivray a expliqué que lorsqu’il a entendu le cognement, il a supposé que c’était K.S. qui donnait un coup de pied à la porte de la cellule. Il a témoigné qu’il se trouvait dans une pièce arrière, où il tentait de trouver une couverture propre pour lui. Il a expliqué que c’était sa pratique courante d’apporter une couverture à une personne placée dans une cellule. Je note qu’on était en décembre et que K.S. portait un t-shirt. Le sergent Beauchamp a également témoigné que c’est une pratique courante que d’offrir une couverture à quelqu’un se trouvant dans une cellule.

[107] J’accepte le témoignage du gendarme MacGillivray selon lequel, dans son esprit, le coup de pied, s’il avait été donné, aurait été le signe d’un prisonnier agité signalant qu’il voulait quelque chose. Le gendarme MacGillivray a déclaré qu’il avait l’habitude d’essayer de répondre aux préoccupations d’un prisonnier, lorsque cela était possible, car cela aidait à le garder calme. En fin de compte, la raison pour laquelle le gendarme MacGillivray est entré dans la cellule ne m’aide guère à déterminer si son recours à la force était raisonnable.

[108] J’accepte également que, lorsqu’il a rédigé son rapport général, le gendarme MacGillivray ait consulté ses notes pour décrire les principaux événements et mesures prises dans ce dossier, mais qu’il se soit ensuite fié à sa mémoire pour fournir un récit plus complet.

[109] La question suivante est de savoir si le gendarme MacGillivray a été négligent, insouciant ou imprudent en ce qui concerne la validité de la déclaration.

[110] Pour conclure que le gendarme MacGillivray a fait preuve de négligence, d’insouciance ou d’imprudence quant à la validité de la déclaration, je devrais conclure que le gendarme MacGillivray a fait preuve d’insouciance et a présenté la preuve en question de façon frivole et sans trop se préoccuper du contenu ou des conséquences [9] . La représentante du membre visé estime que cela s’apparente à un aveuglement volontaire ou à une conclusion selon laquelle le membre aurait dû savoir que la déclaration était inexacte.

[111] Le gendarme MacGillivray savait que ses actes dans l’aire cellulaire étaient enregistrés. Le représentant de l’autorité disciplinaire suggère que s’il n’était pas certain de son souvenir des faits après avoir consulté ses notes, le gendarme MacGillivray aurait pu et aurait dû examiner la preuve vidéo pour s’assurer de l’exactitude de ce rapport.

[112] Je conviens avec la représentante du membre visé que cela aurait été peu approprié étant donné que le gendarme MacGillivray savait qu’une plainte avait été déposée. S’il l’avait fait, on aurait alors pu lui reprocher d’adapter son témoignage à la vidéo.

[113] Il y a peu d’éléments de preuve qui laissent supposer que le gendarme MacGillivray aurait été imprudent ou aurait prêté peu d’attention au contenu de son rapport général. Sa conduite laisse supposer le contraire. Le représentant de l’autorité disciplinaire reconnaît que, dans l’ensemble, le rapport général est exhaustif. En l’absence d’une preuve contraire claire, logique et convaincante, je ne peux conclure qu’une inexactitude à cet égard résultait de négligence, d’imprudence ou d’insouciance de la part du gendarme MacGillivray.

[114] Cela signifie nécessairement que l’erreur était une erreur de bonne foi. Comme l’a fait valoir la représentante du membre visé et comme l’a reconnu le sergent Beauchamp, il est généralement reconnu que la mémoire humaine est imparfaite. Selon Sikorski [10] , un rapport d’expert n’est pas nécessaire pour le confirmer.

[115] Par conséquent, le fait 4 n’est pas fondé.

[116] En ce qui concerne le fait 4 b), il cite l’extrait suivant du rapport général : « [K.S.] est devenu très agressif après avoir entendu cela, le GEND. MACGILLIVRAY a dit à [K.S.] qu’il devait se calmer et qu’il n’y aurait pas de nouveau test ».

[117] Lorsqu’on examine le rapport général dans son ensemble, les actes décrits dans cet extrait ont lieu après que le gendarme MacGillivray était entré dans la cellule et avait informé K.S. qu’il ne subirait pas de nouveau test.

[118] En ce qui concerne l’allégation 1, j’ai conclu que, après que le gendarme MacGillivray était entré dans la cellule, K.S. a entamé une conversation avec lui pour demander un nouveau test et que cette requête a été rejetée. J’ai également constaté qu’au cours de cette conversation, K.S. avait un comportement de plus en plus agressif.

[119] L’extrait du fait 4 b) est conforme à mes conclusions de fait. Ainsi, je conclus qu’il est exact.

[120] Enfin, le fait 4 c) cite le passage suivant : « [K.S.] s’est approché du GEND. MACGILLIVRAY de façon agressive et a mis sa main sur la poitrine du GEND. MACGILLIVRAY ».

[121] Encore une fois, l’affirmation selon laquelle K.S. a marché vers le gendarme MacGillivray de façon agressive concorde avec mes conclusions de fait relatives à l’allégation 1.

[122] J’ai constaté qu’en s’approchant du banc, K.S. a levé son bras gauche et a touché la poitrine ou le bras du gendarme MacGillivray. La déclaration est inexacte dans la mesure où le moment de ce contact est erroné. Le contact a eu lieu environ 30 secondes plus tard que ce qui était indiqué dans le rapport du gendarme MacGillivray.

[123] Je ne rejette pas la possibilité que le gendarme MacGillivray ait eu l’intention de fournir un récit trompeur pour justifier son recours à la force. Si K.S. avait été l’agresseur, l’analyse du recours à la force par le gendarme MacGillivray aurait peut-être été différente. Toutefois, je n’ai rien d’autre que les observations du représentant de l’autorité disciplinaire qui m’amènent à cette conclusion. À la lumière de la preuve dont je dispose, je considère que cette conclusion est spéculative.

[124] Je ne conclus pas non plus, pour les motifs exposés relativement au fait 4b), que l’inexactitude était le résultat de négligence, d’insouciance ou d’imprudence de la part du gendarme MacGillivray.

[125] L’incident a évolué très rapidement. Une minute et dix secondes se sont écoulées entre le moment où K.S. s’est entièrement rapproché du gendarme MacGillivray et la toute fin de l’incident de contact physique. Par conséquent, l’ensemble de la preuve m’amène à conclure qu’il est plus probable qu’improbable que l’inexactitude résulte d’une erreur commise de bonne foi. Le fait 4 c) n’est pas fondé.

[126] Comme les points 4 et 5 ne sont pas fondés, je conclus que l’allégation 2 n’est pas fondée.

Allégation 3 – Conduite susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie

[127] L’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC stipule ce qui suit : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. »

[128] Pour satisfaire au critère d’une conduite déshonorante selon le paragraphe 7.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir les quatre éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. les gestes qui constituent le comportement allégué;

  2. l’identité du membre qui aurait commis ces actes;

  3. que le comportement du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC;

  4. que le comportement du membre est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[129] Le gendarme MacGillivray a conduit son véhicule sans l’immatriculation correspondante ni l’assurance appropriée et ainsi a dérogé à la loi provinciale. Étant donné que le gendarme MacGillivray a admis chacun des points de l’allégation 3, telle que modifiée, je conclus que les deux premiers éléments du critère sont remplis. Je dois maintenant déterminer si les troisième et quatrième éléments du critère peuvent être établis.

[130] Il est bien établi que les membres doivent respecter le Code de déontologie lorsqu’ils sont de service et hors service. En tant que membre, le gendarme MacGillivray est appelé à faire respecter des lois qui, comme le soutient le représentant de l’autorité disciplinaire, il n’a pas respectées lui-même.

[131] J’ai déterminé qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris la réalité des services de police en général et, plus particulièrement, celle de la GRC, considérerait le comportement du gendarme MacGillivray comme susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Encore une fois, j’estime que les gestes du gendarme MacGillivray peuvent nuire à sa capacité de remplir les tâches d’un membre de la GRC avec impartialité, ou miner la confiance du public en cette capacité. J’estime donc que le comportement du gendarme MacGillivray est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[132] Par conséquent, je conclus que l’allégation 3 est fondée.

Allégation 5 – Utilisation non autorisée d’équipement et de biens de la GRC

[133] Il est allégué que le gendarme MacGillivray n’a pas utilisé l’équipement et les biens fournis par le gouvernement à des fins et activités autorisées, en contravention de l’article 4.6 du Code de déontologie. Il aurait utilisé un véhicule du parc automobile de la GRC à des fins personnelles et non autorisées.

[134] Le gendarme MacGillivray a admis tous les détails de cette allégation. Il admet avoir utilisé un véhicule du parc automobile de la GRC, sans autorisation appropriée, pour rendre visite à sa fille. Par conséquent, je conclus que l’allégation 5 est fondée.

MESURES DISCIPLINAIRES

[135] Les allégations 1, 3 et 5 ont été fondées. Ces allégations concernent respectivement un recours excessif à de la force, une conduite déshonorante et un usage inapproprié d’équipement et de biens de la GRC. En conformité avec le paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et le Guide des mesures disciplinaires de la GRC, j’ai l’obligation d’imposer « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes ».

[136] Pour prendre ma décision sur les mesures à prendre, je suis guidée par l’article 36.2 de la Loi sur la GRC, qui définit l’objectif du processus de déontologie. L’article inclut ce qui suit, au paragraphe e) :

[…] prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives.

[137] Pour déterminer la sanction appropriée, je dois déterminer l’éventail approprié de mesures. À cet égard, le Guide des mesures disciplinaires est un excellent outil. Il est toutefois important de souligner que, comme son nom l’indique, le Guide des mesures disciplinaires n’est qu’un guide. Ces lignes directrices ne sont pas prescriptives. Je vais ensuite préciser les facteurs aggravants et atténuants. Enfin, je vais peser tous ces facteurs pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées.

[138] J’ai examiné les observations des représentants et je me laisse guider par les principes de la proportionnalité et de la parité ainsi que par l’intérêt public.

Portée des mesures disciplinaires

[139] Je reconnais qu’à la lumière de mes conclusions au sujet des allégations et en particulier de ma conclusion selon laquelle l’allégation 2 n’est pas fondée, le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué que le congédiement ne constitue plus une mesure proportionnelle. Je partage son avis.

[140] Je suis également d’accord avec le représentant de l’autorité disciplinaire lorsqu’il affirme qu’une sanction globale est appropriée, compte tenu du court laps de temps durant lequel ces trois contraventions ont été commises. Cela me permettra également d’adapter les mesures aux circonstances générales dans lesquelles ces contraventions ont eu lieu.

[141] Je commencerai par examiner la fourchette appropriée pour chacune des trois allégations afin de déterminer la fourchette appropriée pour une mesure disciplinaire globale.

Allégation 1 – article 5.1 du Code de déontologie

[142] Le représentant de l’autorité disciplinaire soutient que le recours excessif à la force en l’espèce se situe dans la fourchette des violations graves. Il soutient que l’effet du recours excessif à la force était important du point de vue de l’intérêt public. Il insiste sur le fait que c’est en raison de cet effet que ce recours à la force correspond à cette fourchette.

[143] La représentante du membre visé estime que la contravention en l’espèce est mieux qualifiée de « manquement à caractère technique ». Elle soutient qu’il n’y a eu aucune préméditation ni utilisation d’armes. De plus, K.S. n’était pas dans une position vulnérable et que, bien qu’il fût intoxiqué, il avait une stature similaire à celle du gendarme MacGillivray. Elle soutient que l’inconduite se situe à l’extrémité inférieure de la fourchette normale et que la fourchette appropriée est une sanction pécuniaire de 2 à 4 jours de salaire, combinée à des mesures correctives consistant à suivre un traitement selon les directives d’un médecin-chef, ainsi qu’une formation sur le recours à la force.

[144] Je conviens avec le représentant de l’autorité disciplinaire qu’il y a un élément important d’intérêt public. Je traiterai de cette question plus en détail plus loin dans mon analyse.

[145] En l’espèce, le gendarme MacGillivray a eu recours à la force alors qu’il n’était pas légalement autorisé à le faire. Il a exercé cette force contre une personne intoxiquée qui, bien qu’elle fût jeune, ne pouvait être considérée comme ayant une force ou une stature qui étaient similaires à celles du gendarme MacGillivray. Aucun moyen de contention n’ayant été appliqué à sa personne, le sujet avait été fouillé et occupait une cellule au moment de l’incident. Comme l’a reconnu la représentante du membre visé, il n’y a pas eu de provocation.

[146] En raison de ces facteurs, je conclus que ce cas se situe entre le milieu de l’extrémité supérieure de la fourchette normale, soit une sanction pécuniaire allant de 8 à 20 jours de salaire, seule ou en combinaison avec d’autres mesures.

Allégation 3 – article 7.1 du Code de déontologie

[147] Le gendarme MacGillivray a admis avoir sciemment conduit un véhicule non assuré et non immatriculé. Il reconnaît qu’il l’a fait durant la période allant d’approximativement octobre 2018 au 1er février 2019, soit la date à laquelle son véhicule a été endommagé. L’inconduite est survenue en dehors des heures de travail et, en agissant ainsi, le membre visé à commis de graves infractions au niveau provincial ou territorial.

[148] Le représentant de l’autorité disciplinaire prétend que la longueur de la période pendant laquelle ce comportement s’est poursuivi, ainsi que la position apparente du gendarme MacGillivray selon laquelle ses besoins personnels justifiaient une violation continue des lois provinciales, attestent d’un mépris flagrant des lois applicables. Par conséquent, l’inconduite se situe dans la fourchette des violations graves.

[149] La représentante du membre visé soutient que le gendarme MacGillivray n’a pas fait preuve d’un mépris flagrant à l’égard de la loi. Il ne soutient pas que ses actes étaient justifiés. Il était tout simplement incapable de s’occuper de ses responsabilités administratives personnelles en raison de sa situation personnelle. Je me pencherai sur les facteurs de stress dans la vie du gendarme MacGillivray, ainsi que sur ses problèmes médicaux, au moment de mon examen des facteurs atténuants.

[150] La représentante du membre visé fait également valoir que la fourchette des violations graves est réservée aux infractions comportant un risque pour la sécurité, comme la chasse sans permis. Il n’est pas nécessaire de prouver qu’un préjudice réel a été causé.

[151] À mon avis, conduire un véhicule non assuré présente un risque pour la sécurité. L’assurance vise notamment à faire en sorte que toute personne blessée à la suite des actes d’un conducteur assuré soit en mesure d’obtenir un traitement et une indemnisation pour les blessures physiques qu’elle a éventuellement subies. Sans quoi, une telle personne pourrait se retrouver dans une position vulnérable et précaire.

[152] Si l’on tient compte de la période pendant laquelle le gendarme MacGillivray a conduit sans être assuré et sans que son véhicule soit immatriculé correctement, je conclus que l’inconduite entre dans la fourchette des violations graves, c’est-à-dire qu’il mérite une sanction pécuniaire de 6 à 10 jours de salaire, seule ou accompagnée d’autres mesures.

Allégation 5 – article 4.6 du Code de déontologie

[153] Le gendarme MacGillivray admet avoir utilisé un véhicule du parc automobile à des fins purement personnelles, sans autorisation.

[154] Les parties conviennent que son inconduite se situe dans la fourchette des violations graves. On ne peut pas dire qu’il s’agissait d’un incident isolé. Le gendarme MacGillivray s’était rendu coupable peu avant d’une inconduite en commettant une contravention similaire. Il reconnaît qu’il n’a pas été franc quant aux raisons pour lesquelles il demandait une utilisation prolongée du véhicule du parc automobile et qu’il ne disposait pas d’une autorisation claire de continuer à l’utiliser.

[155] Cela dit, en utilisant le véhicule pour rendre visite à sa fille, je reconnais que le gendarme MacGillivray n’a pas utilisé le véhicule à des fins très inappropriées qui terniraient la réputation de la GRC.

[156] Par conséquent, je conclus que la fourchette appropriée se situe au milieu de celle des violations graves, et qui prévoit une sanction pécuniaire de 3 à 6 jours de salaire, seule ou en combinaison avec d’autres mesures.

[157] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la fourchette appropriée pour la mesure disciplinaire globale est une sanction pécuniaire de 17 à 36 jours de salaire, seule ou combinée à d’autres mesures.

Facteurs aggravants

[158] Parmi les facteurs aggravants proposés par les parties, j’ai retenu les six que voici.

[159] Premièrement, dans un passé récent, le gendarme MacGillivray a fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour une contravention similaire. Selon le compte rendu des décisions daté du 16 juillet 2018, trois allégations sont fondées. Deux en vertu de l’article 4.2 et une en vertu de l’article 4.6 du Code de déontologie en réponse à l’utilisation non autorisée d’un véhicule de la GRC. Je note que les deux contraventions de l’article 4.2 ont eu une incidence négative sur l’administration de la justice.

[160] Deuxièmement, les actes du gendarme MacGillivray ont eu un impact négatif sur l’administration de la justice. La preuve qui m’a été présentée laisse supposer que si les accusations contre K.S. n’ont pas été portées, c’est essentiellement, voire uniquement, en raison des allégations qui pèsent contre le gendarme MacGillivray. À part cela, le dossier était solide.

[161] Je conviens avec le représentant de l’autorité disciplinaire qu’il s’agit d’un facteur aggravant important. Il y a un vif désir dans la société que l’on donne suite aux accusations de conduite avec facultés affaiblies et cette possibilité a été perdue. De plus, il s’agit de la troisième fois au cours des quelques dernières années que les actes du gendarme MacGillivray ont eu des répercussions négatives sur l’administration de la justice.

[162] Les actes du gendarme MacGillivray visaient un membre du public.

[163] Quatrièmement, les actes du gendarme MacGillivray ont indubitablement causé un inconfort physique et un stress excessif à K.S. K.S. rapporte que l’incident a eu un grave impact négatif sur sa perception de la GRC et des policiers en général.

[164] Cela dit, j’ai conclu que K.S. n’a subi aucune blessure par suite du recours à la force. Je ne conclus pas non plus que sa perte d’emploi a été causée par les gestes du gendarme MacGillivray. Plusieurs semaines après l’incident, K.S. a informé son employeur qu’il devait prendre congé pour voir son médecin. Bien qu’il déclare que ce rendez-vous était nécessaire en raison des blessures causées par l’incident, aucune preuve n’appuie son affirmation. K.S. ne s’est pas présenté au cabinet de son médecin ce jour-là. Son employeur l’a découvert et l’a congédié. Sa perte d’emploi est attribuable à ses propres actes.

[165] Cinquièmement, les actes du gendarme MacGillivray ont nui à la réputation de la GRC auprès du bureau de la Couronne, qui a dû retirer les accusations criminelles contre K.S.

[166] Sixièmement, le gendarme MacGillivray est un gendarme principal que, comme l’indiquent clairement ses évaluations de rendement, les membres subalternes voient comme un exemple. De plus, deux des allégations examinées se sont produites pendant que le gendarme MacGillivray était temporairement réaffecté à la suite d’une enquête en vertu du Code de déontologie. Comme l’a souligné le représentant de l’autorité disciplinaire, il aurait dû être particulièrement conscient des choix qu’il faisait.

Facteurs atténuants

[167] Parmi les facteurs atténuants proposés par les parties, j’ai retenu les six facteurs suivants.

[168] Premièrement, le gendarme MacGillivray a coopéré tout au long de l’enquête menée aux termes de la loi et de l’enquête disciplinaire, a fait des aveux importants et s’est excusé de sa conduite. Il accepte la responsabilité de ses actes.

[169] Deuxièmement, au moment où ces contraventions ont été commises, le gendarme MacGillivray était aux prises avec des circonstances personnelles très difficiles. Ces facteurs, conjugués au stress lié au travail, y compris à son rôle dans des incidents opérationnels traumatisants, et à sa décision de mettre fin à ses responsabilités au sein de l’équipe d’intervention d’urgence, ont eu un lourd tribut personnel. Les commentaires de ses superviseurs dans ses évaluations de rendement montrent que ces facteurs de stress ont également eu un effet sur son rendement au travail.

[170] Troisièmement, avant de commettre ces contraventions, le gendarme MacGillivray avait cherché à obtenir des soins médicaux. La lettre de sa psychologue traitante fait état de symptômes qu’elle a observés et de ses diagnostics. Cette information est utile du fait qu’elle donne une idée des défis auxquels le gendarme MacGillivray était confronté. Toutefois, je ne peux m’y fier pour établir un lien de causalité entre ses conditions médicales et les violations en cause.

[171] Quatrièmement, le gendarme MacGillivray a pris des mesures pour gérer ses problèmes de santé et mieux faire face aux facteurs de stress dans sa vie. Il est ouvert à l’imposition d’une mesure qui lui permettrait de continuer à le faire.

[172] Cinquièmement, j’ai examiné en détail les évaluations de rendement du gendarme MacGillivray. Je note que ces documents portent sur la totalité de son service à la GRC. Ils révèlent un rendement très solide et montrent que ses collègues et superviseurs lui font confiance et comptent sur lui. Je note aussi quelques thèmes qui se dégagent des commentaires faits au fil des ans. Ils soulignent ses efforts et son succès dans l’établissement de relations avec la collectivité, ses connaissances tactiques, ses normes de service élevées et, en particulier, sa compassion dans ses rapports avec le public et les clients.

[173] Sixièmement, je reconnais que le gendarme MacGillivray a payé de sa poche l’essence qu’il a utilisée durant ses déplacements à bord du véhicule du parc automobile.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[174] Les membres sont avant tout des êtres humains. Il est clair que le gendarme MacGillivray a eu à traverser des circonstances personnelles très difficiles, et a fait face à des défis liés à sa santé. Il ne fait aucun doute que les fonctions d’un premier intervenant peuvent avoir de lourdes conséquences et le public doit faire preuve d’empathie envers les membres.

[175] Toutefois, les membres sont investis de vastes pouvoirs et doivent se conformer à des normes élevées. Le public a le droit de s’attendre, à tout le moins, à ce qu’ils agissent strictement dans les limites de leur autorité légitime et à ce qu’ils se conforment aux mêmes normes dans leur vie personnelle que celles que doivent respecter les autres membres du public. S’ils ne respectent pas cette norme, ils doivent en être tenus responsables. Cela est essentiel pour maintenir la confiance du public envers la GRC.

[176] Je suis consciente des principes de correction de l’inconduite d’un membre, tels qu’ils sont énoncés dans le Guide sur les mesures disciplinaires, et de l’importance de déterminer les mesures éducatives et correctives dans la mesure du possible. Toutefois, il faut également prendre des mesures correctives lorsqu’un membre a déjà reçu un avertissement au sujet de son comportement et qu’il ne semble pas avoir clairement compris le message.

[177] Cela dit, la preuve dont je dispose montre clairement que le gendarme MacGillivray est un membre très solide et fort apprécié de la GRC. Son inconduite a coïncidé avec ses difficultés personnelles et médicales, ce qui laisse croire qu’il possède un fort potentiel de réadaptation.

[178] Après avoir soupesé tous ces facteurs, j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

  1. En vertu de l’alinéa 4d) des CC (déontologie), une sanction pécuniaire de deux jours (16 heures) doit être déduite de la paye du gendarme MacGillivray;

  2. Conformément à l’article 5, paragraphe (1), alinéa i) des CC (déontologie), des congés annuels correspondant à une période de 20 jours (160 heures) doivent être retirés au gendarme;

  3. Conformément à l’article 3, paragraphe (1), alinéa d) des CC (déontologie), une directive est émise enjoignant le gendarme à suivre un traitement médical, tel que précisé par un médecin-chef;

  4. Conformément à l’article 3, paragraphe (1), alinéa c) des CC (déontologie), une directive est émise enjoignant le gendarme à suivre le cours de certification sur l’utilisation du modèle d’intervention pour la gestion des incidents dans Agora. Si le gendarme MacGillivray a déjà suivi ce cours, il doit suivre le cours de recertification sur l’utilisation du modèle d’intervention pour la gestion des incidents dans Agora. Une preuve de réussite de cette formation doit être fournie à l’autorité disciplinaire, et non au présent comité de déontologie, dans les 120 jours suivant la date de ma décision écrite.

CONCLUSION

[179] Les allégations 1, 3 (telles que modifiées) et 5 sont fondées. L’allégation 2 n’est pas fondée. L’allégation 4 est retirée.

[180] Ayant conclu que certaines des allégations sont fondées, les mesures disciplinaires susmentionnées sont imposées.

[181] Le gendarme MacGillivray se voit offrir la possibilité de poursuivre sa carrière au sein de la GRC. Cependant, toute infraction subséquente au Code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée et pourrait mener au congédiement.

[182] Toute mesure disciplinaire provisoire en place devrait être réglée dans les plus brefs délais, conformément à l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[183] L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans le délai de prescription prévu au paragraphe 45.11 de la Loi sur la GRC.

 

 

16 juin 2021

Christine Sakiris

Comité de déontologie

 

Date

 



[1] F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, au paragraphe 58.

[2] Faryna v. Chorney, (1952) 2 DLR 354 [Faryna].

[3] F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, au paragraphe 58.

[4] Le commandant de la Division K et le gendarme Simon Bigras, 2020 DAD 2, au paragraphe 21.

[5] Le commandant de la Division K et le gendarme Simon Bigras, 2020 DAD 2, au paragraphe 20.

[6] Le commandant de la Division K et le gendarme D. Greenlaw, 2019 DARD 22 [Greenlaw].

[7] Le sous-commissaire Curtis Zablocki et le gendarme Jason Girard, 2020 DAD 30 [Girard].

[8] Paul Ceyssens, Legal Aspects of Policing, Earlscourt Legal Press, volume II, chapitre 6, révisé en mars 2012, p. 6- 108.

[9] Ceyssens, Paul, Legal Aspects of Policing¸vol. 2, Île Saltspring, Colombie-Britannique : Earlscourt Legal Press, 1994 (feuillet mis à jour en juin 2019, version 35), à la page 6-119.

[10] R c. Sikorski, [2013] OJ No 5936 [Sikorski].

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