Déontologie

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Protégé A

Dossier no 2017-335698 (C-043)

2021 DAD 11

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AFFAIRE INTÉRESSANT

un appel interjeté au titre du paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du

Canada, LRC 1985, c R-10, à l’encontre d’une décision du comité de déontologie

ENTRE :

le gendarme Fareez Vellani

Numéro de matricule 54533

(l’appelant)

et

le commandant de la Division E

Autorité disciplinaire

(l’intimé)

DÉCISION CONCERNANT L’APPEL EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE

ARBITRE : Steven Dunn

DATE : Le 20 avril 2021


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 4

CONTEXTE 5

PROCÉDURE DISCIPLINAIRE 9

Enquête relative au code de déontologie 9

Observations écrites du RAD concernant les allégations 13

La décision du comité sur les allégations 15

Communication préalable 17

Observations écrites du membre 18

Cour provinciale 22

Audience relative aux mesures disciplinaires 23

Preuve présentée par le RAD : résumé du témoignage de non-expert de l’insp. JM 23

Argumentation du RAD à l’égard des mesures disciplinaires 29

Argumentation du RM à l’égard des mesures disciplinaires 31

Réplique du RAD 35

Décisions du comité sur les mesures disciplinaires 36

APPEL 41

Questions préliminaires 41

Autorisation de présenter des argumentations de plus de dix pages 41

Demande d’autorisation de présenter d’autres arguments et de tenir une réunion de cas 42

Portée de l’examen 44

Norme de contrôle 44

Équité procédurale 44

Erreurs de droit 45

Caractère manifestement déraisonnable 46

Analyse 48

Y a-t-il eu violation du droit à l’équité procédurale de l’appelant parce qu’il n’a pas eu l’occasion d’expliquer qu’il n’était pas motivé par un intérêt personnel? 51

Y a-t-il eu iniquité procédurale lorsque le Comité a omis d’expliquer comment il avait déterminé que l’appelant avait maintenu une intention frauduleuse sur une longue période et d’indiquer les raisons pour lesquelles il avait rejeté le témoignage de l’appelant selon lequel il avait agi de manière impulsive? 55

Questions découlant de l’état d’esprit de l’appelant 56

Absence de prise en compte des facteurs atténuants, y compris les lettres de recommandation et les évaluations de rendement de l’appelant 61

Les considérations liées à l’arrêt McNeil constituent-elles un facteur aggravant indépendant? 63

Admissibilité du témoignage d’opinion de l’inspectrice JM 66

Appréciation du témoignage d’opinion de l’inspectrice JM 68

Observations du juge de la cour provinciale 71

Rejet des décisions présentées par le RM 74

Prise en compte des décisions présentées par le RM 74

L’appelant n’a jamais fait l’objet d’une condamnation au « criminel » 82

DÉCISION 84

 

INTRODUCTION

[1] Le gendarme (gend.) Fareez Vellani, matricule 54533 (appelant), interjette appel au titre du paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10, dans sa version modifiée [Loi sur la GRC], à l’encontre des mesures que lui a imposées le comité de déontologie de la GRC (comité) après avoir tenu pour établies deux allégations de conduite déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC (figurant à l’annexe du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281) (code de déontologie). Le commandant de la Division E, autorité disciplinaire, est l’intimé.

[2] Le comité a rendu sa décision de vive voix le 21 septembre 2016, ordonnant à l’appelant de démissionner dans les 14 jours suivants, sans quoi il serait congédié. La décision écrite a été rendue plus tard, le 4 avril 2017, et signifiée à l’appelant le 23 avril 2017.

[3] Conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la GRC, le dossier a été renvoyé devant le Comité externe d’examen de la GRC (CEE). Dans un rapport en date du 27 octobre 2020, renfermant des conclusions et des recommandations (dossier du CEE no C-2018-001 (C-043)) (rapport), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, a recommandé au commissaire de rejeter l’appel et de confirmer la décision du comité en application de l’alinéa 45.16(3)a) de la Loi sur la GRC.

[4] Le commissaire m’a délégué son pouvoir de rendre des décisions définitives et obligatoires à l’égard des appels en matière de déontologie en vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi sur la GRC.

[5] Pour rendre la présente décision, j’ai examiné les documents dont disposait le comité (documents), le dossier d’appel (appel) et le rapport. Je ferai état des documents et de l’appel en indiquant le numéro de page et du rapport en indiquant le numéro de paragraphe.

[6] L’appelant est représenté par un avocat et toutes les observations faites par ce dernier lui seront attribuées.

[7] Je présente des excuses aux parties pour tout retard imputable à la GRC dans le règlement du présent appel.

[8] Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté et l’ordonnance du comité est confirmée.

CONTEXTE

[9] Les parties ont convenu de l’exposé conjoint des faits (ECF) suivant (rapport, par. 6; documents, p. 3-6) :

[TRADUCTION]

1. Le gend. Vellani reconnaît le bien-fondé des allégations 1 et 2 de l’avis d’audience disciplinaire daté du 28 octobre 2015. Les parties conviennent que les paragraphes 1 à 17 et le paragraphe 23 ci-dessous remplacent l’énoncé détaillé de l’allégation 1 formulée dans l’avis d’audience disciplinaire, et que les paragraphes 1 à 12 et les paragraphes 18 à 23 ci-dessous remplacent l’énoncé détaillé de l’allégation 2 formulée dans le même avis.

2. À l’époque des faits, le gend. Fareez Vellani (le « gend. Vellani ») était un membre de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») affecté à la Division E.

3. À l’époque des faits, le gend. Vellani était le propriétaire immatriculé d’un véhicule Ford Fl50 2012 (le « véhicule »), numéro de série XX, portant la plaque d’immatriculation de la Colombie-Britannique XX.

4. À l’époque des faits, le numéro de téléphone cellulaire du gend. Vellani était le XX, relevant de Rogers Communications.

5. À l’époque des faits, le véhicule du gend. Vellani était assuré en vertu de la police d’assurance XX de l’Insurance Corporation of British Columbia (« ICBC »), qui prévoyait une franchise de 500 $ en cas de collision et une franchise globale de 300 $.

6. À l’époque des faits, le gend. Vellani avait aussi une assurance de la société Optiom Inc. grâce à laquelle il pouvait se faire rembourser toute franchise exigée aux termes de sa police d’assurance principale, jusqu’à concurrence de 300 $.

7. Le 12 février 2015, le gend. Vellani a garé son véhicule à l’extérieur de la résidence d’un ami pour la nuit.

8. Le 13 février 2015, vers 9 h, alors qu’il quittait la résidence de son ami, le gend. Vellani a remarqué que la fenêtre avant du côté passager de son véhicule avait été fracassée. Ses lunettes fumées, son ouvre-porte de garage, son iPod et ses clés de maison n’étaient plus dans le véhicule.

9. À 9 h 25, le 13 février 2015, alors qu’il se dirigeait vers sa résidence, le gend. Vellani a composé le numéro de la GRC pour les incidents non urgents (le « centre E-Comm ») afin de signaler le vol et les dommages dont son véhicule avait été l’objet durant la nuit. La transcription du signalement fait par le gend. Vellani au centre E-Comm est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce A). Les lignes 51 à 58 de cette transcription montrent que les seuls dommages signalés par le gend. Vellani à ce moment-là concernaient la vitre fracassée du côté passager.

10. Pendant qu’il conduisait et qu’il faisait son signalement au centre E-Comm, le gend. Vellani a eu une collision impliquant uniquement son véhicule, ce qui a endommagé le pare-brise, le capot et le pare-chocs avant de son véhicule. Est joint au présent exposé conjoint des faits l’enregistrement audio de la conversation téléphonique du gend. Vellani avec le centre E-Comm de la GRC (pièce B), qui a capté le bruit de la collision à 3 minutes 7 secondes. Est également joint au présent exposé conjoint des faits le rapport de [BF], expert engagé par l’ICBC (pièce C), selon lequel le cellulaire du gend. Vellani (XX) était en mouvement pendant sa conversation avec le centre E-Comm.

11. À 9 h 57, le 13 février 2015, le gend. Vellani a téléphoné à l’ICBC et fait une demande d’indemnisation pour vol et vandalisme (dossier XX de l’ICBC). Le gend. Vellani a dit à la téléphoniste de l’ICBC, LD, que son véhicule avait été vandalisé la veille et que la vitre du côté passager, le pare-brise et le capot avaient été endommagés. Une copie de la demande d’indemnisation que le gend. Vellani a présentée à l’ICBC est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce D). À la page 2 de cette demande figure la liste des dommages signalés par le gend. Vellani ce matin-là.

12. Le gend. Vellani a plus tard laissé son véhicule chez Westcoast Collision pour faire réparer les dommages. Il a discuté sur place avec PM, propriétaire de l’atelier de réparation, à qui il a dit que tous les dommages étaient attribuables à des actes de vandalisme. Est jointe au présent exposé conjoint des faits une copie de l’estimation faite par Westcoast Collision (pièce E), dans laquelle PM a noté que les dommages étaient incompatibles avec le type d’incident signalé. Au cours d’une discussion subséquente avec le gend. Vellani, PM a informé ce dernier que l’ICBC avait demandé que les réparations soient mises en suspens puisqu’elle croyait que les dommages pouvaient résulter de deux incidents distincts.

13. Vers 12 h le 13 février 2015, le gend. Vellani a parlé à la gend. H, la membre de la GRC qui menait l’enquête sur le vol (dossier XX du système Prime). Au cours de la conversation, le gend. Vellani a dit que la fenêtre avant du côté passager, le capot et le pare-brise avaient été endommagés durant la nuit. Il a aussi mentionné des dommages causés à la carrosserie du côté conducteur et fourni la liste des articles volés. Le gend. Vellani a négligé de préciser à la gend. H que la moitié des dommages signalés n’avaient rien à voir avec l’enquête sur le vol et qu’ils étaient en fait attribuables à la collision survenue par la suite. Est joint au présent exposé conjoint des faits le sommaire du dossier Prime W du Détachement de Ridge Meadows (pièce F), où sont notés les renseignements que le gend. Vellani a fournis à la gend. H pendant son enquête sur le vol.

14. Le gend. Vellani a signalé les dommages causés lors du vol et les dommages découlant de la collision subséquente à la gend. H sans faire de distinction entre les deux, sachant que la collision n’avait aucune pertinence pour son enquête et que cela l’amènerait sur une fausse piste.

15. Le 14 février 2015, la gend. H a envoyé un courriel au gend. Vellani pour lui demander des photos des dommages causés au véhicule. Le gend. Vellani s’est rendu à l’atelier de réparation et a pris les photos lui-même.

16. Le 17 février 2015, le gend. Vellani a envoyé un courriel à la gend. H dans lequel il disait : [TRADUCTION] « J’ai obtenu les photos que vous avez demandées. Toujours aucune nouvelle quant au coût estimé des réparations; je devrais en savoir davantage d’ici quelques jours ». Les onze photos envoyées par le gend. Vellani montrent les dommages causés lors du cambriolage et aussi ceux qui découlaient de la collision subséquente. Cinq des onze photos envoyées montrent uniquement les dommages causés au véhicule lors de cette collision. Le gend. Vellani a envoyé ces cinq photos à la gend. H en sachant qu’elles étaient sans pertinence pour son enquête et que cela l’amènerait sur une fausse piste. Les photos que le gend. Vellani a envoyées à la gend. H sont jointes au présent exposé conjoint des faits (pièce G).

17. Le gend. Vellani a signalé les dommages découlant de la collision à la gend. H pour appuyer sa demande d’indemnisation.

18. Le 24 février 2015, le gend. Vellani a fait une déclaration verbale à l’expert en sinistres DC de l’ICBC, à l’appui de sa demande d’indemnisation. Dans sa déclaration, le gend. Vellani a affirmé que les dommages causés au pare-brise, à la fenêtre du côté passager et au capot de son véhicule étaient attribuables à un acte de vol et de vandalisme. Une copie de la déclaration volontaire signée que le gend. Vellani a fournie à l’expert en sinistres DC de l’ICBC est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce H).

19. Le 25 février 2015, le gend. Vellani a rempli un formulaire de preuve de perte dans lequel il déclarait solennellement, devant la notaire CC, que les dommages de 4 000 $ signalés à l’ICBC le 13 février 2015 étaient attribuables à un acte de méfait/vandalisme/vol. Une copie du formulaire de preuve de perte signé par le gend. Vellani est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce I).

20. Le 20 mars 2015, le gend. Vellani a fait une déclaration après mise en garde à l’enquêteur BK de l’ICBC, à l’appui de sa demande d’indemnisation. Dans sa déclaration, le gend. Vellani a encore une fois affirmé que les dommages au pare-brise, au pare-chocs et au capot de son véhicule avaient été causés par un acte de vandalisme ou de vol et non par une collision. Est jointe au présent exposé conjoint des faits (pièce J) une transcription de la déclaration du gend. Vellani, dans laquelle il répond clairement par la négative aux lignes 159 à 166, lorsque l’enquêteur K soulève la possibilité qu’une partie des dommages ait pu découler d’une collision et non d’un vol.

21. Le gend. Vellani savait que les dommages au capot et au pare-brise n’étaient pas attribuables à un acte de vol ou de vandalisme, mais à une collision, et il a sciemment fourni des renseignements inexacts à l’ICBC. Le gend. Vellani savait qu’il aurait dû présenter une demande d’indemnisation distincte à l’ICBC pour les dommages causés par la collision, ce qui aurait nécessité le paiement d’une deuxième franchise, mais il a négligé de le faire.

22. Le 22 avril 2016, le gend. Vellani a plaidé coupable à une accusation de présentation de renseignements faux ou trompeurs en contravention de l’alinéa 42.1(2)a) de l’Insurance (Vehicle) Act de la Colombie-Britannique. Sont joints au présent exposé conjoint des faits une copie de l’attestation de déclaration de culpabilité du gend. Vellani (pièce K) et l’enregistrement audio de sa comparution en cour (pièce L).

23. Le gend. Vellani reconnaît avoir eu une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

PROCÉDURE DISCIPLINAIRE

Enquête relative au code de déontologie

[10] Le 26 mars 2015, une lettre de mandat pour la tenue d’une enquête (lettre de mandat) a été délivrée (documents, p. 803) et signifiée à l’appelant le 27 mars 2015 (documents, p. 802), lançant une enquête, fondée sur les renseignements dont l’autorité disciplinaire désignée avait pris connaissance le 19 février 2015, visant à établir si l’appelant avait contrevenu au code de déontologie. Le 27 mars 2015, l’appelant a reçu signification d’un ordre de suspension (documents, p. 804-805). Le 14 avril 2015, le Groupe des normes professionnelles a finalisé le rapport d’enquête (documents, p. 709-720).

[11] Le 28 mai 2015, l’officier responsable du détachement auquel était affecté l’appelant a renvoyé l’affaire à l’intimé, déclarant dans son rapport de l’autorité disciplinaire (documents, p. 696-702) que [TRADUCTION] « [l]es sanctions pouvant être infligées à l’égard de cette contravention dépassent les pouvoirs que me confère la Loi sur la GRC », et mentionnant le congédiement et le fait que les deux allégations seraient établies selon une preuve prima facie (documents, p. 700, 701).

[12] Le 28 octobre 2015, l’intimé a signé un avis d’audience disciplinaire (avis) (documents, p. 1169), par lequel était constitué le comité, et dans lequel étaient énoncées les deux allégations fondées sur le code de déontologie, ledit avis ayant été signifié à l’appelant le 6 novembre 2015 (documents, p. 2). Les allégations ont été formulées de la façon suivante :

[TRADUCTION]

Allégation 1

Le 13 février 2015 ou vers cette date, à Maple Ridge ou dans ses environs, dans la province de la Colombie-Britannique, le gend. Fareez Vellani a fait preuve d’une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division E, dans la province de la Colombie-Britannique.

2. Le 13 février 2015, vers 9 h 23, vous avez signalé par téléphone à la GRC que votre véhicule avait été cambriolé. Vous avez indiqué que la fenêtre avant du côté passager avait été fracassée et que des articles avaient été volés.

3. Plus tard le 13 février 2015, vous avez parlé à [la gend. H], qui menait l’enquête sur le vol. Vous lui avez indiqué que des dommages supplémentaires avaient été causés au pare-brise et au capot de votre véhicule.

4. Vous avez amené [la gend. H] sur une fausse piste en déclarant que vous croyiez que les dommages causés à votre véhicule l’avaient été par des voleurs frustrés ou quelque chose du genre.

5. Vous avez amené [la gend. H] sur une fausse piste en omettant de déclarer que les dommages causés au pare-brise et au capot de votre véhicule étaient attribuables à une collision.

Allégation 2

Entre le 13 février et le 20 mars 2015 inclusivement, à Maple Ridge ou dans ses environs, dans la province de la Colombie-Britannique, le gend. Fareez Vellani a fait preuve d’une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrevenant ainsi à l’art. 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Division E, dans la province de la Colombie-Britannique.

2. Le 13 février 2015, vers 9 h, vous avez constaté que la fenêtre du côté passager de votre véhicule avait été endommagée. Vous avez téléphoné à la GRC et avez signalé ces dommages.

3. Vers 10 h, vous avez communiqué avec votre compagnie d’assurance (Insurance Corporation of British Columbia (ICBC)) et avez présenté une demande d’indemnisation. Vous avez indiqué que la perte était attribuable à un acte de vol ou de vandalisme. Vous avez signalé des dommages à la fenêtre du côté passager, au capot et au pare-brise de votre véhicule.

4. Le 24 février 2015, à l’appui de votre demande d’indemnisation, vous avez fait une déclaration verbale à l’expert en sinistres [DC] de l’ICBC, dans laquelle vous avez indiqué que les dommages causés au pare-brise et au capot de votre véhicule étaient attribuables à un acte de vol ou de vandalisme. Vous avez en outre déclaré que [TRADUCTION] « l’atelier » avait remarqué les dommages causés au capot de votre véhicule et au dispositif de verrouillage de la portière gauche. Vous avez déclaré que vous n’aviez pas remarqué ces dommages auparavant. Vous avez déclaré solennellement, devant notaire [CC], que votre déclaration à [DC] était véridique.

5. Le 25 février 2015, vous avez également rempli un formulaire de preuve de perte dans lequel vous avez déclaré solennellement que la perte que vous aviez signalée le 13 février 2015 était attribuable à un acte de vandalisme/méfait/vol, et dans lequel vous demandez à l’ICBC de verser une indemnité d’environ 4 000 $ à West Coast Collisions pour réparer les dommages causés à votre véhicule assuré.

6. Le 20 mars 2015, à l’appui de votre demande d’indemnisation, vous avez fait une déclaration verbale à l’enquêteur [BK] de l’ICBC, dans laquelle vous avez dit à [BK] que les dommages causés au pare-brise et au capot de votre véhicule étaient attribuables à un acte de vol ou de vandalisme.

7. Vous saviez que les dommages causés au capot et au pare-brise n’étaient pas attribuables à un acte de vol ou de vandalisme, mais à une collision.

8. Vous avez présenté des renseignements faux, inexacts ou trompeurs à l’ICBC à l’appui de votre demande d’indemnisation en déclarant que tous les dommages à votre véhicule visés par votre demande d’indemnisation étaient attribuables à un acte de vandalisme/méfait/vol.

[Caractères italiques dans l’original.]

[13] L’avis informait également l’appelant de ce qui suit (documents, p. 1171-1172) :

  • un comité de déontologie, composé de l’insp. JK, avait été constitué par l’autorité désignée;
  • l’appelant disposait de sept jours pour s’opposer à la nomination de cette personne au comité de déontologie en vertu de l’article 44 de la Loi sur la GRC;
  • l’appelant pouvait demander que l’audience disciplinaire soit tenue dans l’une ou l’autre des langues officielles;
  • l’appelant disposait de trente jours à compter de la date de signification, ou de tout autre délai fixé par le comité de déontologie, pour présenter :
    1. un écrit dans lequel il admettait ou niait chaque contravention alléguée;
    2. des observations écrites;
    3. tout élément de preuve, document ou rapport, autre que le rapport d’enquête, qu’il comptait invoquer à l’audience;
  • l’appelant avait le droit d’être représenté par un avocat et l’avis indiquait les coordonnées du Groupe des représentants des membres.

[14] Le 23 novembre 2015, le représentant du membre (RM) a confirmé qu’il représenterait l’appelant (documents, p. 560). Le 21 décembre 2015, le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) a fourni sa liste de témoins au comité et au RM (documents, p. 569).

[15] Le 23 décembre 2015, le comité a demandé la tenue d’une conférence préparatoire. Le RM a confirmé qu’il avait obtenu une prorogation de délai jusqu’au 8 janvier 2016, et a ensuite demandé une autre prorogation de délai jusqu’au 15 janvier 2016, que le comité lui a accordée (documents, p. 568).

[16] Le 14 janvier 2016, le RM a demandé une autre prorogation de délai jusqu’au 4 février 2016, affirmant qu’il serait en mesure de présenter des observations et de passer à la conférence préparatoire lorsque l’appelant aurait inscrit un plaidoyer dans une [TRADUCTION] « procédure criminelle parallèle » (documents, p. 567).

[17] Le comité a reporté la conférence préparatoire au 12 février 2016, à 10 h (documents, p. 566). Le 4 février 2016, le RM a demandé une autre prorogation de délai en raison de l’ajournement de l’« affaire criminelle » de l’appelant, qui avait été reportée au 1er mars 2016. La date de la conférence préparatoire a été fixée au 4 avril 2016, à 10 h (documents, p. 602).

[18] Le 24 mars 2016, le RM a signifié la réponse aux allégations (documents, p. 12-14) et la liste de témoins du membre. Le RM a proposé que, lors de la conférence préparatoire, les parties discutent de la possibilité de tenir une audience portant uniquement sur la question des sanctions (documents, p. 624).

[19] Le dossier ne renferme aucun document officiel relatif à la conférence préparatoire, mais le courriel du RAD daté du 13 juin 2016 indique ce qui suit (documents, p. 17) :

[TRADUCTION]

Comme convenu lors de la conférence préparatoire du 4 avril 2016, j’ai préparé un dossier intitulé « Argumentation de l’autorité disciplinaire concernant les allégations », qui comprend :

- un exposé conjoint des faits (ECF);

- les observations de l’autorité disciplinaire concernant les allégations;

- une annexe;

- les décisions invoquées.

Observations écrites du RAD concernant les allégations

[20] Dans ses observations concernant les allégations (documents, p. 37-40 et les annexes), le RAD a recommandé au comité de tirer les conclusions suivantes quant à la gravité des actes de l’appelant, compte tenu de l’ECF :

[TRADUCTION]

[…]

4. L’autorité disciplinaire est d’avis que les actes du gend. Vellani liés à cette allégation [1] n’étaient pas seulement des actes spontanés. Les faits présentés au comité montrent plutôt que les actes du gend. Vellani étaient délibérés et qu’ils avaient pour but de tromper [la gend. H]. […]

5. Les actes du gend. Vellani sont graves et, comme le démontrent les faits mis en preuve, étaient délibérés. À titre de policier aux services généraux, le gend. Vellani savait fort bien que les enquêteurs de l’ICBC et les policiers des services généraux travaillent en étroite collaboration et échangent régulièrement des renseignements au cours de leurs enquêtes respectives. Le gend. Vellani savait également que les renseignements qu’il fournissait à la gend. [H] dans le cadre de son enquête seraient vraisemblablement communiqués à l’ICBC. Je soutiens donc que le comité ne devrait pas considérer les actes du gend. Vellani comme une simple erreur de jugement, mais comme un acte de malhonnêteté qu’il a commis dans son propre intérêt afin de corroborer une demande d’indemnisation frauduleuse.

[…]

8. L’autorité disciplinaire est également d’avis que les actes du gend. Vellani liés à l’allégation 2 n’étaient pas non plus seulement des actes spontanés. Les faits présentés au comité montrent plutôt que les actes du gend. Vellani étaient délibérés et qu’ils ont été répétés au cours d’une longue période. […]

9. Comme il est expressément indiqué à la page 2 du formulaire de preuve de perte, sous la rubrique « Déclaration solennelle », la déclaration solennelle que le gend. Vellani a faite devant notaire a la même force et le même effet que si elle avait été faite sous serment.

10. Le lien de confiance qui existe entre la GRC et d’autres organismes d’application de la loi, comme l’ICBC, est essentiel à la bonne administration de la justice. À titre de policier expérimenté, le gend. Vellani comprend certainement à quel point il est important, pour la GRC, de maintenir ce lien de confiance afin de bien accomplir sa mission d’application de la loi. En faisant plusieurs fausses déclarations à l’ICBC, le gend. Vellani a non seulement miné sa propre crédibilité, mais a surtout miné le lien de confiance qui existe entre la GRC et l’ICBC.

11. De plus, les actes du gend. Vellani liés aux deux allégations enfreignent d’une manière non équivoque les valeurs fondamentales de la Gendarmerie que sont l’honnêteté, l’intégrité et la responsabilité.

12. Les actes du gend. Vellani sont aussi tout à fait incompatibles avec les obligations et les responsabilités d’un membre de la GRC énoncées aux articles 18 et 37 de la Loi sur la GRC. Plus précisément, il a manqué à son obligation de maintenir l’intégrité du droit et de son application ainsi que de l’administration de la justice et à sa responsabilité de prévenir le crime et les infractions aux lois fédérales et à celles en vigueur dans la province où il est employé. Sa déclaration de culpabilité en vertu de l’Insurance (Vehicle) Act de la Colombie-Britannique établit clairement que le gend. Vellani a violé la loi qu’à titre d’agent de la paix, il a fait le serment de faire respecter.

[…]

Le RM ne présente aucune observation en réponse concernant les allégations

[21] Le 13 juin 2016, le RM a répondu au courriel du RAD daté du même jour, affirmant ce qui suit (documents, p. 16) :

[TRADUCTION] Le membre estime que l’ECF se passe de commentaires et n’a aucune autre observation à faire en ce qui concerne les allégations.

La décision du comité sur les allégations

[22] Le 15 juin 2016, le comité a répondu au RM et envoyé le courriel suivant aux deux représentants (documents, p. 16) :

[TRADUCTION]

[RM], je suis d’accord pour dire que l’ECF se passe de commentaires. Quoi qu’il en soit, [RAD], je vous remercie pour vos observations.

Vous trouverez ci-joint ma décision sur les deux allégations. Vous pouvez vous attendre à ce que le texte de la décision écrite, lorsqu’il sera publié, soit pratiquement identique.

Les deux contraventions au code de déontologie ayant été établies, la loi nous oblige maintenant à examiner les mesures disciplinaires appropriées.

[23] Dans sa décision sur les allégations, le comité a tiré les conclusions suivantes (documents, p. 19-22) :

[TRADUCTION]

Décision sur l’allégation 1

[…]

[11] Le RAD a avancé qu’il avait cherché à tromper [la gend. H] afin de corroborer sa demande d’indemnisation frauduleuse, et je suis d’accord. J’ajouterais cependant qu’il cherchait aussi à éviter la responsabilité de sa collision. Il était de toute évidence agité lorsqu’il a téléphoné au centre d’appels du Détachement de Maple Ridge de la GRC le matin du 13 février 2015. C’était normal, puisqu’il venait de découvrir que sa camionnette neuve avait été cambriolée et que plusieurs objets de valeur en avaient été volés, dont ses clés de maison et son ouvre-porte de garage. Il se rendait chez lui pour s’assurer que les voleurs n’avaient pas obtenu son adresse au moyen des documents qui se trouvaient dans le véhicule et cambriolé sa résidence aussi. Il ressentait alors une grande anxiété, ce qui est tout à fait compréhensible. Parler au téléphone en conduisant est dangereux en soi, à plus forte raison lorsqu’on est agité. Le gendarme Vellani est extrêmement chanceux d’avoir heurté un panneau de signalisation ou un autre objet du genre, et non un piéton, un cycliste ou un autre automobiliste.

[12] Plusieurs provinces ont des lois interdisant diverses formes de distraction au volant, mais ce genre d’infraction peut aussi entraîner une accusation de négligence criminelle, selon les conséquences qui en découlent. […]

[13] Une question reste sans réponse : quel genre d’objet a-t-il heurté? D’après les dommages causés au véhicule, c’était probablement un panneau de signalisation de quelque sorte. Si cette hypothèse est exacte, s’agissait-il d’un panneau important, qui avertissait les automobilistes d’une intersection, d’un passage à niveau, d’un passage où les piétons ont priorité ou d’un chantier de construction? L’absence de ce panneau aurait pu entraîner des conséquences mortelles. Je ne me perdrai pas en conjectures, puisque les faits au dossier ne permettent pas d’approfondir la discussion; je mentionne simplement ces éventuelles conséquences pour souligner que si le fait d’avoir induit [la gend. H] en erreur constitue un manquement grave au code de déontologie, les éléments d’information qu’il lui a cachés sont tout aussi importants. Il pouvait obtenir un avantage personnel en trompant [la gend. H], à savoir qu’il n’aurait à payer qu’une franchise au lieu de deux et qu’il éviterait la responsabilité de la collision causée par sa distraction au volant.

[14] Je conclus qu’une personne raisonnable connaissant les circonstances de l’affaire ainsi que les réalités du travail policier en général et à la GRC en particulier serait d’avis que le gendarme Vellani s’est conduit de façon déshonorante lorsqu’il a délibérément induit [la gend. H] en erreur quant aux circonstances dans lesquelles était survenue une bonne partie des dommages causés à son véhicule. Son comportement jette le discrédit sur la Gendarmerie.

[15] Le comportement en question s’est produit alors qu’il était en congé, mais le lien avec son emploi est évident, puisqu’il a intentionnellement trompé une autre membre de la GRC. L’allégation 1 est donc établie dans sa totalité.

Décision sur l’allégation 2

[…]

[17] L’analyse des motivations du gendarme Vellani qui est présentée plus haut s’applique tout autant à la deuxième allégation. Il a agi dans son propre intérêt, afin d’éviter la franchise exigible pour une deuxième demande d’indemnisation et aussi la responsabilité de la collision qu’il avait eue.

[18] Le nombre de fois où il a répété son comportement malhonnête accentue la gravité de son inconduite. Le fait qu’il ait menti dans une affirmation solennelle devant notaire est tout aussi grave. Pris dans leur ensemble, et compte tenu du fait qu’il a agi par intérêt personnel, les actes reprochés dans cette allégation constituent un manquement très grave au code de déontologie.

[19] Je conclus qu’une personne raisonnable connaissant les circonstances de l’affaire ainsi que les réalités du travail policier en général et à la GRC en particulier serait d’avis que le gendarme Vellani s’est conduit de façon déshonorante lorsqu’il a entrepris, à plusieurs occasions, d’obtenir un avantage personnel en trompant délibérément des employés de l’ICBC et une notaire quant aux circonstances dans lesquelles était survenue une bonne partie des dommages causés à sa camionnette. Son comportement jette le discrédit sur la Gendarmerie. L’allégation 2 est donc aussi établie dans sa totalité.

Communication préalable

[24] Le 13 septembre 2016, le RAD a donné avis de l’intention de citer l’insp. JM, l’officière administrative du commandant de la Division E, afin de la faire témoigner sur les conséquences de l’arrêt McNeil en matière de communication et joint un résumé d’une page contenant l’élément de preuve qu’elle entendait présenter, qui précisait également les antécédents professionnels de l’insp. JM (documents, p. 23-24).

[25] Le 14 septembre 2016, le RM a communiqué le rapport de la Mme N, daté du 12 juillet 2016 (documents, p. 27-28), et le lendemain, a envoyé une copie du CV de la psychologue au comité et au RAD (documents, p. 31-33). Dans son courriel du 14 septembre 2016, le RM a affirmé ce qui suit (documents, p. 25) :

[TRADUCTION] Il convient de souligner que la Dre [N] est la psychologue traitante du gend. Vellani, et non une experte à qui l’on demande de donner un avis d’expert indépendant.

[26] Le 29 août 2017, aux fins du présent appel, le RM a envoyé de nouveau les onze lettres de recommandation qu’il avait invoquées à l’audience (documents, p. 1302, 1303-1319) afin de les inclure dans les documents. Bien que le dossier n’indique pas la date à laquelle elles ont initialement été communiquées, les lettres de recommandation présentées par le RM sont suivies, dans le dossier, des observations écrites du membre, qui semblent avoir été présentées avant l’audience relative aux mesures disciplinaires, mais après la décision sur les allégations (documents, p. 1326-1329). Le RM a également présenté, dans le cadre de la communication des documents, avant l’audience relative aux mesures disciplinaires, les évaluations du rendement de l’appelant visant la période du 1er avril au 30 septembre 2011 (documents, p. 1184-1187), la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 (documents, p. 1179-1183) et la période du 1er avril 2014 au 1er avril 2015 (documents, p. 1174-1178).

Observations écrites du membre

[27] Dans ses observations écrites (documents, p. 1326-1329), l’appelant se définit comme un membre de la GRC ayant neuf ans d’expérience qui a été, avant cette date, gendarme auxiliaire pendant deux ans à Coquitlam. Il a indiqué qu’il a commencé à travailler à la Gendarmerie comme bénévole à partir de l’âge de 20 ans, à Burnaby (documents, p. 1326).

[28] L’appelant a indiqué qu’il a terminé sa formation à la Division Dépôt en 2007 et qu’il a été affecté à la police générale, à Coquitlam, où il a subi de la discrimination raciale flagrante de la part de son sergent d’état-major, qui qualifiait les [TRADUCTION] « agents d’origine indo-orientale » de [TRADUCTION] « petite merde » et qui lui a dit qu’il avait choisi [TRADUCTION] « la mauvaise carrière et qu’il aurait dû devenir un concierge ou un chauffeur de taxi ». L’appelant a souligné que, quelque temps après, une enquête relative au code de déontologie s’en est suivie quant à la conduite du sergent d’état-major et que, par la suite, le sergent d’état-major a été suspendu et a pris sa retraite. L’appelant a indiqué qu’il avait remis aux enquêteurs une déclaration décrivant le comportement discriminatoire du sergent d’état-major. Avant cette date, l’appelant a quitté le groupe du sergent d’état-major, ayant été [TRADUCTION] « volontairement forcé » par celui-ci à accepter un transfert au Groupe de la police de circulation, car le sergent d’état-major lui a dit [TRADUCTION] « que c’est là que vont tous les gens inutiles, comme il les appelait ». L’appelant a indiqué que le stress découlant du fait de travailler sous les ordres de cette personne [TRADUCTION] « l’a vidé mentalement et l’a épuisé » (documents, p. 1326).

[29] L’appelant a indiqué qu’en juillet 2010, son véhicule de police banalisé a été percuté par un conducteur aux facultés affaiblies, et qu’il a subi de ce fait des blessures aux séquelles permanentes. Bien qu’il ait recommencé à travailler à temps plein après quelques mois de réhabilitation et de traitement, il continue de recevoir des traitements et ces traitements lui seront nécessaires [TRADUCTION] « dans un avenir prévisible » (documents, p. 1326).

[30] L’appelant a également fait état du stress résultant de la fin de sa relation, qui durait depuis trois ans, avec sa conjointe de fait qui l’a quitté pour un autre policier et qui lui a demandé de quitter le domicile. Par la suite, il a perdu non seulement sa maison, mais aussi ses chiens, qu’il avait élevés depuis qu’ils étaient des chiots, et il a subi des pertes financières (documents, p. 1327).

[31] Au cours de cette période, l’appelant a demandé de l’aide professionnelle, a reçu un diagnostic de dépression et d’anxiété, a été mis en congé de maladie pendant un mois et s’est vu prescrire des antidépresseurs par son médecin (documents, p. 1327). De plus, il a reçu peu de soutien de la part de ses supérieurs et s’est retrouvé dans un autre environnement de travail toxique, ayant dû retourner à la police générale après avoir quitté le Groupe de la police de circulation. Il a indiqué qu’il travaillait sous les ordres d’un sergent ayant travaillé antérieurement en étroite collaboration avec le premier sergent d’état-major, contre lequel l’appelant avait fait une déclaration dans le cadre de l’enquête en matière de discrimination antérieure. En conséquence, l’appelant a demandé un transfert. Pendant ce temps, avant qu’il ait pu être transféré, l’incident du 13 février 2015, qui fait l’objet de la présente procédure, est survenu (documents, p. 1328).

[32] L’appelant a fait les observations suivantes en ce qui concerne les événements du 13 février 2015 (documents, p. 1328-1329) :

[TRADUCTION]

[…]

Comme je m’approchais de mon véhicule, j’ai remarqué que la vitre avant du côté passager avait été fracassée. Je me suis rapidement avancé vers le côté passager et j’ai constaté que la boîte à gants était ouverte et que le manuel du propriétaire et les documents d’assurance avaient été retirés et laissés ouverts sur le siège. À ce moment-là, j’ai regardé mon pare-soleil et constaté que mon ouvre-porte de garage n’y était plus. J’ai alors vérifié la console centrale pour me rendre compte que mes lunettes fumées et leur étui ainsi qu’un trousseau de clés, notamment, n’y étaient plus. Dans le trousseau, il y avait les clés de ma maison, celles de la maison de ma petite amie et de sa boîte aux lettres ainsi qu’un dispositif d’accès à sa résidence sous forme de clé FOB.

À ce moment-là, j’étais dans un état de panique, car quelqu’un avait en sa possession mon ouvre-porte de garage, mes clés et l’adresse de ma résidence et avait pu avoir accès à ma résidence pendant un certain temps entre 23 h et 9 h (11 heures).

Vers 9 h 15, j’ai composé le numéro de la GRC de Ridge Meadows pour les incidents non urgents et l’ai informée du vol dans mon véhicule, et du fait que mon ouvre-porte de garage et mes clés avaient été volés et qu’il pouvait également y avoir une entrée par effraction dans ma résidence. J’ai quitté Meadow Gardens Way pour me rendre chez moi, toujours en état de panique quant à l’état de ma résidence.

La résidence elle-même est dotée d’un système d’alarme, mais pas le garage. Dans mon garage, il y avait également un autre véhicule, des articles de sport et une grande variété d’outils. Ma principale préoccupation concernait la sécurité du contenu d’une pièce de rangement située à l’intérieur de mon garage, qui contenait divers articles, notamment mon coffre-fort d’armes à feu, des munitions, des uniformes, chemises et pantalons de police supplémentaires et plusieurs milliers de dollars de matériel photographique.

Même si la pièce de rangement est verrouillée, c’est la même clé qui sert à déverrouiller les serrures de ma résidence. Les armes à feu, qui sont toutes entreposées dans le coffre-fort, sont non chargées et leur gâchette est verrouillée par une serrure dotée d’une combinaison. En plus des armes à feu, il y avait environ 6000 balles de divers calibres, allant du pistolet à la carabine. Certains des outils se trouvant dans le garage sont utilisés dans l’industrie métallurgique et n’importe qui ayant un peu d’expérience dans le maniement d’outils et disposant d’un peu de temps ne tarderait pas à avoir accès aux armes à feu.

Pendant que je me rendais chez moi, il y avait encore une quantité appréciable de vitre encore intacte dans le cadre de la porte du côté passager, mais en approchant d’une courbe sur la route j’ai passé sur une bosse/nid-de-poule/bouche d’égout, ce qui a fait tomber le reste de la vitre et m’a perturbé dans la négociation de la courbe. Comme je n’avais pas tourné suffisamment pour prendre la courbe, le véhicule est monté partiellement sur le terre-plein central et, en tentant de corriger mon erreur, je n’ai pu éviter le panneau indicateur que j’ai frappé avec mon véhicule.

J’ai poursuivi ma route vers chez moi, où j’ai constaté que ma résidence n’avait pas fait l’objet d’une effraction. J’ai changé de véhicule et laissé le Ford dans le garage en raison de la pluie et du fait que je n’étais pas en mesure de le sécuriser, et j’ai également, à ce moment-là, débranché le système d’ouvre-porte du garage jusqu’à ce que je puisse trouver les instructions indiquant comment effacer tous les anciens codes.

Vers 9 h 30, j’ai communiqué avec l’ICBC par l’entremise du système téléphonique de demande d’indemnisation pour signaler le cambriolage de mon véhicule. Pendant que je parlais au représentant au téléphone, toujours préoccupé par les sources de stress liées à ma vie personnelle et à mon travail, et devant maintenant m’occuper de changer toutes les serrures des portes, d’effacer les codes du garage, de communiquer avec ma petite amie pour lui dire de demander au gestionnaire de son immeuble d’annuler sa clé FOB et de changer la serrure de sa porte, de remplacer la vitre du véhicule, j’ai commis l’erreur de regrouper tous les dommages dans une seule et même demande d’indemnisation, au lieu de deux.

J’ai malheureusement agi impulsivement, pour ensuite me sentir pris au piège, ne sachant pas comment corriger mon erreur.

[33] L’appelant a indiqué que cet incident et son comportement ultérieur ne lui ressemblaient pas et a fait état de lettres de recommandation, provenant de collègues et de supérieurs antérieurs, qui le confirmaient. Il a souligné ses réalisations au sein du Groupe de la police de circulation, notamment le fait d’avoir joué [TRADUCTION] « un rôle important dans l’acquisition des appareils photos reflex mono-objectif numériques et du matériel photographique connexe […] et dans l’enseignement aux membres de la façon de les utiliser ». Il a indiqué qu’il était un formateur dans le domaine des systèmes de caméra installés dans les voitures et qu’il a mis en place les systèmes de gestion de disques et de suivi. Il a indiqué qu’il avait reçu des prix, notamment le Prix d’excellence pour le rendement (documents, p. 1332), le prix de l’Équipe Alexa (documents, p. 1330, 1331) et le prix remis au policier de la Colombie-Britannique ayant joué un rôle clé dans le retrait des conducteurs aux facultés affaiblies de nos routes (documents, p. 1326).

[34] L’appelant a indiqué qu’il a payé toutes les pénalités ainsi que les dommages causés au véhicule avant que l’ICBC ne rende sa décision rejetant sa demande d’indemnisation. Il a indiqué qu’il s’est excusé auprès des amis et collègues qu’il a impliqués dans cette affaire. Il a mentionné qu’il continue de voir un psychologue, et qu’il a suivi, à ses propres frais, un cours certifié par l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) qui procure des outils aux gens souffrant de dépression, notamment quant à la façon de gérer les éléments déclencheurs (documents, p. 1329, 1335).

Cour provinciale

[35] Le 29 avril 2016, l’appelant a plaidé coupable à une accusation de présentation de renseignements faux ou trompeurs en contravention de l’alinéa 42.1(2)a) de l’Insurance (Vehicle) Act de la Colombie-Britannique et s’est vu infliger une amende de 3 000 $ ainsi qu’une suramende compensatoire de 450 $ à titre de dédommagement, lesquelles sommes devaient être versées au plus tard le 30 août 2016 (documents, p. 108-111, 1160-1163). L’autre accusation fondée sur le Code criminel avait été retirée (documents, p. 1338, 1558).

[36] Lors de la détermination de la peine, le juge Gulbransen de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique (la Cour) a déclaré ce qui suit (documents, p. 1337) :

[TRADUCTION]

[1] LA COUR : Je pense que votre avocat a très bien expliqué qu’il s’agissait d’un incident tout à fait isolé. J’accepte l’idée que ce qui est arrivé était un moment de panique. Je pense également que vos problèmes psychologiques ont joué un rôle important dans cet incident, car votre dossier montre par ailleurs que vous êtes un policier sensible, travaillant et compétent. Je suis d’avis que, de toute évidence, la situation particulière dans laquelle vous vous trouviez à ce moment-là et le sentiment de panique qui s’est soudainement emparé de vous lorsque vous avez probablement fait une mauvaise manœuvre de conduite qui vous aurait amené à payer votre franchise, vous ont incité à raconter ce mensonge stupide.

[2] Je suis d’accord avec votre avocat qu’il était inévitable – absolument inévitable – que l’on découvre votre mensonge. Je pense que le fait que vous n’avez pas continué à répéter le mensonge, vous n’avez pas obtenu d’indemnisation, vous n’avez pas tenté d’étirer les choses et d’utiliser votre influence en tant que policier pour le faire, et vous avez plaidé coupable comme il se doit joue en votre faveur.

[3] Ce n’est pas tout de dire que cet acte est très isolé. À mon avis, il ne devrait pas vraiment porter atteinte à votre excellente réputation en tant qu’agent de la paix. Je crois que le problème auquel vous serez confronté, c’est qu’il s’agit d’un acte malhonnête et non d’un acte de violence physique envers autrui.

[4] Je reconnais volontiers que la proposition conjointe de peine est appropriée. J’impose donc une amende de 3 000 $, à laquelle s’ajoute automatiquement la suramende compensatoire prévue par la loi, et la date limite pour le paiement de ces sommes sera le 30 août 2016.

[…]

Audience relative aux mesures disciplinaires

[37] L’audience relative aux mesures disciplinaires a eu lieu le 20 septembre 2016 (documents, p. 1371-1602) et le comité a rendu sa décision le 21 septembre 2016 (documents, p. 211-235).

Preuve présentée par le RAD : résumé du témoignage de non-expert de l’insp. JM

[38] L’insp. JM était la seule témoin citée par le RAD. Elle a été identifiée comme l’officière administrative du commandant de la Division E (documents, p. 1395), comme l’officière responsable par intérim du Groupe des normes professionnelles de la Division E, fonction qu’elle a occupée de novembre 2014 à juillet 2016 (documents, p. 1397), et comme la [TRADUCTION] « gardienne du respect de l’obligation découlant de l’arrêt McNeil au sein de la Division » (documents, p. 1397).

[39] Le RAD a demandé à l’insp. JM de décrire les défis que représentent, pour la Gendarmerie, les membres possédant un dossier d’inconduite qui peuvent se retrouver dans une situation où l’obligation découlant de l’arrêt McNeil entrerait en jeu, et l’insp. JM a répondu en partie ce qui suit (documents, p. 1397-1399) :

[TRADUCTION]

[…] J’ai rencontré l’un de nos avocats régionaux de la Couronne, qui m’a dit qu’il souhaitait que l’avocat responsable de la procédure de filtrage pré-inculpation ait accès au dossier McNeil au début de la procédure, plutôt qu’à un moment ultérieur, de sorte que l’on – que l’on puisse l’utiliser au moment de déterminer s’il existe une probabilité raisonnable d’obtenir une condamnation.

[40] Le RAD a demandé à l’insp. JM de parler des problèmes de dotation découlant de l’obligation reconnue dans l’arrêt McNeil, et l’insp. JM a répondu en partie ce qui suit (documents, p. 1399) :

[TRADUCTION]

[…] Il arrivait souvent, pour ces rôles, que l’agent de dotation […] ou l’OPRRH de la Division vienne me parler des antécédents disciplinaires d’un membre, parce que lorsque la candidature de ce membre était présentée aux chefs de détachement, aux chefs de service ou aux officiers hiérarchiques, il y avait beaucoup de réticence et d’inquiétude associées à l’embauche d’un membre qui – qui soulevait particulièrement une question d’intégrité liée à l’arrêt McNeil.

[41] L’insp. JM a précisé qu’une certaine [TRADUCTION] « inquiétude » est associée à l’affectation de membres concernés par des questions soulevées dans l’arrêt McNeil à des postes opérationnels où ils seront appelés à faire partie de la chaîne de possession (documents, p. 1401). Elle a également déclaré que ces membres sont donc [TRADUCTION] « essentiellement affectés à des postes non policiers », mais a reconnu que ce n’est pas toujours le cas et que des membres concernés par des questions soulevées dans l’arrêt McNeil occupent tout de même des postes opérationnels (documents, p. 1402).

[42] Le RAD a ensuite demandé à l’insp. JM quels types de questions d’intégrité peuvent être soulevées (documents, p. 1398), et l’insp. JM a répondu que ces questions se situent sur une [TRADUCTION] « échelle mobile » et vont de « questions d’intégrité peu graves » à des questions d’intégrité « très graves » (documents, p. 1400).

[43] Le RAD lui a alors demandé (documents, p. 1402) :

[TRADUCTION]

Comment évalueriez-vous la gravité de l’inconduite – à savoir la question d’intégrité qui serait soulevée en l’espèce suivant l’arrêt McNeil?

[44] À la suite d’une objection du RM et de la présentation d’un bref argument sur la recevabilité de l’opinion de l’insp. JM, le comité a conclu que l’opinion de cette dernière était recevable et a mentionné qu’une décision serait rendue ultérieurement quant au poids à accorder à cette opinion compte tenu du fait que l’insp. JM ne témoignait pas en qualité de témoin expert (documents, p. 1404).

[45] Lorsque le RM a contre-interrogé l’insp. JM, elle a admis ne pas savoir combien de membres de la Division sont visés par l’obligation de divulgation découlant de l’arrêt McNeil (documents, p. 1408) et qu’elle avait communiqué directement avec un employeur à une seule reprise afin de discuter de préoccupations liées à l’arrêt McNeil (documents, p. 1409). Elle a également déclaré qu’elle était personnellement au courant des préoccupations du ministère public à la suite de sa rencontre avec un seul avocat régional de la Couronne (documents, p. 1411) et qu’elle ne pouvait pas donner d’exemples précis de préoccupations, mais que cette information lui avait été transmise par d’autres intermédiaires (documents, p. 1413).

[46] Lors de son contre-interrogatoire, l’insp. JM a donné l’exemple de 18 chefs d’accusation relatifs aux stupéfiants qui avaient été suspendus lorsque les avocats de la Couronne avaient été informés d’une question liée à l’arrêt McNeil, mais elle n’a pas été en mesure de trouver d’autres exemples (documents, p. 1415-1416).

[47] Lorsqu’on lui a demandé si elle était au courant d’affaires où un juge avait conclu, en se fondant sur l’arrêt McNeil, que les éléments de preuve concernant un membre n’étaient pas crédibles, l’insp. JM a répondu qu’elle avait [TRADUCTION] « entendu des choses qui étaient des rumeurs, et que ces choses n’avaient aucun lien avec [son] poste » (documents, p. 1425).

[48] Lorsqu’on lui a demandé [TRADUCTION] « quels accommodements sont faits pour – employer ces membres », l’insp. a répondu ce qui suit (documents, p. 1426) :

[TRADUCTION]

Vous me posez en quelque sorte une question sur la dotation. Vous savez, on me demande mon opinion sur l’incidence que cela aura […] sur différentes règles. Je, je ne peux, par contre, parler précisément de la dotation […]

Preuve présentée par le membre : résumé du témoignage du membre

[49] La seule personne appelée à témoigner par le RM était l’appelant, qui a répété une bonne partie du contenu de ses observations écrites (documents, p. 1438-1469).

[50] L’appelant a mentionné qu’un an après sa séparation, il était [TRADUCTION] « enfin capable de [se] ressaisir », mais qu’il avait « reçu peu de soutien de – de [ses] supérieurs, principalement de l’un d’eux – principalement du sergent » (documents, p. 1457). L’appelant a répété ce qu’il avait affirmé dans ses observations écrites, à savoir qu’il avait appris que son sergent « discutait ouvertement de [ses] problèmes personnels, [le] rabaissait et [le] dénigrait devant d’autres sous-officiers, des officiers et le personnel en général » (documents, p. 1457). L’appelant a précisé que l’un de ses collègues l’avait défendu et en avait subi les conséquences. L’appelant a déclaré ce qui suit (documents, p. 1458) :

[TRADUCTION]

[…] J’étais en colère. J’étais frustré. J’étais épuisé psychologiquement. J’étais au bout du rouleau. J’avais assez de problèmes personnels et de difficultés à m’en remettre. La dernière chose dont j’avais besoin, c’était cet environnement de travail toxique. Je devais changer les choses et agir, sinon j’allais m’effondrer. Vers la fin janvier 2015, je crois, j’ai accédé au SIGRH et j’ai postulé à différentes sections du Lower Mainland et de Port Mann, à la Section de la circulation, au GISR et à toute section où il y avait des postes vacants. J’ai même consulté les offres d’emploi à l’extérieur de – à l’extérieur de la Division pour que je puisse m’éloigner et que je puisse – je puisse passer à autre chose – ou ne pas passer à autre chose, que je puisse réparer les pots cassés et reprendre ma vie en main (courte pause). Je n’ai jamais eu de nouveau départ ailleurs où j’aurais pu passer à autre chose. J’ai par la suite été suspendu.

[51] L’appelant a ajouté ce qui suit au sujet de l’incident du 13 février 2015 (documents, p. 1462) :

[TRADUCTION]

J’étais encore au téléphone avec le centre E-Comm lorsque je me dirigeais vers chez moi. Mon véhicule est muni de la technologie mains libres Bluetooth conforme à la Motor Vehicle Act qui peut être utilisée pour parler au téléphone cellulaire.

[52] Durant son contre-interrogatoire par le RAD, l’appelant a confirmé que ses difficultés avec le nouveau sergent avaient commencé en 2014 (documents, p. 1479). Lorsque le RM l’a interrogé de nouveau et lui a demandé pourquoi il n’avait pas parlé de la situation au supérieur de ce sergent, au représentant des relations fonctionnelles ou au Programme d’aide aux membres et aux employés, l’appelant a répondu ce qui suit (documents, p. 1506) :

[TRADUCTION]

C’était en partie à cause de la peur. C’était en partie à cause de – malheureusement, de la nature du travail, parce que lorsqu’on a des problèmes et qu’on les dénonce et qu’on fait quelque chose, on a l’air – on n’est pas perçu de la même façon par – par les collègues et les membres. J’avais déjà dénoncé une autre situation.

[53] En ce qui concerne sa séparation, l’appelant a affirmé lors de son contre-interrogatoire qu’elle avait eu lieu en septembre 2013 (documents, p. 1478) et a convenu avec le RAD que les choses avaient [TRADUCTION] « traîné pendant un an » et avaient été réglées à la fin de 2014, entre septembre et novembre (documents, p. 1478-1479). Il a également confirmé qu’il avait cessé de se faire suivre par sa psychologue en septembre 2014 (documents, p. 1482) et qu’il était dans une nouvelle relation à l’époque (documents, p. 1483).

[54] L’appelant a ensuite répondu à des questions sur son inconduite (documents, p. 1484-1498) et a déclaré ce qui suit pour expliquer pourquoi il avait affirmé avoir agi de façon [TRADUCTION] « impulsive » en dépit du temps qui s’était écoulé et de la série d’événements qui s’étaient produits depuis la présentation de sa demande d’indemnisation (documents, p. 1499-1500) :

[TRADUCTION]

[…] Par contre, l’anxiété et la dépression sont une épreuve qui ne dure pas qu’une (1) – qu’une (1) seule journée. On n’arrête pas d’en souffrir du jour au lendemain. Ce n’est pas comme si on peut y échapper. La meilleure façon de faire comprendre à quelqu’un ce que c’est de vivre avec – avec la dépression et l’anxiété – est probablement en donnant l’exemple de – si je vous disais à vous et à l’autorité disciplinaire de prendre le verre d’eau qui se trouve à côté de vous et de le tenir à bout de bras pendant une (1) minute. Tout va bien. Si vous le tenez pendant cinq (5) minutes, vous allez commencer à en sentir les effets. Si vous le tenez pendant une heure, ou pendant une journée, le – le poids du verre se fera sentir, qu’il soit plein ou vide. Vous serez paralysés. Je vis avec ce problème et différents problèmes personnels et facteurs de stress liés au travail depuis neuf (9) ans […] Je ne peux pas y échapper. La seule chose que je peux faire est – est de gérer ce problème du mieux – du mieux que je peux.

J’ai – j’ai fait beaucoup de chemin. Je comprends ce que – ce que ces troubles mentaux peuvent faire et j’ai maintenant le contrôle. Si on était une semaine après cet incident, je n’aurais pas pu m’assoir ici à la barre des témoins et vous raconter mon histoire. Même un an et demi après cet incident, il m’a fallu beaucoup de courage et d’énergie pour parler de cet incident et raconter mon histoire à des inconnus.

J’aimerais donc que vous compreniez que même si j’ai fait cette erreur, trente-cinq (35) jours après l’incident, ou six (6) semaines, ou un (1) mois et demi ou cinq (5) semaines, peu importe, ce n’est qu’une fraction de – de la période durant laquelle tous les événements se sont déroulés.

[55] Le RAD a demandé à l’appelant à quelle date il avait commencé à se faire suivre de nouveau par sa psychologue après sa suspension et l’appelant a répondu ce qui suit (documents, p. 1504-1505) :

[TRADUCTION]

Après ma suspension, j’ai réalisé que les outils que j’avais dans ma boîte à outils pour gérer mon anxiété et ma dépression n’étaient pas suffisants. On ne peut pas se rendre à l’urgence au moindre problème. Alors, ayant certains outils dans ma boîte à outils pour m’aider à gérer les choses, j’ai fait de mon mieux pour gérer la situation avec ce que j’avais et, malheureusement, ce n’était pas suffisant.

[56] Le comité a demandé à l’appelant comment il avait heurté le panneau de signalisation (documents, p. 1507-1509) :

[TRADUCTION]

[Appelant] : J’ai roulé sur le terre-plein central et le panneau se trouvait probablement à un mètre – il s’agit d’un large terre-plein. Le panneau se trouvait probablement à environ un mètre ou un mètre et demi de la bordure du terre-plein. Dès que je l’ai heurté, heurté la bordure, j’ai ramené le volant et j’ai été en mesure de dévier le véhicule pour que le panneau frappe le pare-chocs avant environ – environ au tiers de sa largeur, comme le montrent les photos. Ces panneaux sont fixés au sol avec du béton. Essentiellement, il y a en quelque sorte des piliers et les panneaux de signalisation y sont insérés.

[Comité] : Bien.

[Appelant] : Alors, lorsque j’ai heurté le panneau, il est sorti de sa fixation. Il a en quelque sorte frappé le côté du pare-brise et a glissé sur le côté du véhicule.

[…]

[Comité] : Alors, qu’avez-vous fait du panneau?

[Appelant] : Je me suis en fait rangé sur le côté de la route un peu plus loin et j’ai remis le panneau à sa place. Il n’était pas endommagé. Il était juste sorti du trou et je l’ai remis en place.

Argumentation du RAD à l’égard des mesures disciplinaires

[57] Le RAD a fait valoir que le comité devrait prendre en considération les facteurs aggravants suivants :

  • Le fait que l’appelant avait perdu la confiance du commandant divisionnaire (documents, p. 1513);
  • Le fait que les [TRADUCTION] « actes ou l’inconduite [de l’appelant] étaient planifiés et intentionnels » et que l’appelant « n’a pas agi de façon spontanée et impulsive » (documents, p. 1513) parce que l’inconduite a duré une longue période au cours de laquelle il a menti à diverses personnes et à différents organismes (documents, p. 1515);
  • Le fait que [TRADUCTION] « l’inconduite était motivée par l’intérêt personnel comme l’indique l’ECF » (documents, p. 1515);
  • L’incidence de l’obligation de divulgation découlant de l’arrêt McNeil sur la Gendarmerie et le fait que le témoignage de l’insp. JM montre [TRADUCTION] « qu’il sera peut-être difficile pour la Division E, ou toute autre division, de trouver des affectations qui conviennent aux membres qui, comme le gendarme Vell[a]ni, sont tenus de divulguer des inconduites graves ayant mis en cause leur intégrité » (documents, p. 1517);
  • Le fait que l’appelant a été l’objet d’une [TRADUCTION] « enquête de la part d’un autre organisme d’enquête et a été condamné par un tribunal judiciaire » (documents, p. 1519). « Bien que le gendarme Vellani n’ait jamais été déclaré coupable d’une infraction visée par le Code criminel, le[s] acte[s] qu’il a commis au mois de février 2015 correspondaient clairement à une tentative de fraude » (documents, p. 1520). Le RM s’est opposé à cet argument, car l’appelant n’avait pas été déclaré coupable en vertu du Code criminel. Le comité a pris note de l’infraction de fraude et s’est demandé si l’accusation portée en vertu de la loi provinciale avait empêché le ministère public de porter une accusation au titre du Code criminel (documents, p. 1522-1523);
  • Le fait que l’appelant a donné de faux renseignements dans une déclaration solennelle devant une notaire (documents, p. 1524) et que, d’après le RAD, la seule peine possible était le congédiement selon l’article 8.1 du code de déontologie (documents, p. 1525-1526).

[58] Le RAD a fait valoir que les actes de l’appelant étaient incompatibles avec l’article 37 de la Loi sur la GRC, selon lequel il incombe à tout membre de respecter la loi, que la conduite de l’appelant montrait manifestement qu’il avait bafoué les valeurs fondamentales de la Gendarmerie que sont l’honnêteté et l’intégrité, et que la dissuasion doit annuler l’effet de la réhabilitation en l’espèce (documents, p. 1526).

[59] Le RAD s’est appuyé sur la jurisprudence pour étayer sa position selon laquelle un membre dont l’inconduite dénote un manque de fiabilité et d’honnêteté est inapte à rester en poste au sein de la Gendarmerie, rompt le lien de confiance qui est d’une importance cruciale pour son contrat d’emploi, et s’expose à la possibilité d’être congédié, car le congédiement a été la peine infligée dans les cas où il n’y avait pas de lien de causalité entre le stress et l’inconduite et où, en dépit des remords exprimés, le membre avait obtenu un avantage personnel, aussi minime soit-il, de son inconduite (documents, p. 1528-1541).

[60] Le RAD a reconnu que l’appelant souffrait de stress, mais que les éléments de preuve sont insuffisants pour établir un lien de causalité entre ce stress et son inconduite (documents, p. 154, 1548). Le RAD a mentionné que le rendement de l’appelant avait été qualifié de [TRADUCTION] « moyen » dans ses évaluations du rendement et ses lettres de recommandation (documents, p. 1542). En ce qui a trait à la conclusion de la Cour provinciale selon laquelle les actes de l’appelant étaient isolés, le RAD a affirmé que la « Cour [devait] tenir compte de faits différents » et appliquer une autre norme, et qu’elle ne disposait pas de l’ECF (documents, p. 1550).

[61] Le RAD soutenait que le [TRADUCTION] « congédiement était la mesure qu’il convenait de prendre » (documents, p. 1553).

Argumentation du RM à l’égard des mesures disciplinaires

[62] Le RM a invoqué le paragraphe 24(2) des Consignes du commissaire (déontologie) à l’appui de son argument selon lequel le congédiement du membre n’est pas approprié (documents, p. 1555) :

Le comité impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au code de déontologie.

[63] Le RM a affirmé que le RAD a laissé entendre à tort que l’un des facteurs aggravants tenait au fait que l’appelant avait perdu la confiance du commandant divisionnaire. La confiance accordée par le commandant divisionnaire, si tel était le cas, aurait constitué un facteur atténuant, mais son absence ne constituait pas un facteur aggravant (documents, p. 1556).

[64] Le RM a fait valoir que si l’inconduite de l’appelant avait été motivée par un intérêt personnel, le seul avantage qu’il aurait tiré lorsqu’il a fait une seule demande d’indemnisation était qu’il n’a eu à payer que la franchise de 200 $ (documents, p. 1556-1557).

[65] Le RM a souligné que l’expérience de l’insp. JM en ce qui concerne la dotation et les accommodements pris à l’égard des membres concernés par des questions soulevées dans l’arrêt McNeil ne constituait pas un élément de preuve direct, mais seulement anecdotique, et que le témoignage de l’insp. JM n’était pas convaincant au regard des considérations liées à l’arrêt McNeil (documents, p. 1557-1558) :

[TRADUCTION]

Elle peut seulement mentionner un (1) avocat de la Couronne avec lequel elle s’est entretenue et qui a exprimé des préoccupations quant aux obligations de divulgation découlant de l’arrêt McNeil. Elle n’était au courant d’aucune procédure – d’aucune – aucune instance devant la Cour criminelle où un membre a été jugé non crédible en se fondant sur la divulgation de type McNeil. Elle a parlé de l’échelle mobile qui est utilisée pour évaluer les questions d’honnêteté et d’intégrité et semble affirmer de manière subjective que certains mensonges sont tolérés et d’autres non.

[…]

[…] [E]lle a donné son opinion […] sur l’incidence que cela aurait sur la crédibilité du membre devant la cour et […] – et, à mon avis, cette opinion est sans fondement. Aucun élément de preuve n’étaye l’incidence qui pourrait en résulter à cette étape-ci. Elle n’a pas été en mesure d’invoquer des – des décisions où il a été établi que cet élément constituait un facteur.

[…] Elle n’a pas été en mesure de décrire cette incidence.

[66] Le RM a contesté l’exemple qui a été donné des 18 chefs d’accusation qui avaient été retirées par le ministère public parce que le membre visé était concerné par des questions soulevées dans l’arrêt McNeil, car dans cette affaire en particulier, le membre avait menti (documents, p. 1558-1559).

[67] En ce qui a trait au lien avec l’ICBC, le RM a fait valoir que l’appelant avait restitué les coûts de l’enquête (documents, p. 1559).

[68] Le RM a établi une distinction entre les affaires invoquées par le RAD à l’appui du bien-fondé du congédiement, faisant remarquer que, dans un premier cas, le membre visé n’avait pas été congédié, dans un deuxième le membre n’avait manifesté aucuns remords, et dans un troisième le membre avait des antécédents disciplinaires (documents, p. 1560-1561).

[69] Le RM a fait observer que l’appelant n’avait pas menti à un supérieur, mais à un membre de son grade à l’égard d’une question de nature non opérationnelle, et qu’une sanction allant de 15 à 20 jours était habituellement imposée dans ce type de cas (documents, p. 1561-1562). Le RM a également fait remarquer que les sanctions qui peuvent être infligées selon le Guide des mesures disciplinaires et les décisions rendues dans des affaires antérieures sont variées, allant de trois jours de confiscation de la solde au congédiement (documents, p. 1562), et que l’appelant a reconnu qu’il avait enfreint l’article 8.1 du code de déontologie (documents, p. 1563).

[70] Le RM a ensuite invoqué plusieurs affaires antérieures dont les faits étaient similaires à ceux de l’espèce, mais à l’issue desquelles des membres se sont vu infliger des sanctions autres que le congédiement (documents, p. 1565-1574), et a souligné que [TRADUCTION] « les mesures disciplinaires n’ont pas pour but premier de punir le membre contrevenant, mais de lui donner la chance de se réhabiliter » (documents, p. 1572).

[71] Le RM a fait valoir que le comité devrait prendre en considération les facteurs atténuants suivants, qui sont fondés sur les évaluations du rendement et les lettres de recommandation de l’appelant :

  • L’appelant a accepté la responsabilité de ses actes, a participé à la rédaction de l’ECF et a présenté des excuses;
  • Comme le démontrent [TRADUCTION] « plusieurs fiches de rendement », il a de « bons états de service », et il « a constamment eu un bon rendement au travail et a fait des efforts suffisamment importants pour que ceux-ci soient reconnus par ses supérieurs » (documents, p. 1576-1577);
  • Il est un [TRADUCTION] « atout pour l’équipe de veille en raison de ses connaissances en matière de sécurité routière » et il est « prêt à partager ses connaissances avec ses collègues » (documents, p. 1577);
  • Il a parlé avec [TRADUCTION] « gentillesse, sollicitude et empathie » à une « personne atteinte de démence qui avait disparu et qu’il a trouvée » (documents, p. 1578);
  • Il [TRADUCTION] « collabore très bien avec ses collègues de l’équipe de veille » et est « prêt à aider d’autres membres à mener leurs enquêtes et termine rapidement les tâches que lui attribue l’enquêteur principal » (documents, p. 1579);
  • On a fait remarquer que l’appelant avait fait preuve [TRADUCTION] « de professionnalisme, d’honnêteté et d’intégrité » durant son service à l’École de la GRC pour les jeunes et au groupe de la prévention du crime (documents, p. 1580);
  • L’appelant fait beaucoup de bénévolat pour son église et sa communauté et participe à de nombreuses activités en dehors de ses heures de travail à la GRC, et il a travaillé dès l’âge de 20 ans pour devenir membre de la GRC;
  • La [TRADUCTION] « probabilité de récidive est minimale » (documents, p. 1587);
  • Dans l’évaluation du rendement visant la période du 1er avril au 30 septembre 2011, il est indiqué que l’appelant est [TRADUCTION] « devenu notre personne-ressource en ce qui concerne les systèmes vidéo numériques de bord, la documentation photographique des accidents de la route et les contrôles des véhicules commerciaux », qu’il « a toujours le temps de donner un coup de main et de partager son expertise », et qu’il « continue à contribuer aux réussites de ce groupe et travaille bien en équipe ». On trouve également les commentaires suivants dans cette même évaluation : « Je sais par expérience personnelle, pour l’avoir côtoyé ces quatre dernières années, qu’il ne vient pas travailler avec l’intention de faire le minimum » et « [j]e sais que je peux compter sur le gendarme Vellani pour se lancer au pied levé dans une enquête majeure sur une collision sans protester » (documents, p. 1581).

[72] Le RM a en outre soutenu que le fait que l’appelant suivait un traitement et qu’il avait suivi un cours et avait eu accès à des services de consultation par l’intermédiaire de l’ACSM constituait un facteur atténuant (documents, p. 1583). De plus, il a fait valoir que l’incident était isolé et qu’il s’était étalé sur plus de cinq semaines parce que l’appelant [TRADUCTION] « ne savait pas comment se sortir de cette situation ni comment régler le problème ». Le RM a également répété les nombreux facteurs de stress qui avaient été soulevés par l’appelant durant son témoignage (documents, p. 1583).

[73] Le RM a reconnu que le rapport de la Mme N, qui est la psychologue de l’appelant, n’était pas un rapport d’expert, mais a affirmé que la Mme N [TRADUCTION] « peut être considérée comme une experte dans son domaine compte tenu de son curriculum vitæ et […] connaît l’état psychologique antérieur et actuel [de l’appelant] étant donné qu’elle continue de le suivre ». Le RM a également fait valoir que la Mme N a une opinion professionnelle sur l’appelant (documents, p. 1585).

[74] Le RM a fait observer que le juge de la Cour provinciale a décrit l’incident comme [TRADUCTION] « un acte très isolé » et a déclaré qu’« il ne devrait pas vraiment porter atteinte à [l’]excellente réputation [de l’appelant] en tant qu’agent de la paix » (documents, p. 1590).

[75] Le RM a ajouté que le juge n’a [TRADUCTION] « pas indiqué dans sa décision qu’il ne conclura pas à l’issue d’une – d’une éventuelle instance que le gendarme Vellani est peu crédible », mais reconnaît que le juge a laissé entendre que le « manque de crédibilité pourrait entrer en ligne de compte » (documents, p. 1590). Je reviendrai plus loin sur l’instance instruite par la Cour provinciale, mais je me sens obligé d’expliquer dès maintenant les propos du juge. Tout d’abord, l’enregistrement audio du plaidoyer et de la détermination de la peine dure 18 minutes et 57 secondes, ce qui n’est pas inhabituel dans les cas courants où un plaidoyer de culpabilité est prononcé et une proposition conjointe de peine est présentée. Le juge a accepté le plaidoyer de culpabilité et a passé un peu plus de deux minutes à parler de la peine à infliger. De plus, après avoir reconnu la profession policière de l’appelant, le juge a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Je crois que le problème auquel vous serez confronté, c’est qu’il s’agit d’un acte malhonnête » (enregistrement audio, 17 minutes et 47 secondes; documents, p. 1336-1338).

[76] Le RM a fait valoir que l’appelant peut se réhabiliter et qu’il a appris de cette expérience avant de conclure son plaidoyer en faisant la déclaration suivante (documents, p. 1591) :

[TRADUCTION]

[C]ompte tenu des facteurs associés à l’incident, de l’ensemble des facteurs de stress dans la vie du gendarme Vellani et des facteurs atténuants que je vous ai présentés, j’estime que des mesures moins sévères que le congédiement devraient être prises. Je recommande donc qu’une sanction de trente (30) à quarante (40) jours soit imposée.

Réplique du RAD

[77] Le RAD a établi une distinction entre les différentes affaires invoquées par le RM, mentionnant que, dans bon nombre de celles-ci, des propositions conjointes avaient été présentées et que, dans certaines de ces affaires, le membre visé n’avait tiré aucun avantage personnel de la situation ou bénéficiait du soutien de son commandant divisionnaire. Le RAD a également mentionné que certaines affaires invoquées se distinguaient du fait que les témoignages d’expert étayaient l’argument voulant qu’il y ait eu un lien de causalité entre le stress, bien qu’il ait été reconnu, et l’inconduite (documents, p. 1594-1595).

[78] En réponse aux lettres de soutien, le RAD a cité un rapport antérieur du CEE, où il avait été conclu que le [TRADUCTION] « processus disciplinaire de la GRC n’est pas un concours de popularité » (documents, p. 1596). Le RAD a affirmé que le fait que l’appelant a accepté la responsabilité de ses actes constitue une circonstance atténuante à laquelle peu de poids est accordé, car [TRADUCTION] « il est bien établi en droit que le crédit accordé à un plaidoyer de culpabilité est moins important lorsque la preuve de la poursuite est incontestable » (documents, p. 1598).

[79] Le RAD a fait valoir qu’il est certes vrai que l’insp. JM s’est entretenue avec un seul avocat régional de la Couronne, mais ce dernier était responsable des avocats de la Couronne de l’ensemble de cette région (documents, p. 1600).

Décisions du comité sur les mesures disciplinaires

[80] Le comité a rendu sa décision de vive voix le 21 septembre 2016, soit le lendemain de la présentation des arguments, et a rendu sa décision écrite le 4 avril 2017 (documents, p. 211-235). La décision écrite a été signifiée à l’appelant le 23 avril 2017 (documents, p. 236).

[81] Le comité a exposé les allégations soulevées au titre de l’article 7.1 du code de déontologie, a reproduit l’ECF, a résumé les arguments, a présenté sa décision quant aux allégations (documents, p. 213-229) et a mentionné les règlements et les lois applicables (documents, p. 229) :

[94] […] Le paragraphe 24(2) des Consignes du commissaire (déontologie) exige l’imposition de mesures qui « sont adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie ». Selon l’alinéa 36.2e) de la version modifiée de la Loi sur la GRC, il faut « prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[82] Le comité a décrit ainsi l’approche qu’il convient de suivre pour imposer des mesures disciplinaires (documents, p. 229) :

[95] […] Il faut d’abord examiner l’éventail des peines possibles, puis les facteurs aggravants et les facteurs atténuants. Les argumentations des représentants et les décisions antérieures présentées aux fins d’analyse indiquent certainement que le congédiement fait partie des peines applicables à une inconduite soulevant des questions d’honnêteté et d’intégrité. Je ne crois toutefois pas que le congédiement doit être envisagé en premier lieu dans chaque cas de ce genre.

[83] Le comité était d’avis que les « questions d’honnêteté et d’intégrité ne sont jamais tranchées au point d’éliminer toute possibilité de zone grise » et que lorsqu’on se penche sur des gestes qui soulèvent des questions d’honnêteté et d’intégrité, il importe d’examiner la motivation qui les sous-tend et d’évaluer le degré de « turpitude morale » qui les caractérise (documents, p. 229). Le comité a établi que les « congédiements surviennent habituellement lorsqu’un individu a obtenu ou cherché à obtenir un profit personnel et qu’aucun facteur atténuant important n’est retenu », et a conclu que l’appelant a agi par intérêt personnel afin d’éviter de payer une deuxième franchise et d’assumer la responsabilité de sa collision, car ses actes n’étaient pas « impulsifs », mais « s’inscrivaient dans une intention frauduleuse maintenue sur une longue période » (documents, p. 230).

[84] Le comité a déclaré que même si le Guide des mesures disciplinaires est un « document de référence » sur lequel il faut s’appuyer pour déterminer les facteurs aggravants et atténuants, ce guide indique clairement que pour l’inconduite qui consiste à « présenter sciemment et sous serment un témoignage faux ou trompeur, ou attester sous serment de la véracité d’un affidavit ou de tout autre document juridique en sachant qu’il contient de l’information fausse ou trompeuse », le congédiement est la mesure à prendre, même en présence de circonstances atténuantes, et a conclu que l’appelant s’est livré à une telle inconduite devant notaire (documents, p. 230, 1662-1663).

[85] Le comité a déclaré ce qui suit sur le principe de la parité (documents, p. 230) :

[101] Je n’estime pas être lié par les décisions des comités antérieurs, mais lorsque ces décisions portent sur des affaires de nature similaire, elles peuvent aider à déterminer l’éventail de peines applicables. Le principe de la parité des peines s’inscrit dans une volonté d’équité et vise à faire en sorte que les écarts de conduite semblables soient traités de manière semblable, ce qui favorise la continuité, la stabilité et la prévisibilité des décisions disciplinaires.

[102] Compte tenu de ce qui précède, j’ai examiné attentivement les affaires citées en référence. […]

[86] Lorsqu’il a souligné qu’un grand nombre des décisions citées en référence par le RM se caractérisent par l’acceptation d’une proposition conjointe de peine, le comité a établi que « le poids qui peut être accordé [à ces] décisions […] est relativement faible », car ce genre de proposition est souvent le fruit de négociations tenant compte de facteurs connus seulement des parties (documents, p. 231).

[87] Le comité a ensuite examiné les facteurs atténuants et a conclu qu’aucune valeur atténuante ne pouvait être attribuée au dossier de rendement de l’appelant (documents, p. 231) :

[108] […] Suivant un principe généralement admis en matière de peines sanctionnant un écart de conduite en contexte professionnel, le fait qu’un membre donne systématiquement un rendement supérieur à la moyenne peut jouer en sa faveur. La Gendarmerie est toutefois en droit d’attendre de ses membres qu’ils aient au moins un rendement moyen, et c’est ce que le membre visé semble lui avoir offert au fil des ans. […]

[88] Le comité a indiqué qu’il ne pouvait pas considérer comme un facteur atténuant l’état psychologique de l’appelant à l’époque, car dans son rapport, la psychologue de l’appelant n’a pas établi de lien de cause à effet entre son inconduite et son état psychologique.

[89] Le comité a plutôt tiré la conclusion suivante (documents, p. 232) :

[112] Je conviens bien sûr avec elle que la dépression et l’anxiété peuvent nuire au jugement et à la capacité de gérer le stress, mais il y a une très bonne raison qui explique pourquoi Mme [N] n’a pas vu le membre visé dans les mois qui ont précédé son inconduite : de son propre aveu, il se portait relativement bien sur le plan psychologique. Les choses allaient mieux au travail […]

[90] Le comité a retenu les facteurs suivants à titre de facteurs atténuants (documents, p. 232-233) :

  • Le « brillant rendement au travail » de l’appelant, pour lequel il a été récompensé, et le bénévolat qu’il a fait auprès de l’École de la GRC pour les jeunes et de la Fondation Tim Horton pour les enfants;
  • Les fiches de rendement faisant état « de sa créativité et de sa compassion » qui ont été rédigées « à peine quelques mois avant les événements qui lui sont reprochés »;
  • Les lettres de soutien de ses pairs et de ses collègues;
  • Les aveux que l’appelant a faits dans l’ECF qui ont éliminé la nécessité de tenir une audience et les excuses « très sincères » qu’il a présentées aux personnes concernées.

[91] Le comité a soulevé les facteurs aggravants suivants (documents, p. 233-234) :

  • Le fait que l’inconduite ne constituait pas une erreur de jugement isolée, mais plutôt une série de « comportements très destructeurs ». En effet, le comité a affirmé qu’il n’était pas d’accord avec le juge de la Cour provinciale lorsqu’il a décrit le comportement reproché comme un [TRADUCTION] « acte […] isolé » et a déclaré que « [s]i l’ECF lui avait été fourni, son opinion aurait peut-être été différente »;
  • La présentation de faux renseignements par l’appelant dans une déclaration solennelle;
  • La condamnation criminelle de l’appelant par la Cour provinciale;
  • Le fait que la réputation de la GRC a été « entachée aux yeux d’un important partenaire du milieu de l’application de la loi », soit l’ICBC, et aux yeux des intervenants qui participent à l’administration de la justice;
  • Les considérations liées à l’arrêt McNeil;
  • L’avantage personnel que l’appelant cherchait à obtenir.

[92] Le comité a établi que le fait que l’appelant avait perdu la confiance de son commandant divisionnaire ne constituait pas un facteur aggravant (documents, p. 232) :

[117] […] [I]l est temps d’abandonner une fois pour toutes ce concept dépassé. Premièrement, la décision de renvoyer un employé ne peut pas se fonder sur l’évaluation subjective d’une seule personne quant au mérite de cet employé. Il faut une analyse juridique objective.

[93] Le comité a déclaré qu’il est d’avis « que les facteurs atténuants en présence ne pèsent pas suffisamment lourd dans la balance pour l’emporter sur ce facteur aggravant très important » (documents, p. 234).

[94] Le comité a reconnu qu’un principe bien établi veut que le congédiement « soit envisagé seulement dans les cas les plus extrêmes et que l’imposition de mesures disciplinaires s’inscrive avant tout dans une optique de réhabilitation ». Le comité a également fait remarquer que la Cour a examiné les facteurs permettant de congédier un employé dans l’affaire Ennis v. The Canadian Imperial Bank of Commerce (1986) BCJ 1742 et a tiré la conclusion suivante (documents, p. 234) :

[TRADUCTION]

Il faut démontrer l’inconduite ou l’incompétence réelle. La conduite de l’employé et le trait de caractère qu’elle révèle doivent être de nature à miner ou à éroder considérablement la confiance que l’employeur est en droit de placer en ce dernier eu égard au contexte de leur relation particulière. Il faut que l’employé, par son comportement, montre son refus de respecter le contrat de travail ou l’un de ses éléments essentiels.

[95] Le comité a déclaré ce qui suit (documents, p. 234) :

[128] Je suis d’avis que le membre visé a manqué aux conditions de son contrat de travail, qui sont clairement énoncées. L’alinéa 37(b) de la Loi sur la GRC est ainsi libellé : « Il incombe à chaque membre […] de maintenir l’intégrité du droit et de son application ainsi que de l’administration de la justice […] ». L’alinéa 37(h) se lit comme suit : « Il incombe à chaque membre […] de maintenir l’honneur de la Gendarmerie, ses principes et ses objets. » Les valeurs fondamentales de la Gendarmerie comprennent l’honnêteté, l’intégrité, le professionnalisme, la responsabilité et le respect.

[96] Le comité a conclu que les actes de l’appelant « indique[nt] chez lui l’existence d’un défaut de caractère fondamental qui le rend inapte à rester en poste au sein de notre organisation » et a ordonné à l’appelant de démissionner de la Gendarmerie dans un délai de 14 jours, à défaut de quoi il sera congédié (documents, p. 235).

APPEL

Questions préliminaires

Autorisation de présenter des argumentations de plus de dix pages

[97] Les argumentations des deux parties dépassaient la longueur maximale de dix pages établie par le Guide national - Procédures d’appel. Les deux parties demandent que les pages excédentaires soient prises en compte. La limite de dix pages a été imposée afin de prévenir les retards attribuables aux documents volumineux et superflus. Dans la plupart des cas, la limite doit être maintenue afin d’assurer l’efficacité du processus d’appel.

[98] À l’appui de sa demande, l’appelant soutient que la décision du Comité est longue (25 pages à interligne simple) et que le dossier est volumineux. Ayant soulevé plusieurs questions en appel, l’appelant fait valoir que les faits et le droit qui appuient sa position en appel ne peuvent être abordés adéquatement en 10 pages et devraient être pris en compte dans leur entièreté vu son droit d’être entendu (appel, p. 91, 284). L’intimé ne s’oppose pas à la demande présentée par l’appelant, mais mentionne que, puisque les argumentations de l’appelant font 18 pages, il a besoin de 14 pages pour répondre adéquatement aux questions soulevées (appel, p. 1311).

[99] L’appel en cause porte sur un congédiement, une question importante pour l’appelant et qui nécessite le respect de ses droits procéduraux, notamment celui d’être entendu, comme l’a mentionné le CEE (rapport, par. 54-55). De plus, la partie des observations qui porte sur l’argumentation (plutôt que sur les renseignements contextuels) de l’appelant fait neuf pages (appel, p. 292-301), et celle de l’intimé, onze pages (appel, pl 1313-1324).

[100] Pour ces raisons, je suis prêt à faire une exception et je tiendrai compte de l’entièreté des argumentations des deux parties, même si elles dépassent la limite établie. Comme le CEE, je suis d’avis que de telles exceptions ne sont pas garanties à l’avenir et que la limite maximale pour les argumentations doit être maintenue dans les circonstances habituelles (rapport, par. 54).

Demande d’autorisation de présenter d’autres arguments et de tenir une réunion de cas

[101] L’appelant demande l’autorisation de présenter d’autres arguments sur l’éventail des mesures disciplinaires si je décide qu’il y a lieu de réexaminer les peines, et sollicite la tenue d’une réunion de cas afin de présenter des observations verbales supplémentaires sur le fond (appel, p. 301).

[102] L’appelant n’a présenté aucun argument pour appuyer ses deux demandes, sauf dans sa réplique où il explique qu’il peut [TRADUCTION] « présenter des observations verbales [...] sur le bien-fondé de l’appel » en vertu des articles 9.1, 9.3.1 et 9.5.3 du Guide national – Procédures d’appel (appel, p. 301, 1427).

[103] L’intimé s’oppose aux demandes et insiste sur le fait que les motifs d’appel sont [TRADUCTION] « évidents et abordés suffisamment en détail dans les argumentations écrites. Il n’y a aucune question préliminaire ou incidente à faire trancher par un arbitre et la tenue d’une réunion de cas ne serait pas efficace » (appel, p. 1324).

[104] Je suis d’avis que l’appelant a eu de nombreuses occasions de présenter des argumentations conformément à la loi et à la politique, et qu’il a profité de ces occasions. Lors de l’audience portant sur la peine, le RM a présenté des observations verbales sur les mesures disciplinaires au titre du paragraphe 24(1) des Consignes du commissaire (déontologie), notamment des arguments juridiques et fondés sur les politiques visant à appuyer la position de l’appelant, c’est-à-dire que la mesure disciplinaire appropriée était une confiscation de la solde pour une période de 30 à 40 jours (appel, p. 550).

[105] Par suite de la décision du Comité, l’appelant a déposé une déclaration d’appel – formulaire 6437 qui énonçait la réparation demandée et indiquait que l’ordonnance de congédiement rendue par le Comité devait être remplacée par une confiscation de la solde pour une période de 30 à 40 jours (appel, p. 6). Ensuite, dans ses argumentations écrites en appel, l’appelant a mentionné qu’il [TRADUCTION] « demandait au commissaire d’ordonner que sa peine soit remplacée par une ordonnance de confiscation de la solde comme il l’avait demandé lors de l’audience portant sur la peine » (appel, p. 284).

[106] Dans sa réplique écrite (appel, p. 1423-1430), déposée en vertu de l’article 5.4.1.3 du MA II.3 (Griefs et appels) et des articles 6.1.1.2 et 6.1.2 du Guide national – Procédures d’appel, l’appelant ne propose pas d’autres mesures disciplinaires, mis à part la confiscation de la solde proposée. Les argumentations et la réplique de l’appelant en appel ont été préparées par un conseiller juridique.

[107] L’appelant a eu de nombreuses occasions d’informer d’abord le Comité, ensuite le CEE et maintenant l’arbitre des mesures disciplinaires qu’il jugeait appropriées dans les circonstances et n’a pas changé sa position selon laquelle la mesure appropriée est une confiscation de la solde pour une période de 30 à 40 jours, ni proposé d’autres mesures. Il ne présente aucun argument convaincant quant à la raison pour laquelle il devrait bénéficier d’une autre occasion de présenter des argumentations supplémentaires dans le cadre d’une réunion de cas. En outre, il ne présente aucun argument sur la façon dont l’absence d’une telle réunion ou de telles argumentations pourrait entraîner une injustice.

[108] Le Guide national – Procédures d’appel prévoit ceci :

9.1. Demande de réunion de cas

L’appelant, l’intimé ou l’arbitre peuvent demander une réunion de cas en communiquant par écrit avec le BCGA. Une réunion de cas peut avoir lieu à tout moment du processus d’appel. Selon le nombre de questions litigieuses et le moment où elles surviennent pendant le processus, le traitement d’un appel peut nécessiter la tenue de plus d’une réunion de cas. Pour qu’une réunion de cas ait lieu, l’arbitre doit être convaincu qu’il s’agit du moyen le plus efficace de régler le litige et de parvenir à une décision.

[Caractères gras ajoutés.]

[109] Je ne suis pas convaincu que la tenue d’une réunion de cas et la présentation d’argumentations supplémentaires, par écrit ou en personne, soit le « moyen le plus efficace de régler le litige et de parvenir à une décision ». Je conclus qu’à la lumière des nombreuses occasions que l’appelant a eues de présenter sa position, son droit à l’équité procédurale a été respecté. La demande de l’appelant visant la tenue d’une réunion de cas est donc rejetée.

Portée de l’examen

[110] Le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels) établit la portée de l’examen dans le cadre des appels sur les mesures disciplinaires :

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

Norme de contrôle

Équité procédurale

[111] L’équité procédurale se compose de deux droits généraux qui doivent être pris en compte pour déterminer s’il y a eu une violation tellement grave que l’on peut dire qu’une partie n’a pas bénéficié d’une audience équitable (rapport du CEE/décision du commissaire, G-568) :

[TRADUCTION]

L’équité procédurale est un principe de common law que l’on est venu à considérer comme le « fondement du droit administratif ». Elle comprend deux droits généraux : le droit d’être entendu et le droit à un décideur impartial [voir David J. Mullan. Essentials of Canadian Law: Administrative Law (Toronto : Irwin Law, 2001) 4, 232]. Lorsque l’on conclut à une violation de l’équité procédurale, la décision sera jugée invalide, à moins que le fond de la demande « soit autrement sans espoir » [voir Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 RCS 643; Kinsey c. Canada (Procureur général), 2007 CF 543; Mobil Oil Canada c. Office Canada–Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202; et Stenhouse c. Canada (Procureur général), [2004] CF 375].

[112] Un manquement à l’équité procédurale entraîne normalement l’invalidité de la décision. La réparation habituelle consiste à ordonner la tenue d’une nouvelle audience, sauf dans les circonstances où cela entraînerait inévitablement le même résultat (Mobil Oil Canada Ltd c. Office Canada–Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, par. 51-54; Renaud c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 266, par. 5). Je note que lorsque j’examine des questions d’équité procédurale, je ne suis pas tenu à la déférence envers le Comité.

Erreurs de droit

[113] La Cour suprême du Canada (CSC) a établi une distinction entre les questions mixtes de fait et de droit et les erreurs de droit dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 RCS 235, (Housen) aux paragraphes 33 et 36 :

33 Par contre, lorsqu’il peut être établi que la conclusion erronée du juge de première instance découle d’une erreur quant à la norme juridique à appliquer, ce facteur touche au rôle de création du droit de la cour d’appel, et une retenue moins élevée s’impose, conformément à la norme de la décision « correcte ». […]

[…]

36 […] Les cours d’appel doivent cependant faire preuve de prudence avant de juger que le juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu à la négligence, puisqu’il est souvent difficile de départager les questions de droit et les questions de fait. Voilà pourquoi on appelle certaines questions des questions « mixtes de fait et de droit ». Si le principe juridique n’est pas facilement isolable, il s’agit alors d’une « question mixte de fait et de droit », assujettie à une norme de contrôle plus rigoureuse. Selon la règle générale énoncée dans l’arrêt Jaegli Enterprises, précité, si la question litigieuse en appel soulève l’interprétation de l’ensemble de la preuve par le juge de première instance, cette interprétation ne doit pas être infirmée en l’absence d’erreur manifeste et dominante.

[114] Une erreur de droit s’entend habituellement de l’application d’une exigence juridique incorrecte ou du défaut d’examiner un élément requis d’un critère juridique. Autrement dit, il s’agit [TRADUCTION] « [d’une] question qui vise à déterminer l’interprétation appropriée d’une exigence juridique [ou d’une disposition législative] plutôt que de déterminer en quoi la manière dont cette exigence s’applique aux faits particuliers constitue une question de droit » (Robert Macaulay et James Sprague, Practice and Procedure before Administrative Tribunals, feuille mobile (Toronto : Thompson Reuters, 2017), vol 3, p. 28-336, n 236).

[115] L’appelant laisse entendre que le Comité a commis des erreurs liées au droit, notamment en omettant de suivre la jurisprudence, en remettant l’affaire en cause et en ne respectant pas complètement le critère juridique permettant de déterminer les mesures disciplinaires, mais le contenu de ces arguments est fondé les faits et le droit. Même si les préoccupations soulevées par l’appelant ne concernent pas nécessairement des erreurs de droit, j’en tiendrai compte dans mon analyse de la question de savoir si l’appelant a démontré que la décision du Comité est manifestement déraisonnable.

Caractère manifestement déraisonnable

[116] Dans l’affaire Kalkat c. Canada (Procureur général), 2017 CF 794, la Cour fédérale a examiné l’expression « manifestement déraisonnable » dans le contexte du processus disciplinaire de la GRC et a comparé la version anglaise et la version française du paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels). Elle a conclu que cette expression entraînait un degré élevé de retenue pour les décideurs, déclarant ce qui suit :

[62] Par conséquent, étant donné qu’il est expressément indiqué que la décision doit être « clearly unreasonable » et prenant en compte la traduction en français de l’expression (manifestement déraisonnable), je conclus que le délégataire n’a commis aucune erreur. Il est raisonnable d’interpréter la norme de la décision « clearly unreasonable » comme si elle équivalait à la norme de la décision « manifestement déraisonnable » dans le contexte du plan législatif et sur celui des principes. Il s’ensuit que le délégataire doit faire preuve de retenue à l’égard d’une conclusion par l’autorité disciplinaire lorsqu’il estime simplement que la preuve est insuffisante pour étayer la conclusion (Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal c. Fraser Health Authority, 2016 CSC 25, par. 30).

[117] Dans l’affaire Smith c. Canada (Procureur général), 2019 CF 770, la Cour fédérale a considéré et adopté une conclusion semblable :

[38] L’arbitre a effectué une analyse approfondie pour en arriver à la conclusion que la norme de la décision manifestement déraisonnable s’appliquait à la décision de l’autorité disciplinaire. Dans son analyse, l’arbitre a examiné la jurisprudence applicable, le sens du terme « manifestement », ainsi que le libellé en français du paragraphe 33(1). La conclusion de l’arbitre selon laquelle la norme de contrôle applicable était celle de la décision manifestement déraisonnable est justifiable, transparente et intelligible. La Cour est d’accord qu’il s’agissait là d’une conclusion raisonnable.

[118] La Cour d’appel fédérale a subséquemment rejeté l’appel de la décision rendue par la CF dans l’affaire Smith, 2021 CAF 73, déclarant entre autres ceci :

[TRADUCTION]

[43] Premièrement, je trouve intéressant que l’appelant et l’intervenante n’aient pas examiné adéquatement la version française du paragraphe 33(1) et qu’ils ne se soient pas demandé en quoi la décision [d’appel] est déraisonnable à la lumière de celle-ci. Le texte français utilise l’expression « manifestement déraisonnable » qui correspond à « patently unreasonable » en anglais et qui figure en tant que telle dans la jurisprudence de la Cour suprême. Suivant la méthode moderne d’interprétation des lois, l’analyse de l’arbitre en matière de déontologie montre que le paragraphe 33(1) a été raisonnablement interprété de manière à exiger l’application de la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[119] Dans l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 RCS 748, au paragraphe 57, la CSC a expliqué qu’une décision est « manifestement déraisonnable » seulement si le « défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal », autrement dit, si le défaut est tel que « l’on ne peut [le] contester, [et qu’il] est tout à fait éviden[t] ». En outre, une décision ne sera jugée « clairement irrationnelle » que si, compte tenu des erreurs, l’issue faisant l’objet de l’appel n’est pas plausible selon la preuve et les observations présentées au décideur.

[120] Enfin, la question de savoir si la décision contestée est manifestement déraisonnable dépend aussi de la question de savoir si la décision est justifiée, transparente et intelligible et si elle peut se justifier au regard des faits et du droit (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, par. 47, et Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 (Nurses), dont les approches ont été confirmées dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov)).

[121] La CSC a défini ainsi l’approche pour examiner la suffisance des motifs dans l’arrêt Nurses :

[16] Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

[Caractères gras ajoutés.]

[122] Dans des décisions rendues sous le régime de l’ancienne partie IV (Déontologie) de la Loi sur la GRC, le commissaire a décrit la norme de contrôle fondée sur la retenue à appliquer en appel aux peines imposées par les comités d’arbitrage. Comme l’a noté le CEE (Dossier no 2900-10-002 (D-125)) (appel, p. 779) :

[TRADUCTION]

[161] En ce qui a trait au caractère approprié de la peine imposée, je note qu’il faut faire preuve d’une grande retenue à l’égard de la décision du Comité. Cela a été souligné ainsi dans l’affaire CEE 3200-95-002 (D-043) (passage reproduit et invoqué par le commissaire dans l’affaire CEE 2400-09-002 (D-121)) :

Les sanctions sont intrinsèquement empreintes d’une subjectivité considérable, et le tribunal de première instance, celui qui entend directement l’affaire dont il est saisi, est le mieux placé pour faire preuve de subjectivité. Une erreur de principe, l’omission de prendre en considération des facteurs atténuants pertinents et importants, la prise en considération de facteurs aggravants non pertinents et l’imposition de mesures disciplinaires manifestement disproportionnées constituent des exemples de situations pouvant justifier l’accueil d’un appel portant sur des sanctions. En général, toutefois, les organes d’appel n’annuleront pas une sanction pour la simple raison qu’ils auraient effectué une évaluation subjective différente de celle qui a été faite par le tribunal de première instance. Ces principes, même s’ils ont été élaborés dans le contexte de la déférence accordée par les organes de contrôle judiciaire en appel aux décisions judiciaires de première instance, s’appliquent tout de même d’une façon équivalente aux normes appropriées pour les appels internes lorsqu’un tribunal administratif effectue le contrôle en appel de la décision du tribunal administratif de première instance.

[Caractères gras ajoutés.]

Analyse

[123] L’appelant maintient que la sanction imposée par le Comité devrait être remplacée par une confiscation de la solde en vertu de l’alinéa 45.16(3)b) de la Loi sur la GRC, car [TRADUCTION] « les répercussions cumulatives des erreurs susmentionnées font en sorte que la décision du Comité ne peut être maintenue » (appel, p. 301).

[124] L’appelant énumère les erreurs suivantes qu’aurait commises le Comité :

  • Le Comité a violé le droit à l’équité procédurale de l’appelant en concluant que celui-ci était motivé par un intérêt personnel après avoir omis de lui donner l’occasion de s’expliquer (appel, p. 293), et en omettant d’énoncer les raisons pour lesquelles il a déterminé que l’appelant avait maintenu une intention frauduleuse sur une longue période (appel, p. 294).
  • Le Comité a commis une erreur manifeste et déterminante en omettant d’énoncer les raisons pour lesquelles le témoignage de l’appelant selon lequel son inconduite découlait d’un acte impulsif a été rejeté, ce qui rend la décision manifestement déraisonnable (appel, p. 294).
  • Le Comité a commis une erreur manifeste et déterminante en se fondant considérablement sur la conclusion liée à l’intérêt personnel, à savoir en déterminant sans aucune preuve que l’appelant tentait d’éviter une peine ou d’être tenu responsable, ce qui rend la décision manifestement déraisonnable (appel, p. 293).
  • Le Comité n’a pas tenu compte de facteurs atténuants liés à la santé mentale de l’appelant, a tiré des conclusions sans fondement, a tenu un raisonnement illogique ou a écarté ou mal interprété des éléments de preuve importants, commettant ainsi une erreur manifeste et déterminante qui rend la décision manifestement déraisonnable (appel, p. 298).
  • Le Comité n’a pas tenu compte de facteurs atténuants, y compris les lettres de recommandation et les évaluations de rendement de l’appelant, a tiré des conclusions sans fondement, a tenu un raisonnement illogique ou a écarté ou mal interprété des éléments de preuve importants, commettant ainsi une erreur manifeste et déterminante qui rend la décision manifestement déraisonnable (appel, p. 298).
  • Le Comité a commis une erreur de droit en jugeant que l’existence de considérations liées à l’arrêt McNeil constitue un facteur aggravant indépendant et a commis une erreur manifeste et déterminante en comptant en double les facteurs aggravants dans son examen de l’arrêt McNeil, ce qui rend la décision manifestement déraisonnable (appel, p. 300).
  • Le Comité a commis une erreur de droit en admettant le témoignage d’opinion de l’insp. JM et a commis une erreur manifeste et déterminante dans son évaluation du poids à accorder à ce témoignage, l’interprétant incorrectement, ce qui rend la décision manifestement déraisonnable (appel, p. 295).
  • Le Comité a commis une erreur de droit en ne se reportant pas à la conclusion de la Cour provinciale selon laquelle l’inconduite de l’appelant constituait « un acte impulsif et isolé » et, ce faisant, a remis l’affaire en cause. Subsidiairement, le Comité a omis d’accorder un poids suffisant à la conclusion de la Cour provinciale et a commis une erreur manifeste et déterminante qui rend la décision manifestement déraisonnable (appel, p. 297).
  • Le Comité a commis une erreur de droit en rejetant la jurisprudence contenant des faits similaires (sauf pour ce qui est du congédiement) parce qu’il y avait des propositions conjointes de peine, et en écartant le principe de la parité, et a commis une erreur manifeste et déterminante en établissant une distinction avec la jurisprudence parce qu’il y avait eu des propositions conjointes de peine, ce qui rend la décision manifestement déraisonnable (appel, p. 298).
  • Le Comité a surévalué ou mal évalué les facteurs aggravants, concluant à tort que l’appelant avait fait l’objet d’une condamnation criminelle, et a commis une erreur manifeste et déterminante qui rend la décision manifestement déraisonnable (appel, p. 300).

[125] J’examinerai ces erreurs alléguées à tour de rôle.

Y a-t-il eu violation du droit à l’équité procédurale de l’appelant parce qu’il n’a pas eu l’occasion d’expliquer qu’il n’était pas motivé par un intérêt personnel?

[126] L’appelant insiste sur le fait qu’il [TRADUCTION] « n’a jamais eu de possibilité équitable de répondre à l’allégation selon laquelle il craignait d’être tenu responsable de l’accident » et qu’on [TRADUCTION] « ne lui a pas posé la question directement ». Il a déclaré [TRADUCTION] « n’avoir causé aucun dommage aux biens publics sur les lieux de l’accident et avoir utilisé un appareil Bluetooth au volant ». L’appelant soutient que, parce qu’on ne lui a pas donné une occasion raisonnable de s’expliquer, la procédure n’était pas équitable (appel, p. 293).

[127] L’intimé souligne que l’appelant n’a pas été privé de son droit à l’équité procédurale, car il a reçu un avis de la preuve qui serait présentée contre lui et a choisi de ne pas présenter d’élément de preuve ou sa propre version des faits pour réfuter la conclusion du Comité concernant les allégations. L’intimé précise que le RM a choisi de ne présenter aucune argumentation écrite concernant les allégations après avoir été invité à le faire par le Comité, avant que ce dernier ne rende sa décision quant aux allégations, puis qu’il a reçu la décision du Comité bien avant l’audience portant sur la peine. À l’audience portant sur la peine, le Comité a invoqué des décisions récentes en matière de déontologie qui sont incluses dans le recueil de jurisprudence du RM et a conclu [TRADUCTION] « [qu’]il y a souvent congédiement dans les cas où le membre est motivé par une certaine forme d’intérêt personnel » (appel, p. 1314).

[128] Comme je l’ai mentionné précédemment, l’équité procédurale est fondée sur le droit de l’appelant d’être entendu par un décideur impartial. Selon ce droit, il doit recevoir un avis complet des allégations et avoir la possibilité de présenter une réponse complète. Dans l’arrêt Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1990] 2 RCS 817 (Baker), aux paragraphes 23 à 27, la CSC a énoncé les facteurs à prendre en considération au moment d’établir le niveau d’équité procédurale requis, dont les suivants :

  1. la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir;
  2. la nature du régime législatif;
  3. l’importance de la décision pour les personnes visées;
  4. les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision;
  5. les choix de procédure que le décideur fait lui-même.

[129] Tout d’abord, je dois déterminer si l’appelant a reçu un avis, conformément au régime législatif, que son intention de profiter de son inconduite posait problème et qu’il était raisonnable pour lui de s’attendre à ce que la question soit soulevée. Je dois aussi déterminer quand et comment cet avis lui a été donné, puis si l’appelant a eu l’occasion de présenter une réponse complète aux allégations dans un délai raisonnable étant donné que le congédiement faisait partie des mesures disciplinaires possibles.

[130] Conformément au régime législatif et aux politiques du processus déontologique de la GRC, un avis a été signifié à l’appelant à plusieurs étapes des procédures afin de l’informer des détails de l’inconduite qu’on lui reprochait, soit d’avoir fait des déclarations fausses et trompeuses pour corroborer une demande d’indemnisation frauduleuse, et du fait que l’éventail des sanctions applicables comprenait le congédiement. L’appelant a eu plusieurs occasions de répondre, mais ne l’a pas fait.

[131] Plus précisément, l’appelant a reçu un avis des allégations dans la lettre de mandat (documents, p. 721) et le rapport d’enquête (documents, p. 709-721 et les annexes), ainsi qu’un avis d’audience disciplinaire qui énonçait les allégations en détail (documents, p. 1169-1172). L’avis d’audience disciplinaire ne l’informait pas seulement du fait que les allégations portaient sur une infraction de conduite déshonorante prévue au code de déontologie, mais aussi que l’inconduite était composée de deux incidents allégués, le premier datant du 13 février 2015 et le deuxième survenu durant les cinq semaines qui ont suivi, soit du 13 février au 20 mars 2015.

[132] Après avoir bénéficié de plusieurs prorogations de délai avant la conférence préparatoire (documents, p. 560-636), l’appelant a signé un ECF (documents, p. 1165-1168) qui incluait des détails sur son inconduite (documents, p. 1160-1161).

[133] Subséquemment, les deux parties ont été invitées à présenter des argumentations écrites au Comité concernant les allégations. Le RAD a présenté une argumentation écrite sur la question de la motivation et de l’intérêt personnel de l’appelant (documents, p. 37-40) :

[TRADUCTION]

4. L’autorité disciplinaire est d’avis que les actes du gend. Vellani liés à cette allégation n’étaient pas seulement des actes spontanés. Les faits présentés au Comité montrent plutôt que les actes du gend. Vellani étaient délibérés et qu’ils avaient pour but de tromper [la gend. H] [...].

5. [...] Je soutiens donc que le Comité ne devrait pas considérer les actes du gend. Vellani comme une simple erreur de jugement, mais comme un acte de malhonnêteté que celui-ci a commis dans son propre intérêt afin de corroborer une demande d’indemnisation frauduleuse. […]

[134] Comme le RM n’a pas présenté d’argumentation en réponse et a mentionné, après avoir reçu l’argumentation susmentionnée du RAD (documents, p. 580), que « l’exposé conjoint des faits se passait de commentaires » et comme il a omis d’aborder la nature incendiaire des allégations, expliquée par le RAD (documents, p. 579), le Comité, dans sa décision relative aux allégations, a accepté la description que le RAD a faite de l’inconduite, à savoir qu’il ne s’agissait pas d’un « actespontané » ni d’une « simple erreur de jugement, mais [que le gendarme Vellani] avait agi par intérêt personnel ». Le Comité a déclaré ce qui suit (documents, p. 20-22) :

[11] Le RAD a avancé que l’appelant avait cherché à tromper [la gend. H] afin de corroborer sa demande d’indemnisation frauduleuse, et je suis d’accord. J’ajouterais cependant qu’il cherchait aussi à éviter la responsabilité de sa collision. […]

[…]

[16] [Le gendarme Vellani] a entrepris de tromper intentionnellement, sur une longue période, divers employés de l’ICBC, depuis la téléphoniste qui a reçu son appel jusqu’à l’expert en sinistres et à l’enquêteur qui se sont penchés sur le dossier. Il a également menti dans la déclaration solennelle qu’il a faite devant notaire au sujet de cette même demande d’indemnisation. Le RAD a fait une analyse détaillée des différentes étapes auxquelles le membre visé a fait des affirmations trompeuses à l’appui de sa demande d’indemnisation frauduleuse, et il n’est pas nécessaire de la répéter ici.

[17] L’analyse des motivations du [gendarme Vellani] qui est présentée plus haut s’applique tout autant à la deuxième allégation. Il a agi dans son propre intérêt, afin d’éviter la franchise exigible pour une deuxième demande d’indemnisation et aussi la responsabilité de la collision qu’il avait eue.

[18 [...] ] compte tenu du fait que le membre visé a agi par intérêt personnel, les actes reprochés dans cette allégation constituent un manquement très grave au code de déontologie.

[135] La décision du Comité concernant les allégations a été envoyée au RM le 16 août 2017 (documents, p. 17) et constituait un avis complet à l’appelant de la description faite par le Comité de son inconduite.

[136] L’appelant a ensuite eu l’occasion, lors de l’audience portant sur la peine qui a eu lieu le 20 septembre 2017, d’aborder cette description en présentant des éléments de preuve pour étayer sa version des faits, ce qu’il a fait en décrivant ses actes comme des actes [TRADUCTION] « spontannés » et en expliquant comment ils découlaient d’une perturbation de sa santé mentale (appel, p. 418-427, 453-463). Il n’a pas abordé précisément la question de son intérêt personnel qui avait été soulevée dans les argumentations du RAD et la décision du Comité concernant les allégations.

[137] Je conclus que l’appelant n’a pas répondu à la conclusion selon laquelle son inconduite était motivée par un intérêt personnel, ce qui avait déjà été établi, et que cette omission n’était pas attribuable au fait qu’il n’aurait pas reçu d’avis, qu’il n’aurait pas eu l’occasion de répondre ou que le RAD ne lui aurait pas directement posé la question en contre-interrogatoire. Autrement dit, la question de la motivation de l’appelant n’a pas été soulevée de manière surprenante et il a eu le temps d’y répondre. Comme le CEE, je suis d’avis que, parce que l’appelant a omis de répondre à la question relative à son intérêt personnel, il ne peut plus avancer que ses droits procéduraux ont été violés (rapport, p. 68-69).

Y a-t-il eu iniquité procédurale lorsque le Comité a omis d’expliquer comment il avait déterminé que l’appelant avait maintenu une intention frauduleuse sur une longue période et d’indiquer les raisons pour lesquelles il avait rejeté le témoignage de l’appelant selon lequel il avait agi de manière impulsive?

[138] L’appelant allègue que le Comité a commis une erreur en concluant qu’il avait maintenu une intention frauduleuse sur une longue période et en rejetant son témoignage selon lequel il avait agi de manière impulsive. Ces conclusions ont amené le Comité à juger que l’appelant avait usé « intentionnellement de tromperie », ce qui indiquait chez lui « l’existence d’un défaut de caractère fondamental qui le rend inapte à rester en poste au sein de [la GRC] » (appel, p. 294).

[139] L’appelant affirme que [TRADUCTION] « les motifs du Comité n’expliquent pas le rejet de [son] témoignage », dans lequel il décrivait son inconduite comme un acte impulsif, car le Comité n’a tiré aucune conclusion défavorable quant à sa crédibilité (appel, p. 294). L’appelant soutient que le Comité aurait dû faire preuve d’un degré plus élevé d’équité procédurale à son égard, puisque l’affaire concernait sa carrière, et invoque l’arrêt Law Society of Upper Canada v. Neinstein, 2010 ONCA 193 (Neinstein), au par. 60 (appel, p. 29, 710), et affirme qu’en l’absence de motifs, son droit à l’équité procédurale avait été violé (appel, p. 294, 756).

[140] L’intimé fait valoir que la description des faits de l’appelant, notamment la qualification de ses actes comme étant impulsifs, n’a pas été contestée à l’audience et que toute tentative de le faire maintenant constitue une [TRADUCTION] « remise en cause de la question » (appel, p. 1312).

[141] Je reconnais que lorsqu’un décideur omet de fournir ses motifs, alors que le régime législatif l’exige, il en résulte une iniquité procédurale. Par contre, lorsqu’un décideur fournit ses motifs et que la suffisance de ceux-ci est en cause, la question n’en est pas une d’équité procédurale, mais plutôt celle de savoir s’il y a eu une erreur manifeste et déterminante attribuable à un manque de justification, de transparence et d’intelligibilité qui rend la décision manifestement déraisonnable. Comme le CEE l’a mentionné, en l’espèce, le Comité a fourni ses motifs comme il était tenu de le faire au titre de l’article 11.16.2 de la politique sur la déontologie. Pour cette raison, l’équité procédurale n’est plus en cause. Comme la CSC l’a mentionné dans l’arrêt Nurses (par. 22) (appel, p. 1369), « [l]e raisonnement qui sous-tend la décision/le résultat ne peut donc être remis en question que dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable de celle-ci » (rapport, par. 73-77). J’examinerai la suffisance des motifs du Comité sous peu.

Questions découlant de l’état d’esprit de l’appelant

[142] Je note que les questions suivantes sont toutes liées à l’état d’esprit de l’appelant :

  • Le Comité a-t-il mal interprété les éléments de preuve relatifs à la santé mentale de l’appelant et les a-t-il écartés par la suite, ne les considérant pas comme un facteur atténuant?
  • Le Comité a-t-il omis de fournir des motifs suffisants pour justifier le rejet du témoignage de l’appelant selon lequel son inconduite découlait d’un acte impulsif?
  • Le Comité a-t-il commis une erreur susceptible de révision en concluant que l’appelant était motivé par un intérêt personnel?
  • Le Comité a-t-il commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’il a surévalué ou mal évalué les facteurs aggravants en inférant que la motivation de l’appelant était d’éviter d’être tenu responsable de l’incident?

[143] Si le Comité avait conclu que l’appelant souffrait d’un trouble mental ayant fait en sorte qu’il a agi de manière impulsive et s’était mal comporté, ou que ses facteurs de stress étaient tellement importants que l’on pouvait partiellement expliquer son comportement, il aurait pu accorder une moins grande importance au fait que l’appelant était motivé par un intérêt personnel.

[144] Or, le Comité a conclu que les problèmes antérieurs de l’appelant, notamment sa dépression, ses troubles anxieux et son stress, qu’ils soient attribuables à sa rupture amoureuse ou à son milieu de travail, n’atténuaient pas suffisamment ses actes, particulièrement parce que le bref rapport de sa psychologue, que le RM n’a pas fait reconnaître à titre d’experte (appel, p. 543), ne dénotait aucun lien de causalité entre l’état d’esprit de l’appelant et son inconduite.

[145] Le rapport de la psychologue n’indiquait pas comment la réadaptation réduirait le risque de récidive. Mme N n’a pas garanti que l’inconduite de l’appelant était un incident isolé ou, autrement dit, qu’elle découlait d’un défaut de caractère. Dans son rapport complet daté du 12 juillet 2016 (appel, p. 687-688), elle a écrit ceci :

[TRADUCTION]

En ma capacité de psychologue clinique agréée, je m’occupe du gendarme Vellani à l’occasion depuis août 2013. Je l’ai vu assez régulièrement du mois d’août 2013 jusqu’au mois de septembre 2014. Je n’ai eu aucun contact avec lui de septembre 2014 jusqu’après sa suspension en mars 2015, après quoi nous avons repris nos séances.

Au départ, il suivait une thérapie en raison d’une rupture amoureuse plutôt traumatisante qui l’avait laissé anxieux et cliniquement déprimé. Je l’ai mis en congé de maladie pendant un mois, de septembre à octobre 2013. À son retour en service, nous avons continué à travailler sur la gestion de ses relations, la résolution de problèmes et la gestion du stress et de la dépression. Bien que je ne l’ai pas vu au cours des mois qui ont précédé l’incident ayant mené à sa suspension, je sais que sa dépression et les facteurs de stress liés à son travail s’aggravaient et qu’il a mentionné la réapparition de ses symptômes. Je ne peux pas affirmer d’un point de vue clinique que son état psychologique a causé son manque de jugement, mais je suis à l’aise de dire que sa dépression et son anxiété peuvent certainement avoir nui à son jugement et réduit de façon marquée sa résilience devant une situation de stress.

Depuis sa suspension, il assiste régulièrement à ses séances de thérapie et a également participé à des programmes externes de sa propre initiative. Il est un patient motivé qui souhaite de toute évidence régler ses problèmes psychologiques et liés au travail de manière efficace.

[Caractères gras ajoutés.]

[146] Je conclus que l’intimé a correctement fait remarquer que [TRADUCTION] « le Comité a clairement considéré la santé mentale de l’appelant comme un facteur atténuant », mais qu’il était incapable d’établir un lien de causalité entre la maladie mentale de l’appelant et son inconduite en se fondant sur le rapport fourni par la psychologue.

[147] Selon l’intimé, [TRADUCTION] « l’auto-évaluation de la santé mentale [de l’appelant] a une valeur limitée dans le cadre de l’analyse du Comité » (appel, p. 1323).

[148] L’appelant n’est pas d’accord et, malgré l’absence d’éléments de preuve d’ordre psychologique, affirme ce qui suit (appel, p. 300) :

[TRADUCTION]

Le facteur atténuant suivant que le Comité a rejeté est la santé psychologique de M. Vellani. Le Comité a conclu ceci : (1) rien ne prouvait que la conduite avait été causée par un trouble mental; (2) M. Vellani a avoué lui-même qu’il se portait « relativement bien » sur le plan psychologique. […]

[149] L’appelant soutient également ceci (appel, p. 300) :

[TRADUCTION]

Bien qu’il n’ait pas soutenu que ses troubles mentaux l’avaient obligé à se comporter de la sorte, la seule preuve qu’il a présenté à l’audience était qu’il avait toujours des problèmes de santé mentale et que cela constituait un facteur dans son inconduite. Les problèmes de santé mentale sont un facteur atténuant, même s’ils n’ont pas causé l’inconduite.

[150] À l’appui du concept voulant qu’il n’était pas essentiel d’établir un lien de causalité pour évaluer le poids de ce facteur atténuant, l’appelant invoque la décision du CEE (dossier no 3200-08-001 (D-122), par. 168) (appel, p. 771) :

[TRADUCTION]

Le Comité semble avoir conclu, se fondant sur le critère à deux volets, que seuls les facteurs de stress débilitants causant un comportement « irrationnel » justifieraient qu’on les qualifie de facteurs atténuants. Cependant, dans d’autres cas antérieurs, les facteurs de stress et les problèmes psychologiques, sauf les troubles psychiatriques, ont été considérés comme atténuant une inconduite sans qu’il soit fait mention d’un seuil de comportement « irrationnel » : CEE 2800-04-002 (D-099) par. 111-112; (2007) 32 A.D. (3d) 292 (Comm.), par. 99-100); 20 AD (3d) 10 (Bd.), p. 20.

[151] Si on examine plus attentivement le dossier D-122, le commissaire a confirmé la décision du comité d’arbitrage d’ordonner au membre de démissionner et a rejeté la conclusion du CEE, déterminant ce qui suit :

[TRADUCTION]

[51] À titre d’argument principal, l’appelant a décrit une série d’incidents malheureux et néfastes survenus dans sa vie depuis 2002. À son avis, tous ces incidents lui ont causé du stress et ont fait en sorte qu’il « perde les pédales » (c.-à-d. avoir des relations sexuelles avec l’épouse d’un membre sous son autorité sur une période de cinq mois).

[52] Aux pages 58 et 59 de sa décision, le Comité a évalué tous les « facteurs de stress » présentés, particulièrement ceux mentionnés dans le témoignage du Dr [R]. Le Comité a reconnu certains facteurs de stress dans la vie de l’appelant, mais n’a pas trouvé de lien direct entre ces facteurs de stress et son inconduite. En outre, le Comité a jugé que, pris ensemble, ces facteurs n’étaient pas suffisamment importants pour justifier les actes d’une personne normale qui aurait agi de manière irrationnelle et aurait commis les contraventions en question. Je conclus qu’il faut faire preuve d’une grande retenue envers les conclusions de fait du Comité et le poids qu’il a accordé aux éléments de preuve liés à l’évaluation des facteurs de stress quotidiens tels qu’ils ont été décrits par les témoins, particulièrement le Dr [R]. L’appelant n’a présenté aucun argument démontrant comment l’évaluation par le Comité de ses facteurs de stress pouvait rendre la décision déraisonnable.

[…]

[109] En ce qui concerne le critère à deux volets, le Comité a mentionné que même s’il avait conclu qu’il y avait un lien de causalité direct, reconnaissant ainsi cette possibilité, il « a jugé que, pris ensemble, ces facteurs n’étaient pas suffisamment importants pour justifier les actes d’une personne normale qui aurait agi de manière irrationnelle et aurait commis les contraventions en question » (décision, par. 219). Le CEE a jugé que cette conclusion était une erreur, car le « Comité semble avoir conclu [...] que seuls les facteurs de stress débilitants causant un comportement “irrationnel” justifieraient qu’on les qualifie de facteurs atténuants » (par. 168).

[110] Je ne souscris pas à l’interprétation que le CEE fait des conclusions du Comité. Le Comité a reconnu certains facteurs de stress, mais n’a pas trouvé de lien direct entre ces facteurs de stress et l’inconduite. Cela ne veut pas dire que le Comité ne les a pas considérés comme des facteurs atténuants. Il n’a peut-être pas accordé à ces facteurs de stress le même poids que leur aurait donné le CEE, mais son évaluation n’est pas déraisonnable vu l’ensemble de la preuve. Le Comité n’a pas écarté l’opinion des experts. Il l’a acceptée et l’a évaluée, de concert avec chacune des autres considérations en cause. Je ne crois pas que le Comité a commis une erreur manifeste et dominante à cet égard.

[152] L’appelant soutient que le Comité a conclu à tort que son milieu de travail s’était amélioré, alors qu’il attendait d’être muté (appel, p. 416), même si, comme le CEE l’a mentionné, l’appelant avait témoigné qu’il se sentait [TRADUCTION] « harcelé » et « au bout du rouleau » (rapport, par. 107).

[153] Tout de même, je conclus qu’il n’était pas manifestement déraisonnable pour le Comité de déterminer que le stress lié au travail de l’appelant n’était pas un facteur sous-jacent de l’inconduite, car aucune preuve d’expert n’a été présentée pour corroborer le témoignage de l’appelant (appel, p. 458) selon lequel il y avait un lien de causalité entre des facteurs de stress – y compris ceux qui auraient pu être liés à son milieu de travail – et son inconduite.

[154] La plupart des éléments de preuve liés à l’état d’esprit de l’appelant et tout lien avec l’inconduite proviennent du témoignage que l’appelant a fait devant le Comité. Le Comité était présent au moment du témoignage de l’appelant et a observé celui-ci répondre au RAD qui lui a demandé comment il pouvait qualifier d’« impulsives » les déclarations trompeuses qu’il a faites pendant cinq semaines (appel, p. 456). Comme il n’y a pas d’autre élément de preuve pour corroborer la description que sa psychologue a faite de son état psychologique, le Comité a fondé son évaluation sur la preuve dont il disposait et par conséquent, je conclus qu’il en est arrivé à la conclusion logique que l’appelant avait l’intention de profiter de cette inconduite.

[155] L’appelant insiste pour dire que la décision est manifestement déraisonnable parce que ses éléments de preuve n’étaient pas incohérents et que le Comité n’a pas tiré de conclusion défavorable quant à sa crédibilité (appel, p. 294). L’appelant souligne [TRADUCTION] « [qu’]un énoncé conjoint des faits joue le rôle d’un élément de preuve » et constituait [TRADUCTION] « le seul élément de preuve sur lequel le Comité pouvait se fonder pour rendre sa décision et que la Cour ne pouvait pas s’écarter de cet énoncé ou tirer des inférences ». L’appelant fait valoir que l’ECF [TRADUCTION] « porte explicitement sur sa motivation », citant le paragraphe 17, et prétend [TRADUCTION] « [qu’]aucune déclaration dans l’ECF ne permet d’étayer la position du Comité concernant une autre motivation » (appel, p. 1424).

[156] L’intimé affirme (appel, p. 1313) que [TRADUCTION] « le Comité a le pouvoir de déterminer l’importance et la nécessité des renseignements dont il a besoin pour rendre une décision et peut tirer une conclusion à l’égard d’une allégation en se fondant uniquement sur le dossier ». Il invoque l’article 11.10 du MA XII.1 (déontologie) et le paragraphe 23(1) des Consignes du commissaire (déontologie) (appel, p. 1313) et ajoute que les motifs du Comité [TRADUCTION] « permettent d’évaluer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables », citant l’arrêt Nurses, au paragraphe 16 (appel, p. 1368).

[157] Je conclus que la conclusion du Comité selon laquelle l’appelant a maintenu une intention frauduleuse pendant cinq semaines n’est pas manifestement déraisonnable (comme le CEE l’a mentionné (rapport, par. 78)), car aucune autre explication raisonnable ne se dégage de la preuve, sauf que l’appelant a tenté d’éviter d’être tenu responsable.

[158] Le Comité, ayant conclu qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre l’état d’esprit de l’appelant et l’inconduite, et ayant pris note de la série d’actes qui constituaient l’inconduite durant une certaine période, n’est pas tenu de préciser davantage ses autres conclusions. Ses motifs sont intelligibles, transparents et justifiables et sont conformes à la norme établie par la CSC dans l’arrêt Nurses (par. 13) (appel, p. 1368). Comme le CEE l’a noté, la raison pour laquelle le Comité est arrivé à la conclusion que l’appelant a maintenu une intention frauduleuse pendant une longue période est évidente, et je conviens que ces motifs étaient suffisants (rapport, par. 73).

[159] De même, à la lumière de ce qui précède, je souscris à l’opinion du CEE (rapport, par. 107) selon laquelle l’erreur commise par le Comité (soit que le milieu de travail de l’appelant s’était amélioré) n’est pas manifeste et déterminante, car elle ne change pas le résultat plausible de la décision.

Absence de prise en compte des facteurs atténuants, y compris les lettres de recommandation et les évaluations de rendement de l’appelant

[160] L’appelant soutient que le comité n’a pas pris en compte le rendement exemplaire qui a été souligné dans son évaluation du rendement de 2011, avant que sa santé mentale ne décline, dans laquelle il est mentionné qu’il [TRADUCTION] « a une grande capacité d’apprentissage », « trouve toujours du temps pour aider les autres », « prend ses fonctions à cœur et continue à s’épanouir », « fait preuve d’un engagement ferme et de compassion », « démontre une grande maîtrise de soi et a le courage de ses convictions », « contribue aux réussites du groupe » et « ne vient pas travailler avec l’intention de faire le minimum » (appel, p. 299).

[161] L’appelant ajoute que les motifs du comité ne portent pas sur les lettres de recommandation, y compris celles d’officiers supérieurs, qui témoignent de son [TRADUCTION] « apport précieux à titre de policier ». Le comité a plutôt mal interprété les lettres de recommandation et a affirmé qu’elles indiquaient seulement que l’appelant était « un ardent défenseur des causes qui lui tiennent à cœur » (appel, p. 299).

[162] L’intimé souligne qu’il est approprié de supposer que le comité a examiné tous les éléments de preuve au dossier, et cite le CEE (dossier du CEE no 3200-05-005 (D-160), au par. 50). L’intimé soutient que le comité n’a pas fait fi des dossiers de rendement de l’appelant, mais qu’il en a tenu compte, y compris les situations où son rendement était supérieur à la moyenne et celles où il était peu favorable, et en a conclu que son rendement était moyen (appel, p. 1321 et 1322). L’intimé précise que le comité n’a pas mal qualifié la nature des lettres de recommandation, soulignant qu’elles avaient été fournies par ses « pairs et collègues » (appel, p. 1322).

[163] Je suis convaincu que le comité a examiné les lettres de recommandation, les certificats et les prix, le service de bénévolat, l’ECF et les excuses, qui ont tous été considérés comme des facteurs atténuants (appel, p. 66 à 68 et 649 à 651). En outre, après avoir examiné ses évaluations de rendement, le comité a expressément conclu qu’il n’accepterait pas les évaluations de rendement comme facteurs atténuants, parce que le rendement moyen (par opposition au rendement supérieur à la moyenne) n’était pas un facteur atténuant.

[164] L’appelant soutient que les évaluations de rendement dans lesquelles son rendement a été critiqué ont eu lieu dans un environnement de travail toxique (appel, p. 300). Il ajoute que le comité s’est fondé sur les plus récentes évaluations du rendement pour conclure qu’il était un [TRADUCTION] « employé qui donne un rendement moyen », sans tenir compte du fait qu’en raison du milieu de travail toxique, il souffrait d’anxiété et de dépression (appel, p. 298). L’appelant affirme que le comité a conclu à tort que l’évaluation du rendement de 2011 corroborait la conclusion suivante, qui a permis au comité d’extrapoler ses propres commentaires (appel, p. 299) :

[109] Cet extrait est tiré de l’évaluation visant la période du 21 avril 2014 au 31 mars 2015. La phrase suivante vient de son évaluation de 2011 [Traduction] : « [Le membre visé] continue de donner un rendement satisfaisant. » J’en déduis que le membre visé donnait un rendement quelque peu inférieur à ses capacités et qu’il a atteint un niveau de rendement moyen après que la question a été abordée avec lui. Il serait injuste envers tous les employés qui donnent un rendement supérieur à la moyenne année après année d’accepter un rendement moyen à titre de facteur atténuant.

[165] Je tiens à souligner que, bien que l’évaluation du rendement de 2011 fasse état de commentaires élogieux au sujet de l’appelant, la discussion réelle sur le rendement, telle qu’elle est décrite, a été mentionnée dans une évaluation datée et non signée, le 23 septembre 2012 (documents, p. 1181). Même là, je ne considère pas que l’erreur du comité à cet égard est fatale. À mon avis, l’évaluation globale du rendement de l’appelant effectuée par le comité n’est manifestement pas déraisonnable, compte tenu de mon interprétation des quelques évaluations présentées par le RM (documents, p. 1174 à 1186).

[166] Le comité a apprécié les facteurs atténuants et les facteurs aggravants, a constaté que les premiers ne l’emportaient pas sur les deuxièmes et a conclu que l’appelant avait violé les conditions de son emploi auprès de la GRC (appel, p. 234). En l’absence d’une erreur manifeste et déterminante, comme l’a souligné le CEE, il faut faire preuve de retenue à l’égard de la conclusion du comité (rapport, par. 48 à 50 et 104).

Les considérations liées à l’arrêt McNeil constituent-elles un facteur aggravant indépendant?

[167] L’appelant fait valoir que [TRADUCTION] « toute déclaration de culpabilité n’est pas un facteur distinct de l’inconduite et ne constitue pas un facteur aggravant », et renvoie à l’affirmation du CEE (Dossier du CEE no 2400-04-001 (D-094), au par. 43) selon laquelle [TRADUCTION] « un facteur aggravant doit se rapporter à des éléments qui ne relèvent pas de l’inconduite » (appel, p. 301 et 764). L’appelant affirme que le comité a commis une erreur en concluant que les conséquences de l’arrêt McNeil constituent un facteur aggravant distinct, en plus du parjure (appel, p. 301). Selonl’appelant, en incluant le dernier élément en tant que facteur aggravant, le comité a effectué une [TRADUCTION] « comptabilisation en double » (appel, p. 301).

[168] L’intimé affirme avec insistance que c’est à juste titre que le comité a considéré les conséquences de l’arrêt McNeil comme un facteur aggravant indépendant. À l’appui de cette affirmation, l’intimé cite la décision Cormier, 2016 DARD 2, au paragraphe 83, et la décision Haywood (2012), 11 DA (4e) 67, aux paragraphes 172 à 74, dans lesquelles le commissaire a conclu que les conséquences de l’arrêt McNeil doivent être examinées (Appel, p. 1319 et de 1374 à 1375).

[169] Je tiens à souligner que la décision Cormier illustre la manière dont l’arrêt McNeil a été pris en compte (documents, p. 413) :

Compte tenu des implications de l’arrêt McNeil, l’inconduite occasionne à la GRC un fardeau administratif très lourd, mais supportable. À ce sujet, au cours de l’audience tenue à Moncton, la RM a dit avoir récemment appris du membre qu’il avait eu un entretien téléphonique avec son supérieur hiérarchique et que ce dernier avait évoqué différents postes pouvant lui convenir. Ce double ouï-dire ne saurait peser d’un grand poids, mais il semble refléter une situation comparable à celles des membres qui, dans la jurisprudence citée, ont conservé leur emploi malgré toutes les questions liées à l’arrêt McNeil.

[170] La décision Haywood montre en outre la manière dont les conséquences de l’arrêt McNeil sont examinées :

[TRADUCTION]

[172] Bien que la présente audience, les observations en appel et le rapport du CEE soient tous antérieurs à l’arrêt de la Cour suprême du Canada, R. c. McNeil, 2009 CSC 3, concernant l’utilisation des dossiers disciplinaires par la police, je conclus que je dois examiner les conséquences de cet arrêt sur la présente affaire.

[173] Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a conclu (aux par. 14 et 15 et 23 à 25) que, même si les rôles du ministère public et de la police sont distincts, la police est tenue de participer au processus de communication de la preuve, et que le corollaire de l’obligation de communication du ministère public établie dans R c. Stinchcombe, [1995] 1 RCS 754, est celle de la police de communiquer au ministère public tous les renseignements se rapportant à son enquête sur l’accusé. Les dossiers sur les conclusions d’inconduite grave de policiers chargés de l’enquête visant l’accusé sont à bon droit compris dans les renseignements que la police doit remettre au ministère public, quand l’inconduite en question est liée à l’enquête ou quand il est raisonnable de penser qu’elle risque d’avoir des répercussions sur la poursuite engagée contre l’accusé. La production des dossiers disciplinaires qui ne font pas partie des dossiers que doit communiquer la partie principale est régie par le régime de production des dossiers en la possession de tiers établi dans l’arrêt O’Connor, [1995] 4 RCS 411.

[174] Par conséquent, je reconnais que la GRC peut être tenue de communiquer le dossier disciplinaire de la gend. Haywood, ou que son casier judiciaire peut être divulgué.

[175] Toutefois, je conclus que le témoignage du procureur de la Couronne [PS] (voir les paragraphes 151 et 152, précités) règle cette question. On a demandé à [PS] comment la déclaration de culpabilité de la gend. Haywood aurait des répercussions sur sa capacité future à témoigner. Il a répondu que cela ne poserait pas problème, étant donné que l’avocat de la défense serait consulté longtemps à l’avance et que la plupart des avocats de la défense ne soulèveraient pas de préoccupations à cet égard une fois que les antécédents seraient divulgués. Il a également déclaré que les juges connaissent et comprennent les dynamiques de la violence familiale et la réaction des gens à cet égard. Bien qu’il s’agisse d’une question qui pourrait être soulevée, [PS] ne pensait pas qu’elle aurait des conséquences sur sa crédibilité (transcription, p. 36 et 37). Concernant les affaires qui font intervenir un jury, il a expliqué que « [s]i certains avocats de la défense voulaient l’attaquer […] compte tenu des renseignements dont je dispose […] quand vous aurez fini d’expliquer l’origine de tout cela, ils l’appelleront probablement Sainte-Julie » (transcription, p. 40). [PS] a également formulé les commentaires suivants :

Pour 99 pour cent du temps, les policiers vont témoigner sur l’existence d’une véritable preuve, elle sera là. Ils font habituellement tandem avec un autre policier. Dans toutes ces situations, le tribunal devra également prendre en compte d’autres facteurs déterminants […] il s’agira d’un problème mineur […] facile à régler. (transcription, p. 37 et 38).

[171] Manifestement, la portée de l’arrêt McNeil en tant que facteur aggravant varie et peut même être réduite au minimum, en fonction de la preuve présentée dans les circonstances. À mon avis, le comité n’a pas commis d’erreur en considérant les conséquences relatives à la divulgation découlant de l’arrêt McNeil comme un facteur aggravant.

Admissibilité du témoignage d’opinion de l’inspectrice JM

[172] L’appelant soutient que l’opinion de l’insp. JM aurait dû être jugée inadmissible étant donné qu’elle n’était pas qualifiée comme experte selon le paragraphe 19(1) des Consignes du commissaire (déontologie) (appel, p. 296), qu’elle n’avait pas connaissance de l’ensemble du dossier dont le comité était saisi, qu’elle n’avait pas d’expertise qui dépasse celle du juge des faits et parce que l’effet préjudiciable de l’opinion l’emportait de loin sur sa valeur probante, (appel, p. 296 et 297), citant les arrêts R c Mohan, [1994] 2 RCS 9 (Mohan), au paragraphe 25 (appel, p. 296 et 734), et R v Threefingers, 2016 ABCA 225, au paragraphe 99 (appel, p. 296 et 737).

[173] L’appelant soutient que, lorsque le RAD a demandé l’opinion de l’insp. JM au sujet de la gravité de l’inconduite de l’appelant, le RM a émis à bon droit une objection. Le comité a écarté l’objection, a choisi d’admettre le témoignage et a ensuite statué sur le poids qu’il faut lui accorder, après avoir reconnu qu’il y avait certaines inquiétudes (appel, p. 295 à 296 et 362).

[174] L’intimé fait valoir que l’opinion était inadmissible, que le comité possède un [TRADUCTION] « large » pouvoir de recevoir et d’accepter des éléments de preuve pertinents et que, contrairement à un tribunal criminel, le comité ne joue pas un [TRADUCTION] « rôle de gardien » qui est restreint par les critères énoncés dans l’arrêt Mohan, et peut accepter des éléments de preuve irrecevables devant la Cour et entendre [TRADUCTION] « des témoins ». L’intimé se fonde sur les paragraphes 24.1(3), 45(2) et 46(2) de la Loi sur la GRC, l’article 13 et le paragraphe 24(1) des Consignes du commissaire (déontologie) et l’arrêt Farrar v Bojan High End Kitchens Inc, 2013 BCSC 1881, aux paragraphes 30 à 34 (appel, p. 1318 et 1371 à 1372).

[175] Je retiens l’argument de l’intimé selon lequel, en vertu de la Loi sur la GRC, les comités de déontologie, tout comme les commissions d’enquête, sont autorisés à examiner des éléments de preuve qui peuvent par ailleurs être irrecevables devant la Cour :

Mandat

45(2) Le comité de déontologie possède, relativement à l’affaire qu’il préside, les pouvoirs conférés à une commission d’enquête par les alinéas 24.1(3)a) à c).

Pouvoirs de la commission d’enquête

24.1(3) La commission d’enquête dispose, relativement à la question dont elle est saisie, des pouvoirs suivants : […]

c) recevoir et accepter les éléments de preuve et renseignements, fournis sous serment ou sous forme d’affidavit, qu’elle estime indiqués, qu’ils soient ou non recevables devant un tribunal;

[176] Je souscris à la conclusion du CEE selon laquelle les critères énoncés dans l’arrêt Mohan, concernant l’appréciation de la preuve d’expert en fonction de sa valeur probante par rapport à ses effets préjudiciables, ne s’appliquent pas en l’espèce, parce que l’insp. JM n’avait pas qualité d’expert et que, pour cette raison, il était nécessaire de se concentrer sur l’admissibilité de l’opinion d’un non-expert. Le CEE a cité l’ouvrage The Law of Evidence in Canada (2e éd.), qui énonce les conditions d’acceptation de la preuve d’un non-expert de la manière suivante (rapport, par 84) :

[TRADUCTION]

Les tribunaux jouissent désormais d’une plus grande latitude pour recevoir les opinions de témoins profanes si : 1) le témoin a une connaissance personnelle des faits; 2) le témoin est dans une meilleure position que le juge des faits pour se former une opinion; 3) le témoin a le bagage d’expérience nécessaire pour tirer la conclusion; 4) l’opinion est un mode d’expression concise et le témoin ne pourrait décrire de façon aussi exacte et adéquate et avec une facilité raisonnable les faits au sujet desquels il témoigne. Toutefois, au fur et à mesure que ces témoignages se rapprochent de la question centrale à trancher, on peut encore s’attendre à ce que l’on insiste pour que les témoins se limitent aux faits principaux et se gardent d’exprimer leurs conclusions. C’est toujours une question de mesure.

[177] Par conséquent, je tiens à souligner que le RAD a demandé l’opinion de l’insp. JM en interrogatoire principal et à ce moment-là, le comité disposait de renseignements selon lesquels l’insp. JM était la [TRADUCTION] « gardienne » du respect de l’obligation découlant de l’arrêt McNeil pour un détachement et ensuite pour la division, qu’elle avait été approchée par les services de la dotation et des ressources humaines au sujet d’inquiétudes liées à l’affectation de membres concernés par des questions soulevées dans l’arrêt McNeil et qu’elle avait eu des discussions avec les avocats de la Couronne qui souhaitaient obtenir une divulgation de type McNeil dès le début, avant le dépôt des accusations, afin d’apprécier les répercussions sur la poursuite. À ce stade-là, il est apparu que l’opinion de l’insp. JM en tant que non-expert respectait le critère applicable, étant donné qu’elle se rapportait à une question dont elle « avait une connaissance personnelle », qu’elle « était dans une meilleure position » que le comité, qu’elle avait « le bagage d’expérience nécessaire » et que l’opinion qu’elle avait donnée « était un mode d’expression concise ».

[178] Le contre-interrogatoire mené par le RM a plus tard révélé le manque de connaissance personnelle et d’expérience de la part de l’insp. JM, des renseignements qui n’ont pas été élucidés au moment de l’opposition, étant donné que le comité fonctionne comme un tribunal administratif et non comme une cour, et qu’un voir-dire complet n’a pas été tenu pour apprécier totalement l’expérience de l’insp. JM en tant que non-expert. Cela étant dit, le comité disposait, en vertu de l’alinéa 24.1(3)c) de la Loi sur la GRC, du pouvoir d’admettre le témoignage d’opinion de l’insp. JM.

Appréciation du témoignage d’opinion de l’inspectrice JM

[179] La question demeure de savoir si le comité a commis une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve présentée par le RAD pour déterminer la manière dont l’inconduite de l’appelant est concernée par l’arrêt McNeil.

[180] L’appelant soutient que le comité a mal interprété et a exagéré le témoignage de l’insp. JM. Il affirme que les erreurs ont eu une incidence sur le résultat, parce que les considérations liées à l’arrêt McNeil [TRADUCTION] « ont largement contribué dans son analyse finale » (appel, p. 295), « comme un facteur aggravant ayant fortement joué en faveur du congédiement » (appel, p. 297).

[181] Selon l’intimé, le comité a seulement résumé le témoignage, mais celui-ci n’a pas été inclus dans la décision (appel, p. 1318) :

[TRADUCTION]

Aux paragraphes 230 à 232, le comité résume le témoignage et fournit le contexte concernant l’arrêt R. c. McNeil. Ces paragraphes ne font pas partie de la décision relative aux mesures disciplinaires du comité.

[182] En outre, l’intimé soutient que, bien que le comité ait correctement résumé le témoignage de l’insp. JM, il y a [TRADUCTION] « accordé très peu d’importance », ce qui n’a entraîné [TRADUCTION] « aucune conséquence importante » sur le traitement par le comité des considérations liées à l’arrêt McNeil (appel, p. 1318 et 1319).

[183] Je reconnais que le comité a énoncé le témoignage de l’insp. JM présenté par le RAD en interrogatoire principal, sans les nuances qui ont été révélées par le RM plus tard en contre-interrogatoire (appel, p. 638).

[184] J’admets, à l’instar du CEE, que le comité a mal interprété le témoignage de JM lorsqu’il a déclaré que les procureurs de la Colombie-Britannique avaient demandé plus tôt une divulgation de type McNeil pour vérifier la probabilité marquée d’une déclaration de culpabilité (appel, p. 638). Le CEE a souligné que l’insp. JM a déclaré dans son témoignage que seul un avocat régional de la Couronne avait exprimé des inquiétudes. Le CEE est arrivé à la conclusion que l’erreur n’était pas déterminante (rapport, par. 87). Je souscris à cette conclusion.

[185] De plus, j’admets l’affirmation de l’appelant selon laquelle d’autres incohérences contenues dans le témoignage de l’insp. JM, révélées en contre-interrogatoire (appel, p. 295), n’ont pas été mentionnées dans la décision (appel, p. 638), y compris ce qui suit :

[TRADUCTION]

  • Le témoignage selon lequel le ministère public a retiré des accusations ou refusé de les porter en premier lieu dès qu’elle a appris les antécédents de type McNeil d’un policier témoin a plus tard été nuancé par l’insp. JM, qui a admis qu’elle ne connaissait qu’un seul cas où cela s’était produit et dans lequel les accusations se rapportaient à la même affaire où l’inconduite était soulevée (appel, p. 295, 368, 372 et 389). Je tiens à souligner qu’une accusation ne peut pas être facilement portée s’il existe une question liée à l’inconduite de la police dans le cadre de laquelle les droits d’un accusé garantis par la Charte ont peut-être été violés, et sur ce point, la divulgation de type McNeil n’était pas en soi la raison du retrait des accusations.
  • Le témoignage selon lequel de nombreux chefs de service et officiers hiérarchiques en C.-B. refusent d’accepter un membre qui a un problème de type McNeil a été plus tard précisé, car la connaissance de l’insp. JM à cet égard découlait d’une discussion qu’elle avait eue avec un seul commandant, et les discussions concernaient généralement les inquiétudes liées à l’affectation des membres plutôt que les refus de leur affectation, ce qui était une question qui relevait de la dotation et non de la compétence de l’insp. JM (appel, p. 295, 367 et 370).
  • Le témoignage selon lequel l’affectation de l’appelant serait difficile en raison de la gravité de l’inconduite, malgré le fait que l’insp. JM a reconnu qu’elle ne participait pas à la dotation (appel, p. 295 et 384). L’insp. JM a déclaré dans son témoignage qu’il y avait des membres ayant des problèmes de type McNeil qui occupaient des postes administratifs et autres qui restaient dans des postes opérationnels (appel, p. 360).

[186] Toutefois, comme l’a souligné l’intimé, pour apprécier les conséquences de l’arrêt McNeil en tant que facteur aggravant, le comité n’a aucunement fait mention de l’opinion de l’insp. JM, mais a plutôt tiré la conclusion générale suivante (appel, p. 652) :

[123] Le cinquième facteur aggravant concerne les considérations liées à l’arrêt McNeil. En clair, l’obligation de divulguer à l’avance les antécédents disciplinaires pertinents crée un fardeau qui n’existerait pas en l’absence de tels antécédents. Ce fardeau constitue, par définition, un facteur aggravant.

[124] Le fardeau est porté non seulement par le membre touché, mais aussi par la Gendarmerie et le ministère public. L’importance à accorder à ce facteur aggravant reste cependant plus ou moins indéterminée, puisque les principes établis dans l’arrêt McNeil ne sont pas appliqués uniformément. Certaines provinces semblent avoir une moins grande aversion pour le risque que la Colombie-Britannique et être davantage prêtes à gérer les conséquences négatives pouvant découler de la comparution d’un témoin policier qui doit répondre de ses antécédents disciplinaires. Il n’en demeure pas moins que l’obligation de divulgation ne s’applique pas en l’absence d’antécédents disciplinaires et que les problèmes d’affectation découlant de l’existence de tels antécédents occasionnent un fardeau administratif à la Gendarmerie. Les considérations liées à l’arrêt McNeil doivent donc être traitées comme un facteur aggravant.

[187] Je suis d’accord avec le CEE (rapport, par. 87) pour dire que le comité n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante lorsqu’il a omis d’examiner explicitement l’opinion de l’insp. JM. Je conclus qu’en n’indiquant pas expressément en détail les incohérences révélées en contre-interrogatoire, le comité n’a commis aucune une erreur susceptible de révision, étant donné qu’il ne s’est pas par la suite fondé sur le témoignage de l’insp. JM pour se prononcer sur la manière dont les conséquences découlant de l’arrêt McNeil se rapportent à l’appelant (appel, p. 652).

Observations du juge de la cour provinciale

[188] L’appelant avance que le comité était tenu de faire preuve de retenue à l’égard des observations formulées par le juge de la cour provinciale selon lesquelles l’inconduite de l’appelant constituait un acte isolé, parce que même si la Cour ne disposait pas de l’ECF, elle avait le même cadre factuel que le comité concernant tous les faits importants, et le ministère public avait fourni à la Cour un exposé détaillé des actes de l’appelant (appel, p. 297). Ce dernier soutient qu’en tirant une conclusion différente sur les mêmes faits, le comité a procédé à une remise en cause, ébranlant par là l’intégrité du processus décisionnel judiciaire, et cite l’arrêt Toronto (Ville) c Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), section locale 79, 2003 CSC 63 [Toronto (Ville)], au paragraphe 51 (appel, p. 743), et le CEE (dossier no 2900-11-002 (D-125), au par. 76) (appel, p. 778). Selon l’appelant, les [TRADUCTION] « les principes énoncés dans l’arrêt SCFP s’appliquent à la remise en cause des conclusions énoncées dans les motifs justifiant les peines » (appel, p. 297).

[189] L’intimé soutient que, pour tirer la conclusion selon laquelle l’inconduite était un incident [TRADUCTION] « isolé », le juge de la cour provinciale n’a pas été saisi des mêmes faits que le comité et, contrairement à la décision du comité, les [TRADUCTION] « motifs rudimentaires » de la Cour tiennent compte d’une « proposition conjointe » pour l’imposition d’une amende relativement à une infraction réglementaire en fonction d’un « dossier limité » (appel, p. 1319 et 1320). Selon l’intimé, « le même examen rigoureux » n’a pas été effectué, et contrairement au comité, la cour provinciale n’a pas tenu compte de l’ensemble du rapport d’enquête et des allégations figurant dans l’avis d’audience disciplinaire et de l’ECF, elle n’a pas entendu le témoignage de vive voix et n’a pas examiné la jurisprudence. L’intimé a souligné ce qui suit (appel, p. 1320) :

[TRADUCTION]

[…]en outre, le comité était tenu d’évaluer l’appelant selon les normes de conduite élevées que les membres de la GRC sont censés observer.

[190] L’intimé renvoie à la décision Prettie, 2017 DARD 4, au paragraphe 75, dans laquelle le comité de déontologie a conclu qu’il n’était pas lié par les conclusions du juge des faits dans l’affaire criminelle correspondante (appel, p. 1396).

[191] L’intimé affirme en outre qu’une autre accusation de méfait public portée contre l’appelant a été suspendue par le ministère public, mais qu’à l’audience consacrée à la peine, le comité a pris en compte l’inconduite qui en découlait (appel, p. 1320). Il ajoute que le juge parlait de la perpétration de l’infraction en tant qu’incident isolé dans la vie de l’appelant, tandis que le comité a conclu que les cas répétés d’inconduite ne pouvaient pas être considérés comme isolés (appel, p. 1320).

[192] Je suis d’accord avec l’intimé et je tiens à souligner que le CEE n’a conclu à l’existence d’aucune incohérence dans le résultat (rapport, par. 93 et 94). Il y a lieu d’établir une distinction entre l’espèce et l’arrêt Toronto (City), tant dans les faits que dans le raisonnement. Dans cette affaire, un employé de la ville a été déclaré coupable d’agression sexuelle par un tribunal criminel, après un procès contesté. Par la suite, après avoir été congédié par la Ville de Toronto, il a eu gain de cause dans un appel interjeté relativement à son congédiement après que le tribunal d’appel a conclu qu’il n’avait jamais commis le crime malgré la déclaration de culpabilité (appel, p. 739). La CSC a conclu que le défaut d’accorder la déférence voulue à la conclusion du tribunal criminel a entraîné une remise en cause, qui a consisté en un abus de procédure, ayant eu pour effet de discréditer l’administration de la justice. La CSC a conclu ainsi, au paragraphe 56 (appel, p. 744) :

À mon avis, les faits de la présente espèce illustrent l’abus flagrant de procédure qui résulte de l’autorisation de ce type de remise en cause. L’employé avait été déclaré coupable par un tribunal criminel et il avait épuisé toutes les voies d’appel. La déclaration de culpabilité était valide en droit, avec tous les effets juridiques en découlant. […]

[193] En revanche, ce n’est pas le verdict de culpabilité final qui est en cause en l’espèce, mais les observations formulées par le juge de la cour provinciale au sujet de la détermination de la peine en fonction de très peu de faits présentés par le procureur de la Couronne : ils correspondent à deux pages et demie du plaidoyer de culpabilité et de la transcription des procédures de détermination de la peine (appel, p. 1387 à 1390) et à environ six minutes de l’enregistrement audio (enregistrement audio, 00 minute et 50 secondes). Je tiens à souligner que l’avocat de l’appelant à cette instance a confirmé que [TRADUCTION] « [n]ous ne contestons pas les faits tels qu’ils ont été présentés par leministère public », et a ajouté que l’appelant a « pris une décision hâtive et regrettable de mentir » et, « [p]ar la suite, il s’est senti piégé par ce mensonge et l’a perpétué » (appel, p. 1390; enregistrement audio, 8 minutes et 42 secondes). Je ne perds pas de vue que, bien que l’avocat de l’appelant ait affirmé devant la Cour que celui-ci avait perpétué le mensonge, le juge a formulé l’observation suivante [TRADUCTION] : « Je pense qu’il est louable de votre part de ne pas avoir perpétué le mensonge » (documents, p. 1337; enregistrement audio, 17 minutes et 20 secondes).

[194] De plus, comme je l’ai souligné plus tôt, le juge a reconnu qu’il y aura des répercussions, peu importe son avis (appel, p. 1377) :

Ce n’est pas tout de dire que cet acte est très isolé. À mon avis, il ne devrait pas vraiment porter atteinte à votre excellente réputation en tant qu’agent de la paix. Je crois que le problème auquel vous serez confronté, c’est qu’il s’agit d’un acte malhonnête et non d’un acte de violence physique envers autrui.

[195] Manifestement, le juge a établi une distinction entre son rôle consistant à déterminer la peine pour une infraction réglementaire et la manière dont la Gendarmerie doit assurer la discipline de ses membres pour des actes malhonnêtes compte tenu des normes élevées qu’ils sont censés observer selon le Code de déontologie et auxquelles le public s’attend de leur part. Cette préoccupation se dégage de la décision du comité, dans laquelle il a caractérisé l’inconduite de l’appelant en fonction des détails plus complets dont il disposait (appel, p. 651) :

[118] Cela dit, il y a plusieurs lourds facteurs aggravants à prendre en considération. Premièrement, l’inconduite ne peut pas être considérée comme une erreur de jugement isolée, parce qu’elle englobe deux contraventions similaires touchant trois institutions, soit la GRC dans allégation 1, et l’ICBC et la charge de notaire dans l’allégation 2. Il s’agit de comportements très destructeurs qui se sont échelonnés sur cinq semaines.

[196] En bref, je conclus que le comité n’était pas lié par les observations formulées par le juge de la cour provinciale et qu’il pouvait rendre sa propre décision, compte tenu surtout des éléments de preuve plus détaillés et des considérations liées au Code de déontologie dont il disposait. À mon avis, le comité n’a pas discrédité l’administration de la justice par voie de remise en cause.

Rejet des décisions présentées par le RM

[197] L’appelant affirme que le comité a commis une erreur lorsqu’il a rejeté les décisions portant sur des observations conjointes sur la peine (appel, p. 298).

[198] L’intimé soutient que le comité n’était pas lié par les décisions des comités antérieurs, bien que le principe de la parité des peines s’inscrive dans une volonté d’équité et favorise la prévisibilité des décisions disciplinaires, et que le comité a examiné correctement les dispositions pertinentes du Guide des mesures disciplinaires (appel, p. 1321).

[199] Comme je l’expliquerai plus loin, je conclus que le comité a pris acte des décisions présentées par le RM et en a dûment tenu compte (appel, p. 26 à 32 et 643 à 649).

Prise en compte des décisions présentées par le RM

[200] L’appelant soutient que le comité n’aurait pas dû établir une distinction entre les affaires présentées par le RM et l’affaire qui le concernait, soulignant que cette dernière est en quelque sorte semblable à une proposition conjointe, selon les concessions qu’il a faites dans l’ECF (appel, p. 297). L’appelant confirme que [TRADUCTION] « les dix affaires, sauf une, citées par [le RM] étaient fondées sur des propositions conjointes » (appel, p. 297). Il soutient que la distinction établie relativement aux affaires figurant dans la proposition conjointe donne un [TRADUCTION] « pouvoir indu » à l’intimé et que les [TRADUCTION] « décisions fondées sur des propositions conjointes peuvent être utiles lorsque le décideur effectue une analyse des raisons pour lesquelles la proposition conjointe convient », que « compte tenu du grand nombre de décisions qui appuyaient les mesures disciplinaires, sauf le congédiement », elles étaient instructives, et cite l’arrêt R v Kane, 2012 NLCA 53, au paragraphe 29 [Kane] (appel, p. 297 et 298).

[201] Je tiens à souligner que la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador (NLCA) a formulé les observations suivantes dans l’arrêt Kane :

[TRADUCTION]

[27] L’énoncé selon lequel les peines fondées sur des propositions conjointes ne sont, en règle générale, pas très utiles est formulé dans l’arrêt R. v. Johnston, 2011 NLCA 56, 311 Nfld. & P.E.I.R. 129 :

[58] […] Il importe de noter que les peines découlant d’une proposition conjointe acceptée sont considérées comme ayant peu ou pas de caractère jurisprudentiel.

[…]

[59] Ni Butler ni Barrett ne peuvent signifier davantage que ce qui a été décidé : que la proposition conjointe n’a pas « déconsidéré l’administration de la justice » et qu’elle n’était pas « contraire à l’intérêt public ».[…]

[28] Le fait sous-jacent à ces observations est que, dans une décision relative à la détermination de la peine fondée sur une proposition conjointe, le juge doit examiner la conclusion qui lui est présentée pour établir si elle est acceptable, en tenant compte de facteurs liés à l’administration de la justice et à l’intérêt public. Il s’agit d’un aspect central différent de celui d’une affaire ordinaire où le juge, avec l’aide d’un avocat, détermine une peine appropriée.

[29] Toutefois, cela ne veut pas dire qu’une décision fondée sur une proposition conjointe n’a pas de valeur à des fins particulières. Par exemple, une proposition conjointe peut constituer une indication de l’échelle des peines appropriées (R. v. Johnson, 2010 ABQB 546, au paragraphe 28, appel rejeté, 2010 ABCA 392, 265 C.C.C. (3d) 443, mentionné dans l’arrêt Johnston, au paragraphe 58). La plupart du temps, la peine indiquera la limite inférieure de l’échelle étant donné que le défendeur n’aurait aucune raison d’accepter une peine qui ne lui permettrait pas d’obtenir une contrepartie pour avoir accepté de renoncer à un procès, de plaider coupable et d’être condamné à une peine donnée. (Voir : R. v. Druken, 2006 NLCA 67, 261 Nfld. & P.E.I.R. 271, au paragraphe 19.) En effet, pour cette raison, une proposition conjointe peut, selon les circonstances, comporter des peines qui se situent sous la limite inférieure de la fourchette des peines qui sont habituellement imposées. Une telle peine ne sera guère utile. Néanmoins, les peines fondées sur une proposition conjointe peuvent se révéler utiles lorsque le juge du procès donne les raisons pour lesquelles la proposition est acceptée et, ce faisant, donne une directive fort utile aux tribunaux pour leurs décisions futures. (Voir, par exemple, R. v. Bremner, 2005 NSSC 163, 234 N.S.R. (2d) 95.)

[Caractères gras dans l’original.]

[202] L’intimé soutient, avec raison à mon avis, qu’un ECF n’est pas la même chose qu’une proposition conjointe, même si l’ECF était un facteur atténuant, qui a été pris en compte, et fait valoir que le comité a, à juste titre, accordé très peu de poids aux décisions disciplinaires fondées sur des propositions conjointes, en soulignant le passage suivant tiré de la décision (appel, p. 1320) :

Le dépôt d’une proposition conjointe de peine place le comité d’arbitrage dans une position particulière : celui-ci n’est pas lié par une telle proposition, mais il doit faire preuve de la plus grande réserve à son égard et ne s’en écarter que dans des cas extrêmes. Ce genre de proposition est souvent, quoique pas toujours, le fruit de longues négociations et d’importants compromis tenant compte de facteurs tangibles et intangibles connus seulement des parties et non du décideur. […]

[203] En outre, l’intimé établit une distinction entre la présente affaire et les affaires présentées par le RM en fonction du fait que les membres concernés n’ont pas tiré de gain personnel de leur inconduite ou avaient bénéficié de l’appui de l’officier compétent (appel, p. 1321).

[204] Bien que j’accepte l’idée selon laquelle les propositions conjointes peuvent être instructives lorsque les motifs expliquent pleinement le caractère approprié de la proposition, il n’est pas utile de soutenir que le seul nombre d’affaires présentées par le RM dans lesquelles la sanction imposée était moins sévère que le congédiement aurait dû être suffisamment convaincant, sans plus. Selon l’observation formulée par la NLCA, et à laquelle le comité a fait allusion, le plus souvent, la proposition contient des sanctions moins sévères que celles qui sont habituellement imposées.

[205] Manifestement, la jurisprudence présentée par le RM porte sur des sanctions clémentes, exception faite du congédiement, en réponse à une inconduite comparable, démontrant également un manque d’intégrité. Même là, selon l’examen que j’ai fait de cette jurisprudence, et l’analyse effectuée par le comité, j’accepte que les enseignements utiles qui peuvent en découler permettent facilement d’établir une distinction à l’égard des circonstances de l’espèce en dehors de l’absence manifeste d’une proposition conjointe sur la peine. Par exemple, l’appelant n’avait pas l’appui et la confiance du commandant divisionnaire, il a agi par intérêt personnel lorsqu’il a menti, il n’a pas démontré l’existence d’un rendement antérieur appréciable qui est constant et durable et il n’a pas établi de lien de causalité entre la dépression et l’anxiété qui ont été signalées et l’inconduite.

[206] Je vais maintenant examiner brièvement les affaires comparables et les facteurs distinctifs.

[207] Dans la décision Fréchette (2010), 5 DA (4e) 264 (Fréchette), (documents, p. 262 à 268), mentionnée par le comité (appel, p. 644), l’inconduite était remarquablement la même. Dans cette affaire, le véhicule de la membre est entré en collision avec le véhicule d’un procureur de la Couronne, qu’elle connaissait en raison de leurs « rapports professionnels antérieurs », dans le stationnement du palais de justice. Pendant plus d’un an, la membre a insisté pour dire que son véhicule était immobilisé au moment de la collision et la responsabilité a été attribuée à l’autre conducteur, malgré le fait qu’une vidéo de l’espace de stationnement du palais de justice que l’employé du procureur de la Couronne avait obtenue montrait que le véhicule de la membre était entré en collision avec le véhicule immobilisé de l’employé. La membre a continué à donner un récit erroné de l’incident auprès de l’ICBC, des collègues lors d’une enquête au sujet de la collision et de ses supérieurs et, après un procès ardemment disputé, elle a été déclarée coupable de la même infraction que l’appelant visée au paragraphe 42.1(2) de l’Insurance (Vehicle) Act de la Colombie-Britannique (documents, p. 265). Après le procès, un ECF a été établi dans le cadre de la procédure disciplinaire et le comité d’arbitrage a conclu que la membre s’était comportée d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. La membre a reçu la sanction prévue dans la proposition conjointe de peine qui consistait en une réprimande et une confiscation de la solde pour une période de dix jours (le maximum autorisé à l’époque). Le comité d’arbitrage a souligné (au par. 14) qu’il « avait très sérieusement songé au congédiement ou à une rétrogradation » (documents, p. 267).

[208] Les évaluations du rendement antérieures de la caporale Fréchette ont été jugées « élogieuses » (documents, p. 266) et son maintien en poste auprès de la GRC a été appuyé par le commandant divisionnaire (documents, p. 267), comme en témoigne le passage suivant :

[10] […] Il a vanté le rendement supérieur de la caporale Fréchette ainsi que sa solide éthique de travail. Elle a un excellent dossier de travail, elle accorde beaucoup d’importance à sa carrière et elle est dévouée. […]

[209] Le comité a souligné que les propositions conjointes contiennent des [TRADUCTION] « inconnues », mais dans le cas de l’appelant, comme il en a été déjà fait mention, le comité n’a pas conclu que son rendement était « élogieux » et l’intimé n’a pas appuyé son maintien en poste auprès de la GRC.

[210] Dans la décision Fréchette, le comité d’arbitrage s’est fondé sur la décision Legault (2009), 5 DA (4e) 1 (documents, p. 250), qui n’a pas été mentionnée expressément par le comité, mais qui a été présentée par le RM. Bien que la plupart des affaires présentées par le RM aient été mentionnées par le Comité, je suis disposé à reconnaître qu’elles ont toutes été examinées. Dans l’arrêt Nurses, la CSC a précisé, au paragraphe 16, qu’une décision ne doit pas faire référence à tous les précédents examinés (appel, p. 1368). L’inconduite dans la décision Legault était grave, mais ce qui distingue cette affaire de l’espèce, c’est la conclusion à l’existence d’un lien causal entre l’état mental du membre et son inconduite, qui a été établie grâce à une preuve d’expert directe du psychiatre traitant (documents, p. 259).

[211] En ce qui concerne la décision Badeau (2011), 7 DA (4e) 202 (appel, p. 522; documents, p. 462), soulignée par le comité (appel, p. 643), la membre a menti au cours d’une entrevue menée dans le cadre d’une enquête interne au sujet d’un policier du Service de police d’Ottawa (SPO). En examinant la proposition conjointe, le comité d’arbitrage dans la décision Badeau a fait observer que la membre n’avait obtenu aucun avantage personnel en perpétuant le comportement malhonnête (documents, p. 467).

[212] Dans la décision Nault (2013), 13 DA (4e) 246 (appel, p. 523; documents, p. 270), mentionnée par le comité (appel, p. 643), le congédiement n’a pas été demandé, l’inconduite n’était pas grave, l’intérêt personnel n’était pas en cause et l’inconduite n’était pas représentative de son comportement habituel (documents, p. 277).

[213] Dans la décision Simpson (2014), 14 DA (4e) 269, mentionnée par le comité (appel, p. 644), une proposition conjointe a été présentée pour demander une réprimande et une confiscation de la solde pour une période de dix jours (documents, p. 313). Bien que l’intérêt personnel ait été un facteur aggravant, il y avait des éléments de preuve établissant l’existence d’un lien de causalité entre l’état mental du membre, qui avait eu de nombreuses consultations en psychothérapie, et son inconduite. En outre, il jouissait de la confiance du commandant divisionnaire (appel, p. 644) et son rendement sur une période de 17 ans était constant et élogieux (documents, p. 315).

[214] Pour ce qui est de la décision Cormier, 2016 DARD 2 (documents, p. 390 à 418), soulevée par le comité (appel, p. 645), un membre a falsifié un courriel du ministère public afin de clore un dossier dans lequel les résultats d’un alcootest excédaient la limite légale, mais ne comprenait pas deux échantillons faisant état d’une alcoolémie de 100mg/100ml de sang nécessaire pour que des accusations soient portées, par souci de préserver la carrière du conducteur en état d’ébriété qui travaillait dans l’industrie du transport. Le membre a été déclaré coupable au criminel et a bénéficié d’une absolution conditionnelle. Le comité de déontologie a accepté que le membre avait agi par altruisme, et non par intérêt personnel. Il n’y avait pas de proposition conjointe et la procédure relative aux sanctions a été contestée. Le comité de déontologie a conclu qu’en l’absence de motifs d’intérêt personnel, la perte d’emploi était une mesure disproportionnée dans les circonstances (documents, p. 391).

[215] Dans la décision Clarke, 2016 DARD 3 (documents, p. 419 à 460), soulignée par le comité (appel, p. 645), le membre avait saisi une glacière contenant des bouteilles de bière dans un véhicule, après avoir donné une contravention, et il était tenu d’éliminer l’alcool qu’elle contenait ou de la déposer en tant que pièce à conviction. Il a plutôt donné la bière à la caserne de pompiers locale, et a fait une fausse déclaration écrite selon laquelle il avait éliminé la bière. L’audience était contradictoire sur les deux allégations et sur les mesures disciplinaires. Le commandant divisionnaire a demandé le congédiement pour abus de confiance relativement à l’usage incorrect des pièces à conviction. Dans la décision Clarke, le RM a établi une distinction entre cette affaire et les affaires présentées par le RAD, étant donné que ces dernières portaient sur des pièces à conviction comme de la cocaïne et d’autres substances, dans lesquelles les membres avaient détourné les articles à des fins personnelles (documents, p. 448). Il existe un contraste frappant entre cette affaire et la situation de l’appelant, en raison de l’absence d’un gain personnel, et de la perception négative reconnue que le public et les intervenants auront à l’égard d’un congédiement dans ces circonstances (documents, p. 458).

[216] Dans la décision Redford (2009), 3 DA (4e) 257 (appel, p. 529), mentionnée par le comité (appel, p. 644), la membre a volontairement accepté une rétrogradation et le transfert, dans le but principal d’avoir une chance de se réhabiliter. La membre ne s’était pas assurée qu’une arme saisie ne contenait pas de cartouches non éclatées. Elle avait par la suite taché son ancien carnet de notes d’une peinture rouge pour simuler la présence de sang et avait commencé un nouveau carnet de notes afin de cacher ses erreurs. L’inconduite pouvait influer sur le procès criminel en cours. Le stress a joué un rôle, mais la décision ne fournit pas de précisions sur la question de savoir si des preuves médicales ou psychologiques avaient été présentées au comité d’arbitrage (documents, p. 246). L’audience quant aux sanctions a porté sur la proposition conjointe de peine avec l’appui du commandant divisionnaire, malgré l’existence de faits qui illustraient une telle inconduite que le comité d’arbitrage a concédé que la membre n’aurait pas à l’avenir une seconde chance.

[217] Dans la décision Beauchesne (2002), 15 DA (3e) 147 (documents, p. 334 à 348), mentionnée par le comité (appel, p. 644), un membre haut gradé ayant 28 années de service a donné de fausses informations à un autre membre en vue d’obtenir un mandat. La sanction qui en a découlé, sur la base d’une proposition commune quant à la peine, consistait en une confiscation de la solde pour une période de dix jours et une réprimande (documents, p. 346). L’inconduite n’était pas motivée par la perspective d’obtenir un avantage personnel et était un incident isolé. Le comité d’arbitrage était convaincu qu’« [i]l apparaît plutôt que [l’inconduite] est une erreur de parcours, une inconduite spontanée et momentanée qui n’est pas le reflet d’un défaut de caractère important » (documents, p. 345).

[218] Dans la décision Pizarro c Canada (PG), 2010 CF 20 (Pizarro) (documents, p. 1278), le membre a pratiquement eu la même inconduite, qui a consisté à présenter une demanded’indemnisation frauduleuse relativement à un accident d’automobile. Ses actes ont donné lieu à une déclaration de culpabilité d’une infraction au Code criminel, après qu’il a plaidé coupable. Le comité d’arbitrage a initialement ordonné son congédiement après la présentation d’un ECF et une audience contradictoire portant sur la peine compte tenu du fait que la preuve d’expert n’était pas suffisante pour établir l’existence d’un lien de cause à effet entre son état mental et l’inconduite. Le membre a interjeté appel auprès du commissaire, qui a rejeté l’appel. Le membre a par la suite présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Après avoir insisté sur la preuve d’expert, la Cour fédérale a conclu à l’existence d’une preuve solide d’un lien de cause à effet présentée par la psychologue qui avait témoigné devant le comité d’arbitrage, lequel avait renvoyé l’affaire (documents, p. 1291, 1298 et 1299). Sur la base d’une proposition conjointe, un comité d’arbitrage différemment constitué (Pizarro (2010), 7 DA 4e 101), mentionné par ce comité (appel, p. 644), a reconnu l’existence d’un lien de causalité, a accepté la peine proposée conjointement et a ordonné une confiscation de la solde pour une période de dix jours au lieu d’un congédiement.

[219] Je conclus qu’il y a lieu d’établir une distinction entre l’affaire Pizarro et la présente affaire sur la base du témoignage d’expert présenté à l’appui du membre à l’audience quant à la peine, au cours de laquelle les psychologues ont été qualifiés d’experts, ont donné une opinion d’expert qui a étayé l’existence d’un lien de causalité avec l’inconduite du membre découlant du « passage à l’acte » en raison de l’anxiété, et a réassuré le comité d’arbitrage que, comme il était guéri, il était tout à fait improbable qu’il fasse une rechute et se rende coupable à nouveau d’une inconduite. (documents, p. 1255 et 1256).

[220] À mon avis, les facteurs distinctifs des affaires qui ont été présentées au comité limitent leur application. Il s’ensuit que le comité était justifié de procéder à une évaluation minutieuse quant à leur valeur d’information.

L’appelant n’a jamais fait l’objet d’une condamnation au « criminel »

[221] L’appelant soutient que le Comité a commis une erreur en concluant qu’il avait fait l’objet d’une condamnation au criminel, ce qui « est une indication de la gravité de l’inconduite », étant donné que l’appelant n’a pas de casier judiciaire, car il a été déclaré coupable d’une infraction réglementaire provinciale (appel, p. 300 et 301).

[222] L’intimé concède que le comité a déclaré à tort que l’appelant avait été condamné au criminel, mais ajoute que le comité connaissait les éléments de l’inconduite en général et la qualification erronée [TRADUCTION] « n’a pas eu de conséquences importantes sur l’examen des actes de l’appelant par le comité » (appel, p. 1323).

[223] Dans sa réplique, l’appelant exprime son désaccord avec l’intimé relativement aux effets de l’erreur. L’appelant soutient que la déclaration de culpabilité au criminel a été considérée comme un facteur aggravant en soi et qu’il n’existe aucune mention de la nature réglementaire de l’infraction pour laquelle l’appelant a plaidé coupable. À son avis, le comité ne savait pas que l’appelant n’avait pas été condamné au criminel (appel, p. 1426).

[224] Je souscris à la conclusion suivante du CEE (rapport, par. 110) :

[TRADUCTION]

[110] Je suis d’accord avec l’appelant pour dire que le comité a commis une erreur en qualifiant de condamnation au criminel, la condamnation d’une cour provinciale. Toutefois, à mon avis, bien qu’il s’agisse d’un choix de mots incorrect, c’est une erreur compréhensible dans les circonstances qui n’était pas du tout déterminante à l’égard de la décision du comité. Premièrement, les parties elles-mêmes ont utilisé l’expression « condamnation au criminel/affaire criminelle » dans leurs observations lors de l’audience relative aux mesures disciplinaires (documents, pages 1523, 1551 et 1558). L’appelant a été accusé au criminel, mais le chef d’accusation a été abandonné, parce qu’il a plaidé coupable à une infraction réglementaire. Deuxièmement, l’appelant a été en réalité reconnu coupable d’une infraction pénale à l’Insurance (Vehicle) Act de la C.-B., pour laquelle une peine d’emprisonnement aurait pu être imposée. À mon avis, même s’il ne s’agit pas d’une condamnation criminelle, l’infraction sous-jacente est de nature pénale. Lorsqu’elle est interprétée dans son ensemble, la décision montre que le comité était au courant de la nature de la condamnation. En outre, au cours de l’audience, le comité a examiné la question de savoir si l’infraction réglementaire pourrait empêcher qu’une accusation fondée sur le Code criminel soit portée, parce qu’elle pourrait constituer un double péril, ce qui démontre que le comité était conscient de la nature pénale et réglementaire de l’infraction (documents, page 1523).

[225] Par souci d’exhaustivité, voici l’échange de notes qui a eu lieu sur ce dernier point (documents, p. 1522 et 1523) :

[TRADUCTION]

[M.] D’accord. Eh bien, je pense que mon inquiétude est qu’elle devrait, ce qu’elle essaye de, ce que mon amie laisse entendre, c’est que le gendarme Vellani a commis une infraction au Code criminel et qu’il devrait donc être traité en conséquence.

Cependant, il n’y a pas de condamnation au dossier, et il n’a jamais comparu au tribunal. Il n’existe pas de preuve pour étayer cela. Elle transpose les faits, selon sa propre interprétation, au Code, et ce n’est pas son rôle.

[Comité] D’accord. Ce qui me pose problème, c’est qu’il a été accusé de fraude. Ça ne s’appelle pas simplement comme ça. C’était une loi provinciale. Le dépôt de cette accusation en vertu de la loi provinciale, empêche-t-il d’intenter des poursuites en vertu du Code criminel? Ne s’agirait-il pas d’un double péril?

[226] Je suis donc convaincu que le comité a bien compris la nature de la condamnation qui a découlé de l’instance devant la cour provinciale. Comme l’a souligné la Cour fédérale dans la décision Laroche c Canada (PG), 2013 CF 797, au paragraphe 62, « [l]a perfection n’est pas de ce monde et on ne la recherchera pas dans les motifs d’une décision ».

[227] En résumé, l’application de la norme de la décision manifestement déraisonnable signifie qu’il faut faire preuve d’une grande retenue à l’égard du comité sur la question des mesures disciplinaires appropriées. Bien que la décision ne soit pas parfaite, je conclus que l’appelant n’a pas établi que le comité a commis des erreurs manifestes et déterminantes. Le comité a agi dans les limites de sa compétence, et après avoir entendu et apprécié la preuve directement, et après délibérations, il a rendu d’abord une décision oralement et, près de sept mois plus tard, il a rendu une décision par écrit, qui est justifiable, transparente et intelligible. Je suis convaincu que le comité a déterminé l’éventail des mesures appropriées, qu’il a examiné les facteurs atténuants et les facteurs aggravants et qu’il a ordonné une sanction qui n’est pas manifestement déraisonnable dans les circonstances.

DÉCISION

[228] Par conséquent, l’appel est rejeté et les mesures disciplinaires imposées par le comité sont confirmées.

[229] Si l’appelant ne souscrit pas à ma décision, il peut saisir la Cour fédérale en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

 

 

Steven Dunn

Arbitre

 

Date

 

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