Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant faisait face à deux allégations en vertu de l’article 4.6 (mauvaise utilisation des systèmes de gestion de l’information/technologie de l’information de la Gendarmerie royale du Canada [GRC]) et à deux allégations en vertu de l’article 7.1 (conduite déshonorante) du code de déontologie de la GRC pour avoir accédé sans autorisation aux bases de données de la Gendarmerie afin d’obtenir le numéro de téléphone de deux membres du public de sexe féminin pour des raisons non liées à l’exercice de ses fonctions. L’appelant a ensuite utilisé ces renseignements pour entrer en contact avec les deux femmes, dont l’une était mineure et était plaignante dans une enquête sur une agression sexuelle.

L’appelant a admis trois des quatre allégations. Un comité de déontologie (le Comité) a conclu que les quatre allégations étaient fondées et a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié. L’appelant a interjeté appel de cette décision.

En appel, l’appelant a fait valoir que l’autorité disciplinaire et le Comité avaient contrevenu aux principes pertinents d’équité procédurale en ne respectant pas la politique, et que la décision du Comité était manifestement déraisonnable, car il avait mal interprété certains comportements et n’avait pas tenu compte de faits pertinents lorsqu’il avait conclu que les allégations étaient fondées. L’appelant a également contesté une décision antérieure du Comité rejetant sa requête de sursis de l’instance pour abus de procédure. En ce qui concerne les mesures disciplinaires, l’appelant a fait valoir que la décision était manifestement déraisonnable puisque le Comité n’avait pas tenu compte de certaines circonstances atténuantes, avait accordé trop d’importance à certaines circonstances aggravantes et avait omis d’envisager des mesures autres que le congédiement, et que le congédiement n’était finalement pas la mesure disciplinaire à retenir.

L’appel a été renvoyé au Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour examen. Le CEE a conclu que l’autorité disciplinaire et le Comité n’avaient pas contrevenu aux principes pertinents d’équité procédurale et que la décision du Comité n’était pas manifestement déraisonnable.

Un arbitre a conclu que la décision du Comité était étayée par le dossier et que le Comité n’avait pas commis d’erreur manifeste et déterminante en refusant la requête de sursis de l’instance, en jugeant du bien-fondé des allégations et, finalement, en déterminant que le congédiement était une mesure disciplinaire proportionnelle. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier : 20173351284 (C-045)

2021 DAD 19

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE D’UN

appel d’une décision d’un comité de déontologie au titre du paragraphe 45.11(1) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10

ENTRE :

Gendarme Brian Eden

Matricule no 56773

(Appelant)

et

Commandant de la Division E

Gendarmerie royale du Canada.

(Intimée)

(les parties)

DÉCISION D’APPEL EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE

ARBITRE : Steven Dunn

DATE : Le 3 août 2021


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 3

INTRODUCTION 5

CONTEXTE 6

INSTANCE DISCIPLINAIRE 6

PROCÉDURE D’APPEL 27

Mémoire d’appel de l’appelant 28

Mémoire d’appel de l’intimée 33

Mémoire de réfutation de l’appelant 36

COMITÉ D’EXAMEN EXTERNE 37

ANALYSE 39

Questions préliminaires 39

Respect des délais 39

Recevabilité des nouvelles pièces déposées en appel 39

Cadre législatif et norme de contrôle 43

Bien-fondé 46

a) La décision du Comité de refuser la requête était-elle manifestement déraisonnable? 46

b) Le Comité et l’autorité disciplinaire ont-ils contrevenu aux principes pertinents d’équité procédurale? 51

c) Les conclusions du Comité quant aux allégations étaient-elles manifestement déraisonnables? 55

d) La mesure disciplinaire imposée était-elle manifestement déraisonnable? 62

DÉCISION 77

 

SOMMAIRE

L’appelant faisait face à deux allégations en vertu de l’article 4.6 (mauvaise utilisation des systèmes de gestion de l’information/technologie de l’information de la Gendarmerie royale du Canada [GRC]) et à deux allégations en vertu de l’article 7.1 (conduite déshonorante) du code de déontologie de la GRC pour avoir accédé sans autorisation aux bases de données de la Gendarmerie afin d’obtenir le numéro de téléphone de deux membres du public de sexe féminin pour des raisons non liées à l’exercice de ses fonctions. L’appelant a ensuite utilisé ces renseignements pour entrer en contact avec les deux femmes, dont l’une était mineure et était plaignante dans une enquête sur une agression sexuelle.

L’appelant a admis trois des quatre allégations. Un comité de déontologie (le Comité) a conclu que les quatre allégations étaient fondées et a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié. L’appelant a interjeté appel de cette décision.

En appel, l’appelant a fait valoir que l’autorité disciplinaire et le Comité avaient contrevenu aux principes pertinents d’équité procédurale en ne respectant pas la politique, et que la décision du Comité était manifestement déraisonnable, car il avait mal interprété certains comportements et n’avait pas tenu compte de faits pertinents lorsqu’il avait conclu que les allégations étaient fondées. L’appelant a également contesté une décision antérieure du Comité rejetant sa requête de sursis de l’instance pour abus de procédure. En ce qui concerne les mesures disciplinaires, l’appelant a fait valoir que la décision était manifestement déraisonnable puisque le Comité n’avait pas tenu compte de certaines circonstances atténuantes, avait accordé trop d’importance à certaines circonstances aggravantes et avait omis d’envisager des mesures autres que le congédiement, et que le congédiement n’était finalement pas la mesure disciplinaire à retenir.

L’appel a été renvoyé au Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour examen. Le CEE a conclu que l’autorité disciplinaire et le Comité n’avaient pas contrevenu aux principes pertinents d’équité procédurale et que la décision du Comité n’était pas manifestement déraisonnable.

Un arbitre a conclu que la décision du Comité était étayée par le dossier et que le Comité n’avait pas commis d’erreur manifeste et déterminante en refusant la requête de sursis de l’instance, en jugeant du bien-fondé des allégations et, finalement, en déterminant que le congédiement était une mesure disciplinaire proportionnelle. L’appel a été rejeté.

INTRODUCTION

[1] Le gendarme (gend.) Brian Eden, matricule 56773 (l’appelant), en appelle des mesures disciplinaires qui lui ont été imposées par un comité de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) (le Comité). Après avoir conclu à l’existence de deux contraventions à l’article 4.6 (mauvaise utilisation des systèmes de gestion de l’information/technologie de l’information de la GRC) et de deux contraventions à l’article 7.1 (conduite déshonorante) du code de déontologie de la GRC (énoncé dans le Règlement sur la Gendarmerie royale du Canada [2014], DORS/2014-281), le Comité a ordonné à l’appelant de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié en application de l’alinéa 45(4)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 (la Loi). L’appelant fait valoir que la décision du Comité a été rendue d’une manière qui contrevient aux principes applicables en matière d’équité procédurale et que les conclusions concernant les allégations et les mesures disciplinaires appropriées étaient manifestement déraisonnables.

[2] La procédure d’appel pour ce type de décision est régie par le paragraphe 45.11(1) de la Loi, qui permet de faire appel d’une décision d’un comité de déontologie auprès de la commissaire (ou de son délégué). Conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi, l’appel a été renvoyé au Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour examen. Dans ses conclusions et recommandations (Dossier du CEE C-2018-006 [C-045]), datées du 6 janvier 2021 (le Rapport), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, a recommandé que l’appel soit rejeté.

[3] La commissaire a le pouvoir, en vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi, de déléguer son pouvoir de rendre des décisions définitives et exécutoires dans le cadre des appels de mesures disciplinaires. J’ai reçu une telle délégation.

[4] Pour rendre cette décision, j’ai examiné l’ensemble du dossier composé des documents présentés au Comité (Éléments matériels) et des documents d’appel (Dossier d’appel) préparés par le Bureau de coordination des griefs et des appels (BCGA). Les renvois aux Éléments matériels et au Dossier d’appel indiquent les numéros de page électronique du document correspondant. Les renvois au Rapport comportent le numéro du paragraphe.

[5] Pour les motifs qui suivent, je suis d’accord avec le CEE et je rejette l’appel.

CONTEXTE

[6] Le CEE a décrit succinctement le contexte factuel (Rapport, paragr. 5) :

[5] L’appelant a accédé à l’information contenue dans les dossiers électroniques de la GRC pour obtenir le numéro de cellulaire de Mme A, une jeune fille de 17 ans qui a déposé une plainte d’agression sexuelle. Il a amorcé un certain nombre d’échanges de messages texte et de photos avec elle et a proposé une rencontre. L’échange a pris fin lorsque les messages texte de Mme A ont laissé entendre des pensées suicidaires et que l’appelant a demandé qu’on lui envoie de l’aide. Dans une série d’événements distincts, l’appelant a accédé à des renseignements contenus dans les dossiers électroniques de la GRC pour obtenir le numéro de téléphone personnel de Mme B après lui avoir remis une contravention pour excès de vitesse. Il lui a envoyé un message texte pour l’inviter à prendre un café et lui a fait part de son intérêt à faire appel à son mari pour des soins d’acupuncture, cela ayant été mentionné lors du contrôle routier.

INSTANCE DISCIPLINAIRE

[7] Le CEE a résumé l’instance disciplinaire (Rapport, paragr. 6-73) :

[6] L’appelant a été suspendu avec solde le 25 février 2015 (Éléments matériels, p. 1090-1092). Le 8 avril 2015, sa cote de fiabilité à la GRC a été suspendue, de sorte qu’il n’avait plus accès sans escorte aux installations de la GRC et que son accès aux systèmes de gestion de l’information/technologie de l’information (GI-TI) de la GRC était limité (Éléments matériels, p. 1094).

[7] L’appelant a été arrêté pour leurre d’enfant, soit Mme A, le 4 mars 2015 et apparemment libéré le jour même. Le Groupe des normes professionnelles du détachement de la GRC de l’appelant a présenté un rapport à la Couronne le 1er avril 2015 et a demandé que des accusations criminelles soient portées. En juin 2015, le sous-procureur régional de la Couronne a fait savoir qu’il n’engagerait pas de poursuites pénales (Éléments matériels, p. 2364).

[8] Le Comité a été constitué le 4 février 2016 (Éléments matériels, p. 1111). L’appelant a reçu un avis d’audience disciplinaire signé par l’autorité disciplinaire le 28 juillet 2016, ainsi que des documents d’enquête connexes le 9 août 2016 (Éléments matériels, p. 1119-1124). L’avis d’audience disciplinaire faisait état de quatre allégations, dont j’expliquerai les détails plus loin dans ce rapport.

[9] Le 18 septembre 2016, le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) a déposé sa liste de témoins en vertu de l’article 18 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 (CC [déontologie]). Après avoir bénéficié de deux prorogations du délai de production, l’appelant a soumis une réponse écrite aux allégations le 19 octobre 2016, comme l’exige le paragraphe 15(3) des CC (déontologie) (Éléments matériels, p. 1161-1164). L’appelant a nié toutes les allégations.

1. Requête de l’appelant pour un sursis de l’instance et décision du Comité concernant la requête

A. Requête et mémoires des parties

[10] Le 5 décembre 2016, le représentant de l’appelant a déposé une requête de sursis de l’instance fondée sur un abus de procédure découlant d’un délai prétendument excessif entre la constitution du Comité et la signification de l’avis d’audience disciplinaire (Éléments matériels, p. 1132-1153). Le RAD a déposé un mémoire en réponse à la requête le 13 décembre 2016 (Éléments matériels, p. 1169-1189). Le représentant de l’appelant a déposé un mémoire de réfutation le 16 décembre 2016 (Éléments matériels, p. 2313-2322).

[11] Les arguments de l’appelant étaient les suivants :

L’autorité disciplinaire n’a pas respecté le paragraphe 43(2) de la Loi sur la GRC en ne signifiant pas à l’appelant l’avis d’audience disciplinaire « dans les meilleurs délais ». Dans son mémoire de réfutation, l’appelant a allégué que le non-respect du paragraphe 43(2) par l’autorité disciplinaire avait entraîné une perte de compétence en la matière;

Le temps écoulé entre la constitution du Comité et la signification de l’avis d’audience disciplinaire à l’appelant était présumément déraisonnable et l’autorité disciplinaire n’avait pas justifié ce délai;

L’appelant a subi un préjudice en raison des préjugés associés aux enquêtes sur le leurre d’enfants et a souffert mentalement, physiquement, émotionnellement et psychologiquement;

Le délai a causé un préjudice irréparable à l’intégrité du régime de déontologie de la GRC;

L’intervention tardive de l’autorité disciplinaire constituait un abus de procédure qui justifiait un sursis de l’instance.

[12] Les arguments du RAD étaient les suivants :

Le paragraphe 43(2) de la Loi sur la GRC a été respecté et le délai était raisonnable compte tenu des circonstances;

Le délai n’a causé aucun préjudice à l’appelant, étant donné l’absence d’éléments de preuve reliant le délai contesté et le prétendu préjudice;

Le délai contesté n’a pas entaché l’intégrité générale du processus de déontologie de la GRC.

Le délai contesté ne constituait pas un abus de procédure justifiant un sursis de l’instance.

B. Décision du Comité concernant la requête

[13] Dans une décision corrigée datée du 3 janvier 2017, le Comité a refusé la requête de l’appelant (Éléments matériels, p. 2362-2381).

[14] Le Comité a déterminé que des modifications importantes à la Loi sur la GRC étaient entrées en vigueur le 28 novembre 2014 et que le nouveau régime disciplinaire promulgué en vertu de la Loi sur la GRC contient une directive précise sur la rapidité avec laquelle un membre doit se voir signifier un avis d’audience disciplinaire et le rapport d’enquête connexe une fois qu’un comité de déontologie a été constitué pour statuer sur l’affaire (Éléments matériels, p. 2368). L’article 43 de la Loi sur la GRC stipule ce qui suit (je souligne) :

(1)Dès qu’il est avisé en vertu du paragraphe 41(1) qu’un membre aurait contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie, l’officier désigné pour l’application de ce paragraphe constitue, sous réserve des règlements, un comité de déontologie composé d’une ou de plusieurs personnes pour décider si le membre y a contrevenu.

(2) Dans les meilleurs délais après avoir constitué le comité de déontologie, l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience signifie au membre en cause un avis écrit l’informant qu’un comité de déontologie décidera s’il y a eu contravention.

[15] Le Comité a examiné les arguments présentés par les deux parties concernant l’interprétation des termes « dans les meilleurs délais » au paragraphe 43(2) de la Loi sur la GRC. Le Comité a adopté une interprétation des termes « dans les meilleurs délais » au paragraphe 43(2) voulant que « l’autorité disciplinaire agisse raisonnablement vite » tout en tenant compte des circonstances de l’espèce (Éléments matériels, p. 2370).

[16] Après avoir examiné certains arguments supplémentaires présentés par les parties, le Comité a appliqué le critère énoncé dans l’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 RCS 307 (Blencoe) pour déterminer si un sursis de l’instance était justifié. En appliquant l’approche Blencoe, le Comité a tenu compte de divers facteurs contextuels, comme la complexité du dossier de l’appelant et le manque de personnel à la Direction des représentants des autorités disciplinaires (DRAD), afin de déterminer si le délai était acceptable. Le Comité a conclu que le délai de six mois avait peu à voir avec la nature du dossier de l’appelant; il était davantage attribuable au manque de personnel à la DRAD en 2015. La DRAD manquait de personnel si l’on tient compte de la quantité de dossiers qu’elle devait traiter au cours de sa première année dans le cadre du nouveau régime de déontologie. La Comité a reconnu qu’aucun membre visé ne devrait subir un délai de six mois, mais a conclu qu’en raison des circonstances particulières, à savoir que le délai était survenu au cours de la première année d’existence de la DARD dans le cadre du nouveau régime de déontologie, il ne saurait constituer un délai inacceptable comme envisagé dans l’approche Blencoe (Éléments matériels, p. 2377). Ensuite, le Comité a examiné si l’appelant avait subi une injustice irréparable à l’audience ou un préjudice personnel important en raison du délai. Le Comité a conclu que le préjudice psychologique subi et les problèmes de santé soulevés par l’appelant dans un affidavit déposé à l’appui de la requête ne pouvaient être directement liés au délai de signification. Le Comité a conclu que les problèmes psychologiques soulevés par l’appelant n’étaient pas assez importants pour atteindre le seuil du « préjudice psychologique important » décrit dans l’arrêt Blencoe. Le Comité a également conclu que le délai n’avait pas causé un préjudice irréparable à l’intégrité du régime de déontologie de la GRC. Le Comité a plutôt conclu que l’intégrité du processus de déontologie de la GRC serait mieux protégée si l’on permettait la tenue d’une audience disciplinaire. Enfin, le Comité a appliqué l’arrêt R. c. O’Connor, [1995] 4 RCS 411 à l’affaire et a conclu qu’un sursis de l’instance n’était pas justifié parce qu’il ne s’agissait pas « en l’espèce de l’un des “cas les plus manifestes” qui justifieraient un arrêt des procédures » afin de réparer le préjudice causé à l’appelant ou au régime de déontologie de la GRC.

2. Autres événements ayant précédé l’audience du Comité

[17] L’audience disciplinaire devait au départ être tenue du 24 au 26 janvier 2017. Le 23 décembre 2016, le représentant de l’appelant a fait savoir qu’il ne représenterait plus l’appelant. Un avocat de pratique privée a confirmé qu’il était le représentant du membre (RM) et a demandé un ajournement de l’audience. Lors d’une conférence préparatoire à l’audience tenue le 16 janvier 2017, un ajournement de l’audience au 28 mars 2017 a été accordé (Éléments matériels, p. 2401).

[18] Le 28 février 2017, le RM a déposé une réponse révisée en vertu du paragraphe 15(3) des CC (déontologie) (Éléments matériels, p. 1579-1583). L’appelant a continué de nier les allégations 1 et 4, mais a admis les allégations 2 et 3.

[19] Le 22 mars 2017, le RM a déposé le rapport et le curriculum vitae (CV) d’un psychologue exprimant des opinions d’expert à l’appui de l’appelant qui seraient utilisées lors de la phase de mesures disciplinaires de l’audience. Le Comité a accepté le rapport d’expert, bien qu’il n’ait pas été déposé conformément à l’exigence relative au dépôt préalable de 30 jours (Éléments matériels, p. 2635) Le RAD a demandé un délai pour préparer une réponse au rapport d’expert et le Comité a proposé un ajournement de l’audience au 24 mai 2017, avec le consentement du RM.

[20] Lors d’une conférence préparatoire à l’audience tenue le 6 avril 2017, la date de l’audience a été reportée au 11 septembre 2017, car le RAD a indiqué qu’il s’attendait à recevoir son rapport d’expert avant la fin du mois de juillet 2017 (Éléments matériels, p. 2654, 2675). Le 3 août 2017, le bureau du RAD a déposé son rapport d’expert psychologue.

[21] Lors d’une conférence préparatoire à l’audience tenue le 5 juillet 2017, les deux parties ont convenu de présenter des observations écrites concernant le bien-fondé des allégations avant l’audience (Éléments matériels, p. 2752). Le RM a alors demandé que l’appelant soit autorisé à témoigner avant que l’on statue sur les allégations. L’appelant témoignerait à nouveau lors de la phase des mesures disciplinaires Toutefois, le 6 septembre 2017, le RM a indiqué qu’il n’était pas nécessaire que l’appelant témoigne avant la phase des mesures disciplinaires (Éléments matériels, p. 2831).

[22] Les observations du RAD sur les allégations ont été déposées le 25 août 2017 (Éléments matériels, p. 2805-2814), la réponse du RM a été déposée le 1er septembre 2017 (Éléments matériels, p. 2828-2830) et la brève réponse du RAD a été déposée le 6 septembre 2017 (Éléments matériels, p. 2845-2846). Les deux parties ont déposé un exposé conjoint des faits auprès du Comité le 7 septembre 2017 (Éléments matériels, p. 2857-2861). J’observe que dans l’exposé conjoint des faits, l’appelant a admis les allégations 1, 2 et 3.

3. Allégations et exposé conjoint des faits

[23] L’appelant faisait face à deux allégations d’utilisation des biens et du matériel fournis par l’État pour des fins et des activités non autorisées, en contravention de l’article 4.6 du code de déontologie, et à deux allégations de conduite déshonorante, en contravention à l’article 7.1 du code de déontologie (Éléments matériels, p. 1121-1124). Les allégations 1 et 2 concernent les gestes posés par l’appelant en relation avec Mme A et les allégations 3 et 4 concernent les gestes posés par l’appelant en relation avec Mme B. Les allégations sont les suivantes (Éléments matériels, p. 1121-1124) :

Allégation 1

Entre le 8 janvier et le 11 février 2015 inclusivement, à Richmond ou dans ses environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] a utilisé des biens et du matériel fournis par l’État pour des fins et des activités non autorisées, en contravention à l’article 4.6 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation 2

Entre le 1er et le 11 février 2015 inclusivement, à Richmond ou dans ses environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] a adopté une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation 3

Le ou vers le 3 février 2015, à Richmond ou dans ses environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] a utilisé des biens et du matériel fournis par l’État pour des fins et des activités non autorisées, en contravention à l’article 4.6 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation 4

Le ou vers le 3 février 2015, à Richmond ou dans ses environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] a adopté une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

[24] Les parties ont convenu de procéder par voie d’exposé conjoint des faits (Éléments matériels, p. 2857-2861). Aux fins du présent rapport, je me reporterai à une version de l’exposé conjoint des faits qui a été expurgée de toute information permettant d’identifier Mme A et Mme B (Éléments matériels, p. 2857-2861) [sic] :

ALLÉGATION 1 [...] [L’appelant] admet cette allégation.

ALLÉGATION 2 [...] [L’appelant] admet cette allégation.

1. À toutes les époques en cause, l’appelant était affecté au Détachement [X] de la Division E.

2. Le 8 janvier 2015 :

a) l’appelant était de service et devait travailler de [6 h] à [18 h];

b) l’appelant a été chargé de contacter [le frère de Mme A] afin de fixer un rendez-vous pour une déclaration audio/vidéo concernant le dossier numéro 2015-[XXX]. L’enquêteur principal dans le dossier numéro 2015-[XXX], une enquête sur une agression sexuelle, était le gendarme [K.L.]. [Nom du frère] était le frère de la victime dans ce dossier, Mme [A];

c) entre 6 h 29 et 6 h 37, l’appelant a accédé au rapport d’événement courant et à toutes les pages de texte associées au dossier numéro 2015-[XXX]. Cet accès lui a permis de voir des renseignements personnels concernant Mme [A], y compris les détails liés à l’enquête sur l’agression sexuelle, sa date de naissance et son numéro de cellulaire personnel;

d) entre 13 h 57 et 14 h 07, l’appelant a accédé au dossier numéro 2015-[XXX];

e) vers 16 h 34, la victime, Mme [A], a appelé le détachement [X] et son appel a été transféré à l’appelant. Mme [A] a fourni des renseignements concernant les hommes impliqués dans le dossier. L’appelant a noté l’information au dossier et a écrit que Mme [A] semblait bouleversée et qu’il lui avait suggéré de communiquer avec le Service aux victimes;

f) entre 16 h 42 et 16 h 56, l’appelant a accédé au dossier numéro 2015-[XXX] et a peu après envoyé un message texte au numéro de cellulaire de Mme [A] disant quelque chose du genre « reste en sécurité et sois prudente ».

g) Mme [A] n’a jamais fourni à l’appelant son numéro de cellulaire personnel.

3) L’appelant n’a été chargé d’aucune autre tâche concernant le dossier numéro 2015-[XXX].

4. Les 18 et 24 janvier 2015, l’appelant a consulté le dossier numéro 2015-[XXX] et a examiné l’événement courant. L’appelant a donc accédé à des renseignements personnels concernant Mme [A].

5. L’appelant savait que Mme [A] avait 17 ans.

6. Le 1er février 2015, l’appelant a, en utilisant son numéro cellulaire personnel [604-XXX-XXXX], initié un échange de messages texte et de photographies inappropriés avec Mme [A]. Vous trouverez, à l’annexe A de cet exposé sommaire des faits, un résumé de l’échange de messages texte entre l’appelant et Mme [A], qui comprend [traduction] :

« Tu travailles demain? »

« J’espère que tout va bien... on devrait se rencontrer pour prendre un café. »

« Tu travailles toujours chez Sears? »

« Désolé de te déranger... continue de sourire... envoie une photo. »

« J’adore la photo de toi souriante, en passant... mm »

« partage une photo mignonne lol. »

« Super, profites-en... J’aimerais voir des photos de toi aussi. »

« J’aime ton look. »

Le membre a envoyé une photographie générique d’un homme (à partir de la taille) en caleçon boxeur et a accompagné l’image du mot « Shhhh ».

« Tu aimes nager ou aller au gym? »

« Génial... j’adore les pantalons de yoga... tu me comprends lol. »

« ou ce qui est en dessous... toutes les formes. »

« Ok bonne nuit... que portes-tu au lit? Un pyjama. »

7. Le 2 février 2015, Mme [A] a communiqué avec son frère, [nom du frère], pour lui demander des conseils, écrivant notamment qu’« un des policiers qui enquêtent sur mon affaire m’a envoyé des textos coquins et m’a demandé des photos, il a envoyé une photo de lui torse nu. Qu’est-ce que je devrais faire? ». Dans l’échange de messages texte avec son frère, Mme [A] mentionne « C’est juste bizarre, il a proposé d’aller prendre un café. J’ai présumé que c’était pour parler de l’affaire, puis il m’a demandé une photo. J’en ai envoyé une où je souriais, puis il a dit “J’aime ton look” et a envoyé une photo de lui torse nu. C’est juste bizarre. »

8. Toujours le 2 février 2015, l’appelant a échangé une série de messages texte avec Mme [A], confirmant qu’il souhaitait la rencontrer pour des raisons personnelles. Lorsque Mme [A] a demandé « Um.. [l’appelant]. Quand vouliez-vous qu’on se rencontre? », l’appelant a répondu « Hmmm je veux te rencontrer mais sans rapport avec les affaires lol. » Puis il a écrit « Probablement un mauvais moment pour toi », « Je suppose que tu n’as pas besoin de rencontrer quelqu’un », « Ok tiens bon.... peut-être que dans 2-3 jours on pourrait aller prendre un café... Je ne t’embêterai pas. », « Merci pour la photo... tu es une belle femme », « À moins que tu me distraies d’une manière ou d’une autre lol ».

9. Entre le 1er et le 11 février 2015, l’appelant a échangé environ 219 messages texte et photos avec Mme [A], y compris des messages texte à connotation sexuelle, une photo de lui-même ainsi qu’une photo générique d’un homme allongé dans un lit avec une couverture recouvrant une érection. En voici un exemple :

- Le 9 février 2015, lorsque Mme [A] a dit qu’elle allait en ville, l’appelant a écrit « Pas d’alcool lol », « Amuse-toi bien » et Mme [A] a répondu qu’il était trop tard, ce à quoi l’appelant a répondu « Agace... prends une belle photo alors », « Ne le dis pas à personne mais tu as de belles lèvres et un joli nez lol », « K bye... la prochaine fois apporte ton uniforme... ou prétends et prends une photo lol. »

- Le 11 février 2015, il a écrit « Quelle est ton origine ethnique? », « Tu as de belles lèvres et de beaux yeux en passant. »

ALLÉGATION 3

[...] [L’appelant] admet cette allégation.

ALLÉGATION 4

[...] [L’appelant] nie que sa conduite ait contrevenu à l’article 7.1 du code de déontologie.

10. Le 3 février 2015, l’appelant était de service, de [16 h] à [3 h.]. Vers 00 h 53, alors qu’il patrouillait avec le gendarme [M. T.], l’appelant a arrêté un véhicule pour excès de vitesse et a collé une contravention à Mme [B].

11. Pendant le contrôle routier, qui a duré environ 27 minutes, Mme [B] a contesté le bien-fondé de la contravention et a, à un certain moment, demandé à l’appelant s’il voulait aller prendre un café, ce qu’il a refusé. L’appelant a demandé à Mme [B] quelle était la profession de son mari, ce à quoi elle a répondu qu’il était acupuncteur. L’appelant a mentionné à Mme [B] qu’il avait des problèmes de dos.

12. Mme [B] n’a pas fourni son numéro de cellulaire personnel à l’appelant ni au gendarme [M. T.].

13. Vers 01 h 59, l’appelant a fermé son quart sur le terminal numérique mobile (depuis son véhicule) et vers 02 h 03, à l’aide du système de gestion des dossiers (depuis le bureau), l’appelant a recherché les événements courants associés aux numéros de dossier 2012-[XXXX] et 2009-[XXXXX] en lien avec Mme [B].

14. L’appelant a eu accès à des renseignements personnels concernant Mme [B], notamment :

- L’objet de la plainte;

- Les numéros de téléphone associés à Mme [B];

- Les renseignements personnels concernant le mari de Mme [B], y compris ses coordonnées professionnelles en tant qu’acupuncteur.

15. Le 3 février 2015, alors qu’il n’était pas de service, et peu après 12 h 30, l’appelant a téléphoné à la résidence de Mme [B] et son employée, Mme [C], a répondu au téléphone. L’appelant s’est identifié comme étant de la GRC, cherchant à communiquer avec Mme [B]. Mme [C] a fourni à l’appelant le numéro de cellulaire de Mme [B].

16. Vers 13 h 31, Mme [B] a reçu un message texte de l’appelant disant : « Bonjour [prénom de Mme B]... c’est [nom de l’appelant]... avec la police... je voulais vous contacter. »

17. Vers 14 h 37 et peu après, Mme [B] et l’appelant ont échangé les messages texte suivants [traduction] :

- Qui est-ce? (Mme [B])

- La contravention pour excès de vitesse d’hier soir? (Appelant)

- De quoi s’agit-il? (Mme [B])

- Vous voulez qu’on se retrouve pour le thé? (Appelant)

- Hey comment avez-vous obtenu mon numéro? (Mme [B])

- J’ai téléphoné chez vous pour vous parler... votre mère m’a donné votre numéro? Désolé de vous avoir dérangé, j’aimerais juste vous rencontrer de nouveau, désolé... Je pensais à l’acupuncture et au fait que vous vouliez aller prendre un café. (Appelant)

- Désolée, je ne pense pas que ce soit approprié de se rencontrer pour un café, mais j’apprécie l’offre. (Mme [B])

[25] En annexe de l’exposé conjoint des faits figurait un résumé des messages texte et des photos échangés entre l’appelant et Mme A (Éléments matériels, p. 2863-2866).

4. Audience du Comité

[26] Le Comité a tenu une audience en personne de deux jours les 11 et 12 septembre 2017. Avec le consentement du RM, le Comité a fait droit à la demande du RAD d’interdire la publication de l’identité de Mme A (Éléments matériels, p. 3014). Le Comité a ordonné que l’identité de Mme A et toute information découlant du processus de déontologie qui servirait à identifier Mme A soient assujetties à une ordonnance de non-publication et ne soient pas publiées, distribuées ou diffusées.

A. Phase des allégations de l’audience du Comité

[27] Lors de la phase des allégations de l’audience, le Comité a d’abord demandé des précisions sur la position de l’appelant à l’égard des allégations. Le Comité a noté que dans sa réponse révisée en vertu du paragraphe 15(3) déposée le 28 février 2017, l’appelant a nié les allégations 1 et 4, mais a admis les allégations 2 et 3. Le Comité a cependant constaté que dans le mémoire du RM sur les allégations déposé le 1er septembre 2017, l’appelant a admis les allégations 1 et 3. Le RM a confirmé que l’appelant admettait l’allégation 1 (Éléments matériels, p. 3009). Je note que le RM n’a pas nié l’admission préalable de l’appelant aux allégations 2 et 3.

[28] Aucun élément de preuve n’a été présenté par les parties au cours de la phase des allégations. Seul l’exposé conjoint des faits reproduit ci-dessus a été pris en compte par le Comité pour déterminer le bien-fondé des allégations.

B. Décision orale du Comité concernant les allégations

[29] Le Comité a conclu que les quatre allégations étaient fondées (Éléments matériels, p. 3023). Le Comité a indiqué que, bien que cette décision soit définitive, il se réservait le droit d’étayer davantage ses conclusions, en plus des justifications fournies oralement lors de l’audience, dans un compte rendu de décision rédigé par le Comité (Éléments matériels, p. 3010). Je discuterai des raisons pour lesquelles le Comité a convenu du bien-fondé de chaque allégation dans mon résumé du compte rendu de décision.

C. Phase des mesures disciplinaires de l’audience du Comité

[30] Le Comité a reçu des éléments de preuve et entendu les observations des deux parties concernant les mesures disciplinaires devant être imposées à l’appelant.

Preuve documentaire pertinente pour les mesures disciplinaires

[31] Le RM a soumis un certain nombre de documents au Comité :

Documentation sur la blessure à l’épaule de l’appelant (pièce 1 du RM) (Éléments matériels, p. 1402-1423);

Commentaires de superviseurs et références morales concernant l’appelant (pièce 2 du RM) (Éléments matériels, p. 1424-1430);

Ensemble de documents contenus dans le dossier (pièce 3 du RM) (Éléments matériels, p. 1432-1780);

Rapport et CV du Dr H, expert psychologue pour l’appelant (pièce 4 du RM-4) (Éléments matériels, p. 1781-1860).

[32] Le RAD a soumis un certain nombre de documents au Comité :

Rapport et CV du Dr S, expert psychologue pour le RAD (pièce 4 du RAD) (Éléments matériels, p. 1264-1320);

Documents sur le rendement de l’appelant (pièce 5 du RAD) (Éléments matériels, p. 1321-1344);

Réprimande informelle à l’endroit de l’appelant pour l’utilisation d’une force excessive contre son ex-conjointe, datée du 17 avril 2012 (pièce 6 du RAD) (Éléments matériels, p. 2905-2918).

Témoignage de l’appelant

[33] Le RM a appelé l’appelant à témoigner (Éléments matériels, p. 3037-3130). L’appelant a fourni un témoignage expliquant les gestes posés relativement aux allégations 2 et 4, ainsi qu’un témoignage plus général concernant sa situation personnelle.

Témoignage sur l’allégation 2

[34] L’appelant a déclaré que le 8 janvier 2015, le jour où il a parlé pour la première fois à Mme A au téléphone, il avait lu le dossier d’enquête de Mme A et savait qu’elle avait 17 ans et qu’elle était victime ou plaignante dans une affaire d’agression sexuelle (Éléments matériels, p. 3043). L’appelant a admis avoir été âgé de 40 ans lorsqu’il a contacté Mme A, mais il a déclaré qu’il ne cherchait pas à avoir une relation avec elle (Éléments matériels, p. 3095). L’appelant a expliqué que les premiers messages texte qu’il a envoyés à Mme A visaient au départ à assurer un suivi et à vérifier qu’elle allait bien (Éléments matériels, p. 3047). L’appelant a admis avoir soulevé l’idée de prendre un café avec Mme A, mais il a déclaré qu’il s’agissait d’un « geste amical » et qu’il n’avait « aucune intention de la rencontrer » (Éléments matériels, p. 095).

[35] Cependant, l’appelant a admis que les messages texte avec Mme A étaient devenus inappropriés et qu’il avait honte de son comportement (Éléments matériels, p. 3047). L’appelant a déclaré qu’il était « dégoûté et embarrassé » par le contenu des messages texte échangés avec Mme A entre le 1er et le 11 février 2015 (Éléments matériels, p. 3045-3046). L’appelant a admis qu’il aurait pu cesser d’envoyer des messages texte à Mme A (Éléments matériels, p. 3046) pendant cette période, reconnaissant que ces messages étaient inappropriés, mais il a continué de le faire parce qu’il était « excité » par l’échange (Éléments matériels, p. 3047).

Témoignage sur l’allégation 4

[36] L’appelant a déclaré avoir contacté Mme B sur son cellulaire personnel après le contrôle routier parce qu’il était intéressé à la rencontrer pour un « café entre amis » (Éléments matériels, p. 3041-3042). Lors du contrôle routier, Mme B avait dit à l’appelant que son mari était acupuncteur, et l’appelant avait alors des douleurs à l’épaule. L’appelant a déclaré qu’il n’avait aucun intérêt romantique pour Mme B et que son intérêt pour l’acupuncture était la principale raison de son appel (Éléments matériels, p. 3109).

[37] L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas rencontré Mme B pour prendre un café parce qu’elle avait dit que c’était inapproprié. L’appelant a admis que cette rencontre était inappropriée parce qu’il n’y avait là aucune raison professionnelle. L’appelant a admis qu’il avait eu tort d’accéder à la base de données de la GRC afin d’obtenir le numéro de téléphone de Mme B et de la contacter pour des raisons personnelles (Éléments matériels, p. 3043).

Témoignage concernant la situation personnelle de l’appelant

[38] L’appelant a décrit les événements qui se déroulaient dans sa vie personnelle en janvier et février 2015, au moment de l’inconduite (Éléments matériels, p. 3037-3041). Il subissait des pressions financières et émotionnelles et souffrait d’une faible estime de soi à la suite de sa séparation de son ex-épouse en 2011. Il ressentait des douleurs dues à une blessure à l’épaule survenue en janvier 2014. L’appelant avait alors des difficultés dans sa relation avec son épouse actuelle, Mme G. L’appelant a déclaré qu’il était déprimé en raison de ses problèmes personnels et aussi parce qu’il avait été affecté à des tâches restreintes en janvier 2015 après avoir signalé sa blessure à l’épaule (Éléments matériels, p. 3040, 3041, 3080).

[39] L’appelant a expliqué comment il est devenu le patient du Dr H. En 2010, l’appelant a fait l’objet d’une enquête pour violence conjugale à l’égard de son ex-épouse. L’enquête interne a abouti à une réprimande écrite à l’endroit de l’appelant. L’appelant a fait appel aux services psychologiques du Dr A (Éléments matériels, p. 3078). En mars 2015, alors que l’appelant faisait l’objet d’une enquête pour la présente affaire et qu’il avait été suspendu, il a sollicité les services du Dr H, un psychologue qui était associé au cabinet du Dr A (Éléments matériels, p. 3085, 3124).

[40] L’appelant a été interrogé au sujet de son implication dans un incident ayant entraîné le licenciement de Mme G suite à une utilisation inappropriée des systèmes de technologie de l’information (TI) de la GRC. Mme G, l’épouse actuelle de l’appelant, était répartitrice à la GRC avant cet incident. L’appelant et Mme G avaient tous deux eu des communications personnelles sur un « babillard électronique ouvert » de la GRC que d’autres employés de la GRC pouvaient consulter (Éléments matériels, p. 3121). En raison de cette utilisation inappropriée des systèmes informatiques de la GRC, Mme G a perdu son emploi et l’appelant a reçu un avertissement de son superviseur concernant la mauvaise utilisation des systèmes informatiques de la GRC (Éléments matériels, p. 3113-3114).

[41] L’appelant a déclaré qu’il était devenu membre de la GRC en 2008 et qu’il aimait son travail. Il a fait référence à la pièce 2 du RM, un document qu’il avait préparé et qui contenait des déclarations de collègues, de superviseurs et d’un membre du public remerciant et félicitant l’appelant pour son travail (Éléments matériels, p. 3061-3066). L’appelant a parlé de son engagement dans le bénévolat, tant dans des écoles que dans d’autres contextes (Éléments matériels, p. 3059-3061). L’appelant a déclaré qu’il serait en mesure de servir de nouveau sa communauté en tant que membre de la GRC s’il suivait un traitement relatif à son comportement afin qu’il ne « dépasse pas les limites » (Éléments matériels, p. 3058-3059).

Témoignage du Dr H, expert pour l’appelant

[42] Le Dr H était l’expert psychologue de l’appelant. Avant l’audience, le Comité a déterminé que le rapport du Dr H serait traité comme son témoignage d’expert direct, sur lequel il serait contre-interrogé par le RAD (Dossier d’appel, p. 26). Les parties ont accepté que le Comité qualifie le Dr H d’expert en psychologie. Le Dr H a reçu le rapport de l’expert du RAD avant son témoignage.

[43] Le Dr H était le thérapeute de l’appelant lorsque le RM lui a demandé de procéder à une évaluation psychologique de l’appelant aux fins de l’audience (Éléments matériels, p. 3136-3138). L’appelant a vu le Dr H à six reprises en 2015, une fois en 2016, et enfin le 7 mars 2017 (Éléments matériels, p. 1792-1797). Le Dr H a témoigné qu’il avait au départ hésité à faire l’évaluation de l’état psychologique de l’appelant de janvier à février 2015 parce qu’il était également son thérapeute (Éléments matériels, p. 3136). Le Dr H a expliqué qu’un thérapeute ne devrait pas évaluer l’état psychologique d’un de ses patients étant donné le risque de préjugé favorable pour le patient qui pourrait alors se refléter dans l’évaluation. Le Dr H se souciait du fait que son rôle en tant que thérapeute de l’appelant puisse nuire à l’objectivité de l’évaluation de l’appelant (Éléments matériels, p. 3138, 3139). Malgré le conflit d’intérêts, le Dr H a accepté d’évaluer l’état psychologique de l’appelant.

[44] Le Dr H a expliqué que bien qu’il était le thérapeute de l’appelant depuis mars 2015, il n’avait reçu une copie des messages texte et des photos échangés entre l’appelant et Mme A que le 3 mars 2017. Le RM lui avait envoyé ces documents comme suite à la demande d’effectuer une évaluation psychologique de l’appelant (Éléments matériels, p. 1797). Après avoir lu les messages texte et visionné les photos, le Dr H a indiqué qu’il était préoccupé par le fait que l’appelant puisse être un « prédateur en série » (Éléments matériels, p. 3157). Le Dr H a confirmé au Comité que, malgré sa crainte d’un conflit d’intérêts, il avait accepté de rédiger le rapport psychologique de l’appelant parce qu’il voulait « aider la Cour » dans la présente affaire (Éléments matériels, p. 3157).

[45] Le Dr H a témoigné qu’en janvier et février 2015, l’appelant souffrait d’un trouble dépressif persistant (TDP), une dépression de faible intensité, qui avait eu une incidence sur son jugement moral au moment de l’inconduite (Éléments matériels, p. 3166). Le Dr H a témoigné qu’il se peut que l’appelant ait souffert de TDP dès 2006. Le Comité a demandé au Dr H si le TDP avait, selon lui, causé l’inconduite de l’appelant. Le Dr H a expliqué que le TDP avait eu un impact majeur sur l’appelant en réduisant sa tolérance au stress et que la méthode employée par ce dernier pour faire face au stress consistait à rechercher la compagnie d’une femme. Le Dr H était d’avis que si l’appelant n’avait pas été stressé au moment de l’inconduite, il n’aurait pas agi « de façon aussi grave » (Éléments matériels, p. 3171-3172). Le Dr H était d’avis que l’appelant avait un potentiel de réadaptation et qu’une thérapie l’aiderait (Éléments matériels, p. 3167).

Témoignage du Dr S, expert pour le RAD

[46] Avant l’audience, le Comité a déterminé que le rapport du Dr S, daté du 30 juillet 2017, serait traité comme un témoignage d’expert direct, sur lequel il serait contre-interrogé par le RM. Les parties ont accepté que le Comité qualifie le Dr S d’expert en psychologie.

[47] Le Dr S a rencontré l’appelant le 23 juin 2017 afin d’effectuer une évaluation rétroactive de son état psychologique en janvier et février 2015. Le Dr S était d’avis qu’au moment de l’inconduite, l’appelant avait peut-être éprouvé une baisse d’humeur, mais qu’il ne souffrait pas de TDP (Éléments matériels, p. 3181, 3205, 3206). Les circonstances de vie de l’appelant au début de 2015, telles que sa blessure à l’épaule et ses problèmes conjugaux, avaient probablement contribué à la mauvaise humeur passagère de celui-ci.

[48] Le Dr S a déclaré que même si l’on acceptait que l’appelant souffrait de TDP au moment de son inconduite, il y avait peu de raisons de croire que les symptômes étaient suffisamment graves pour causer l’inconduite de l’appelant ou y contribuer. Le Dr S ne considérait pas le TDP comme une affection qui altère nécessairement le jugement (Éléments matériels, p. 3201). Le Dr S n’a pas considéré que le jugement de l’appelant était altéré de janvier à février 2015, car durant cette même période, l’appelant avait eu un bon rendement au travail et avait été capable de faire preuve d’un bon jugement. Le Dr S était également d’avis que l’appelant ne présentait pas, au début de 2015, d’autres troubles psychologiques pouvant être diagnostiqués qui auraient contribué à son inconduite.

[49] Le Dr S a expliqué que les traits de personnalité de longue date de l’appelant constituaient une meilleure explication de son inconduite (Éléments matériels, p. 3199-3200). Bien que le Dr S était d’accord avec la recommandation du Dr H selon laquelle l’appelant bénéficierait d’une thérapie, il était moins optimiste que le Dr H quant à la possibilité pour l’appelant de changer son comportement grâce à une thérapie (Éléments matériels, p. 3189).

Observations finales du RAD

[50] Dans ses observations verbales, le RAD a commenté la nature et les circonstances de l’inconduite. Le RAD a fait valoir l’existence des circonstances aggravantes suivantes (Éléments matériels, p. 3100-3101, 3243-3269) :

La conduite déshonorante était un abus de confiance, car l’appelant a utilisé des renseignements qu’il avait obtenus dans l’exercice de ses fonctions de policier pour chercher à développer deux relations personnelles;

L’inconduite n’était pas spontanée et n’impliquait pas une seule erreur de jugement. Il s’agissait de deux personnes différentes et l’appelant avait eu plusieurs occasions de mettre fin à son inconduite;

L’appelant a fait l’objet d’une mesure disciplinaire informelle en 2011 pour un autre type d’inconduite, soit l’utilisation d’une force excessive à l’égard de son ex-conjointe lors d’une dispute conjugale;

L’échange de messages texte avec Mme A n’a pris fin que lorsque cette dernière a commencé à exprimer des pensées suicidaires et que l’appelant a été contraint d’appeler la GRC pour obtenir de l’aide et de donner son nom;

L’inconduite s’est produite après que l’épouse actuelle de l’appelant ait perdu son emploi civil à la GRC à la suite de son utilisation inappropriée d’un système de communication interne de la GRC pour échanger des messages avec l’appelant;

Dans son témoignage, l’appelant n’a pas reconnu les graves conséquences que son inconduite aurait pu avoir sur Mme A, il a minimisé la nature de ses actes en laissant entendre que certains des premiers messages texte avaient été envoyés parce qu’il s’inquiétait du bien-être de Mme A et il a nié qu’il cherchait à établir une relation personnelle, malgré la conclusion raisonnable que l’on pouvait tirer des messages texte;

Les messages texte que l’appelant a envoyés à Mme A étaient sexuellement suggestifs et exploitants.

[51] Le RAD a ensuite expliqué pourquoi certains facteurs n’atténuaient pas l’inconduite :

Bien que les aveux de l’appelant aient un caractère atténuant, celui-ci n’a pas collaboré à l’enquête dès le début et il n’a pas immédiatement accepté la responsabilité de ses actes;

Bien que l’appelant ait fourni des références attestant de ses bons états de service et des exemples de bénévolat, les personnes concernées n’ont pas été informées des allégations d’inconduite dont il faisait l’objet.

[51] Le RAD a également noté que l’appelant n’avait pas cherché à obtenir un traitement immédiat pour les problèmes psychologiques qu’il aurait éprouvés au moment où l’inconduite s’est produite (Éléments matériels, p. 3256).

[52] Le RAD s’est reporté au critère de congédiement dans l’arrêt Ennis c. Canadian Imperial Bank of Commerce, 1986 CanLII 1208 (Ennis) pour expliquer que le congédiement est justifié lorsque le comportement de l’employé démontre qu’il refuse de respecter le contrat de travail ou l’une de ses conditions essentielles. Le RAD a expliqué qu’en tant que policier, l’appelant était en position de confiance et qu’il avait trahi cette confiance en accédant à la base de données de la GRC pour des motifs non liés à l’exercice de ses fonctions. Plus grave encore, il avait abusé de la confiance en tentant de développer une relation à la fois avec Mme A, une personne vulnérable, et avec Mme B.

[53] Le RAD s’est reporté à la décision du comité de déontologie dans l’arrêt Commandant de la Division E c. Gendarme [FV], 2017 RCAD 3 (FV) (Éléments matériels, p. 2974-2998) pour expliquer l’importance d’établir un lien de causalité lors de l’examen de l’impact de l’état psychologique d’un membre sur son inconduite. Dans l’arrêt FV, le Comité a conclu qu’aucun lien de causalité entre l’état psychologique du membre et son inconduite n’avait été établi. Par conséquent, le Comité n’a pas accepté l’état psychologique du membre comme étant une circonstance atténuante. Le RAD a déclaré que, compte tenu des témoignages du Dr S et du Dr H concernant la causalité, aucun lien de causalité entre l’état psychologique de l’appelant et l’inconduite n’a été établi (Éléments matériels, p. 3260).

[54] Le RAD a conclu que, compte tenu des caractéristiques essentielles de l’inconduite, de l’abus de confiance et du langage sexuellement exploitant utilisé dans les communications avec une mineure, le maintien de l’emploi de l’appelant à la GRC choquerait la conscience publique (Éléments matériels, p. 3269).

Observations finales du RM

[56] Les observations finales du RM ont été complétées par un mémoire sur la sanction qui reflétait le contenu des observations verbales (Éléments matériels, p. 2194-2209, 3273-3337). Le RM a fait valoir que les circonstances atténuantes suivantes étaient présentes dans cette affaire (Éléments matériels, p. 3276) : L’existence de circonstances personnelles et d’un handicap au moment de l’inconduite qui ont influencé le jugement moral déficient de l’appelant;

La probabilité de réhabilitation et le faible risque de récidive de l’inconduite si l’appelant s’engageait à suivre le traitement psychologique recommandé. (Je décris ci-dessous ce traitement recommandé proposé par le RM);

La courte période pendant laquelle l’inconduite a eu lieu;

Les bons états de service de l’appelant et son dévouement à l’égard de son travail;

La reconnaissance par l’appelant de la gravité de l’inconduite et le fait qu’il ait exprimé vouloir être réhabilité;

Le délai important survenu avant que l’autorité disciplinaire donne suite aux allégations et les deux ans et demi correspondants pendant lesquels l’appelant n’était pas de service.

[57] Le RM a fait valoir que la sanction appropriée pour les allégations 1, 3 et 4 était une réprimande. Le RM a noté qu’il n’a pas pu trouver de cas d’inconduite à la GRC avec des circonstances similaires à celles de l’allégation 2 (Éléments matériels, p. 2198). Le RM a soulevé des décisions disciplinaires professionnelles pour des enseignants et des médecins qui impliquaient un comportement inapproprié de nature sexuelle envers un mineur ou un membre du public (Éléments matériels, p. 2198-2199). De l’avis du RM, les affaires qu’il a soulevées portaient sur des fautes plus graves encore qu’en l’espèce. Toutefois, les sanctions imposées par les organes disciplinaires professionnels étaient des suspensions assorties d’un counseling professionnel (Éléments matériels, p. 2199).

[58] Le RM a proposé la sanction suivante pour l’allégation 2 (Éléments matériels, p. 2200, 3297-3298) : que les fonctions de l’appelant soient restreintes pendant une période de 12 mois. Au cours de la période de 12 mois, l’appelant suivrait un traitement psychologique et, à la fin de la période, l’appelant fournirait deux rapports d’expertise au Comité, l’un de son psychologue traitant et l’autre d’un évaluateur médical indépendant. Si, après avoir examiné les deux rapports, le Comité déterminait qu’il n’était pas approprié pour l’appelant de retourner au travail, le Comité entendrait alors d’autres observations de l’appelant et du RAD quant à la mesure disciplinaire qui s’imposerait alors.

[59] Le RM a reconnu le critère de licenciement mentionné dans Ennis, mais a soutenu que cet arrêt n’était « pas une bonne loi » en raison de la suggestion faite dans la décision que certains types d’inconduite, en particulier la malhonnêteté, justifiaient un licenciement automatique (Éléments matériels, p. 3326). Le RM a déclaré qu’Ennis a été remplacé par McKinley c. BC Tel, 2001 RCS 38 (CanLII), qui soutient qu’une approche contextuelle doit être adoptée pour déterminer si l’inconduite justifie le congédiement (Éléments matériels, p. 3326, 3327). Le RM a fait valoir que la présente affaire se distinguait de FV parce que, dans cet arrêt, le Comité n’avait pas conclu en l’existence de facteurs tels que la dépression et l’anxiété et avait conclu que ces facteurs n’avaient eu aucune incidence sur la capacité du membre de gérer le stress. Le RM était d’avis que, en l’espèce, il y avait existence de certains facteurs de stress qui avaient altéré le jugement de l’appelant au moment de l’inconduite.

Réfutation du RAD

[60] Le RAD a déclaré que l’objectif du processus de déontologie est la résolution équitable et rapide des questions d’inconduite et que la sanction proposée par le RM n’était pas compatible avec cet objectif. Le RAD a reconnu que le RM avait soulevé la question de l’invalidité comme circonstance atténuante, mais a fait remarquer que l’appelant n’avait pas informé la Gendarmerie de ses problèmes psychologiques et qu’il n’avait pas demandé l’aide de la Gendarmerie. Comme la Gendarmerie n’a pas été mise au courant de l’invalidité de l’appelant, le RAD a expliqué que l’obligation d’adaptation dans cette affaire ne s’appliquait pas (Éléments matériels, p. 3343). Enfin, le RAD a noté que les affaires mentionnées par le RM concernant divers abus de confiance dans d’autres disciplines professionnelles différaient de la présente affaire du fait qu’elles concernaient des médecins et des enseignants, qui n’ont pas le même pouvoir et la même autorité sur les membres du public que les policiers.

5. Compte rendu de décision du Comité

[61] Le Comité a rendu sa décision écrite le 8 novembre 2017 (Dossier d’appel, p. 8-38).

A. Conclusions du Comité quant aux allégations

[61] Le Comité a conclu que toutes les allégations étaient fondées.

Allégation 1

  • [61] Le Comité a conclu que l’appelant avait contrevenu à l’article 4.6 du code de déontologie en accédant à des fichiers électroniques à des fins non autorisées les 8, 18 et 24 janvier 2015 (Dossier d’appel, p. 20-21). Le premier accès non autorisé du 8 janvier 2015 a permis à l’appelant de consulter des renseignements personnels concernant Mme A, notamment les détails d’une enquête sur une agression sexuelle, sa date de naissance et son numéro de cellulaire personnel. Les accès multiples aux fichiers électroniques par l’appelant les 18 et 24 janvier 2015 n’étaient pas autorisés puisqu’aucune tâche d’enquête ne lui avait été assignée dans le dossier de Mme A, si ce n’est celle, assignée le 8 janvier 2015, de contacter le frère de Mme A pour fixer un rendez-vous pour une déclaration de témoin.

Allégation 3

[64] Le Comité a conclu que l’appelant avait contrevenu à l’article 4.6 du code de déontologie lorsqu’il a obtenu le numéro de téléphone de Mme B en accédant à un dossier d’événement courant concernant Mme B, une automobiliste qu’il avait arrêtée pour une infraction au code de la route. L’appelant a ensuite utilisé ce numéro pour passer un appel téléphonique auquel a répondu l’employée de Mme B, qui a à son tour fourni à l’appelant le numéro de cellulaire de Mme B (Dossier d’appel, p. 21). Il y a eu contravention à l’article 4.6 parce que l’accès au dossier d’événement courant n’était pas autorisé, les recherches effectuées par l’appelant n’étant pas liées à l’exercice de ses fonctions ou effectuées à des fins autorisées.

Allégation 4

[65] Le Comité a conclu que l’appelant avait contrevenu à l’article 7.1 du code de déontologie lorsqu’il a utilisé le numéro de téléphone qu’il avait obtenu lors de sa recherche non autorisée afin d’appeler à la résidence de Mme B. Le Comité a conclu que l’inconduite de l’appelant, lorsqu’elle est considérée par une personne raisonnable connaissant toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités des services de police en général, et de la GRC en particulier, jetterait le discrédit sur la GRC (Dossier d’appel, p. 22-23). Le Comité a conclu que l’appelant avait eu un comportement déshonorant « en s’identifiant comme [un membre de la GRC] auprès de l’employée de Mme B afin d’obtenir le numéro de cellulaire de cette dernière » (Dossier d’appel, p. 22). Bien que l’appelant ait fait valoir à l’audience qu’il « acceptait l’offre de Mme B d’aller prendre un café », le Comité a conclu que cela ne justifiait pas que l’appelant cherche à communiquer avec Mme B en utilisant un numéro de téléphone obtenu de façon non autorisée (Dossier d’appel, p. 22).

Allégation 2

[66] Le Comité a conclu qu’il y avait eu contravention à l’article 7.1 du code de déontologie et que l’allégation 2 était fondée parce que l’appelant avait entretenu une relation personnelle avec Mme A sachant qu’« elle avait 17 ans et qu’elle était la victime dans une enquête d’agression sexuelle » et parce qu’il avait obtenu cette information en sa qualité de policier (Dossier d’appel, p. 23). La conclusion du Comité voulant que l’appelant ait entretenu une relation personnelle avec Mme A était fondée sur les demandes et suggestions de rencontre faites par l’appelant, ainsi que sur le contenu des messages texte et des photos jointes qui « contenaient manifestement des connotations et des images sexuelles » (Dossier d’appel, p. 23). Le Comité a appliqué le critère de la « conduite déshonorante » aux faits de l’allégation 2 et a conclu que la participation répétée de l’appelant à la correspondance par messagerie texte avec Mme A avait manifestement jeté le discrédit sur la Gendarmerie (Dossier d’appel, p. 23-24).

B. Conclusions du Comité sur les mesures disciplinaires

[67] Je vais maintenant résumer brièvement les conclusions du Comité sur les mesures disciplinaires. Les détails des conclusions du Comité seront examinés plus avant dans l’analyse des motifs d’appel relatifs à la mesure disciplinaire imposée plus loin dans le présent rapport.

[68] Le Comité a préféré l’explication du Dr S, l’expert du RAD, selon laquelle l’inconduite de l’appelant avait probablement été influencée par des traits de personnalité de longue date, notamment le besoin d’admiration. Le Comité a expliqué comment elle a évalué le témoignage des deux experts psychologues et les raisons pour lesquelles elle a préféré le témoignage du Dr S à celui du Dr H, l’expert de l’appelant.

[69] Le Comité a ensuite expliqué comment il a considéré les circonstances atténuantes mises de l’avant par le RM (Dossier d’appel, p. 34). Le Comité n’a pas accepté que l’existence de circonstances personnelles et d’un handicap, soit un trouble dépressif persistant (TDP), ait influencé le jugement moral déficient de l’appelant au moment de l’inconduite. Bien que le Comité ait accepté que l’inconduite se soit déroulée sur une courte période, elle impliquait que l’appelant obtienne de façon inappropriée des renseignements sur deux personnes sans lien aucun, à des occasions distinctes, alors que l’appelant avait la possibilité de reconsidérer la poursuite de l’inconduite. Le Comité a accepté comme circonstance atténuante les bons états de service de l’appelant et son dévouement à l’égard de son travail, mais a également noté que la circonstance atténuante était diminuée par la mesure disciplinaire informelle imposée à l’appelant en 2011. Le Comité a accepté comme circonstance atténuante, dans une certaine mesure, le fait que l’appelant ait assumé la responsabilité de ses actes et ait accepté d’en rendre compte. Le Comité a justifié l’acceptation limitée de cette circonstance atténuante par le fait qu’il n’a pas observé que l’appelant avait pleinement, et sans réserve, reconnu la nature grave de son inconduite. Le Comité a considéré que l’expression par l’appelant d’une volonté de se réhabiliter constituait une circonstance atténuante, mais son acceptation de cette circonstance a été tempérée par l’abandon antérieur du traitement par l’appelant. Enfin, le Comité a considéré que les arguments de l’appelant concernant le délai ne pouvaient pas constituer une circonstance atténuante, notant que la proposition de sanction du RM retarderait encore davantage une décision sur les mesures disciplinaires à imposer. Le Comité a également expliqué que le délai quant à l’instance disciplinaire était en partie attribuable au rapport d’expertise tardif déposé par l’appelant.

[70] Le Comité a conclu à la présence des circonstances aggravantes suivantes (Dossier d’appel, p. 35) :

Deux citoyennes différentes ont été contactées de manière inappropriée en utilisant des renseignements de manière non autorisée;

La connaissance par l’appelant de la situation personnelle vulnérable de Mme A au moment de l’inconduite;

La connaissance par l’appelant du statut de mineure de Mme A, qui a été immédiatement troublée par les communications de « flirt » d’un homme de 40 ans;

La connaissance par l’appelant du statut de Mme A en tant que plaignante dans une affaire d’agression sexuelle, et la nature extrêmement inappropriée de la correspondance faite de messages texte comportant des images et des commentaires à connotations sexuelles;

Le statut de l’appelant en tant que personne en position d’autorité lorsqu’il a commencé à communiquer avec Mme A et Mme B;

Les demandes répétées de l’appelant pour des images de Mme A, y compris potentiellement en pantalon de yoga et en maillot de bain;

L’élément d’abus de confiance était présent parce que l’appelant a tiré avantage de son rôle de policier pour obtenir le numéro de cellulaire de Mme B et a utilisé des renseignements recueillis à des fins d’enquête légitimes pour se livrer à une conduite déshonorante avec Mme A et avec Mme B;

La précédente mesure disciplinaire informelle imposée en 2011 pour un type différent d’inconduite mettant en cause l’ex-conjointe de l’appelant;

Bien qu’aucune mesure disciplinaire n’ait été imposée à l’appelant, une certaine qualité aggravante a été attribuée à la participation de l’appelant à l’utilisation abusive des systèmes de messagerie internes de la GRC avec son épouse actuelle, ce qui avait entraîné le licenciement de celle-ci de la GRC.

[71] Le Comité a examiné la palette de mesures disciplinaires envisageables pour les contraventions aux articles 4.6 et 7.1 du code de déontologie et a expliqué comment les communications extraordinairement inappropriées avec une plaignante entraîneraient une mesure disciplinaire se situant entre une perte de salaire sévère et le licenciement (Dossier d’appel, p. 36).

[72] Le Comité a présenté les raisons pour lesquelles il refusait d’imposer la sanction proposée par le RM à l’audience (Dossier d’appel, p. 37). Le Comité a expliqué que la sanction proposée n’était pas « conforme au règlement rapide » de la question de l’inconduite et que l’appelant n’avait pas suivi un traitement psychologique au moment où l’inconduite a eu lieu (Dossier d’appel, p. 37).

[73] Le Comité a déclaré qu’il avait examiné les décisions disciplinaires soumises par le RM afin de faire valoir que la gravité de l’inconduite dans ces décisions dépassait celle de l’inconduite dans cette affaire, mais n’avait pas entraîné le licenciement. Le Comité a expliqué que « le licenciement peut être proportionnel même lorsqu’une affaire ne concerne pas le pire type d’employé ou un employé commettant le pire type d’inconduite » (Dossier d’appel, p. 37). Le Comité a également précisé que le public s’attend à ce que les membres de la GRC respectent les normes éthiques et professionnelles les plus élevées, ce qui comprend « l’attente fondamentale que les membres agissent uniquement pour protéger la santé et la sécurité des jeunes du Canada et qu’ils n’exploitent jamais délibérément et de façon répétée une jeune personne vulnérable » (Dossier d’appel, p. 37). Le Comité a conclu que le maintien en poste de l’appelant « mettrait manifestement en péril la confiance du public envers la Gendarmerie » (Dossier d’appel, p. 37). À titre de mesure globale pour les quatre allégations, le Comité a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours, à défaut de quoi il serait licencié (Dossier d’appel, p. 37).

PROCÉDURE D’APPEL

[8] Le 21 novembre 2017, l’appelant a déposé sa déclaration d’appel. Il affirme que la décision du Comité (la décision) a été prise d’une manière qui contrevient aux principes applicables d’équité procédurale et qu’elle est manifestement déraisonnable. Il demande que la mesure disciplinaire imposée par le Comité soit remplacée par une mesure moins sévère (Dossier d’appel, p. 3-7).

Mémoire d’appel de l’appelant

[9] Le 1er mars 2018, l’appelant a déposé son mémoire d’appel. À l’appui de sa position, il fait valoir ce qui suit (Dossier d’appel, p. 69-79) :

  • La décision représente « quelques faits erronés » qui ne résument pas exactement ce qui s’est passé. L’appelant apporte des précisions et fait les affirmations suivantes :
    • L’appelant était un enquêteur adjoint lorsqu’il a consulté le dossier de Mme A et il ne cherchait pas au hasard des numéros de téléphone dans la base de données de la GRC. L’appelant a utilisé ce système pour obtenir le numéro de Mme A « afin de s’assurer de son bien-être et afin de préserver la valeur fondamentale de la GRC qu’est la compassion ». Il note que tous les membres du personnel ayant accès au système ont le même accès aux rapports de police et qu’ils utilisent tous ce système pour examiner les dossiers « à des fins de connaissance personnelle ou de collecte de données en lien avec le travail ». En ce qui concerne Mme B, il fait valoir qu’il n’y a aucune preuve de la manière dont il a obtenu son numéro ou du moment où il l’a obtenu et que le Comité a simplement fait une supposition en l’absence de faits (Dossier d’appel, p. 70, 74);
    • Les messages texte échangés entre lui et Mme A étaient réciproques. Après que l’appelant a cessé d’envoyer des messages texte à Mme A, celle-ci est entrée en contact avec lui. De même, ils ont tous deux demandé et échangé des photos d’eux-mêmes, et ont tous deux demandé à se rencontrer en personne pour prendre un café. L’appelant explique que les conversations étaient de « nature amicale et amusante et sans contenu sexuel ». De plus, il note que les conversations avec Mme A n’ont duré que cinq jours, avec en moyenne 55 messages par jour environ. Il explique qu’il ne s’agit pas d’un « tas de textos », mais plutôt d’une quantité de messages texte « de normale à faible ». Il affirme également qu’il n’a pas cherché à séduire Mme A et qu’il ne l’a pas rencontrée, malgré plusieurs demandes des deux parties (Dossier d’appel, p. 71, 74-75);
    • Mme B a au départ demandé à l’appelant d’aller prendre un café, et un appel téléphonique à son domicile ne constituait pas « un abus de pouvoir intentionnel en tant que policier ». Il explique qu’il n’a fait mention de sa qualité de policier que pour que Mme B se souvienne de qui il était. L’appelant a suggéré d’aller prendre un café pour discuter des détails de l’acupuncture (Dossier d’appel, p. 71);
    • Le Dr S et le Dr H ont fourni des avis contradictoires sur le trouble dépressif persistant (TDP). Le Dr H a fait passer des tests psychologiques à l’appelant en 2015, alors que le Dr S ne l’a fait que deux mois avant l’audience disciplinaire. En outre, le Dr S a été malhonnête puisqu’il a informé l’épouse de l’appelant que ce qu’elle lui avait révélé ne serait pas utilisé comme preuve, alors que cela a été utilisé à l’audience et considéré comme une circonstance aggravante (Dossier d’appel, p. 71, 78);
    • L’appelant n’a pas exploité Mme A ni Mme B. Les déclarations de ces deux femmes montrent qu’elles n’ont pas été affectées par le comportement de l’appelant et qu’elles ne souhaitaient pas déposer une plainte officielle. Elles ont plutôt « été incitées à le faire par des policiers » (Dossier d’appel, p. 71-72);
    • Bien que Mme A ait été plaignante dans une affaire d’agression sexuelle, elle n’était pas une victime. D’après sa déclaration, elle a admis être sur un site de rencontres, consommer de l’alcool et avoir eu des rapports sexuels consensuels à plusieurs reprises avec plusieurs personnes. Il ajoute qu’elle « n’a jamais dit aux hommes d’interrompre le rapport sexuel et a passé la nuit sur place » et qu’aucune accusation n’a été portée à la suite de cet événement (Dossier d’appel, p. 75);
    • Le Comité a « dévié » des erreurs de procédure qui se sont produites dans la manière dont les messages texte entre Mme A et l’appelant ont été récupérés. L’appelant explique que les agents ont saisi le téléphone de Mme A sans mandat approprié et qu’ils ont fait pression sur elle pour qu’elle consente à une perquisition sans mandat (Dossier d’appel, p. 75-76);
    • L’appelant n’a pas subi une blessure à l’épaule à la suite d’un accident de véhicule automobile, mais plutôt à la suite d’un accident de ski. Il a subi des dommages au biceps droit lors de l’accident de voiture (Dossier d’appel, p. 76);
  • Le Comité et l’autorité disciplinaire ont commis une « injustice procédurale » en ne respectant pas le Manuel d’administration de la GRC, chapitre XII.1 - Déontologie [MA ch. XII.1]. Plus précisément, l’appelant fait valoir que l’autorité disciplinaire ou le Comité (Dossier d’appel, p. 72-73) :
    • n’a pas mené à bien l’enquête relative au code de déontologie « pour une affaire grave ou d’intégrité » dans les 14 jours suivant la signification à l’appelant de la lettre de mandat pour la tenue d’un enquête;
    • n’a pas donné la priorité à une enquête mettant en cause un membre suspendu;
    • a omis de tenir l’appelant informé tous les 30 jours, conformément à la note de service de l’autorité disciplinaire;
    • n’a pas fait tous les efforts raisonnables pour tenir l’audience disciplinaire dans les 90 jours suivant la constitution du Comité;
    • a omis d’informer correctement l’appelant de son droit d’interjeter appel de l’ordre de suspension dans un délai de 14 jours;
  • L’appelant a été illégalement arrêté pour leurre d’enfant « uniquement sur la base de soupçons » dans le but « d’obtenir illégalement des éléments de preuve en effectuant une fouille de véhicule sans mandat », ce qui est contraire à l’article 8 de la Charte des droits et libertés et à l’article 495 du Code criminel (Dossier d’appel, p. 73).
  • La décision du Comité de refuser sa requête de sursis de l’instance pour abus de procédure (requête) était déraisonnable compte tenu des déterminations atténuantes dans la décision (Dossier d’appel, p. 73).
  • Le Comité n’a pas accordé une importance appropriée à un certain nombre de circonstances atténuantes, mais a considéré de nombreuses observations comme étant des circonstances aggravantes. Entre autres exemples (Dossier d’appel, p. 76-78) :
    • L’appelant a fourni huit pages de commentaires favorables de la part de ses superviseurs, de ses collègues et d’un client de la police; pourtant, le Comité a déclaré que l’appelant n’était pas un « membre exceptionnel ». L’appelant a peu de moyens, si ce n’est aucun, de communiquer avec ses anciens collègues ou superviseurs pendant sa suspension. Cependant, l’appelant joint des photos de lui avec des membres de la collectivité comme preuve de son impact positif en tant que policier;
    • Le Comité n’a pas tenu compte du rendement positif de l’appelant;
    • Le Comité a fait preuve de favoritisme en se rangeant du côté de l’avis du Dr S par opposition à celui du Dr H. L’appelant fait valoir que le Dr S « a été payé par la GRC et qu’il recevrait sans aucun doute des recommandations à l’avenir »;
    • L’appelant a cessé de communiquer avec Mme A; c’est plutôt elle qui l’a contacté une semaine plus tard;
    • Il n’y a pas eu d’échange d’images à caractère sexuel, mais plutôt des « suggestions immatures et loufoques », comme la photo d’un « homme inconnu allongé sur un lit superposé, le centre de son pantalon relevé »;
    • L’échange par messages texte a pris fin parce que l’appelant estimait que « sa communication serait limitée et inutile étant donné l’état d’esprit de [Mme A] et ses craintes à l’égard de sa santé mentale »;
    • L’inconduite s’est produite plus de trois ans après que l’épouse de l’appelant ait été congédiée de la GRC pour avoir utilisé le système de messagerie interne de façon inappropriée. L’appelant n’a pas refait la même erreur;
    • L’admission injuste de l’absence de soutien de la part des pairs et des superviseurs de la GRC concernant les mesures disciplinaires à imposer à l’appelant. L’appelant explique qu’il a fait des efforts pour joindre d’autres membres, mais qu’il n’a reçu aucune réponse;
    • Le Comité a injustement conclu que l’appelant n’a pas cherché à obtenir un traitement immédiat pour les problèmes mentaux qu’il éprouvait au moment où l’inconduite s’est produite. L’appelant a expliqué qu’il souffrait d’une dépression et de stress, qu’il avait mis fin à une longue relation, qu’il avait des difficultés financières, qu’il n’avait pas pu voir son enfant pendant des années et qu’il était malheureux au travail. Il utilisait le travail et les ressources en ligne pour composer avec sa dépression.
  • L’appelant a été victime de harcèlement au travail en juin 2014, et cela a duré plusieurs mois. Un collègue faisait chaque jour ou chaque semaine des « commentaires sexuels dégoûtants » à son égard, ce qui a rendu difficile le travail en équipe et a provoqué chez lui un sentiment d’isolement (Dossier d’appel, p. 78).
  • Le Comité a fait fi des mesures disciplinaires autres que le licenciement soulevées par le RM lors de l’audience, telles que la thérapie psychologique (Dossier d’appel, p. 77-79).
  • L’appelant ajoute des renseignements tirés d’un article de la CBC daté du 2 mai 2013 et portant sur la discipline équitable, du Rapport annuel sur la gestion du processus disciplinaire de la GRC de 2011-2012 et de sa recherche personnelle de données relatives à des membres qui ont contrevenu au code de déontologie et qui ont fait face à des conséquences moindres (Dossier d’appel, p. 79).

En guise de réparation, l’appelant propose ce qui suit (Dossier d’appel, p. 79) :

  • Une réintégration dans ses fonctions et la directive de participer à des séances de counseling et à un programme de réadaptation pour sa blessure à l’épaule droite en dehors des heures de travail;
  • Une réprimande et une suspension de 60 jours sans solde ou une suppression de solde;
  • Une inadmissibilité à toute promotion pour une période d’au plus trois ans;
  • Une réaffectation à un autre poste ou une mutation à un poste comportant des fonctions autres;
  • Une occasion de sensibiliser les membres à l’égard des actes répréhensibles en milieu de travail.

Mémoire d’appel de l’intimée

[10] L’intimée a déposé son mémoire le 16 avril 2018. L’intimée s’oppose à tous les motifs d’appel de l’appelant, fait valoir que le Comité n’a commis aucune erreur susceptible de révision dans sa décision et demande que l’appel soit rejeté. L’intimée insiste sur le fait que l’appelant n’a pas expliqué « en quoi le Comité a commis une erreur manifeste ou déterminante dans son appréciation de la preuve ou en quoi le Comité a contrevenu à l’équité procédurale » (Dossier d’appel, p. 181). Plus précisément, l’intimée présente les arguments suivants :

  • L’appelant prétend qu’il a été traité injustement pour une « pratique normale », alors qu’il a admis avoir « utilisé le système de manière inappropriée pour des motifs non liés à l’exercice de ses fonctions » (Dossier d’appel, p. 182);
  • L’appelant a admis, dans l’exposé sommaire des faits, qu’il a envoyé et échangé une série de messages texte et de photos inappropriés avec Mme A (Dossier d’appel, p. 182);
  • L’appelant a admis avoir échangé avec Mme A des messages texte « à connotation sexuelle », notamment une photo générique d’un homme allongé dans un lit avec une couverture couvrant une érection (Dossier d’appel, p. 182);
  • L’appelant fait un « picorage » d’énoncés isolés dans la décision du Comité sur la requête afin de donner une « vision déformée de la substance de la décision du Comité » qui, lorsqu’elle est lue dans son intégralité, montre que le Comité a correctement appliqué les principes découlant de la jurisprudence pertinente. Néanmoins, l’intimée fait valoir que l’appelant n’a pas réussi à démontrer que le Comité avait commis une erreur manifeste et déterminante en refusant la requête (Dossier d’appel, p. 184);
  • L’appelant a admis avoir consulté des dossiers relatifs à Mme B dans lesquels son numéro de téléphone personnel était précisé. Le Comité a tiré une conclusion appropriée en soutenant la constatation voulant que l’appelant avait fait une utilisation non autorisée de la base de données de la police (Dossier d’appel, p. 184);
  • L’erreur relative à la catégorisation de la blessure au biceps de l’appelant a probablement eu peu d’incidence sur l’examen de l’état de santé de celui-ci. Cette blessure a plutôt été considérée par le Comité « comme faisant partie de la blessure plus importante subie par l’appelant à l’épaule droite ». Par ailleurs, si l’on considère qu’il s’agit d’une erreur, « elle n’est pas grave au point de constituer une erreur manifeste et déterminante » ayant eu une incidence sur la manière dont le Comité a pris sa décision de rejeter la requête de l’appelant (Dossier d’appel, p. 186);
  • Le Comité a examiné les circonstances atténuantes et aggravantes et a pris en considération le rendement positif de l’appelant, comme ses « bons états de service et son dévouement à l’égard de son travail », mais a également noté que cela était « quelque peu diminué par la mesure disciplinaire informelle qui a été imposée au membre visé en juin 2011 ». L’intimée prétend que l’appelant essaie de « soutenir des arguments qui ont été présentés précédemment ou qui auraient pu être présentés au cours de l’audience disciplinaire » (Dossier d’appel, p. 186-187);
  • L’argument de l’appelant concernant le favoritisme « repose sur une pure spéculation ». Le Comité « a procédé à une évaluation minutieuse de la preuve soumise par les deux experts et a fourni des motifs intelligibles pour lesquels il a préféré l’opinion du [Dr S] à celle du [Dr H]. De plus, l’intimée fait remarquer que le Dr S n’était pas « un médecin légiste de la GRC », comme l’appelant l’a suggéré, mais plutôt un psychologue dont les services ont été retenus pour fournir une évaluation indépendante » (Dossier d’appel, p. 186-188).

[11] En ce qui concerne un certain nombre d’arguments de l’appelant, l’intimée fait valoir qu’ils auraient dû être soulevés au cours de l’audience disciplinaire et que, comme ils ne l’ont pas été, ils ne devraient pas être admissibles en appel. Il s’agit des arguments suivants :

  • L’argument de l’appelant voulant que le rapport du Dr S ait été préféré à celui du Dr H parce qu’il est un « enquêteur en médecine légale/médecin légiste travaillant pour le compte de la GRC », que ce médecin a effectué des tests seulement deux mois avant l’audience et qu’il a été malhonnête en ce qui concerne la preuve obtenue de l’épouse de l’appelant (Dossier d’appel, p. 182-183, 186);
  • L’argument de l’appelant voulant que les déclarations de Mme A et de Mme B aient été faites sous l’insistance indue des enquêteurs (Dossier d’appel, p. 183);
  • L’argument de l’appelant voulant que le Comité et l’autorité disciplinaire n’aient pas respecté le chapitre XII.1 du MA. Outre le fait qu’il n’a pas soulevé ces questions lors de l’audience, l’appelant n’a pas expliqué l’incidence prétendue du non-respect de la politique sur l’équité procédurale (Dossier d’appel, p. 183);
  • Les observations de l’appelant relatives à son arrestation illégale, à la nécessité d’obtenir un mandat de perquisition, à la récupération des messages texte, etc. (Dossier d’appel, p. 184-186);
  • Les détails particuliers de l’agression sexuelle de Mme A. L’intimée fait valoir que l’appelant « tente, de manière effroyable, de discréditer [Mme A] afin d’atténuer la gravité de sa propre inconduite ». L’intimée ajoute que l’appelant a déjà admis, dans l’exposé conjoint des faits, qu’il avait appelé Mme A pour lui proposer des services aux victimes, et qu’il savait donc qu’elle était vulnérable (Dossier d’appel, p. 185);
  • Les images supplémentaires soumises par l’appelant. L’intimée fait valoir que les images « ne constituent rien de plus que des spéculations quant à la bonne nature de l’appelant » (Dossier d’appel, p. 186);
  • Arguments et éléments de preuve concernant le harcèlement en milieu de travail (Dossier d’appel, p. 187);
  • L’article de la CBC daté du 2 mai 2013, le Rapport annuel sur la gestion du processus disciplinaire de la GRC de 2011-2012 et la recherche personnelle effectuée par l’appelant de données relatives à des membres qui ont contrevenu au code de déontologie (Dossier d’appel, p. 188-189).

[12] En ce qui concerne la mesure disciplinaire, l’intimée fait valoir que le Comité :

  • a soigneusement examiné tous les types de mesures avant de prendre la décision de licencier l’appelant;
  • a décidé d’imposer des mesures disciplinaires appropriées et proportionnelles;
  • a considéré de manière appropriée les circonstances aggravantes et atténuantes.

En conséquence, l’intimée affirme que l’appel doit être rejeté et que les mesures disciplinaires imposées par le Comité doivent être confirmées (Dossier d’appel, p. 188-189).

Mémoire de réfutation de l’appelant

[13] Le 30 avril 2018, l’appelant a soumis son mémoire de réfutation (Dossier d’appel, p. 389-397). Il soutient que la décision du Comité est biaisée et ne représente pas « les faits réels de ce qui s’est passé ». Il fait également valoir que les observations de l’intimée sont fondées « sur des opinions et non sur des faits » (Dossier d’appel, p. 392). Outre qu’il réitère largement les arguments avancés dans son mémoire d’appel initial, l’appelant ajoute ce qui suit :

  • Certains arguments n’ont pas été présentés lors de l’audience parce que l’appelant a été suspendu pendant plus de deux ans et qu’il « se fiait au professionnalisme de son avocat, tous les éléments de preuve n’ont pas été présentés, mais ont été soulevés dans le cadre du processus et ont été notés dans le rapport final » (Dossier d’appel, p. 394);
  • Un autre membre de la Division E, le gendarme FV, a fait face au processus de déontologie, mais n’a pas connu les mêmes délais que l’appelant. Son instance portait sur la présentation d’une fausse déclaration et sur le fait d’avoir induit en erreur des confrères alors qu’il n’était pas de service (Dossier d’appel, p. 394).

COMITÉ D’EXAMEN EXTERNE

[14] Le CEE n’a trouvé aucun problème concernant le respect des délais de l’audience ou de la présentation de l’appel (Rapport, paragr. 79-80).

[15] En ce qui concerne les nouveaux renseignements présentés par l’appelant en appel, le CEE a constaté que l’appelant avait eu l’occasion de soulever la plupart des arguments lors de l’audience, mais qu’il ne l’avait pas fait. À l’exception de l’argument selon lequel Mme B avait été incitée à porter plainte par des policiers, le CEE a noté que les renseignements présentés pour la première fois en appel ne seraient pas pris en compte (Rapport, paragr. 83-99).

[16] Sur le fond, le CEE s’est penché sur l’argument de l’appelant voulant que le Comité avait rejeté de façon déraisonnable sa requête de sursis de l’instance et a conclu que le Comité n’avait commis aucune erreur dans son interprétation de l’expression « dans les meilleurs délais » au paragraphe 43(2) de la Loi et en rejetant la requête. Le CEE a expliqué que le Comité avait dûment pris en considération les observations de l’appelant, mais qu’il avait finalement conclu que le délai n’avait pas causé de préjudice important à l’appelant, ni de préjudice irréparable à l’intégrité du système de déontologie de la GRC, et qu’il ne constituait pas un abus de procédure justifiant le sursis de l’instance (Rapport, paragr. 110-119).

[17] Le CEE a conclu que ni l’autorité disciplinaire ni le Comité n’avaient enfreint les principes d’équité procédurale, étant donné que l’appelant avait été tenu au courant de l’état de l’enquête, qu’il aurait dû connaître les dispositions pertinentes de la politique qui s’appliquaient en l’espèce et qui prévoyaient manifestement le droit d’interjeter appel de l’ordre de suspension, et que les motifs invoqués par le Comité expliquant comment il avait déployé tous les efforts raisonnables pour tenir une rencontre disciplinaire dans les 90 jours sont étayés par le dossier (Rapport, paragr. 121-134).

[18] Le CEE a noté que, bien qu’il ait admis les allégations 1, 2 et 3, l’appelant a formulé ses motifs d’appel de manière à contester les conclusions du Comité. Le CEE n’a pas reconnu le bien-fondé des arguments de l’appelant, compte tenu des admissions faites lors de l’audience ou dans l’exposé conjoint des faits. Le CEE a également expliqué que les conclusions du Comité étaient solidement étayées par les éléments de preuve au dossier (Rapport, paragr. 135-149).

[19] En ce qui concerne la mesure disciplinaire imposée par le Comité, le CEE a conclu que le Comité avait correctement déterminé l’éventail approprié de mesures disciplinaires, établi les circonstances atténuantes et aggravantes appuyées par le dossier et imposé une mesure disciplinaire reflétant la gravité de l’inconduite qui était étayée par le Guide des mesures disciplinaires de la GRC [le Guide] (Rapport, paragr. 153).

[20] Plus précisément, le CEE a expliqué que le Comité avait fourni des raisons suffisantes pour expliquer pourquoi elle préférait l’opinion du Dr S à celle du Dr H et pourquoi elle avait rejeté l’argument de l’appelant selon lequel le trouble dépressif persistant et les circonstances personnelles étaient des circonstances atténuantes qui avaient compromis son jugement mental au moment de l’inconduite (Rapport, paragr. 164-166, 168-171). Le CEE a également souligné que le Comité avait dûment pris en considération les bons états de service de l’appelant en tant que circonstance atténuante, mais a également observé que certains commentaires favorables sur le rendement au travail de l’appelant avaient été faits par des personnes qui n’étaient pas au courant de l’inconduite de l’appelant (Rapport, paragr. 174-175).

[21] Le CEE a conclu que le Comité avait adéquatement tenu compte du fait que l’appelant était entré en contact avec Mme A, de la nature des communications, des images et des connotations sexuelles inappropriées, du comportement d’exploitation qui caractérise l’établissement d’un contact avec deux clientes de la police, ainsi que de l’utilisation abusive antérieure d’un système de messagerie interne de la GRC pour des raisons personnelles comme étant des circonstances aggravantes (Rapport, paragr. 176-189).

[22] Le CEE a également noté que le Comité avait envisagé des mesures autres que le licenciement, mais avait fourni des raisons justifiées pour lesquelles le licenciement était la mesure disciplinaire proportionnelle (Rapport, paragr. 190-208). En conséquence, le CEE a recommandé que l’appel soit rejeté et que la mesure disciplinaire imposée soit confirmée (Rapport, paragr. 212).

ANALYSE

Questions préliminaires

Respect des délais

Conformément à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289 [CC (griefs et appels)], un appel doit être déposé dans les 14 jours suivant la date de la signification au membre en cause d’une copie de la décision. L’appelant indique qu’il a été signifié de la décision écrite du Comité le 11 novembre 2017 (Dossier d’appel, p. 6). L’appelant a ensuite déposé son appel auprès du BCGA le 21 novembre 2017 (Dossier d’appel, p. 3). L’appel a été déposé dans le délai prescrit.

Recevabilité des nouvelles pièces déposées en appel

[23] En appel, l’appelant a soulevé plusieurs arguments et fourni des éléments de preuve qui n’avaient pas été présentés ou déposés lors de l’audience disciplinaire. Le CEE a résumé certains de ces nouveaux arguments comme suit (Rapport, paragr. 83) :

  • L’appelant a été arrêté illégalement et son véhicule a été fouillé sans mandat;
  • Le cellulaire de Mme A a été saisi sans mandat et sans son consentement afin de recueillir des éléments de preuve dans le cadre de l’enquête sur l’appelant;
  • Mme A n’était pas une victime dans l’enquête sur l’agression sexuelle;
  • Mme A a été incitée par des policiers à porter plainte contre l’appelant;
  • Le Dr S était un expert partial qui a utilisé des techniques d’entrevue inappropriées et a été malhonnête envers l’épouse de l’appelant;
  • L’appelant a été victime de harcèlement au travail en juin 2014;
  • L’autorité disciplinaire a contrevenu au chapitre XII.1 du MA en ne menant pas l’enquête dans les 14 jours suivant la signification de la lettre de mandat;
  • L’autorité disciplinaire a contrevenu au chapitre XII.1 du MA en ne donnant pas la priorité à une enquête concernant le membre suspendu.

Outre ces arguments, l’appelant a également tenté de présenter pour la première fois en appel les éléments de preuve suivants, qui sont antérieurs à l’audience disciplinaire :

  • Des photos de lui-même avec des membres de la collectivité pour établir son impact positif en tant que policier;
  • Un article de la CBC daté du 2 mai 2013 portant sur la discipline équitable et le Rapport annuel sur la gestion du processus disciplinaire de la GRC de 2011-2012 pour faire valoir des mesures disciplinaires autres que le licenciement.

[24] Conformément au paragraphe 25(1) des CC (griefs et appels), « [l]e BCGA accorde à l’appelant la possibilité de déposer des observations écrites et d’autres documents à l’appui de son appel ». Cette possibilité est toutefois soumise à des restrictions. Plus précisément, le paragraphe 25(2) explique que :

L’appelant ne peut :

a) déposer un document qui n’a pas été fourni à l’auteur de la décision qui fait l’objet de l’appel si le document était à la disposition de l’appelant au moment où la décision a été rendue;

b) inclure dans ses observations écrites tout nouveau renseignement qui était connu ou aurait pu raisonnablement être connu de l’appelant au moment où la décision a été rendue.

[25] Dans l’affaire Palmer c. la Reine, [1980] 1 R.C.S. 759 (Palmer), la Cour suprême du Canada (la Cour) a conclu qu’« il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de permettre à un témoin, par la seule répudiation ou modification de ses dépositions au procès, de rouvrir des procès à volonté au détriment général de l’administration de la justice » (p. 775). La Cour a soulevé les considérations suivantes lorsqu’il s’agit de déterminer si une preuve doit être admise en appel (p. 775) :

  1. On ne devrait généralement pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès, à condition de ne pas appliquer ce principe général de manière aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles […].
  2. La déposition doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.
  3. La déposition doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi.
  4. Elle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.

[26] De même, dans l’affaire Carten c. Canada, 2010 CF 857, la Cour fédérale a expliqué que de nouveaux éléments de preuve peuvent être admis dans des circonstances exceptionnelles où « ils n’auraient pas pu être disponibles auparavant; ils serviront les intérêts de la justice; ils aideront la Cour; ils ne porteront pas gravement atteinte à l’autre partie » (paragr. 23).

[27] En ce qui concerne les arguments et les éléments de preuve suivants, j’estime que l’appelant en avait eu raisonnablement connaissance avant l’audience ou au moment de celle-ci :

  • L’appelant a été arrêté illégalement et son véhicule a été fouillé sans mandat;
  • Le cellulaire de Mme A a été saisi sans mandat et sans son consentement afin de recueillir des éléments de preuve dans le cadre de l’enquête sur l’appelant;
  • Mme A a été incitée par des policiers à porter plainte contre l’appelant;
  • L’appelant a été victime de harcèlement au travail en juin 2014;
  • L’autorité disciplinaire a contrevenu au chapitre XII.1 du MA en ne menant pas l’enquête dans les 14 jours suivant la signification de la lettre de mandat;
  • L’autorité disciplinaire a contrevenu au chapitre XII.1 du MA en ne donnant pas la priorité à une enquête concernant le membre suspendu;
  • Des photos de lui-même avec des membres de la collectivité pour établir son impact positif en tant que policier;
  • Un article de la CBC daté du 2 mai 2013 portant sur la discipline équitable.

Les circonstances, détails et particularités de ces événements, arguments et documents étaient connus ou pouvaient raisonnablement être connus de l’appelant et étaient à sa disposition. Malgré cela, l’appelant n’a pas profité de la possibilité de soulever ces questions lors de l’audience.

[28] En ce qui concerne l’argument de l’appelant voulant que Mme A n’était pas une victime dans l’enquête sur l’agression sexuelle, l’appelant explique qu’il n’a pas obtenu de détails sur l’enquête avant de recevoir une copie des pièces du BCGA soumises au Comité et que ces pages n’apparaissaient pas dans le rapport d’enquête original (Dossier d’appel, p. 395). Le CEE a toutefois rejeté cet argument, concluant que l’appelant avait admis avoir eu connaissance des détails de l’enquête sur l’agression sexuelle de Mme A lorsqu’il a consulté son dossier le 18 janvier 2015 (Éléments matériels, p. 2858; Rapport, paragr. 91). Ainsi, étant donné que l’appelant aurait eu connaissance de tous les détails expurgés du rapport d’enquête original, il aurait pu soulever cet argument lors de l’audience. Or, il ne l’a pas fait. Je m’interroge également sur l’intention de l’appelant en présentant cette information en appel et je note l’affirmation de l’intimée selon laquelle l’appelant « tente de discréditer [Mme A] afin d’atténuer la gravité de sa propre inconduite » (Dossier d’appel, p. 185).

[29] En ce qui concerne la prétendue partialité du Dr S et l’utilisation de techniques inappropriées, l’appelant a accepté la qualification du Dr S en tant qu’expert lors de l’audience, et il n’a pas soulevé cette préoccupation dans son mémoire d’appel. De plus, dans son évaluation de l’opinion du Dr S, le Comité a écarté et supprimé toute référence aux renseignements reçus de l’épouse de l’appelant parce que ces renseignements provenaient d’une source secondaire qui n’avait pas été produite pour le contre-interrogatoire (Dossier d’appel, p. 27-28). Par conséquent, comme l’appelant n’a pas profité de la possibilité de soulever la question au moment de l’audience, elle est irrecevable en appel. Je note que, bien que le Comité ait considéré la participation de l’appelant au licenciement de son épouse comme une circonstance aggravante limitée, elle était fondée sur des détails fournis par l’appelant au cours de l’audience (Éléments matériels, p. 3111-3123). Dans ce contexte, j’aborderai la question plus en détail lorsque je traiterai des motifs de fond de l’appel.

[30] En ce qui concerne le Rapport annuel, bien qu’il soit antérieur à l’audience et au régime législatif actuel, et qu’il aurait pu être présenté lors de l’audience, j’accepte qu’il offre un aperçu de la proportionnalité quant à la manière dont certaines affaires ont été traitées. Je considérerai donc le Rapport annuel de manière limitée en appel.

[31] Pour les autres arguments, l’appelant n’a pas présenté de circonstances exceptionnelles qui justifieraient de les admettre en appel. L’appelant fait valoir qu’il comptait sur son avocat pour agir dans son meilleur intérêt en ce qui concerne la présentation des arguments et des éléments de preuve, mais qu’il lui incombait en fin de compte de veiller à ce que les arguments et les éléments de preuve susceptibles d’étayer sa position soient présentés pour examen. En conséquence, je ne suis pas persuadé que l’appelant ait rempli les critères énoncés dans l’arrêt Palmer qui justifieraient l’admission des nouveaux renseignements.

Cadre législatif et norme de contrôle

[32] L’appel est régi par la partie IV de la Loi. Le paragraphe 45.11(1) stipule que :

Tout membre dont la conduite fait l’objet d’une décision du comité de déontologie ou l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience relative à cette décision peut, dans les délais prévus aux règles, faire appel de la décision devant le commissaire :

a) soit en ce qui concerne la conclusion selon laquelle est établie ou non, selon le cas, une contravention alléguée à une disposition du code de déontologie;

b) soit en ce qui concerne toute mesure disciplinaire imposée après la conclusion visée à l’alinéa a).

[33] Les CC (griefs et appels) définissent les considérations du commissaire (ou de son délégué) lorsqu’il rend une décision :

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[34] Après examen des observations de l’appelant, sa position en appel peut être résumée comme exigeant que je détermine :

  1. si la décision du Comité de refuser la requête était manifestement déraisonnable;
  2. si le Comité et l’autorité disciplinaire ont contrevenu aux principes pertinents d’équité procédurale;
  3. si les conclusions du Comité sur les allégations étaient manifestement déraisonnables;
  4. si la mesure disciplinaire imposée par le Comité était manifestement déraisonnable.

[35] L’expression « manifestement déraisonnable » décrit la norme à appliquer lors de l’examen de questions de fait et de questions mixtes de fait et de droit. Dans l’affaire Kalkat c. Canada (Procureur général), 2017 CF 794, la Cour fédérale a examiné l’expression « manifestement déraisonnable » telle qu’elle est énoncée au paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels) :

[62] Par conséquent, étant donné qu’il est expressément indiqué que la décision doit être « clearly unreasonable » et prenant en compte la traduction en français de l’expression (manifestement déraisonnable), je conclus que le délégataire n’a commis aucune erreur. Il est raisonnable d’interpréter la norme de la décision « clearly unreasonable » comme si elle équivalait à la norme de la décision « manifestement déraisonnable » dans le contexte du régime législatif et sur celui des principes. Il s’ensuit que le délégataire doit faire preuve de retenue à l’égard d’une conclusion par l’autorité disciplinaire lorsqu’il estime simplement que la preuve est insuffisante pour étayer la conclusion (Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal) c. Fraser Health Authority, 2016 CSC 25).

[36] Dans Smith c. Canada (Procureur général), 2019 CF 770, une considération semblable a été examinée et adoptée :

[38] L’arbitre a effectué une analyse approfondie pour en arriver à la conclusion que la norme de la décision manifestement déraisonnable s’appliquait à la décision de l’autorité disciplinaire. Dans son analyse, l’arbitre a examiné la jurisprudence applicable, le sens du terme « manifestement », ainsi que le libellé en français du paragraphe 33(1). La conclusion de l’arbitre selon laquelle la norme de contrôle applicable était celle de la décision manifestement déraisonnable est justifiable, transparente et intelligible. La Cour est d’accord qu’il s’agissait là d’une conclusion raisonnable.

[37] Plus récemment, la Cour d’appel fédérale est parvenue à la même conclusion dans l’appel Smith qui a suivi, 2021 CAF 73.

[38] Dans l’affaire Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 57, la Cour suprême du Canada (la Cour) a expliqué qu’une décision est « manifestement déraisonnable » si « le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal », ou en d’autres termes, si c’est « une chose que l’on ne peut contester, qui est tout à fait évidente ». La Cour a ensuite expliqué, dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, au paragraphe 52, qu’une décision manifestement déraisonnable est une décision qui est « clairement irrationnelle » ou « de toute évidence non conforme à la raison » ou « à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir ».

[39] Dans l’arrêt R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, la Cour a donné des précisions sur la déférence due à l’égard du contrôle des mesures de sanction (paragr. 43-44) :

Je reconnais que la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’une circonstance aggravante ou atténuante peut justifier l’intervention d’une cour d’appel, et lui permettre d’évaluer la justesse de la peine et d’y substituer la peine qu’elle estime appropriée. Cependant, je suis d’avis que ce ne sont pas toutes les erreurs de ce genre, quel que soit leur impact sur le raisonnement du premier juge, qui autorisent une cour d’appel à intervenir. L’application d’une règle aussi stricte risquerait de miner la discrétion accordée au juge de première instance.

[…]

À mon avis, la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’une circonstance aggravante ou atténuante ne justifiera l’intervention d’une cour d’appel que lorsqu’il appert du jugement de première instance qu’une telle erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine.

[40] Par conséquent, les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit dans cet appel exigent une grande retenue et seule la présence d’une erreur manifeste et déterminante permettrait de conclure que la décision prise par le Comité est manifestement déraisonnable.

[41] Un manquement à l’équité procédurale est assujetti à la norme de contrôle de la décision correcte (Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, paragr. 79). Cela signifie que le décideur a ou n’a pas respecté un principe d’équité procédurale (Kinsey c. Canada [Procureur général], 2007 CF 543, paragraphe 60). Si un principe d’équité procédurale n’a pas été respecté, la décision faisant l’objet du contrôle sera annulée et une nouvelle décision sera rendue, sauf si le résultat est néanmoins inévitable (Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, p. 228).

[42] La Cour a réexaminé la norme de contrôle dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 et a confirmé que les normes de contrôle prévues par la loi doivent être respectées (paragr. 34-35).

Bien-fondé

a) La décision du Comité de refuser la requête était-elle manifestement déraisonnable?

[43] L’appelant fait valoir que le Comité a fait un certain nombre de déterminations atténuantes dans sa décision en faveur de l’appelant, mais qu’elle a quand même rejeté sa requête. L’appelant s’est reporté aux déclarations suivantes tirées de la décision du Comité sur la requête pour appuyer sa position (Dossier d’appel, p. 73-74; Éléments matériels, p. 2356-2357) :

Il est tout aussi évident que l’affaire [de l’appelant] [...] n’a pas figuré en tête des priorités [du RAD] avant juillet 2016.

[...] il ne s’agissait pas d’une affaire compliquée ou particulièrement volumineuse en ce qui concerne le travail du RAD. […] Il est impossible que la période de six mois ait été utilisée exclusivement par [le RAD] pour que l’avis et les documents d’enquête de [l’appelant] soient finalisés et lui soient signifiés.

Je conclus que le délai de six mois n’avait pas grand-chose à voir avec la nature du dossier du RAD concernant [l’appelant] [...] et qu’il découlait plutôt de la pénurie de personnel à la DRAD […].

Si un membre visé devait éventuellement subir le même délai de six mois et que son affaire était similaire en termes de complexité et de volume à celle de [l’appelant], alors un tel délai pourrait bien, à mon avis, être considéré comme tout à fait inacceptable.

[…] le délai d’environ six mois pour signifier à [l’appelant] l’avis d’audience disciplinaire était, d’un point de vue humain, certainement plus long que ce que devrait subir tout membre visé.

L’appelant ajoute que le Comité a mal interprété la Loi en la considérant comme une orientation plutôt qu’une obligation lorsqu’il a déterminé que l’obligation relative aux « meilleurs délais » énoncée au paragraphe 43(2) de la Loi sur la GRC n’était qu’« indicative » (Dossier d’appel, p. 74; Éléments matériels, p. 2352).

[44] L’intimée soutient que les observations de l’appelant « ne sont rien d’autre que du picorage d’énoncés isolés dans la décision du Comité » et qu’elles créent « une vision déformée de la substance de la décision du Comité » sur la requête. L’intimée insiste sur le fait que le Comité a correctement appliqué les principes découlant de la jurisprudence pertinente, notamment Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 RCS 307 (Blencoe), et que l’appelant n’a pas réussi à démontrer que le Comité avait commis une erreur manifeste et déterminante en refusant la requête (Dossier d’appel, p. 184).

[45] J’estime que le Comité n’a pas commis d’erreur dans son interprétation de l’expression « dans les meilleurs délais » au paragraphe 43(2) de la Loi. Le paragraphe 43(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

2) Dans les meilleurs délais après avoir constitué le comité de déontologie, l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience signifie au membre en cause un avis écrit l’informant qu’un comité de déontologie décidera s’il y a eu contravention.

Pour mieux comprendre l’urgence de l’expression « dans les meilleurs délais », le Comité s’est reporté aux principes d’interprétation législative énoncés dans la décision de la Cour dans l’affaire Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 (Rizzo). La Cour a, par exemple, expliqué qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Rizzo, paragr. 21). Le Comité s’est également appuyé sur un document de recommandation du ministère de la Justice intitulé « Legistics-Describing Time Periods » qui explique que l’expression « as soon as possible » (« dans les meilleurs délais ») peut être interprétée comme étant « quelque chose qui doit être fait rapidement - en tenant compte des circonstances » et a estimé que cette interprétation s’harmonisait au « schéma » du processus de déontologie établi en vertu de la Loi (Éléments matériels, p. 2370-2371).

[46] Le Comité a déterminé que l’obligation de procéder « dans les meilleurs délais » prévue au paragraphe 43(2) de la Loi était « indicative » et non « obligatoire » lorsqu’il s’agit de déterminer si le non-respect de cette disposition entraînerait la perte de compétence du Comité. Le Comité a comparé cela à la nature obligatoire du paragraphe 41(2) de la Loi, notant que « [l’]autorité disciplinaire ne peut convoquer une audience [...] plus d’un an après que la contravention et l’identité du membre en cause ont été portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire [...] ». Le Comité a expliqué que le paragraphe 43(2) de la Loi ne crée pas une « interdiction comparable » et a conclu qu’il conservait sa compétence en la matière « même si la signification par l’intimée de l’avis d’audience disciplinaire et des documents d’enquête n’a pas été effectuée « dans les meilleurs délais » après la constitution du Comité (Éléments matériels, p. 2371-2373). Je note que l’autorité disciplinaire a agi en conformité avec le paragraphe 41(2) de la Loi en demandant qu’une audience disciplinaire soit convoquée dans un délai d’un an (Éléments matériels, p. 1088-1093, 1109-1110).

[47] Pour déterminer si le délai était inacceptable, le Comité a appliqué le critère énoncé dans l’arrêt Blencoe, au paragraphe 122 :

La question de savoir si un délai est devenu excessif dépend de la nature de l’affaire et de sa complexité, des faits et des questions en litige, de l’objet et de la nature des procédures, de la question de savoir si la personne visée par les procédures a contribué ou renoncé au délai, et d’autres circonstances de l’affaire. Comme nous l’avons vu, la question de savoir si un délai est excessif et s’il est susceptible de heurter le sens de l’équité de la collectivité dépend non pas uniquement de la longueur de ce délai, mais de facteurs contextuels, dont la nature des différents droits en jeu dans les procédures.

Le Comité a dûment examiné les observations de l’appelant sur la question et a reconnu que le délai de six mois « était beaucoup plus long que ce que [l’appelant] aurait dû subir » et a expliqué que cela « n’avait pas grand-chose à voir avec la nature du dossier de la DRAD [sur l’appelant] », mais plutôt avec les défis importants auxquels la DRAD était confrontée « en raison d’une pénurie de personnel, de réaffectations de dossiers, de départs de personnel et du volume inattendu de dossiers ». Le Comité a également reconnu que si un autre membre devait éventuellement subir un délai similaire, un tel délai pourrait être jugé inacceptable. Néanmoins, le Comité a expliqué qu’il n’y avait pas eu de mauvaise foi de la part de l’intimée ou du RAD et que, bien que plus long que ce que l’on devrait subir, ce délai n’était « pas démesuré au point d’être un délai inacceptable tel qu’envisagé par l’analyse faite dans Blencoe » (Éléments matériels, p. 2375-2377).

[48] Le Comité a également examiné l’affidavit de l’appelant concernant le préjudice psychologique qu’il a subi et s’est demandé si le délai lui avait causé un préjudice important et un préjudice psychologique. Le Comité s’est reporté au seuil applicable établi par la Cour dans l’arrêt Blencoe, au paragraphe 115 :

[…] Dans le cas où un délai excessif a causé directement un préjudice psychologique important à une personne ou entaché sa réputation au point de déconsidérer le régime de protection des droits de la personne, le préjudice subi peut être suffisant pour constituer un abus de procédure. […]

Il faut toutefois souligner que rares sont les longs délais qui satisfont à ce critère préliminaire. Ainsi, pour constituer un abus de procédure dans les cas où il y a une atteinte à l’équité de l’audience, le délai doit être manifestement inacceptable et avoir directement causé un préjudice important. Il doit s’agir d’un délai qui, dans les circonstances de l’affaire, déconsidérerait le régime de protection des droits de la personne. […]

Le Comité a reconnu que si l’appelant a ressenti des « symptômes » suffisants pour consulter un psychologue en mars 2015, les séances avec ce professionnel de la santé ont cessé au printemps 2016. Le Comité a également reconnu que l’appelant avait reçu un diagnostic de dépression et d’anxiété, qu’il avait subi une intervention chirurgicale, qu’il avait des problèmes de digestion, qu’il avait des pertes de mémoire, qu’il souffrait de maux de tête et qu’il avait sans aucun doute subi un stress et une inquiétude considérables en raison de son arrestation, de la fin d’une relation amoureuse et de la situation de l’affaire en général. Bien qu’il soit sensible à ces questions, le Comité n’a trouvé aucun élément de preuve corroborant le lien entre ces questions et le délai contesté. Même si elle acceptait toutes les questions « comme prouvées », le Comité a expliqué qu’elles ne répondaient pas à la « norme exigeante du “préjudice psychologique important” décrite dans l’arrêt Blencoe » (Éléments matériels, p. 2378-2379).

[49] Par conséquent, bien que le Comité ait convenu que le délai contesté n’était « pas conforme à la norme de rendement établie en vertu de la politique de la GRC », il n’a pas conclu qu’elle avait causé un préjudice irréparable à l’intégrité du régime de déontologie de la GRC. Le Comité était également convaincu qu’étant donné que les exigences du régime de déontologie en matière de ressources humaines étaient maintenant connues, « aucun membre dans une situation similaire ne devrait subir le délai qu’a connu l’appelant » (Éléments matériels, p. 2379-2380).

[50] Je suis convaincu que le Comité a fait référence aux instruments appropriés lors de l’examen de la requête de l’appelant et qu’il a fourni des motifs valables quant à son rejet. En conséquence, je ne conclus pas qu’il a commis une erreur manifeste et déterminante.

[51] Dans sa réfutation, l’appelant s’est reporté à l’arrêt FV, indiquant qu’il n’y avait pas eu de délai dans le processus de déontologie de cette affaire. L’appelant a noté que FV avait reçu un avis d’audience neuf jours après sa préparation, alors que l’appelant a reçu cet avis six mois après sa préparation (Dossier d’appel, p. 394). Tout comme le CEE, j’estime que l’arrêt FV n’a aucune incidence sur l’évaluation par le Comité de la requête de l’appelant. L’affaire FV n’est pas liée à celle de l’appelant et repose sur un ensemble différent de faits et de circonstances. Je ne suis pas persuadé de sa pertinence pour le cas de l’appelant et pour l’examen par le Comité des critères de l’arrêt Blencoe (Rapport, paragr. 120).

b) Le Comité et l’autorité disciplinaire ont-ils contrevenu aux principes pertinents d’équité procédurale?

[52] L’appelant fait valoir que le Comité et l’autorité disciplinaire avaient fait preuve d’iniquité procédurale en ne suivant pas les dispositions prévues au chapitre XII.1 du MA en ce qui concerne (Dossier d’appel, p. 72-73) :

  • le fait de tenir l’appelant informé de l’état d’avancement de l’enquête tous les 30 jours;
  • la nécessité d’employer des efforts raisonnables pour tenir l’audience disciplinaire dans les 90 jours;
  • le fait d’aviser dûment l’appelant de son droit de faire appel de l’ordre de suspension dans un délai de 14 jours.

L’intimée soutient que l’appelant n’a pas expliqué en quoi le Comité avait commis une erreur dans ses conclusions ou en quoi le Comité n’avait pas suivi la politique et que cela avait eu une incidence sur l’équité procédurale de l’instance (Dossier d’appel, p. 183).

[53] Je reconnais qu’un processus disciplinaire en vertu de la partie IV doit offrir un niveau élevé d’équité procédurale au membre visé, compte tenu du risque de licenciement de la GRC. Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (Baker), la Cour a expliqué que les attentes légitimes d’une personne qui conteste une décision peuvent servir à déterminer les procédures que l’obligation d’équité exige dans des circonstances données. La Cour a précisé que la doctrine de l’attente légitime, appliquée au Canada, « est fondée sur le principe que les “circonstances” touchant l’équité procédurale comprennent les promesses ou pratiques habituelles des décideurs administratifs, et qu’il serait généralement injuste de leur part d’agir en contravention d’assurances données en matière de procédures, ou de revenir sur des promesses matérielles sans accorder de droits procéduraux importants ». Cela dit, « [s]i le demandeur s’attend légitimement à ce qu’une certaine procédure soit suivie, l’obligation d’équité exigera cette procédure » (Baker, paragr. 26). J’aborderai tour à tour les allégations de l’appelant.

i) L’autorité disciplinaire a-t-elle omis de tenir l’appelant informé tous les 30 jours?

[54] L’appelant explique qu’il a reçu une note de service de l’autorité disciplinaire le 15 avril 2015, indiquant que l’enquête relevant du code de déontologie était terminée et qu’il serait tenu informé de l’état de son dossier « à des intervalles ne dépassant pas 30 jours ». L’appelant prétend que l’autorité disciplinaire a contrevenu à l’article 6.8.1.7 du chapitre XII.1 du MA en ne le tenant pas informé de l’état d’avancement de son dossier (Dossier d’appel, p. 73, 82). L’intimée souligne que l’appelant n’a pas soulevé cette question au cours de l’audience et ne devrait pas être autorisé à le faire en appel (Dossier d’appel, p. 183-184).

[55] Étant donné que l’emploi de l’appelant est en jeu et que le niveau d’équité procédurale requis est élevé, je suis d’accord avec le CEE pour dire que, bien que l’appelant n’ait pas soulevé cette question à l’audience, puisqu’elle a été soulevée dans le mémoire de l’appelant pour la requête, elle peut être abordée en appel (Éléments matériels, p. 1129-1131, 1134-1135; Rapport, paragr. 125). L’article 6.8.1.7 du chapitre XII.1 du MA stipule que l’autorité disciplinaire est tenue d’informer, par écrit, le membre visé de l’état d’avancement de l’enquête tous les 30 jours. Comme l’appelant l’a indiqué dans ses observations, il a reçu une note de service de l’autorité disciplinaire le 15 avril 2015, indiquant que l’enquête relevant du code de déontologie était terminée.

[56] Je reconnais que l’autorité disciplinaire a informé l’appelant qu’il serait tenu au courant de l’état d’avancement de son dossier « à des intervalles ne dépassant pas 30 jours » après la fin de l’enquête. L’autorité disciplinaire a fourni des mises à jour mensuelles entre août 2015 et décembre 2015, à l’exception de juin et octobre 2015 (Dossier d’appel, p. 82). Selon l’article 6.8.1.7, l’autorité disciplinaire n’est pas tenue de fournir des mises à jour sur des questions autres que l’état d’avancement de l’enquête. Je suis par conséquent convaincu que l’autorité disciplinaire a agi conformément aux dispositions du chapitre XII.1 du MA.

ii) Le Comité a-t-il employé des efforts raisonnables pour tenir l’audience disciplinaire dans les 90 jours suivant sa constitution?

[57] L’appelant fait valoir que le Comité n’a pas respecté les dispositions du chapitre XII.1 du MA puisqu’il n’a pas employé des efforts raisonnables pour tenir une audience disciplinaire dans les 90 jours suivant sa constitution par l’officier désigné. L’audience a été tenue environ 570 jours après la constitution du Comité (Dossier d’appel, p. 72).

[58] L’article 3.8 du chapitre XII.1 du MA stipule que « [l]e comité de déontologie emploie des efforts raisonnables pour tenir une audience disciplinaire dans les 90 jours suivant sa constitution par l’officier désigné ». Tant dans la décision relative à la requête que dans la décision contestée, le Comité a expliqué en détail pourquoi une audience n’a pas été tenue dans les 90 jours, malgré tous les efforts déployés en ce sens. Le Comité a expliqué, dans la décision relative à la requête, qu’il y avait eu une pénurie de personnel, des changements de personnel, une réaffectation des dossiers et un nombre anormalement élevé de dossiers devant être traités au cours de la première année d’existence de la DRAD sous le nouveau régime de déontologie. Rien de tout cela, cependant, n’était de la mauvaise foi de la part de l’intimée, ni de la part du RAD (Éléments matériels, p. 2375-2377).

[59] Dans sa décision, le Comité a expliqué que l’audience avait été reportée en raison du dépôt tardif d’un rapport d’expert par l’appelant. Le Comité a expliqué que, bien que le régime de déontologie doive fonctionner de manière expéditive, « il doit respecter les principes d’équité procédurale, ce qui peut parfois comprendre l’acceptation d’un rapport d’expert ultérieur soumis par un avocat récemment engagé et l’octroi d’ajournements appropriés pour permettre à l’autre partie de répondre à ce rapport » (Éléments matériels, p. 3387). L’article 3.6 du chapitre XII.1 du MA stipule que « [l]e traitement des contraventions au code de déontologie se fait avec célérité et flexibilité ». Par conséquent, je suis convaincu que, bien que le Comité n’ait pas été en mesure de convoquer l’audience dans les 90 jours, il a employé des efforts raisonnables pour faire avancer l’affaire aussi rapidement que possible et a fourni des raisons détaillées expliquant pourquoi il n’a pas pu le faire.

iii) L’appelant a-t-il été correctement informé de son droit de faire appel de l’ordre de suspension?

[60] L’appelant affirme que son ordre de suspension daté du 25 février 2015 ne contenait pas d’avis indiquant son droit d’interjeter appel de l’ordre de suspension dans les 14 jours. Cependant, le 5 février 2016, il s’est vu signifier un ordre de suspension modifié qui était le même que l’original, mais qui comprenait un paragraphe sur la droite indiquant son droit d’appel (Éléments matériels, p. 1090-1092; 1113-1115). L’appelant fait valoir qu’il aurait dû être informé des 14 jours d’appel lorsqu’il a reçu l’ordre de suspension original le 25 février 2015, et que le Comité « a erré en ne voyant pas cela » (Dossier d’appel, p. 72-73). L’intimée soutient que l’appelant n’a pas soulevé cette question lors de l’audience et qu’il ne devrait pas être autorisé à la soulever en appel (Dossier d’appel, p. 183).

[61] Bien que l’appelant n’ait pas soulevé cette lacune lors de l’audience, il a soulevé la question dans un affidavit soutenant sa requête, et je vais donc considérer cet argument (Dossier d’appel, p. 1129-1136). Je suis d’accord avec le CEE que cet argument peut être rejeté parce que l’appelant aurait pu interjeter appel de l’ordre de suspension lorsqu’il a reçu la version modifiée de cet ordre (Rapport, paragr. 129). De plus, il n’existe aucune politique stipulant qu’un paragraphe sur le « droit d’appel » doit être inclus dans un ordre de suspension. Les CC (déontologie) et les CC (griefs et appels) précisent le droit et la procédure d’appel d’un ordre de suspension. L’alinéa 32(1)b) des CC (déontologie) prévoit qu’un membre faisant l’objet d’une suspension en vertu de l’article 12 de la Loi peut, à titre de recours, interjeter appel de la décision. Le paragraphe 37(e) des CC (griefs et appels) définit la procédure de dépôt de l’appel. La commissaire a toujours soutenu que les membres ont le devoir de s’informer des politiques pertinentes qui leur sont applicables, notamment la Loi et les CC. Je ne suis tout simplement pas convaincu que l’ordre de suspension n’était pas conforme aux exigences de la politique ou que l’appelant a été privé de son droit d’appel.

[62] En résumé, je suis convaincu que le Comité et l’autorité disciplinaire ont agi d’une manière conforme à la politique et qu’il n’y a pas eu manquement aux principes d’équité procédurale.

c) Les conclusions du Comité quant aux allégations étaient-elles manifestement déraisonnables?

[63] Bien que l’appelant ait déjà admis les allégations 1, 2 et 3 à l’audience, il conteste certaines conclusions de fait et la façon dont le Comité a caractérisé sa conduite dans la décision. Ces affirmations remettent en cause les conclusions du Comité sur toutes les allégations. Plus précisément, la position de l’appelant peut être résumée comme suit :

  1. L’appelant a consulté le dossier de Mme A dans l’exercice de ses fonctions;
  2. Les messages texte entre l’appelant et Mme A étaient réciproques et il ne cherchait pas à établir une relation personnelle avec elle;
  3. L’appelant n’a pas exploité Mme B et n’a fait mention de sa qualité de policier que pour qu’elle se souvienne de lui. Le Comité a commis une erreur en concluant qu’il avait consulté de manière inappropriée la base de données de la GRC pour obtenir son numéro de téléphone.

i) L’appelant a consulté le dossier de Mme A dans l’exercice de ses fonctions.

[64] L’appelant fait valoir qu’il a cherché le numéro de Mme A dans le cadre de ses fonctions, « afin de s’assurer de son bien-être et afin de préserver la valeur fondamentale de la GRC qu’est la compassion » et non parce qu’il cherchait des numéros de téléphone à des fins non autorisées. Il explique qu’il était à l’époque un enquêteur adjoint sur le dossier et qu’il a appelé Mme A parce qu’elle était bouleversée. Bien qu’il reconnaisse qu’il aurait dû utiliser d’autres moyens pour faire un suivi auprès d’elle, il soutient que tous les employés utilisent la base de données de la GRC pour consulter des dossiers à des fins de connaissance personnelle ou pour un usage lié au travail et que la façon dont il a été traité était « injuste pour une pratique normale malgré la violation de la politique » (Dossier d’appel, p. 70, 74).

[65] Ce motif d’appel concerne la conclusion du Comité selon laquelle l’allégation 1 a été établie puisque l’appelant avait utilisé des biens et du matériel fournis par l’État pour des fins et des activités non autorisées, ce qui est contraire à l’article 4.6 du code de déontologie. Le Comité a conclu que l’appelant avait légitimement consulté le dossier de Mme A lorsqu’il avait été chargé de communiquer avec le frère de cette dernière. Toutefois, en continuant de consulter son dossier par la suite, en obtenant son numéro et en utilisant son téléphone personnel pour envoyer un message texte à Mme A, l’appelant a contrevenu à l’article 4.6 (Éléments matériels, p. 3372).

[66] Il existe suffisamment d’éléments de preuve pour justifier la conclusion à laquelle la Comité est arrivée. Dans l’énoncé conjoint des faits, l’appelant a admis l’allégation 1 (Éléments matériels, p. 2857). Lors de l’audience, l’appelant a admis avoir « utilisé le système de manière inappropriée pour des motifs non liés à l’exercice de ses fonctions » (Éléments matériels, p. 3009). Sur la base de cette admission et des éléments de preuve au dossier, le Comité a tiré la conclusion suivante lors de l’audience (Éléments matériels, p. 3016) :

Je suis d’avis que le membre n’avait qu’une seule tâche à effectuer dans le dossier, comme il est précisé dans la section 2(b) du résumé des parties. Il a eu, le 8 janvier 2015, un contact téléphonique qui a été traité de manière appropriée, et il a envoyé un message texte plus tard cette même journée qui était, à mon avis, plutôt étrange. Même si [Mme A] était bouleversée lors de l’appel téléphonique qui a précédé l’envoi du message texte et même si [Mme A] n’a pas répondu à celui-ci, je dois évaluer si l’accès au dossier électronique tel qu’admis par le membre les 18 et 24 janvier constitue une utilisation du système de dossiers électroniques de la GRC à des fins non autorisées. Je conclus que ces actes d’accès au système ont constitué une violation de l’article 4.6 simplement parce que le membre n’avait pas d’autres tâches à accomplir en ce qui concerne le dossier d’agression sexuelle de [Mme A].

[67] En conséquence, je rejette l’argument de l’appelant selon lequel il jouait le rôle d’enquêteur adjoint lorsqu’il a consulté le dossier de Mme A et qu’il a été traité injustement pour s’être livré à une pratique normale. L’essentiel de la question n’est pas de savoir si l’appelant a utilisé une base de données que les autres membres du personnel utilisent normalement dans l’exercice de leurs fonctions, mais plutôt de savoir si son utilisation a été faite pour des fins ou des activités non autorisées. L’appelant a déjà admis avoir utilisé la base de données de manière inappropriée pour des fins non autorisées, et il admet en outre en appel que son utilisation était une « violation de la politique ». Je suis convaincu que le Comité n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante dans sa conclusion sur cette question.

ii) Les messages texte entre l’appelant et Mme A étaient réciproques et il ne cherchait pas à avoir une relation personnelle avec elle.

[68] L’appelant prétend que le Comité a mal interprété sa communication avec Mme A. Bien qu’il admette ses « actes inappropriés en dehors du travail », il fait valoir que les « 279 messages texte échangés avec [Mme A] ont été envoyés sur une période de cinq (5) jours/nuits seulement » et que la moyenne de 55 messages texte par jour ne constitue pas un « tas de textos », mais plutôt une quantité de messages texte « de normale à faible ». Il fait également valoir que Mme A et lui participaient tous deux aux conversations et qu’il n’a pas cherché à établir une relation personnelle avec Mme A et ne l’a pas rencontrée malgré « plusieurs demandes des deux parties » (Dossier d’appel, p. 74).

[69] Ce motif d’appel concerne la conclusion du Comité selon laquelle l’allégation 2 était fondée puisque l’appelant a adopté un comportement susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du code de déontologie, en cherchant à entretenir une relation personnelle avec Mme A. Le Comité a expliqué dans sa décision qu’il y avait deux composantes à la conclusion d’une conduite déshonorante : premièrement, l’acte de l’appelant consistant à envoyer des messages texte; deuxièmement, la connaissance qu’avait l’appelant de la situation de Mme A et sa qualité de personne en position d’autorité lorsqu’il a commis ces actes. Plus précisément, le Comité a conclu que l’appelant avait cherché à établir une relation personnelle tout en sachant que Mme A avait 17 ans et qu’elle était une victime dans une enquête d’agression sexuelle (Éléments matériels, p. 3375-3376).

[70] Là encore, l’appelant a admis les détails de l’allégation 2 (Éléments matériels, p. 2857). En appel, l’appelant admet également que ses actions en dehors du travail étaient « inappropriées ». Bien que l’appelant affirme que le Comité a mal interprété sa communication avec Mme A, la preuve au dossier indique le contraire. Je relève ce qui suit :

  • L’appelant savait que Mme A avait été victime d’une agression sexuelle et qu’elle était âgée de 17 ans (Éléments matériels, p. 2858, 3043);
  • L’appelant a demandé à rencontrer Mme A à plusieurs reprises et a échangé des messages de nature aguicheuse et personnelle. Je reproduis certains de ces messages texte (Éléments matériels, p. 373-375) [traduction] :

« Tu travailles demain? … J’espère que tout va bien... on devrait se rencontrer pour prendre un café »;

« Profite du temps entre amis... J’ai même envoyé une photo de moi torse nu haaaa je blague…. C’est un insecte »;

« J’aime ton look »;

Après s’être fait dire qu’elle était à la salle de sport, il a dit à Mme A : « Génial... j’adore les pantalons de yoga... tu me comprends lol... Ou ce qui est en dessous... toutes les formes »;

«.... peut-être que dans 2-3 jours on pourrait aller prendre un café »;

Après avoir envoyé une photo de lui torse nu, il a déclaré « Ha c’est une vieille photo d’été... torse nu lol... tu me comprends... joke »;

Après lui avoir demandé une photo, il a répondu : « Ne le dis pas à personne mais tu as de belles lèvres et un joli nez lol »;

L’appelant a demandé à Mme A si elle conduisait, et lorsqu’elle lui a demandé pourquoi il lui demandait cela, il a répondu « Se rencontrer »;

L’appelant a envoyé d’autres photos d’un homme torse nu en sous-vêtements et d’un homme dormant dans un lit avec une couverture couvrant une érection en déclarant « Endormi mais éveillé... trop drôle lol ».

  • L’appelant a reconnu qu’il était « dégoûté », « embarrassé » et « troublé » par les messages texte qu’il a échangés avec Mme A, que les policiers ne devraient pas se livrer à de telles activités et qu’il « aurait certainement pu arrêter et contrôler cela » (Éléments matériels, p. 3045-3046);
  • L’appelant reconnaît que les conversations « sont devenues assez rapidement inappropriées », qu’il était « un peu excité » et qu’il a maintenant honte de ces messages (Éléments matériels, p. 3047).

[71] Le fait que l’appelant ait ou n’ait pas effectivement rencontré Mme A n’enlève rien à la conduite déshonorante dont il a fait preuve dans ses échanges avec elle. De même, la conclusion d’une conduite déshonorante n’est pas fondée sur le nombre de messages texte que l’appelant a envoyés à Mme A, mais plutôt sur le fait qu’il a initié un contact avec Mme A, en sa qualité de policier et en connaissant son âge et sachant qu’elle avait été victime d’une agression sexuelle, ainsi que sur le caractère inapproprié des conversations. Qu’il s’agisse de lui envoyer des photos où il est torse nu et qui sont sexuellement suggestives, de commenter son apparence physique ou de faire des allusions sexuelles dans ses messages, les conversations montrent clairement une tentative d’établir une relation personnelle avec Mme A. La réciprocité des conversations n’a pas d’incidence sur la question de savoir si la conduite de l’appelant était déshonorante. Je suis convaincu que le Comité n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante dans ses conclusions relatives à l’allégation 2.

iii) L’appelant n’a pas exploité Mme B et n’a fait mention de sa qualité de policier que pour qu’elle se rappelle de lui. Le Comité a commis une erreur en concluant qu’il avait consulté de manière inappropriée la base de données de la GRC pour obtenir son numéro de téléphone.

[72] L’appelant fait valoir qu’il n’y a aucune preuve de la manière dont il a obtenu le numéro de Mme B ou du moment où il l’a obtenu. Il explique que l’utilisation de la base de données de la police « pour rechercher » Mme B n’était pas une contravention grave, mais que l’obtention du numéro de Mme B « pour l’appeler pour des raisons personnelles » l’était. Il explique qu’il n’a fait mention de sa qualité de policier que pour que Mme B sache qui il était. Il affirme qu’elle lui avait au départ proposé d’aller prendre un café, et qu’il a passé l’appel pour donner suite à cette proposition et pour obtenir des détails sur les services d’acupuncture offerts par son mari. L’appelant soutient que le Comité a fait des suppositions et qu’il « n’a pas prêté attention aux détails » (Dossier d’appel, p. 71-74).

[73] Ce motif d’appel concerne les conclusions du Comité selon lesquelles les allégations 3 et 4 étaient fondées, car il a utilisé des biens et du matériel fournis par l’État pour des fins et des activités non autorisées, en contravention à l’article 4.6 du code de déontologie et a adopté un comportement susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du code de déontologie. En concluant que l’allégation 3 était fondée, le Comité a expliqué que « la contravention convenue à l’article 4.6 [du code de déontologie] ne consiste pas simplement à obtenir un numéro de téléphone et à l’utiliser pour tenter de rencontrer [Mme B]. Il s’agit de l’accès totalement non autorisé aux dossiers en question par [l’appelant] (Éléments matériels, p. 3017). Lors de l’audience, l’appelant a admis avoir interrogé le système et effectué une « recherche non autorisée » du numéro de téléphone de Mme B. Il a également admis l’allégation 3 dans l’exposé conjoint des faits (Éléments matériels, p. 2861, 3105-3106). De plus, les messages texte entre l’appelant et Mme B indiquent clairement comment l’appelant a obtenu le numéro de cellulaire personnel de Mme B. Après avoir obtenu le numéro de téléphone personnel de Mme B au moyen d’une utilisation non autorisée de la base de données, l’appelant a appelé son domicile et a parlé à une personne qu’il pensait être la mère de Mme B (il a ensuite été établi qu’il s’agissait de son employée). Lorsqu’il s’est engagé dans une communication par messagerie texte avec Mme B, l’appelant lui a dit qu’il avait obtenu son numéro de cellulaire personnel de cette personne (Éléments matériels, p. 471, 3110).

[74] Le Comité a conclu qu’il était inacceptable que l’appelant s’identifie comme policier à l’employée de Mme B afin d’avoir accès à son numéro de cellulaire, notant que cela constitue en soi une conduite déshonorante, en contravention à l’article 7.1 du code de déontologie. Le Comité a également reconnu que Mme B avait au départ proposé d’aller prendre un café ou un thé, mais a précisé qu’étant dans son véhicule sur le point de recevoir une contravention pour excès de vitesse de la part de l’appelant, cela était possiblement « un effort de sa part pour éviter de recevoir une contravention ou pour bénéficier d’un traitement de faveur » (Éléments matériels, p. 3374). Le Comité a noté que le fait de chercher à rencontrer socialement Mme B, peu de temps après lui avoir collé une contravention, lui donnait l’occasion de contester la contravention au moyen d’un quelconque processus approprié existant et compromettait le rôle de l’appelant en tant qu’enquêteur dans cette affaire d’infraction au code de sécurité routière (Éléments matériels, p. 3375).

[75] Le Comité a examiné les messages texte entre l’appelant et Mme B et a constaté que l’appelant n’a mentionné les services d’acupuncture qu’après que Mme B ait demandé comment il avait obtenu son numéro de cellulaire. Les messages pertinents indiquent ce qui suit (Éléments matériels, p. 2861, 3370) [traduction] :

Appelant : Bonjour [Mme B]... c’est [l’appelant]... avec la police... Je voulais vous contacter.

Mme B : Qui est-ce?

Appelant : La contravention pour excès de vitesse d’hier soir?

Mme B : De quoi s’agit-il?

Appelant : Vous voulez qu’on se retrouve pour le thé?

Mme B : Hey comment avez-vous obtenu mon numéro?

Appelant : J’ai téléphoné chez vous pour vous parler... votre mère m’a donné votre numéro? Désolé de vous avoir dérangée, j’aimerais juste vous rencontrer de nouveau, désolé... Je pensais à l’acupuncture et au fait que vous vouliez aller prendre un café.

Mme B : Désolée, je ne pense pas que ce soit approprié de se rencontrer pour un café, mais j’apprécie l’offre.

Le Comité a expliqué que si le besoin d’un acupuncteur avait été le véritable motif du contact avec Mme B, cela aurait été la première chose que l’appelant aurait mentionnée dans son message texte. Le Comité suggère également que si l’appelant avait vraiment besoin d’un acupuncteur, il aurait pu « trouver un acupuncteur convenable en faisant une recherche sur le Web ou en ouvrant les Pages jaunes » (Éléments matériels, p. 3385).

[76] Je suis convaincu que les conclusions du Comité concernant les allégations 3 et 4 sont étayées par le dossier et qu’il n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante dans son examen de la preuve.

d) La mesure disciplinaire imposée était-elle manifestement déraisonnable?

[77] L’appelant conteste la conclusion du Comité selon laquelle le licenciement était la mesure disciplinaire à retenir. Il fait valoir que le Comité a mal évalué les circonstances atténuantes et aggravantes et qu’il a omis d’envisager une sanction autre que le licenciement. L’intimée soutient que le Comité a soigneusement examiné l’éventail des mesures avant de décider de congédier l’appelant, qu’il a tenu compte des circonstances aggravantes et atténuantes et qu’il a finalement pris une décision appropriée en décidant d’opter pour le licenciement en guise de mesure disciplinaire.

[78] Pour les raisons qui suivent, j’accepte la conclusion du CEE selon laquelle la mesure disciplinaire imposée par le Comité ne justifie pas une intervention en appel (Rapport, paragr. 153).

[79] Le paragraphe 45(4) de la Loi stipule que « [s]i le comité de déontologie décide qu’un membre a contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie, il prend à son égard une ou plusieurs des mesures disciplinaires suivantes :

  1. il recommande que le membre soit congédié de la Gendarmerie, s’il est sous-commissaire, ou, s’il ne l’est pas, le congédie de la Gendarmerie;
  2. il ordonne au membre de démissionner de la Gendarmerie, et si ce dernier ne s’exécute pas dans les quatorze jours suivants, il prend à son égard la mesure visée à l’alinéa a);
  3. il impose une ou plusieurs des mesures disciplinaires prévues dans les règles. »

L’alinéa 36.2e) de la Loi a pour objet « de prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[80] Selon le paragraphe 24(2) des CC (déontologie), « [l]e Comité de déontologie impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au code de déontologie ». L’article 11.15 de AM XII.1 stipule que « [l]’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit être prise en considération lors du choix des mesures disciplinaires à imposer au membre visé relativement à la contravention au code de déontologie ».

i. Le Comité a-t-il accordé une importance adéquate à certaines circonstances aggravantes et atténuantes?

[81] L’appelant soutient que le Comité a représenté injustement les circonstances atténuantes et a attribué trop de poids à certaines circonstances aggravantes. Les arguments de l’appelant peuvent être résumés comme suit :

  1. Le Comité a déterminé à tort que l’appelant avait exploité un client des services de police;
  2. Le Comité n’a pas dûment tenu compte des bons états de service de l’appelant;
  3. Le Comité a commis une erreur en rejetant l’opinion du Dr H sur les circonstances personnelles et les troubles de santé qui ont contribué à l’altération du jugement moral de l’appelant au moment de l’inconduite;
  4. Le Comité a incorrectement caractérisé la nature des messages texte entre l’appelant et Mme A;
  5. Le Comité n’a pas tenu compte du fait que la participation de l’appelant à l’utilisation du système de messagerie interne de la GRC pour des raisons personnelles s’est produite trois ans avant la présente inconduite;

L’intimée fait valoir que le Comité a dûment examiné les circonstances atténuantes et aggravantes et que l’appelant essayait de « soutenir des arguments qui avaient déjà été présentés ou qui auraient pu être présentés au cours de l’audience disciplinaire » (Dossier d’appel, p. 186-187). Pour les raisons que je vais expliquer, j’estime que le Comité a dûment pris en compte les circonstances aggravantes et atténuantes et n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante.

1) Le Comité a-t-il déterminé à tort que l’appelant avait exploité un client des services de police?

[82] Le Comité a considéré comme une circonstance aggravante l’élément d’abus de confiance, étant donné que l’appelant a tiré avantage de son rôle de policier pour obtenir les numéros de téléphone de Mme A et de Mme B et qu’il a « utilisé des renseignements recueillis à des fins d’enquête légitimes pour favoriser sa conduite déshonorante avec Mme A et avec Mme B » (Éléments matériels, p. 3388).

[83] L’appelant soutient que le Comité a considéré à tort comme une circonstance aggravante le fait qu’il ait exploité un client des services de police. L’appelant cite la définition d’exploitation du dictionnaire Oxford et fait valoir qu’il n’a pas exploité Mme A ni Mme B. L’appelant explique que son comportement n’a pas eu d’incidence sur Mme A ni sur Mme B, que Mme B ne considérait pas ce qui s’est passé comme étant grave et ne s’est plainte que parce qu’un policier qui n’était pas de service l’a encouragée à le faire, et que Mme A « n’était pas mal à l’aise et n’avait pas peur de l’appelant » (Dossier d’appel, p. 71-72).

[84] À mon avis, la conclusion du Comité est étayée par le dossier. Comme il a été établi précédemment, l’appelant a admis avoir utilisé la base de données de la police dans le but non autorisé d’obtenir les coordonnées de Mme A et de Mme B. L’appelant a tiré avantage de son rôle de policier pour obtenir ces renseignements dans le but d’entretenir des relations personnelles avec des membres du public. L’appelant souhaitait rencontrer Mme A et Mme B pour des raisons personnelles et il a fait référence à son identité de policier lors du premier contact avec ces deux personnes. Lorsque l’appelant a cherché à établir une relation personnelle avec Mme A, il était conscient de sa vulnérabilité compte tenu de son âge et du fait qu’elle était une plaignante dans le cadre d’une enquête sur une agression sexuelle (Éléments matériels, p. 3368).

[85] En outre, je n’accepte pas l’affirmation de l’appelant selon laquelle son comportement n’a pas eu d’incidence sur Mme A ni Mme B. Mme A a demandé l’avis de son frère sur la situation en lui disant que l’appelant « m’a envoyé des textos coquins et m’a demandé des photos, il a envoyé une photo de lui torse nu ». Elle a expliqué à son frère qu’elle était « un peu paniquée » et que la situation était « juste bizarre »”. Elle a ajouté « [...] il a proposé d’aller prendre un café. J’ai présumé que c’était pour parler de l’affaire, puis il m’a demandé une photo. J’en ai envoyé une où je souriais, puis il a dit « J’aime ton look » et a envoyé une photo de lui torse nu. C’est juste bizarre ». Son frère a répondu que c’était « fucké », qu’ils « devaient aller au poste de police » et qu’elle savait « très bien que ce n’était pas juste bizarre. Tu sais ce qu’il essaie de faire. Ne tombe pas dans le piège » (Éléments matériels, p. 348-349) [traduction].

[86] De même, Mme B a d’abord expliqué qu’elle ne pensait pas que c’était grave parce qu’elle était plus âgée et « une femme d’expérience », mais qu’après avoir réfléchi à la situation, elle avait décidé de porter plainte parce qu’elle ne voulait pas que cela arrive à des femmes plus jeunes ou à d’autres femmes, étant donné que « [l’appelant] peut profiter davantage ou faire quelque chose de pire que ce qu’il m’a fait » (Éléments matériels, p. 396-397).

[87] Je note que l’on attend des membres de la GRC qu’ils assurent la sécurité de leur collectivité et qu’ils véhiculent les valeurs fondamentales de la Gendarmerie. Les situations dans lesquelles des membres du public sont mis en cause et qui entraînent une perte de confiance du public sont toutes des circonstances aggravantes énoncées au chapitre XII.1 du MA (annexe 1-20). En tirant avantage de son rôle de policier pour se livrer à une conduite déshonorante, l’appelant n’a pas respecté les valeurs fondamentales et a causé une perte de confiance au sein de la collectivité, comme en témoignent les déclarations de Mme A et de son frère ainsi que celle de Mme B. Je suis satisfait que le Comité ait considéré cet élément comme étant une circonstance aggravante.

2) Le Comité n’a-t-il pas dûment tenu compte des bons états de service de l’appelant?

[88] L’appelant fait valoir que le Comité n’a pas suffisamment tenu compte de ses bons états de service et des huit pages de commentaires favorables de ses supérieurs, de ses pairs et d’un client de la police. L’appelant insiste également sur le fait qu’il était injuste pour le Comité de considérer l’absence de soutien de la part de ses superviseurs et de ses pairs concernant les mesures disciplinaires à imposer comme une circonstance aggravante (Dossier d’appel, p. 76-77).

[89] Tout d’abord, le Comité n’a pas considéré l’absence de soutien de ses pairs comme une circonstance aggravante. Le Comité n’y a fait mention que dans son résumé des arguments du RAD concernant les circonstances aggravantes et n’a pas considéré cela comme une circonstance aggravante dans sa décision (Éléments matériels, p. 3383, 3387-3388).

[90] De plus, je ne suis pas persuadé que le Comité ait commis une erreur manifeste et déterminante dans sa prise en compte des antécédents professionnels de l’appelant lors de l’examen des circonstances aggravantes et atténuantes. Le Comité a reconnu « les commentaires favorables des superviseurs et les références morales » déposés par l’appelant et a noté que ces documents offraient « des exemples précis de rendement positif au travail ou d’actes personnels de bonté ». Le Comité a également conclu que ces documents « établissent que le membre visé a été reconnu publiquement pour son application des lois sur la conduite avec facultés affaiblies au cours de la période de 2010 à 2014, et qu’il a participé à diverses activités bénévoles en dehors de ses heures de travail, y compris des activités louables auprès de jeunes » (Éléments matériels, p. 3376-3377).

[91] Le Comité a toutefois fait remarquer que les sources de commentaires n’étaient pas au courant de l’inconduite de l’appelant et a conclu que les documents déposés « n’établissaient pas en soi que le membre visé était un employé exceptionnel » (Éléments matériels, p. 3376). Le Comité a néanmoins accepté les « bons états de service et le dévouement de l’appelant à l’égard de son travail » comme circonstance atténuante, mais a noté que cela était « quelque peu diminué par la mesure disciplinaire informelle qui a été imposée au membre visé en juin 2011 et qui a été, généreusement, traitée comme un épisode impliquant un usage excessif de la force pendant une dispute conjugale » (Éléments matériels, p. 3386).

[92] Je suis convaincu que le Comité a dûment considéré le rendement positif de l’appelant comme une circonstance atténuante et a fourni des raisons suffisantes pour expliquer pourquoi il lui a accordé un poids limité.

3) Le Comité a commis une erreur en rejetant l’opinion du Dr H sur les circonstances personnelles et les troubles de santé qui ont contribué à l’altération du jugement moral de l’appelant au moment de l’inconduite?

[93] L’appelant soutient que le Comité a fait preuve de favoritisme en acceptant l’opinion du Dr S plutôt que celle du Dr H. L’appelant affirme que le Dr S a effectué son évaluation moins de deux mois avant l’audience disciplinaire, alors que le Dr H effectuait des évaluations depuis 2015. En acceptant l’opinion du Dr S, le Comité a injustement rejeté comme circonstance atténuante les circonstances personnelles de l’appelant et son trouble dépressif persistant, ainsi que leur incidence au moment de l’inconduite. L’appelant soutient également que le Comité a déclaré à tort qu’il avait subi une blessure à l’épaule droite lors d’un accident de voiture, alors que c’est son biceps droit qui a été endommagé (Dossier d’appel, p. 71, 76-78).

[94] Je conclus que l’appelant n’a pas réussi à démontrer que le Comité avait commis une erreur manifeste et déterminante dans son examen de la preuve d’expert. Dans l’arrêt Pizarro c. Canada (Procureur général), 2010 CF 20 (Pizarro), la Cour fédérale a expliqué qu’il est bien établi en droit qu’« une instance de décision n’est pas tenue d’accepter les conclusions d’un expert même si elles ne sont pas contredites par la preuve. Cependant, il ne lui est permis de rejeter de telles conclusions que pour de bonnes raisons, en général extérieures au domaine de compétence en question » (Pizarro, paragr. 56). De plus, « [l]e décideur n’est pas nécessairement tenu d’interroger un expert sur tous les doutes qu’il peut avoir, mais dans les cas où il omet de le faire, le caractère raisonnable de ses conclusions défavorables peut se trouver lui-même mis en doute » (Pizarro, paragr. 63).

[95] À mon avis, le Comité n’a pas commis une erreur susceptible de révision dans sa prise en compte des avis d’experts du Dr S et du Dr H.

[96] Tout d’abord, le Comité a précisé que les deux experts avaient effectué leur évaluation à des moments différents en raison du dépôt tardif d’un rapport d’expert par l’appelant. Bien que le Comité ait accepté le dépôt tardif, il a fallu offrir un ajournement au RAD pour lui donner le temps de préparer une réponse (Éléments matériels, p. 3364).

[97] De plus, après avoir qualifié le Dr S et le Dr H d’experts en psychologie, le Comité les a tous deux interrogés sur la question de savoir si l’appelant souffrait d’un trouble dépressif persistant ou de tout autre état ou trouble mental au moment de l’inconduite et dans quelle mesure ces troubles pouvaient avoir contribué à son inconduite (Éléments matériels, p. 3171, 3205). Le Dr H a constaté que la dépression de l’appelant avait eu un impact majeur sur la réduction de sa tolérance au stress et que « s’il n’était pas stressé, il n’agirait probablement pas de façon aussi grave » (Éléments matériels, p. 3171-3172). D’autre part, le Dr S était d’avis qu’il n’y avait pas de « preuve convaincante qu’au moment de l’inconduite, il souffrait d’une humeur altérée, d’une mauvaise humeur ou d’un trouble dépressif persistant ». Il a expliqué que l’appelant avait « certainement subi une baisse de l’humeur », mais que le critère de diagnostic d’un trouble dépressif persistant veut qu’il soit « présent pendant deux ans, sans interruption des symptômes pendant plus de deux mois » (Éléments matériels, p. 3205-3206).

[98] Estimant l’avis du Dr S plus convaincant, le Comité a expliqué que la conclusion du Dr S était fondée « sur un examen détaillé d’un certain nombre de points de fait qui montrent que le membre visé a pu, à certains moments, éprouver une baisse de l’humeur après l’échec de son mariage et l’enquête pour voies de fait contre un membre de sa famille, mais que cette baisse de l’humeur était passagère » (Éléments matériels, p. 2790-2795, 3379). Le Comité a trouvé, dans le rapport du Dr H, peu de faits ou de données cliniques qui soutiennent son opinion selon laquelle l’appelant a commencé à souffrir en 2010 d’un trouble dépressif « qui n’était toujours pas traité adéquatement au moment de son inconduite en 2015 ». En guise d’exemple, le Comité a trouvé tout particulièrement important de noter que le « ton nettement optimiste et enjoué » des messages texte de l’appelant à l’intention de Mme A ne concordait pas avec une humeur dépressive (Éléments matériels, p. 3379).

[99] Je suis convaincu que le Comité a agi d’une manière conforme aux principes énoncés dans l’arrêt Pizarro en prenant des mesures pour poser la même question aux deux experts en ce qui concerne le problème, et qu’elle a fourni des raisons suffisantes pour expliquer pourquoi elle a choisi l’avis du Dr S plutôt que celui du Dr H. Entre autres exemples, bien que le Dr H ait joué le double rôle de thérapeute et d’évaluateur de l’appelant, le Comité a tout de même accepté son rapport, tout en traitant ses conclusions relatives à l’état mental de l’appelant du 8 janvier au 11 février 2015 avec une certaine prudence en raison de la relation thérapeutique patient-psychologue. Le Comité a également conclu que l’analyse du Dr S était étayée par le fait qu’elle tenait compte de la conduite de l’appelant avec Mme A et Mme B, alors que le Dr H ne s’est concentré que sur Mme A (Éléments matériels, p. 3385). Bien que l’appelant suggère que le Comité a fait preuve de favoritisme, je suis d’accord avec le CEE qu’il n’y a pas d’indication à cet égard dans le dossier (Rapport, paragr. 165). Entre autres exemples, bien que préférant l’avis du Dr S, le Comité a jugé irrecevables certains renseignements litigieux provenant de sources collatérales non vérifiées et a supprimé de son avis les références à ces renseignements (Éléments matériels, p. 3379).

[100] Je suis également convaincu que le Comité n’a commis aucune erreur susceptible de révision en rejetant le trouble dépressif persistant et la vie personnelle de l’appelant comme circonstances atténuantes. Le Comité a reconnu que l’appelant était aux prises avec plusieurs circonstances personnelles au moment de l’inconduite, notamment le fait qu’il ne vivait pas dans la même résidence que sa partenaire actuelle, les contraintes financières liées à sa précédente rupture et l’inconfort physique dû à une blessure à l’épaule. Toutefois, le Comité a conclu que ces circonstances n’ont pas imposé au membre visé « un stress si important qu’il a subi une déficience mentale ayant compromis son jugement moral, puisqu’il a continué d’exercer ses fonctions de façon satisfaisante malgré ces circonstances » (Éléments matériels, p. 3384).

[101] De même, le Comité a expliqué que même si les communications initiales de l’appelant étaient « considérablement influencées par une sorte d’état mental dépressif et des facteurs de stress personnels […] le membre visé a admis dans son témoignage que, pendant la période des échanges de messages texte, il savait que ce qu’il faisait était inapproprié et devait cesser ». Le Comité a également indiqué avoir pris en considération le témoignage du Dr H en ce qui concerne l’alcoolisme au travail masquant une dépression sous-jacente, mais n’avoir trouvé aucune observation indépendante susceptible de plaider en faveur de l’appelant. Le Comité a souligné que l’appelant avait informé le Dr H qu’il fonctionnait extrêmement bien au travail, qu’il recevait des évaluations de rendement positives et qu’il faisait beaucoup d’heures supplémentaires. Par conséquent, le Comité a conclu que l’appelant avait la capacité « d’avoir une pensée critique, de prendre des décisions judicieuses et de faire preuve d’un bon jugement au moment de ses actes d’inconduite » (Éléments matériels, p. 3384). De plus, le Comité a expliqué que même s’il acceptait le fait que l’appelant souffrait d’un trouble dépressif persistant, le Dr S avait expliqué en détail pourquoi il y avait peu de raisons de croire que ses symptômes « étaient assez graves pour causer l’inconduite ou y contribuer » (Éléments matériels, p. 3380).

[102] De plus, je reconnais que le Comité a fait référence de façon inexacte à une blessure que l’appelant a subie le 6 novembre 2012 comme étant une blessure à l’épaule subie en dehors des heures de travail alors qu’il s’agissait en fait d’une blessure au biceps droit de l’appelant. J’estime toutefois que cette inexactitude n’a pas entraîné une erreur manifeste et déterminante dans la décision globale du Comité, car une description plus précise n’aurait pas conduit à une conclusion différente, à savoir que la blessure n’a pas contribué à compromettre le jugement moral au moment de l’inconduite.

4) Le Comité a-t-il incorrectement caractérisé la nature des messages texte entre l’appelant et Mme A?

[103] L’appelant soutient que le Comité a indûment qualifié et considéré comme circonstances aggravantes de multiples aspects de la communication entre l’appelant et Mme A. Plus précisément, l’appelant fait valoir que :

  • Les messages texte et les photos échangés entre lui et Mme A étaient réciproques. Tous deux se sont contactés et ont demandé à se rencontrer en personne. En fait, il y a eu une période de sept jours, après le 2 février 2015, où l’appelant n’a pas contacté Mme A jusqu’à ce qu’elle lui envoie un message texte (Dossier d’appel, p. 71, 77);
  • Il n’a pas échangé d’images à caractère sexuel avec Mme A, mais plutôt des « suggestions immatures et loufoques », notamment lorsqu’il a envoyé la photo d’un homme inconnu allongé sur un lit superposé, le centre de son pantalon relevé, suivie du message texte « endormi mais éveillé… trop drôle » (Dossier d’appel, p. 77);
  • Le Comité s’est fait une opinion injuste de la raison pour laquelle l’échange de messages texte a pris fin. L’appelant a cessé de communiquer avec Mme A parce qu’il estimait que « sa communication serait limitée et inutile étant donné l’état d’esprit de [Mme A] et ses craintes eu égard à sa santé mentale » (Dossier d’appel, p. 77).

[104] Je note que le Comité n’a pas émis d’opinion sur la raison pour laquelle l’échange de messages texte entre l’appelant et Mme A a pris fin. Le Comité n’a fait référence qu’à l’argument du RAD selon lequel l’échange de messages texte a cessé parce que Mme A « a commencé à exprimer des pensées suicidaires et que le membre visé, essentiellement, a été forcé de demander qu’on lui envoie de l’aide et pour ce faire a dû fournir son nom ». Bien que le RAD ait présenté cet élément comme une circonstance aggravante, le Comité ne l’a pas considéré comme tel dans sa décision (Éléments matériels, p. 3383, 3387-3388).

[105] Je ne suis pas convaincu par les autres arguments de l’appelant. Le Comité a certainement tenu compte de la réciprocité de l’interaction entre l’appelant et Mme A, puisqu’il a reproduit des extraits de leur échange de messages texte où Mme A demandait une rencontre ou engageait la conversation. Toutefois, le Comité a considéré comme une circonstance aggravante les demandes répétées de l’appelant pour des images de Mme A, y compris potentiellement en pantalon de yoga et en maillot de bain, et le fait que les échanges l’aient rendu « un peu excité ». Le Comité a expliqué que l’appelant avait agi d’une « manière hautement manipulatrice » en exprimant sa volonté d’obtenir une photo de Mme A en maillot de bain (Éléments matériels, p. 3384).

[106] En outre, je trouve révélateur que l’appelant tente de minimiser la nature des images et des messages à caractère sexuel qu’il a envoyés à Mme A. Bien qu’il ait précédemment admis que les 279 messages texte et photographies contenaient des « connotations sexuelles », l’appelant tente de diminuer la gravité de son inconduite en qualifiant les conversations de « loufoques » et « immatures ». Je trouve préoccupant que l’appelant décrive une photo qui est très clairement l’image d’un homme allongé dans un lit avec une couverture couvrant son érection comme non sexuelle et comme la photo d’un homme « avec le centre de son pantalon relevé » (Dossier d’appel, p. 77). Le Comité a qualifié à juste titre cette image de « faute grave », d’autant plus que l’appelant « savait que ce qu’il faisait était inapproprié et devait cesser » (Éléments matériels, p. 3103, 3384). Le Comité a expliqué que la décision de l’appelant d’envoyer « des messages texte à connotation sexuelle […] était si fondamentalement contraire aux devoirs qu’il savait évidents à l’égard d’une plaignante d’agression sexuelle de 17 ans » (Éléments matériels, p. 3384).

[107] La gravité de la faute est établie, au chapitre XII.1 du MA (annexe 1-20), comme étant une circonstance aggravante. La décision de l’appelant d’entretenir avec Mme A une correspondance « extrêmement inappropriée […] faite de messages texte comportant des images et des commentaires à connotations sexuelles » bien qu’il ait eu connaissance de la situation personnelle vulnérable de Mme A, de son statut de mineure et de son statut de plaignante dans une affaire d’agression sexuelle, est révélatrice de la gravité de l’inconduite. Je suis convaincu que le Comité n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante en considérant les messages texte comme une circonstance aggravante.

5) Le Comité a-t-il omis de tenir compte du fait que la participation de l’appelant à l’utilisation du système de messagerie interne de la GRC pour des raisons personnelles s’est produite trois ans avant la présente inconduite?

[108] L’appelant fait valoir que l’inconduite liée à l’utilisation inappropriée d’un système de messagerie interne de la GRC, qui a entraîné le licenciement de son épouse de la Gendarmerie, s’est produite trois ans auparavant et qu’il n’a pas refait la même erreur (Dossier d’appel, p. 77). Il insiste sur le fait que cela n’aurait pas dû être considéré comme une circonstance aggravante.

[109] Lorsque l’épouse de l’appelant travaillait pour la GRC, tous deux communiquaient pour des motifs personnels par l’entremise d’un système de messagerie interne. Suite à l’utilisation personnelle inappropriée du système interne, l’épouse de l’appelant a été licenciée. Bien que l’appelant n’ait pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire, il a été averti par son superviseur de ne pas faire un usage inapproprié des systèmes de la GRC. À l’audience, l’appelant a fait remarquer qu’il « ne l’a plus jamais utilisé après cela » et qu’il avait « appris [sa] leçon » (Éléments matériels, p. 3113-3114). Le Comité a estimé que l’utilisation abusive du système de messagerie interne avait un « poids aggravant limité ».

[110] Conformément au chapitre XII.1 du MA (annexe 1-20), le fait d’avoir été informé dans le passé du caractère inapproprié de l’acte constitue une circonstance aggravante. Je suis d’accord avec la conclusion du CEE selon laquelle « l’appelant aurait dû savoir, compte tenu de son expérience antérieure, qu’il était inapproprié d’utiliser les ressources de la GRC pour des raisons personnelles » (Rapport, paragr. 187). Bien qu’il ait dit qu’il ne commettrait pas la même erreur, l’avertissement de son superviseur aurait dû suffire pour que l’appelant sache qu’il était inacceptable d’utiliser la base de données de la GRC à des fins personnelles. Par conséquent, j’estime que le Comité a considéré à juste titre l’utilisation abusive antérieure du système de messagerie interne comme une circonstance aggravante, bien que limitée.

ii) Le licenciement était-il une mesure disciplinaire proportionnelle à son inconduite?

[111] L’appelant fait valoir que le licenciement n’est pas une mesure disciplinaire proportionnelle. Il cite certains cas dans le Rapport annuel où l’inconduite était plus grave que la sienne, mais où la sanction a été minime. Il ajoute que le Comité a omis d’envisager des mesures autres que le licenciement. Entre autres exemples, le RM a proposé que l’appelant reçoive une thérapie psychologique pendant un an, suivie d’une réévaluation des mesures disciplinaires en fonction de son traitement. L’appelant prétend que le Comité a ignoré cette suggestion. L’appelant propose une « offre plus raisonnable » en guise de sanction, qui comprend une réintégration dans ses fonctions, l’obligation de participer à des séances de counseling et à un programme de réadaptation pour sa blessure à l’épaule, une réprimande et une suspension de 60 jours sans solde, une inadmissibilité à une promotion pendant deux ans, une réaffectation à un autre poste ou une mutation à un poste comportant des fonctions autres, et une occasion de sensibiliser les membres de la GRC à l’égard des actes répréhensibles en milieu de travail (Dossier d’appel, p. 79).

[112] Je ne suis pas convaincu par l’argument de l’appelant selon lequel le Comité n’a pas imposé une mesure disciplinaire proportionnelle à son inconduite. Avant de choisir le licenciement comme mesure disciplinaire appropriée, le Comité a envisagé des sanctions autres que le licenciement. Le Comité a par exemple noté que l’envoi de messages texte personnels inappropriés par un enquêteur à un contrevenant au code de sécurité routière « entraînerait normalement des mesures disciplinaires autres que le licenciement » (Éléments matériels, p. 3388). Le Comité s’est également penché sur la proposition du RM voulant que l’appelant suive une année de psychothérapie « comprenant des séances de traitement fréquentes et des activités thérapeutiques spécifiques avec le Dr H, et examinés en contre-interrogatoire avec le Dr S », une décision finale sur les mesures de conduite étant rendue à la fin de l’année. Le Comité a expliqué qu’il n’a pas retenu cette option, car elle n’était pas « conforme à la résolution rapide des questions d’inconduite, qui est l’une des grandes obligations et priorités du régime de déontologie » (Éléments matériels, p. 3388-3389).

[113] En rejetant la psychothérapie, le Comité a considéré que la participation antérieure de l’appelant à une thérapie constituait une circonstance atténuante, mais il a conclu que la décision de l’appelant « d’abandonner un traitement régulier et ininterrompu avec le Dr H et sa volonté de le revoir uniquement pour la production du rapport d’expert ne sont tout simplement pas compatibles avec une personne véritablement déterminée à s’attaquer à un comportement clairement problématique » (je souligne). Le Comité a ajouté qu’il était « sceptique quant à l’efficacité de l’année de psychothérapie intensive proposée pour réduire le risque de récidive à un niveau acceptable proche de zéro, étant donné que la psychothérapie proposée pourrait ne pas corriger un facteur contribuant probablement à l’inconduite, à savoir les traits de personnalité du membre visé » (Éléments matériels, p. 3385-3386, 3389).

[114] Le Comité a également reconnu que le RM avait soumis des décisions disciplinaires concernant d’autres professions réglementées où l’inconduite établie dépassait de loin celle de l’appelant, mais où le licenciement n’avait pas été la mesure disciplinaire imposée. Le Comité a expliqué qu’il avait « examiné attentivement ces cas », mais avait conclu que « le licenciement peut être proportionnel même lorsqu’une affaire ne concerne pas le pire type d’employé ou un employé commettant le pire type d’inconduite » (Éléments matériels, p. 3389). Je reconnais que l’appelant a trouvé dans le Rapport annuel des cas qui présentaient des similitudes avec le sien et dans lesquels des mesures disciplinaires moins sévères ont été imposées. Je souligne deux de ces cas (Dossier d’appel, p. 141-142) :

11 D.A (4e) 270 : Utilisation inappropriée des ressources de la GRC (utilisation répétée des ressources en vue d’un rapport sexuel). Avertissement, confiscation de l’équivalent de 10 jours de solde et recommandation de suivre une thérapie.

11 D.A. (4e) 327 : Utilisation inappropriée des ressources de la GRC (utilisation répétée des ressources en vue d’un rapport sexuel). Avertissement, confiscation de l’équivalent de 7 jours de solde et recommandation de suivre une thérapie.

J’accepte la conclusion du CEE selon laquelle « une distinction entre ces deux affaires et celle qui nous occupe est que la présente affaire concerne un membre vulnérable du public, un mineur qui était un plaignant dans une enquête sur une agression sexuelle » et que ce détail constitue « un élément essentiel de la conclusion du Comité sur la proportionnalité » (Rapport, paragr. 204).

[115] Dans son examen de la mesure disciplinaire appropriée, le Comité a tenu compte de la nature et des circonstances des quatre contraventions, ainsi que des circonstances aggravantes et atténuantes. Le Comité a expliqué que les « communications extraordinairement inappropriées avec une plaignante » nécessitent l’imposition de mesures disciplinaires « qui tiennent suffisamment compte de la confiance du public et d’autres intérêts importants » (Éléments matériels, p. 3388). En définitive, le Comité a estimé que le licenciement était la mesure disciplinaire globale appropriée pour les quatre allégations.

[116] La justification du licenciement par le Comité est conforme aux directives et aux valeurs énoncées dans le Guide des mesures disciplinaires de la GRC (le Guide). Le Guide fournit des renseignements et des orientations sur les mesures disciplinaires appropriées en cas de contravention au code de déontologie. Les contraventions à l’article 4.6 du code de déontologie sont décrites dans la section 13 du Guide : Mauvaise utilisation du CIPC et des bases de données des services de police. Le Guide explique que les bases de données de la GRC sont des dépôts de renseignements hautement confidentiels et que leur utilisation abusive en vue d’obtenir des renseignements « [c]ompromet gravement la réputation de la GRC et constitue un cas flagrant de violation du droit à la vie privée d’une personne ». Les mesures aggravées, lorsque l’abus a été commis à des fins personnelles, consistent en une perte de solde de 6 à 20 jours (Guide, p. 36).

[117] En outre, les contraventions à l’article 7.1 du code de déontologie sont décrites dans les sections 19 à 31 du Guide. La section 30 du Guide – Activités sexuelles pendant les heures de service – membre du public précise que dans les cas « où le membre se livre à des activités sexuelles, intimes ou romantiques avec un membre du public, dans des circonstances où il y a inégalité de pouvoir », le licenciement est la mesure appropriée dans l’éventail de mesures normales, atténuées et aggravées. On trouve également les détails suivants dans cette section du Guide (Guide, p. 59-60) :

On s’attend à ce que les membres en service fassent preuve de professionnalisme en tout temps et qu’ils n’abusent pas de leur position pour obtenir un gain personnel. Cela comprend les relations intimes découlant de l’inégalité de pouvoir ou la poursuite de relations avec des membres du public dont le membre connaît la vulnérabilité, grâce à des connaissances professionnelles acquises au fil d’enquêtes.

[…] Les précédents de la GRC ont indiqué clairement qu’il y a une inégalité de pouvoir entre les policiers et les membres du public, car un citoyen pourrait se sentir naturellement obligé d’entretenir une conversation ou de suivre les directives d’un policier en service qui les aborde. C’est particulièrement vrai dans les situations où le membre du public est intoxiqué ou autrement vulnérable.

Ainsi, les contacts sexuels avec un membre du public, tout particulièrement s’il est intoxiqué, entraînent le congédiement du membre. Il n’y a aucune raison de dévier des précédents déjà établis.

[Je souligne.]

[118] Je reconnais que la section 30 fait référence à une activité « en service » et que l’appelant n’était pas en service lorsqu’il a communiqué avec Mme A et Mme B. Je note cependant que dans sa discussion sur la conduite déshonorante, le Guide explique que « [l]es membres doivent respecter les normes éthiques élevées, qu’ils soient ou non en service » (Guide, p. 49). En outre, la section 30 du Guide met l’accent sur l’inégalité du pouvoir et sur l’utilisation de la position de policier à des fins personnelles. Comme l’a établi le Comité, l’appelant a tiré avantage de son poste de policier lorsqu’il a obtenu les renseignements sur Mme A et Mme B et a pris contact avec elles pour des raisons personnelles. Le Comité a considéré comme des circonstances aggravantes le fait que l’appelant était une personne en autorité lorsqu’il a choisi de communiquer avec Mme A et Mme B et qu’il connaissait l’âge de Mme A et sa vulnérabilité en tant que plaignante dans une affaire d’agression sexuelle, lorsqu’il lui a envoyé des messages texte de « nature extrêmement inappropriée […] comportant des images et des commentaires à connotations sexuelles » (Éléments matériels, p. 3387). Bien que l’appelant n’ait pas rencontré Mme A et ne se soit pas engagé physiquement avec elle, le Comité a conclu que la décision de lui envoyer « des messages texte à connotation sexuelle […] était si fondamentalement contraire aux devoirs qu’il savait évidents à l’égard d’une plaignante dans une affaire d’agression sexuelle de 17 ans » (Éléments matériels, p. 3384).

[119] En rendant sa décision de rejeter la requête de l’appelant, le Comité a souligné ce qui suit (Éléments matériels, p. 3389) :

Les pouvoirs accordés à un policier sont considérables; le public est en droit de s’attendre à ce que les membres de la GRC respectent les normes éthiques et professionnelles les plus élevées. Cela comprend nécessairement l’attente fondamentale que les membres agissent dans le seul but de protéger la santé et la sécurité des jeunes du Canada et qu’ils n’exploitent jamais délibérément et de manière répétée une jeune personne vulnérable. Le maintien en poste du membre visé mettrait manifestement en péril la confiance du public envers la Gendarmerie.

Je suis d’accord. La décision du Comité de congédier l’appelant est conforme au principe directeur, est bien étayée par les conclusions du dossier et reflète la gravité et la nature répétitive de l’inconduite de l’appelant. En bref, je ne suis pas persuadé que la décision du Comité d’ordonner à l’appelant de démissionner de la Gendarmerie dans un délai de 14 jours à défaut de quoi il serait licencié est manifestement déraisonnable.

DÉCISION

[120] Conformément à l’alinéa 45.16(3)a) de la Loi, l’appel est rejeté. Je confirme la mesure disciplinaire imposée par le Comité.

[121] Si l’appelant n’est pas d’accord avec ma décision, il peut faire appel à la Cour fédérale en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7.

 

 

 

Steven Dunn, arbitre

 

Date

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.