Protégé A
Dossier 20193355 (C-047)
2021 DAD 22
GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
AFFAIRE INTÉRESSANT
un appel d’une décision interjeté au titre du paragraphe 45.11(1) de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 et de la
partie 2 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291
ENTRE :
le gendarme Andrew Hedderson
Numéro de matricule 61436
(appelant)
et
la commandante de la Division E
Gendarmerie royale du Canada
(intimée)
(les parties)
DÉCISION D’APPEL EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE
|
ARBITRE : Steven Dunn
DATE : Le 8 septembre 2021
TABLE DES MATIÈRES
Avis de tenue d’une audience disciplinaire
a) Conférences préparatoires à l’audience
1. Qui est chargé de fournir le dossier au BCGA?
3. Audience publique par rapport à une audience en personne
4. Une audience orale est-elle nécessaire pour respecter la justice naturelle et l’équité?
Le comité a-t-il manqué aux principes d’équité procédurale?
INTRODUCTION
[1]
Le gendarme Andrew Hedderson, matricule 61436 (appelant), conteste, en vertu du paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10, dans sa version modifiée (Loi sur la GRC), la décision rendue par un comité de déontologie (comité) en date du 17 décembre 2018 qui a conclu qu’une allégation de conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) (une annexe du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada [2014], DORS/2014-281) (Code de déontologie) et qu’une deuxième allégation selon laquelle il n’a pas exercé ses fonctions et n’a pas pris des mesures appropriées en contravention de l’article 4.2 étaient fondées. Une troisième allégation concernant un conflit d’intérêts en vertu de l’article 6.1 a été jugée non fondée. Le comité a ordonné le congédiement de l’appelant pour conduite déshonorante et a imposé une confiscation de la solde correspondant à 15 jours de travail pour avoir omis d’exercer ses fonctions.
[2]
Dans sa déclaration d’appel, l’appelant a soutenu que les mesures disciplinaires imposées étaient excessivement punitives et il a indiqué que la décision avait été prise d’une façon qui allait à l’encontre des principes d’équité procédurale applicables, qu’elle était fondée sur une erreur de droit et qu’elle était manifestement déraisonnable.
[3]
L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen de la GRC (CEE) pour examen conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la GRC. Dans un rapport faisant état des conclusions et des recommandations qui a été publié le 4 juin 2021 (CEE no de dossier C-2020-012 [C-047]) (le rapport), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, a recommandé que l’appel soit accueilli et qu’une nouvelle audience soit ordonnée.
[4]
Pour rendre ma décision, j’ai tenu compte de la documentation dont disposait le comité (documents), de la décision contestée, du dossier d’appel, y compris les arguments des parties, et du rapport. Sauf indication contraire, je préciserai le numéro de page concerné lorsque je mentionnerai les documents et le dossier d’appel et le numéro de paragraphe lorsque je mentionnerai le rapport.
[5]
Pour les motifs qui suivent, l’appel est accueilli et j’ordonne que l’affaire fasse l’objet d’une nouvelle audience devant un nouveau comité de déontologie.
CONTEXTE
[6]
Mme W a été victime de violence familiale de la part de son petit ami. Des agents locaux de la GRC se sont rendus chez lui et l’ont arrêté. Le lendemain, le petit ami de Mme W a été libéré sous conditions, dont l’une était de ne pas communiquer avec elle.
[7]
Le lendemain de sa libération, le petit ami de Mme W lui a envoyé un message texte. Elle a communiqué avec le détachement local de la GRC et a signalé la contravention et la communication non désirée. L’appelant a été envoyé à la résidence de Mme W. À son arrivée, Mme W a montré à l’appelant des photos de ses blessures, sans penser que ses seins nus y étaient exposés. Lorsqu’elle s’en est rendu compte, Mme W a exprimé sa honte et son embarras à l’appelant, ce qui ne l’a pas dissuadé de lui montrer une photographie « révélatrice » de lui-même depuis son téléphone cellulaire.
[8]
Au cours des jours suivants, Mme W et l’appelant se sont échangés des messages textes, dont la nature était sexuelle. Après deux jours, l’appelant a informé Mme W que la communication entre eux devrait cesser, car elle pouvait mettre en péril sa carrière et nuire à l’accusation de contravention des conditions portée contre son petit ami. Mme W n’était pas contente de cette décision et a envoyé à maintes reprises des messages textes à l’appelant pour lui exprimer sa frustration. Elle a envoyé un message texte à l’appelant pour l’informer que son petit ami avait violé ses conditions, qu’elle craignait son retour et a demandé à l’appelant de se rendre à sa résidence. N’étant pas en service à ce moment-là, l’appelant lui a dit de quitter sa résidence, de chercher refuge dans un lieu sûr et de communiquer avec la police à partir de ce lieu. Mme W a persisté à demander l’aide de l’appelant. À son insu, l’appelant avait bloqué son numéro peu après le dernier message.
[9]
Lorsque Mme W a assisté à l’audience de son ex-petit ami, elle a informé le procureur de la Couronne que l’appelant lui avait montré des photographies sexuellement explicites de lui-même et qu’il lui avait envoyer des messages textes de nature sexuelle. Le procureur de la Couronne a informé l’officier hiérarchique de l’appelant et la situation a conduit au retrait de l’accusation de contravention des conditions de libération portée contre l’ex-petit ami de Mme W.
PROCÉDURES DISCIPLINAIRES
Avis à l’officier désigné
[10]
Le 8 décembre 2017, un Avis à l’officier désigné a été émis par la commandante de la Division E (intimée), conformément au paragraphe 41(1) de la Loi sur la GRC, demandant la nomination d’un comité de déontologie (documents, pages 118 et 119) pour trois allégations (documents, page 5) :
- L’appelant s’est conduit de manière déshonorante en montrant à Mme W une photographie révélatrice de lui et en échangeant avec elle des messages textes déplacés de nature personnelle et sexuelle, contrevenant ainsi à l’article 7.1 du Code de déontologie.
- L’appelant a créé un conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel entre ses responsabilités professionnelles et ses intérêts personnels en ayant des échanges inappropriés de nature sexuelle et personnelle avec Mme W, contrevenant ainsi à l’article 6.1 du Code de déontologie.
- L’appelant a omis d’exercer ses fonctions avec diligence et de prendre les mesures appropriées pour aider Mme W, contrevenant ainsi à l’article 4.2 du Code de déontologie.
Avis de tenue d’une audience disciplinaire
[11]
Le comité a été constitué le 21 décembre 2017 (documents, page 117). L’Avis de tenue d’une audience disciplinaire ainsi que les documents d’enquête ont été signifiés à l’appelant le 9 janvier 2018 (documents, pages 102 à 114). Les mêmes documents ont été fournis au comité le 10 janvier 2018 (documents, page 120).
Instance devant le comité
a) Conférences préparatoires à l’audience
[12]
Lors de la première conférence préparatoire tenue le 29 janvier 2018, le comité a déterminé qu’il n’aurait pas besoin de renseignements supplémentaires et que le délai pour fournir la liste de témoins des deux parties était suspendu (documents, page 1400).
[13]
Le 22 février 2018, l’appelant a fourni une réponse aux allégations. Il a reconnu l’allégation 1 et la plupart des faits reprochés, mais a nié l’allégation 3. En ce qui a trait à l’allégation 2, l’appelant a estimé qu’on l’accusait à deux reprises de la même contravention et a demandé la possibilité de présenter des observations sur le fond (documents, pages 2072 à 2074).
[14]
Une deuxième conférence préparatoire à l’audience a été tenue le 8 mars 2018, au cours de laquelle des précisions ont été apportées à un certain nombre de faits (documents, page 1392). À ce moment-là, le comité a demandé à l’intimée de présenter des observations sur la question de savoir si Mme W était une « personne vulnérable » et si elle était obligée de témoigner. L’intimée a présenté une argumentation sur la question relative aux personnes vulnérables le 19 mars 2018 (documents, pages 1386 à 1391). L’appelant a présenté des observations en réponse en adoptant la position selon laquelle Mme W n’était pas une « personne vulnérable » (documents, pages 1383 à 1385).
[15]
L’intimée a fait valoir la position selon laquelle Mme W devait être citée à témoigner. Le 29 mars 2018, le comité a informé les parties des éléments suivants (documents, page 1383) :
[TRADUCTION]
S’il n’y a pas d’autres observations, j’examinerai l’argumentation qui a été présentée et je prendrai les mesures qui conviennent afin de déterminer quels témoins devraient comparaître ou si un témoignage est nécessaire en vue de la prise de décisions à l’égard des allégations.
b) Décision
[16]
Le 26 avril 2018, le comité a rendu par courriel aux représentants une décision sur le fond des allégations, en plus d’une décision sur la question relative à la vulnérabilité de Mme W et au fait qu’elle soit obligée ou non de témoigner (documents, pages 3 à 30 et 1382). Le comité a conclu que les allégations 1 et 3 étaient fondées, mais a conclu que l’allégation 2 constituait une répétition de l’allégation 1 et n’était donc pas fondée. Le comité a considéré que Mme W était une personne vulnérable et a conclu qu’elle n’avait pas besoin de témoigner parce qu’il n’existait aucun élément de preuve contradictoire (documents, pages 25, 27 et 28).
[17]
L’intimée a informé le comité le 1er mai 2018 qu’elle ne s’attendait pas à ce qu’une décision soit rendue sur le fond parce qu’une décision quant à savoir si Mme W serait obligée de témoigner et si elle était une personne vulnérable en droit était attendue. L’intimée a indiqué clairement qu’elle s’attendait à avoir la possibilité de présenter des observations détaillées sur les allégations avant la publication d’une décision sur le fond (documents, pages 1381 et 1382). Le 2 mai 2018, le comité a accusé réception du courriel de l’intimée et a indiqué que Mme W n’avait pas besoin de témoigner à l’étape des mesures disciplinaires, mais que cette décision pourrait être réexaminée si l’appelant devait témoigner au sujet des mesures disciplinaires. Le comité a ensuite ordonné la présentation d’observations écrites sur les mesures disciplinaires, d’abord de la part de l’intimée (reçues : le 29 mai 2018) et ensuite de la part de l’appelant (reçues : le 18 juin 2018).
[18]
Le comité a rendu la décision finale le 17 décembre 2018. En ce qui concerne l’allégation 1, le comité a ordonné que l’appelant soit congédié et en ce qui concerne l’allégation 3, il a imposé une confiscation de la solde correspondant à 15 jours de travail (dossier d’appel, page 75).
[19]
En décrivant la décision du 26 avril 2018 par courriel et la décision en tant que décision « rendue par écrit et de vive voix », le comité a expliqué ce qui suit (dossier d’appel, pages 37 et 38) :
[151] La transcription d’une décision a pour but de fournir aux représentants un dossier écrit des conclusions du comité de déontologie et ainsi de mieux les éclairer en vue de la préparation de leur argumentation concernant les mesures disciplinaires, ce qui n’est pas toujours le cas lorsqu’une décision sur le fond est rendue de vive voix et que les représentants sont contraints de présenter une argumentation sur les mesures disciplinaires sans disposer d’un dossier écrit ou très rapidement, parfois le jour même ou le lendemain de la décision.
[152] Sous réserve des commentaires des représentantes, le comité a soulevé plusieurs questions d’ordre procédural et a proposé que la RAD [représentante de l’autorité disciplinaire] présente une argumentation concernant les mesures disciplinaires, suivies d’une réponse de la RM [représentante du membre], et s’il y a lieu, la réfutation de la RAD, et le comité a formulé un avis préliminaire selon lequel il ne semblait pas nécessaire de faire appel à des témoins à l’étape des mesures.
APPEL
[20]
Le 26 décembre 2018, l’appelant a présenté sa déclaration d’appel (formulaire 6437) au Bureau de la coordination des griefs et des appels (le BCGA), soutenant que les mesures disciplinaires imposées étaient déraisonnables et excessivement punitives, que le comité avait un parti pris dans le processus décisionnel et que le comité n’avait pas autorisé l’argumentation quant au fond des allégations (dossier d’appel, pages 5 et 6). À titre de réparation, l’appelant demande également, entre autres, l’imposition de mesures disciplinaires inférieures au congédiement pour l’allégation 1, et une confiscation de la solde correspondant à moins de 15 jours de travail pour l’allégation 3 (dossier d’appel, page 6).
[21]
L’appelant soulève plusieurs motifs d’appel (dossier d’appel, pages 333 à 342; rapport, paragraphe 18) :
- Le comité a porté atteinte au droit de l’appelant à l’équité procédurale lorsqu’il n’a pas tenu une audience en personne et lorsqu’il a rendu prématurément une décision sur le fond;
- Le comité a commis une erreur lorsqu’il a déterminé que Mme W était une personne vulnérable;
- Le comité a incorrectement tenu compte des éléments de preuve relatifs à l’allégation 2 pour déterminer que l’allégation 1 était fondée.
- Le congédiement constituait une mesure disciplinaire trop sévère.
[22]
Étant donné que je suis prêt à accueillir l’appel en me fondant uniquement sur le motif lié à l’équité procédurale, je ne me prononcerai pas sur les autres arguments.
QUESTIONS PRÉLIMINAIRES
Norme de contrôle applicable
[23]
La Cour suprême du Canada a renouvelé l’examen de la norme de contrôle dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov). Pour les besoins de la présente affaire, je précise que la CSC a confirmé que la norme de contrôle établie par voie législative doit être respectée (Vavilov, paragraphes 34 et 35), et que la majorité faisait la distinction entre les démarches à adopter dans le cadre d’un appel prévu par la loi et lors d’un contrôle judiciaire des décisions administratives (Vavilov, paragraphes 36 à 45).
[24]
Le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289 (CC [griefs et appels]) fournit les principes directeurs à respecter lors d’appels en matière de déontologie :
33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.
[25]
Un manquement à l’équité procédurale est assujetti à la norme de contrôle de la décision correcte (Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79). Cela signifie que le décideur a respecté ou non un principe d’équité procédurale (Kinsey c. Canada [Procureur général], 2007 CF 543, au paragraphe 60). Si un principe d’équité procédurale a été violé, la décision faisant l’objet du contrôle sera annulée et une nouvelle décision sera rendue, sauf si le résultat est néanmoins inévitable (Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 SCR 202, à la page 228).
ANALYSE
[26]
Avant de passer au cœur du présent appel, j’examinerai plusieurs questions pertinentes soulevées dans les observations.
1. Qui est chargé de fournir le dossier au BCGA?
[27]
Les parties ont présenté de longues observations au sujet de la communication du dossier sur lequel le comité s’est appuyé pour rendre la décision finale. Plus particulièrement, la question de savoir qui est chargé de fournir à l’appelant un exemplaire du dossier.
[28]
Cette question a été tranchée par le comité dans la décision du 17 décembre 2018, en plus de la décision d’appel accessoire rendue sur la communication le 26 septembre 2019 (documents, pages 228 à 261).
[29]
Le comité a soutenu qu’il incombe à l’intimée de produire un exemplaire du dossier sur lequel le comité s’est appuyé. Le comité a fait remarquer que, même si certaines dispositions exigent que les autorités disciplinaires produisent le dossier sur lequel elles s’appuient pour rendre leurs décisions, ces dispositions ne comportent aucun renvoi aux comités. En énonçant sa position, le comité a fait renvoi au Manuel d’administration (MA) de la GRC qui énonce qu’il incombe à l’intimée (autorité disciplinaire) de produire un exemplaire des documents sur lesquels un comité de déontologie s’est appuyé aux fins d’un appel, sauf si l’intimée est le membre visé. Tel qu’il est indiqué à la section II.3.5.4 :
[TRADUCTION]
5.4. Gestion de l’appel – Décision du comité de déontologie
5.4.1. Dans le cas d’un appel lié à une décision du comité de déontologie, les mesures suivantes doivent être prises :
5.4.1.1. Le BCGA remet à l’intimé une copie de l’appel dès que possible.
5.4.1.2. Une fois qu’il est informé de l’existence de l’appel, l’intimé, autre que le membre faisant l’objet de la décision du comité de déontologie, transmet au BCGA une copie des documents sur lesquels se fonde la décision du comité de déontologie faisant l’objet de l’appel, puis le BCGA remet ces documents à l’appelant.
5.4.1.3. L’appelant est le premier à présenter ses observations, suivi de l’intimé.
5.4.1.4. L’appelant a l’occasion de réfuter les observations de l’intimé.
5.4.1.5. La réfutation ne doit soulever aucun fait ou motif nouveau.
EXCEPTION : dans les cas où l’arbitre y consent.
5.4.1.6. Si l’arbitre consent à ce que des faits ou motifs nouveaux soient soulevés, l’appelant ou l’intimé peut répliquer à ces faits ou motifs nouveaux dès qu’ils sont connus.
[30]
Je souscris à la position de l’arbitre énoncée dans la directive du 26 septembre 2019 sur la question accessoire de la communication du dossier (dossier d’appel, page 255) :
[TRADUCTION]
[48] La position du comité n’est pas dénuée de fondement. Toutefois, j’estime que les considérations d’équité procédurale exigent une interprétation plus large de la politique invoquée par le comité aux fins de la communication du dossier sur lequel il s’est appuyé.
[49] Plus particulièrement, même si je conviens qu’il incombe à l’intimé de produire un exemplaire du dossier sur lequel s’appuie le comité, je conclus que l’équité procédurale exige que l’intimée obtienne cet exemplaire du registraire plutôt que de son propre dossier.
[31]
En outre, l’arbitre a expliqué que l’un des motifs pour obtenir auprès du registraire une copie des documents sur lesquels un comité de déontologie s’est appuyé est de confirmer qu’il s’agit des mêmes documents dont disposent déjà les parties. Par conséquent, cela ne peut être effectué que si les deux parties reçoivent une copie des documents sur lesquels le comité de déontologie s’est appuyé, qui sont conservés par le registraire (dossier d’appel, page 255).
[32]
Le CEE a souligné qu’un comité de déontologie est susceptible d’avoir un dossier plus complet que les parties, une responsabilité soulignée assez clairement à l’article 26 des CC (griefs et appels) :
Dossier
26 Après l’audience, le comité de déontologie établit un dossier comprenant notamment :
a) l’avis d’audience prévu au paragraphe 43(2) de la Loi;
b) l’avis des date, heure et lieu de l’audience signifié au membre visé;
c) copie des renseignements transmis au comité;
d) la liste des pièces produites à l’audience;
e) les directives, décisions, accords et engagements consignés en application du paragraphe 16(2);
f) l’enregistrement de l’audience et, le cas échéant, sa transcription;
g) copie de toute décision écrite du comité.
[33]
Le CEE a examiné le caractère pratique de demander à un comité de déontologie de fournir le dossier au BCGA, en indiquant qu’il y a des circonstances et des cas où la communication par un comité de déontologie a causé une confusion qui a donné lieu à un dossier incomplet (rapport, paragraphe 28). En conséquence, le CEE a déterminé que, pour des raisons pratiques et afin d’éviter des retards inutiles, il serait préférable que le registraire remette le dossier au BCGA, ce qui semble être la pratique la plus courante. Je suis d’accord avec le CEE et je confirme que les dossiers devraient continuer d’être communiqués au BCGA par le registraire.
2. Le comité a-t-il porté atteinte au droit de l’appelant à l’équité procédurale lorsqu’il n’a pas tenu une audience publique?
[34]
L’appelant insiste sur le fait que le comité a violé le paragraphe 45.1(2) de la Loi sur la GRC et a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale lorsqu’il n’a pas tenu une audience publique et que cela est important, étant donné qu’un niveau élevé d’équité procédurale doit être accordé aux audiences disciplinaires (citant Baker c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], [1999] 2 RCS 817 [Baker]) (dossier d’appel, page 336). Le paragraphe 45.1(2) de la Loi sur la GRC précise ce qui suit :
Audiences publiques
(2) Les audiences sont publiques; toutefois, le comité de déontologie, de sa propre initiative ou sur demande de toute partie, peut ordonner que toute partie de l’audience soit tenue à huis clos s’il estime :
a) que des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives seront probablement révélés au cours de l’audience;
b) que des renseignements risquant d’entraver le contrôle d’application de la loi seront probablement révélés au cours de l’audience;
c) que des renseignements concernant les ressources pécuniaires ou la vie privée d’une personne dont l’intérêt ou la sécurité l’emporte sur l’intérêt du public à l’égard de ces renseignements seront probablement révélés au cours de l’audience;
d) par ailleurs, que les circonstances exigent une telle mesure.
[35]
Il est bien établi en droit qu’une partie qui estime qu’on lui a refusé l’équité procédurale doit soulever la question dès que possible. Je suis d’accord avec le CEE pour dire que, même si c’est l’intimée qui a soulevé la question de l’équité procédurale après avoir reçu la décision sur le fond, l’appel constituait la première occasion de soulever la question procédurale (rapport, paragraphe 37). L’appelant n’avait pas d’option étant donné qu’il ne pouvait pas prévoir qu’il n’y aurait pas d’argumentation sur le fond avant que la décision ne soit rendue. À cet égard, j’adopte la justification du CEE : [TRADUCTION] « Si le comité avait informé les parties qu’elles devraient s’attendre à une décision sur le fond en même temps qu’une décision sur la question concernant le témoin, l’appelant aurait pu la soulever à ce moment-là et il aurait été empêché de le faire en appel s’il n’avait pas soulevé la question. » (rapport, paragraphe 37)
[36]
Je suis conscient du fait que l’intimée a soulevé la question auprès du comité le 1er mai 2018 et que le comité a répondu le 2 mai 2018 qu’il avait déjà rendu une décision et s’attendait à recevoir des observations sur les mesures disciplinaires dans un délai de sept (7) jours (documents, page 1381). Toutefois, je souscris à la conclusion du CEE selon laquelle l’appelant ne pouvait pas être considéré comme ayant renoncé à son droit de faire valoir l’équité procédurale en ne réitérant tout simplement pas les affirmations de l’intimée, surtout après la réponse définitive du comité (rapport, paragraphe 37).
3. Audience publique par rapport à une audience en personne
[37]
Je suis d’accord avec le CEE pour dire qu’il n’est pas nécessaire qu’une audience soit [TRADUCTION] « en personne » pour être publique et qu’il aurait pu exister une certaine confusion quant à la conceptualisation de ce que constitue une audience « publique » et de ce que constitue une audience « orale » (rapport, paragraphe 38).
[38]
Le paragraphe 45.1(2) de la Loi sur la GRC tient compte du principe de la publicité des débats judiciaires. Dans Southam Inc v. Canada (Attorney General), (1997), 36 OR 721 (CS ON), où une disposition de l’ancienne Loi sur la GRC exigeant que les audiences disciplinaires soient tenues à huis clos a été jugée être inconstitutionnelle, la Cour a expliqué ce qui suit :
[TRADUCTION] À cause du caractère public des fonctions d’un agent de la paix, vu les larges pouvoirs conférés par la loi aux agents de la paix dans l’exercice de leurs fonctions, et parce que les procédures formelles d’un comité d’arbitrage peuvent compromettre à ce point les droits d’un membre de la GRC, le public a un intérêt fondamental envers une telle audience. Le rôle du comité d’arbitrage est manifestement un rôle judiciaire. La disposition excluant le public priverait les médias de la possibilité de s’enquérir de la procédure. La conclusion inéluctable est que de l’alinéa 2b) s’applique. L’exigence absolue de protection des renseignements personnels prévue au paragraphe 45.1(14) ne répond pas au critère en vertu de l’art. 1 parce qu’elle est entièrement arbitraire et limite absolument la collecte de renseignements à l’audience. Elle est plus restrictive que nécessaire afin de protéger les intérêts légitimes en matière de protection des renseignements personnels et/ou secrets et ne répond donc pas à l’aspect de lien rationnel, de limitation minimale et de proportionnalité globale du critère énoncé dans l’arrêt Oakes.
[39]
Tel que l’a expliqué le CEE, le terme « public » exprimé au paragraphe 45.1(2) de la Loi sur la GRC est vaste, mais dans ce contexte, ne fait pas référence aux parties et il n’est pas nécessaire que l’audience soit tenue en personne pour être accessible au public (rapport, paragraphes 38 et 39). Le CEE a également expliqué ce qui suit :
[TRADUCTION]
[40] Enfin, selon Macaulay and Sprague, Practice and Procedure Before Administrative Tribunals, Thomson Reuters, il ne semble pas qu’une partie ait le droit de demander une audience publique en tant qu’élément de justice naturelle (chapitre 1 6,1 b)). Lorsque la question de justice naturelle est soulevée, l’ensemble des décisions judiciaires concernant le pouvoir d’un organisme de tenir ses procédures en privé ou en public indique que la décision relève beaucoup plus du pouvoir discrétionnaire de l’organisme que d’un droit que la personne peut revendiquer (R. v. Edmonton School District No. 7, 1974 CarswellAlta 89).
4. Une audience orale est-elle nécessaire pour respecter la justice naturelle et l’équité?
[40]
J’adopte également l’explication du CEE concernant la distinction entre le concept d’« audience » et d’« audience orale » :
[TRADUCTION]
[42] Une « audience » ne signifie pas une « audience orale ». La justice naturelle et l’équité ne nécessitent pas une audience orale dans tous les cas. Il peut y avoir des cas où les procédures écrites sont tout à fait suffisantes pour permettre à la personne de présenter adéquatement les arguments nécessaires pour protéger ses intérêts en jeu. Dans Baker, la Cour suprême du Canada (CSC) a conclu qu’une audience orale n’est pas toujours nécessaire pour assurer une audience équitable et un examen équitable des questions en litige. La nature souple de l’obligation d’équité reconnaît qu’une participation valable peut se faire de différentes façons dans des situations différentes. La CSC a conclu dans Baker que la possibilité qui a été offerte à l’appelante de produire une documentation écrite complète concernant tous les aspects de sa demande remplit les exigences en matière de droits de participation que commandait l’obligation d’équité en l’espèce. Comme le résume Guy Régimbald, Canadian Administrative Law, 2e éd. (LexisNexis, 2015), à la page 298 (je souligne) :
Il existe de nombreuses formes d’audiences, certaines peuvent être orales avec des procédures semblables à celles des tribunaux, tandis que d’autres peuvent être écrites seulement. Tout dépend des conditions requises par la loi, du mandat prévu par la loi, des principes de justice fondamentale et des règles d’équité procédurale. Tant que l’audience permet aux parties de communiquer leurs points de vue de façon équitable et aux parties de recueillir les renseignements nécessaires, l’audience sera suffisante.
[43] Dans Behnke c. Canada (ministère des Affaires extérieures), [2000] A.C.F. no 1166 (Behnke), la Cour fédérale a fait remarquer que, pour déterminer si une audience orale est nécessaire dans un cas donné, on tient compte de facteurs tels que : la complexité de la question, la question de savoir si les questions soulèvent des questions d’intérêt public qui sont nouvelles, de sorte qu’une argumentation orale serait très utile à la Cour, la question de savoir si une évaluation de la crédibilité des témoins et une argumentation juridique complète sont nécessaires, la question de savoir si les parties ne peuvent pas présenter de manière appropriée leurs arguments par écrit, l’urgence de la question et la question de savoir quelle forme d’audience serait la plus rapide, et la capacité procédurale de la forme envisagée pour fonctionner de manière efficace à la lumière du nombre de parties.
[44] La CSC a également confirmé qu’« [u]ne attente légitime peut [...] découler d’une pratique officielle ou d’une assurance voulant que certaines procédures soient suivies dans le cadre du processus décisionnel [...] » et que « [...] la pratique ou la conduite qui auraient suscité une attente raisonnable doivent être claires, nettes et explicites. (Agraira c. Canada [Sécurité publique et Protection civile], [2013] A.C.S. no 36, au paragraphe 95 [Agraira]).
[...]
[45] Enfin, dans Singh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 RSC 177 (Singh), la CSC a souligné le fait que, lorsque la crédibilité de la personne touchée constitue une question centrale, une audience orale est généralement nécessaire, notant ce qui suit aux pages 213 et 214 :
Je pense en particulier que, lorsqu’une question importante de crédibilité est en cause, la justice fondamentale exige que cette question soit tranchée par voie d’audition. [...] Je puis difficilement concevoir une situation où un tribunal peut se conformer à la justice fondamentale en tirant, uniquement à partir d’observations écrites, des conclusions importantes en matière de crédibilité.
[46] Cela dit, il a été reconnu qu’un degré élevé d’équité procédurale est nécessaire dans les procédures administratives lorsque l’emploi du membre est en jeu (Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 RCS 653; Kane c. Cons. d’administration de l’U.C.B., [1980] 1 R.C.S. 1105; NC-2016-010 [NC-007]). Le degré d’équité procédurale dû aux membres qui sont confrontés à un congédiement dans le cadre d’une procédure disciplinaire a été étudié par le CEE dans CEE 2700-11-002 (D-127).
[41]
En résumé, le processus d’audience disciplinaire n’exige pas une audience orale dans chaque cas et cette conclusion est prise en considération dans les CC (Déontologie) :
Conduite de l’instance
13 (1) Le comité de déontologie mène l’instance avec célérité et sans formalisme en tenant compte des principes d’équité procédurale.
Adaptation des règles de procédure
(2) Il peut adapter les présentes règles de procédure en tenant compte de l’équité procédurale.
[...]
Documents à remettre par le membre
15(3) Dans les trente jours suivant la date de la signification au membre visé de l’avis prévu au paragraphe 43(2) ou dans le délai fixé par le comité, le membre visé remet à l’autorité disciplinaire et au comité :
[...]
a) un écrit dans lequel il admet ou nie chaque contravention alléguée au Code de déontologie;
b) toute observation écrite qu’il souhaite présenter;
c) tout élément de preuve, document ou rapport, autre que le rapport d’enquête, qu’il compte présenter ou invoquer à l’audience.
[...]
Enregistrement
22 L’audience est enregistrée. Si la partie qui interjette appel de la décision du comité de déontologie le demande, une transcription de l’enregistrement est faite et lui est remise.
Décision sur les éléments au dossier
23 (1) Lorsqu’aucun témoignage n’a été entendu relativement à une allégation, le comité de déontologie peut rendre une décision à l’égard de celle-ci en se fondant uniquement sur les éléments au dossier.
[42]
Toutefois, il y aura des cas qui exigeront absolument une audience orale, surtout lorsqu’un témoignage de vive voix est essentiel pour répondre à des questions de crédibilité et de fiabilité.
BIEN FONDÉ
Le comité a-t-il manqué aux principes d’équité procédurale?
[43]
Un degré élevé d’équité procédurale doit être accordé aux membres qui sont soumis à des audiences disciplinaires, en particulier lorsqu’il s’agit du droit de présenter des observations complètes sur le bien-fondé de la ou des allégations (voir, par exemple, Knight c Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 RCS 653); Kane c. Cons. d’administration de l’U.C.B.Kane c. Cons. d’administration de l’U.C.B., [1980] 1 RCS 1105). Il n’en demeure pas moins que, pourvu que les obligations en matière d’équité procédurale soient respectées, je reconnais que les comités de déontologie disposent d’une grande latitude dans la gestion des audiences.
[44]
Tout d’abord, je suis frappé par le fait que le comité savait que la RAD avait catégoriquement indiqué que Mme W devrait témoigner et la justification de l’adoption de cette position (documents, page 18) est la suivante :
[76] [...] la RAD affirme que Mme W doit témoigner vu les contradictions et les incohérences entre sa déclaration et celle du membre visé, ce qui est nécessaire au maintien de la crédibilité de Mme W, et que le comité doit entendre ce témoignage afin de pouvoir évaluer la crédibilité du témoin ainsi que son état émotionnel et son comportement, ce qui pourrait accroître sa crédibilité étant donné qu’un témoignage verbal peut avoir plus de poids que des mots écrits (citant la décision 2017 DARD 8).
[77] La RAD donne cinq exemples de différences entre la déclaration de Mme W et celle du membre visé, plus particulièrement en ce qui concerne les photos montrées à l’une et à l’autre, la personne qui a insisté pour voir les photos et les questions de savoir si lesdites photos ont été échangées au moyen de l’application Snapchat et si des contacts physiques ont eu lieu à la résidence de Mme W.
[78] On estime que le témoignage de Mme W servira à renforcer sa crédibilité, ce qui diminuera celle du membre visé, et que la conduite décrite par Mme W donnerait lieu à une sanction plus sévère que la conduite décrite par le membre visé.
La décision problématique du comité sur cette question serait un précurseur des choses à venir.
[45]
En outre, je suis convaincu que, dans les circonstances de la présente affaire, le comité aurait également dû donner à l’appelant l’occasion de vérifier ses affirmations par contre-interrogatoire et de présenter des observations complètes sur le bien-fondé des allégations. Comme l’a précisé l’appelant (dossier d’appel, page 338) :
La crédibilité et la situation personnelle de Mme W étaient essentielles à la fois pour les questions relatives au bien-fondé et à la sanction. L’appelant est d’accord avec la RAD qui a indiqué dans ses observations que la conduite du membre visé, tel qu’elle a été décrite par Mme W, est passible d’une sanction beaucoup plus sévère que celle décrite par le membre visé lui-même (courriels, page 20). L’appelant s’attendait raisonnablement à ce que les affirmations de fait non vérifiées et contestées ne soient pas prises en compte par le comité. Toutefois, le comité a conclu en outre que Mme W était une personne vulnérable en se fondant sur des renseignements non étayés que l’appelant n’a pas été en mesure de vérifier.
[46]
Dans ses observations, l’appelant présente le rapport CEE 2700-11-002 (D-127), un rapport qui reprend la question centrale en l’espèce. En résumé, le CEE a conclu qu’il avait été porté atteinte au droit du membre à l’équité procédurale par l’omission de la part du comité d’arbitrage de lui donner l’occasion de présenter des observations sur le bien-fondé de l’allégation. Le commissaire de l’époque était du même avis et a déclaré que la décision du comité d’arbitrage était invalide. L’appelant donne l’explication suivante (dossier d’appel, page 337) :
Dans l’affaire D-127, le CEE a examiné les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker pour conclure que [TRADUCTION] « [...] les membres qui sont assujettis aux audiences [disciplinaires de la GRC] doivent se voir accorder un degré élevé d’équité procédurale, y compris le droit de présenter des observations finales complètes sur le bien-fondé des allégations en litige » (paragraphe 102). Le CEE a conclu que le comité dans l’affaire D-127 n’avait pas accordé à l’appelant le degré élevé d’équité procédurale requis lorsqu’il n’a pas donné un avis suffisant aux parties de sa procédure prévue :
[104] Il incombait au Comité d’informer les parties qu’il avait l’intention de rendre une décision sur l’allégation immédiatement après avoir entendu la motion en non-lieu afin de s’assurer que l’appelant comprenait l’étendue des observations requises lors de l’argumentation relative à la motion [...] La question essentielle est que les parties doivent être informées qu’elles n’auraient qu’une seule occasion de présenter ces observations.
[105] À la suite de l’analyse qui précède, je conclus que le Comité n’a pas donné à l’appelant l’occasion de présenter des observations complètes sur le bien-fondé de l’allégation et sur la qualité, la fiabilité et la valeur probante des éléments de preuve présentés. En omettant d’expliquer et de suivre un processus clair pour la réception des observations, le Comité a porté atteinte au droit de l’appelant à l’équité procédurale et, en particulier, à son droit d’être entendu dans le cadre d’une audience équitable et de présenter des observations en vertu du paragraphe 45.1(8) de la Loi sur la GRC.
[47]
L’appelant insiste sur le fait que, lorsqu’il a rendu une décision prématurément sur le fond, sans les observations de l’appelant ou de l’intimée, sans même les informer au préalable, le comité a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale (dossier d’appel, page 337). Je suis d’accord.
[48]
Le CEE a donné un aperçu de la chronologie des événements donnant lieu au manquement à l’équité procédurale (rapport, paragraphe 53) :
Le 8 mars 2018 : deuxième conférence préparatoire à l’audience au cours de laquelle le comité a demandé des observations de la RAD quant à savoir si Mme W devrait témoigner;
Le 19 mars 2018 : Observation de la RAD quant à savoir si Mme W devrait témoigner et si elle était une « personne vulnérable »;
Le 27 mars 2018 : Observation de réponse de la RM à l’égard de Mme W;
Le 29 mars 2018 : Le comité indique qu’il prendra en considération les observations et « procédera en conséquence pour déterminer les témoins que le comité peut exiger et/ou si des témoignages seront nécessaires pour rendre des décisions concernant les allégations »;
Le 29 mars 2018 : la RM confirme qu’elle n’a pas d’autre témoin, mais que si Mme W témoigne, le membre témoignera aussi;
Le 26 avril 2018 : le comité rend sa décision sur la question relative aux témoins et sur le fond.
[49]
En dernier ressort, la présente affaire ne comporte pas d’erreur technique ou de minimus de la part du comité, mais la décision porte plutôt directement sur l’atteinte au droit de l’appelant d’être entendu.
[50]
À mon avis, la tentative ex post facto du comité de justifier le fait de rendre la décision sur le fond sans informer les parties de son intention (dossier d’appel, pages 40 à 42) est tout à fait non convaincante.
[51]
Tout comme le CEE, je conclus que le comité a contrevenu aux principes d’équité procédurale lorsqu’il : n’a pas informé les parties qu’il avait l’intention de rendre une décision sur le fond sans une audience orale ni autres observations écrites (rapport, paragraphe 47), n’a pas permis aux parties de vérifier la crédibilité de Mme W au moyen d’un témoignage direct et d’un contre-interrogatoire (rapport, paragraphe 47), et n’a pas donné à l’appelant l’occasion de présenter des observations complètes sur les allégations et les éléments de preuve (rapport, paragraphe 56).
[52]
Par conséquent, la décision du comité doit être annulée.
DÉCISION
[53]
J’accueille l’appel et j’ordonne une nouvelle audience devant un autre comité de déontologie, conformément à l’alinéa 45.16(1)b) de la Loi sur la GRC.
[54]
Entre-temps, l’appelant doit être nommé de nouveau à titre de membre de la GRC à compter de la date de congédiement, soit le 17 décembre 2018, avec une solde et des indemnités rétroactives. J’ordonne également à l’intimée de rétablir l’ordre de suspension en vertu de l’article 12 de la Loi sur la GRC, conformément à l’article XII.1.5.4.1.3 du MA.
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Steven Dunn, arbitre
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