Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire contenait une allégation de conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Cette affaire concerne des messages textes envoyés de mai à juin 2019 entre le gendarme Martin, qui était à l’époque un entraîneur de crosse âgé de 40 ans, et Mme K.L., qui était à l’époque une entraîneuse adjointe de crosse âgée de 16 ans. Il est allégué que le gendarme Martin s’est livré à un échange de messages textes avec Mme K.L. en dehors de ses fonctions et de ses responsabilités d’entraîneur dans le but de faciliter et de promouvoir une relation sexuelle avec elle.
Après une audience contestée, le comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée selon la prépondérance des probabilités. Le gendarme Martin a reçu l’ordre de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours, sans quoi il serait congédié.

Contenu de la décision

Protégé A

2021 DAD 23

Restriction à la publication : Sur ordre du comité de déontologie, toute information qui pourrait mener à l’identification de Mme K.L. dans la présente décision ne peut être publiée ou diffusée de quelque façon que ce soit.

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Affaire intéressant une audience disciplinaire tenue en vertu de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R-10

Entre :

le commandant de la Division K

Autorité disciplinaire

et

le gendarme Daniel Martin

Numéro de matricule 55176

Membre visé

Décision du comité de déontologie

Josée Thibault

Le 24 septembre 2021

Sergent d’état-major Jonathan Hart, représentant de l’autorité disciplinaire

M. Paul Wood, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ 2

INTRODUCTION 3

ALLÉGATION 4

Résumé des faits établis par le comité de déontologie 20

Crédibilité des témoins et fiabilité des éléments de preuve 22

Critère de conduite déshonorante 23

Analyse 24

MESURES DISCIPLINAIRES 37

Éventail des mesures disciplinaires 37

Facteurs aggravants 41

Facteurs atténuants 43

Parité des sanctions 43

CONCLUSION 47

 

RÉSUMÉ

L’avis d’audience disciplinaire contenait une allégation de conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Cette affaire concerne des messages textes envoyés de mai à juin 2019 entre le gendarme Martin, qui était à l’époque un entraîneur de crosse âgé de 40 ans, et Mme K.L., qui était à l’époque une entraîneuse adjointe de crosse âgée de 16 ans. Il est allégué que le gendarme Martin s’est livré à un échange de messages textes avec Mme K.L. en dehors de ses fonctions et de ses responsabilités d’entraîneur dans le but de faciliter et de promouvoir une relation sexuelle avec elle.

Après une audience contestée, le comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée selon la prépondérance des probabilités. Le gendarme Martin a reçu l’ordre de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours, sans quoi il serait congédié.

INTRODUCTION

[1] L’avis d’audience disciplinaire (l’avis) contenait une allégation de conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada
(la GRC). Il a été signé par l’autorité disciplinaire le 22 juin 2020 et a été signifié au gendarme Daniel Martin avec le rapport d’enquête le 13 juillet 2020.

[2] L’allégation a été formulée à la suite de messages textes envoyés en mai et en juin 2019 entre le gendarme Martin, qui était à l’époque un entraîneur de crosse âgé de 40 ans, et Mme K.L., qui était à l’époque une entraîneuse adjointe de crosse âgée de 16 ans. Le gendarme Martin occupait une position d’autorité et de mentor par rapport à Mme K.L. Plus précisément, il est allégué que le gendarme Martin s’est livré à un échange de messages textes avec Mme K.L. dans le but de faciliter et de promouvoir une relation sexuelle avec elle. Il a également cherché à dissimuler le caractère sexuel inapproprié des communications textuelles en lui demandant de les supprimer. De plus, à une occasion, le gendarme Martin a touché la cuisse de Mme K.L. alors qu’ils dirigeaient un match ensemble. Enfin, son comportement était celui d’un prédateur, car il tentait activement de conditionner Mme K.L. pour sa propre satisfaction personnelle.

[3] Le 29 juin 2019, j’ai été nommée au comité de déontologie pour trancher l’affaire, en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R- 10 [Loi sur la GRC].

[4] Le 15 septembre 2019, le gendarme Martin a fourni sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Le gendarme Martin a admis que sa conduite était déshonorante et qu’elle contrevenait à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Toutefois, il a nié avoir une intention prédatrice, sexuelle ou de conditionnement, tel qu’il est allégué.

[5] L’audience disciplinaire dans cette affaire a été tenue par vidéoconférence à compter du 12 juillet 2021. Le témoignage de trois témoins, y compris le gendarme Martin, a été reçu. La décision orale sur l’allégation a été prononcée le 14 juillet 2021. La seule allégation a été établie et la décision orale sur les mesures disciplinaires a été prononcée le 21 juillet 2021. La présente décision écrite intègre et approfondit ces décisions orales.

ALLÉGATION

[6] La seule allégation présentée au comité de déontologie est la suivante :

Allégation 1

Entre le 1er avril 2019 et le 28 juin 2019, à [ville] et à Calgary ou à proximité de [ville] et de [ville] dans la province de l’Alberta, le gendarme Daniel Martin s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Faits

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) affecté à l’équipe d’intervention en cas d’urgence sud de la Division K, à [ville], en Alberta.

2. Vous étiez un entraîneur-chef bénévole pour l’équipe de crosse de garçons de la division […]. Mme K.L. était une entraîneuse adjointe bénévole que vous avez recrutée pour aider l’équipe. En avril 2019,
M
me K.L. était une jeune fille de 16 ans qui commençait la 11e année à [école]. Vous occupiez une position d’autorité et d’adulte mentor par rapport à Mme K.L.. Le 14 août 2019, vous avez fourni une déclaration de résumé de témoignage anticipé dans laquelle vous décrivez Mme K.L. comme une entraîneuse adjointe de la manière suivante :

[TRADUCTION]

« Je n’avais aucun problème avec Mme K.L. tout au long de la saison. Elle était une entraîneuse très enthousiaste et compétente. Elle était très bonne avec les enfants et elle a un peu aidé le personnel d’entraînement, car elle comprenait le jeu mieux que la plupart d’entre nous. Elle était chargée de coordonner les échauffements pour les entraînements et les matchs et elle faisait aussi certains exercices pendant l’entraînement lorsque nous nous séparions en sous-groupes. Elle assistait également à la plupart des matchs et aidait le personnel d’entraînement en expliquant les pénalités et certaines stratégies. Elle a été traitée avec respect, comme tout autre entraîneur, par l’ensemble du personnel d’entraînement et l’équipe de direction. »

3. Le 2 juillet 2019, Mme K.L. a fourni une déclaration au gendarme M.E. du détachement de la GRC. Mme K.L. a confirmé qu’elle vous a rencontré par l’intermédiaire des parents d’un garçon qui a joué dans une équipe de hockey que vous avez également entraînée. Mme K.L. a volontairement échangé avec vous ses coordonnées de téléphone cellulaire pour son rôle d’entraîneuse adjointe.

[TRADUCTION]

« KL : Alors ma mère…

ME :… s’est changée?

KL :… un service de garde en milieu familial, il est un des enfants qui bénéficient d’un service de garde en milieu familial. Nous les connaissons depuis toujours, meilleurs amis avec ses parents. Euh, son entraînement de hockey commençait à 16 h 30. Ma mère ne pouvait pas aller le chercher et rester avec lui, alors je m’y rendais à pied depuis l’école. Alors, je devais l’aider à se préparer et bien sûr Dan était l’entraîneur, alors c’est comme ça que Dan et moi nous sommes rencontrés.

ME : D’accord.

KL : Et Dan est proche de [nom de l’enfant]. Dan et ses parents sont proches, je pense. Ils sont amis à l’extérieur du hockey.

ME : D’accord.

KL : Euh, et Dan avait parlé à [mère] et à [père] qui sont les parents et il a demandé si je voulais être entraîneuse parce qu’il savait que je jouais à la crosse et son fils [enfant] était membre de l’équipe et ils se demandaient si je voulais y aller. Je l’ai donc fait et c’est comme ça que cette relation a commencé.

ME : D’accord. Donc, [nom de l’enfant] est le fils de Dan.

ME : D’accord, et alors, quand vous a-t-il demandé d’être entraîneuse? Vous souvenez-vous quand cela s’est produit?

KL : Au début de la saison de crosse. »

4. Mme K.L. a décrit la façon dont elle a commencé à communiquer avec vous en dehors des fonctions d’entraînement après s’être disputée avec sa mère et vous lui avez envoyé un message texte plus tard ce soir-là pour vérifier si elle allait bien.

[TRADUCTION]

« KL : Tout a donc commencé au milieu de la saison. Euh, je me suis disputée avec ma mère, [nom] m’a conduit à l’entraînement, elle savait que j’étais contrariée, je suis entrée dans le vestiaire avec les garçons et Dan était là et il a demandé si j’allais bien et j’ai dit non. Nous sommes donc allés dans l’aréna et nous avons discuté et il a dit que, comme si j’avais besoin de quelque chose, que je pouvais lui parler et plus tard ce soir-là, il m’a envoyé un message pour s’assurer que j’allais bien, euh, je, je le connaissais en dehors de la crosse, euh, par le hockey. Un garçon que je gardais euh, j’allais à ses entraînements et je le récupérais et le déposais et Dan était son entraîneur et je connaissais donc Dan en dehors de la crosse. Je le connaissais comme un mentor et comme une personne que j’admirais, et lui, je lui faisais confiance et il a définitivement trahi cette confiance. Euh, il savait que comme ma mère et moi comme nous sommes disputées, c’était assez grave comme elle refusait de me parler. Nous sommes, nous allons bien maintenant évidemment, mais euh, il a proposé que nous allions juste pour un soin des pieds et j’ai pensé que c’était une chose normale que tu ferais avec une personne que tu admires. Je le ferais avec des parents et des personnes de ce genre. Comme vous savez quelqu’un que vous connaissez, puis ça va progressivement pire à compter de ce moment-là. »

5. Vous avez confirmé dans votre déclaration de résumé de témoignage anticipé que vous avez commencé à échanger des messages textes avec
Mme K.L. à la suite de votre conversation avec elle au sujet des problèmes qu’elle éprouvait avec sa mère.

[TRADUCTION]

« À la suite de cette conversation, Mme [K.L.] et moi discutions occasionnellement par messages textes jusqu’à la fin de juin. Ces conversations portaient sur un éventail de sujets, des questions qu’elle posait et des conseils qu’elle demandait en matière de relations à des conversations sur les soins de pieds et à des conversations sur la façon dont elle allait en général. L’intention de toutes ces conversations était de faire en sorte que Mme [K.L.] se sente mieux et de la traiter comme une coentraîneuse. Il n’y avait aucune autre intention. Je l’ai traitée comme n’importe quel autre entraîneur, gestionnaire ou personne avec qui je pourrais entrer en contact et que je pourrais apprendre à connaître. Mme [K.L.] semblait parfois être contrariée et j’essayais de renforcer son ego et sa confiance, comme je le ferais pour n’importe qui d’autre. Je suis une personne extravertie et amicale qui n’a aucun problème pour parler à qui que ce soit sur n’importe quel sujet. »

6. Le 2 juillet 2019, la mère de Mme K.L. [T.P.] a fourni une déclaration au gendarme L.K. de la GRC. Dans sa déclaration, elle a reconnu qu’elle examinait régulièrement les messages textes de sa fille.

[TRADUCTION]

« LK : D’accord, vous les avez d’abord constatés sur la montre?

TP : Sur la montre, oui

LK : D’accord et ils, alors comment avez-vous accès à la montre?

TP : Euh, je l’ai simplement enlevée et j’ai trouvé le petit bouton pour les conversations de messages textes et j’examine ses, ses messages textes.

LK : Est-ce comme une pratique régulière ou?

TP : Euh, depuis que j’ai constaté qu’elle a menti d’avoir rendu visite à son père.

LK : D’accord. Donc, ce n’est pas comme un mot de passe, vous…

TP : Non.

LK :.... appuyez simplement sur un bouton et vous pouvez…

TP : Il n’y a aucun mot de passe. »

 

7. La mère a confirmé qu’elle est à la fois la propriétaire et celle qui paye les factures de tous les appareils technologiques de Mme K.L. Elle a pris des instantanés des messages textes que vous avez envoyés à sa fille immédiatement après les avoir vus.

[TRADUCTION]

« LK : D’accord. Bon. Elle a donc deux téléphones, une montre et un ordinateur portatif

TP : Oui

LK : Le type qui communique les uns entre les autres. Qui paie, comment sont facturés les frais pour tous ces appareils?

TP : Je paie pour tout et ils sont tous sous mon nom.

LK : D’accord. Euh…

TP : Le père lui a acheté la montre, mais il n’y a aucune facture ni aucune association à la montre, c’est juste une montre, mais ses téléphones cellulaires, je, je les ai sous mon nom et je les paie.

LK : D’accord. Donc les appareils enverraient le message à la montre, que vous payez?

TP : Je suis propriétaire.

LK : D’accord. Bon. Et alors, quel jour encore avez-vous trouvé les messages?

TP : Samedi

LK : Samedi Et vous avez mentionné des instantanés d’écran, comment les avez-vous pris ou…

TP : J’ai pris les photos avec…

LK :… que voulez-vous dire?

TP :… mon téléphone des conversations sur sa montre.

LK : D’accord. Alors, qu’est-ce qui a permis d’identifier cette personne, comme comment avez-vous su qu’il s’agissait d’une conversation entre ces deux personnes?

TP : Son nom était au haut.

LK : D’accord.

TP : De qui c’était. »

8. La mère a déclaré en outre qu’elle avait confronté sa fille au sujet des messages textes le même jour qu’elle les avait découverts.

[TRADUCTION]

« LK : D’accord. Bon. Alors, quel genre de conversation, comme quand était la première fois que vous avez parlé avec [K.L.] à ce sujet?

TP : Samedi après-midi, en fin de soirée.

LK : D’accord. Donc le jour où vous les avez trouvés.

TP : Oui.

LK : Plus tard. Bon. Comment cela s’est-il passé?

TP : Euh, ça s’est bien passé. Elle était très nerveuse, comme lorsque je lui ai dit que j’ai vu les messages, mais un peu soulagée que quelqu’un l’ait découvert parce qu’on lui avait dit de ne rien dire à personne et j’ai réaffirmé avec elle qu’elle n’avait rien fait de mal, qu’elle n’était pas dans le pétrin et qu’il ne pouvait rien lui faire. »

 

9. Dans sa déclaration, Mme K.L. a décrit la façon dont vous transformiez une conversation textuelle Imessage inoffensive avec elle en quelque chose d’inapproprié.

[TRADUCTION]

« KL : Je ne sais pas ce que vous voulez entendre? Comme, euh, la plupart de notre conversation était inappropriée. Je ne lui envoyais un message en premier que si je devais savoir quelque chose à propos d’un entraînement ou d’un match.

ME : D’accord.

KL : Sinon, c’était lui qui communiquait avec moi le premier et cela semblait être une conversation normale et ensuite, cela menait à des choses inappropriées.

ME : D’accord et était-ce au moyen d’une app ou de?

KL : Imessage.

ME : Imessage, bon. D’autres formes de communication, autre qu’Imessage?

KL : Euh, rien, les choses inappropriées ne se sont passées que sur Imessage, mais nous avions une discussion de groupe avec tous les entraîneurs et les gestionnaires sur Team Snap et puis, oh euh, Team Snap avec tous les parents et ensuite nous avions une discussion de groupe sur l’application avec tous les entraîneurs et les deux gestionnaires.

[…]

ME : D’accord. Et, lorsque vous dites Imessage c’est, c’est là que…

KL : Dans un message texte.

Me :… l’inapproprié…

KL : Oui.

Me :… c’est, vous voulez dire des messages textes, mais vous deux…

KL : Oui.

ME :… vous aviez des iPhone?

KL : Mais nous avions tous les deux des Iphones, oui.

ME : D’accord. Une autre forme ou application?

KL : Non, je n’ai pas Instagram ou Snap Chat. »

 

10. Vous avez ordonné à Mme K.L. de ne jamais dire à quiconque que vous communiquiez avec elle et qu’elle devait supprimer tous vos messages texte échangés.

[TRADUCTION]

« KL : Euh, c’est comme si tout avait commencé par simplement allons- y et allons recevoir des soins de pieds. Je pensais simplement que ce serait une chose normale et ensuite il a dit que cela pourrait être inapproprié. Il m’a dit de ne dire à personne que nous échangions des messages textes, qu’il m’envoyait des messages textes. Euh, il a déclaré que cela serait, que cela était une chose inappropriée ou que cela pourrait être perçu comme inapproprié. Il m’a dit de supprimer tous les messages, j’ai toutefois des messages sur mon téléphone, j’ai simplement supprimé les messages précédents, car c’est ce qu’on m’a dit de faire.

ME : D’accord.

KL : Euh, il m’a dit de ne le dire à personne et que cela resterait entre lui et moi.

ME : D’accord. Alors, comment vous a-t-il dit cela? Était-ce...

KL : C’était au moyen d’un message texte.

ME : D’accord et cela était-il sur son téléphone ou…

KL : Non, j’ai supprimé ces messages, car c’est ce qu’on m’a dit de faire.

ME : D’accord et cela était sur son téléphone ou sur ton vieux téléphone?

KL : Vieux téléphone. »

 

11. Mme K.L. a également décrit qu’elle souhaitait que les messages textes inappropriés prennent fin et qu’elle ne communiquait avec vous qu’en raison du fait que vous étiez son entraîneur et qu’elle craignait que les messages lui causent des ennuis.

[TRADUCTION]

« KL : Euh, cela était le 9 juin euh, il s’agit de la date à laquelle j’ai eu mon téléphone. Et puis je ne sais pas, j’étais comme je ne sais pas. Je devais lui envoyer un message texte en raison du nouveau téléphone, euh, je n’avais pas installé What’s App, et je n’avais donc pas les plans d’entraînement pour cet entraînement et je devais donc lui envoyer un message et j’en avais besoin et il me les a envoyés. Euh, je portais une paire des Birkenstocks, comme je le fais maintenant et j’avais une ampoule à mon pied et je marchais donc de manière bizarre et il était comme oh, qu’est-ce qui ne va pas et j’ai ensuite dit que j’avais une ampoule à mon pied et il m’a envoyé un message texte plus tard dans la nuit pour me demander comment allait mon pied. Mmm. Je, comme, je ne veux vraiment rien avoir à voir avec ces conversations. J’étais très évasive en ne disant que “d’accord” ou “oh”. Je n’ai jamais comme, je n’ai jamais dit beaucoup, j’ai juste, je voulais que ce soit fini.

ME : Mmm. Hmm.

KL : Comme je n’aimais pas lui parler parce que je savais que cela mènerait simplement à des choses inappropriées. Je, euh, les laissais comme s’ils n’avaient pas été lus et il m’envoyait simplement un autre message texte, euh, je ne sais pas. Comme, oui, nous avions des conversations parce que je ne voulais pas comme être toute distante parce qu’il était mon entraîneur et j’avais, comme, j’entraînais avec lui et je devais le voir, alors.

KL : […] Euh, la moitié du temps je ne lui réponds simplement pas, car je ne veux pas que la situation aille plus loin. Je ne l’ai jamais dit à personne parce qu’il m’a dit de ne pas le dire, euh, il y a d’autres messages sur mon vieux téléphone qui ont été supprimés parce que c’est ce qu’il m’a dit de faire.

KL : Je n’étais pas, j’étais toujours contrariée lorsqu’il m’envoyait un message texte parce que je savais qu’il mènerait à des choses inappropriées et mes réponses étaient toujours courtes et je me distanciais des conversations, comme, je n’envoyais que des émoticônes riantes parce que je ne savais pas quoi d’autre dire, car je ne voulais rien dire qui pourrait le mener à croire que je souhaitais poursuivre la conversation. Je disais soit “d’accord” soit “oui”. Je ne donnais jamais beaucoup de détail dans mes réponses parce que je souhaitais simplement que la conversation prenne fin parce que je savais qu’elle mènerait toujours à des choses inappropriées et j’avais, euh, peur de lui dire d’arrêter parce que je savais qu’il était comme, je, cela n’a rien à voir avec ça, mais comme je savais qu’il était comme un policier et je ne savais pas s’il conserverait ces messages et si cela me causerait des ennuis ou non et je ne, vous savez, je me sentais presque mal à l’aise de lui dire d’arrêter même si je devais parce qu’il savait que ce n’était pas normal. Euh, je ne l’ai jamais dit à personne parce qu’il m’avait dit de ne pas le dire. Il m’a dit de supprimer certains des messages ou m’a dit de supprimer les messages, mais je ne l’ai pas fait, dès que j’ai eu ce nouveau téléphone, je n’en ai supprimé aucun.

12. Vous saviez parfaitement que Mme K.L. était une jeune personne de 16 ans à l’époque où vous lui envoyiez des messages textes et que sa vie personnelle à la maison incluait des parents divorcés.

 

[TRADUCTION]

« Me : D’accord. Et, Dan Martin connaît-il votre âge? KL : Oui

KL : Parce que, euh, je sais que comme il m’a demandé mon âge et je lui ai dit 16. Il m’a demandé en quelle année je commençais avant et j’ai dit la 11e année et l’âge générique pour la 11e année est 15, 16 ou 17 si vous êtes vraiment vieux.

ME : D’accord.

KL : Bien.

ME : Avez-vous eu d’autres discussions quelconques avec lui au sujet de vos antécédents ou de que quelque chose de ce genre?

KL : Je veux dire il savait que mes parents sont divorcés. Il, je n’avais pas un moyen de me rendre à la maison à partir de l’entraînement et il m’a donc conduit.

ME : D’accord.

KL : Euh, c’était comme [nom] était dans la voiture avec nous, soit son fils.

ME : Mmm hmm.

KL : Euh, il n’y a rien, simplement que comme mes parents sont divorcés et que mon père euh, a laissé ma mère pour une agente de bord. C’était tout.

ME : Mmm hmm.

KL : Euh, il savait comme, que ma mère et moi nous sommes disputées évidemment parce que je lui en ai parlé. Euh, il sait qu’ils sont divorcés. Il sait comme, que j’ai une sœur et que je suis très proche avec [nom] et sa famille. »

 

13. Dans sa déclaration, Mme K.L. a décrit comment, à une occasion, vous avez touché sa cuisse sans excuse ni justification, lorsque vous dirigiez un match avec elle.

[TRADUCTION]

« KL : J’ai l’impression que le mollet était correct, mais comme lorsqu’il a touché ma cuisse, je me sentais comme cela était un peu inapproprié parce vous n’avez aucune raison de toucher ma cuisse.

ME : D’accord. Et vous vous êtes-vous sentie comme ça dès le début ou est-ce maintenant que vous avez en quelque sorte progressé avec ces conversations?

KL : Non, je savais, comme, je savais lorsqu’il a touché ma cuisse, je savais que, que comme pourquoi. »

 

 

14. Le 1er juillet 2019, vous avez été suspendu de vos fonctions d’entraîneur par [nom], le directeur de discipline de l’Association de la crosse. Le
2 juillet 2019, vous avez accusé réception de votre suspension de l’entraînement.

15. Dans votre déclaration de résumé de témoignage anticipé, vous avez adopté une position selon laquelle vous avez participé à un échange de messages textes avec Mme K.L. en vue de l’appuyer et de l’aider et vous avez nié que votre communication avec elle avait une quelconque intention sexuelle.

16. Vous avez participé à un échange de messages textes avec Mme K.L. dans le but de faciliter et de promouvoir une relation sexuelle avec elle. Vous occupiez une position de confiance et d’autorité par rapport à
Mme K.L. et il existait un déséquilibre de pouvoir clair entre vous et
Mme K.L. en tant que jeune personne vulnérable. Vos messages textes avec Mme K.L., en dehors des questions concernant l’entraînement de crosse, étaient complètement inutiles et très inappropriés en tant qu’agent de la GRC. Vous avez cherché à dissimuler vos communications textuelles avec Mme K.L en lui demandant de supprimer vos messages textes partagés. Vous tentiez activement de conditionner Mme K.L. pour votre propre satisfaction personnelle.

17. Les messages textes énumérés chronologiquement ci-dessous démontrent la nature prédatrice et sexuelle inappropriée de vos communications avec Mme K.L.

a) Le 11 juin 2019, vous avez lancé l’échange de messages textes suivant:

[TRADUCTION]

« Comment va le pied?

KL : Le pied va bien?? Mon ampoule?

Vous : Bien, je faisais référence à ton ampoule, oui. LOL

[…]

Vous : Occupe-toi de tes beaux pieds! Ne les détruis pas

KL : D’accord. D’accord. ☺☺ Je porterai probablement mes nmds demain, je ne sais pas, mais il est censé faire très chaud.

Vous : Hmmm. C’est difficile. Je veux que tu puisses les montrer. LOL

KL:☺☺

Vous : Est-ce que j’exagère?

KL : Je sais que c’est une blague, alors

Vous : Nous devons aller pour des soins de pieds aussi

KL : 100 %!

Vous : Mais je veux choisir les couleurs

[…]

Vous : Pas juste!!

KL : D’accord. D’accord. Donc, quelle couleur?

Vous : Claire?

KL : Pas amusant

Vous : Oh, je veux m’amuser. Fais-moi confiance! »

 

b) Le 12 juin 2019, après que Mme K.L. vous a informée qu’elle avait rompu avec son petit ami, l’échange de messages textes suivant a eu lieu:

[TRADUCTION]

« KL : C’est difficile à expliquer, mais il fait une chose aimante et il a continué à jouer avec mes sentiments et autres. Beaucoup. Je songe à laisser tomber, je ne veux pas de drame et nous sommes encore amis.

Vous : Tu es une femme géniale et très attirante K. Profites de ta nouvelle liberté d’être célibataire. Restez amis. Sois amie avec tout le monde. Il pourrait revenir. Tu ne sais jamais!

KL : Merci. Je ne veux pas le perdre en tant qu’ami et si je soulève le sujet, cela touchera cette situation, alors je vais laisser tomber.

Vous : Exactement. Tu sais. Alors, il n’est pas nécessaire de le confronter à ce sujet. Garde-le dans ta poche arrière.

KL : Exactement, je vais juste laisser tomber.

Vous : Fille intelligente. Belle journée dehors!

KL : Oui.

Vous : LOL. Des conditions météorologiques propices au bikini aujourd’hui aussi.

[…]

Vous : Vrai. Es-tu en classe?

KL : Peut-être…

Vous : Fack! Je vais arrêter!

KL : Nous regardons juste des fillms

Vous : Quoi?

KL : Un projet y est associé, mais j’ai fini

Vous : Je vois pourquoi tu veux bronzer. LOL

KL : LOL, n’importe où ailleurs qu’’ici

Vous : Tu es dangereuse

KL : LOL L’anglais est juste ennuyeux

Vous : Je peux penser à d’autres choses à faire aussi. »

 

c) Le 13 juin 2019, vous avez lancé un échange de messages textes à partir du travail dans lequel vous reconnaissez ouvertement le statut de Mme K.L. en tant que jeune personne :

 

[TRADUCTION]

« Vous : Joues-tu au basketball?

KL : J’ai joué jusqu’en 8e année, mais je n’aimais pas ça

Vous : Haha

KL : Les filles sont si dramatiques

Vous : Oh?

KL : Elles pensent que c’est amusant de tomber dans le drame

Vous : Les filles sont les pires. Oui! Surtout au début de l’adolescence

[…]

KL : Les Raptors ont gagné!

Vous : Match très amusant à regarder en fait, hein?

KL : OMD, c’était si bon!

Vous : Où l’as-tu regardé? J’imagine que tu ne peux pas aller au bar.

LOL.»

d) Le 14 juin 2019, vous avez participé à un échange de messages textes avec Mme K.L. au sujet de sa journée d’école, suivi d’une référence sexuelle à la partie supérieure de son corps :

[TRADUCTION]

« Vous : Haha. Oui. Comment était l’école aujourd’hui?

KL : Meh

Vous : Météo brutale

KL : Ouais, mais j’aime la pluie, alors

Vous : Ah oui? Tu es une fille qui aime danser pieds nus sous la pluie?

KL : Ouin Après le match, je me suis assise dehors sur le pont

Vous : Sous la pluie?

KL : Ouais, sous la partie couverte, mais j’ai quand même

Vous : T-shirt blanc? Oh. LOL. Merde.

KL:☺☺

Vous : Je ne devrais pas dire ça. Mon erreur

KL : LOL

Vous : C’est toutefois difficile de ne pas le fairre

KL:

Vous : Pas de commentaire?

KL : Je ne sais pas quoi dire?

Vous : LOL. Je ne te fais pas peur?

KL : Non?

Vous : Ouf, je sais que je marche sur la ligne hors-jeu

KL : LOL. Nous sommes ccorrects

Vous : Tu es docile. »

 

e) Le 17 juin 2019, vous avez commencé une conversation nocturne avec Mme K.L. pendant un voyage de formation liée au travail :

[TRADUCTION]

Vous : Étais-tu au match?

KL : Oui M’sieu

Vous : Un match génial?

KL : Oui M’sieu

Vous : LOL. L’heure du coucher? Oui M’sieu

KL : Oui M’sieu, Mais vais-je me coucher… Non M’sieu

Vous : Qu’est-ce que tu fais?

KL : J’étudie les sciences LL

Vous : Ahhh. Avec des amis ou seule?

KL : Seule, je ne parle qu’à comme deux personnes dans ma classe de science, les autres sont bizarres, des drogués ou mon ex, donc

Vous : Bahaha. Très bien. Je suis à Lethbridge toute cette semaine. Un peu ennuyant le soir.

KL : Formation?

Vous : Ouin.

KL : Amusant

Vous : Notre semaine de formation de ceux de la brousse. Elle porte sur toutes les activités rurales

KL : Ohh amusant

Vous : Mais je m’amuse plus maintenant [émoticônes : langue sortie et visage étonné]

Vous : Je ne peux pas croire que j’ai dit ça

KL:☺☺

Vous : Devrai-je arrêter et te laisser étudier?

KL : Non, j’ai abandonné, je ne sais pas, je vais en faire plus demain alors

Vous : Oh, d’accord…

KL : Nous devons bientôt aller pour nos soins de pieds!

Vous : Oui! Il faut que je trouve du temps libre bientôt!

KL : Oui

Vous : Portais-tu des Birks ce soir?

KL : Oui et tuu l’as raté

Vous : Merde! Est-ce agréable pour toi de savoir que j’aime ça?

KL : C’est une blague ou dis-tu la vérité?

Vous : J’ai peur de répondre

KL : Oh?

Vous : LOL. Oui.

KL : Lequel?

Vous : J’ai peur de répondre. Je ne veux pas te causer des ennuis

KL : Je vais supposer que c’était la vérité

Vous : Est-ce que je te désappointe?

KL : Non?

Vous : J’aime tes pieds

KL : LOL, merci

Vous : Je ne blague pas. LOL, mais toujours une blague…

KL : LOL

Vous : As-tu mis du vernis dernièrement?

KL : Oui M’sieu

Vous : [émoticône : visage qui bave]

KL:

Vous : Puis-je poser d’autres questions?

KL : Je suppose

Vous :?

KL : Je suppose

Vous : Je ferais mieux de ne pas le faire

KL : D’accord?

Vous : Frick

KL : D’accord?

Vous : Pose-moi une question

KL : Je vais me coucher je suis tellement fatiguée et j’ai une grosse journée demain. Quand reviens-tu?

Vous : Ah. C’est dommage. Mais je comprends. De retour mercredi soir

KL : Donc pas à temps pour le match?

Vous : Probablement pas. Mais on verra. Je vais essayer de me dépêcher ce jour-là.

KL : D’accord, bonne nuit Tyler, à plus tard

Vous : Hehe. Tyler. J’aime ça.

KL : bn [bonne nuit]

Vous : Quelle couleur sont-ils?

KL : Bleu

Vous : Ah maudite merde je meurs

KL : bonne nuit

Vous : D’accord. D’accord. Fais de beaux rêves

KL : Ouin, toi aussi

Vous : J’espère que j’en ferai

KL : À plus tard

Vous : Je l’espère

KL : Ne t’inquiète pas

Vous : Fack

 

 

f) Le 20 juin 2019, vous avez amorcé une conversation portant sur un examen scolaire :

[TRADUCTION]

Vous : Comment est-il allé?

KL : Meh

Vous : Tu as eu un A

KL : Non

Vous : Au moins tu portais un beau vernis à ongles

KL : Mais ça ne me permet pas exactement de réussir l’école

Vous : Merde, ça rend mes soirées à la boîte beaucoup mieux

KL : Haha

Vous : [émoticône : visage avec un clin d’œil]

 

g) Le 21 juin 2019, l’échange suivant a eu lieu :

[TRADUCTION]

KL : J’ai porté mes birks aujourd’hui et j’ai dû marcher de l’école à gen et maintenant mes birks sont trempés

Vous : Ahhhhh Et ta chemise?

KL : Je porte un chandail à capuchon

Vous : Super photo mentale!

 

h) Le 23 juin 2019, l’échange suivant a eu lieu :

[TRADUCTION]

Vous : As-tu séché les Birks

KL : Un peu ☺☺

Vous : Ils sont horribles sous la pluie. Comme marcher avec deux seaux d’eau sur tes pieds

KL : Je les enlève habituellement et je marche nus pieds

Vous : [émoticône : visage qui bave]

Vous : Le bleu est agréable

KL : Le vernis à ongles?

Vous : Oui!

KL : LOL les pieds sont sur le point d’être détruits dans le champ

Vous : Ahhh. Nous ferions mieux d’en prendre soin alors

KL : Je vais essayer, je n’ai eu aucune chance l’année dernière, mes chevilles très cicatrisées Merde

Vous : Il faudra peut-être quelques soins de pieds!

KL : Je pense que je le ferai

Vous : Puis-je choisir la couleur?

KL : Peut-être

Vous : Merveilleux!

KL : De quelle couleur penses-tu, parce que les bleus vont bien avec mon bronzage

Vous : Oui. Soit un bleu plu vif ou même un bleu clair

KL : D’accord. D’accord.

Vous : Tu l’aimerais, je regarde les couleurs maintenant. Qu’en est-il du blanc?

Vous : Non, ils vont devenir gris vite, dans des crampons pendant tout l’été et lorsque je ne porte pas des crampons, je porte des birks et mes orteils se saliissent rapidement

Vous : Le gris est bien aussi!

KL : Non, beaucoup trop fondamental Littéralement, toutes les filles qui sont les plus ennuyantes et pensent qu’elles sont les meilleures portent du jaune

Vous : Ouin? Je ne sais pas ce genre de choses. LOL

KL : Je le constate c’est correct, je peux t’enseigner

Vous : Je suis prêt à apprendre! Je veux juste voir tes pieds avec la couleur parfaite.

 

i) Le 28 juin 2019, vous avez observé Mme K.L. en personne et vous avez amorcé la conversation suivante :

[TRADUCTION]

Vous : Ralentis!

KL :??

Vous : Je t’ai vu courir au coin de la rue Bert

KL : Ohh, ha ha Il fallait que ma mère signe une feuille de papier avant que mon enseignant ne parte

Vous : Ahhh. LOL.

KL : Oui, mais il n’était même pas là, alors

Vous : Merde! Tu viens au match aujourd’hui?

KL : Oui M’sieu, je serais là toute la fin de semaine!

Vous : super!

KL : Ouais et toi?

Vous : Seulement cet après-midi

KL : Je suis déçue

Vous : Portais-tu un chandail qui montre ton ventre?

KL : Chandail court, ouais, mais je ne croyais pas que je quittais la maison et je n’avais pas le temps de me changer

Vous : Il avait l’air super!

 

j) Aussi le 28 juin 2019, vous avez commencé la conversation nocturne suivante avec Mme K.L.

[TRADUCTION]

Vous : Comment va ta nuit?

KL : Meh, l’équipe de Blake vient de perdre à Denver, c’est donc nul

Vous : Blake?

KL : Il est mon meilleur ami

Vous : Oh, merde, je suis désolé

KL : Meh, ils ont mal joué alors

Vous : Ça arrive

KL : Ouin

Vous : Sors-tu ce soir?

KL : Non, encore à l’aréna avec [nom]

Vous : [nom de famille]

KL : Ouais

Vous : Amusant

KL : Oui

Vous : Fais-tu du bénévolat comme elle?

KL : Non, je suis seulement restée pour regarder son match et je l’ai aidée

Vous : Ahhh, tu es une grande aide

KL : Ouais

Vous : LOL

KL : Je suis prête à me coucher

Vous : Eh bien, c’est là que j’en suis

KL : LOL chanceux, je manque tellement de sommeil

Vous : J’aimerais pouvoir t’aider à cet égard

KL : J’ai choisi de rester réveillée pour parler à des gens et de ne pas dormir

Vous : LOL Bien… c’est les vacances d’été

KL : Vrai vrai

Vous : C’est difficile de t’envoyer des messages textes. LOL

KL : pourquoi?

Vous : Je mords ma langue

KL : D’accord

Vous : LOL. Tu comprends ce que je veux dire?

KL : Non, c’est probablement mieux comme ça

Vous : Eh bien

KL : Je suis tellement fatiguée

Vous : Va te coucher!

KL : Je ne peux pas, je suis encore ici

Vous : Tu as probablement besoin d’un massage de pieds

KL : LOL

[Sic dans l’ensemble des extraits]

Résumé des faits établis par le comité de déontologie

[7] Le gendarme Martin est un membre de la GRC affecté à la Division K.

[8] En avril 2019, il était l’entraîneur-chef d’une division […] de l’équipe de crosse de garçons. En raison du niveau élevé de compétence et de développement requis par les joueurs à cet âge et du fait que le personnel d’entraînement avait peu d’expérience à jouer la crosse, il a demandé de l’aide d’une joueuse ou entraîneuse plus chevronnée.

[9] Mme K.L. avait 16 ans. En raison d’une blessure, elle ne pouvait plus jouer à la crosse. Compte tenu de sa vaste connaissance du jeu, des pénalités et des tactiques, elle a été recommandée par les parents de l’un des joueurs.

[10] Le gendarme Martin occupait une position d’autorité par rapport à Mme K.L. et était un mentor adulte pour elle. Il était conscient de son jeune âge et du fait que ses parents étaient divorcés.

[11] Les deux parties ont volontairement échangé leurs coordonnées de téléphone cellulaire aux fins de l’entraînement.

[12] Le ou vers le 20 mai 2019, Mme K.L. est venue à l’entraînement et était visiblement contrariée après une dispute avec sa mère. Le même parent qui avait recommandé Mme K.L. à titre d’entraîneure adjointe était au courant de sa situation à la maison et a demandé au gendarme Martin d’en discuter avec elle. Pendant la conversation, le gendarme Martin a offert un soutien et a aidé Mme K.L et elle se sentait mieux. Il lui a également dit qu’elle pouvait communiquer avec lui à tout moment si elle voulait parler ou si elle avait besoin de conseils.

[13] Le même soir, ou peut-être le lendemain, le gendarme Martin et Mme K.L. ont commencé à communiquer par messages textes pendant une période d’environ six semaines. Tous les messages textes ont été envoyés par le gendarme Martin à l’aide de son iPhone personnel. Certains messages textes ont été envoyés lorsqu’il était en service, mais la grande partie des messages a été envoyée pendant qu’il n’était pas en service.

[14] Le premier message texte a été envoyé par le gendarme Martin pour vérifier qu’elle allait bien. Peu après, le gendarme Martin a proposé qu’ils aillent ensemble recevoir des soins de pieds. Mme K.L. estimait que cela était normal de le faire avec quelqu’un que vous admirez.

[15] L’échange de messages textes a pris fin le 28 juin 2019, lorsque Mme T.P., la mère de
K. L., a lu les messages textes sur la montre Apple de sa fille, qu’elle examinait occasionnellement. Perturbée et alarmée par le contenu des messages textes, elle a pris des photographies des messages. Préoccupée par le fait qu’elle réagissait de façon excessive, elle a ensuite envoyé des copies à ses amis proches pour obtenir des conseils.

[16] Le 30 juin 2019, Mme T.P. a déposé, au nom de sa fille qui était une mineure à l’époque, une plainte auprès de la GRC contre le gendarme Martin. Elle a affirmé qu’il avait fait des avances sexuelles non désirées à sa fille.

[17] Le 1er juillet 2019, le gendarme Martin a été suspendu de ses fonctions d’entraîneur par le directeur de discipline de l’Association de la crosse.

[18] Le 14 juillet 2019, cette affaire a été envoyée à l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave de l’Alberta (EIIGA) aux fins d’examen.

[19] Le 5 juillet 2019, une enquête en vertu du Code de déontologie de la GRC a été amorcée. La Lettre de mandat d’enquête en matière de déontologie a été signifiée au gendarme Martin le
8 juillet 2019. À l’origine, il avait été affecté temporairement à des fonctions administratives.

[20] Le 5 juillet 2019, une ordonnance d’injonction civile a été obtenue et signifiée au gendarme Martin, qui a respecté toutes les conditions imposées par la cour.

[21] Le 18 juillet 2019, sur la recommandation du procureur de la Couronne, l’EIIGA a confirmé que, même s’ils sont préoccupants, les éléments de preuve ne répondent pas aux éléments de harcèlement criminel ou de leurre des enfants conformément au Code criminel [1] . Même si l’affaire ne relevait pas du champ d’action de l’EIIGA, il a été estimé que le processus prévu au Code de déontologie de la GRC était plus approprié.

[22] En dépit du processus prévu au Code de déontologie et de la question de la confiance du public à l’égard d’un mineur, le 15 août 2019, le gendarme Martin a été réaffecté à des fonctions opérationnelles. Il a été déterminé par la direction de la GRC de l’époque que cela était approprié, car il n’était pas un membre de première ligne. Il travaillait plutôt dans une unité de soutien et aurait un contact minimal avec le grand public. Même s’il était assujetti à une ordonnance d’injonction civile, la GRC estimait qu’il était très improbable qu’il ait un contact avec la ou les personnes touchées dans le cadre de l’exercice normal de ses fonctions.

[23] Le 4 avril 2020, l’autorité disciplinaire a signé un Avis à l’officier désigné, dans lequel elle a demandé la tenue d’une audience disciplinaire concernant cette question en vertu du paragraphe 41(1) de la Loi sur la GRC.

[24] Le 14 mai 2020, le gendarme Martin a été suspendu de ses fonctions.

[25] Il convient de préciser que le gendarme Martin n’a pas fourni une copie des messages textes. En ce qui concerne Mme K.L., elle a supprimé les messages qui étaient dans son « ancien iPhone 6 », qui dataient de la mi-mai au 8 juin 2019. Toutefois, elle a fourni une copie d’environ 29 messages textes envoyés du 9 juin 2019 au 28 juin 2019 (20 jours) et contenus dans son
« nouveau iPhone 8 ».

Crédibilité des témoins et fiabilité des éléments de preuve

[26] J’ai entendu des témoignages de trois témoins : soit Mme T.P., Mme K.L. et le gendarme Martin. Dans l’évaluation de la crédibilité des trois témoins, j’ai tenu compte de la capacité des témoins à se souvenir de tous les détails relatifs aux événements, compte tenu du temps écoulé (environ deux ans). J’ai également tenu compte de la totalité des éléments de preuve dans l’évaluation de la crédibilité de chaque témoin et de la fiabilité de leur témoignage.

[27] Selon la décision de la Cour suprême du Canada dans McDougall [2] , « la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités». La Cour a reconnu toutefois qu’« aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment ».

[28] L’issue de la présente affaire repose en grande partie sur la crédibilité des témoins. En premier lieu, Mme T.P. a exprimé une préoccupation importante à l’égard de cette situation concernant sa jeune fille, qu’elle n’a pas été en mesure de protéger. Elle a expliqué que c’était bouleversant pour sa famille, car elle a toujours dit à ses enfants de faire confiance aux policiers, aux enseignants ou à toute personne en position de les protéger et que cette confiance a été perdue de la pire des manières. J’ai conclu qu’elle était un témoin crédible et que son témoignage était également fiable.

[29] En ce qui concerne Mme K.L., je conclus qu’elle était un témoin éloquent et franc. Elle était équilibrée lorsqu’elle s’exprimait et n’a pas cherché à faire planer une ombre négative à l’égard du gendarme Martin. Elle était franche et son témoignage était cohérent, tant pendant son témoignage que dans ses déclarations figurant au dossier. Elle n’a pas tenté d’embellir ses réponses ni de les perfectionner au fil du temps. Par exemple, elle a admis qu’elle n’avait jamais rencontré le gendarme Martin en privé, qu’elle ne l’avait appelé qu’une seule fois pour l’entraînement de la crosse et qu’elle n’avait jamais informé quiconque des messages textes. Je conclus que son témoignage était crédible et fiable.

[30] Pour la majeure partie, je conclus que le caporal Martin est crédible et que son témoignage est fiable.

Critère de conduite déshonorante

[31] L’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC énonce ce qui suit : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. » Le critère de « conduite déshonorante » a été élaboré par le Comité externe d’examen de la GRC et compte quatre étapes.

[32] En premier lieu, l’autorité disciplinaire doit établir, selon la prépondérance des probabilités, les actes qui constituent le comportement allégué.

[33] En deuxième lieu, elle doit établir l’identité du membre qui a commis les actes visés par les allégations.

[34] En troisième lieu, si l’autorité disciplinaire arrive à le prouver, le comité de déontologie doit alors déterminer si une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités des services de police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait que la conduite du gendarme Martin est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[35] Enfin, le comité de déontologie doit déterminer si la conduite est suffisamment liée aux devoirs et fonctions du gendarme Martin pour que la Gendarmerie ait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.

[36] Il n’y a aucune contestation concernant la deuxième étape concernant l’identité du gendarme Martin. Les trois autres étapes nécessitent une analyse plus approfondie.

[37] L’allégation 1 contient 17 faits. Il incombe à l’autorité disciplinaire de déterminer si l’allégation est fondée selon la prépondérance des probabilités. Toutefois, il n’a pas à déterminer si chaque fait est fondé, seulement un nombre suffisant permettant de conclure que ceux qui sont jugés fondés permettent d’atteindre le seuil de la conduite déshonorante.

Analyse

[38] Le gendarme Martin a admis les énoncés détaillés 1, 2, 3, 4, 5, 12, 14 et 15, qui sont étayés par les éléments de preuve figurant au dossier.

[39] En ce qui concerne les énoncés détaillés 6, 7 et 8, le gendarme Martin ne les a ni admis ni niés, car ils ont trait à une déclaration faite à la GRC par Mme T.P., le 2 juillet 2019, lorsqu’elle a déposé la plainte au nom de sa fille. Je conclus que ces faits constituent des exposés des faits qui mettent les allégations en contexte; par conséquent, il n’est pas nécessaire que l’autorité disciplinaire détermine s’ils sont fondés pour prouver l’allégation de conduite déshonorante.

[40] Au cœur de la seule allégation contenue dans l’avis d’audience disciplinaire figurent les énoncés détaillés 9, 10, 11, 13, 16 et 17. Le gendarme Martin a confirmé dans sa réponse à l’allégation, ainsi qu’à l’audience disciplinaire qu’il a participé à un échange de messages textes avec Mme K.L. afin de lui offrir un soutien et de l’aide. Le contenu des messages textes n’est pas en litige. Toutefois, le gendarme Martin a nié que ses communications revêtaient une intention sexuelle quelconque.

[41] L’énoncé détaillé 9 allègue que le gendarme Martin transformait une conversation textuelle inoffensive en quelque chose d’inapproprié, ce qu’il a nié. Selon lui, il n’a pas toujours amorcé la conversation avec Mme K.L. et ce ne sont pas tous les messages qui ont été transformés en quelque chose d’inapproprié.

[42] Le dossier démontre qu’environ 29 messages ont été envoyés du 9 au 28 juin 2019. Tel que cela a été indiqué dans sa déclaration et à l’audience disciplinaire, les éléments de preuve indiquent que, parfois, Mme K.L. laissait les messages du gendarme Martin en état « lu ». Selon le jargon Internet, cela signifie que Mme K.L. a lu le message, mais qu’elle n’y a pas répondu. Pour la plus grande partie, elle ne lui a envoyé des messages en premier que lorsqu’elle devait savoir quelque chose au sujet d’un entraînement ou d’un match. Le 25 juin 2019, elle a demandé la permission de l’appeler rapidement. À l’audience disciplinaire, elle a confirmé que l’appel proposé était lié à la crosse.

[43] De plus, les éléments de preuve permettent de conclure que plusieurs conversations par messages textes ont pris fin par des commentaires très inappropriés et inutiles de la part du gendarme Martin, étant donné le jeune âge de Mme K.L. Par exemple, une conversation qui a commencé le 11 juin 2019 au sujet d’une ampoule au pied de Mme K.L., s’est terminée par le commentaire du gendarme Martin selon lequel elle avait de beaux pieds, comment il voulait qu’elle les montre, en lui posant la question [TRADUCTION] « est-ce que j’exagère » et lui disant [TRADUCTION] « Oh, je veux m’amuser. Fais-moi confiance! »

[44] La conversation du 17 juin 2019, dans laquelle le gendarme Martin suivait une formation et a admis s’ennuyer la nuit, constitue un autre exemple. La conversation a encore une fois mené aux pieds de Mme K.L. et sur le fait qu’ils devaient obtenir des soins de pieds. Le gendarme Martin lui a demandé si elle portait ses chaussures Birkenstock à la crosse ce soir-là. Lorsque Mme K.L. a répondu oui, la conversation dirigée par le gendarme Martin s’est intensifiée de manière inappropriée. Il a admis qu’il aimait ses pieds et qu’il était triste d’avoir raté de les voir à l’entraînement. Lorsque Mme K.L. a demandé s’il blaguait, il a répondu qu’il avait peur de répondre parce qu’il ne voulait pas se mettre dans le pétrin. Il lui a ensuite demandé s’il pouvait lui poser d’autres questions. Lorsque Mme K.L. a répondu qu’elle n’était pas certaine, il a répondu [TRADUCTION] « Je ferais mieux de ne pas le faire ». Alors que Mme K.L. tentait de mettre fin à la conversation en disant qu’elle allait se coucher, le gendarme Martin a poursuivi la conversation en lui demandant de quelle couleur ses ongles d’orteils étaient peints. Lorsqu’elle a répondu bleu, il a répondu [TRADUCTION] « [Ah maudite merde] je meurs, ». Mme K.L. a ensuite dit bonne nuit et le gendarme Martin a répondu [TRADUCTION] « D’accord. D’accord. Fais de beaux rêves », La conversation a pris fin comme suit :

[TRADUCTION]

K.L. : Ouin, toi aussi

C.M. : J’espère que j’en ferai

K.L. : À plus tard

C.M. : Je l’espère

K.L. : Ne t’inquiète pas

C.M. : Fack

[45] Pour ces raisons, l’énoncé 9 est fondé.

[46] L’énoncé détaillé 10 allègue que le gendarme Martin a ordonné à Mme K.L. de ne jamais dire à qui que ce soit qu’ils communiquaient et de supprimer tous les messages textes échangés. Le gendarme Martin a nié ce fait. Le membre visé a proposé à l’audience disciplinaire l’idée que Mme K.L. avait inventé cette partie de l’histoire afin d’éviter d’avoir plus d’ennuis avec sa mère, qui l’avait prise en train de mentir quelques semaines auparavant lorsqu’elle avait visité son père à l’insu de sa mère. Je ne suis pas du même avis. En fait, les éléments de preuve indiquent que Mme K.L. n’a jamais informé qui que ce soit des messages, même pas sa meilleure amie, ce qui est conforme à sa déclaration et à son témoignage à l’audience disciplinaire.

[47] En ce qui concerne la suppression des messages, tel qu’il a été indiqué par le représentant du membre visé, je reconnais qu’il y a eu un [TRADUCTION] « changement radical dans le comportement » de Mme K.L. lorsqu’elle utilisait l’iPhone 6 (appelé l’ancien téléphone) et l’iPhone 8, le nouveau téléphone qu’elle a obtenu le 9 juin 2019. Lorsqu’elle utilisait l’ancien téléphone, elle supprimait tous les messages textes échangés avec le gendarme Martin avant d’aller se coucher. Une pratique qu’elle a arrêtée après avoir reçu son nouveau iPhone 8.
M
me K.L. a expliqué qu’elle n’avait plus de raison de supprimer les messages, car elle travaillait sur la relation avec sa mère et elles tentaient d’être dignes de confiance l’une envers l’autre. Les éléments de preuve indiquent également que Mme K.L. avait présenté volontairement son ancien iPhone 6 à la GRC en vue de tenter de récupérer les anciens messages, ce qui ne pouvait malheureusement pas être effectué.

[48] Le gendarme Martin a témoigné en disant qu’il ne pouvait pas produire les messages puisqu’il les a supprimés de son ancien iPhone à la fin du mois de juin, lorsqu’il l’a remplacé par un nouveau. Dans l’ensemble, la version de Mme K.L. des événements est cohérente et je privilégie son témoignage à celui du gendarme Martin sur ce point. Par conséquent, je conclus qu’il est plus probable que le contraire que le gendarme Martin lui a dit de supprimer les messages. Ainsi, l’énoncé détaillé 10 est fondé.

[49] En ce qui a trait à l’énoncé détaillé 11, le gendarme Martin a nié la version de Mme K.L. selon laquelle elle souhaitait que les messages textes inappropriés cessent. Elle n’a communiqué avec lui que parce qu’il était son entraîneur. Toutefois, les éléments de preuve n’étayent pas sa dénégation.

[50] Un examen des messages textes permet de confirmer que Mme K.L. amorçait principalement les communications par messages textes avec le gendarme Martin à des fins d’entraînement. Elle ne répondait souvent pas aux messages envoyés plus tard le soir avant le lendemain matin ou elle ne répondait pas à la suite de commentaires inappropriés. Par exemple, le 28 juin 2019, à 11 h 47, le gendarme Martin lui a demandé si elle portait un chandail qui montrait son ventre. Mme K.L. a répondu oui, mais elle a expliqué qu’elle avait quitté la maison rapidement et n’avait pas eu le temps de se changer. Il a répondu [TRADUCTION] « Il avait l’air super ». Mme K.L. n’a pas répondu. À 16 h 14 le même jour, le gendarme Martin lui a envoyé un message texte au sujet du match. Il a ensuite communiqué avec elle de nouveau à
22 h 9 lui demandant comment se passait sa nuit.

[51] Mme K.L. a admis à l’audience disciplinaire et dans sa déclaration à l’enquêteur disciplinaire qu’elle n’avait jamais expressément dit au gendarme Martin d’arrêter de lui envoyer des messages. Je suis d’accord avec le représentant de l’autorité disciplinaire pour dire qu’il ne lui incombait pas de le faire, étant donné l’écart considérable entre l’âge des parties et sa vulnérabilité. Comme l’a concédé le gendarme Martin, il savait qu’il occupait une position de confiance et d’autorité par rapport à elle.

[52] Pour ces raisons, l’énoncé détaillé 11 est fondé.

[53] Dans l’énoncé détaillé 13, il est allégué que, à une occasion, le gendarme Martin a touché la cuisse de Mme K.L. de manière inappropriée et sans excuse ni justification pendant qu’il dirigeait un entraînement avec elle. Les éléments de preuve indiquent qu’il y a eu trois contacts physiques. La première consistait en un câlin donné après que Mme K.L. lui avait confié qu’elle s’était disputée avec sa mère. Elle a décrit le câlin comme un geste réconfortant de la part du gendarme Martin.

[54] Le deuxième contact physique était un contact au mollet pendant un match de crosse où le gendarme Martin lui a dit quelque chose à l’effet de [TRADUCTION] « Bon travail entraîneure ». Mme K.L. a convenu à l’audience disciplinaire que le câlin et le contact au mollet étaient tous deux raisonnables.

[55] En ce qui concerne le contact à la cuisse, il a également eu lieu pendant un match de crosse. Mme K.L. l’a décrit comme un contact léger le long de la cuisse, [TRADUCTION] « rien de brutal, seulement comme un effleurement ». Elle estimait qu’il n’avait aucune raison de la toucher et elle l’a simplement ignoré. À son avis, ce contact était simplement inutile.

[56] En ce qui concerne le gendarme Martin, il ne se souvenait pas d’avoir touché son mollet ni sa cuisse. Il a reconnu que cela aurait pu se produire étant donné qu’il était dans un espace étroit avec 17 joueurs et 4 entraîneurs pendant le match. Dans ses observations, le représentant du membre visé a proposé que, si le gendarme Martin a touché la cuisse de Mme K.L. au banc, c’était par inadvertance et non intentionnel. Par conséquent, il a indiqué que ce fait ne devrait pas être fondé.

[57] Au cours de son témoignage, Mme K.L. a eu du mal à décrire le contact. Elle a déclaré qu’elle a senti sa main, plus comme un pinceau contre sa cuisse. Elle a confirmé que cela ne s’est produit qu’une seule fois et qu’elle ne pouvait se souvenir quand cela s’est produit dans la saison, qui a commencé en avril et s’est terminée en juin. Compte tenu des éléments de preuve, je suis satisfaite que le contact était accidentel ; par conséquent, l’énoncé détaillé 13 n’est pas fondé.

[58] En ce qui concerne le fait 16, le gendarme Martin a admis qu’il occupait une position de confiance et d’autorité à l’égard de Mme K.L. et qu’il existait un déséquilibre de pouvoir clair entre eux. Il a également concédé que les messages textes en dehors des questions concernant l’entraînement de crosse étaient complètement inutiles et très inappropriés compte tenu de son statut d’agent de la GRC.

[59] D’autre part, il a nié avoir cherché à dissimuler les communications textuelles avec
Mme K.L en lui demandant de supprimer les messages textes partagés. Cet élément du fait a été établi au fait 10 et je ne formulerai aucun autre commentaire à cet égard.

[60] Il reste deux questions à trancher concernant ce fait. En premier lieu, il est allégué que le gendarme Martin tentait activement de préparer Mme K.L. pour sa propre satisfaction personnelle. En deuxième lieu, il a participé à un échange de messages textes avec Mme K.L. dans le but de faciliter et de promouvoir une relation sexuelle avec elle.

[61] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fourni une grande quantité de jurisprudence portant sur les principes relatifs au leurre, au conditionnement et à l’exploitation sexuelle des enfants qui se rapporte à la sphère criminelle. Tels qu’ils ont été soumis, les principes invoqués devaient guider le comité de déontologie dans sa détermination des faits et des allégations.

[62] Comme l’a fait valoir le représentant du membre visé, le conditionnement ne constitue pas une infraction criminelle. Il constitue un facteur aggravant aux autres infractions criminelles sous-jacentes concernant l’exploitation sexuelle et le leurre des enfants.

[63] Comme l’a reconnu le représentant de l’autorité disciplinaire, mon rôle dans ce processus disciplinaire n’est pas de déterminer si le gendarme Martin a commis, par exemple, l’infraction criminelle de leurre d’enfants. Cette question relève de la compétence du tribunal pénal. Comme il a été mentionné précédemment dans une autre décision disciplinaire de la GRC, les parties doivent se garder d’importer en gros des concepts de droit pénal dans le processus disciplinaire de la GRC.

[64] Le comportement du gendarme Martin à l’égard de Mme K.L. reflétait des comportements compatibles avec le conditionnement lorsqu’il est devenu son ami, a cultivé sa confiance, a établi un lien émotionnel où elle se sentait à l’aise de se confier à lui et a dirigé la conversion vers des sujets sexuels. Plus particulièrement, Mme K.L. l’a décrit comme [TRADUCTION] « une personne qui était fortement appréciée de la communauté. Il ne m’a pas paru comme grossier ou agressif passif. […] Il était très gentil envers moi, et je le considérais comme un mentor, comme une personne qui pouvait m’aider. Pour moi, il occupait un rôle de leadership important. » Il lui a dit qu’elle [TRADUCTION] « pouvait se confier à lui; et que je pouvais lui faire confiance, que je pouvais lui parler de n’importe quoi. Et puis je me suis rendue compte qu’il était là pour moi et qu’il me soutiendrait [3] . »

[65] Le gendarme Martin savait que Mme K.L. était une jeune fille vulnérable de 16 ans. Il a admis qu’il occupait une position de confiance et d’autorité. Il a maintenu une relation avec
Mme K.L. en dehors de ses fonctions d’entraîneur en utilisant des messages textes. Personne n’était au courant des messages sauf les deux intéressés, même pas la meilleure amie de
M
me K.L. Les messages textes sur l’ancien iPhone 6 ont également été supprimés afin de s’assurer que personne ne serait dans le pétrin.

[66] Je conclus qu’au début, la relation entre le gendarme Martin et Mme K.L. était platonique et conforme à sa position initiale selon laquelle il ne lui a envoyé des messages qu’afin de l’appuyer et de l’aider. Toutefois, peu de temps après, les messages sont devenus inappropriés et, plus important encore, sexualisés. Comme Mme K.L. l’a clairement exprimé [TRADUCTION] « ils étaient normaux au début, puis ils sont simplement devenus bizarres vers la fin. Leur contenu me faisait sentir un peu mal à l’aise. »

[67] De nombreux messages textes ont été envoyés entre les parties, mais je vais me concentrer sur deux. Le premier a été envoyé par le gendarme Martin le 14 juin 2019 à 9 h 2. Il a questionné Mme K.L. à propos de sa journée d’école. Il pleuvait et il a introduit dans la conversation un commentaire sexualisé sur le port d’un t-shirt blanc. Même s’il est bien connu qu’un adulte sait qu’un t-shirt blanc mouillé porté par une femme est destiné à exposer ses seins ou sous-vêtements, Mme K.L. elle a témoigné en disant qu’elle [TRADUCTION] « n’y avait pas pensé comme cela à l’époque ».

[68] Lorsque le gendarme Martin a envoyé un message texte : [TRADUCTION] « T-shirt blanc? », Mme K.L. a répondu par deux émoticônes riantes. Comme cela a été expliqué lors de l’audience disciplinaire, deux émoticônes riantes sont utilisées par Mme K.L. lorsque les choses sont drôles ou pour remplacer les mots lorsqu’elle se sent mal à l’aise. Dans cette situation, elle a expliqué qu’elle a répondu avec les émoticônes parce qu’elle ne voulait pas s’engager avec des mots.

[69] Le gendarme Martin a répondu : [TRADUCTION] « Oh. LOL. Merde. » Il savait que le commentaire était inapproprié et il a donc répondu [TRADUCTION] « Je ne devrais pas dire ça. Mon erreur »; […] [TRADUCTION] « C’est toutefois difficile de ne pas le faire »; [TRADUCTION] « Pas de commentaire? ». À ce stade, Mme K.L. a répondu : [TRADUCTION] « [Je ne sais pas] quoi dire » et le gendarme Martin a répondu : [TRADUCTION] « LOL. Je ne te fais pas peur? ». Lorsque Mme K.L. a répondu [TRADUCTION] « Non? », il a ensuite
répondu : [TRADUCTION] « Ouf, je sais que je marche sur la ligne hors-jeu […] Tu es docile. »

[70] En contre-interrogatoire, on a demandé à Mme K.L. si le gendarme Martin aurait pu interpréter ses réponses comme [TRADUCTION] « D’accord, peut-être que tout est ok? » même si cela n’était pas nécessairement ce qu’elle voulait dire. Mme K.L. était claire et convaincante du fait qu’elle n’allait pas lui dire que ce qu’il faisait était mal : [TRADUCTION] « Parce que je ne sais pas dans quel genre de pétrin je me trouverai, alors, oui, je vais lui dire que – quoi qu’il en soit, tout est correct. Est-ce que je comprends que si j’estimais que quelque chose clochait, j’aurais dû dire quelque chose? Oui, je comprends cela, mais vous devez comprendre la position dans laquelle je me trouvais [4] . »

[71] Un autre message qui mérite d’être mentionné est le dernier envoyé par le gendarme Martin le 28 juin 2019 à 22 h 9, alors qu’il était au lit à la maison. Ce message texte indique une progression claire de l’intention sexuelle du gendarme Martin. Il a commencé par demander à Mme K.L. comment se passait sa nuit. Elle a répondu qu’elle était bénévole pour un match de crosse et qu’elle était prête à se coucher. Le gendarme Martin a ensuite dit : [TRADUCTION]
« Eh bien,
c’est là que je suis […] ». Mme K.L. a répondu [TRADUCTION] « LOL chanceux, je manque tellement de sommeil ». Le gendarme Martin a alors répondu : [TRADUCTION]
« J’aimerais pouvoir t’aider à cet égard […] C’est difficile de t’envoyer des messages textes. LOL. »; lorsqu’elle lui a demandé pourquoi, il a répondu : [TRADUCTION] « Je mords ma langue […] LOL. Tu comprends ce que je veux dire? ». M
me K.L. répond ensuite : [TRADUCTION] « Non, c’est probablement mieux comme ça ».

[72] Au cours de son témoignage, le gendarme Martin a déclaré que Mme K.L. flirtait aussi parfois avec lui, par exemple lorsqu’elle a amorcé une conversation portant sur une activité visant à obtenir des soins de pieds, qui faisait très souvent l’objet de leurs conversations. Il a admis que ses communications n’étaient pas appropriées, mais il a nié qu’elles soient motivées par sa propre satisfaction sexuelle personnelle ou qu’elles visent d’établir une relation sexuelle avec Mme K.L. Je ne suis pas du même avis.

[73] J’estime qu’une personne raisonnable qui lit l’ensemble des messages textes déposés en preuve pourrait conclure qu’ils sont sexualisés et qu’ils devenaient de plus en plus flagrants au fil du temps. En fait, Mme K.L. a témoigné en disant que le dernier message du 28 juin 2019 envoyé par le gendarme Martin était son « moment décisif ». C’est à ce moment-là qu’elle a réalisé que cela [TRADUCTION] « n’était peut-être pas normal [5] . »

[74] Comme l’a indiqué à juste titre le représentant de l’autorité disciplinaire : [TRADUCTION] « ces communications ont pris fin non pas en raison du nouveau sens des responsabilités [du gendarme Martin] en tant qu’adulte ou policier ou en tant que personne en position d’autorité, mais plutôt parce qu’il a été pris la main dans le sac [6] ». En fait, je conclus que les conversations privées du gendarme Martin avec Mme K.L. ne correspondaient pas à son intention initiale d’offrir du soutien et d’être utile. À de nombreuses occasions, il testait les limites et attendait la réponse de Mme K.L. pour se rassurer qu’il avait toujours sa confiance. Il aurait pu mettre fin aux messages textes avec elle, mais il a choisi de ne pas le faire. Cela ne correspond pas au comportement d’un ami dont l’intention est de la traiter comme une coentraîneuse afin de stimuler son ego et sa confiance comme cela a été revendiqué.

[75] Je suis également d’accord avec le représentant de l’autorité disciplinaire pour dire que le gendarme Martin cherchait à minimiser ses actes. Il a admis certains éléments de l’allégation et des faits de manière qualifiée afin de cacher ou de dissimuler son véritable but. En fait, je conclus que son histoire était incohérente et intéressée. Par exemple, dans divers messages textes, le gendarme Martin a dit à Mme K.L. qu’il aimait ses pieds, qu’elle devrait en prendre soin, qu’elle devrait les montrer et qu’il [TRADUCTION] « mourrait » lorsqu’il a découvert qu’elle avait peint ses ongles d’orteils en bleu.

[76] Toutefois, en contre-interrogatoire à l’audience disciplinaire, il a soutenu qu’il [TRADUCTION] « n’aimait pas réellement ses pieds » ou [TRADUCTION] « ne voulait même pas être seul avec elle ». Lorsqu’il a été interrogé davantage, il a expliqué que ses messages textes ne comportaient [TRADUCTION] « aucune intention ». Il a affirmé que les messages textes [TRADUCTION] « créent en quelque sorte leur propre monde. […] il ne s’agissait que de plaisanteries. Vous savez, j’ai essayé d’être un peu drôle et vous savez, ça lui donnait quelqu’un à qui parler [7] . » En fin de compte, je conclus que les nombreuses déclarations de ce genre faites pendant l’audience disciplinaire étaient offensantes et irrespectueuses envers Mme K.L., qui a été amenée à croire, pendant environ six semaines, qu’il était un ami authentique et bienveillant auquel elle pouvait faire confiance. De telles déclarations mettent en doute non seulement sa crédibilité et la fiabilité de ses éléments de preuve, mais également ses véritables intentions quant à leur relation.

[77] En contre-interrogatoire, le gendarme Martin a reconnu que le contenu des messages textes pourrait lui causer des ennuis. Comme il l’a dit, il [TRADUCTION] « tentait de rester du bon côté de la conversation, et, vous savez, cette limite a été franchie quelques fois [8] . » Comme l’a clairement exprimé le représentant de l’autorité disciplinaire, [TRADUCTION] « aucune communication, autre que celles visant les rôles et fonctions liés à l’entraînement et à la crosse, n’était justifiée ou nécessaire entre un homme de 40 ans et une personne de 16 ans [9] . » Je répète également qu’il n’incombait pas à Mme K.L. de mettre fin au comportement inapproprié. Le gendarme Martin connaissait parfaitement bien son état vulnérable, étant donné son âge, et il a néanmoins supposé que [TRADUCTION] « elle appréciait la conversation [10] ».

[78] Même si le gendarme Martin a nié catégoriquement toute intention d’inciter Mme K.L. à avoir une relation sexuelle, je ne suis vraiment pas convaincue qu’il flirtait ou s’amusait simplement, tel qu’il l’a fait valoir. De plus, je ne comprends pas pourquoi un homme de 40 ans, un père, un mari, un membre de la GRC formé qui possède une vaste expertise en entraînement auprès des jeunes participerait à des conversations progressivement plus sexualisées avec une personne de 16 ans. Je conclus qu’il a sciemment participé à un échange de messages textes avec Mme K.L. dans le but d’assouvir sa propre satisfaction sexuelle et de faciliter ou de faire progresser un genre quelconque de relation sexuelle avec elle.

[79] Pour les raisons susmentionnées, l’énoncé détaillé 16 est fondé.

[80] Enfin, l’énoncé détaillé 17 contient de nombreux messages textes qui visent à démontrer la nature prédatrice et sexuelle inappropriée des communications du gendarme Martin avec
Mme K.L.

[81] Compte tenu de mes constatations et de mes commentaires concernant l’énoncé détaillé 16, je conclus que les messages textes étaient de nature sexuelle inappropriée. L’évolution de leur contenu est préoccupante et j’estime qu’ils n’ont pas progressé davantage en raison de l’absence de réponse de Mme K.L. Toutefois, j’estime que les éléments de preuve au dossier ne me permettent pas de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que le comportement du gendarme Martin était prédateur. Par conséquent, l’énoncé détaillé 17 est partiellement fondé.

[82] En ce qui concerne les 17 énoncés détaillés, je répète ce qui suit :

  1. Les énoncés détaillés 1, 2, 3, 4, 5, 12, 14 et 15 ont été admis par le gendarme Martin et sont fondés;
  2. Les énoncés détaillés 6, 7 et 8 étaient contextuels et il n’était pas nécessaire de les établir;
  3. L’énoncé détaillé 13 concernant le toucher de la cuisse n’est pas fondé;
  4. Les énoncés détaillés 9, 10, 11 et 16 sont fondés;
  5. L’énoncé détaillé 17 est partiellement fondé en ce qui concerne le fait que les messages textes étaient de nature sexuelle inappropriée. Toutefois, le comportement n’a pas été considéré comme prédateur étant donné l’absence d’éléments de preuve.

[83] Afin de déterminer si une conduite est déshonorante et contraire au Code de déontologie, les éléments de preuve recueillis doivent établir que la conduite jette le discrédit sur la GRC et est donc liée à l’emploi du membre. Comme je l’ai indiqué précédemment, il a été établi que le gendarme Martin avait envoyé la plupart des messages textes pendant qu’il n’était pas en service. Cependant, certains ont été envoyés pendant qu’il était en service.

[84] Il est généralement compris que les membres de la GRC sont assujettis à des normes plus élevées que le grand public en matière de comportement, tant en service qu’en dehors du service. Conformément au Guide des mesures disciplinaires de la GRC (2014) :

[…] La conduite en dehors des heures de service qui ne constituerait pas normalement une infraction criminelle peut tout de même être jugée déshonorante, s’il est raisonnable de s’attendre, compte tenu des circonstances, que le comportement nuise à la réputation de la GRC ou à la capacité du membre de s’acquitter de ses fonctions de policier. […]

[85] De plus, l’article 37 de la Loi sur la GRC énonce qu’« [i]l incombe à tout membre de se conduire en tout temps d’une façon courtoise, respectueuse et honorable »

[86] J’estime qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités de la police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait que les actes accomplis par le gendarme Martin à l’égard de Mme K.L. sont susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[87] Les policiers ont le devoir de protéger les jeunes et de s’assurer qu’ils se sentent en sécurité en tout temps. J’estime donc que le comportement du gendarme Martin est suffisamment lié à ses tâches et fonctions pour que la Gendarmerie ait une raison légitime d’imposer des mesures disciplinaires.

[88] Par conséquent, l’allégation 1 est fondée selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[89] Selon le paragraphe 24(2) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 : « Le comité impose des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du Code de déontologie. »

[90] Le Comité externe d’examen de la GRC a établi un critère à trois étapes pour l’imposition de mesures disciplinaires. Tout d’abord, un comité de déontologie doit examiner l’éventail des mesures disciplinaires appropriées applicables à l’inconduite en cause. Ensuite, il doit tenir compte des circonstances aggravantes et atténuantes. Enfin, le comité de déontologie doit infliger des mesures disciplinaires qui reflètent avec précision et équité la gravité de l’inconduite en cause, en gardant à l’esprit le principe de la parité des sanctions.

Éventail des mesures disciplinaires

[91] Comme les parties l’ont fait valoir, l’allégation de conduite déshonorante établie en l’espèce ne fait pas partie d’une catégorie particulière énumérée dans le Guide des mesures disciplinaires de la GRC, qui fournit des lignes directrices sur les examens concernant l’imposition de mesures disciplinaires. Même s’il constitue une référence instructive et utile, le Guide des mesures disciplinaires n’est ni normatif ni contraignant pour un comité de déontologie. Il s’agit plutôt d’un point de départ pour parvenir aux mesures disciplinaires appropriées.

[92] Le représentant de l’autorité disciplinaire a demandé que le comité de déontologie ordonne au gendarme Martin de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours suivant la date de la décision orale sur les mesures disciplinaires.

[93] Le représentant du membre visé a reconnu que des mesures disciplinaires rigoureuses sont justifiées en l’espèce et a proposé : une sanction de 20 à 30 jours, laissant au comité de déontologie le pouvoir discrétionnaire d’imposer une confiscation de la solde ou une sanction combinée touchant la solde et les congés annuels, l’inadmissibilité à une promotion pendant deux ans et une réprimande.

[94] De plus, le représentant du membre visé a laissé entendre qu’il pourrait être approprié de reclasser le comportement du gendarme Martin comme un comportement de harcèlement en vertu de l’article 2.1 du Code de déontologie, plutôt qu’une conduite déshonorante en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie. Le représentant de l’autorité disciplinaire ne souscrivait pas à cet argument et, compte tenu de mes constatations dans les circonstances, je conclus que le comportement du gendarme Martin ressemble davantage à une inconduite sexuelle qu’au harcèlement. Par conséquent, je rejette la proposition de reclassement du représentant du membre visé. La sanction recommandée pour les inconduites sexuelles s’étend de 20 à 30 jours de solde dans les cas mineurs, ce qui a été recommandé par le représentant du membre visé, au congédiement.

[95] À l’appui de leur position sur les mesures disciplinaires, les parties ont également invoqué une jurisprudence en matière de droit pénal, ainsi que des décisions des comités de déontologie de la GRC lorsque le congédiement se situait dans l’éventail des sanctions disponibles. Tel que l’a indiqué le représentant du membre visé, la jurisprudence de la GRC qui peut fournir des lignes directrices particulières en l’espèce est assez rare. Il a soutenu que le congédiement ne constitue pas le résultat approprié dans les circonstances, car le comportement du gendarme Martin ne correspondait pas au niveau de conduite observée dans les affaires justifiant le congédiement.

[96] Je tiens à souligner qu’à l’exception des décisions Jenkins [11] et Eden [12] , toutes les autres décisions du comité de déontologie de la GRC invoquées par les parties découlent des observations conjointes et ne revêtent qu’une valeur limitée. Je ne suis pas liée par les décisions antérieures du comité de déontologie. De plus, les observations conjointes sont généralement fondées sur l’examen de plusieurs facteurs et sont le résultat de compromis négociés par les parties, sans que le décideur soit au courant.

[97] Par exemple, dans Bergmann [13] , le membre qui était âgé de 28 ans faisait du bénévolat à titre d’instructeur auprès des cadets de la Marine, tandis que la plaignante était une cadette de la Marine de 17 ans. Le membre occupait un poste de confiance et d’autorité. Il avait été averti par l’organisation des cadets de la Marine au sujet de son comportement envers la sœur aînée de la plaignante. Malgré une plainte déposée par la mère, le membre qui avait également promis de n’avoir aucune autre interaction avec la plaignante, lui a envoyé des messages Facebook. Peu après ses 18 ans, les parties ont commencé une relation sexuelle et l’ont cachée aux parents. Le membre n’a pas été congédié, mais des mesures disciplinaires lui ont été imposées, autres que le congédiement, notamment a) une sanction pécuniaire de 45 jours de solde; et b) un transfert à un autre endroit de la Division E. Toutefois, comme l’a indiqué clairement le comité de déontologie au paragraphe 28 lorsqu’une observation conjointe a été présentée sur les mesures disciplinaires, son rôle consiste à « déterminer si les mesures disciplinaires proposées vont à l’encontre de l’intérêt public. Il n’est pas question ici de comparer les mesures disciplinaires proposées à celles que j’aurais imposées moi-même. Le critère du respect de l’intérêt public est beaucoup plus sévère. [Je souligne] » Par conséquent, j’accorde une valeur limitée à cette décision en l’espèce.

[98] En ce qui concerne Jenkins, le membre était un instructeur à la Division Dépôt de la GRC et a amorcé une relation romantique avec une cadette. Une fois que la cadette a obtenu son diplôme, le membre a informé son superviseur qu’ils amorceraient une relation et a menti davantage en vue de nier qu’il avait eu une relation avec la cadette pendant sa formation. Un mois suivant la fin de la formation, la cadette a constaté qu’elle était enceinte, exposant ainsi le mensonge du membre. Dès que possible, le membre a admis s’être comporté d’une manière qui impliquait un conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel et avoir fait des déclarations fausses, trompeuses ou inexactes à son superviseur au sujet de la date à laquelle la relation a commencé.

[99] Le représentant du membre visé a déclaré que le comportement du gendarme Martin n’a pas atteint ce niveau. S’appuyant sur la conclusion du comité de déontologie au paragraphe 38,
« L’inconduite du membre visé est certes grave, mais je ne me résous pas à conclure que le congédiement est la seule solution », le représentant du membre visé a soutenu que le congédiement constituait effectivement un dernier recours et que les mesures doivent être proportionnelles en nature et correspondre aux circonstances de la contravention particulière au Code de déontologie.

[100] Je ne suis pas en désaccord avec la position du représentant du membre visé concernant la responsabilité d’un comité de déontologie d’imposer une mesure juste et équitable dans les circonstances. Dans Jenkins, le membre occupait une position d’autorité et le comité de déontologie a reconnu la nature inappropriée de la relation. Toutefois, comme l’a soutenu le représentant de l’autorité disciplinaire, une distinction très claire peut être établie. La relation impliquait deux adultes consentants.

[101] En outre, je conclus que, lorsqu’il a rendu sa décision en 2017, le comité de déontologie était convaincu que les mesures disciplinaires imposées préserveraient la confiance du public dans la Gendarmerie. Je ne peux parvenir à la même conclusion en l’espèce. Étant donné le niveau de préoccupation exprimé par le public à l’égard de la protection des jeunes lorsqu’ils communiquent sur les médias sociaux ainsi que les efforts déployés par les corps policiers du monde entier à cet égard, je conclus qu’une personne raisonnable constaterait que les actes du gendarme Martin minent la réputation de la GRC aux yeux de la collectivité. Il convient de préciser que le gendarme Martin a été immédiatement suspendu de son poste d’entraîneur lorsque les messages textes ont été constatés.

[102] En ce qui concerne Eden, qui présente une certaine similitude avec les faits en l’espèce, le membre a été congédié. Cette affaire concernait quatre contraventions au Code de déontologie. Deux allégations de conduite déshonorante pour des communications inappropriées et deux allégations d’utilisation abusive de biens de la Gendarmerie. Pour ce qui est des communications inappropriées, le membre a d’abord eu accès aux renseignements figurant aux dossiers électroniques de la GRC et a obtenu le numéro de téléphone cellulaire d’une plaignante de 17 ans qui s’était plainte d’une agression sexuelle. Il a commencé les échanges de messages textes dans lesquels il lui a demandé des photos, lui a envoyé deux photos d’un personnage masculin, l’une en sous-vêtements moulants et l’autre sous des couvertures de lit avec une érection. L’échange a pris fin lorsque le message texte de la plaignante a fait état d’idées suicidaires et que le membre a demandé une intervention à l’endroit où elle se trouvait. La deuxième communication inappropriée s’est produite après que le membre ait remis une contravention pour excès de vitesse à une automobiliste. À l’aide de renseignements non liés figurant dans le dossier électronique de la GRC, il l’a ensuite appelée à sa résidence, s’est identifié comme étant un policier et a obtenu son numéro de cellulaire auprès de son employé. Il lui a ensuite envoyé un message texte, lui demandant si elle voulait aller prendre un café.

[103] Tel qu’il a été indiqué dans le résumé du comité de déontologie de cette décision, plusieurs importants facteurs aggravants étaient présents, y compris l’abus de confiance et l’exploitation d’une personne ayant eu affaire aux policiers. Il y avait des témoignages d’experts contradictoires sur l’existence d’un trouble médical du membre. À l’exception du congédiement, le comité de déontologie a conclu qu’aucune autre mesure disciplinaire ne protégeait suffisamment la confiance du public envers la Gendarmerie.

[104] Je reconnais que l’inconduite du gendarme Martin n’est pas du même ordre que celle décrite dans Eden et qu’elle ne doit pas être aussi flagrante pour que je conclue que le congédiement fait partie de l’éventail des mesures possibles. En ce qui concerne l’ensemble des éléments de preuve déposés, je suis convaincue que le congédiement fait partie de l’éventail des mesures disciplinaires appropriées. Je dois donc maintenant examiner les facteurs aggravants et atténuants.

Facteurs aggravants

[105] Je prends les facteurs aggravants suivants en considération :

  1. Le gendarme Martin avait 40 ans au moment de l’incident et savait que Mme K.L. était une jeune personne vulnérable de 16 ans et membre du public.
  2. Le gendarme Martin occupait une position d’autorité à plusieurs égards. Il était son entraîneur, son mentor et un policier chargé du respect de la loi. Il existait un déséquilibre de pouvoir évident et une rupture de confiance quand il cherchait à tirer parti de sa position.
  3. Il ne s’agissait pas d’un incident isolé. Les messages textes ont été échangés entre les parties pendant une période d’environ six (6) semaines. Selon les éléments de preuve, la nature sexuelle inappropriée des communications a duré environ de deux à trois semaines et Mme K.L. était de plus en plus mal à l’aise au fil du temps étant donné le contenu sexualisé.
  4. Le gendarme Martin savait que ce qu’il faisait était inapproprié; néanmoins, il a continué son inconduite jusqu’à ce que la mère de Mme K.L. trouve les messages textes et les signale. Cela témoigne d’un très mauvais jugement de sa part.
  5. Dans son témoignage, le gendarme Martin a réduit au minimum la gravité de ses actes en laissant entendre que les messages textes étaient tout simplement des plaisanteries et étaient amusants, malgré le fait qu’à leur lecture, on dénote une connotation sexuelle.
  6. Même s’il n’y a pas eu de contact physique, l’incident a eu une incidence psychologique et émotionnelle négative durable sur Mme K.L. et sa mère, qui a témoigné en disant qu’elle s’est reproché de ne pas avoir été en mesure de protéger sa fille. Quant à
    M
    me K.L., elle a expliqué qu’elle n’avait pas quitté la maison pendant près d’un an parce qu’elle avait peur de rencontrer le gendarme Martin et qu’il la confronte. Elle ne pouvait pas non plus dormir seule la nuit pendant plusieurs mois, elle a commencé à avoir des crises de panique et a arrêté de conduire. Par conséquent, l’incident a eu de graves répercussions sur sa personnalité dans son ensemble, ses études et son niveau de confiance envers les adultes.

 

 

Facteurs atténuants

[106] Je prends les facteurs atténuants suivants en considération :

  1. Le gendarme Martin a présenté ses excuses auprès de Mme K.L., de sa mère, de sa famille, de ses superviseurs et du comité de déontologie pour son comportement embarrassant et le fardeau inutile qu’il a imposé à la Gendarmerie.
  2. Le gendarme Martin a environ 13 ans de service productif au sein de la GRC. Ses évaluations du rendement indiquent qu’il est très performant. Ils le décrivent comme étant très positif, diligent, travailleur et consciencieux. Il possède de grandes compétences, une bonne attitude, de l’enthousiasme et un dynamisme.
  3. Il n’a aucun antécédent disciplinaire et n’a aucune condamnation en vertu du Code criminel. Il a également respecté les conditions de l’injonction obtenue contre lui.
  4. Le gendarme Martin n’a soumis aucune lettre de référence de sa famille, de ses collègues et de ses superviseurs, mais bon nombre étaient présents tout au long de l’audience pour l’appuyer.
  5. Le gendarme Martin a une longue histoire de bénévolat auprès des jeunes depuis plus de 24 ans. Étant donné que la présente affaire concerne une adolescente de 16 ans que le gendarme Martin a rencontrée dans le cadre d’un événement sportif pour lequel il était entraîneur bénévole, je n’ai pas accordé de poids significatif à ce facteur en tant que facteur atténuant.

Parité des sanctions

[107] Au titre de l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du Code de déontologie et, s’il y a lieu, doivent être des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives.

[108] C’est un principe bien établi en droit du travail que le congédiement ne doit être envisagé que dans les cas les plus extrêmes et que la réhabilitation est l’objectif premier de l’imposition de mesures disciplinaires. Le tribunal fait état de ce principe dans Ennis [14] . La jurisprudence de la GRC a également confirmé que le potentiel de réhabilitation est un facteur important à prendre en considération, mais qu’il ne l’emporte pas sur le droit de mettre fin à l’emploi lorsque la contravention touche le cœur de la relation employeur-employé.

[109] Le gendarme Martin a obtenu des soins en août 2019, un mois après l’incident. Depuis décembre 2019, il continue de recevoir régulièrement de l’aide psychologique de la Dr D.W. Selon les éléments de preuve, le gendarme Martin n’avait aucun problème de santé ni aucun facteur de stress dans sa vie personnelle qui pouvait fournir une explication quelconque à ses lacunes au chapitre de la pensée critique et de la prise de décision éclairée pendant les six semaines où il a envoyé des messages textes à Mme K.L.

[110] Lors de l’audience disciplinaire, le représentant du membre visé a demandé d’admettre en preuve une lettre de deux pages de la Dr D.W., datée du 12 juillet 2021, dans laquelle elle résumait ses observations à la suite de ses discussions avec le gendarme Martin. Comme l’a expliqué le représentant du membre visé, la lettre ne devait pas être considérée comme un véritable rapport d’expert. Il s’agissait plutôt d’une lettre de soutien provenant d’un psychologue traitant. Le représentant de l’autorité disciplinaire s’est opposé à l’admission de la lettre. Il a soutenu qu’il n’était pas clairement établi que la Dr D.W. avait été informée de tous les détails relatifs aux messages textes et de la totalité de la situation. Comme je l’ai indiqué à l’audience disciplinaire, j’ai admis la lettre en preuve et je lui ai accordé peu de poids.

[111] Je conclus que le gendarme Martin n’a pas reconnu l’ampleur réelle de son inconduite lorsqu’il a déclaré, par exemple, que Mme K.L. flirtait aussi, qu’il faut deux personnes pour avoir une conversation : [TRADUCTION] « […] Le fait de flirter, c’est comme plaisanter, ce n’est pas fait pour être pris au sérieux, je ne pensais pas que c’était nécessaire » [15] . Étant donné la différence importante entre l’âge des parties, la réciprocité des conversations entre les parties n’a aucune incidence sur la gravité de la contravention ni sur le niveau de responsabilité du membre.

[112] De plus, même si le gendarme Martin a admis dans son témoignage que les messages textes étaient inappropriés, il a évité d’assumer la responsabilité en affirmant que les conclusions qui peuvent être tirées des messages textes constituent une question de perception : [TRADUCTION] « Même si les personnes peuvent interpréter les choses à leur gré, elles ne peuvent pas assumer mon intention ou la signification » [16] ou [TRADUCTION] « […] vous me posez cette question, il est évident qu’il n’est pas approprié selon vos points de vue et, oui, je n’aurais pas dû le mentionner. » [17]

[113] Le gendarme Martin a également fait une déclaration semblable lors de ses séances de thérapie avec le Dr D.W. : [TRADUCTION] « [Le gendarme] Martin a déclaré qu’il sera plus prudent à l’avenir au sujet des limites et qu’il examinera avec soin la façon dont les actes peuvent être interprétés d’un point de vue externe. » Ce manque d’introspection tout au long du témoignage du gendarme Martin m’a amené à remettre en question ses progrès en matière de réadaptation en ce qui a trait à l’acceptation pleine et entière de sa responsabilité ainsi qu’à l’assurance que ce genre d’inconduite ne se reproduira pas à l’avenir.

[114] La dissuasion est particulièrement importante en l’espèce, non seulement en tant qu’avertissement aux autres membres, mais également à titre d’assurance que ce comportement inapproprié ne se répète pas. Le besoin de dissuasion particulière prend davantage d’importance lorsque le contrevenant est une personne en position de confiance et d’autorité, comme c’est le cas pour le gendarme Martin à plusieurs égards.

[115] Une valeur sacrée de la société canadienne est la nécessité de protéger nos enfants et nos adolescents, qui utilisent fréquemment les technologies modernes à des fins sociales. Ce faisant, ils s’entretiennent avec des personnes qui peuvent profiter de leur vulnérabilité et ont la capacité de communiquer avec eux dans l’intimité de leur maison. Au moyen de la loi, le Parlement interdit les communications sexuelles inappropriées entre un adulte et une jeune personne, compte tenu du niveau de maturité insuffisant de cette dernière et de sa capacité limitée à faire face à ce type de situation. Les tribunaux ont aussi reconnu depuis longtemps que de telles communications utilisant les plateformes de médias sociaux et la technologie sont une affaire très sérieuse qui doit être dénoncée haut et fort et dissuadée.

[116] Même si certains facteurs atténuants ont été acceptés, je conclus qu’ils ne suffisent pas pour contrer la gravité de l’inconduite, par exemple pour réduire la sanction ultime que je juge nécessaire compte tenu de ce qui suit : 1) la nature sexuelle des messages textes envoyés en privé, à l’aide d’une plateforme de médias sociaux et pendant une période prolongée; 2) l’état vulnérable de Mme K.L. étant donné son jeune âge et la façon dont le gendarme Martin a cherché à dissimuler les communications textuelles en lui demandant de les supprimer; enfin 3) l’intention sexuelle du gendarme Martin de cultiver la relation afin de poursuivre une relation avec Mme K.L. pendant qu’il occupait une position de confiance et d’autorité.

[117] L’inconduite du gendarme Martin est grave et touche au cœur de la relation employeur-employé et concerne les attentes du public à l’égard des policiers dans leurs rapports avec les membres vulnérables de la population. Tel qu’il est indiqué dans le Code de déontologie : [TRADUCTION] « Les responsabilités décrites dans le Code de déontologie visent à favoriser la prise de décisions éthiques éclairées qui vont au-delà des limites du milieu de travail. […] cette responsabilité n’est pas intermittente, mais constante » [18] .

[118] Je conclus que, par son inconduite, le gendarme Martin a renié plusieurs des valeurs fondamentales essentielles de la Gendarmerie, y compris le professionnalisme, qui est défini comme « être conscient [du] rôle, de [l’]image, [des] compétences et [des] connaissances [des membres de la Gendarmerie] dans le cadre de notre engagement à fournir un service de qualité adapté aux besoins du client », le respect, qui consiste à « [f]aire preuve de considération, d’objectivité et d’impartialité envers les droits, les valeurs, les croyances et les biens de tous » et l’intégrité qui consiste à agir « « conformément [aux] autres valeurs fondamentales [de la Gendarmerie] » [19] .

[119] Le régime disciplinaire de la police joue un rôle essentiel au maintien de la confiance du public envers la Gendarmerie. Tel qu’il est énoncé dans Eden [20] :

Les pouvoirs dont jouit un policier sont considérables, et la population a raison de s’attendre à ce que les membres de la GRC respectent les normes d’éthique et professionnelles les plus rigoureuses, ce qui comprend nécessairement le principe fondamental selon lequel les membres doivent agir seulement de manière à protéger la santé et la sécurité des jeunes canadiens et ne doivent en aucun cas exploiter de jeunes personnes vulnérables de façon délibérée et répétée. Le maintien en poste du membre visé compromettrait clairement la confiance du public à l’égard de la Gendarmerie.

[120] Je conclus que les actes du gendarme Martin constituent une violation fondamentale de la confiance du public et une renonciation à ses obligations en tant que membre de la GRC.

CONCLUSION

[121] Étant donné la nature de l’allégation établie, je ne peux tout simplement pas justifier le maintien en poste du gendarme Martin en tant que membre de la GRC.

[122] Conformément à l’alinéa 45(4)a) de la Loi sur la GRC, j’ordonne au gendarme Martin de démissionner de la Gendarmerie. S’il ne le fait d’ici 14 jours, j’ordonne alors son congédiement.

[123] L’une ou l’autre des parties peut faire appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision au gendarme Martin, comme il est indiqué à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-293.

 

 

Le 24 septembre 2021

Josée Thibault

Comité de déontologie de la GRC

 

Date

 



[1] Code criminel, LRC 1985, ch C-46 [Code criminel].

[2] F.H. c McDougall, [2008] 3 RCS 41 [McDougall].

[3] Transcriptions, version PDF, en date du 12 juillet 2021, page 67, lignes 21 à 25, et page 68, lignes 6 à 10.

[4] Transcriptions, version PDF, en date du 12 juillet 2021, page 204.

[5] Transcriptions, version PDF, en date du 12 juillet 2021, page 220, lignes 22 et 23.

[6] Transcriptions, version PDF, en date du 12 juillet 2021, page 9, lignes 6 à 9.

[7] Transcriptions, version PDF, en date du 13 juillet 2021, page 125.

[8] Transcriptions, version PDF, en date du 13 juillet 2021, page 179.

[9] Transcriptions, version PDF, en date du 14 juillet 2021, page 4.

[10] Transcriptions, version PDF, en date du 14 juillet 2021, page 32.

[11] Le commandant de la Division T c le caporal Jenkins, 2017 DARD 4.

[12] Le commandant de la Division E c le gendarme Eden, 2017 DARD 7. Il convient de noter qu’au moment de l’audience en l’espèce, cette décision faisait l’objet d’un appel. Le 3 août 2021, la commissaire de la GRC a rendu sa décision finale (20173351284 [C-045]), qui a rejeté l’appel et confirmé les mesures disciplinaires imposées par le comité de déontologie.

[13] Le commandant de la Division E c le gendarme Bergmann, 2019 DARD 02.

[14] Ennis v Canadian Imperial Bank of Commerce, (1986) BCJ 1742 [Ennis].

[15] Transcriptions, version PDF, en date du 13 juillet 2021, page 145.

[16] Transcriptions, version PDF, en date du 13 juillet 2021, page 125.

[17] Transcriptions, version PDF, en date du 13 juillet 2021, page 161.

[18] Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada, version annotée, 2014, pages 7 and 8.

[19] Valeurs fondamentales de la GRC (date modifiée : le 3 décembre 2019), en ligne https://www.rcmp-grc.gc.ca/fr/valeurs-fondamentales-grc

[20] Le commandant de la Division E c le gendarme Eden, 2017 DARD 7, paragraphe 92.

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