Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire contenait trois allégations de conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Cette affaire porte sur une interaction qui a eu lieu entre la gendarme Nolin et deux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada à son retour d’un voyage personnel de trois semaines en Floride. Il est allégué que la gendarme Nolin a omis de déclarer des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ et qu’elle a fait de fausses déclarations aux deux agents en contravention de l’article 12 de la Loi sur les douanes, LRC (1985), ch. 1 (2e suppl.). Il est également allégué que la gendarme Nolin a fait plusieurs commentaires inappropriés à l’agente L. B. et que son inconduite a fait en sorte que cette dernière se soit sentie intimidée. Enfin, il est allégué que la gendarme Nolin a fourni des renseignements trompeurs à son superviseur au sujet de l’incident.
À la suite d’une audience contestée, le Comité de déontologie a conclu que les trois allégations étaient fondées selon la prépondérance des probabilités et a imposé les mesures disciplinaires suivantes :
a. une sanction financière équivalant à 45 jours de travail, à déduire de la solde de la gendarme Nolin;
b. l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans à compter de la date de sa réintégration;
c. l’obligation de travailler sous étroite surveillance pendant une période d’un an à compter de la date de sa réintégration;
d. l’obligation que la gendarme Nolin présente des excuses par écrit à l’agente L. B. et à son superviseur, le caporal Parent.

Contenu de la décision

Protégé A

2022 DAD 02

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Affaire intéressant une audience disciplinaire tenue au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), ch. R-10

Entre :

Commandant de la Division C

Autorité disciplinaire

et

Gendarme Judith Nolin

Matricule 53349

Membre visée

Décision du Comité de déontologie

Josée Thibault

19 janvier 2022

 

Me Denys Morel et sergente d’état-major Chantal Le Dû, représentants de l’autorité disciplinaire

Me Philippe Morneau, représentant de la membre visée


Table des matières

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 5

ALLÉGATIONS 6

La question préliminaire porte sur le délai de prescription pour entamer une audience disciplinaire 11

Résumé des faits non contestés 13

Crédibilité des témoins et des éléments de preuve 14

Témoignage de l’agente L. B. 15

Témoignage du caporal Sébastien Parent 15

Témoignage de la gendarme Judith Nolin 15

Critère de la conduite déshonorante 16

Analyse des allégations 17

Allégation no 1 – Fausses déclarations faites aux agents de l’ASFC 17

Allégation no 2 – Commentaires et comportement inappropriés 25

Allégation no 3 – Renseignements trompeurs fournis au superviseur 29

MESURES DISCIPLINAIRES 31

Éventail de mesures disciplinaires 32

Facteurs aggravants 35

Facteurs atténuants 38

Décision relative aux mesures disciplinaires 39

CONCLUSION 41

 

SOMMAIRE

L’avis d’audience disciplinaire contenait trois allégations de conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Cette affaire porte sur une interaction qui a eu lieu entre la gendarme Nolin et deux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada à son retour d’un voyage personnel de trois semaines en Floride. Il est allégué que la gendarme Nolin a omis de déclarer des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ et qu’elle a fait de fausses déclarations aux deux agents en contravention de l’article 12 de la Loi sur les douanes, LRC (1985), ch. 1 (2e suppl.). Il est également allégué que la gendarme Nolin a fait plusieurs commentaires inappropriés à l’agente L. B. et que son inconduite a fait en sorte que cette dernière se soit sentie intimidée. Enfin, il est allégué que la gendarme Nolin a fourni des renseignements trompeurs à son superviseur au sujet de l’incident.

À la suite d’une audience contestée, le Comité de déontologie a conclu que les trois allégations étaient fondées selon la prépondérance des probabilités et a imposé les mesures disciplinaires suivantes :

  1. une sanction financière équivalant à 45 jours de travail, à déduire de la solde de la gendarme Nolin;
  2. l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans à compter de la date de sa réintégration;
  3. l’obligation de travailler sous étroite surveillance pendant une période d’un an à compter de la date de sa réintégration;
  4. l’obligation que la gendarme Nolin présente des excuses par écrit à l’agente L. B. et à son superviseur, le caporal Parent.

INTRODUCTION

[1] L’avis d’audience disciplinaire contenait trois allégations de conduite déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. L’avis a été signé par l’autorité disciplinaire le 10 juin 2020 et signifié à la gendarme Judith Nolin le 15 juin 2020; le dossier d’enquête lui a été remis au même moment.

[2] Les allégations découlent d’une interaction entre la gendarme Nolin et deux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ayant eu lieu le 24 septembre 2019, lorsque cette dernière revenait au Canada, via l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau, d’un voyage personnel de trois semaines en Floride. Puisque sa carte NEXUS ne fonctionnait pas, elle s’est présentée au comptoir de services spéciaux, où elle a déclaré avoir acheté des marchandises d’une valeur de 600 $ à l’étranger. Elle a ensuite été soumise à un deuxième examen et a présenté à l’agente L. B. de l’ASFC quatre reçus totalisant 1 031,79 $ et non 600 $ comme elle l’avait initialement déclaré. De plus, lors d’une fouille des bagages enregistrés de la gendarme Nolin, l’agente L. B. a trouvé trois autres reçus d’un montant supplémentaire de 1 212,58 $.

[3] L’allégation no 1 se rapporte au défaut de la gendarme Nolin de déclarer des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ et aux fausses déclarations qu’elle a faites aux deux agents de l’ASFC. L’allégation no 2 porte sur les commentaires généraux et le comportement de la gendarme Nolin lors de son interaction avec l’agente L. B., une employée d’un organisme partenaire, qui ont été jugés inappropriés et qui ont donné à penser à cette dernière que la gendarme Nolin essayait de l’intimider. Enfin, l’allégation no 3 se rapporte au fait que la gendarme Nolin a fourni des renseignements trompeurs à son superviseur lorsqu’elle lui a signalé l’incident à son retour au travail le lendemain.

[4] Le 5 juin 2020, j’ai été nommée au Comité de déontologie pour trancher l’affaire, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), ch. R-10 (Loi sur la GRC).

[5] Le représentant de la membre visée, qui était initialement chargé du cas de cette dernière, a présenté trois demandes de divulgation supplémentaire (13 juillet 2020, 2 septembre 2020, 4 décembre 2020). Il a aussi présenté deux requêtes. La première a été déposée le 4 novembre 2020 pour contester la période de prescription d’un an avant d’entamer une audience, en application du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC; la requête a été rejetée. La deuxième requête, demandant une suspension d’instance, a été déposée le 9 mars 2021 pour abus de procédure. Cette requête a été retirée le 22 mars 2021.

[6] Le 9 avril 2021, la gendarme Nolin a fourni sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC (déontologie)], dans laquelle est a nié les trois allégations.

[7] En août 2021, le représentant actuel de la membre visée a assumé la responsabilité du dossier.

[8] L’audience disciplinaire s’est déroulée par vidéoconférence le 30 novembre 2021. Les témoignages oraux de trois témoins, y compris la gendarme Nolin, ont été recueillis. La décision orale établissant le bien-fondé des allégations a été rendue le 1er décembre 2021. Le bien-fondé des trois allégations a été établi et une décision orale sur les mesures disciplinaires a été rendue le 3 décembre 2021. La présente décision écrite englobe et approfondit les décisions rendues de vive voix.

ALLÉGATIONS

[9] Voici le libellé des trois allégations dont le Comité de déontologie était saisi :

[Traduction] Allégation no 1

Le ou vers le 24 septembre 2019, à Dorval ou à proximité, dans la province de Québec, la gendarme Judith Nolin s’est conduite de façon déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Énoncé détaillé

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, vous étiez membre de la GRC affectée à la Division C, au sein de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale, à Montréal, au Québec.

2. Vous étiez membre du programme NEXUS, qui est un programme à participation volontaire visant à accélérer le passage à la frontière canado-américaine de voyageurs préautorisés à faible risque.

3. Au cours des 6 années précédant l’incident allégué, vous avez voyagé à l’étranger à au moins 46 reprises.

4. Au moment de l’incident allégué, vous reveniez au Canada via l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau après un voyage personnel de trois semaines en Floride. Vous aviez en votre possession des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ CA que vous aviez achetées aux États-Unis.

5. À votre arrivée à l’aéroport, comme vous n’avez pas pu utiliser le kiosque NEXUS, vous vous êtes présentée au comptoir des services spéciaux. Vous vous êtes rendue à ce point de contrôle principal, où un agent de l’ASFC vous a posé des questions courantes, y compris la valeur en devise canadienne des marchandises achetées à l’étranger. Vous avez déclaré 600 $.

6. Votre carte de déclaration a été codée par l’agent de l’ASFC aux fins de renvoi sélectif. Vous vous êtes présentée au deuxième examen, où vous avez remis à l’agente de l’ASFC [L. B.] [quatre] reçus d’une valeur totalisant environ 1 031,79 $ CA. Pendant l’examen de votre sac de voyage [enregistré], l’agente [L. B.] a trouvé [trois] autres reçus d’une valeur de près de 1 212,58 $ CA, que vous aviez omis de divulguer et de présenter au point de contrôle principal. Vous avez faussement déclaré que les biens étaient des cadeaux que vous aviez reçus.

7. Vous avez omis de déclarer des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ CA et vous avez fait de fausses déclarations à [deux] agents de l’ASFC, en contravention de l’article 12 de la Loi sur les douanes. Par conséquent, vous avez fait l’objet d’une saisie de niveau deux pour la non-déclaration de marchandises importées, vous avez payé une amende et votre carte NEXUS a été saisie.

8. Vos gestes étaient déshonorants.

Allégation no 2

Le ou vers le 24 septembre 2019, à Dorval ou à proximité, dans la province de Québec, vous vous êtes conduite de façon déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Énoncé détaillé

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, vous étiez membre de la GRC affectée à la Division C, au sein de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale, à Montréal, au Québec.

2. Vous étiez membre du programme NEXUS, qui est un programme à participation volontaire visant à accélérer le passage à la frontière canado-américaine de voyageurs préautorisés à faible risque.

3. Au cours des 6 années précédant l’incident allégué, vous avez voyagé à l’étranger à au moins 46 reprises.

4. Au moment de l’incident allégué, vous reveniez au Canada via l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau après un voyage personnel de trois semaines en Floride. Vous aviez en votre possession des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ CA que vous aviez achetées aux États-Unis.

5. À votre arrivée à l’aéroport, comme vous n’avez pas pu utiliser le kiosque NEXUS, vous vous êtes présentée au comptoir des services spéciaux. Vous vous êtes rendue au point de contrôle principal où un agent de l’ASFC vous a posé des questions courantes, y compris la valeur en devise canadienne des marchandises achetées à l’étranger. Vous avez déclaré 600 $.

6. Votre déclaration a été codée par l’agent de l’ASFC pour un renvoi sélectif.

7. Vous vous êtes ensuite présentée pour le deuxième examen et avez immédiatement dit à l’agente de l’ASFC [L. B.] que vous travailliez au gouvernement dans le domaine de la sécurité nationale et que vous saviez pourquoi vous étiez là. L’agente [L. B.] vous a informé que votre profession n’était pas pertinente parce que toute personne qui entre au Canada fait l’objet d’un contrôle. Vous avez continué de mentionner votre profession pendant l’examen.

8. Vous avez dit à l’agente [L. B.] qu’« ils » n’aimaient pas la GRC, raison pour laquelle vous étiez constamment prise pour cible et harcelée et qu’il s’agissait de discrimination envers les Blanches. L’agente [L. B.] a fait une recherche dans votre « historique des passages frontaliers » et a confirmé qu’il s’agissait de votre premier renvoi pour deuxième examen.

9. Vous avez également fait plusieurs commentaires inappropriés à l’agente [L. B.], par exemple : ne pensent-ils pas qu’ils devraient consacrer plus de temps à des personnes susceptibles de faire exploser des avions; certains groupes sont simplement plus enclins à commettre des crimes; c’est un fait connu que l’ASFC n’aime pas la GRC; j’arrête des gens dans le cadre de mes fonctions, donc il est possible que j’aie des traces de drogue sur moi; pourquoi n’exercez-vous pas votre pouvoir discrétionnaire; pourquoi leur a-t-il fallu autant de temps pour remplir les formalités administratives, alors qu’il leur faut 10 minutes pour arrêter un terroriste; c’est comme ça que ce pays me remercie après tout ce que j’ai fait; c’est une vraie farce.

10. Dans l’ensemble, vos commentaires et votre comportement étaient inacceptables envers l’agente [L. B.], une employée d’un organisme partenaire, et lui ont donné l’impression que vous essayiez de l’intimider.

11. Vos gestes étaient déshonorants.

Allégation no 3

Le ou vers le 25 septembre 2019, à Montréal ou à proximité, dans la province de Québec, vous vous êtes conduite de façon déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Énoncé détaillé

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, vous étiez membre de la GRC affectée à la Division C, au sein de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale, à Montréal, au Québec.

2. Le 24 septembre 2019, en contravention de l’article 12 de la Loi sur les douanes, vous avez omis de déclarer des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ CA et vous avez fait de fausses déclarations aux agents de l’ASFC. Par conséquent, vous avez fait l’objet d’une saisie de niveau deux pour la non-déclaration de marchandises importées, vous avez payé une amende et votre carte NEXUS a été saisie.

3. Le 25 septembre 2019, vous êtes revenue au travail après des vacances.

4. Vous avez parlé à votre superviseur, le caporal Sébastien Parent, et vous l’avez informé qu’au cours de jours précédents, à votre retour de voyage au Canada, vous avez fait l’objet d’un deuxième examen par une agente de l’ASFC. Vous avez expliqué au caporal Parent que vous aviez omis de déclarer des articles que vous aviez achetés et utilisés lors de votre voyage, dont la valeur s’élevait à environ 600 $. Vous lui avez également dit que votre carte NEXUS avait été saisie.

5. Vous avez fourni des renseignements trompeurs à votre superviseur concernant votre deuxième examen et les détails de votre contravention à l’article 12 de la Loi sur les douanes.

6. Vos gestes étaient déshonorants.

[sic pour l’ensemble de la citation]

La question préliminaire porte sur le délai de prescription pour entamer une audience disciplinaire

[10] Le 15 octobre 2020, le représentant de la membre visée a envoyé une lettre à l’autorité disciplinaire signalant que les retards dans la conduite de l’affaire avaient engendré une perte de compétence empêchant de poursuivre l’audience disciplinaire.

[11] Cette question avait déjà été soulevée par le représentant de la membre visée dans un courriel adressé au Comité de déontologie le 30 juin 2020. Le 3 juillet 2020, j’ai conclu, selon les renseignements au dossier, que l’audience avait été entamée dans le délai de prescription d’un an prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC [1] .

[12] La question du délai a de nouveau été soulevée par le représentant de la membre visée lors de la conférence préparatoire à l’audience le 27 octobre 2020. J’ai réitéré verbalement et par écrit que la présente audience avait été entamée dans le délai de prescription d’un an.

[13] Néanmoins, le 4 novembre 2020, le représentant de la membre visée a présenté une requête. Le 5 décembre 2020, le représentant de l’autorité disciplinaire a présenté sa réponse à la motion.

[14] Dans ma décision du 26 février 2021, j’ai souscrit à la position du représentant de l’autorité disciplinaire selon laquelle l’interprétation de la Loi sur la GRC et des politiques connexes par le représentant de la membre visée était erronée. J’ai conclu que le délai de prescription avait été respecté. Par conséquent, la requête a été rejetée.

[15] Pour établir si le délai de prescription d’un an pour entamer une audience disciplinaire avait été respecté, j’ai appliqué le processus en trois étapes suivant :

  1. Quand le délai de prescription a-t-il commencé à courir conformément au paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC [2] ?
  2. L’audience disciplinaire a-t-elle eu lieu dans le délai prescrit?
  3. Dans la négative, l’autorité disciplinaire a-t-elle demandé une prorogation du délai conformément au paragraphe 47(4) de la Loi sur la GRC?

[16] La décision du Comité de déontologie de la GRC dans l’affaire Commandant de la Division « K » c. Gendarme Phillips, 2018 DARD 20, fournit des directives pour déterminer à quel moment le délai de prescription d’un an commence à courir. Voici ce qui est énoncé au paragraphe 180 de cette décision : [traduction] « C’est le moment où les faits sont portés à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui tient ou fait tenir l’enquête sur la contravention alléguée qui détermine quand le délai de prescription d’un an commence à courir. »

[17] Selon le dossier, l’inspecteur S. B. était l’autorité disciplinaire désignée, comme prévu au paragraphe 2(1) des CC (déontologie). Le 4 octobre 2019, il a pris connaissance de l’identité de la gendarme Nolin et des contraventions alléguées au Code de déontologie. Le 11 octobre 2019, l’inspecteur S. B. a entamé l’enquête pour manquement au Code de déontologie.

[18] Comme le délai de prescription d’un an avait commencé à courir le 4 octobre 2019, car l’inspecteur S. B. avait pris connaissance des faits à cette date, le délai d’un an pour entamer une audience dans cette affaire avait expiré le 3 octobre 2020 [3] .

[19] Pour déterminer si l’audience disciplinaire avait été entamée dans le délai prescrit, il faut se référer à l’article 43 de la Loi sur la GRC qui prévoit qu’une audience est engagée lorsque l’officier désigné est avisé. Conformément à l’avis de nomination au Comité de déontologie, cela a eu lieu le 4 juin 2020, soit la date à laquelle l’officier désigné a reçu l’avis. Par conséquent, l’audience a commencé environ sept mois après le début du délai de prescription.

[20] Puisque l’audience a été entamée dans le délai prescrit, l’autorité disciplinaire n’avait pas à demander de prorogation au titre du paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC.

Résumé des faits non contestés

[21] La gendarme Nolin est membre de la GRC affectée à la Division C.

[22] Elle était membre du programme NEXUS, qui est un programme à participation volontaire visant à accélérer le passage à la frontière canado-américaine des voyageurs préautorisés à faible risque.

[23] Au cours des 6 années précédant les allégations, la gendarme Nolin a traversé la frontière canado-américaine par voie terrestre ou aérienne environ 46 fois.

[24] Au moment de l’incident, soit le 24 septembre 2019, la gendarme Nolin revenait d’un voyage personnel de trois semaines en Floride.

[25] Elle était en possession de biens d’une valeur approximative de 2 200 $, qu’elle avait achetés pendant son voyage, mais elle a seulement déclaré des marchandises d’une valeur de 600 $.

[26] Parce qu’elle avait fait de fausses déclarations aux deux agents de l’ASFC, la gendarme Nolin a fait l’objet d’une saisie de deuxième niveau pour non-déclaration de marchandises importées. Elle a payé une amende d’environ 700 $ et sa carte NEXUS a été saisie.

[27] Le 11 octobre 2019, une enquête pour manquement au Code de déontologie a été lancée par voie de lettre de mandat relative au Code de déontologie.

[28] De plus, le Groupe des enquêtes spéciales de la GRC a lancé une enquête prévue par la loi sur la contravention commise par la gendarme Nolin à l’article 12 de la Loi sur les douanes, LRC (1985), ch. 1 (2e suppl.), à savoir le défaut de déclarer la valeur exacte des marchandises importées au Canada. Par conséquent, la gendarme Nolin a été accusée d’avoir fait une fausse déclaration en contravention de l’alinéa 153a) de la Loi sur les douanes. En juillet 2021, elle a plaidé coupable à l’infraction et a reçu une absolution inconditionnelle. Cette infraction correspond à l’allégation no 1 exposée dans l’avis d’audience disciplinaire.

[29] Le 6 décembre 2019, la gendarme Nolin a été suspendue de ses fonctions.

[30] Le 10 décembre 2019, la gendarme Nolin a présenté une déclaration après mise en garde à l’enquêteur désigné en vertu de la loi.

[31] Le 4 juin 2020, l’autorité disciplinaire a signé un avis à l’officier désigné, dans lequel elle a demandé d’entamer une audience disciplinaire dans cette affaire, conformément au paragraphe 41(1) de la Loi sur la GRC.

Crédibilité des témoins et des éléments de preuve

[32] J’ai entendu le témoignage de trois témoins : l’agente L. B. de l’ASFC, le caporal Sébastien Parent et la gendarme Nolin.

[33] Pour évaluer la crédibilité des trois témoins dans cette affaire, je devais déterminer s’ils étaient honnêtes et évaluer la fiabilité des éléments de preuve (c.-à-d. s’ils étaient en mesure de percevoir correctement ce qui s’était passé et de se rappeler ce qu’ils avaient observé). Ce faisant, je devais tenir compte de l’ensemble de la preuve pour évaluer l’incidence des incohérences qu’elle contenait et des questions au cœur du litige [4] . Cela m’a également permis de déterminer si le récit de l’événement présenté par les témoins avait un caractère vraisemblable ou s’il était véridique. Comme l’a indiqué la Cour fédérale du Canada au paragraphe 63 dans MacLeod [5] :

[…] le facteur de vraisemblance est très subjectif et exige du décideur qu’il renvoie aux éléments de preuve susceptibles de réfuter ses conclusions quant à l’invraisemblance et d’expliquer pourquoi ceux-ci n’y parviennent pas.

Témoignage de l’agente L. B.

[34] En ce qui concerne l’agente L. B., j’estime qu’elle était une témoin très éloquente et honnête. Même si ses interactions avec la gendarme Nolin étaient tendues, elle a fait preuve d’objectivité dans son compte rendu de ce qui s’était passé. Elle a été franche et cohérente et son témoignage oral à l’audience a renforcé ses déclarations au dossier. Par exemple, elle a admis qu’elle n’était pas certaine que la gendarme Nolin était membre de la GRC jusqu’à ce que l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire la contacte. Elle n’a pas tenté d’embellir ses réponses et a reconnu volontiers les fois où ses souvenirs étaient vagues. J’estime que son témoignage était crédible et digne de foi.

Témoignage du caporal Sébastien Parent

[35] J’estime que son témoignage ne soulève aucune préoccupation quant à sa crédibilité ou à sa fiabilité. Dans son témoignage, le caporal Parent a précisé qu’il était le superviseur de la gendarme Nolin au moment de l’incident. Ses réponses étaient courtes et directes et ne dépassaient pas la portée des questions posées par l’avocat.

Témoignage de la gendarme Judith Nolin

[36] En ce qui concerne la gendarme Nolin, de nombreuses incohérences importantes ont été soulevées dans son témoignage à propos des raisons pour lesquelles elle avait omis de déclarer les articles achetés pendant son voyage en Floride, ce qui a mis en doute sa crédibilité et la fiabilité de l’ensemble de son témoignage. Elle a constamment essayé de justifier le fait d’avoir déclaré des marchandises d’une valeur de 600 $ au lieu de 2 200 $. Les explications fournies tout au long du processus disciplinaire étaient invraisemblables et, dans l’ensemble, manquaient de véracité.

[37] Par exemple, à la frontière, elle a déclaré que les articles étaient des cadeaux. Dans sa déclaration à l’enquêteur désigné en vertu de la loi, elle a expliqué que, compte tenu du montant considérable des articles achetés pendant le voyage, elle avait tout simplement oublié le montant figurant sur les trois autres reçus qui ont été trouvés dans ses bagages enregistrés. Elle a aussi mentionné que les taxes auraient dû être exclues de la valeur déclarée. Dans sa réponse aux allégations, elle a expliqué qu’elle avait déclaré les marchandises en devise américaine plutôt qu’en devise canadienne. À l’audience, elle a mentionné qu’elle n’avait pas déclaré certains articles parce qu’elle les avait laissés en Floride ou qu’elle avait obtenu un remboursement (c.-à-d. l’achat chez Under Armour). Pourtant, comme établi par le représentant de l’autorité disciplinaire, cette dernière explication n’était pas étayée par la preuve.

[38] Enfin, j’estime que les réponses de la gendarme Nolin étaient parfois évasives. Par exemple, elle a eu de la difficulté à reconnaître que les commentaires qu’elle avait faits à l’agente L. B. auraient pu l’intimider. Il ressort clairement de la preuve que l’agente L. B. accomplissait son travail correctement et que les commentaires inappropriés de la gendarme Nolin ont entraîné une détérioration de leur interaction.

Critère de la conduite déshonorante

[39] L’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC indique ce qui suit : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. » Le critère de la « conduite déshonorante » a été élaboré par le Comité externe d’examen de la GRC et compte quatre étapes.

[40] Aux étapes 1 et 2, l’autorité disciplinaire doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, les actes constituant la conduite alléguée ainsi que l’identité du membre ayant commis ces actes. Pour déterminer l’acte ou les actes constituant la conduite alléguée, il faut démontrer que les faits particuliers qui sont essentiels aux allégations se sont bel et bien produits. Il n’est pas nécessaire de démontrer chaque fait, mais il faut le faire de façon suffisante pour que les faits démontrés satisfassent au critère de la conduite déshonorante.

[41] En ce qui concerne l’étape 3, le Comité de déontologie détermine si le comportement du membre pourrait vraisemblablement jeter le discrédit sur la GRC. Pour ce faire, il détermine si une personne raisonnable dans la société, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et de la GRC en particulier, serait d’avis que le comportement est déshonorant.

[42] Enfin, à l’étape 4, le Comité de déontologie détermine si la conduite est suffisamment liée aux devoirs et fonctions du membre pour que la Gendarmerie ait un motif légitime de lui imposer des mesures disciplinaires.

[43] Aucun doute n’a été soulevé à l’étape 2 quant à l’identité de la gendarme Nolin. Les trois autres étapes nécessitent une analyse plus approfondie.

Analyse des allégations

[44] Dans le processus disciplinaire, il revient à l’autorité disciplinaire de démontrer au Comité de déontologie que les allégations sont fondées selon la prépondérance des probabilités. Par la suite, il incombe au Comité de déontologie de déterminer si l’autorité disciplinaire s’est acquittée de ce fardeau.

[45] Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada dans McDougall [6] , « la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités ». Toutefois, elle a reconnu qu’« aucune norme objective ne permet de déterminer que [la preuve] l’est suffisamment ».

Allégation no 1 – Fausses déclarations faites aux agents de l’ASFC

[46] L’allégation no 1 se rapporte aux déclarations faites par la gendarme Nolin à deux agents de l’ASFC le 24 septembre 2019 lorsqu’elle est rentrée au Canada de son voyage en Floride.

[47] Dans sa réponse initiale aux allégations, la gendarme Nolin a admis les points 1, 2, 3 et 4, qui indiquent essentiellement qu’elle est membre de la GRC et du programme NEXUS. Elle a voyagé à l’étranger environ 46 fois au cours des 6 années précédant les allégations. Elle était en possession de biens évalués à plus de 800 $, qu’elle avait achetés pendant son voyage.

[48] Dans sa réponse à l’allégation nº 1, la gendarme Nolin a nié les points 5, 6, 7 et 8.

[49] Il est allégué au point 5 qu’à son arrivée à l’aéroport, la gendarme Nolin n’a pas pu utiliser le kiosque de vérification NEXUS à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau parce qu’il ne fonctionnait pas. Elle s’est donc présentée au point de contrôle principal de l’ASFC, où l’agent a rempli sa carte de déclaration douanière. La gendarme Nolin a déclaré avoir acheté des biens d’une valeur de 600 $.

[50] Dans sa réponse aux allégations formulées dans le processus disciplinaire, la gendarme Nolin a nié ce fait particulier. Elle a expliqué que l’agent de l’ASFC ne lui avait jamais demandé de déclarer les marchandises en devise canadienne. Les reçus qu’elle avait en main étaient en dollars américains. Par conséquent, elle a fait un calcul mental rapide pour estimer le montant en dollars américains, net des taxes applicables. Le montant réel des marchandises figurant sur les quatre reçus totalisait 777 $ US, ce qui est inférieur à la limite de 800 $ CA.

[51] Toutefois, à la suite de l’examen de la transcription de l’instance criminelle, la gendarme Nolin a admis avoir déclaré des biens évalués à 600 $ CA. Il n’est mentionné nulle part que sa déclaration avait été faite en devise américaine plutôt qu’en devise canadienne. Le 21 octobre 2021, les deux représentants ont convenu que, compte tenu de l’admission de la gendarme Nolin, la question en suspens relativement à ce détail particulier avait été réglée et qu’il n’était plus nécessaire que l’agent de l’ASFC témoigne à l’audience. Par conséquent, le point 5 est fondé.

[52] Le point 6 indique qu’après que l’agent de l’ASFC au point de contrôle principal a rempli la déclaration, la gendarme Nolin a fait l’objet d’un renvoi sélectif. Au deuxième point de contrôle, elle a interagi avec l’agente L. B., à laquelle elle a présenté quatre reçus totalisant 1 031,79 $ CA. Lorsque l’agente L. B. a fouillé les bagages enregistrés de la gendarme Nolin, elle a trouvé trois autres reçus totalisant 1 212,58 $ CA. Il est allégué que la gendarme Nolin a faussement déclaré que les articles figurant sur les trois reçus étaient des cadeaux qu’elle avait reçus pendant son voyage.

[53] Durant son témoignage à l’audience et dans la déclaration qu’elle a fournie à l’enquêteur désigné en vertu de la loi, la gendarme Nolin a reconnu qu’elle avait fait erreur lorsqu’elle a dit à l’agente L. B. que les chaussures achetées chez Chloe pour 529,65 $ US (702,84 $ CA) étaient un cadeau. Elle a expliqué que même si elle les avait achetées, à un moment donné au cours du voyage, son partenaire avait apporté les chaussures chez le cordonnier et il avait payé la réparation. Cela explique pourquoi elle a d’abord pensé qu’elles étaient un cadeau. Dans ses observations, le représentant de la membre visée a mentionné ce qui suit : la confusion de la gendarme Nolin peut aussi découler du fait que, le jour de l’incident, elle était un peu irritée par tous les événements qui s’étaient produits à la frontière américaine avant son départ. Parce que ses bagages dépassaient la limite de poids, elle a été obligée de les réorganiser rapidement et, lors du contrôle de sécurité à la frontalière, elle avait fait l’objet d’une deuxième inspection.

[54] Contrairement à ce qu’a soutenu le représentant de la membre visée, la preuve ne permet pas de conclure que l’état psychologique de la gendarme Nolin, au moment où s’est déroulé l’incident avec les deux agents de l’ASFC, est à l’origine de sa confusion quant à savoir si les articles étaient ou non des cadeaux. De plus, le témoignage de la gendarme Nolin sur ce point n’est pas crédible. Elle a admis avoir dépensé beaucoup d’argent en achats et que son partenaire lui achetait régulièrement des cadeaux, les chaussures étant d’une valeur de 700 $ CA. J’estime qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle se souvienne s’il s’agissait d’un cadeau ou si elle avait les achetées elle-même.

[55] Étant donné qu’elle a admis à l’audience et dans sa déclaration à l’enquêteur désigné en vertu de la loi que les trois articles n’étaient pas des cadeaux, comme elle l’avait déclaré à l’agente L. B., le point 6 de l’énoncé détaillé est fondé.

[56] Il est allégué au point 7 de l’énoncé détaillé que la gendarme Nolin a omis de déclarer des marchandises d’un montant supérieur à 800 $ et qu’elle a fait de fausses déclarations à deux agents de l’ASFC, en contravention de l’article 12 de la Loi sur les douanes. Par conséquent, elle a fait l’objet d’une saisie de deuxième niveau pour non-déclaration de marchandises importées, elle a payé une amende d’environ 700 $ et sa carte NEXUS a été saisie.

[57] Lorsqu’elle a soumis sa réponse aux allégations en avril 2021, la gendarme Nolin a nié ce point particulier. Toutefois, en juillet 2021, à la suite de l’enquête prévue par la loi, la gendarme Nolin a plaidé coupable d’avoir fait une fausse déclaration en contravention de l’alinéa 153a) de la Loi sur les douanes. Elle a reçu une absolution inconditionnelle compte tenu des circonstances atténuantes existantes, notamment les liens avec son partenaire qui réside aux États-Unis, le processus disciplinaire de la GRC et l’obligation de se présenter quotidiennement au quartier général de la Gendarmerie.

[58] En contre-interrogatoire, la gendarme Nolin a confirmé qu’elle avait plaidé coupable à l’infraction à la loi et, ce faisant, qu’elle avait admis avoir fait de fausses déclarations aux agents de l’ASFC en cause.

[59] À l’audience, j’ai également demandé au représentant de la membre visée si cette dernière admettait aussi maintenant qu’elle avait omis de déclarer des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $. Il a confirmé qu’elle reconnaissait ce fait.

[60] Compte tenu du témoignage de la gendarme Nolin et de la confirmation obtenue de son représentant, le point 7 est fondé.

[61] Dans ses observations, le représentant de la membre visée a soutenu que pour corroborer l’allégation de conduite déshonorante au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie, le représentant de l’autorité disciplinaire devait prouver que la gendarme Nolin avait délibérément cherché à tromper ou à faire une fausse déclaration. Il a fondé sa position sur la décision du Comité de déontologie de la GRC dans l’affaire Werboweski [7] et sur l’arrêt Sault Ste. Marie [8] de la Cour suprême du Canada.

[62] Dans Werboweski, les allégations relatives à l’article 8.1 du Code de déontologie sont formulées comme suit : « Les membres fournissent des comptes rendus complets, précis et opportuns liés à l’exécution de leurs responsabilités, à l’accomplissement de leurs tâches, à la réalisation d’enquêtes, aux comportements des autres employés et au fonctionnement et à l’administration de la Gendarmerie ». Il est toutefois important de souligner que dans ses conclusions, le Comité de déontologie a précisé que : [traduction] « Les allégations sont interprétées de façon stricte et s’appuient sur l’obligation que les membres ne fassent pas sciemment de déclarations fausses, trompeuses ou inexactes, que ce soit de vive voix ou par écrit [9] ». Par conséquent, en raison du libellé précis des allégations et des détails selon lesquels le membre visé a agi en toute connaissance de cause, une preuve de son intention d’induire en erreur ou de tromper constituait un élément nécessaire. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[63] Depuis Werboweski, trois autres décisions rendues par un comité de déontologie de la GRC ont visé à déterminer si l’intention constituait un élément nécessaire au titre de l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC [10] . Je ne passerai pas en revue ces décisions puisque le critère applicable à l’article 8.1 diffère du critère visant à établir la conduite déshonorante au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie. Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec le représentant de la membre visée qu’il est possible d’établir un parallèle entre l’article 8.1 du Code de déontologie et les allégations au titre de l’article 7.1 dans la présente affaire, car les deux ont trait à une déclaration fausse ou trompeuse. Je ne crois pas non plus que l’intention constitue un élément nécessaire pour établir le bien-fondé d’une allégation de conduite déshonorante.

[64] Comme l’a clairement indiqué le représentant de l’autorité disciplinaire, il n’est pas nécessaire de prouver l’intention au moment de confirmer une conduite déshonorante. Le critère de la conduite déshonorante est rempli lorsqu’une personne raisonnable estimerait que les actes de la gendarme Nolin étaient susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[65] Pour soutenir sa position, le représentant de l’autorité disciplinaire s’est appuyé sur deux décisions antérieures du Comité externe d’examen de la GRC, qui portaient sur la question de l’intention au titre du paragraphe 39(1) de l’ancien Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361 [Règlement de la GRC de 1988], qui a été remplacé par l’article 7.1 de l’actuel Code de déontologie, version annotée (2014) [11] .

[66] Comme l’a expliqué le représentant de l’autorité disciplinaire, les décisions Shauer [12] et Robar [13] traitaient de la confusion qui existait dans les années 1990 entre l’ancien régime disciplinaire et le régime modifié de 1988. Dans l’ancien régime, les instances étaient de nature quasi criminelle, car un membre pouvait être accusé d’une infraction et être condamné à une peine d’emprisonnement.

[67] Dans Shauer, le Comité externe d’examen de la GRC a précisé que, dans le régime disciplinaire modifié de 1988, les instances étaient maintenant considérées comme de nature administrative. Par conséquent, les mesures disciplinaires imposées comprenaient des rétrogradations, des confiscations de solde ou d’autres sanctions prévues par la loi, qui ne constituaient pas de « véritables conséquences pénales ». Néanmoins, les comités d’arbitrage avaient tendance à importer des concepts criminels comme actus reus (l’élément matériel) et mens rea (l’élément coupable) pour déterminer le bien-fondé des allégations. Dans son analyse du paragraphe 39(1) du Règlement de la GRC de 1988, le Comité externe d’examen a conclu ce qui suit :

[Traduction] [...] l’intention ne doit pas être considérée comme un élément nécessaire (c.-à-d. un élément exigeant dans tous les cas une preuve pour établir le bien-fondé d’une allégation) lorsque les allégations sont présentées au titre du paragraphe 39(1) du Règlement de la GRC de 1988, sauf dans les rares cas où, comme je l’expliquerai plus loin, l’intention est expressément mentionnée dans l’énoncé détaillé et est considérée comme un élément essentiel de l’allégation [14] [...]

[...] l’intention ne devrait pas être un élément nécessaire en vertu du paragraphe 39(1) du Règlement de la GRC de 1988 [parce que] cela permettrait d’éviter en grande partie la confusion qui entoure maintenant la nature des allégations pesant sur le membre. Le [membre] n’est pas accusé de vol à l’étalage ni de vol dans cette affaire, mais il est allégué qu’il s’est conduit de façon « déshonorante ou désordonnée qui jette le discrédit sur la Gendarmerie [15] ».

[68] Dans la décision Robar, le commissaire de la GRC a pleinement approuvé l’analyse du Comité externe d’examen selon laquelle l’intention n’est pas un élément nécessaire au titre du paragraphe 39(1) du Règlement de la GRC de 1988. Il convient de répéter que le paragraphe 39(1) reflète l’actuel article 7.1 du Code de déontologie.

[69] Dans ses observations, le représentant de la membre visée s’est également appuyé sur la décision Sault Ste. Marie pour faire valoir que, lorsque l’intention n’est pas requise pour établir le bien-fondé de l’allégation ou que le membre n’est pas autorisé à présenter une défense pour défaut d’intention, la loi doit préciser expressément que le recours à une telle défense est interdit. Puisque l’article 7.1 du Code de déontologie ne traite pas de cette question, la gendarme Nolin peut présenter une défense pour démontrer qu’elle n’avait pas l’intention de tromper ou de faire de fausses déclarations, et l’autorité disciplinaire doit prouver cette intention. Je ne suis pas d’accord.

[70] Comme l’a soutenu le représentant de l’autorité disciplinaire, le Comité externe d’examen de la GRC dans Shauer a établi une distinction entre la décision Sault Ste. Marie et le processus disciplinaire. Dans l’analyse visant à déterminer si le paragraphe 39(1) pouvait être qualifié de disposition de responsabilité absolue ou stricte, il est avancé ce qui suit :

[Traduction] [...] de façon plus importante, il semble particulièrement difficile d’appliquer les notions de responsabilité absolue et de responsabilité stricte dans le contexte du paragraphe 39(1) du Règlement de la GRC de 1988. Outre le fait que cette disposition ne crée pas d’« infraction », il y a quatre questions à trancher au titre de ce paragraphe qui ne sont pas compatibles avec le cadre d’une disposition de responsabilité absolue ou stricte. Par exemple, dans le contexte d’une responsabilité stricte, il est difficile d’imaginer à quel moment le fardeau reviendrait au membre d’invoquer la défense de la diligence raisonnable. Est-ce une fois que la GRC a prouvé la conduite alléguée, l’identité du membre, la nature déshonorante de la conduite ou le fait que la conduite jette le discrédit sur la Gendarmerie ou encore est-ce après avoir prouvé tous ces éléments? Nous avons en outre constaté que l’intention peut avoir une certaine pertinence pour la détermination de la nature déshonorante de la conduite et du discrédit jeté sur la Gendarmerie. Toutefois, si le paragraphe 39(1) du Règlement de la GRC de 1988 était considéré comme établissant une responsabilité absolue ou stricte, alors l’intention ne serait nullement pertinente.

Par conséquent, je ne veux pas laisser entendre que le paragraphe 39(1) du Règlement de la GRC de 1988 devrait être considéré comme créant soit une infraction de responsabilité absolue ou une infraction de responsabilité stricte. L’approche proposée en l’espèce ne concerne pas l’une ou l’autre de ces deux catégories d’« infractions » et donc n’appartient à aucune des catégories énoncées dans Sault Ste. Marie. Il s’agit plutôt d’une approche souple, adaptée au libellé et à l’objet précis de cette disposition, en tenant compte des questions à trancher. Bien que la classification établie dans Sault Ste. Marie puisse être exhaustive dans le contexte du droit pénal (en ce qui concerne les infractions criminelles, quasi criminelles et réglementaires), je ne crois pas qu’elle doive être interprétée comme excluant de telles approches souples dans un contexte totalement différent, comme le droit disciplinaire.

[71] Pour établir les étapes 3 et 4 du critère de la conduite déshonorante au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie, je dois déterminer si la conduite déshonorante de la gendarme Nolin était susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie et si elle était suffisamment liée à sa situation d’emploi pour justifier une mesure disciplinaire.

[72] Je conclus qu’une personne raisonnable serait consternée par son inconduite si elle savait que la gendarme Nolin, en tant qu’agente de police, a omis de déclarer des marchandises se chiffrant à 1 600 $ achetées pendant son voyage (soit celles d’un montant de 2 220 $, moins le montant de 600 $ déclaré) et qu’elle a également fait de fausses déclarations à deux agents de l’ASFC lorsqu’elle passait les douanes. Je suis convaincue que ces actes auraient porté atteinte à la confiance du public et à la réputation de la GRC.

[73] Quant à la relation d’emploi, la gendarme Nolin a non seulement une responsabilité en tant que membre de la GRC au titre du paragraphe 2(1) de la Loi sur les douanes, mais elle est également liée par toutes les responsabilités énoncées à l’article 37 de la Loi sur la GRC, qui stipule qu’elle doit maintenir l’intégrité du droit, l’application de la loi ainsi que de l’administration de la justice.

[74] Elle doit s’acquitter de ces responsabilités, qu’elle soit en service ou non. En faisant une fausse déclaration, elle a contrevenu à une loi fédérale. Ses gestes sont suffisamment liés à ses devoirs et fonctions pour que la Gendarmerie ait un motif légitime de prendre des mesures disciplinaires à son endroit.

[75] À la lumière de ce qui précède, je conclus que l’autorité disciplinaire a établi selon la prépondérance des probabilités que les actes constituent la conduite reprochée décrite dans l’allégation no 1.

Allégation no 2 – Commentaires et comportement inappropriés

[76] L’allégation no 2 compte 11 points particuliers. Les points 1 à 6 ont été admis par la gendarme Nolin ou ont été établis dans l’allégation no 1. Donc, je n’ajouterai rien à leur sujet.

[77] Il est allégué au point 7 que lorsqu’elle s’est présentée au deuxième examen, la gendarme Nolin a immédiatement dit à l’agente L. B. qu’elle travaillait au gouvernement dans le domaine de la sécurité nationale et qu’elle savait pourquoi elle était là. Bien que l’agente L. B. ait informé la gendarme Nolin que sa profession n’était pas pertinente, cette dernière a continué à en parler au cours de l’examen.

[78] La gendarme Nolin soutient que c’est l’agente L. B. qui lui a demandé de préciser sa profession. En réponse, elle a expliqué qu’elle travaillait au gouvernement dans le domaine de la sécurité nationale. Elle soutient n’avoir jamais mentionné qu’elle travaillait à la GRC.

[79] Selon la preuve au dossier, l’agente L. B. ne savait pas précisément que la gendarme Nolin était membre de la GRC avant d’en avoir été informée par l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire. D’après les témoignages entendus à l’audience, il est difficile de déterminer si c’est la gendarme Nolin qui a affirmé être membre de la GRC ou si c’est ce qu’a déduit l’agente L. B. à partir des propos tenus par la gendarme. Comme l’a mentionné le représentant de l’autorité disciplinaire, la gendarme Nolin [traduction] « a fait allusion à la sécurité nationale et au fait qu’elle arrêtait des gens dans le cadre de ses fonctions, disant que l’ASFC n’aimait pas la GRC; ces propos ont eu pour effet de révéler indirectement son statut ».

[80] Dans sa déclaration à l’enquêteur désigné en vertu de la loi, la gendarme Nolin a admis que lorsqu’elle traversait la frontière terrestre entre la Colombie-Britannique et l’État de Washington, les agents de l’ASFC lui demandaient dans quel organisme elle travaillait. Lorsqu’elle répondait qu’elle travaillait à la GRC, elle passait les douanes sans autre question. Elle a admis à l’enquêteur désigné en vertu de la loi qu’elle avait mentionné travailler au gouvernement dans le domaine de la sécurité nationale pour calmer la situation, car elle estimait que l’agente L. B. était agressive, arrogante et [traduction] « très énervée [16] ».

[81] Comme je l’ai mentionné précédemment, l’agente L. B. a donné un témoignage équilibré et je préfère son témoignage à celui de la gendarme Nolin sur ce point. Par conséquent, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la gendarme Nolin ait immédiatement dit à l’agente L. B. qu’elle travaillait dans le domaine de la sécurité nationale lorsqu’elle s’est présentée pour le deuxième examen et qu’elle a continué à soulever ce point pendant l’examen. Par conséquent, le point 7 de l’allégation est fondé.

[82] Il est allégué au point 8 que la gendarme Nolin a dit à l’agente L. B. qu’« ils » (c.-à-d. l’ASFC) n’aimaient pas la GRC, raison pour laquelle elle était constamment prise pour cible et harcelée et qu’il s’agissait de la discrimination envers les Blanches. Par conséquent, l’agente L. B. a fait une recherche dans l’« historique des passages frontaliers » de la gendarme Nolin et a confirmé qu’il s’agissait de son premier renvoi pour deuxième examen. La gendarme Nolin a reconnu ce point particulier dans sa réponse aux allégations. Par conséquent, je ne m’étendrai pas davantage sur ce sujet.

[83] Il est allégué au point 9 que la gendarme Nolin a fait plusieurs commentaires inappropriés à l’agente L. B., certains qu’elle a admis et d’autres qu’elle a niés. La gendarme Nolin a admis avoir fait les commentaires suivants :

  1. « Certains groupes sont tout simplement plus susceptibles de commettre des crimes. »
  2. « C’est un fait connu que l’ASFC n’aime pas la GRC. »
  3. « J’arrête des gens dans le cadre de mes fonctions, alors [il est] possible que j’aie des traces de drogue sur moi. »
  4. « Pourquoi n’exercez-vous pas votre pouvoir discrétionnaire? »

[84] Dans sa réponse à cette allégation, la gendarme Nolin a nié avoir affirmé ce qui suit :

  1. « Ne pensent-ils pas qu’ils devraient consacrer plus de temps aux personnes qui sont plus portées à faire exploser des avions. »
  2. « Pourquoi leur a-t-il fallu autant de temps pour remplir les formalités administratives, alors qu’il leur faut 10 minutes pour arrêter un terroriste? »
  3. « C’est comme ça que ce pays me remercie après tout ce que j’ai fait. »
  4. « C’est une vraie farce. »

[85] Lors de son témoignage à l’audience, la gendarme Nolin a admis que son langage était impoli lorsqu’elle parlait à l’agente L. B. et qu’il était inapproprié dans les circonstances. En outre, en contre-interrogatoire, la gendarme Nolin a admis avoir dit que l’incident était une « vraie farce » en quittant le secteur des douanes.

[86] Comme je l’ai déjà mentionné à propos de l’allégation no 1, je ne peux accepter l’argument du représentant de la membre visée selon lequel cette dernière s’est comportée de cette façon avec l’agente L. B. en raison de son état psychologique au moment de l’incident. Encore une fois, il n’y a aucune preuve au dossier qui démontre un lien de causalité entre l’incident et son comportement. En fait, le dossier montre que la gendarme Nolin s’exprimait ainsi la plupart du temps. Une collègue de travail l’a décrite comme une personne qui : « [TRADUCTION] dit à voix haute ce qu’elle pense, même si parfois ce n’est pas correct; elle s’emporte facilement [17] ».

[87] En examinant sa déclaration après mise en garde présentée à l’enquêteur désigné en vertu de la loi, qui est aussi membre de la GRC, j’ai remarqué que la gendarme Nolin avait utilisé le mot « fuck » à au moins 47 reprises. Elle a aussi mentionné que les femmes en uniforme ont mauvais caractère. Je peux comprendre que la gendarme Nolin a peut-être essayé de minimiser la situation lorsqu’elle parlait à l’un de ses pairs, mais, en fin de compte, ses commentaires et son langage étaient entièrement inacceptables, manquaient de professionnalisme et nuisaient à sa crédibilité. De plus, j’estime qu’elle a totalement manqué de respect à l’égard des femmes du domaine de l’application de la loi qui, comme elle, portent un uniforme. Par conséquent, le point 9 est fondé.

[88] Il est allégué au point 10 que les commentaires généraux et le comportement de la gendarme Nolin étaient inappropriés et qu’ils ont donné à penser à l’agente L. B. que la gendarme Nolin essayait de l’intimider. Par exemple, lorsque la gendarme Nolin a dit à l’agente L. B. que l’ASFC devrait consacrer plus de temps aux personnes susceptibles de faire exploser des avions et que certains groupes étaient tout simplement plus enclins à commettre des crimes, ces commentaires l’ont offusquée. Dans son témoignage à l’audience, l’agente L. B. a expliqué [traduction] qu’« elle est une Arabe musulmane qui vit à l’époque postérieure au 11 septembre. [...] Je savais à ce moment-là que notre échange avait pris un ton un peu plus personnel et que [cette] attaque n’avait certainement pas été faite au hasard [18] ». Par conséquent, le point 10 est également fondé.

[89] En vertu de l’article 37 de la Loi sur la GRC, la gendarme Nolin a le devoir de se conduire en tout temps d’une façon courtoise, respectueuse et honorable. Cette disposition s’applique qu’elle soit en service ou non. Par conséquent, je conclus qu’une personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, serait d’avis que les commentaires et le comportement de la gendarme Nolin pourraient jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Le lien à l’emploi a été établi et l’allégation no 2 est fondée.

Allégation no 3 – Renseignements trompeurs fournis au superviseur

[90] Selon l’allégation no 3, la gendarme Nolin aurait fourni des renseignements trompeurs à son superviseur, le caporal Sébastien Parent, au sujet de l’incident survenu à la frontière canadienne le 24 septembre 2019.

[91] L’allégation contient six points particuliers. La gendarme Nolin a admis les points 1 et 3, à savoir qu’elle est membre de la GRC et qu’elle a informé le caporal Parent de l’incident le lendemain, à son retour au travail.

[92] Mon analyse du point 2 est essentiellement la même que celle du point 7 de l’allégation no 1. Il est allégué que la gendarme Nolin a omis de déclarer des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ et qu’elle a fait une fausse déclaration à deux agents de l’ASFC. Puisque ce point a été confirmé, je ne poursuivrai pas l’analyse.

[93] Selon les points 4 et 5, la gendarme Nolin aurait dit au caporal Parent qu’elle avait omis de déclarer des articles totalisant environ 600 $ qu’elle avait achetés lors de son voyage et que sa carte NEXUS avait été saisie. Par conséquent, elle a fourni des renseignements trompeurs à son superviseur au sujet du deuxième examen effectué par l’agente L. B. et des détails de sa contravention à l’article 12 de la Loi sur les douanes.

[94] Comme expliqué dans l’allégation no 1, il n’est pas nécessaire que l’autorité disciplinaire établisse selon la prépondérance des probabilités que la gendarme Nolin a délibérément fait une fausse déclaration à son superviseur. Par conséquent, il faut rejeter l’argument du représentant de la membre visée sur cette question.

[95] Bien que je reconnaisse que la gendarme Nolin a informé le caporal Parent de l’incident dès son retour au travail, elle a admis en contre-interrogatoire qu’elle ne lui avait pas donné d’explication complète de la gravité générale de l’incident. En fait, mon examen de la preuve confirme que la déclaration du caporal Parent présentait des similitudes avec celle fournie par Mme A. B., une collègue de la gendarme Nolin. Tous deux savaient que sa carte NEXUS avait été saisie et que cela la contrariait. Bien qu’ils n’aient pu confirmer la valeur non déclarée des marchandises importées par la gendarme Nolin, ils savaient qu’il s’agissait de chaussures, d’oreillettes Airpod et d’un bracelet, qu’elle avait portés pendant son voyage. Tous deux croyaient qu’elle avait simplement oublié de déclarer ces marchandises.

[96] Cela expliquerait pourquoi le caporal Parent n’a pu confirmer à l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire le montant des biens déclarés par la gendarme Nolin ni comprendre pourquoi elle avait dû payer une amende. De plus, comme l’a déclaré la gendarme Nolin, le caporal Parent ne s’inquiétait pas trop de la situation, car il lui avait dit : [traduction] « Ce n’est pas grave. Ne t’inquiète pas [19] . »

[97] Il ressort clairement du dossier que le caporal Parent aurait pu percevoir l’incident différemment s’il avait été au courant de tous les détails. Par exemple, dans sa déclaration à l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire, le caporal Parent a affirmé catégoriquement que la gendarme Nolin avait tout simplement oublié de déclarer les articles qu’elle avait utilisés pendant son voyage et qu’elle n’avait nullement l’intention d’éviter de payer les taxes. Toutefois, lorsque l’enquêteur lui a demandé s’il serait du même avis si quelqu’un avait acheté des biens totalisant 1 600 $, mais qu’il avait seulement déclaré 600 $, le caporal Parent a répondu : [traduction] « Bien, ce n’est pas du tout la même chose ». Quand on lui a demandé si la gendarme Nolin l’avait informé d’une telle situation, il a répondu par la négative [20] .

[98] Pour ces motifs, je conclus que les points 4 et 5 sont fondés. Je conclus également qu’une personne raisonnable estimerait que le manque de transparence dont a fait preuve la gendarme Nolin envers son superviseur jetterait probablement le discrédit sur la Gendarmerie. Enfin, son comportement est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions en tant que membre de la GRC pour justifier des mesures disciplinaires.

[99] Pour ces motifs, j’estime que l’allégation no 3 est fondée.

MESURES DISCIPLINAIRES

[100] Selon le paragraphe 24(2) des CC (déontologie), « le Comité de déontologie impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au Code de déontologie ».

[101] Le Comité externe d’examen de la GRC a établi un processus en trois étapes pour l’imposition de mesures disciplinaires. Tout d’abord, le Comité de déontologie considère l’éventail de mesures disciplinaires appropriées applicables à l’inconduite en cause. Ensuite, il tient compte des facteurs aggravants et atténuants. Enfin, il impose des mesures disciplinaires qui correspondent de façon précise et équitable à la gravité de l’inconduite en cause, en gardant à l’esprit le principe de la parité.

Éventail de mesures disciplinaires

[102] Quant à l’éventail de mesures disciplinaires appropriées applicables, l’autorité disciplinaire m’a demandé d’ordonner à la gendarme Nolin de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours suivant ma décision. Si je détermine que le congédiement n’est pas la mesure appropriée dans les circonstances, le représentant de l’autorité disciplinaire m’a recommandé d’imposer une lourde sanction pécuniaire, compte tenu de la gravité des allégations.

[103] Le représentant de la membre visée reconnaît que des mesures disciplinaires sévères sont nécessaires dans cette affaire et suggère que j’impose ce qui suit :

  1. une confiscation de 15 jours de solde pour chaque allégation fondée. Puisque les trois allégations étaient fondées, la confiscation s’élève à 45 jours à déduire de la solde de la gendarme Nolin;
  2. une réprimande;
  3. l’obligation que la gendarme Nolin présente des excuses par écrit à l’agente L. B. ainsi qu’au caporal Sébastien Parent.

[104] Comme l’a proposé le représentant de l’autorité disciplinaire, les allégations fondées ne relèvent pas d’une catégorie précise énoncée dans le Guide national des mesures disciplinaires de 2014. Cela dit, le Guide renferme des directives relatives à l’imposition de mesures disciplinaires sans cependant que celles-ci soient contraignantes ou déterminantes.

[105] À l’appui de leur position sur les mesures disciplinaires, les parties ont invoqué la jurisprudence ainsi que les décisions de comités de déontologie de la GRC. Dans la décision Nesbeth et Service de police de Windsor [21] rendue par la Commission civile de l’Ontario sur la police, l’agente de police a été congédiée après avoir fourni une fausse déclaration au poste frontalier terrestre à la suite d’un voyage de magasinage avec sa mère à Détroit, au Michigan. Elle a menti au sujet de l’achat d’alcool, qui a ensuite été découvert dans le coffre de son véhicule. Elle a dit aux agents frontaliers qu’elle était policière et, lorsqu’elle a quitté la zone d’inspection frontalière, elle a déclaré [traduction] « on récolte ce que l’on sème ». À son retour au bureau, elle a demandé à ses collègues de se pencher sur les infractions commises par les agents de l’ASFC. L’agent d’audience a décrit ce geste comme un [traduction] « souhait apparent de se venger ».

[106] En appel, la Commission a déterminé que la preuve ne permettait pas de conclure que la policière avait éprouvé des remords ou accepté sa responsabilité, ce qui limitait considérablement la portée de la preuve quant à son bon dossier d’emploi et à son caractère. Le facteur aggravant le plus important qui a fait pencher la balance du côté du congédiement est le commentaire qu’elle a fait aux agents de l’ASFC dans l’exercice de leurs fonctions et la preuve qu’elle a pris des mesures pour recueillir des renseignements sur les infractions qu’ils auraient commises pour réaliser son souhait de vengeance.

[107] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que même si certains facteurs aggravants n’étaient pas présents en l’espèce, l’affaire Nesbeth est pertinente parce qu’elle met en cause une agente de police qui a fait une fausse déclaration à la frontière canadienne. Bien que la gendarme Nolin n’ait pas montré son insigne ni déclaré expressément qu’elle était membre de la GRC, elle a fourni suffisamment d’indices en ce sens. Non seulement l’agente a-t-elle refusé d’accepter la responsabilité de son inconduite et d’en reconnaître la gravité, mais elle a aussi eu l’occasion de remédier à ses actes, ce qu’elle n’a pas fait en temps opportun.

[108] La deuxième affaire invoquée par le représentant de l’autorité disciplinaire concerne une décision d’arbitrage de la GRC dans Robichaud [22] , où le membre a intentionnellement présenté un document contrefait et a fait une fausse déclaration à un agent de l’ASFC afin d’éviter de payer les droits de douane exigés. Il a présenté un reçu d’un montant de 25 000 $ au lieu de 33 000 $, ce qu’il avait payé pour un bateau.

[109] Comme il a été indiqué, cette décision a trait à l’ancien système disciplinaire et figure dans une observation conjointe des parties. Le membre s’est vu imposer une confiscation de 10 jours de solde, ce qui équivaut à 30 ou 45 jours imposés dans le processus disciplinaire actuel. Cette décision a été invoquée par le représentant de l’autorité disciplinaire pour démontrer que, dans cette affaire, le membre avait admis l’allégation et pris des mesures pour accélérer l’issue de l’affaire. Il s’est excusé et a exprimé des remords sincères pour ses actes, tandis que la gendarme Nolin s’est seulement excusée après que le Comité de déontologie a établi le bien-fondé des allégations. Cela aurait pu avoir lieu beaucoup plus tôt dans le processus et aurait indiqué son potentiel de réadaptation.

[110] Concernant ces deux affaires, le représentant de la membre visée a soutenu que le pire facteur aggravant dans Nesbeth, qui a mené au congédiement de la policière, était son souhait de vengeance. Cette inconduite reprochée n’est pas en cause dans le cas de la gendarme Nolin.

[111] Quant à Robichaud, le membre n’a pas été congédié, bien qu’il ait fourni à l’agence partenaire un faux reçu avec un écart de 8 000 $ US. Le représentant de la membre visée a déclaré que l’inconduite de cette dernière est beaucoup moins grave que celle dans Robichaud puisqu’elle n’a pas falsifié de document, ce qui constitue une infraction criminelle. Il a donc indiqué que le congédiement n’était pas inapproprié dans les circonstances.

[112] Enfin, le représentant de la membre visée s’est appuyé sur une décision du Comité de déontologie de la GRC dans l’affaire Xanthopoulos [23] . Il a fait valoir que même si les allégations ne sont pas les mêmes, les affaires comportant des mensonges, de la tromperie et de la malhonnêteté font souvent l’objet de sanctions à l’extrémité supérieure de l’échelle, jusqu’au congédiement. Parmi les éléments qui peuvent être distingués, mentionnons le fait que le gendarme Xanthopoulos comptait 5 années de service comparativement à 15 ans dans le cas de la gendarme Nolin. Dans Xanthopoulos, l’acte de tromperie a été commis contre un membre du public sur une période de six mois. Quant à la gendarme Nolin, il s’agit d’un incident isolé. Enfin, le Comité de déontologie dans Xanthopoulos n’était pas convaincu que le membre ait appris quoi que ce soit de ses erreurs et le membre n’a pas fourni d’assurance qu’il ne répéterait pas ce type d’inconduite à l’avenir. Cela contraste nettement avec le cas de la gendarme Nolin, qui a montré qu’elle a appris de ses erreurs et a reconnu que son comportement était inacceptable et non professionnel. De plus, elle fait maintenant preuve d’extrême diligence lorsqu’elle franchit la frontière et déclare toute marchandise qu’elle rapporte au pays.

[113] Même si je ne suis pas liée par ces décisions, elles sont tout de même très utiles pour établir l’éventail de mesures disciplinaires applicables aux inconduites qui sont de nature similaire, tout en assurant la cohérence et l’équité dans les affaires disciplinaires.

[114] Je suis convaincue que le congédiement s’inscrit dans l’éventail de mesures possibles pour les contraventions au Code de déontologie de la GRC commises par la gendarme Nolin. Quoi qu’il en soit, afin de déterminer si un congédiement est une mesure proportionnée à imposer, je dois maintenant me pencher sur les facteurs aggravants et atténuants.

Facteurs aggravants

[115] Je considère comme aggravant le fait que :

  1. L’incident a mis en cause deux agents de l’ASFC, un organisme partenaire travaillant en étroite collaboration avec la GRC. Non seulement les deux agents de l’ASFC ont fourni des déclarations dans le processus disciplinaire, mais l’agente L. B. a témoigné à l’audience disciplinaire contre la gendarme Nolin.
  2. L’agente L. B. a été affectée négativement par son interaction avec la gendarme Nolin. Elle qualifie l’incident de remarquable au cours de sa carrière de huit ans. L’incident était suffisamment important pour qu’à sa suite, elle demande conseil à son superviseur pour déterminer si le comportement et les commentaires de la gendarme Nolin devraient être signalés à son employeur.
  3. La gendarme Nolin a contrevenu à la Loi sur les douanes, qui est une loi fédérale.
  4. L’inconduite comporte un manque d’honnêteté, d’intégrité et de professionnalisme de la part de la gendarme Nolin, ce qui constitue des manquements sérieux à ses obligations en tant qu’agente de police et aux valeurs fondamentales de la GRC.
  5. Selon les implications de la décision McNeil [24] , la gendarme Nolin sera désormais tenue par la loi de divulguer son inconduite à l’avocat de la Couronne dans toutes les affaires où elle sera appelée à témoigner. Cela pourrait nuire à sa capacité de témoigner dans des instances criminelles ou d’être affectée à un autre poste à la suite d’une mutation, d’un déploiement et d’une promotion, ce qui créerait un fardeau administratif important, mais non intenable, pour la GRC.

[116] Bien que la gendarme Nolin ait attendu après la confirmation des allégations pour admettre son inconduite et s’excuser pleinement, je n’estime pas qu’il s’agisse d’un facteur aggravant pour les raisons suivantes. En mai 2021, la gendarme Nolin a présenté, dans le cadre de l’instance criminelle, une lettre d’excuses où elle a admis ne pas avoir déclaré plusieurs articles achetés lors de son voyage en Floride. Elle a affirmé l’avoir fait de manière entièrement involontaire. En fin de compte, l’incident a été très pénible pour elle tant sur le plan mental que physique et elle s’efforce de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’il se reproduise. Cette lettre a mené au dépôt d’observations conjointes dans lesquelles la gendarme Nolin a plaidé coupable d’avoir fait de fausses déclarations à des agents de l’ASFC en contravention de l’article 12 de la Loi sur les douanes. Par conséquent, la gendarme Nolin a reçu une absolution inconditionnelle.

[117] Comme l’a indiqué le représentant de l’autorité disciplinaire, il est regrettable que cette lettre ait été admise en preuve par la gendarme Nolin seulement après que les trois allégations ont été jugées fondées. Si elle avait admis l’inconduite à la première occasion, cela aurait pu à tout le moins écourter la présente instance disciplinaire.

[118] En réponse, le représentant de la membre visée a expliqué qu’il croyait comprendre que pour que le Comité de déontologie puisse confirmer les allégations d’inconduite en contravention de l’article 7.1 de la Loi sur la GRC, l’autorité disciplinaire devait prouver que la gendarme Nolin avait l’intention de tromper et de fournir une fausse déclaration. Faute d’intention de sa part, la gendarme Nolin [traduction] « a adopté une approche, à la suite de diverses consultations avec ses anciens avocats, qui a mené à la décision de contester les allégations [25] ».

[119] Comme il est clairement indiqué à la section 1.3.1 du Guide des mesures disciplinaires (version 2, juin 2020), la réforme du processus disciplinaire en 2014 reposait sur le principe selon lequel [traduction] « la conduite des instances, y compris les audiences devant le Comité de déontologie, doit être opportune, sans toutefois être indûment formaliste, légaliste ou accusatoire ». De plus, comme il est indiqué à la section 2.4.1 : [traduction] « Le Comité de déontologie tranchera les questions de la manière la plus informelle et la plus rapide possible, compte tenu des circonstances et de l’équité ». Ces principes sont clairement énoncés au paragraphe 46(2) de la Loi sur la GRC et à l’article 13 des CC (déontologie).

[120] En bref, il incombe aux deux parties d’évaluer constamment la preuve en vue de restreindre les questions en suspens, d’informer rapidement le Comité de déontologie et d’éviter d’utiliser des pratiques et des procédures légalistes semblables à celles d’une instance judiciaire formelle, de sorte à prolonger inutilement les instances disciplinaires.

[121] Je conviens avec le représentant de l’autorité disciplinaire que l’obtention d’une copie de la lettre d’excuses de la gendarme Nolin plus tôt dans le processus aurait été dans l’intérêt des deux parties. Néanmoins, je conclus que le représentant de la membre visée a fourni une explication plausible quant à la raison pour laquelle celle-ci a pleinement contesté les allégations à l’audience. Dans ces circonstances particulières, je ne considère pas qu’il s’agisse d’un facteur aggravant.

Facteurs atténuants

[122] Je considère comme atténuants les faits suivants :

  1. À l’audience, la gendarme Nolin a présenté des excuses et a montré qu’elle comprenait la gravité de ses actes. Elle a également présenté des excuses à l’agente L. B. et à son superviseur pour son comportement inapproprié, qui n’était pas son « plus beau moment », ainsi que pour le fardeau inutile imposé à la Gendarmerie.
  2. La gendarme Nolin compte 15 ans de service productif au sein de la GRC. Ses évaluations du rendement sont très favorables et la décrivent comme une membre dévouée, qui est toujours prête à aider sur demande et à conseiller les autres. Elle manifeste une attitude positive au travail, elle est enthousiaste et motivée.
  3. De plus, elle n’a aucun antécédent disciplinaire ou casier judiciaire.
  4. Les lettres de références morales fournies par des collègues et des supérieurs confirment que la gendarme Nolin dispose de leur appui continu. Elle est une employée dévouée qui a maintenu une attitude positive et une capacité à travailler avec diligence même lorsqu’elle a subi des blessures dans un accident de la route alors qu’elle était en service. Ses répondants ont aussi affirmé qu’ils n’hésiteraient pas à travailler à nouveau avec elle et qu’ils saisiraient volontiers cette occasion.
    1. Comme l’a cependant signalé le représentant de l’autorité disciplinaire, les lettres ne précisaient pas si leur auteur était au courant des allégations exactes pesant contre la gendarme Nolin. À l’audience, cette dernière et son représentant ont tous deux confirmé que tous ceux qui avaient rédigé une lettre avaient été informés du processus disciplinaire en cours contre elle. Par conséquent, j’estime qu’il s’agit d’un facteur atténuant.

[123] La gendarme Nolin a présenté des documents montrant qu’elle suit régulièrement des traitements médicaux pour des douleurs liées à son accident de travail. Les traitements et la médication peuvent nuire à sa concentration et augmenter son irritabilité. Comme aucune preuve n’a été produite à l’audience qui démontre un lien de causalité entre le traitement que reçoit la gendarme Nolin et l’incident dans cette affaire, je ne peux considérer qu’il s’agisse d’un facteur atténuant. Bien que j’aie admis la preuve médicale au dossier à l’étape de l’examen des allégations dans le cadre de l’audience, je lui ai accordé peu de poids.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[124] Au titre de l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, les mesures disciplinaires doivent être adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du Code de déontologie et, s’il y a lieu, être éducatives et correctives plutôt que punitives.

[125] Il est généralement compris que les membres de la GRC sont assujettis à des normes plus rigoureuses que le grand public en matière de comportement, tant en service qu’en dehors des heures de service. Bien que cette obligation n’exige pas la perfection, je suis d’avis que les agents de police sont censés connaître la loi et, en cas de doute, ils doivent prendre toutes les mesures raisonnables pour s’assurer de s’y conformer.

[126] En examinant la capacité de la gendarme Nolin à s’adapter et à se réhabiliter, je reconnais que ses fausses déclarations ont miné les efforts d’un autre organisme d’application de la loi dans l’exercice de son mandat. Toutefois, l’agente L. B. a confirmé que la gendarme Nolin n’avait jeté aucun reçu se rapportant aux marchandises non déclarées. Les reçus n’étaient pas cachés non plus dans ses bagages, mais placés sur les articles en question. L’agente L. B. a également admis que son interaction avec la gendarme Nolin n’avait pas été tout à fait désagréable.

[127] Quant à son manque de transparence au moment d’informer son superviseur de l’incident, il n’y a rien au dossier qui démontre l’existence de contraventions similaires à quelque moment que ce soit dans sa carrière. Il s’agit d’une question personnelle et non opérationnelle. Comme je l’ai indiqué dans ma décision sur les allégations, la gendarme Nolin a informé son superviseur de l’incident dès son retour au travail le lendemain, soit à 7 h, donc environ 12 heures après l’incident. Ses évaluations de rendement et les lettres de références morales donnent un aperçu de son caractère, ce qui me permet de conclure que je n’ai aucune raison de soupçonner qu’elle se comportera de nouveau de la même façon.

[128] Dans sa lettre d’excuses de mai 2021, qu’elle a déposée à l’instance criminelle, la gendarme Nolin [traduction] « s’est efforcée de prendre toutes les mesures possibles pour s’assurer qu’un tel incident ne se reproduise jamais ». À l’audience disciplinaire, elle a témoigné que depuis l’incident, elle se rend toujours en Floride pour visiter son partenaire, mais qu’elle fait maintenant preuve d’extrême diligence, car elle conserve le moindre reçu des articles achetés, même de petits articles de toilette.

[129] Même si la gendarme Nolin a d’abord adopté une attitude cavalière concernant le défaut de déclarer, à son retour au Canada, la valeur exacte des biens achetés pendant son voyage, je suis convaincue qu’elle comprend maintenant pleinement la gravité de ses actes. Elle n’est pas seulement une citoyenne ordinaire, mais bien une agente de police qui doit se conformer à la loi, qu’elle a également le devoir de faire appliquer. Cela comprend le contrôle de sécurité à la frontière puisque « la bonne application de la Loi sur les douanes dépend des déclarations volontaires [26] ».

[130] Finalement, la gendarme Nolin a à son actif 15 ans d’excellent rendement. Ses gestes démontrent une erreur de jugement grave unique plutôt qu’un comportement révélant un défaut de caractère irrémédiable. Je suis convaincue qu’elle a tiré des leçons positives de cette situation difficile, qui continuera d’avoir un effet négatif durable sur sa vie personnelle et professionnelle.

[131] L’évaluation des facteurs atténuants qui sont favorables à la gendarme Nolin, par rapport aux facteurs aggravants liés aux allégations confirmées, représente un exercice de conciliation délicat. Après avoir examiné le dossier dont je dispose, la nature et la gravité de l’inconduite et les décisions citées, ainsi que les facteurs atténuants et aggravants, j’estime qu’un congédiement n’est pas justifié dans le cas présent. Les facteurs atténuants démontrent une probabilité minime de récidive, et je suis convaincue que la gendarme Nolin détient le potentiel de se réadapter et de se réhabiliter.

[132] Vu les circonstances particulières de l’affaire, j’estime que des mesures disciplinaires sérieuses, autres qu’un congédiement, sont nécessaires non seulement pour dissuader la gendarme Nolin de récidiver, mais aussi pour servir d’avertissement aux autres membres afin d’assurer que ce comportement inapproprié ne soit pas répété.

CONCLUSION

[133] Compte tenu de la nature des trois allégations confirmées, conformément au paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, j’impose les mesures disciplinaires générales qui suivent :

  1. une sanction financière équivalant à 45 jours de travail, à déduire de la solde de la gendarme Nolin;
  2. l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans à compter de la date de sa réintégration;
  3. l’obligation de travailler sous étroite surveillance pendant une période d’un an à compter de la date de sa réintégration;
  4. l’obligation que la gendarme Nolin présente des excuses par écrit à l’agente L. B. et au caporal Sébastien Parent (les avocats devront travailler en collaboration pour donner suite à cette obligation dans les meilleurs délais).

[134] L’une ou l’autre partie peut interjeter appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans les 14 jours suivant la signification de ma décision à la gendarme Nolin, conformément à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

19 janvier 2022

Josée Thibault

Comité de déontologie de la GRC

 

Date

 



[1] Paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC : « L’autorité disciplinaire ne peut convoquer une audience, relativement à une contravention au code de déontologie qui aurait été commise par un membre, plus d’un an après que la contravention et l’identité du membre visé ont été portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui tient ou fait tenir l’enquête. »

[2] Paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC : « Lorsqu’il apparaît à l’autorité disciplinaire d’un membre que celui-ci a contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie, elle tient ou fait tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention. »

[3] L’année 2020 est une année bissextile.

[4] F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41 [McDougall], paragr. 58.

[5] MacLeod c. Canada (Procureur général), 2013 CF 770 [MacLeod].

[6] F. H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41.

[7] Commandant de la Division K c. Gendarme Werboweski, 2019 DARD 06.

[8] R. c. Sault Ste. Marie, [1978] 2 RCS 1299 [Sault Ste. Marie].

[9] McDougall, paragr. 55.

[10] Commandant de la Division « K » c. Gendarme Greenlaw, 2019 DARD 22, p. 42; Sous-commissaire Curtis Zablock c. Gendarme Girard, 2020 DARD 30; Commandant de la Division « H » c. Gendarme MacGillivray, 2021 DARD 16.

[11] Recommandation du Comité externe d’examen de la GRC, CEE 2016 C-2015-001 (C-008).

[12] Recommandation du Comité externe d’examen de la GRC (1991) 6 A.D. (2d) 1 [Shauer].

[13] Décision du commissaire (1993) 12 A.D. (2nd) 182 [Robar].

[14] Shauer, supra note 12, p. 28.

[15] Shauer, supra note 12, p. 33.

[16] Dossier d’enquête, page 161.

[17] Dossier d’enquête, p. 134, lignes 635 à 638.

[18] Transcription, fichier Word daté du 29 novembre 2021, p. 40.

[19] Transcription, fichier Word daté du 29 novembre 2021, p. 114.

[20] Dossier d’enquête, p. 116.

[21] Nesbeth et Service de police de Windsor, 2015 ONCPC 23.

[22] Agent compétent de la Division « J » et Sergent d’état-major Robichaud, 2011 6 A.D. (4e) 233.

[23] Commandant de la Division « E » et Gendarme Xanthopoulos, 2019 DARD 05.

[24] R. c. McNeil, [2009] 1 RCS 66, 2009 CSC 3 (CanLII) [McNeil].

[25] Transcription, fichier Word daté du 1er décembre 2021, p. 60.

[26] Trites c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 1365, paragr. 23 (décision soumise par le représentant de la membre visée qui accompagnait la réponse de la gendarme Nolin à une question du Comité de déontologie en avril 2021).

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